But we're just beautiful people with beautiful problems, yeah Beautiful problems, God knows we've got them But we gotta try, every day and night
Avril 2023 : Aujourd’hui je m'accorde une petite journée détente. Loin de la pression de ce projet qui semble de plus en plus concret et qui a tendance à me faire stresser et à même me faire un peu paniquer par moment. J'ai le soutien infaillible de mon mari et il croit en moi bien plus que je ne crois en moi, et son soutien m'aide énormément mais quand je me retrouve seule face à la pression et au travail immense qu'il me reste à faire, le doute s'installe et c'est parfois compliqué à gérer pour moi. Alors, l'idée de sortir, de quitter ce local et les travaux, d'arrêter de penser à tout ce qu'il me reste à faire, pour une journée, c'est une idée qui me plaît énormément. Surtout que des journées comme celle ci, je n’ai plus trop l’occasion d'en faire mais qu’aujourd’hui je m’autorise parce que Lexie en a besoin et moi aussi j’en ai besoin. Vraiment besoin parce que cette pression semble avoir de plus en plus d'impact sur moi. J'ai besoin d'une journée entre filles à faire les boutiques de luxe comme je pouvais le faire si souvent il y a quelques années. Ma vie a changé pour le mieux sans aucun doute mais me retrouver à faire les boutiques les plus luxueuses de Brisbane avec Lexie me rappellent ô combien j’aime ça. Le shopping, le sport et le sexe. Le triple S pour se détendre au mieux. Ils ne sont pas dans mon ordre préféré mais une journée de shopping fait partie des choses que je préfère faire et ça me donne en plus l’occasion de passer du temps avec Lexie et de prendre un peu de ses nouvelles et de me faire une idée de son moral en ce moment. Depuis le jour où elle m’a appelé à l’aide me dévoilant ses problèmes je lui ai fais la promesse d’être là pour elle et je compte bien tenir cette promesse. J'ai pas été très fiable par le passé avec mes amis, étant souvent celle qui avait besoin d'aide, mais aujourd'hui je ne suis plus la même. Aujourd'hui je suis assez stable et assez sobre surtout, pour me comporter comme une vraie amie. Enfin c'est ce que j'espère et surtout ce que j'essaye d'être pour Lexie. Une amie, une confidente, ou au moins quelqu'un a qui elle peut parler sans jugement parce que sa vie je la connais, ses problèmes je les comprends et je les ai eu moi aussi, alors c'est finalement assez facile pour moi de la comprendre. Depuis ce jour, j'essaye d'être présente pour elle, un peu comme une partenaire de galère ou une marraine dans cette lutte qu'elle mène et dont je connais le parcours. Et comme moment de soutien / moment thérapeutique je pense que le shopping est bien plus agréable que les réunions. Ce n’est pas le même objectif mais voir Lexie répondre présente aujourd’hui et les jours précédents me rassure grandement. Je sais par quoi elle passe. Je sais les hauts et les bas. Je connais la tentation. Je sais la difficulté de vivre au jour le jour avec le fait de devoir lutter contre une partie de soit. Je sais l’énergie que ça demande et la force aussi. J’ai toujours sous estimé ma propre force. Me trouvant faible d’avoir succombé à mes addictions en premier lieu mais chez les autres je peux reconnaître cette force que je ne m’accorde pas. Et je sais que Lexie doit faire preuve de beaucoup de force pour tenir le coup en ce moment alors que ce monde dans lequel nous vivons est truffé de tentation en tout genre. Elle a mérité cette journée shopping et j'espère que ça lui fait autant de bien qu'à moi, parce que comme thérapie dépenser beaucoup d'argent pour de belles choses, je crois que c'est une thérapie assez agréable non ?
Je ne sais pas depuis combien de temps nous faisons les boutiques toutes les deux. Mais je sais que ça faisait longtemps que je n’avais pas porté des talons aussi longtemps et que je n’avais pas marché autant avec ces mêmes talons et au bout d’un certains temps, un temps assez grand au vu des trop nombreux sacs que nous traînons, j’ai dis stop et j’ai proposé à Lexie de venir goûter du vrai thé anglais dans un petit salon de thé. Un plaisir qui me vient de mes origines, le tea time c'est important pour nous Anglais, et c'est un bon moyen de se reposer un peu après ces heures de marches à travers les plus beaux magasins de Brisbane. Finalement au lieu du salon de thé c’est dans un bar que nous avons finis par trouver refuge au moment où nous avons réalisé que le salon de thé était fermé et que le seul endroit où se poser dans les alentours se trouvait être un bar. C'est pas forcément l'endroit parfait pour une pause pour deux alcooliques, et j’ai hésité un petit instant, pesant le pour et le contre mais mes pieds douloureux ont eu raison de ma réflexion. Et si, je remets les pieds dans des bars désormais, pas souvent mais je peux le faire, je ne sais pas pour Lexie. Je ne sais pas comment elle se sent à l'idée de s'installer dans un endroit ou les gens autour de nous seront tous (ou presque) avec un verre d'alcool. Mais c'est peut-être aussi un bon test pour elle, pour nous ? Enfin de toute façon, on est ensemble et si je vois que ça devient trop dur pour elle, rien ne nous empêchera de partir non ? « Ça faisait longtemps que je n’avais pas dépensé autant en si peu de temps. J’espère que Caleb sera assit quand il verra ça. » J’ai de l’argent, beaucoup d’argent, trop pour une seule vie, et Caleb gagne très bien sa vie grâce au restaurant et le manque d’argent ne sera jamais un problème mais il vient d’un autre milieu que le mien et me voir dépenser autant en une après midi reste quelque chose qui n’est pas normal dans son monde. Surtout pour des vêtements alors qu'il me répète sans cesse que j'en ai déjà beaucoup trop et si j'étais objective, je ne pourrais qu'être d'accord avec lui, mais on a jamais trop de vêtements non ? « Je ne sais même pas où je vais ranger tout ça. Mais ça fait vraiment du bien. » Cette journée m'a vraiment fait du bien et j’espère que c’est la même chose pour elle. Que ce moment à faire du shopping avec moi est un moment plaisant, parce que je sais que tous les moments que nous passons ensemble ne le sont pas pour elle. Mais j'espère que celui là lui fait un peu apprécier ma présence. Moi je la découvre toujours un peu plus et à plusieurs reprises elle me fait sourire parce que si l'on vient d'un monde similaire elle et moi, je réalise à ses côtés que vivre avec Caleb m'a permis de me détacher un peu de ce milieu mondain dans lequel j'ai grandis. Mais si je n'ai pas toujours apprécié Lexie par le passé, aujourd'hui j'apprécie sa présence, peut-être parce qu'elle me touche, peut-être parce que je me reconnais en elle, peut-être aussi parce que désormais j'apprends à la connaître un peu, au delà de ce qu'elle montre et je suis assez bien placée pour savoir que les apparences sont bien souvent trompeuses. « Tu es une sacrée partenaire de shopping, tu connais les bonnes adresses, je risque de réclamer ta présence plus régulièrement désormais. » Le serveur vient à nous table pour nous proposer des boissons. Et bien sur c'est la carte des cocktails qu'il pose devant nous. Je le remercie tout en lui rendant la carte pour éviter la tentation. Je n’ai pas à le faire pour Lexie, je n’ai pas à l’empêcher de prendre cette décision mais je le fais autant pour elle que pour moi finalement. Et c’est sur un thé glacé à défaut d’avoir du vrai thé anglais que mon choix se porte. « Ça va tu es pas trop mal à l’aise d’être ici ? » Une façon de lancer la discussion. Nous avons surtout passé du temps à essayer des vêtements, à tester toutes sortes d’ensembles plus ou moins chers, plus ou moins beaux aussi, plus ou moins sexy. Nous avons ris, dépensés de l’argent, beaucoup. Mais l’occasion de parler sérieusement ne s’est pas vraiment présentée et là en face à face posées toutes les deux dans ce bar c’est le moment idéal pour ça. « Comment tu te sens en ce moment ? » La question est posée, presque légère alors que derrière ces mots je sais que la réponse pourrait ne pas l'être, mais c'est sans crainte, ni jugement, que je lui pose la question, parce que c'est devenue finalement une question comme une autre, parce que l'addiction fait partie de sa vie, de la mienne aussi, et c'est un secret pour aucune de nous alors à quoi bon faire semblant ?
