Vice et Versa #6

   @Jackson Mills   ft. Marley Lynch

Au son de son bipeur, Marley se crispa. Son sommeil qu'elle pensait profond ne l'était pas tant que ça puisqu'il lui suffit de deux bips pour qu'elle se réveille. Elle tendit le bras, sentant Jackson bouger à ses côtés et tenter de faire de même. Son regard se posa sur l'objet et elle sentit un frisson d'angoisse glisser le long de sa colonne vertébrale. Le code d'urgence affiché, elle le connaissait et elle avait prié pour ne jamais avoir à le lire. Alors qu'elle allait se redresser pour sortir du lit, le sprinteur à ses côtés enroula son bras autour de sa taille : « Reste. » La métisse se pinça les lèvres, sachant pertinemment ce qui l'attendait face à son refus d’obéir à la demande de son compagnon. Ses doigts glissèrent avec tendresse le long de son dos alors qu'elle murmurait : « J'peux pas. J'reviens vite, tu te rendras même pas compte que je suis partie. » Elle mentait, elle le savait mais elle ne pouvait pas lui dire qu'elle risquait d'être occupée pour le reste de la nuit et sans doute pour la journée qui allait suivre. Elle parvint à s'extirper de cette étreinte et fila en direction de la salle de bain. Le regard dans le vide, la jeune femme s'activait pour ne pas perdre une seule seconde. Elle n'avait pas le temps de prendre une douche, se passer un coup d'eau sur le visage suffirait. Son cœur battait plus vite que d'ordinaire alors que tous les scénarios possibles et envisageables défilaient dans sa tête. Alors que ses neurones s'activaient déjà quant à la stratégie la plus efficace à adopter, son regard glissa jusqu'au miroir où elle aperçut dans l'angle de la porte Jackson, bras croisé sous la poitrine. Marley ne dit rien, continua de se brosser les dents souhaitant quitter au plus vite la villa. Ses collègues avaient besoin d'elle et elle savait que la conversation que son petit ami allait ouvrir n'allait rien avoir de plaisante.

