Elle n’est toujours pas là. Archie est vêtu de son plus beau (cher) costume bleu marine, ses cheveux sont figés dans une boîte complète de gel à l’épinette, ses souliers en cuir sont tant cirés qu’ils reflètent les lumières de la guirlande suspendue au muret de briques. Sa silhouette était d’abord droite et fière, mais plus les minutes s’écoulent et plus son corps s’effondre. Il a fini par s’asseoir sur l’escalier en béton qui mène à l’entrée de la salle de bal. Il ne salue plus les élèves qui passent. Il prétend être sorti pour une pause clope mais, la vérité, c’est qu’il attend depuis 1h l’arrivée de Lina, l’une des filles les plus populaires de l’école. Il s’était imaginé l’escorter sur le plancher de danse, avait visualisé une robe violette ou noire pour mettre en valeur ses hanches et la permanente qu’elle se serait faite pour l’occasion. Après tout, il lui avait demandé d’être la plus belle du monde parce qu’il voulait se trimbaler avec elle à son bras. Archie ne mérite rien de moins que le meilleur.

Mais pour le moment, il ne reçoit absolument rien parce qu’il manque la première danse, et parce qu’il est complètement seul et sans moyen de rejoindre Lina pour s’assurer qu’elle a toujours l’intention de venir. Il ne sait même pas où elle habite. Leurs conversations ne volent pas bien haut, sauf qu’elle sait comment lui faire plaisir au lit. Et il croit savoir s’y prendre lui aussi. Il est naturellement doué dans tous les domaines, alors celui de l’amour ne devrait pas faire exception à la règle. Teuf teuf.

À sa droite, il remarque la présence d’Ambrose, un élève qu'il a fréquenté toute l'année, à son plus grand regret. Ce dernier n’est pas accompagné non plus. Selon les rumeurs, il n’a demandé le bras de personne – et personne ne lui a demandé le sien. Un vrai loser. « Qu’est-ce que tu fous là ? » Souffle Archie avec sa fumée. « Tu n’as pas un autre truc à faire ? Genre faire semblant d’être normal, comme tout le monde ? » Timbré, celui-là. Ça lui fait plaisir de voir que le capitaine de l’équipe de football n’a toujours pas été rejoint par sa conquête ?  

(dimension slasher) Il n’avait pas prévu de se rendre au bal, évidemment. Il trouve l’idée stupide et ringarde, le genre de tradition dont il ne comprend pas l’intérêt et, surtout, dont il ne comprend pas le maintien. Ils valent mieux que ça, mieux que tous ces clichés de garçons invitant les filles le temps d’un soir, de robe hors de prix payées avec l’argent caché sous le coussin du milieu du canapé. Il aurait pu avoir le costume de son choix sans lever le petit doigt, mais cela ne l’intéresse pas. Il est venu pour retrouver certains de ses amis et pour boire du punch dans lequel ils ont réussi à ajouter de l’alcool en douce ; du reste, il ne participe pas.

Jamie est parti avec Miranda, Logan est allé faire Dieu sait quoi dans les toilettes avec Harvey - ça commence par “dro” et ça finit par “gue”, Ambrose préfère fermer les yeux et nier l’existence de leur conneries. C’est plus simple de cette manière, il ne se sent pas coupable lorsqu’il arpente les alentours de la piste de danse avec son verre doucement alcoolisé à la main. « Qu’est-ce que tu fous là ? Tu n’as pas un autre truc à faire ? Genre faire semblant d’être normal, comme tout le monde ? » Il baisse son regard d’un cran pour le planter dans les yeux du Kwanteen qu’il dévisage longuement, loin d’être impressionné. “Être normal c’est attendre comme un con sa cavalière ?” Il ne l’a pas vu danser. Il ne l’a pas vu accompagné non plus. Il ne l’a pas vu tout court, en fait, ce qui fait grimper les soupçons quant à l’idée qu’il attende dehors depuis un moment. “Te donne pas un genre.” S’il y a un loser parmi eux, il n’est pas du même côté que ce qu’Archie pense naturellement. Mais il se juge encore trop bon pour le commun des mortels. “Ils vont élire les rois et les reines bientôt, tu devrais aller voter plutôt que de fumer cette merde.” Il ne sera pas élu de toute manière, alors autant qu’il donne sa voix.

