You can be childlike without being childish.
A child always wants to have fun.
Ask yourself, 'Am I having fun?'

   @Maisie Moriarty   
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Service du soir, Molly déteste et ce pour plusieurs raisons. D’abord, elle est en train de manquer une super soirée, quelque part, dans Brisbane. C’est une évidence. Ensuite, le soir, ce sont surtout des couples qui viennent, des « dates » (imaginez-la le prononcer en vomissant presque le mot). Les couples, Molly elle ne les aime pas. Ils lui rappellent combien elle est seule, combien elle est incapable de s’attacher à qui que ce soit. Leurs petits bisous, leurs regards niais, leurs voix aigus quand ils échangent (c’est sa perception des choses, on est d’accord). Elle déteste. Ils l’agacent. Ils pourrissent son karma. Pour finir, qui dit service de soir dit fermeture et elle ne pourra pas freiner sur les tâches pour laisser le service suivant en prendre charge. Non, ça ne marche pas quand on ferme. Hélas ! car elle est douée dans ce domaine. Bon ne vous inquiétez pas, elle a d’autres techniques pour éviter de faire les tâches qui font chier comme aller faire un tour aux toilettes, ramasser les poubelles que ces enfoirés de clients sont incapables de prendre avec eux après une séance… D’ailleurs, c’est en train d’user et d’abuser de sa stratégie que l’on peut la retrouver. Elle s’est tout simplement planquée derrière le comptoir. Assise en tailleur près du comptoir, elle a un seau de pop-corn sucré entre les jambes tout en regardant un épisode de série sur son téléphone portable qu’elle a placé devant elle. Maline, elle n’est pas visible pour ceux et celles qui se trouvent de l’autre côté du comptoir. Ils pensent que personne n’est là. Elle entend même certains clients se plaindre que le comptoir n’est pas occupé : fallait y penser avant si tu voulais un seau de pop-corn ou une glace, bordel ! Elle roule des yeux quand elle les entend se plaindre, brandit même son majeur dans le vide à l’abri des regards. Elle a le sentiment de rendre un service à tout le monde : eux, ils économisent et ils apprennent une bonne leçon, ils font chier tout le monde quand ils se lèvent avant que le film ne démarre. Qui fait ça sérieusement ?

Bon sa technique prend rapidement fin quand elle voit la silhouette de Maisie apparaître derrière le comptoir. Restant dans cette position, Molly tourne la tête vers elle. Elle la fixe. Elle voit tout le dédain dans son regard et ça l’amuserait presque. Plongeant sa main dans le seau, elle ne la quitte pas des yeux quand elle vient mettre une poignée de pop-corn entre ses lèvres. Provocation de gamine ? Avec ces deux-là, rien de surprenant … Faites comme Molly, prenez-vous quelques sucreries, asseyez-vous confortablement et savourez le spectacle.

@MOLLY BIGGS & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹ Are we having fun yet? Endless hot takes, chaos'll reign, Guess we learned nothing from history's mistakes.

(c) alicemxkesthings & lomapacks.

(FORTITUDE VALLEY, TWELVE). « Ce serait possible d’être servi ?! » Le ton agacé du client me sort de ma concentration alors que je suis en train d’élaborer le planning de septembre à soumettre à Rosemary, assise dans la petite salle qui nous sert de lieu de pause et dont la porte a volontairement été laissée ouverte pour être disponible en cas de soucis. Dès le moment où j’ai vu qu’il n’y aurait que Molly et moi ce soir, j’ai su qu’il faudrait sans doute que je me mette à disposition – et non, ce n’est pas parce qu’elle va finir par s’enfermer dans sa cabine à un moment ou à un autre, mais parce qu’elle manque cruellement d’esprit d’équipe ou de conscience professionnelle. Je sais qu’elle sera sans doute plus occupée à faire de l’œil à un mec qui lui plaît – peu importe qu’il soit venu avec sa copine – qu’à servir les clients ; et qu’elle dira à l’un des mioches qui hurlent un peu trop dans le hall de se la fermer. Le cinéma n’a pas vraiment besoin de perdre plus de clients et même si je n’ai pas signé pour jouer au babysitter, je sais que je n’ai pas vraiment le choix quand il s’agit de Molly tant c’est une putain d’enfant. J’arrive pas vraiment à me raisonner la concernant, alors qu’on s’est jamais très bien entendues, elle et moi. J’ai soumis son nom à Rose que parce que Megan me demandait de le faire ; et j’aurais sans doute dû la rencontrer au préalable pour me faire une idée du spécimen. Ça m’aurait permis de trouver une excuse pour éviter qu’on se retrouve avec elle au Twelve ; parce qu’autant être claire : c’est pas un cadeau.