Cela faisait cinq ans qu'ils étaient ensemble, trois qu'ils vivaient sous le même toit. Leur  relation était passionnelle, aussi explosive qu'elle pouvait l'être en accord avec leurs deux caractères se rapprochant plus de la flamme que de la glace. Dès le premier jour elle avait su qu'elle vivrait quelque chose avec ce jeune homme. Elle qui avait toujours refusé de se lancer dans une relation sérieuse – préférant sa carrière à tout le reste – avait dû revoir ses plans lorsqu'elle s'était rendue compte qu'elle était follement tombée amoureuse du sportif. Tout était allé très vite entre eux et malgré leurs divergences d'opinion sur certains points – et pas des moindres – ils arrivaient la plupart du temps à s'aimer sans s’entre tuer. Cette nuit pourtant, quelque chose de différent brillait dans la rétine de Jackson. Marley le voyait parfaitement. En plus de la colère qu'il ressentait, la jeune femme y lisait de la rancoeur. « J’comprends pas. » La brune continua de se brosser les dents, sentant son ventre se contracter. Il ne comprenait pas qu'elle soit obligée de partir travailler ? « À quel moment on vit ensemble si même 6 heures de sommeil ne sont pas un argument suffisant pour dissuader ces charognes de te réquisitionner ? » La main de Marley stoppa son geste alors qu'elle plantait son regard dans le sien à travers le miroir. Elle avait mal entendu non ? Elle savait l'aversion que Jackson éprouvait envers les membres des forces de l'ordre mais de là à les nommer ainsi devant elle, il y avait un monde. Elle aurait très bien pu se dire que c'était la fatigue et l'heure qui faisaient parler ainsi son amant, mais elle savait que ce n'était pas le cas. Lentement elle cracha ce qu'elle avait dans la bouche dans le lavabo, se rinça la gorge et toujours dos tourné à Jax mais son regard planté dans le sien, elle murmura entre ses dents : « Ces charognes ? ». C'était donc ainsi qu'il la voyait ? Lentement elle se retourna et s'approcha de son petit ami. A son tour d'être en colère et déçue, à son tour de sentir ses nerfs lâcher. « Ravie d'enfin avoir ton opinion me concernant. » Elle aussi était flic, elle aussi était donc une charogne. Elle croisa à son tour les bras sous sa poitrine et les sourcils froncés poursuivit : « Tu crois que ça m'amuse de me lever à 3h du mat' ? Tu crois pas que je préférerais rester avec toi ? » Sa voix tremblait quelque peu, non pas qu'elle allait pleurer, Marley ne pleurait pas, ou très peu. Elle tentait simplement de contenir sa colère afin de ne pas dire des choses qu'elle pourrait par la suite regretter. Elle savait que Jackson avait fait beaucoup de choses pour eux, qu'il avait fait de leur couple une priorité, elle en était ravie, mais elle ne lui avait rien demandé. Durant de longues semaines elle n'avait pas pu le voir, elle l'avait laissé se préparer pour ses divers championnats, elle avait râlé bien sûr mais elle l'avait laissé faire.  Lorsqu'il avait battu le record du monde, elle était là, dans les gradins, présente à ses côtés, elle avait fait en sorte de ne louper aucun grand événement de sa carrière quand bien même elle avait dû mettre la sienne de côté. Et là, à trois heures du matin, ils se retrouvaient face à face dans la salle de bain prêt à se sauter à la gorge. Amèrement elle sortit son portable de sa poche et le lui tendit : « Vas-y appelle-les. Dis-leur que je ne peux pas venir parce qu'ils appellent dans notre créneau de six heures... » Elle secoua le portable sous son nez et acheva : « Dis-leur de se débrouiller sans moi avec l'enlèvement de cet enfant » Le glas était tombé. Si Marley partait au beau milieu de la nuit, ce n'était pas pour rien. Ce code qu'elle avait toujours craint de voir apparaître sur son bipeur était sans doute le pire qui soit, et cette nuit, c'était celui-ci qu'elle avait lu.   

made by black arrow

Vice et Versa #6

   @Jackson Mills   ft. Marley Lynch

Plantée devant Jackson, Marley ne cillait pas. Son regard planté dans le sien respirait la colère et la déception. Sa main était toujours tendue devant lui, son portable posé dans sa paume. Elle attendait. Qu'il ose le prendre, qu'il le fasse. La policière n'arrivait pas à croire ce qui se jouait dans cette salle de bain. Elle avait l'impression d'assister à une mauvaise pièce de théâtre. Elle était si déçue qu'il réagisse de la sorte. Elle pouvait entendre qu'il soit agacé, qu'il soit triste de la voir partir, mais aujourd'hui ce n'était pas ça. Elle voyait bien que ce qu'il lui reprochait ne portait pas seulement sur ce réveil beaucoup trop matinal, il y avait plus. La colère ressentie par Jackson était quelque chose qu'il avait enfoui depuis des semaines, sans doute des mois. Avec son parfait sens du timing, il avait fallu qu'il explose maintenant, au moment où elle n'avait pas une seule seconde à elle. Elle n'avait pas le temps de lui expliquer ce qu'il était déjà sensé savoir. Elle aimait son métier. Elle aimait se sentir utile, aider et protéger. C'était pour cela qu'elle s'était lancée dans cette voie, pour faire le bien autour d'elle, pour se battre un peu plus pour les droits des femmes, de tous ceux qui n'étaient pas blancs, pour s'assurer que justice soit rendue et qu'elle soit toujours juste et équitable. Oh bien sûr elle aurait pu arrêter lorsqu'il le lui avait demandé, mais alors quoi ? Qu'aurait-elle fait ? Flic, c'était l'essence de ce qu'elle était, si on le lui retirait, Marley savait qu'elle ne serait plus que l'ombre d'elle-même. « Tu crois que retrouver celui-là empêchera qu'un autre disparaisse demain ? » Le cœur de Marley loupa un battement tandis que choquée par les propos tenus elle faisait un pas en arrière. Ses sourcils se froncèrent d'incompréhension. Qui était cet homme qui lui faisait face ? Elle ne le reconnaissait plus. Comment pouvait-il tenir de tels propos, c'était à n'y plus rien comprendre. Elle rangea son portable dans sa poche et murmura : « Tu t'entends ? » Alors quoi ? Parce qu'il y aurait toujours des criminels et des drames il fallait baisser les bras ? C'était peut-être la façon de penser de Jackson mais certainement pas la sienne. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine alors que son cerveau tentait d'assimiler pleinement les paroles du garçon. Peut-être était-elle si fatiguée qu'elle avait mal interprété ses propos... Non, elle avait beau cherché une quelconque marque de maladresse dans son regard, il n'y en avait aucune.