“Être normal c’est attendre comme un con sa cavalière ?” Il a bel et bien compris qu’il attendait quelqu’un, alors. Ça n’aurait pas pu être simplement une pause clope en extérieur – ça fait déjà quarante minutes qu’il en enchaîne trois, et même un addict à la nicotine n’en fumerait pas autant en si peu de temps s’il ne s’agissait que d’un moment de détente. Une seule suffit à Archie pour détendre ses muscles mais la nervosité est au plafond ce soir, tandis qu’il attend la fille qui lui donnera raison sur toute la ligne : il est le meilleur de l’école. « Les filles aiment se faire désirer. Tu le saurais si tu en attendais une ce soir. » Qu’il bredouille comme excuse, clouant son bec avec son bâtonnet de poison pour se remettre à scruter la rue plongée dans la noirceur. “Te donne pas un genre.” Il pouffe de rire. Ambrose a le mérite d’être divertissant quand il l’affronte. Il est un des rares garçons qui refusent de se laisser marcher sur les pieds, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il le respecte. Le duel est plus long et à la fin, Archie gagne toujours (dans sa tête, en tout cas).

“Ils vont élire les rois et les reines bientôt, tu devrais aller voter plutôt que de fumer cette merde.” « C’est trop gentil de te soucier de moi. » Il marque une pause parce qu’il a vu une ombre se projeter dans la rue. Il ne s’agissait que d’un passant accompagné de son labrador. Il soupire, relève la tête vers Ambrose. « Mon vote ne va pas changer le résultat. J’attends de pieds fermes ma couronne, et Lena attend la sienne. » Oui, ce devra être eux les rois et les reines du bal. C’est pour cette raison qu’elle arrivera bientôt, juste à temps. Nouvelle silhouette ; Archie jurerait voir Lena mais c’est plutôt un homme portant à son bras un grand sac de sport. Il ne se dirige pas vers l’entrée de la salle de balle, mais il contourne l’édifice pour passer par en arrière. Étrange. « Il avait un masque d’Halloween, le mec, non ? » Qu’il s’assure en interrogeant Ambrose, la ton tout à fait détendu et détaché.      

« Les filles aiment se faire désirer. Tu le saurais si tu en attendais une ce soir. » Il hausse un sourcil soupçonneux. Les filles n’aiment pas se faire désirer lorsqu’elles désirent justement la personne face à elle en premier lieux, ce qui ne semble de toute évidence pas être le cas de Kwanteen. Après tout, il les comprend bien à ce niveau là. Il sent la cigarette à plein nez et personne n’a envie d’embrasser une cigarette, pas vrai ? « C’est trop gentil de te soucier de moi. » - “On dit toujours de moi que j’ai un grand coeur.” Il reprend avec ironie, manquant surtout d’ajouter ce qu’il a sur le bout de la langue: on parle seulement de son cœur quand il n’est pas question d’autre chose, plus bas. A son âge, il ne pense pas à grand-chose d’autre.

« Mon vote ne va pas changer le résultat. J’attends de pieds fermes ma couronne, et Lena attend la sienne. » Cette fois-ci, Constantine ne peut pas s’empêcher de pouffer avec force. “Attends, c’est vraiment Lena que t’attends ?” Il pensait d’elle qu’elle avait déjà enroulé sa langue autour de toutes celles des garçons de l’université mais ce n’est finalement pas qu’une idée reçue. Si elle s’attaque même à Archie, cela signifie vraiment qu’elle a fait le tour, parce qu’il est loin d’être aussi cool qu’Ambrose - évidemment. “Tu m’étonnes qu’elle est en train de te poser un lapin.” Cela ne fait sans doute rire que lui, mais bon sang qu’il jubile au fond de son coeur. C’est bien fait pour le vaniteux fumeur, il n’aurait jamais pu s’attendre à un tel accueil de la part de la gente féminine ou même du reste du monde de façon générale.

Le regard du coupable s’évade dans la foule sans que le brun n’y porte attention une seconde, raison pour laquelle il écoute à peine la question posée. « Il avait un masque d’Halloween, le mec, non ? » - Hm ?” Est-ce qu’il le prend pour un con à essayer de changer de sujet comme si de rien n’était ? “Les hommes au masque d’Halloween ne viennent que pour commettre des tueries de masse et on est même pas aux Etats Unis, là, donc reviens en plutôt à Lena.” Il ne pourra pas s’échapper aussi facilement du sujet. “C’est elle ou toi qui a proposé pour ce soir ?” A quel point a-t-il pu être naïf, au juste ?

“On dit toujours de moi que j’ai un grand coeur.” Ew. Heureusement qu’ils sont à l’extérieur car Archie a envie de vomir. Les garçons n’ont pas de grand cœur, c’est le rôle des filles. Il n’a pas un bon père pour lui expliquer tout cela, Ambrose ?