J’ai invité le spectateur à s’adresser à ma collègue ; il m’a rétorqué qu’elle n’était pas là et lorsque je me dépêche de sortir le nez de la pièce, ce n’est que pour découvrir un majeur qui se lève derrière le comptoir. Je me retiens de ne pas jurer pour ne pas faire définitivement fuir le client impatient, m’excusant un instant en lui promettant qu’il aura un sachet de pop-corn à nos frais pour nous excuser de désagrément, avant de prendre les devants et d’aller à la rencontre de Molly en passant de l’autre côté du comptoir. Mon regard la fixe, l’assassine alors que j’ai bon espoir qu’elle se mette au boulot, mais elle stagne là, à rester assise et à bouffer du pop-corn ; putain mais qu’est-ce qu’elle nous rendrait service à s’étouffer avec un grain de maïs. « Je te dérange pas ? » Que je finis par lui demander en venant me poser à côté d’elle, la dégageant volontairement à l’aide de mes jambes tandis que j’entreprends de servir le client mécontent, sourire forcé et rab de pop-corn en prime, avant de me retrouver seule avec l’incompétente qui me sert de collègue. « T’as pas du boulot ?! » Que j’insiste en m’appuyant contre le comptoir, ma jambe qui vient à nouveau pousser son genou pour la motiver à bouger d’ici. Si elle pouvait même prendre la porte de manière plus générale, je n’en serai que plus ravie.

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« Je te dérange pas ? » que lui demande Maisie en lui donnant un petit coup plus pour la forme que pour un effet productif quelconque. C’est ce qui amuse le plus Molly : voir les gens perdre leur sang-froid et arrêter d’être des saints. Elle désigne de son index son écran de téléphone et lève une épaule, l’air de dire : bien sûr que tu me déranges, ça se voit, non ? Maisie est une sainte. Elle est le genre de bonne femme qui aime faire bien les choses. Elle est polie. Elle est serviable. Elle est sociable. Elle est drôle. Et en plus de ça, elle n’est pas laide. Elle a tout ce qu’il faut pour que Molly ait envie de chercher et de trouver les petites fêlures et défaillances chez elle. Car, les gens comme Maisie pour les gens comme Molly, ça fait peur autant que ça énerve. Retournant toute son attention sur sa série, elle la laisse servir à cet abruti qui devrait s’acheter une montre son pop-corn et quand elle entend la voix mielleuse de Maisie en arrière-plan, elle en a la nausée. Elle fait partie de ceux qui nettoient même derrière les conneries des autres, derrière ses conneries à elle. Elle note cette information dans un coin de son esprit. « T’as pas du boulot ? » qu’elle demande en poussant de nouveau son genou, ce qui a cette fois le don d’agacer Molly. Elle soupire et marmonne un juron. « Putain » accompagne son mouvement et elle finit par se lever pour se retrouver debout, dans son stupide uniforme, devant la soit-disant boss. « Y’a pas un chat – tu veux que je fasse quoi ? Que je vérifie pour la cinquantième fois que la machine fonctionne, que je passe une serviette pour la cinquantième fois sur le comptoir … t’as jamais vu fight club ? tu sais pas que ça peut faire péter des câbles ce genre de trucs ? », qu’elle lui dit en exagérant légèrement en balançant la tête de droite à gauche quand elle mentionne les différentes tâches qu’elle doit réaliser et qui font partie de son boulot.

« J’fais rien de mal – je suis sage comme une image, Bossy Maisie » ajoute-t-elle en haussant les épaules. « Avoue qu’ils font chier ce genre de clients … ils font chier tout le monde. Ils pensent être super malins pour pas avoir fait la queue avant le film mais font chier toute une rangée, voire plusieurs, » elle lève son index, « quand ils se lèvent pendant les bandes annonces. Perso, je pense que tu devrais me donner une petite tape dans le dos en me félicitant de participer à l’éducation long-terme de notre clientèle. » Elle conclut sa phrase par un large sourire. Le genre de sourire qui n’annonce rien de bon, celui qui est l’équivalant d’un majeur brandi sous un nez, celui qui est l’équivalent d’un « fais pas chier » et peut-être « va te faire foutre » mais elle le garde ce foutu sourire en fixant Maisie. Et à cet instant, elle se demande si Maisie est en train de l’imaginer passer les mains autour de son cou pour l’étrangler. Ce serait drôle.