Un combat de regards débuta alors, aucun ne semblant vouloir céder ne serait-ce qu'un centimètre à l'autre. Leur fierté les perdrait, son père le lui avait toujours dit. La première fois que Keith avait rencontré Jackson il avait été agréablement surpris par sa bonne éducation, par la façon dont il traitait sa fille. Il avait toujours apprécié voir son « gendre préféré » comme il aimait l'appeler. Pourtant il avait toujours mis en garde Marley. Si aucun des deux n'acceptait de mettre de l'eau dans son vin, leur relation serait vouée à l'échec. Elle avait ri lorsqu'il lui avait prédit un avenir si funèbre mais ce matin, dans cette salle de bain, elle ne riait plus. Elle avait beau l'aimer du plus profond de ses tripes ce qui venait de se produire n'était pas quelque chose qu'elle pouvait accepter. Elle avait fermé les yeux sur son aversion pour la police, avait fait en sorte de séparer les deux, de respecter cet avis catégorique mais cette fois-ci elle n'y parvenait plus. Contre toute attente il se décala pour la laisser sortir en maugréant un « Bonne chance » tout sauf sincère. Les lèvres pincées, les yeux plissés Marley attendait une autre réaction de sa part qui ne vint pas. Ne perdant pas une seule seconde de plus, elle passa à ses côtés et ne put s'empêcher de balancer au passage : « Tu diras ça aussi si un jour ça arrive à nos enfants ? » et elle poursuivit son chemin jusqu'à la cuisine. Elle avait en tout et pour tout dix minutes grand maximum devant elle. Les nerfs tendus, tous ses gestes étaient brusques. Elle sortit une tasse, fit claquer une porte de placard au passage et glissa le récipient sous la machine à café. Elle appuya sur le bouton et fonça dans la chambre enfiler ses vêtements. Alors qu'elle avait déjà enfilé son pantalon et qu'elle commençait à mettre son gilet par balle, elle entendit Jackson non loin d'elle. Elle sentit une boule se former dans le creux de son estomac mais ne dit rien. Si elle parlait cela allait envenimer encore plus les choses – si c'était possible – et malgré sa colère, Marley ne le souhaitait pas. Elle lui en voulait d'avoir réagi ainsi et de l'avoir poussée dans ses retranchements. Il fallait absolument qu'elle fasse abstraction de tout cela sinon elle risquait d'y penser une fois sur le terrain et ce n'était vraiment pas bon. Elle serra avec dureté son gilet autour d'elle et se retourna pour lui faire face, sa chemise à la main.  

