(juin) Le contrecoup du mariage est encore plus puissant qu'attendu pour Mickey dont les pensées semblent un peu plus moroses à chaque jour qui passe, malgré l'apaisante présence de Zoya ce soir-là et la complicité que tous deux ont pu retrouver à l'abri des regards. Si leur relation reste floue, elle ne l'est sûrement pas autant que l'esprit du boxeur depuis que cet événement l'a rappelé à un bien sombre passé, de quoi le pousser dans des consommations toujours plus destructrices mais aussi dans une fuite en avant qu'il n'avait pas prémédité. Car comment aurait-il pu s'attendre à ce que la présence de Rhett audit mariage complique encore plus les choses, au point d'esquinter une nouvelle fois sa fierté et de le convaincre des limites d'une colocation que Mickey viendrait presque à regretter. Il ne dirait pas qu'il s'est fait des idées ou du moins, pas celles auxquelles on pourrait penser mais c'est apparemment suffisant pour qu'il doute à présent de parvenir à le regarder dans les yeux sans se demander ce qu'il a été pour lui. Utile à un moment bien précis, oui, mais avant tout pour le soulager et le fournir et ce n'est pas bon pour l'égo de celui se sentant désormais de trop par ici. Partir comme un voleur, Mickey y a songé et y songe même toujours, ce soir encore ses pas alignés d'un bout à l'autre de l'appartement le font hésiter alors même qu'il n'a pas adressé un seul mot à Rhett depuis plusieurs jours. Une discussion s'impose mais celle-ci ne risquera pas d'avoir lieu tant qu'il désertera ces murs et fera tout pour ne pas y croiser le Harfield, ce dernier ne semblant de toute façon pas s'inquiéter de ses silences comme de sa distance. Tout ce qu'il risque de gagner c'est que Rhett lui montre la porte le premier, une issue peut-être plus proche que lointaine maintenant que les choses sont arrangées avec sa copine et cette possibilité, Mickey préfère encore la devancer s’il peut retrouver un semblant de contrôle sur une situation qu'il n'a plus tellement l'impression de gérer.

La solitude de son studio ne lui manque pas pourtant, rien ne vaut à ses yeux la compagnie trouvée ici mais il n'ira pas bien loin à raser les murs, il le sait. Tout comme il ne pourra pas éternellement éviter Rhett et celui-ci pourrait même bien s'imposer à lui sans qu’il ait cette fois le temps de fuir, c'est en tout cas ce que le boxeur se dit en entendant la porte claquer avant de constater que c'est une autre Hartfield qui apparaît face à lui. Ethel, ou l'autre occupante des lieux que Mickey n'a croisé qu'à de rares reprises. « Hey. » il souffle sans même se fendre d'un sourire, inexistant chez lui ces temps-ci. S'il semble dans un mauvais jour comme trop souvent aussi, Mickey est toutefois plus soulagé qu'il n'y paraît et le laisse vite entendre. « Je suis content que ce soit toi. » Et pour cause, il préfère encore se confronter à la sœur plutôt qu'au frère, avec laquelle échanger sera bien moins difficile même si ces deux-là n'ont pas la prétention de vraiment se connaître. Il ne sait pas grand-chose d'Ethel, de la même façon qu'il n'a jamais eu l'occasion de rencontrer Ruben, la complexité de la famille Hartfield demeurant à ses yeux un mystère que même la lecture d'un certain livre n'a pas pu dissiper. « Si jamais ton frère te demande, je ne pense pas dormir ici ce soir. » Ainsi Ethel a l'honneur d'être prévenue pour deux et ce, même s'il doute que Rhett s'intéresse présentement à ce qu'il peut faire. Avec le bonheur retrouvé de son couple le reste n'a probablement plus aucune importance, et Mickey le premier. « Et si toi tu te demandes, y’a des chances que tu me vois plus dans les parages encore très longtemps. » C'est sa façon d'insinuer qu'il réfléchit à partir sans pour autant le dire, car sa décision n'est pas encore prise. Ethel l'a après tout vu débarquer du jour au lendemain pour prendre de la place chez son frère, ce n'est donc pas forcément une mauvaise nouvelle que Mickey lui transmet et pourtant, Dieu sait qu'elle pourrait lui coûter.