Mes jambes viennent heurter Molly sans me soucier du risque que je prends ; je ne doute pas qu’elle serait capable d’enfoncer ses ongles dans ma peau jusqu’à ce que je saigne, ou de me briser le genou avec un peu de volonté. J’en viens presque à le souhaiter pour qu’on ait une excuse en béton pour la foutre à la porte, parce qu’on ne peut pas dire que sa présence rende mes journées de travail plus agréables. Son attitude du jour en est la preuve, alors qu’elle ignore délibérément les clients, se cachant derrière le comptoir et semble même se vanter de son comportement quand elle désigne son téléphone. J’ai envie de le lui faire bouffer, de l’enfoncer dans sa gorge jusqu’à ce qu’elle étouffe ; et je suis sûre que j’y parviendrais puisqu’elle est réputée pour sa grande gueule, la Biggs. Débarrassée du client mécontent, je peux désormais reporter toute mon attention sur ma collègue, même si une petite voix dans ma tête me suggère de laisser tomber ; parce que rien de productif ne pourra sortir de cette probable confrontation alors que mon humeur est déjà massacrante. Ça ne me rend pas plus rationnelle pour autant, alors que je fais, une nouvelle fois, les présentations entre elle et mon genou. « Putain » Elle s’énerve et se lève ; et moi, j’affiche mon plus beau sourire hypocrite. « Y’a pas un chat – tu veux que je fasse quoi ? Que je vérifie pour la cinquantième fois que la machine fonctionne, que je passe une serviette pour la cinquantième fois sur le comptoir … t’as jamais vu fight club ? tu sais pas que ça peut faire péter des câbles ce genre de trucs ? » - « Libre à toi d’aller te faire exploser dans un immeuble quand tu veux. » Si vraiment c’est si insupportable que ça, hein. « Mais c’est drôle, j’ai cru voir un client qui attendait d’être servi. » Oh, dinguerie, je l’ai même servi. Pas un chat, hein, mon cul. « J’fais rien de mal – je suis sage comme une image, Bossy Maisie » - « Partant du principe que t’abandonnes ton poste, je dirais pas que t’es innocente, tu vois. » Je suis pas stupide, je sais bien qu’il y a des heures très creuses au cinéma, et je suis la première à traîner sur mon téléphone ou à m’occuper d’affaires privées pendant ce temps, mais je garde toujours un œil sur la salle – au lieu de glander derrière le comptoir et de jouer à la morte. « Avoue qu’ils font chier ce genre de clients … ils font chier tout le monde. Ils pensent être super malins pour pas avoir fait la queue avant le film mais font chier toute une rangée, voire plusieurs, quand ils se lèvent pendant les bandes annonces. Perso, je pense que tu devrais me donner une petite tape dans le dos en me félicitant de participer à l’éducation long-terme de notre clientèle. » - « Mais oui, bravo gentille Molly. » Et j’obéis, alors que je lui offre une tape dans le dos, sans me restreindre à adoucir le geste. Elle l’a demandé, elle l’a eu. « Sauf que ça, c’est pas mon problème, ni le tien. » Je suis pas partisane de l’adage selon lequel le client est roi, mais tant que le film n’a pas commencé – et considérant qu’on ne fait plus salle comble depuis longtemps – les spectateurs font bien ce qu’ils veulent. « Le cinéma a déjà assez de soucis comme ça sans que t’en rajoutes une couche en faisant déserter les quelques clients qui nous restent. » Oh, bien sûr que le succès du cinéma ne repose pas sur ses épaules, mais ça n’aide pas si le service ne suit pas ; on ne peut pas se permettre de perdre le moindre client. « Que t’aimes pas ton boulot, c’est pas mon problème, s’il t’emmerde tant que ça, t’as un super principe qui s’appelle ‘’démission’’. » Tu voudrais pas tester, Molly taupe ?