made by black arrow

Vice et Versa #6

   @Jackson Mills   ft. Marley Lynch

Alors qu'elle s'acharnait à nouer son gilet par balle, elle le vit entrer, la contourner et se diriger droit vers sa penderie. Elle n'avait pas besoin de lui demander ce qu'il comptait faire. Elle le savait. Il allait courir. Parce que c'était sa façon de faire. Dès qu'il était contrarié, stressé, blessé, il enfilait son short et ses baskets et il partait. Qu'importe l'heure ou la météo, Jackson courait, encore et toujours. La métisse faisait en sorte de ne pas le regarder, de ne pas s'attarder sur son corps, sur ses muscles tendus, sur ses mains qui s’affairaient sur ses lacets. Elle détestait lorsqu'il paraît courir au milieu de la nuit, anxieuse à l'idée qu'un accident lui arrive pourtant elle ne disait jamais rien. Elle savait que le mettre en garde ne servirait à rien tout comme cela était inutile qu'il lui demande de rester alors qu'on avait besoin d'elle ailleurs. Une fois son gilet fixé, elle releva la tête et croisa le regard de Jackson posté de l'autre côté du lit. L'échange fut long et silencieux, aucun des deux ne désirant rompre ce silence de peur de blesser un peu plus l'autre ou d'envenimer davantage la situation. Si Marley ne l'admettait pas, elle avait besoin de lui. Elle avait besoin de savoir qu'en rentrant il serait là, qu'elle pourrait se blottir dans ses bras, fourrer sa tête dans son cou. Partir pour une mission après une dispute était ce qu'elle détestait le plus. Elle avait besoin d'un signe, d'un geste, d'un mot, au contraire elle n'obtint rien de tout cela. Il la contourna à nouveau, quitta la chambre puis la villa dont la porte venait de se refermer sur ses pas. Lynch était statufiée, médusée par cette nuit qui lui échappait totalement. Elle secoua la tête, enfila sa chemise et se précipita dans la cuisine où elle but en quelques secondes son café. Elle allait être en retard si elle continuait à s’appesantir sur sa vie personnelle et amoureuse qui était juste catastrophique.


Lorsqu'elle arriva devant le domicile de la victime, Marley sentit un frisson parcourir son échine. Les rubans de sécurité dressés tout autour de la bâtisse ne semblaient pas suffisants pour retenir les habitants du quartier qui s'étaient tous agglutinés autour. Jibril, c'était le nom du petit garçon enlevé. 5 ans. Le dernier d'une fratrie de cinq enfants. Le parallèle avec sa propre famille bouleversa Marley qui tenta de cacher son trouble. Elle s'approcha de son supérieur qui lui raconta les faits du moins ce qu'il en savait. L'histoire était étrange, ne tenait pas debout, il y avait des incohérences dans ce que la famille racontait, dans le déroulé de la nuit. Il fallait tirer le vrai du faux, déterminer qui mentait ou qui était trop bouleversé pour se souvenir avec exactitude de ce qui s'était passé. Lynch était investie comme toujours mais quelque chose tournait en boucle dans sa tête. Sa dispute avec Jackson lui avait fait plus de mal que les autres. Quelque chose semblait s'être brisé dans cette salle de bain. Instinctivement son regard descendit le long de son bras, fixa le bracelet qu'il lui avait offert à la fête foraine des années auparavant. Cette breloque, elle l'avait toujours gardée, incapable de l'enlever, bien trop accrochée à ce souvenir heureux. On l'appela plusieurs fois, ce ne fut qu'à la troisième fois qu'elle reconnecta avec la réalité. Elle chassa ses pensées noires, se concentra sur cette affaire nauséabonde. On la conduisit jusqu'aux parents et dès qu'elle les aperçut Marley sentit ses antennes de détective s'agiter. Plus rien ne serait laissé au hasard de son côté. Face à elle se trouvait un père effondré qui avait du mal à tenir debout tellement son corps était secoué de soubresauts. Sa femme quant à elle, semblait plus distante. Les yeux rougis par les larmes elle ne parlait pas. Sans doute était-elle encore en état de choc. Marley observa longuement, posa des questions, analysa les réponses et inscrivit le tout sur son petit carnet.