Lâche, Mickey l'est certainement en évitant toute confrontation qui pourrait lui être offerte avec le premier occupant de ces lieux. Et lâche, sans doute le serait-il encore plus s'il rassemblait ses affaires et décidait de partir sans même le prévenir, alors que Rhett n'est lui-même pas un modèle de transparence depuis quelques temps. Ces murs resteront toujours plus accueillants que ceux de son studio, recouverts de très nombreuses fissures témoignant des excès de colère susceptibles de l'animer lorsque Mickey se trouve seul. Ici au moins, il ne ressent pas le besoin de passer ses nerfs sur tout ce qui l'entoure mais sa rage, le boxeur n'a pas à chercher bien loin pour la retrouver quand les derniers évènements l'amènent à se sentir aussi perdu que mis de côté. C'est à se demander ce qui le retient encore dans cet appartement qui n'a jamais été le sien et où Mickey s'est jusqu'ici contenté de trainer sa morosité, conscient de ne pas être le meilleur colocataire dont on puisse rêver mais encore assez naïf pour croire que Rhett verrait en lui un confident tout trouvé. Tout ce que cette histoire lui laisse c'est une montagne de doutes et l'impression de compter pour du beurre, mais il s'interdit pour autant de faire payer à Ethel tout ce qu'il peut présentement reprocher à son frère. « Excuse-moi, je n’ai pas pensé d’avertir que je passerais. Je ne serai pas là longtemps, je viens seulement chercher mes souliers de sport. » Elle justifie déjà sa présence comme si elle n'était pas libre d'aller et venir dans cet appartement, alors qu'il estime être la dernière personne à qui Ethel se doit de rendre des comptes. Il n'est après tout qu'un squatteur en ces lieux et ça, personne ne risque en principe de pouvoir l'oublier. « T'excuse pas, t'es bien plus chez toi ici que moi. » il l'informe alors avec calme, quand bien même l'amertume dans sa voix teinte déjà ses prochaines paroles. Il se pourrait bien que sa nuit, Mickey soit amené à la passer ailleurs pour ne pas se retrouver dans les pattes du moindre Hartfield – prêt à croire qu'il rendra service à Rhett en s'effaçant de cette façon quand en vérité, c'est plutôt lui-même que le boxeur cherche à protéger. « C’est bon, je penserais de lui dire, mais comme je ne coucherai pas ici ce soir, je ne penserais pas qu’il me le demande. » Lui aussi doute à vrai dire que son frère manifeste un tel élan de curiosité, déjà incapable de voir que Mickey fuit ce logement dès qu'il le peut et cela depuis déjà plusieurs jours. « Ça ne l'intéresse sûrement pas de toute façon, alors laisse tomber. » Il hausse fatalement les épaules, préférant encore ne pas mêler Ethel à leurs histoires en faisant d'elle une messagère et pourtant pas prêt d'en prendre l'initiative lui-même.