Lexie tend sa carte bancaire à la vendeuse, à la caisse d’une boutique luxueuse. Dans ce premier magasin, elle a trouvé deux robes, un pantalon cintré et de magnifiques chemisiers : une virée fructueuse, dans laquelle serait déjà passé tout son salaire de chez ABC. Mais elle n’avait jamais travaillé là-bas pour l’argent : elle pourrait rester oisive, profiter de l’héritage de son père, se laisser vivre, tout simplement. Elle avait cependant une passion pour le journalisme qui l’avait poussé à vouloir exercer un emploi. Dans cette boutique, Alexandra et elle ont été traitées comme des reines. On les a installées dans des fauteuils moelleux à tour de rôle, l’une faisant des essayages pendant que l’autre dégustait un café, après avoir refusé le champagne qui leur était proposé. La vendeuse rend finalement sa carte à Lexie et lui tend son paquet avec un sourire aimable. La brunette s’en saisit avant de le tendre à son tour à Alexandra, la dévisageant avec insistance lorsque celle-ci ne s’en saisit pas.
« He bien ? Je vais quand même pas porter tous mes achats toute l’après-midi … »
Lexie parcourait habituellement les boutiques avec un chauffeur privé, qui se chargeait de portait ses paquets. Privée de cette assistance traditionnelle pour elle, elle était un peu perdue. L’ancienne miss météo est dépitée et comprend rapidement qu’elle va devoir se coltiner des sacs toute la journée. Elle peste, jure qu’elle viendra la prochaine fois avec un chauffeur, mais profite tout de même du reste de l’après-midi. En réalité, elle est enchantée d’être ici avec Alexandra. Sa dernière sortie shopping semble remonter à il y a une éternité. Toute activité normale a un goût particulier depuis qu’elle a arrêté la cocaïne, il y a un peu plus d’un mois. Le quotidien a une autre saveur, comme s’il avait été auparavant recouvert d’un voile qui empêchait Lexie d’en distinguer tous les contours et les subtilités. Tout semble plus important, dorénavant, plus intense, tout comme le manque et la douleur. Parce que, si une journée shopping lui plait, si quelques missions au Walker Group la comblent, rien n’équivaudra pour l’instant la privation de drogue. Lexie est passée par tous les stades : le froid, le chaud, les nausées, les vomissements, les migraines, les maux de ventre, les courbatures … Elle a déjà tout testé, toutes les étapes, toutes les conséquences du sevrage, et ce à plusieurs reprises. Car ce serait mentir que de dire qu’elle n’a pas rechuté déjà une fois, après plus d’un mois d’abstinence. Elle avait pourtant essayé de résister, mais avait fini par trébucher après 31 jours. Alors elle avait recommencé, encore. Elle était repartie de zéro, encore. Elle avait vécu à nouveau les mêmes épreuves, inlassablement. Et depuis maintenant 12 jours, elle tenait. La jeune femme est bien entourée. Ses proches sont présents, chacun à leur manière. Channing la réconforte et il lui arrive de lui tenir compagnie le soir, quand la solitude se fait oppressante et quand l’appel de la nuit devient trop fort. Elijah la tient occupée la journée, lui confiant mission sur mission au Walker Group pour que ses pensées ne divaguent pas vers la cocaïne. Et Alexandra, elle, l’emmène aux réunions et répond à toutes ses questions sur le sevrage. Ces réunions ne sont pas spécialement une partie de plaisir. C’est une étape obligatoire, sans aucun doute, un soutien important, mais pour Lexie, c’est aussi un signe d’échec : elle était déjà venue là, à l’époque, lorsqu’elle était enceinte et avait dû arrêter la cocaïne. Puis elle avait perdu le bébé et avait rechuté. Venir aux réunions lui renvoyait donc aux meilleurs et aux pires moments de sa vie, ravivait des souvenirs peu profondément enfouis et particulièrement douloureux. Pourtant, c’était nécessaire, Lexie le savait, alors elle se pliait à l’exercice. Mais quand Alexandra avait proposé une autre activité, le shopping, la brunette avait sauté sur l’occasion : elle en avait besoin. A cet instant précis, avec tous les muscles de son corps criant à la délivrance, après avoir marché de boutique en boutique et porté pendant plusieurs heures de nombreux paquets, Lexie n’était plus certaine de détester autant les réunions.
« J’en peux plus … Achève-moi. »
Elle déclame ces quelques mots à la sortie de leur dernier magasin, dramatique. Et la blonde a pitié d’elle. Mais l’établissement dans lequel Alexandra veut les emmené est fermé et bientôt, elles se retrouvent installées dans un bar. Lexie est assise sur le rebord de sa chaise, droite comme un piquet, tendue, semblant prête à détaler à la première complication.
« Ca faisait longtemps que je n’avais pas dépensé autant en si peu de temps. J’espère que Caleb sera assit quand il verra ça. »
La brunette laisse échapper un petit rire mais secoue la tête : pour elle, ce n’est pas inhabituel de dépenser autant. Elle ne fait jamais attention, en réalité, et sait qu’Alexandra n’a pas à le faire. Elles ont de nombreux points communs, dont leurs origines.
« Je ne sais même pas où je vais ranger tout ça. Mais ça fait vraiment du bien. »
Lexie rit à nouveau, mais ne se détend toujours pas.