“Attends, c’est vraiment Lena que t’attends ?” Pourquoi ça le surprend autant ? Une fille aussi populaire se mérite le capitaine de l’équipe de football. Elles savent, par défaut, qu’il est un bon leader et qu’il pourra la transporter sur la piste de danse sans se casser une cheville. Le zigomar est solide sur ses deux pieds. Il lui fera honneur, et leur complicité inspirera la jalousie. “Tu m’étonnes qu’elle est en train de te poser un lapin.” Il hausse un sourcil en le dévisageant. « Pfff. » La jalousie a déjà commencé du côté de seul-au-monde. « Elle ne me pose pas de lapin. Ce serait la plus grosse erreur qu’elle pourrait commettre. » Il se rassure en même temps, replaçant sa clope entre ses lèvres pour diffuser ses inquiétudes dans le bâton. Il ne saurait pas quoi faire de ses mains s’il ne s’enfumait pas. Archie s’apprêtait à lui poser plus de questions au sujet de Lena qui, au fond, il ne connait pas vraiment. Ambrose semblait s’y connaître en la matière. L’idée se transpirait dans sa manière de grimacer et dans l’assurance de son ton lorsqu’il s’était moqué du garçon coté. Mais quelque chose interrompt le fils de ses pensées : un homme ou une femme (probablement un homme vu sa carrure) portant un masque d’Halloween. Le même que Jason dans le film Vendredi 13. Quelqu’un se croit malin à cette période de l’année.

“Les hommes au masque d’Halloween ne viennent que pour commettre des tueries de masse et on est même pas aux Etats Unis, là, donc reviens en plutôt à Lena.” Il glousse, ses craintes lui passant bien au-dessus de la tête. Il a raison : ce sera plus intéressant de parler de sa campagne. Elle est belle, Lena. Sa poitrine est immense. Miam. “C’est elle ou toi qui a proposé pour ce soir ?” « T’es flic ou quoi ? J’te promets que j’y ferai pas de mal. Je la traiterai comme une princesse. » Avant de la réduire à un objet dans les vestiaires. Nouvelle latte tirée puis soufflée vers le haut. Le vent est en sa faveur car il envoie toute la fumée en plein dans le nez d’Ambrose. Toujours en scrutant la rue surplombée d’une lumière orangée, il soupire : « Je lui ai proposé, et tu sauras qu’elle a sauté de joie. Elle n’attendait que ça, ça se voyait. Toutes ces années au lycée l’ont menée à ce jour bien précis. » Et elle est en retard. Bon. Ça arrive. Oups !

« Tu comprendrais pas ça, t’as l’air d’un type qui attend patiemment la mort. J’ai des aspirations, moi, alors arrête de faire chier. »    

« Elle ne me pose pas de lapin. Ce serait la plus grosse erreur qu’elle pourrait commettre. » Et Ambrose de rire de plus belle. Archie a tout dans les jambes et rien dans la tête, sans même qu’il soit question d’une intelligence pure mais seulement d’un semblant de logique. Il fume et il tire dans un ballon, voilà tout ce qu’il sait faire et Ambrose trouve sa vie incroyablement ennuyante, lui qui court désormais après Lena sans savoir que jamais ô grand jamais elle ne pourrait s’intéresser à lui. Ambrose sait de quoi il parle. “Ouais, j’suis pas si sûr.” Il ne verrait pas cela comme une erreur, lui.

« T’es flic ou quoi ? J’te promets que j’y ferai pas de mal. Je la traiterai comme une princesse. » Dit-il, sa clope au bec. Non qu’Ambrose soit du genre à juger la cigarette, loin de là, mais il a bien du mal à imaginer Archie s’occuper de quiconque d’autre que lui. “Je fais juste semblant de m’y intéresser, t’emballe pas.” Il ne faudrait pas non plus qu’Archie pense que son sort intéresse Constantine ; le sien ou celui de Lena, par ailleurs, même s’il préfère la savoir loin de lui. “Elle a tellement sauté de joie qu’elle est jamais venue.” Ils ont encore le temps et surtout Lena a encore le temps, mais Ambrose pense de plus en plus qu’elle finira par ne jamais venir. Après tout, passer la soirée avec quelqu’un qui ne pense qu’à son ego n’a sûrement rien d’affriolant - sa compagnie était bien plus plaisante, par exemple. « Tu comprendrais pas ça, t’as l’air d’un type qui attend patiemment la mort. J’ai des aspirations, moi, alors arrête de faire chier. » Cette fois-ci, il n’a pas autant de répartie. Archie a raison et Ambrose n’a aucune aspiration d’aucune sorte. Au moins, il n’est pas déçu lorsque rien ne se passe.