Jusqu'ici Mickey n'a jamais fait les choses dans le dos de quiconque mais la situation n’est plus tout à fait la même, et la cadette des Hartfield ne manque pas de le ressentir. « T’as le droit de m’envoyer paître si tu veux, mais est-ce qu’il s’est passer quelque chose avec Rhett ? » Il ne peut pas reprocher à Ethel son envie d'en savoir plus, mais il ne peut en même temps pas trahir certains aspects de sa relation avec Rhett. Tantôt ennemis, tantôt amis, tantôt intimes, leur étiquette n'a jamais été claire et pourtant, ce n'est qu'aujourd'hui que Mickey s'en indigne. « Oh, ton frère est juste la personne la plus difficile à suivre que je connaisse. » Et sans doute n'est-il pas tellement mieux dans son genre, quand il y pense. Compliqués l'un comme l'autre, les deux hommes parviennent aussi bien à s'entendre qu'à se taper sur le système et les circonstances de leur rencontre témoignent à elles seules d'une relation bâtie en dehors de toute logique. Il apprécie Rhett autant qu'il le désire et le déteste, et ce n'est encore pas aujourd'hui que Mickey parviendra à savoir sur quel pied danser avec lui. « Je ne peux pas tout te dire parce qu'il m'en voudrait sûrement d'avoir ouvert ma bouche, mais j'ai du mal à comprendre ce qu'il attend de moi parfois. » Un flou qui ne l'aide pas à trouver sa place dans un paysage où Mickey a avant tout l'impression d'avoir été utile à un moment bien précis, et peut-être pas davantage. Son regard parcourt alors la pièce avant de revenir se poser sur Ethel, disposé à en dévoiler un peu plus tant qu'il ne met pas en péril la chose dont Rhett doit être le moins fier. « On s'est croisés à un mariage l'autre jour, ou disons plutôt que je l'ai aperçu et que lui n'a sûrement même pas réalisé que j'étais là aussi. » Mickey n'a pas la prétention de croire qu'il est du genre très remarquable, mais ce n'est pas faute d'avoir tenté d'initier un contact visuel avant de comprendre que Rhett n'avait aucune chance de considérer sa présence. Une part de lui ne voulait peut-être pas le voir, aussi. « Il était sur son petit nuage et moi, j'avais juste pas ma place dans tout ça. » Autrement dit dans ce bonheur que le Hartfield semblait avoir bel et bien retrouvé auprès de sa petite amie, seule personne à qui il ait vraisemblablement témoigné de l'attention ce jour-là. « Tu le savais, toi, qu'il s'était remis avec elle ? » Elle, pour ne pas nommer la Evelyn qu'Ethel doit probablement bien connaître. Si quelqu'un ne risquait pas d'être informé de leur rabibochage c'est bien lui et Mickey mentirait s'il disait ne pas l'avoir mauvaise, au cas où son ressentiment ne se devinerait pas à des kilomètres.

Il n'est pas chez lui ici et ferait sans doute bien de ne pas l'oublier parfois. Rhett l'a accepté en tant que pseudo colocataire sur une idée qui avait tout pour être mauvaise, donnant un relief supplémentaire à une relation avançant déjà sans aucune forme de logique et ce soir, Mickey se demande si la logique ne voudrait pas justement qu'il quitte ce logement aussi rapidement qu'il l'avait investi quelques semaines en arrière. Une décision qui n'a encore rien d'officiel et qu'il ne prend pas non plus le risque de communiquer à Ethel, préférant pour l'heure parler d'une nuit qu'il passera ailleurs tout en effleurant le réel fond du problème : son frère, avec lequel Mickey ne sait désormais plus quel comportement adopter. Compliqués, les deux hommes le sont sans l'ombre d'un doute mais jusqu'ici, jamais Rhett ne lui avait donné l'impression de l'exclure de sa vie à la première amélioration survenue dans celle-ci – de quoi l'amener à penser que peut-être, l'unique place qu'il peut y trouver ne concerne que ses sombres côtés et que son bonheur, Rhett n'a tout simplement pas à cœur