« Je suis sûre que Channing peut faire des nouveaux plans pour votre maison, pour agrandir le dressing … ou en mettre un deuxième, tant qu’à faire. Caleb va adorer ! »
La conversation se poursuit, et Lexie tente de garder son attention sur Alexandra. Elle se concentre, observe ses lèvres bouger, écoute les mots qui sortent de sa bouche, et répond. Mais dans sa vision périphérique, elle voit des verres de vins, elle voit des cocktails colorés, elle voit des plateaux chargés de consommations alcoolisées.
« Tu es une sacrée partenaire de shopping, tu connais les bonnes adresses, je risque de réclamer ta présence plus régulièrement désormais. »
Lexie laisse échapper un rire sans joie.
« Mouais, j’aimerais pouvoir en dire autant sur ma partenaire de shopping … T’as même pas porté mes paquets ! »
Elle râle, mais elle n’arrive pas à réprimer le sourire amusé qui illumine son visage. Pourtant, ce sourire se fige quand le serveur pose devant elles la carte des cocktails. Lexie se fige instantanément, et son regard affolé passe de la carte à Alexandra. Elle a envie que son amie les tire de là car elle, elle en est incapable. Elle n’est pas accro à la boisson, non. Mais boire, c’est risquer de perdre le contrôle, d’oublier qu’elle ne doit pas consommer de cocaïne. Alors, quand elle avait décidé d’arrêter de se droguer, elle avait également dû arrêter l’alcool. Heureusement, Alexandra rend la carte au serveur, commande un thé glacé et, même si Lexie déteste ça, elle articule difficilement un « pareil », parce qu’elle ne peut faire mieux.
« Ca va tu es pas trop mal à l’aise d’être ici ? »
Lexie déglutit difficilement et secoue la tête.
« Noooon ! »
Mais on entend les trémolos dans sa voix, on entend sa difficulté à se maîtriser. On voit ses yeux papillonner vers les autres tables, alors qu’elle observe maintenant les verres des autres ouvertement. Elle doit se calmer, maintenant. Elle tente de respirer doucement, et concentre toute son attention sur Alexandra, plongeant son regard bleuté dans le sien.
« Comment tu te sens en ce moment ? »
Lexie hausse les épaules.
« Comme une merde. Comme si ce n’était plus moi, et en même temps, comme si c’était la première fois que c’était moi depuis longtemps. »
Tout est plus clair, sans cocaïne. Le temps défile à une vitesse normale, il n’y a plus de blancs, plus d’absences. Elle ne se sent plus invincible par moment. Certains souvenirs ne semblent pas intensifiés outrageusement. Et pourtant, il y a ce manque constant qui semble dicter sa vie, 24 heures sur 24, encore et encore. Il y a cette envie, qui s’insinue dans ses pensées et qui détermine chacune de ses actions. Plus rien n’était pareil. Mais était-ce mieux ?
But we're just beautiful people with beautiful problems, yeah Beautiful problems, God knows we've got them But we gotta try, every day and night
Avril 2023 : « He bien ? Je vais quand même pas porter tous mes achats toute l’après-midi … » Elle rit Alex en entendant les mots de Lexie et en la voyant lui tendre ses sacs. Elle rit mais elle lève les yeux au ciel, amusée de constater que Lexie a vraiment cru qu'elle allait lui porter ses sacs. Elles viennent du même monde, elles ont vécu dans les mêmes maisons, enfin dans des maisons similaires sans doute, elles ont la même manière de s'amuser aussi, de faire la fête, de vivre la vie avec excès. Elles ont les mêmes penchants pour les produits illégaux et addictifs. Elles ont le même passé, le même passif et pourtant, aujourd'hui, elles semblent si différentes. Elles ont pourtant le même âge là aussi mais des trajectoires de vie différentes. Alex a apprit à connaître Lexie, elle a apprit à voir au delà de ce que l'ancienne miss météo veut bien montrer. Elle a apprit à déceler derrière les excès, les failles de celle qui lui ressemble un peu trop et dans laquelle elle se reconnaît parfois. C'est sans doute pour ça qu'il y a de la tendresse dans la manière d'être avec Lexie, même quand elle se montre un peu capricieuse et un peu trop superficielle. Mais, elle a connu ça Alex et sans doute qu'elle serait comme Lexie aujourd'hui, si sur son chemin elle n'avait pas rencontré un jeune fils de fermier qui lui a apprit la vie des gens normaux. Il lui a aussi apprit à vivre sans drogue, sans alcool, sans excès. Il lui a apporté le soutien, la confiance, l'amour, l'estime, la raison pour trouver la force de lutter contre son addiction. De lutter contre les envies de rechutes. De lutter contre les effets douloureux du sevrage, les effets douloureux du manque, et de la lutte interne perpétuelle contre les habitudes et ce fonctionnement du cerveau qui remets la drogue et l'alcool au centre des pensées à la moindre occasion. Bonheur, alcool. Tristesse, alcool. Fête, drogue. Mauvaise nouvelle, drogue. Bonne nouvelle, alcool. C'est tout un fonctionnement du cerveau et des mécanismes qu'il faut déconstruit, et sans Caleb, sans leur famille, Alex sait qu'elle n'aurait jamais eu cette force en elle, pour elle, d'y arriver. Lexie n'a pas eu ça. Elle a même tout perdu en si peu de temps et c'est avec certaine tendresse qu'Alex essaye d'être présente pour Lexie. Par amitié aussi, parce que le temps passé ensemble aux réunions à parler de sujet aussi douloureux et forts que leur passé, ne peut pas ne pas avoir d'impact sur leurs vies, sur leurs liens. Lexie n'a pas eu cette chance qu'Alex a eu, elle n'a pas eu un Caleb dans sa vie au moment ou elle en aurait eu besoin et au contraire elle a tout perdu mais aujourd'hui, elle lutte. Elle se bat, elle essaye, et Alex le voit et elle voudrait faire plus. Les réunions, les séances shoppings, elle essaye d'être là, mais est-ce assez ?