D’un geste de la main, il lui dérobe sa cigarette pour en faire la sienne, ses pas l’amenant de nouveau en direction de l’enceinte de la salle de bal. “Allez abandonne, trouve toi une autre cible.” Il le lui dit pour son bien: Lena ne viendra jamais, elle a des standards bien plus élevés que ceux auxquels il peut aspirer. “Je danserai avec toi petit coeur, si y’a que ça.” D’un regard en biais, il sourit avec tout l’amusement qui est le sien. Si Archie le suit, ils pourront continuer de jouer à l’intérieur et il verra tous les couples s’étant formés le temps d’un soir.

“Ouais, j’suis pas si sûr.” Ouais bah il peut s’enfoncer son ton défaitiste dans le cul. Ce n’est pas ça qui va l’aider à profiter un minimum de cette soirée qui s’annonce merdique.

“Je fais juste semblant de m’y intéresser, t’emballe pas.” Il n’a rien d’autre à faire. Non seulement personne ne l’attend dans la salle de bal, mais il s’ennuie tellement qu’il a besoin d’aller baver sa solitude sur Archie qui n’a absolument rien demandé, si ce n’est d’avoir la paix. Il a encore confiance. Lena arrivera d’une minute à l’autre et sa beauté sera à la hauteur de ses attentes. “Elle a tellement sauté de joie qu’elle est jamais venue.” Il lâche un autre soupir, plus bruyant cette fois. « Ravale tes sarcasmes, ils commencent à me taper sur les nerfs. » Ce n’est pas ce soir qu’il disputera un match de boxe contre le cancre de l’école, même si ce n’est pas l’envie qui manque. Ça ferait passer le temps, ça aussi, de lui faire goûter le cartilage de son nez. À la fin, il est convaincu qu’Ambrose ne peut simplement pas le comprendre, lui, ou la fille qu’il tiendra à son bras. Il est trop différent du monde pour savoir ce qui se passe dans leur cervelle. Il passe ses vacances sur Pluton et ramène en souvenir de la poudre de météore.

« Eh ! » Qu’il s’offusque quand sa clope se soustrait de sa poigne. Il redresse le dos, près à sortir les poings, mais la posture d’Ambrose est tellement peu intimidante qu’il se détend aussitôt. Il l’observe en silence alors qu’il se dirige vers l’entrée de l’établissement où la festivité se passe sans eux. “Allez abandonne, trouve toi une autre cible.” Hésitant, il jette un dernier regard vers la rue, cherchant une dernière fois la silhouette de ses rêves, puis abdique en claquant sa langue contre son palet. Un petit coup net qui expulse toute sa frustration. “Je danserai avec toi petit coeur, si y’a que ça.” Il n’interrompt pas sa marche même si le commentaire le révulse. « Je préférerais encore rouler une pelle à ton chien. » Il a un chien ? Oui, non, peut-être, il l’apprendra ce soir. « Et si je te suis, c’est pas pour te donner raison. C’est parce que je veux vérifier que Lena n’est pas entrée par la porte arrière par erreur. » Voilà, c’est ça. Elle était déjà là depuis le début et c’est lui qui est en retard. La solution à cette énigme se trouvera dans la simplicité la plus totale.

Au rythme orchestral de Don’t Stop Believin’, les élèves qu’Archie a fréquentés pendant plusieurs années durant fendent la piste de danse. Les garçons sont ridicules, les filles rient d’eux, mais certains chanceux se sont négocié une danse collée. Il se rince l’œil quelques secondes, relève le nez pour découvrir le visage de l’élève qui se frotte les hanches contre celles d’un joueur de l’équipe de rugby. « Putain. Roxanne. » Ce n’est pas du genre de Roxanne. Il glousse, jette un coup d’œil à Ambrose, réalise que c’est Ambrose, puis relève les yeux au ciel avant de se diriger vers le punch au fruit pour en voler un verre. Il espère que des rebelles y ont versé un peu d’alcool. « Si c’est pas alcoolisé, je pète un câble. »

@Ambrose Constantine  

« Ravale tes sarcasmes, ils commencent à me taper sur les nerfs. » Ambrose sourit un peu plus encore, amusé par le simple agacement d’Archie qu’il arrive à titiller avec une facilité déconcertante. Les réactions des gros durs sont toujours les plus amusantes à observer, les siennes en particulier. « Je préférerais encore rouler une pelle à ton chien. » - “Ça tombe bien, j’ai pas de chien.” Et suite à ça, il fait fit des ronchonnements d’Archie en arrière plan, bienheureux de la cigarette qu’il vient de gagner autant que du fait que le garçon se soit décidé à le suivre. La soirée aurait été ennuyante en son absence, après tout.