de le partager avec lui. « Je te l’accorde qu’il n’est pas toujours facile. Même moi, après trente-trois ans à le connaître, je ne le comprends pas toujours. » Sans doute que ces mots le rassurent dans une certaine mesure car il n'a pas la prétention de connaître Rhett depuis très longtemps pour sa part, leur rencontre ne remontant qu'à quelques mois malgré la rapidité avec laquelle les choses s'étaient dénouées puis mises à évoluer. Ainsi Ethel admet au moins que son frère n'est pas simple à manier, y compris pour celles et ceux l'ayant eu toute leur vie à leurs côtés. « Mais as-tu essayé de lui parler ? Malgré ses grands airs, je pense qu’il est quand même capable d’écouter ce qu’on a à lui dire. » Plus capable d'écouter que de venir lui-même le trouver manifestement, car Mickey a le sentiment que c'est à lui de donner l'impulsion sous peine que Rhett ne continue de vivre son bonheur retrouvé dans son coin. Il ne doit même pas réaliser que cette situation l'atteint, pour preuve sa distance et son silence des derniers jours qui ne l'a pas alarmé une seule seconde. « Mes excès de fierté finiront sûrement par me perdre, mais je repousse cette discussion avec lui simplement parce qu'il ne se précipite pas pour me parler le premier. » Et sa fierté, parlons-en car Mickey l'a reniée plus d'une fois pour les beaux yeux du Hartfield, quand ce n'était pas sa dignité qu'il venait piétiner pour lui. Il préfère encore ne pas penser aux différents services rendus et surtout au dernier en date, dont le timing semble un peu trop proche de la réconciliation avec sa copine pour que Mickey ne se sente pas comme le bouche-trou de service. « J'ai juste l'impression d'être un ami que quand ça l'arrange. » Le terme ami le fait même grincer des dents car Rhett et lui n'ont jamais pris le temps de définir ce qu'ils étaient exactement et Mickey ne peut qu'avouer à lui-même avoir espéré un peu plus même si l'attirance qu'il a pu éprouver pour son frère, il n'est pas certain de pouvoir la confier à Ethel sans manquer de trahir le reste.

Il devrait sans doute se réjouir pour Rhett et lui souhaiter tout le bonheur du monde maintenant que les choses semblent arrangées dans son couple, mais ce n'est pas comme si le principal intéressé s'était donné la peine de l'en avertir en tant qu'ami. Et c’est une chose que Mickey ne s'attendait pas à découvrir au beau milieu d'un mariage parmi les autres contrariétés que l'évènement a pu lui réserver, véritablement tombé des nues en réalisant que le Hartfield avait recollé les morceaux avec sa bien-aimée quand aucun signe n'aurait pu l'y préparer, à moins qu'il n'ait tout simplement pas voulu voir ces derniers. « Oui je suis au courant. Elle est passée ici l’autre fois. Rhett ne te l’avait pas dit ? » Cette question que lui adresse Ethel lui provoque un rire aussi jaune que furtif car non, Rhett s'est pour le coup bien gardé de le lui annoncer tout comme il ignorait que la fameuse Evelyn avait récemment mis les pieds ici. Il aurait pu tomber sur elle de la plus imprévisible des manières et Mickey n'en revient pas que Rhett ait pu prendre ce risque sans même le lui dire, quand bien même les choses ne parviennent plus tellement à le surprendre. Se souvient-il seulement qu'il vit parfois ici ? Le boxeur pourrait presque en douter. « Non, c'est pas le genre de chose dont il a prévu de m'informer visiblement. » remarque-t-il alors, un bref soupir passant au même instant la barrière de ses lèvres. Sa sœur était au courant mais pas lui, autrement dit Rhett n'en a pas fait un secret pour tout le monde au cas où Mickey questionnerait encore son peu d'importance ici. « Et ça m'échappe un peu, à partir du moment où il m'a jamais caché qu'ils faisaient une pause tous les deux. » Il ne