« J’en peux plus … Achève-moi. » C'est avec un rire qu'elle accueille les mots de Lexie. Les paquets pèsent lourd, leurs talons ont arpenté un nombre de rues bien trop grands et Alex aussi n'en peut plus mais le côté dramatique de Lexie a quelque chose d'assez drôle et rafraîchissant finalement. « Tu devrais faire plus de sport, tu tiendrais plus longtemps et tu pourrais dépenser encore plus. » Elles ont cette chance de pouvoir dépenser sans compter, de pouvoir acheter tout ce dont elles ont envie, c'est encore là un point commun entre elles. De l'argent elles en ont, pas grâce à ce qu'elles ont fait dans leur vie, mais grâce à la famille dans laquelle elles sont nées et aujourd'hui, elles ont bien profité de leur statut de filles de riches. Et elles ont bien mérités une petite pause aussi. C'est dans un bar qu'elles se retrouvent, coup du sort involontaire, mais c'est aussi un moyen pour Alex de voir les réactions de Lexie. Elles n'ont pas parlé de ce sujet aujourd'hui, se donnant du répit, profitant de ce moment entres filles dans les plus luxueux magasins de la ville. Mais c'est dans un bar qu'Alex et Lexie se retrouvent pour souffler et faire reposer leurs pieds douloureux. Sauf qu'Alex voit bien vite à l'attitude de Lexie que si les pieds de l'ancienne miss météo vont pouvoir se reposer, son corps entier est tendu et ne risque pas de se reposer un peu. Alex le voit. Alex observe du coin de l’œil les signaux, essaye aussi de détendre un peu l’atmosphère en évoquant cette journée passée ensemble. « Je suis sûre que Channing peut faire des nouveaux plans pour votre maison, pour agrandir le dressing … ou en mettre un deuxième, tant qu’à faire. Caleb va adorer ! » Elle rit à son tour à la remarque de Lexie imaginant déjà le regard désespéré de son mari si elle venait à lui proposer une telle option. « Faudrait que je lui soumette l'idée juste pour voir sa tête. Mais, j'ai déjà du mettre un ultimatum pour un dressing, il ne pensait pas que c'était primordial pour la maison. Alors si je lui dis que j'en veux un deuxième je crois que je vais le perdre. » Ce n'est pas sérieux, et elle sait que si elle voulait un deuxième dressing, elle trouverait le moyen de l'obtenir. Après tout, Lexie avait raison, Channing pouvait faire des plans pour ça et ils avaient les moyens pour un second dressing si elle le voulait. Et si elle continuait à enchaîner les sorties shopping avec Lexie, peut-être que le dressing deviendrait finalement vraiment indispensable, parce que leur virée avait été fructueuse et Alex avait apprécié grandement les choix de magasins de l'Australienne. « Mouais, j’aimerais pouvoir en dire autant sur ma partenaire de shopping … T’as même pas porté mes paquets ! » Alex sourit à nouveau, amusée par cette remarque et par le fait que Lexie puisse en râler encore. « La prochaine fois, promis on prends quelqu'un pour porter les sacs, et on peut même trouver quelqu'un pour te porter si tu veux. » Elle en rajoute Alex, mais s'en amuse, et finalement l'idée d'avoir quelqu'un pour porter ses sacs n'est pas désagréable pour elle aussi.
La discussion est légère, amusée, mais l'arrivée du serveur et surtout de la carte des boissons, vient jeter un froid direct à la table. Plus de sourire, plus de discussions légères et Alex voit bien le regard que lui lance Lexie. Elle prends les choses en main, hésitant une seconde entre l'idée de s'en aller et celle de prolonger ce moment. Elles pourraient être n'importe ou ailleurs, il a fallu que ce soit un bar qui soit ouvert. Mais c'est le moment, celui que choisit Alex pour entrer dans le vif du sujet, celui qui les réunis habituellement et qui n'a rien d'agréable. Mais, c'est une réalité et la taire n'a jamais été d'une grande aide finalement. Lexie est en pleine lutte depuis quelques semaines et aujourd'hui, c'était un aparté. Pas de réunions, pas de personnes pour partager son expérience, pas de gens pour compter leurs réussites ou leurs rechutes. Mais, le sujet est là, l'attitude de Lexie prouve bien que le problème est toujours là, pas loin et c'est le moment pour l'aborder. « Noooon ! » C'est un non qui ne ressemble pas à un non. Alex le voit, Alex le devine, Alex le sait aussi. Non elle n'est pas à l'aise et l'inverse serait finalement étrange. Alex aussi n'est pas vraiment à l'aise ici, mais c'est pourtant ça la vie. L'alcool autour d'eux, les gens qui boivent sans que ça ne soit un problème pour eux. Lexie les regarde, Lexie les envies sûrement, parce qu'Alex l'a fait. Longtemps. Envier les gens qui pouvaient boire sans que ça ne soit pathologique. Fixer les lèvres des gens alors qu'elles se trempent dans les verres de champagnes. Sentir l'odeur de l'alcool émanant des verres autour d'elle. Elle a été obnubilée par ce liquide pendant longtemps. Elle l'est encore sans doute par moment, elle le sera, sans doute, toute sa vie, parce qu'elle ne peut plus, parce que tout ça lui est interdit désormais, mais son corps, son cerveau, sa vie s'est construite avec l'alcool et si elle a fêté ses 3 ans de sobriété récemment, elle sera toujours une alcoolique, avec un problème d'alcool. Alors, elle comprends Lexie. Elle la voit fixer les verres, les tables, les gens, attirer par ce qu'elle y voit. « Si tu veux qu'on s'en aille, n'hésite pas à me le dire. C'est peut-être trop tôt pour être là. » Elle n'a peut-être pas de problème avec l'alcool comme Alex, mais les deux sont bien placées pour savoir qu'alcool et drogue sont bien trop souvent indissociables dans le monde dans lequel elles ont été pendant trop longtemps. Plus sérieuse, plus attentive aussi, elle prends connaissance de l'état actuel de Lexie. C'est devenu un rituel ça aussi. En réunion ou ailleurs, savoir comment va Lexie est une priorité, savoir comment elle gère cette période compliquée de sa vie est primordial pour pouvoir l'accompagner au mieux. « Comme une merde. Comme si ce n’était plus moi, et en même temps, comme si c’était la première fois que c’était moi depuis longtemps. » Ce discours pourrait sembler étrange à bien des gens, mais Alex y trouve un certain sens. Il y a autant de sevrages qu'il y a de drogués. Autant de manières différentes de ressentir, de vivre les choses mais si les paroles de Lexie pourraient sembler incohérentes pour bien des gens, pour Alex ça ne l'est pas. Ni la sensation de se sentir comme une merde comme le dit Lexie, ni cette sensation qu'elle décrit ensuite. La drogue, l'alcool ou qu'importe la substance, ça apaise, ça crée une autre vision du monde, ça endort les craintes, les douleurs, ça annihile les limites de sa propre conscience. Alors, la vie sans ce filtre, sans cette vision, sans ces moments de perte de conscience et en même temps sans ces moments d'euphorie ou la vie semble bien plus agréable et plus belle, ça fait partie de l'apprentissage. De l'après, d'une vie plus saine et peut-être un peu plus terne, plus douloureuse et plus réelle. « Tu es clean depuis combien de temps ? » Il faut du temps pour appréhender tout ça et Lexie est encore dans une phase d'adaptation avec ce nouveau monde. « Petit à petit tu vas te sentir mieux et tu vas apprendre à te reconstruire sans tout ça. » C'est douloureux, c'est difficile, c'est même violent mais c'est primordial pour s'en sortir. « Laisses toi du temps pour réapprendre à te connaître. En laissant les substances derrières moi, j'ai eu l'impression de laisser toute une partie de moi. Je ne savais pas si je pourrais un jour exister sans tout ça, c'était une grande partie de ma vie, de ma manière d'être, de penser et d'agir, mais je n'ai jamais été aussi sereine que depuis que je ne bois plus, ça prends du temps et c'est compliquée mais si tu commences à avoir l'impression de te retrouver c'est plutôt bon signe. » Enfin c'est ce qu'elle croit Alex. « Tu vois quelqu'un à qui parler de tout ça et qui pourrait t'aider ? » De l'addiction, de ce manque, mais pas que. De tout ce qu'il y a autour, de toute la partie cachée derrière l'addiction et pour ça, Alex est persuadée qu'un professionnel est indispensable. Elle a du passer par là aussi, encadrée, entourée, dans un centre pour l'accompagner à faire ce chemin ou du moins à initier le chemin, mais elle l'a fait et les premiers temps ont été compliqués pour elle. Parce que si l'alcool n'est plus là, les problèmes, la douleur, les raisons qui ont poussé à boire, à consommer de la drogue, elles sont toujours là et les sentiments de honte, de culpabilité, de colère, de tristesse aussi et il faut apprendre à vivre et à surmonter ça sans pouvoir compenser et faire les taire. Parce qu'elle n'avait jamais réellement apprit à faire face à ses pensées, à ses souvenirs, elle voulait les faire taire, comme elle l'avait toujours fait. Elle ne pouvait pas et à défaut d'avoir l'alcool ou une toute autre substance pour l'aider, elle avait apprit à gérer, apprit à faire face aussi, et à se construire différemment et à assumer son passé. Et les soirs trop difficile, elle s'était mise à penser à Caleb, celui pour qui elle faisait tout ça. Lexie n'a pas ça, n'a pas un Caleb dans sa vie, mais elle va devoir trouver la force en elle pour faire face aux tentations, à la douleur et au passé.