La suite de la soirée se passe aussi parfaitement qu’il aurait pu l’espérer alors qu’il flirte avec une fille et s’en lasse pour la seconde avant de revenir vers son choix initial, n’en ayant que faire de papillonner ainsi à droite et à gauche. Il prend ce qu’il veut et se moque du reste, Ambrose, comme à son habitude. Ses lèvres en trouvent d’autres avant de s’enrouler autour de son verre, et toute l’euphorie prend fin à la seconde même où l’alarme de l’établissement se retrouve enclenchée, son son trident se mêlant à celui des cris d’une jeune femme qu’il reconnaît aisément. Et justement, il sait que Klavia n’est pas du genre à faire des blagues, encore moins de celles impliquant qu’elle se soit peinturée sa robe se soirée ainsi que son torse d’un rouge carmin. Du sang.

Les instincts de survie se réveillent, les premiers se dirigent vers les issues de secours avant de trouver le couloir en comprenant que ces dernières sont condamnées. Le corps d’Ambrose percute celui d’Archie, avec qui il n’a plus la moindre intention de rigoler en cet instant. “Cours imbécile !” S’il veut vivre, il doit courir. Ne serait-ce pour ne pas finir écrasé par la foule, et peut-être même pour échapper à Dieu sait quoi et qu’ils fuient tous sans même connaître la cause du mal. Ils ont vu le sang, ils ont vu la peur dans les yeux de la jeune étudiante et… “Mike est mort !” et ils savent désormais tous que le capitaine de l’équipe de Basketball n’est plus non plus.

Archie n’arrive pas à se sortir Lena de la tête. Son égo est blessé. Pour contrebalancer la déception, il garde la tête haute et toise tous les élèves qu’il croise sur la piste de danse. Même ses coéquipiers de football reçoivent les éclairs et le traitement silencieux. Ce n’est pas l’absence de la jeune femme qui le blesse dans sa fierté, mais plutôt le fait qu’Ambrose ait eu raison sur une chose : elle lui avait posé un lapin. Ne vaut-il pas mieux qu’un stupide rongeur aux yeux de billes ? Archie n’a plus besoin de rien prouver : il a déjà connu l’entéléchie et la perfection même ne peut être surpassée.

Il n’y a pas d’alcool dans le punch au fruit. Ça aurait dû être son boulot de le faire, mais il n’avait pas eu le temps de passer en boutique avant d’arriver ici, parce qu’il s’était présenté en avance pour être l’un des premier à talonner la piste de danse. Il aura été le dernier. Défaitiste, il finit par s’enfermer à la salle de bains pour ajuster le gel dans ses cheveux relevés en vague serrée, cherchant la motivation de passer à sa prochaine proie. Le chasseur ne se lasse jamais après avoir laissé le premier lièvre s’échapper. Il en cherchera un second, qui sera le bon, cette fois.

Pas peu fier de la perfection qu’il a octroyée à sa chevelure, il ressort des toilettes en arborant un sourire qu’il a dégoté à son reflet dans le miroir. Il s’était pratiqué pour ne montrer ses failles à personne, ainsi, pénétrant la salle de bal, il est fier comme le paon. C’est le son strident d’une alarme qui lui fait perdre contenance. Son premier réflexe est de serré les poings, de s’immobiliser et de dévisager les gens autour de lui. Personne ne réagit tout de suite. Une sorte de doute flotte dans l’air. Puis, un premier cri fracture le malaise en deux : la fête est terminée. Tels des poules sans tête, les élèves courent dans tous les sens, cherchant les sorties. Tel le mouton, Archie se joint à la course mais il se fait rapidement interrompre par la silhouette d’Ambrose qu’il percute de plein fouet. Il le fixe avec de gros yeux, comme s’il cherchait à lui dérober une information. Que se passe-t-il ?! “Cours imbécile !” « MAIS Y’A QUOI ?! » Il n’obtient pas sa réponse de la part du garçon. “Mike est mort !” Enfin, il voit les gouttes de sang qui sonnent l’alarme, mais dans sa tête cette fois. Voyant que la sortie est complètement bouchée, son premier réflexe est de fuir là où il connait bien l’endroit : à l’opposé, certes, mais il y a une autre sortie dans la salle de gym. Il accorde un seul bref regard à Ambrose, comme pour lui faire signe de le suivre, puisqu’il est le seul qui semble avoir compris que de s’agglutiner avec tous les autres élève serait fatal. C’est dans un hangar qu’Archie jette son dévolu, s’y jetant le premier, ordonnant à Ambrose de fermer la porte derrière lui.

Silence mortel.