Il était aux environs de 23heures lorsque son supérieur lui ordonna de rentrer chez elle pour se reposer. Marley eut beau protester, avancer divers arguments afin qu'il accepte qu'elle reste cela fut un échec cuisant. Elle avait besoin de repos et si elle ne dormait pas un peu elle ne le serait d'aucune utilité pour la suite de l'enquête. Jibril était toujours aux abonnés absents, ils avaient eu beau chercher, fouiller, interroger, aucune piste claire ne se dessinait. Ce fut donc frustrée et en colère que la métisse rebroussa chemin pour rentrer chez elle. Lorsqu'elle poussa la porte de l'appartement, elle entendit un bruit provenant de la salle de bain. Elle ferma les yeux, inspira profondément. Elle n'avait absolument pas l'énergie pour se disputer ou se battre avec Jackson. Elle posa ses affaires dans l'entrée et se dirigea jusque dans leur chambre. Rapidement elle se dévêtit, enleva son uniforme, ses protections. L'espace de quelques secondes elle envisagea d'aller se coucher sans passer par la case douche. Elle se ravisa néanmoins, incapable de se glisser sous les draps avec la sensation de crasse qui lui collait à la peau.

Lorsqu'elle arriva vers la salle de bain, elle vit Jackson de dos, toujours dans sa tenue de sport. Un petit sourire glissa sur les lèvres de la jeune femme qui – même en colère contre son petit ami – ne pouvait s'empêcher de le trouver séduisant. Elle s'approcha doucement, et d'une voix plus calme que le matin-même demanda : « Ca t'a fait du bien ? ». Il n'y avait aucune attaque, aucune pique. Marley n'en avait pas l'énergie. Elle n'était pas prête à se lancer dans un nouveau combat, pas maintenant. Elle enleva ses sous-vêtements qu'elle laissa tomber dans un coin de la pièce et entra sans plus tarder dans l'immense douche italienne. Elle fit couler l'eau et posa son front sur le carrelage du mur. Ses muscles étaient tendus et les rouages de son cerveau toujours aussi actifs. Les yeux clos, dans un murmure elle osa demander : « Tu me rejoins ? ». Elle avait besoin de lui mais elle n'était pas certaine que la réciproque soit vraie, pas certaine non plus qu'il ait digéré leur dispute ou encore qu'il soit capable de mettre leurs différents de côté.   

made by black arrow

Vice et Versa #6

   @Jackson Mills   ft. Marley Lynch

« Pas ce soir », Marley frissonna. Elles étaient rare les fois où il lui avait dit non, où il avait choisi de la repousser. Généralement ils étaient bien trop heureux de pouvoir se coller l'un contre l'autre pour oser décliner ce genre de propositions. La métisse ne dit rien et le laissa sortir. Le front toujours posé contre le carrelage de la douche, elle sentait que la situation lui échappait totalement. L'eau ruisselait sur son corps fatigué alors que dans son esprit s'entrechoquaient les images de la journée aux propos du garçon. L'estomac noué, Lynch savait que ce qui l'attendait à la sortie de la douche serait loin d'être une partie de plaisir. Jackson lui échappait, il lui filait littéralement entre les doigts et elle était juste incapable de le retenir. Bien sûr il y avait une solution pour régler ce problème, mais quelle solution ! Quitter la police ? Jamais elle ne le pourrait. La lieutenant savait que si elle acceptait de démissionner, elle serait heureuse un temps mais bien vite les regrets viendraient ternir son bien être. Les regrets laisseraient place à la rancoeur et la demoiselle ne donnait pas chère de sa relation avec le coureur. Inconsciemment, elle lui en voudrait, cela la rongerait. Elle frictionna son corps, enlevant chaque particule de crasse présente, se concentrant sur cela plutôt que sur tout le reste. Lorsqu'elle eut terminé sa douche, elle se sécha rapidement, enfila sa nuisette et les cheveux humides se dirigea vers la cuisine. Il fallait qu'elle mange si elle ne voulait pas tomber.