La journée shopping a été agréable : une véritable bouffée d’air frais, un bonheur comparé aux réunions des alcooliques et narcotiques anonymes auxquelles les deux jeunes femmes participent habituellement ensemble. Il leur arrive aussi de se voir en dehors, d’échanger et, depuis plusieurs mois maintenant, Lexie apprend à connaître Alexandra. Elles ont un passé similaire, une enfance pas forcément facile, dans des familles riches, avec toutes les obligations que cela comporte. Elles ont la même passion pour le journalisme. Elles ont toutes les deux chuté en route, rattrapées par leurs démons. Mais les ressemblances semblent s’arrêter là. Alexandra est blonde, Lexie brune. Alexandra a un bon job, Lexie est au chômage. Alexandra a un mari et des enfants, Lexie est désespérément seule. Alexandra est gentille, dotée d’une empathie que Lexie n’arrivera jamais à ressentir. En résumé, Alexandra est une version améliorée de Lexie, une version qu’elle n’arrivera jamais à devenir et parfois, cela agace au plus haut point la brunette. La blonde représente tout ce que Lexie ne sera jamais, tout ce qu’elle n’aura jamais, et Lexie l’envie. Elle est également tellement sympathique et soutenante que, malgré la jalousie qui lui serre le cœur, la brune n’arrive pas à se résoudre à la détester … Elle essaie, pourtant. Elle essaie d’ailleurs pendant cette virée shopping, quand Alexandra refuse de jouer la porteuse de sacs pour elle. Lexie a l’habitude de faire les boutiques avec son chauffeur, qui la suit partout avec de nombreux paquets. Aujourd’hui, elle désespère et, entre les talons et les sacs, elle a l’impression d’être au bout de sa vie. Sans aucun doute, le manque de sport durant toutes ses années et la consommation régulière de cocaïne n’ont pas dû aider son corps à atteindre une forme olympique. Alex ne se prive d’ailleurs pas de le souligner quand Lexie se plaint de manière théâtrale de son état de fatigue.
« Tu devrais faire plus de sport, tu tiendrais plus longtemps et tu pourrais dépenser encore plus. »
Lexie lui lance un regard noir, offensée par ce conseil : faire du sport. Evidemment, elle continue à râler.
« Rha, on croirait entendre le médecin du centre ! Lui aussi, veut que je me mette au sport … A priori, ça m’occuperait l’esprit. Un truc stupide, à base d’un « esprit sain dans un corps sain » ! »
Là où les réunions pour alcooliques et narcotiques anonymes ont lieu, plusieurs médecins et psychologues œuvrent. Lexie est suivie par l’un des médecins, avec qui elle parle de son addiction, du manque, de ses éventuelles rechutes, et de la mise en place d’un traitement de substitution. Et le médecin lui a justement conseillé à de nombreuses reprises de se mettre au sport. Si Lexie refuse tout exercice trop physique pour l’instant, elle a tout de même fait l’effort de s’inscrire à la boxe, et va cogner occasionnellement dans un sac de frappe. Pour autant, la brunette n’a pas l’impression, pour l’instant, de ressentir une amélioration sur son corps, qui crie le martyre à l’heure actuelle, épuisé par la journée de shopping. Heureusement, les deux jeunes femmes s’accordent assez rapidement sur la nécessité de faire une pause, mais au lieu de s’arrêter dans un salon de thé, elles se retrouvent dans un bar. Si Alexandra semble à son aise ou si, au moins, elle réussit à donner le change, il n’en va pas de même pour Lexie. Assise sur le rebord de sa chaise, ultra tendue, elle semble prête à s’enfuir à la moindre contrariété. La brunette tente pourtant de ne pas prêter attention aux autres clients qui consomment de l’alcool et de se concentrer sur la conversation, alors qu’Alexandra essaie de capter son attention.
« Faudrait que je lui soumette l’idée juste pour voir sa tête. Mais j’ai dû mettre un ultimatum pour un dressing, il ne pensait pas que c’était primordial pour la maison. Alors si je lui dis que j’en veux un deuxième, je crois que je vais le perdre. »
Les propos de la blonde suscitent immédiatement l’intérêt de Lexie, qui dévisage sa nouvelle amie avec la bouche légèrement entrouverte, ne dissimulant pas sa surprise.
« Il ne voyait pas qu’un dressing est … primordial ?! »
Fronçant les sourcils, la brunette semble réfléchir.
« Tu … lui as trouvé quoi, déjà, à Caleb ? »
Parce que c’était à sérieusement se demander ce qu’il avait de si bien, s’il ne comprenait même pas l’intérêt d’installer dans la maison un dressing. Lui aussi avait des vêtements et des chaussures, bon sang ! Et sa femme, sans doute mille fois plus ! Non, vraiment, un dressing ne pouvait que s’imposer. La conversation se poursuit d’un ton léger, même si Lexie a toujours du mal à se relaxer.