@Molly Biggs

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« Libre à toi d’aller te faire exploser dans un immeuble quand tu veux. » A cette réplique, elle affiche un sourire sincère. Allez savoir pourquoi ; dans son monde, les gens avec de bonnes références, ça lui donne un peu moins envie de les casser en deux. « Mais c’est drôle, j’ai cru voir un client qui attendait d’être servi. » Elle se hisse sur la pointe des pieds, paniquée, en train de regarder partout à la recherche de potentiels autres clients. Mais elle finit par retrouver le sol en plantant son regard vers Maisie, l’air blasé : « Tu vois, c’est parce que tu es trop douée, trop forte, la meilleure … toi, tu l’as remarqué le client. Moi, je suis un peu limitée, tu vois … » et elle fait une petite moue de gamine, s’insultant elle-même d’idiote. Oui, c’est comme ça. C’est son plan. Les gens ont tendance à être moins des connards quand ils se trouvent face à quelqu’un qui se dit idiot. Elle a appris ça avec le temps. Ça marche surtout avec la gent masculine par contre. Ils aiment bien expliquer, prendre en main les choses. Molly, pendant ce temps, elle roupille et se laisse expliquer comment les choses fonctionnent … tu parles ! elle écoute d’une demi-oreille en s’amusant de voir ces trous du cul étaler leur science. « Partant du principe que t’abandonnes ton poste, je dirais pas que t’es innocente, tu vois. »

« Avoue qu’ils font chier ce genre de clients … ils font chier tout le monde. Ils pensent être super malins pour pas avoir fait la queue avant le film mais font chier toute une rangée, voire plusieurs, quand ils se lèvent pendant les bandes annonces. Perso, je pense que tu devrais me donner une petite tape dans le dos en me félicitant de participer à l’éducation long-terme de notre clientèle. » « Mais oui, bravo gentille Molly. » Elle lui tapote le dos et Molly affiche un large sourire candide en direction de Maisie, qui doit en plus de son boulot doit se taper celui d’éducatrice auprès de Molly. Dream job. « Sauf que ça, c’est pas mon problème, ni le tien. » Pas convaincue, elle replonge sa main dans son seau de pop-corn pour en gober deux, trois. « Le cinéma a déjà assez de soucis comme ça sans que t’en rajoutes une couche en faisant déserter les quelques clients qui nous restent. Que t’aimes pas ton boulot, c’est pas mon problème, s’il t’emmerde tant que ça, t’as un super principe qui s’appelle ‘’démission’’. » « Hein ? Quoi ? Mais, je l’aime bien mon boulot, moi ! », qu’elle réplique sur un ton outré, vexé même. Elle aime bien ne pas avoir grand-chose à faire, pouvoir suivre ses séries et être toujours à jour. Elle aime bien en plus pouvoir se faire quelques pauses sucreries. Elle aime son boulot … après … est-ce qu’elle est faite pour ce boulot, c’est une autre question. « T’en as pas marre d’être perpétuellement de mauvaise humeur ? Il t’arrive de pas stresser, de pas t’énerver, de pas angoisser … genre pendant au moins cinq minutes ? Tu vas crever d’un ulcère si tu continues, Maisie et ça me ferait chier de devoir organiser un goûter ici pour dire combien tu tenais à ce petit cinéma et à ton boulot … », et elle lève les yeux comme si c’était pathétique.

Le sourire de Molly me rend perplexe ; je n’ai pas l’habitude de voir ses lèvres s’étirer et c’est une vision qui est quelque peu... perturbante. Je savais même pas qu’elle était capable d’avoir des émotions positives, cette fille, tant elle semble constamment prête à foutre le feu au reste du monde. Je lui laisse pas voir que cette vision est digne d’un cauchemar tant elle me rend confuse, car de toute façon il y a bien plus important à aborder ; comme son évident manque de conscience professionnelle. Je retrouve la Molly que je connais quand elle surjoue sa panique à la recherche du moindre client, avant de reporter son attention sur moi : « Tu vois, c’est parce que tu es trop douée, trop forte, la meilleure … toi, tu l’as remarqué le client. Moi, je suis un peu limitée, tu vois … » Dans d’autres circonstances, j’aurais souligné qu’elle l’était, oui, que je n’ai pas besoin qu’elle me le confirme pour le savoir. Mais depuis que je fréquente Sam, et que je sais que des connards ont utilisé ce terme à son égard, je sais à quel point ce terme peut être utilisé comme une insulte et je refuse d’en faire usage. « C’est ta conscience professionnelle qui est limitée, pas le reste. » Putain. Ça ressemble presque à un compliment et je soupire, avant de continuer ce dialogue de sourds. Car il s’agit bien de ça, alors que Molly ne semble pas comprendre le problème dans son attitude. Il y a encore deux secondes, elle se cachait derrière le comptoir, et elle pense réellement que je m’agace pour rien ? Je sais bien que je peux réagir un peu trop vite, un peu trop fort, mais c’est parce que je prends les choses à cœur, contrairement à elle.