En arrivant sur place, elle constata que Jackson était déjà attablé. Elle n'arrivait pas à accrocher son regard qu'il avait fixé sur son verre d'eau. Elle déglutit avec difficulté, s'approcha du plan de travail et vit qu'il lui avait préparé une assiette. « Merci » murmura-t-elle avant de déposer un baiser sur sa joue et de filer s'asseoir en face de lui. Le sportif ne la regardait toujours pas, préférant manger dans un silence qu'elle trouvait terriblement pesant. Seul le bruit de sa fourchette dans l'assiette venait perturber le calme de la pièce. Elle prit plusieurs bouchées, fut surprise de constater qu'elle mourait de faim alors qu'elle ne s'en était pas rendue compte avant. Les œufs glissaient dans sa gorge mais tombaient dans le fond de son estomac. Chaque bouchée était plus difficile. Elle finit par poser sa fourchette sur la table et par fixer Jackson. « C'est fini n'est-ce pas ? » demanda-t-elle d'une voix calme mais quelque peu crispée. Sa question eut le mérite de faire relever le visage de Jackson. Elle en profita pour plonger son regard dans le sien, cherchant à y lire le fond de son âme. Son cœur battait beaucoup plus vite alors qu'elle voyait sa relation partir en fumée sous ses yeux. « Nous deux... » précisa-t-elle dans un murmure qui lui donna l'impression de s'arracher elle-même une partie du cœur. Malgré la difficulté, Marley maintenait le contact visuel, soucieuse de ne louper aucune réaction de celui pour lequel elle aurait donné sa vie. Elle aurait aimé pleuré, juste pour qu'il comprenne à quel point cette situation la bouffait, pour qu'il sache à quel point elle ne voulait pas le perdre mais elle en était incapable. Marley ne savait pas pleurer. Elle n'aurait su dire si c'était son travail qui l'avait endurcie ou si c'était sa fierté qui l'empêchait de se montrer fragile, dans tous les cas aucune larme ne glissa le long de ses joues alors qu'elle se sentait craqueler de l'intérieur. Elle glissa sa main sur la table en direction de celle de Jackson. S'il la prenait, tout n'était pas perdu. S'il la repoussait, c'était terminé.   

made by black arrow

Vice et Versa #6

   @Jackson Mills   ft. Marley Lynch

Les secondes s'écoulaient sans que rien ne se passe. Le regard de Marley était toujours plongé dans celui de Jackson tandis que sa main tendue attendait désespérément qu'on l'attrape. Le rythme cardiaque de la métisse augmentait progressivement à mesure que le silence épaississait la pièce. Finalement le glas tomba : « Depuis un moment, si on regarde la vérité en face. » Les doigts de la lieutenant se mirent à trembler alors qu'elle ramenait sa main sur ses genoux sous la table, à l'abri du regard de l'homme qui venait de mettre un terme à leur relation. Les lèvres scellées, la jeune femme ne dit rien. Elle n'avait pas les mots. Elle se contentait de l'observer, le regard quelque peu hagard. Etait-ce réel ? Etait-elle réellement en train de vivre son pire cauchemar ou venait-elle de sombrer dans un sommeil tout sauf réparateur ? Ses doigts pincèrent la peau nue de sa cuisse droite et ses dents se serrèrent face à la douleur lancinante qu'elle venait de ressentir. Non, c'était bien la triste réalité. Jackson avait décidé qu'il était temps que tout ceci cesse. « Cette situation ne me convient pas et je ne pense pas qu'elle soit amenée à changer. » Marley aurait voulu lui dire qu'il se trompait, qu'elle ferait des efforts, qu'elle prendrait garde à être plus souvent présente, elle était prête à faire des concessions si cela lui permettait de rester avec lui, elle ferait le nécessaire ! Elle n'en eut néanmoins pas l'occasion puisqu'il enchaîna rapidement : « Je déménage. À toi de me dire si tu préfères vendre la maison ou racheter ma part. » Un uppercut. Voilà ce qu'il venait de lui envoyer en pleine face. La brune déglutit avec difficulté alors qu'elle peinait à remettre de l'ordre dans ses pensées. « Qu'est-ce que tu racontes ? » murmura-t-elle.