« La prochaine fois, promis on prend quelqu’un pour porter les sacs, et on peut même trouver quelqu’un pour te porter si tu veux. »
A ces mots, la brunette rit.
« Haaaa, en voilà enfin une bonne idée ! »
Clairement, ça, ça serait le bonheur. Alexandra tente de faire régner la légèreté, mais toute idée de détente s’envole quand le serveur leur apporte la carte des cocktails et autres boissons alcoolisées. Lexie se sent démunie, incapable de refuser, incapable d’accepter. Si le barman venait à l’interroger elle et à lui demander ce qu’elle désire boire, elle choisirait une vodka, sans aucun doute, malgré que l’on soit encore en pleine après-midi. Elle n’aurait pas la volonté de lutter, pas avec cette pression sociale qu’il leur impose avec cette carte. Alors elle se tourne vers Alexandra, priant pour que celle-ci prenne les choses en mains. Quelques secondes plus tard, le serveur s’éloigne avec la carte, et une commande pour deux thés glacés.
« Si tu veux qu’on s’en aille, n’hésite pas à me le dire. C’est peut-être trop tôt pour être là. »
Lexie hausse les épaules : elle n’en sait rien. Y a-t-il un moment où ce sera moins difficile ? Y a-t-il réellement un moment où venir en bar sera aisé, et commander un soft quand tout le monde optera pour de l’alcool, sera naturel et facile ? Elle en doute. Elle imagine le reste de sa vie comme une épreuve constante : elle sera toujours une addicte qui luttera contre une éventuelle rechute.
« C’est bon. »
Parce qu’elle pense que ça ne le sera jamais, alors maintenant ou plus tard, peu importe : elle va au moins essayer. Mieux vaut sans doute tester avec Alex, sa coach en sobriété, qu’avec un de ses anciens amis qui aurait déjà commandé une bière. Mais tout moment de légèreté a disparu, les discussions sur les dressings sont bien loin, et voilà qu’Alexandra interroge sérieusement Lexie pour savoir comment elle va. La réponse de la brunette peut sembler confus, mais elle sait qu’Alex, elle, comprendra. Après tout, elle est passée par les mêmes étapes qu’elle, il y a plusieurs années. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est de si bons conseils : elle sait concrètement de quoi elle parle. Et elle comprend quand Lexie tient un discours qui semble totalement incongru.
« Tu es clean depuis combien de temps ? »
Lexie baisse les yeux, soudain gênée. Officiellement, ou réellement ? Elle avait fait appel à Alexandra il y a 6 semaines. Mais elle avait rechuté entre temps. Ce n’était pas un secret, elle avait été honnête avec la blonde, ainsi qu’aux réunions, mais elle n’était pas fière de ses faiblesses et de ses échecs.
« Six semaines ? … Ok, quatre semaines. »
Ses yeux se fixèrent sur le thé glacé que le serveur venait de déposer sur la table, incapable d’affronter le regard d’Alex, qu’elle imaginait déjà compatissant : elle n’était pas prête à recevoir des encouragements, alors qu’elle avait rechuté. D’ailleurs, les mots emplis de sympathie ne tardent pas à franchir les lèvres de la blonde, des mots qui l’exhortent à la patience et à la tolérance.
« Tu vois quelqu’un à qui parler de tout ça et qui pourrait t’aider ? »
Cette fois-ci, Lexie ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel.
« Non, vraiment, tu as parlé avec le médecin du centre, non ?! »
Lui aussi tente de la convaincre de voir l’un des psychologues, mais Lexie ne se sent pas prête à affronter son passé sans l’aide de la cocaïne. La drogue a toujours été sa bouée de sauvetage, son filtre pour voir le monde sous un jour meilleur. Sans elle, elle ne sait pas si elle sera capable d’affronter tous les obstacles qu’elle avait choisi, à l’époque, de dissimuler dans un brouillard agréable.
« Pas pour l’instant. Mais … j’y travaille. »
Elle sait qu’elle devra le faire, un jour, sans aucun doute, mais n’arrive pas s’y résoudre pour l’instant. Elle ne se sent pas assez forte. Trop de mauvais souvenirs risqueraient de la détruire. Et si la brunette s’apprête à se justifier, elle est interrompue par un jeune homme qui tire une chaise de la table voisine pour s’installer à la leur.
« Mesdemoiselles. »
Il a une voix suave, leur adresse un sourire ravageur, et ses yeux se plongent immédiatement dans ceux de Lexie, qui pâlit à vue d’œil.
« Alors, poupée, ça fait longtemps que je t’ai pas vu en boîte ?! T’as de la chance, j’ai tout ce qu’il te faut sur moi. »
Le regard affolé de Lexie passe de son ancien dealer à Alex, et elle semble un instant avoir perdu l’usage de la parole. La proposition du jeune homme ne fait pourtant aucun doute mais tout ce que Lexie réussit à articuler, c’est un faible « non », qui ne semble pas dissuader le dealer.