Lorsqu’elle me sort son monologue pour que je la félicite d’avoir traité le client de cette façon, ma tape sur son épaule est aussi forte que je le peux lui l’offrir, traduisant de ma patience qui arrive déjà à bout. Et elle continue de gober ses pop-corn alors que je rêve qu’elle s’étouffe avec, bon sang. « Hein ? Quoi ? Mais, je l’aime bien mon boulot, moi ! » - « C’est pour ça que tu te planques derrière le comptoir pour ton petit plaisir personnel au lieu d’aider ton équipe à ne pas perdre leurs emplois ? » Genre, en évitant de faire fuir le client, à tout hasard. « T’en as pas marre d’être perpétuellement de mauvaise humeur ? Il t’arrive de pas stresser, de pas t’énerver, de pas angoisser … genre pendant au moins cinq minutes ? Tu vas crever d’un ulcère si tu continues, Maisie et ça me ferait chier de devoir organiser un goûter ici pour dire combien tu tenais à ce petit cinéma et à ton boulot … » Ma mâchoire se crispe. J’aimerais qu’elle se la ferme, et un instant j’hésite à lui souligner, avec cynisme, que j’ai déjà un arrêt cardiaque à mon actif et que je suis certaine que je peux réitérer l’expérience sans séquelles. Je m’abstiens, parce que ça la regarde pas autant qu’elle va jouer là-dessus et que c’est un élément que je ne veux pas qu’elle ait en possession. « La seule chose susceptible de me donner un ulcère, c’est toi. » On va pas se mentir, hein. « Et je peux être de très bonne humeur, quand mes collègues se respectent les uns les autres et, surtout, respectent cet endroit. » Ce qui n’a pas l’air d’être son cas. « Mais t’as presque raison. Tu devras pas organiser ma veillée funéraire, mais je tiens à cet endroit. » C’est un secret pour personne, je m’implique sans doute trop, mais, pendant longtemps, ce cinéma est tout ce que j’avais. « Et j’aimerais bien que ce soit ton cas, aussi. » Je peux toujours rêver, je pense.

@Molly Biggs

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« C’est pour ça que tu te planques derrière le comptoir pour ton petit plaisir personnel au lieu d’aider ton équipe à ne pas perdre leurs emplois ? » Molly passe souvent pour une gamine immature. Elle est le genre de personne à prendre des décisions sur un coup de tête – la majeure partie du temps, ces décisions sont également des idées abruties. Elle est le genre de personne à gérer sa vie comme une adolescente de douze ans gère son agenda acheté pour la récréation : plus de place pour écrire les devoirs car il y a trop d’autocollants collés sur les pages. Elle ne pense pas à demain. Pas par fainéantise, mais pas peur. Demain lui faire peur car elle ne sait pas ce dont sera fait demain et la vie lui a appris une chose : les choses empirent toujours. Alors si aujourd’hui est pourrie, mieux ne vaut pas s’imaginer demain. Alors, sa solution est de continuer à prétendre être une idiote puérile : ça aide à ne pas se confronter aux vrais problèmes. Oui, elle a conscience de la situation du cinéma. Oui, elle sait qu’ils ne roulent pas sur l’or. Mais, elle ne veut pas ajouter le cinéma à la liste de ses problèmes personnels. Elle fait même des heures supplémentaires non payées quand il le faut et ne demande pas un remerciement pour ça … au pire, elle se sert un peu de pop corn en guise de merci. Maisie dramatise. Encore et toujours. Molly roule même des yeux. « T’aimes vraiment les mélodrames bordel pour dire ce genre de conneries », réplique-t-elle d’une voix moqueuse en étouffant un éclat de rire. Molly préfère prétendre qu’elle a tort en parlant de la situation critique de leurs emplois. C’est sa technique pour gérer les problèmes et elle vous emmerde !