Soudain les mots firent sens dans son esprit, les syllabes résonnèrent dans sa boîte crânienne. Elle fronça les sourcils et lui dit : « Cette maison sans toi n'a aucun intérêt... » Que ferait-elle entre ces murs s'il ne s'y trouvait plus ? Pourquoi voudrait-elle rester dans un lieu qui la ramènerait sans cesse à lui s'il ne voulait plus d'elle ? Elle posa ses deux coudes sur la table, prit sa tête entre ses mains et fixa son assiette dont la vue des œufs lui donnait presque des haut-le-cœur. « Tu peux pas faire ça... » souffla-t-elle. Il n'avait pas le droit de la laisser tomber, pas le droit de lui faire payer sa carrière, de lui poser un tel ultimatum. La jeune femme se sentait trahie, abandonnée, elle avait l'impression d'avoir été manipulée. « Si je t'avais demandé d'arrêter de courir avant même que tu ne remportes tes médailles, tu n'aurais jamais accepté » avança-t-elle. Il avait certes décidé par la suite de prendre sa retraite sportive mais c'était un choix qu'il avait fait lui et non pas elle. Elle l'avait encouragé qu'importe la voie qu'il choisissait. La réciproque n'était pas vraie et cela faisait mal à la lieutenant qui avait l'impression de s'être trompée sur toute la ligne. « Je t'ai jamais menti sur qui j'étais ou sur ce que je faisais. » Elle releva la tête, accrocha à nouveau son regard. Pourquoi s'être lancé dans une relation amoureuse avec elle si son aversion pour la police prenait le pas sur tout le reste ? Dès leur première rencontre elle lui avait dit et voilà que désormais il décidait qu'elle n'en valait pas la peine. Qui était cet homme qui lui faisait face ? Marley avait l'impression de se trouver en présence d'un étranger et cette constatation lui arracha un frisson.   

made by black arrow

Vice et Versa #6

   @Jackson Mills   ft. Marley Lynch

Les mots lui brûlaient la langue et les lèvres. Chaque parole qu'elle prononçait lui arrachait un morceau de cœur. Et il se taisait. Il ne disait rien. Se contentait de la fixer sans sourciller. Elle aurait voulu hurler, le secouer, le supplier de parler, lui arracher les mots de la bouche. Mais rien n'y faisait. Jackson restait muré dans le silence. Elle avait beau lui dire qu'elle ne voulait pas vivre dans cette maison s'il ne s'y trouvait pas, elle avait beau avancer des arguments cohérents - elle n'avait jamais menti, elle ne lui avait jamais demandé de tirer une croix sur sa carrière pour elle – il ne pipait mot. Sous la table ses mains tremblaient tandis que nerveusement ses jambes commençaient à s'agiter. Elle voyait bien ce qui jouait sous ses yeux et prenait conscience qu'elle aurait beau dire tout ce qu'elle voulait, il ne changerait jamais d'avis. Il avait décidé que leur histoire était terminée et il n'en démordrait pas. Il venait de tirer une croix sur toutes leurs années d'amour et presque froidement il la regardait se désintégrer. « Moi non plus. » Une grimace barra le visage de Marley qui détourna le regard. Il ne lui avait pas menti mais il ne l'avait pas écoutée non plus. Elle lui avait toujours dit qu'elle se fichait de l'argent, que ce n'était pas pour cela qu'elle était avec lui. Il aurait pu être pauvre et endetté qu'elle l'aurait toujours aimé autant. Lynch ne faisait pas partie de ces filles dont les yeux brillaient à la vue de paillettes, diamants et autre cadeau. Bien sûr elle avait reçu avec gratitude et amour tout ce qu'il lui avait offert mais cela n'avait été qu'un détail dans leur relation. Lorsqu'il lui avait expliqué que l'argent qu'il avait gagné servirait à les mettre à l'abri, elle lui avait assuré qu'elle n'avait pas besoin de cela. Qu'il aide sa famille et les siens plutôt qu'elle. Elle lui avait dit que ses médailles, sa gloire, sa richesse et sa célébrité ne l'empêcheraient pas d'exercer son métier de flic, qu'elle continuerait de l'être. Il n'avait jamais émis d'opposition ferme, avait sans doute écouté le tout d'une oreille distraite pensant qu'elle changerait d'avis. Ce n'était pas le cas. Elle aimait ce qu'elle faisait. Cela faisait partie intégrante de celle qu'elle était.