connaissait l'histoire que dans les grandes lignes et cela lui suffisait, mais il ne méritait apparemment pas une mise à jour sur toute cette situation pour autant. Rhett pourra toujours prétendre qu'il attendait le bon moment pour le prévenir, mais une part de lui soupçonne plutôt qu'il n'en avait aucunement l'intention. Blessant, ça aussi. « Si les choses se mettaient à bouger pour mon divorce, ça me viendrait pas à l'esprit de le lui cacher, tu vois. » Et Mickey n'est pourtant pas toujours lui-même un modèle de transparence, il en a bien conscience. Son divorce est en l'occurrence un sujet plus d'une fois mentionné entre eux, suffisamment en tout cas pour que Rhett en connaisse les dernières nouveautés et ce, sans que la réciproque ne soit vraie. « Tu ne t’entends pas bien avec Evelyn ? » On pourrait s'imaginer que deux-là n'ont aucune chance de s'entendre compte tenu de ce qui les oppose mais la réalité est là, sans que Mickey ne cherche à la nier : cette Evelyn, il ne sait encore rien d'elle alors parier sur leur mésentente serait un peu trop facile. « Pour tout t'avouer, je ne l'ai pas encore rencontrée. » Il l'a juste aperçue audit mariage, pour le peu qu'il a été amené à en voir et ce n'était pas suffisant pour se forger une véritable impression. Sentant que ses réponses ont de quoi rendre Ethel confuse, c'est un regard cherchant à la convaincre qu'il relève finalement vers elle. « Ne t'imagine pas que je vois d'un mauvais œil le bonheur de ton frère, c'est plus complexe que ça. Je pensais juste qu'on partageait des choses et que j'avais pas atterri ici par hasard, mais au final je sais plus trop. » Ce qu'il fiche ici en l'occurrence, et ce que Rhett attend encore de lui. S'ils sont amis, s'ils ne l'ont jamais réellement été, s'il peut espérer un tant soit peu d'honnêteté de sa part à l'avenir, ou si un fossé s'est creusé pour de bon entre eux. Il ne sait pas, il ne sait plus et cette situation l'agace plus que tout. « Toi qui sembles bien la connaître, elle est comment cette Evelyn ? » Mener l'enquête de son côté est la seule chose qu'il puisse vraiment faire pour cerner tout ce qui lui échappe, et il n'en voudrait même pas à Ethel d'en toucher après ça quelques mots à son frère. « Rhett a l'air d'être un autre homme avec elle, je l'avais jamais vu rayonner comme l'autre jour au mariage. » Et peut-être bien qu'il n'était pas prêt à voir ça, non plus. Cette vision de lui apaisée et heureuse puisque dans cette version de sa vie, Mickey ignore quelle place il peut occuper ni même s'il peut encore lui être d'une quelconque utilité.

Il risque d’attendre encore longtemps s’il compte sur Rhett pour revenir le premier et il le sait, mais Mickey est indéniablement celui mettant le plus sa fierté de côté depuis que le Hartfield est apparu dans sa vie en fin d’année dernière. Pour lui, il estime même avoir ravalé celle-ci un trop grand nombre de fois et c’est une frustration immense que le boxeur en retire, celle d’être possiblement le seul à questionner la signification d’une amitié qui n’en porte pas toujours très bien le nom. Il reconnait fuir aujourd’hui la discussion qui s’impose, et par la même occasion l’homme dont il se surprend encore à occuper le canapé malgré les silences de ce dernier. Rhett a d’autres chats à fouetter ailleurs qui de toute évidence ne le concernent pas, et Mickey se demande s’il ne ferait pas mieux lui aussi de mener sa vie sans finir la plupart de ses soirées ici. À quoi bon si à l’arrivée, il n’y gagne même pas au moins un ami. « Vous les hommes et votre fierté. Tu sais, il y en a un qui devra faire le premier pas un jour ou l’autre. Et si tu n’es pas prêt à le faire, tu devras accepter que de ne plus lui parler peut être une éventualité. » Et cette éventualité