« La seule chose susceptible de me donner un ulcère, c’est toi. » La main posée sur le cœur, elle lui affiche une tête de chat potté en soufflant un « awww » attendri, car elle prend ça vraiment pour un compliment. Ça veut dire qu’elle a un impact sur la vie de Maisie … même si c’est causer son décès. Ce serait une première ; un truc à ajouter à son cv. « Et je peux être de très bonne humeur, » Molly étouffe un rire, « quand mes collègues se respectent les uns les autres et, surtout, respectant cet endroit. » « bien sûr mère thérèsa », marmonne-t-elle tout en s’appuyant sur le comptoir. « Mais t’as presque raison. Tu devras pas organiser ma veillée funéraire, mais je tiens à cet endroit. Et j’aimerais bien que ce soit ton cas, aussi. » Molly lève un sourcil, surprise (ou presque). « Tu sais que rien ne me pousse à laisser toute mon énergie dans cet endroit, tu le sais, rassure-moi ?! C’est qu’un taff, Maisie. Juste un taff. Je compte pas crever à la tâche ici – si c’est ton but dans la vie, soit ! Have fun ! Mais arrête de venir jouer à la bonne conscience sur mon épaule, ça casse les couilles … désolée d’être aussi franche et honnête, mais vraiment, tu me les brises là à jouer à la chef scout » Et elle soupire en se tournant vers l’autre côté à la recherche d’une connerie à faire, une issue de secours.

Contrairement à ce qu’elle a l’air de croire, Molly ne m’apprend rien quant au fait que je peux être un peu rigide et carrément désagréable. J’ai jamais prétendu le contraire, on m’a souvent cataloguée comme étant froide et arrogante et s’il y a un tel consensus, c’est qu’il y a probablement une part de vrai. Même Angus a pu en faire les frais, et encore, il peut se vanter de faire partie des personnes que j’apprécie. Pour Molly, c’est différent – je n’ai jamais autant regretté de rendre service à quelqu’un en acceptant la demande de Megan de la présenter à ma patronne. Si j’avais su, je me serais bien gardée de le faire et elle me prouve un peu plus chaque jour que la générosité, c’est vraiment un concept à la con et que j’ai toutes les raisons de m’en abstenir. Je peux comprendre que Molly ne se sente pas autant impliquée que d’autres concernant le Twelve ; elle est la dernière arrivée, elle n’a pas dû supporter les difficultés financières que nous avons traversées il y a deux ans, ni l’anxiété à l’idée de venir travailler sans avoir la certitude qu’elle ne serait pas renvoyée ce même jour, ni si elle allait effectivement toucher son salaire à la fin du mois. Elle n’a pas passé des heures à brainstormer pour tenter de trouver des événements qui attireraient les clients, pas plus qu’elle ne s’est arrachée les cheveux en faisant la comptabilité et n’a pas dû se montrer plus maligne que jamais pour faire le maximum d’économies. Non, tout ça, elle ne l’a pas vécu et probablement qu’elle n’a pas le même rapport au Twelve que Rose ou moi, mais cela ne devrait pas l’empêcher de faire son travail correctement. « T’aimes vraiment les mélodrames bordel pour dire ce genre de conneries » - « Non, mon délire c’est plus les films inspirés de faits réels. » Et c’est très exactement ce dont il s’agit, qu’elle le veuille ou non.