« T'es pas au rdv, Mal. » La douche fut plus froide que toutes celles qu'elle avait bien pu prendre dans sa vie. Elle se redressa, ses mains agrippant le rebord de la table alors qu'il se levait pour lui tourner le dos. Ses sourcils se froncèrent. Elle n'était pas au rendez-vous ? Et lui alors ? C'était injuste. Elle le regarda remplir le lave-vaisselle puis se figer devant l'évier. Il ne bougeait plus. Elle, elle ne respirait plus. Une foule de sentiments contradictoires se battaient dans l'arène qu'était devenue sa boite crânienne. Elle était énervée, déçue, triste, désemparée, brisée. Peu habituée à éprouver tant de choses contradictoires à la fois, Marley ne savait pas comment elle devait agir. Tout ce qu'elle savait c'était qu'elle avait fait une belle connerie en s'engageant dans une relation avec le coureur. Elle s'était toujours interdit de vivre une histoire sérieuse parce qu'elle savait comment cela allait se terminer. Elle avait toujours su qu'elle finirait par avoir mal mais jamais elle n'aurait pu imaginer à quel point elle souffrirait. Elle avait l'impression qu'il venait de lui ouvrir la cage thoracique en deux et qu'il venait de saisir son cœur pour le jeter au sol.

Elle recula sa chaise et tremblante finit par se lever. L'envie de s'approcher de Jackson pour se coller dans son dos était terriblement forte mais son cerveau l'empêchait d'agir. « T'es injuste » finit-elle par souffler dans un murmure. Bien sûr que ces derniers temps avaient été compliqués, qu'elle avait été très souvent absente mais toute leur histoire ne reposait pas sur cela. Le fond du problème était bien plus épineux : « Si j'avais fait des heures à n'en plus finir parce que j'étais chirurgienne tu ne m'aurais pas quittée. » Il aurait beau dire le contraire, elle visait juste. Ses absences pesaient dans la balance mais c'était surtout sa fonction et son métier qui rendaient dingue Jackson. « Malheureusement je ne suis qu'une vulgaire flic. » Elle s'approcha lentement de lui, s'arrêta à quelques mètres et acheva : « Je te faisais confiance, je t'ai donné ce que j'avais jamais donné auparavant à quiconque pour qu'au final tu le piétines. » Son cœur était aux pieds de Jackson tout comme le bracelet qu'il lui avait offert ce fameux soir à la fête foraine et qu'elle venait de lâcher. Elle finit par quitter brusquement la cuisine et se rendit à la hâte dans leur chambre. Elle ouvrit un placard en sortit un sac de voyage et commença à fourrer quelques vêtements dedans. Il fallait qu'elle parte d'ici. Elle ne pourrait pas rester plus longtemps entre ces murs qui ne voulaient définitivement plus d'elle.

made by black arrow