qu’Ethel souligne lui déplaît, il n’affirmera pas le contraire. Il n’est pas prêt à faire une croix sur tout ce qui le lie à Rhett, peu importe quelle doit être leur étiquette, mais il ne sera pas celui qui lui courra éternellement après. Ce n’est pas sa vision de l’amitié et force est de constater qu’il se prend bien trop la tête pour un type qui ne le lui rend pas, capable de le trouver quand le besoin s’en fait ressentir mais visiblement pas quand tout semble aller mieux dans sa vie. « Pour être honnête, je pense qu’il manque seulement de temps entre le retour d’Evelyn, l’organisation du match caritatif et sa sobriété. Et je dois prendre aussi de son temps en habitant maintenant ici. » Il reconnait bien là le discours d’une sœur s’efforçant de voir le bon côté des autres et refusant par la même occasion de croire que son frère peut à ce point négliger ceux qui l’entourent. Mickey ne peut pas lui reprocher de défendre son aîné mais il lui est impossible de ne pas doucement soupirer, se sentant pour sa part très légitime dans ce qu’il peut ressentir. « C’est gentil de ta part Ethel, mais je crois que Rhett a pas besoin que tu lui trouves des excuses. Du temps il peut en trouver quand il le veut vraiment, c’est pas le seul homme au monde à avoir une vie bien remplie. » Car que devrait-il dire lui-même entre la gestion de son bar et de ses trafics, ses tentatives pour être un père de plus en plus présent pour Lola et l’organisation du même match que celui occupant Rhett ? La vérité c’est qu’une petite mise à jour sur sa vie aurait suffi, c’est même tout ce que Mickey demandait car en dehors du temps dont son presque colocataire ne semble pas manquer pour d’autres, il ne sait pas s’il peut encore lui être utile ou s’il a officiellement obtenu tout ce qu’il voulait de lui. « J’aide aussi à organiser le match tu sais, et c’est même pas ton frère qui me l’a proposé. » Cette initiative était la sienne et Mickey serait prêt à jurer qu’elle n’était pas vouée à le faire réagir, même si une part de lui désirait aussi admirer Rhett sur un terrain de rugby. « L’histoire ne dit pas si on arrivera à échanger plus de deux mots d’ici là. » souffle-t-il, conscient que laisser les choses en l’état plusieurs semaines encore ne serait pas une bonne chose et qu’il n’en aura pas non plus la patience. L’impulsion devra sans doute venir de lui et Mickey est tout sauf ravi par cette idée, considérant que sa position est déjà la pire.

Il ne niera pas être tombé de haut en découvrant que la relation en pause entre Rhett et sa petite amie était repartie de plus belle, sans que cette information ne soit là encore passée par lui. S’il admet ne pas être la première personne à prévenir d’une telle nouvelle, Mickey voit tout de même les jours défiler depuis ce fameux mariage sans que Rhett ne trouve l’occasion de lui dire, à croire que l’avancée de sa vie amoureuse n’est pas une chose qu’il a en tête de partager avec lui – du moins, pas quand tout semble s’arranger de ce côté de sa vie. « Je ne pense pas qu’il t’ai cacher le retour d’Evelyn dans sa vie… Je pense seulement qu’il n’a pas eût le temps de te le dire. » Elle sait déjà ce qu’il peut penser de cette histoire de temps dont son frère aurait manqué et pour cette raison, Mickey préfère ne rien en dire de plus. Ce n’est pas son ressenti, pas après plusieurs jours passés à se demander si enfin, Rhett allait un minimum le considérer. Du temps il en a eu, ce n’est pas comme si Mickey était constamment fourré à l’autre bout de la ville et pas comme s’il n’avait pas un téléphone, non plus. La seule chose qu’il consent à faire est alors de hocher la tête face à la tasse de café proposée par Ethel, dans un silence lui tordant le ventre. Il n’a rien contre elle et