La vérité, c’est que je m’en fous de la manière dont elle s’occupe quand nous n’avons pas de clients. Elle pourrait se faire une manucure ou composer sa liste de courses que ça me passerait bien au-dessus de la tête. Mon souci, c’est quand elle se planque de la sorte alors qu’il y a un client qui attend après nous, et qu’elle ne saisit pas dans quelle mesure son comportement est problématique. Trop rigide, sans doute, même si à mes yeux c’est la base de toute conscience professionnelle. « awww » Je roule des yeux quand elle se félicite d’être la cause de ma probable crise cardiaque et je me contente de me faire, agacée et conscience que je suis à deux doigts de perdre patience, rendant mes paroles bien plus agressives que je ne le souhaite en réalité. « bien sûr mère thérèsa » Cette fois, ma mâchoire se crispe et je me retiens de l’insulter, refusant de lui donner ce plaisir. Je la connais, à force, et je sais que c’est probablement tout ce qu’elle attend. « Tu sais que rien ne me pousse à laisser toute mon énergie dans cet endroit, tu le sais, rassure-moi ?! C’est qu’un taff, Maisie. Juste un taff. Je compte pas crever à la tâche ici – si c’est ton but dans la vie, soit ! Have fun ! Mais arrête de venir jouer à la bonne conscience sur mon épaule, ça casse les couilles … désolée d’être aussi franche et honnête, mais vraiment, tu me les brises là à jouer à la chef scout » - « Oh, tu me fais si mal. » Je dis, portant ma main à mon cœur dans un geste qui imite le sien, quelques secondes plus tôt. « Tant qu’à faire, si tu veux que je sois ‘franche’ et ‘honnête’ moi aussi, c’est bon, Molly, on a compris que t’avais des couilles plus grosses que les mecs qui bossent ici, que tu savais gueuler haut et fort parce que t’es trop rebelle et que tu détestes le monde entier, c’est bon, on te subit au quotidien, on le sait. » J’insiste sur ce mot, exaspérée par sa manière de suréagir à chaque occasion. « C’est qu’un taf, ouais, et je te demande pas de te crever à la tâche, non. Je t’ai pas demandé de récurer les plinthes avec une brosse à dents ou de brosser les sièges jusqu’à ce qu’ils retrouvent leur couleur d’origine. » Je débute, le ton de ma voix qui – étonnement – devient plus calme à mesure qu’elle m’a fatiguée au point où je ne ressens plus rien pour elle, pas même d’émotions négatives. « Je te demande d’être à ton poste durant tes heures de travail, et pas planquée par terre ou dans je ne sais quel placard. C’est la base de ton boulot, merde, tu te pointes, et tu restes dispo jusqu’à ce que ce soit plus l’heure. » Je soupire, fermant les yeux un instant en passant mon doigt sur l’arête de mon nez. « Ça fait des mois que t’es là, Molly. Il serait peut-être temps d’arrêter de nous envoyer chier à la moindre occasion et d’ouvrir un dictionnaire pour  comprendre le sens du travail d’équipe. » Elle est insupportable et qu’elle compte pas sur moi pour commencer à énumérer des qualités qu’elle possède – j’en vois pas – mais pour autant, elle est là, on se fait à son caractère de merde, alors qu’elle se fasse à nous, aussi, depuis le temps.

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« Oh, tu me fais si mal. » Molly la toise, un sourcil arqué. Un instant, elle se demande si elle essaie d’être drôle ou de l’effrayer ou un peu des deux. « Tant qu’à faire, si tu veux que je sois ‘franche’ et ‘honnête’ moi aussi, c’est bon, Molly, on a compris que t’avais des couilles plus grosses que les mecs qui bossent ici, que tu savais gueuler haut et fort parce que t’es trop rebelle et que tu détestes le monde entier, c’est bon, on te subit au quotidien, on le sait. » Comme une enfant qui se fait gronder par un parent qui utilise soudainement de la vulgarité, elle glousse et se redresse en acquiesçant d’un signe de tête quand il est question de sa paire de couilles. Oui, elle a une sacrée grosse paire et elle l’aime. C’est son père qui lui a appris à dire ce qu’elle pense, ou plutôt à hurler ce qu’elle pense même si elle pense de la merde, même si elle devrait se la fermer. Pas la meilleure des éducations, on est d’accord sur ce point. Elle acquiesce les propos, chaque mot prononcé par Maisie. Au moins, elle a compris le message. C’est déjà bien. « C’est qu’un taf, ouais, et je te demande te de crever à la tâche, non. je t’ai pas demandé de récurer les plinthes avec une brosse à dents ou de brosser les sièges jusqu’à ce qu’ils retrouvent leur couleur d’origine. » Elle ne s’énerve pas, elle la voit avoir un ton las et fatigué et ça a le don d’amuser la brune qui croise les doigts et retient un sourire amusé. Faire sortir les gens de leurs gonds, c’est son hobby préféré et encore plus quand il s’agit de Maisie. « Je te demande d’être à ton poste durant tes heures de travail, et pas planquée par terre ou dans je ne sais quel placard. C’est la base de ton boulot, merde, tu te pointes, et tu restes dispo jusqu’à ce que ce soit plus l’heure. Ça fait des mois que t’es là, Molly, il serait peut-être temps d’arrêter de nous envoyer chier à la moindre occasion et d’ouvrir un dictionnaire pour comprendre le sens du travail d’équipe. »

« OK », finit-elle par dire en haussant les épaules. Juste OK. Après le monologue ô combien raisonnable et mesuré de Maisie, elle ne trouve rien de mieux à lui répondre qu’un OK. C’est du Molly tout craché et vous comprenez mieux pourquoi elle se prend parfois quelques claques à la volée en soirée. Une tête à claques. « OK, j’ai compris, tu peux y aller … je suis là au cas où un de ces blaireaux veut se payer une glace en milieu du film … » et elle glisse son téléphone dans la poche de son jean. « Tu peux te détendre maintenant … j’ai dis OK. OK ? » Et elle conclut par un large sourire qui aurait presque l’air sincère.