But we're just beautiful people with beautiful problems, yeah Beautiful problems, God knows we've got them But we gotta try, every day and night
Avril 2023 : Alex a apprit à gérer ce caractère de Lexie et elle s'en amuse presque désormais et elle s'amuse avec elle, parfois ce sont les réactions de Lexie qui amusent Alex, mais elles passent du temps ensembles, alors à force elles se comprennent ou presque. Elles se supportent et Alex fait ce qu'elle peut pour soutenir Lexie quand elle en a besoin. Aujourd'hui, le soutien n'est pas nécessaire, il suffit pour elles de dépenser de l'argent dans des choses bien trop luxueuses pour le commun des mortels, à tels points qu'elles en sont fatiguées toutes les deux. La remarque ne semble pas faire rire Lexie qui lui lance un regard noir. Alex en a l'habitude, elle apprends à connaître Lexie, ses manières de filles de riches qu'Alex reconnaît, ses manies à râler pour tout, et à passer son temps entre lancer un regard noir ou lever les yeux au ciel. « Rha, on croirait entendre le médecin du centre ! Lui aussi, veut que je me mette au sport … A priori, ça m’occuperait l’esprit. Un truc stupide, à base d’un « esprit sain dans un corps sain » ! » Le regard que lance Lexie fait rire Alex et l'entendre râler aussi mais pourtant elle reprends son sérieux pour évoquer le sujet principal. « Je sais pas si ça fonctionne un esprit sain dans un corps sain parce que le sport ne fait pas tout et j’ai pas forcément l’esprit toujours sain mais ça m’a vraiment aidé et ça m’aide toujours pour gérer les mauvaises périodes. » Il y en a. De moins en moins, mais il y en a. Que ce soit lié au manque qui parfois se fait ressentir sans raison, sans explication, sans prévenir. Ou son esprit qui se perds dans la complexité de son cerveau, et qui menace de la faire exploser. Le sport l’aide et elle ne pourrait pas prétendre que ça peut aider aussi Lexie, chacun ses trucs, mais au moins essayer semble être une bonne option, le temps de trouver le truc qui permet d'occuper l'esprit comme le dit Lexie. Décharger le trop pleins d'émotions négatives, mais faire aussi le plein d'émotions positives. Le sport ça marche sur Alex, mais est-ce que Lexie a trouvé ce qui peut l'aider ? C'est le shopping aujourd'hui, ce sera peut-être autre chose demain. Et pour le bien du mari d'Alex, il ne faudrait pas que les sessions shopping entre les deux filles ne soient trop récurrentes sous peine de faire exploser le dressing d'Alex. C'est sur ce sujet que les deux femmes tentent de discuter alors qu'Alex voit bien comme Lexie n'est pas à son aise dans ce lieu. Elle essaye de capter son attention, de parler de ce fameux dressing que Caleb ne pensait pas primordial. C'est léger comme sujet, ça a le mérite d'attirer l'attention de Lexie qui réagit avec surprise à ces propos. Rien d'étonnant en soit, si Alex et Caleb sont déjà très différents, la différence est encore plus grande entre Lexie et Caleb. Deux mondes les opposent, deux façons de voir la vie aussi et c'est drôle d'imaginer que le frère de Lexie est aussi le meilleur ami du mari d'Alex. « Il ne voyait pas qu’un dressing est … primordial ?! Tu … lui as trouvé quoi, déjà, à Caleb ? » Elle comprends la question de Lexie et elle rit légèrement d’ailleurs. Bon si elle voulait être plus précise, elle dirait qu'il pensait surtout que ce n'était pas une raison pour refuser une maison si elle répondait à tous les autres critères, mais ce n'est pas sur cette partie de la question de Lexie qu'Alex réagit. Ce n'est pas cette première question qui fait rire Alex. « Il est sexy et doué dans pleins de domaines. » C’est d’abord avec une réponse courte qu’elle réponds à l'interrogation de Lexie. Un sourire plein de sous entendu. Une réponse qui est vraie mais qui est loin d’être suffisante pour expliquer ce qu’elle a trouvé à Caleb et pourquoi elle est tombée amoureuse de lui. Et c’est avec un peu plus de sérieux et surtout un sourire bien plus tendre qu’elle parle de son mari. « Il vient d’un autre monde dans lequel il n’y a pas de dressing, mais c’est aussi ce qui m’a plu chez lui. Ses valeurs, sa personnalité, il est différent de tous les autres que j'ai pu côtoyer, il a ce côté authentique, sincère et bienveillant que je n’ai jamais vu chez personne d’autre. Et je le redis il est sexy, et il a des talents que tu ne pourrais même pas soupçonner. » La cuisine tous le monde connaît le talent de Caleb dans ce domaine, mais ce que la sœur du meilleur ami de Caleb ne sait pas c’est que Caleb est un homme plein de ressources et surprenant dans bien des domaines. Des domaines qu'Alex n'ira pas détailler, pas sur que Caleb ait envie que ses talents cachés soient partagées à la sœur de son meilleur ami. Et pas sur que Lexie ait très envie d'entendre Alex parler de Caleb pendant des heures, ce qu'elle pourrait clairement faire.
Malgré toutes les tentatives d'Alex pour essayer de détendre Lexie, et elle y parvient pendant quelques minutes obtenant même un rire de Lexie au moment ou l'Anglaise propose de prendre quelqu'un pour porter l'Australienne lors de leur prochaine sortie dans les magasins. Mais le rire s'envole bien vite au moment ou le serveur arrive. L'alcool est présent partout autour des filles, et Alex n'aurait jamais pu remettre les pieds dans un bar si tôt après sa cure de désintoxication. Mais Lexie n'a pas de réels problèmes avec sa consommation d'alcool, enfin pas totalement, et pourtant ce lieu lui rappelle sans doute bien d'autres souvenirs et d'autres excès. Pourtant, elle accepte de rester, mais le malaise est réel et Alex en profite pour la questionner un peu sur sa situation. Elles ont ce lien, ce même passif, cette même histoire, elles connaissent ou ont connu les périodes de sevrage, les périodes de doutes, les périodes de lutte contre le manque, contre soit-même aussi. Alex a connu, connaît encore par période mais Lexie est en plein dedans. Luttant chaque jours contre l'addiction, contre le manque, contre la tentation, luttant aussi après les rechutes contre les effets du sevrage, contre la colère et la culpabilité aussi d'avoir replongé. Alex a connu ça bien trop souvent à Londres, plongeant d'une addiction à une autre. Elle a aussi menti au sujet de rechute, elle a fait tout ça, mais ce qui la rassure aujourd'hui c'est que même si Lexie a rechuté, elle ne lui ment pas. Elle ne le cache pas, ni à elle même, ni aux autres. « Six semaines ? … Ok, quatre semaines. » « C'est deux semaines de plus que pour ta première tentative. » C'est le cas, elle a rechuté c'est vrai mais elle a deux semaines de plus de sobriété que sa première tentative et c'est ça qu'Alex retient. Pas la rechute. « Tu veux parler des circonstances dans lesquelles tu as craqué ? Tu sais que tu peux m'appeler la prochaine fois, même au milieu de la nuit, si tu sens que tu risques de craquer, n'hésite pas, je suis là pour ça. » Pas de reproches, pas même de mots pour essayer de la rassurer, ce n'est ni un élément grave, ni un élément à oublier. C'est juste élément face auquel tout addict en parcours de soin peut être confronté surtout dans les cas comme Lexie et c'est une étape sur le parcours. Alex a été enfermée, enfin plutôt hospitalisée pour dire mieux, mais pourtant elle était réellement enfermée, coupée du monde, encadrée, surveillée, entourée, sans aucune tentation, sans aucune possibilité de replonger. Elle a eu les thérapies, les médecins, les spécialistes, les thérapies, les groupes