ne voudrait surtout pas qu’elle puisse le penser, mais il s’apprête déjà à regretter d’avoir demandé à ce qu’elle lui parle d’Evelyn, car pourquoi cherche-t-il à se torturer ainsi ? « Elle est vraiment gentille. Elle est douce et attentionnée envers tout le monde. Je l’apprécie vraiment. C’est une femme qui m’a l’air à savoir ce qu’elle veut dans la vie et qui n’hésite pas à prendre les choses en main pour l’obtenir. » En d’autres termes Evelyn a un paquet de qualités que lui n’a pas, et Mickey comprend mieux pourquoi c’est auprès d’elle que son frère se sent le mieux. C’est une stabilité que l’intéressée lui apporte, tout ce qu’il ne risque pas de connaître avec lui et cette réalité fait mal, au fond de lui. « Je pense vraiment qu’elle est celle dont Rhett a besoin. Elle n’est pas là pour le surveiller, mais pour l’appuyer et pour l’encourager dans la bonne voie. » Tout comme sa propre femme savait si bien le faire à l’époque, avant que Mickey ne la décourage par son manque d’efforts. Il n’a plus qu’à souhaiter au Hartfield que les choses tournent bien mieux pour lui mais avec ce qu’il sait, Mickey ne donne pas forcément cher de ce bonheur retrouvé. « Rhett m’a l’air heureux avec elle. Et ça me rassure de savoir qu'elle est là pour lui. » Ces dernières paroles lui portent un coup supplémentaire même s’il ne désire pas le montrer, aussi bien parce que Rhett a choisi de vivre ça de son côté que parce qu’heureux, Mickey n’espère plus l’être lui. Il devrait se réjouir pour son ami et il le sait, mais les choses ne sont pas si simples entre eux. « J’espère au moins qu’il a conscience de la chance qu’il a et qu’il ne gâchera pas tout. » S’il peut sonner un brin alarmiste, Mickey est en réalité un peu trop bien renseigné sur le genre de conneries dont Rhett est capable, sa récente tromperie en tête de liste. Un acte qu’il ne prendra bien évidemment pas le risque d’insinuer face à Ethel, et pas seulement parce que c’est avec lui que son frère a fauté. À ce stade si cela doit un jour se savoir, il est disposé à croire que Rhett n’a besoin de personne d’autre que lui-même pour se trahir. Accusant péniblement le coup de cet échange, Mickey finit par se redresser avant de se hisser sur ses deux jambes. « Je crois que je ferais mieux d’y aller Ethel, ton frère ne va sûrement pas tarder à rentrer et c’est pas ce soir qu’on aura une discussion lui et moi. » Tant pis si cela fait de lui un lâche, les conditions ne sont de toute façon pas réunies pour permettre au moindre dialogue d’être rétabli ce soir. Si son intention d’aller dormir ailleurs ne fait quant à elle aucun doute, Mickey n’est pas pour autant décidé à partir comme un voleur et c’est pourquoi il se tourne à nouveau vers Ethel, avec le peu de bonne volonté qui lui reste. « Désolé que t’aies eu à écouter tout ça, je serai sans doute de meilleure humeur la prochaine fois. » Il ne peut en réalité rien promettre, pas même qu’il continuera de dormir ici mais il apprécie assez la jeune Hartfield pour laisser planer cette possibilité. Un jour, que ce soit dans cet appartement ou en dehors, ils seront sans doute amenés à se recroiser. « Et s’il te demande quelque chose, t’es libre de considérer que cet échange a eu lieu ou non. » Il ne l’empêchera pas de rapporter leur discussion à son frère si elle se décide à le faire, Mickey n’ayant pour ainsi dire rien à cacher. L’heure tourne simplement bien assez vite pour qu’il doive à présent s’éclipser, et cela sans tarder. « Merci pour le café et le reste. » conclut-il dans un sourire aussi faible soit-il, sous-entendant que son écoute a été appréciée. Il en ressort certes d’autant plus frustré mais ce n’est aucunement de sa faute à elle, raison pour laquelle Mickey n’en veut présentement qu’à lui-même.