Tant mieux si je lui les brise, dans un sens j’ai peut-être espoir que je finirai par l’épuiser autant qu’elle m’épuise, et qu’on trouve un terrain d’entente. Je serai moins chiante le jour où elle sera plus professionnelle, mais, franchement, je peine à voir un univers où l’on arriverait à trouver un compromis, toutes les deux. Il faut faire avec la présence l’une de l’autre, et j’ai plus vraiment grand-chose à perdre à lui dire ce que je pense. Pas que j’aie attendu pour ça (tout comme elle ne l’a pas fait de son côté), mais si je peux reconnaître que je suis sûrement trop investie de mon côté, je compte pas lui laisser croire que le problème ne vient que de moi. Je crois que je suis fatiguée à un point où même ma colère envers elle n’est pas infinie ; preuve en est : je suis las. Le message est clair, Molly, t’es une sale gosse qui est en guerre avec le reste de l’univers. Sauf qu’ici, c’est la vraie vie, et pas un putain d’épisode de teen show, et un tel comportement ne lui attire pas les louanges de toute une communauté qui se retrouve en elle. Non, ici, elle a juste l’air insupportable et il serait grand-temps qu’elle le réalise. Parce que si elle déteste le monde entier, Molly, c’est quand même auprès de nous qu’elle passe une partie de notre temps et qu’on se le dise ; c’est pas toujours facile à supporter. Et j’ai beau être las, je ne peux pas nier être surprise par le semblant de … docilité ? Dont fait preuve Molly en restant silencieuse. À tout moment, je m’attends à ce qu’elle me coupe la parole pour me prouver que j’ai tort ou, mieux encore, m’insulter, voire même me sauter à la gorge parce que je l’ai atteinte d’une quelconque façon – quoique, ce serait l’hôpital qui se fout de la charité vu les mots qu’elle peut avoir envers nous. Mais non, rien. Molly ne bouge pas et finalement, c’est sans doute plus angoissant que le fait qu’elle l’ouvre constamment. « OK » Ok ? Je fronce les sourcils. Jamais elle ne s’est contentée d’un mot pour clôturer une conversation. Non, en général, il y a au moins quelques popcorns qui volent ou une porte qui claque. Mais certainement pas deux lettres qui sont dites d’un ton presque calme. « OK, j’ai compris, tu peux y aller … je suis là au cas où un de ces blaireaux veut se payer une glace en milieu du film … » Et elle range même son téléphone dans une poche, alors même que je lui ai expliqué qu’elle en faisait ce qu’elle veut, du moment qu’elle reste attentive. J’ai de la peine à croire ce que je vois. Est-ce que Molly serait… raisonnable ? Je reste sur mes gardes, je suis persuadée qu’il va y avoir un retournement de situation pour me faire regretter de lui avoir balancé ce que je pense. « Tu peux te détendre maintenant … j’ai dis OK. OK ? » Et elle me sourit. Je sais pas si j’ai vu un jour son sourire, ni même ses dents, et ça me déstabilise suffisamment pour que je reste là, comme une idiote, incapable de faire le moindre mouvement ou de produire le moindre son pendant de longues secondes – et peut-être même qu’une minute passe. « Ok. » Je finis par dire, toujours méfiante, mais désirant lui accorder le bénéfice du doute. Je pense que je ne serai pas sereine jusqu’à ce que je quitte les lieux, et peut-être même encore le lendemain. Quoi qu’il en soit, si elle décide d’être sincère, je ne veux pas qu’elle s’imagine que je m’en fiche de son effort, raison pour laquelle alors que j’ai déjà repris le chemin du bureau de Rose, je me tourne vers elle. « Euh, Molly ? » Je l’interpelle un instant, hésitant un instant quant au mot qui s’apprête à franchir la barrière de mes lèvres, peu habituée à lui l’adresser : « Merci. » Je l’ai dit, on est pas là pour l’emmerder ni lui causer du tort ; alors j’essaie de faire de mon mieux pour lui le faire comprendre quand elle fait un pas en notre direction.

@Molly Biggs