de paroles, elle a reçu le meilleur accompagnement possible, elle n'a pas été seule un instant et même si elle était totalement contre, elle ne pourrait désormais que conseiller ce genre de programme à ceux qui ont envie de s'en sortir. Lexie veut faire différemment, et Alex accepte. « Non, vraiment, tu as parlé avec le médecin du centre, non ?! » Alex secoue la tête, jamais elle ne ferait ça. « Non, non, vraiment pas, je ne voudrais pas te trahir. » C'est ce qu'il y a de plus difficile à donner peut-être dans ce genre de moment. Accepter de se confier alors qu'on se sent vulnérable et fragile, et Alex sait que si elle venait à faire le moindre écart elle ne serait plus un soutien pour Lexie et elle ne veut pas perdre ça. « Pas pour l’instant. Mais … j’y travaille. » Alex secoue la tête, elle sait qu'on ne peut pas forcer quelqu'un à demander de l'aide. Elle sait aussi que ce genre de thérapie peut être compliquée émotionnellement et si Lexie ne se sent pas prête personne ne pourra la forcer à entreprendre ce genre de chose ou ce serait sans doute même plus contre-productif que productif. Mais Lexie y travaille, elle y pense donc et c'est déjà une première étape. Lexie doit faire les choses à sa manière, avancer à son rythme, elle vit dans un monde ou la tentation est partout, tout le temps et la preuve en est aujourd'hui encore. Le bar, l'alcool et cet homme qui vient s'asseoir à leur table. « Mesdemoiselles. » Alex le regarde, sourcils froncés, prendre place à leur table et s'adresser à Lexie. Elle voit aussi le visage de son amie qui change, son regard qui semble totalement paniqué et elle comprends pourquoi avant même d'avoir à entendre les mots de cet homme. Elle sait parce qu'elle a connu ça Alex. Un verre échangé dans un environnement sain ou presque sain, loin des ruelles sombres. Elle voulait se défoncer oui mais pas avec n'importe quoi. De la merde, mais de bonne qualité parce qu'elle avait les moyens de s'offrir le meilleur pour se détruire. Alors, elle en a rencontré des dealers, devant un verre dans un bar quelconque, deux connaissances qui échangent un verre avant de filer chacun de leurs côtés avec ce qu'ils étaient venus chercher. Alex reconnaît ça, elle sait aussi que ces types ne sont pas vraiment fréquentables. « Alors, poupée, ça fait longtemps que je t’ai pas vu en boîte ?! T’as de la chance, j’ai tout ce qu’il te faut sur moi. » Alex fronce un peu plus les sourcils, et se racle la gorge pour signifier sa présence. « Elle t'a dit non. » C'est avec un ton ferme qu'elle s'adresse à lui alors qu'il continue à faire du charme à Lexie en venant poser sa main sur celle de l'Australienne mais il ne semble pas avoir entendu, ni le faible non de Lexie, ni les mots d'Alex. Il prends le verre de Lexie pour une boire une gorgée. « De l'ice-tea mais vous êtes pas marrantes. Serveur trois tequilas pour ces demoiselles. » Elle serre le poing, elle soupire sentant son calme s'éloigner mais elle ne doit pas flancher, pas se laisser emporter, pas maintenant. « Elle a dit non, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans ce mot ? » Il regarde Alex, juste un regard et il lui sourit. « Soit pas jalouse ma belle, j'ai des trucs pour toi aussi si tu veux te détendre, t'as l'air d'en avoir besoin. » Il a un rire qu'Alex déteste déjà, il est bien installé et il enchaine son numéro avec Lexie. « Je sais que tu en meurs d'envie, je te connais et j'ai un nouveau truc, c'est l'extase assurée et je suis prêt à essayer avec toi si tu veux on peux s'amuser ensemble. » Alex a le regard noir, elle n'est pas connue pour être très patiente et très calme face à ce genre de personne, mais elle ne veut pas causer de tord à Lexie pourtant elle s'énerve devant ce comportement, devant l'attitude de cet homme et l'effet qu'il a sur Lexie. Alex se lève, vient se poser entre l'homme et Lexie, prends une chaise et avec le regard noir elle s'adresse à cet homme, doucement mais avec une voix ferme. « Écoutes moi bien, je ne veux pas d'histoires, alors tu vas dégager d'ici calmement avant que j'appelle les flics. Je suis sure qu'ils seront très intéressés par ce nouveau truc dont tu parlais. Je te laisse trois secondes. » Son cœur bat très vite, elle tremble presque face à cet homme qui semble bien plus menaçant qu'elle ne pourra jamais l'être, mais elle ne veut pas faiblir, parce qu'elle a vu comme cet homme a pu mettre en difficulté Lexie et Alex s'est promis d'être là pour Lexie et c'est ce qu'elle essaye de faire aujourd'hui. Elle n'a pas vu que les verres de téquilas ont été déposés sur leur table, elle n'a pas vu puisqu'elle a les yeux rivés sur cet homme prête à réagir en cas de problèmes.
Elle insiste, Alexandra, comme toujours, subtilement, doucement et, son combat du moment, de cette minute précise, c’est le sport, une activité déjà recommandée par le médecin du centre.
« Je sais pas si ça fonctionne un esprit sain dans un corps sain parce que le sport ne fait pas tout et j’ai pas forcément l’esprit toujours sain mais ça m’a vraiment aidé et ça m’aide toujours pour gérer les mauvaises périodes. »
Une fois de plus, la quinzième au moins depuis le début de leur virée shopping, Lexie lève les yeux au ciel, agacée. Elle en a assez qu’on lui dise quoi faire. Elle en a assez de ces personnes qui essaient de trouver des solutions à des problèmes qu’ils ne connaissent pas forcément, ou bien qui essaient de transposer leur situation à celle de Lexie. Et au fond d’elle, elle sait que tous ces gens ont raison. Parce que les médecins sont des professionnels. Parce qu’Alexandra a traversé des épreuves similaires aux siennes. Et parce que, s’ils donnent les mêmes conseils, c’est qu’il doit y avoir une bonne raison. Mais la brune n’est pas encore prête à le reconnaître. Elle n’est pas encore prête à effectuer toutes ces démarches qu’on lui propose, le sport, les activités en plein air, ou le suivi psychologique. Elle a besoin de plus de temps, d’y aller étape par étape, et se contente pour l’instant de soupirer, signifiant ainsi qu’elle clôture la discussion sur les activités physiques. Alors elle apprécie davantage l’échange quand la conversation dévie vers les séances de shopping et les dressings, que Caleb ne semble pas trouver primordiaux, à la grande surprise de la brunette. Elle sait qu’Alexandra l’aime. Elle sait que Chan l’adore, puisqu’ils sont amis. Et pourtant, pour Lexie, ce Caleb reste une énigme qui descend de quelques points dans son estime quand il semble ne pas concevoir l’intérêt d’un dressing. Au point que la brune interroge la blonde sur les autres qualités de son mari, et ce qu’elle a bien pu lui trouver à l’époque.
« Il est sexy et doué dans pleins de domaines. »
A ces mots, Lexie ne peut s’empêcher de rire. Elle aime la légèreté de cette conversation, une parenthèse loin de leurs préoccupations habituelles. Elle sent le sous-entendu, ne peut que le saisir, alors qu’elle a souvent l’esprit mal tourné et qu’elle a très souvent utilisé le sexe pour parvenir à ses fins ou pour tromper la solitude.
« Ha oui ? Je pense que je regarderai ton mari différemment, la prochaine fois que je le ferai … »
Elle ne le draguerait jamais, même Lexie a ses limites à ne pas dépasser. Mais elle ne doute pas que, lors de leur prochaine rencontre, des bribes de cette conversation vont remonter à la surface et risquer de provoquer un fou rire à la brunette, qui aura du mal à voir en Caleb l’étalon décrit par Alex lorsqu’on lui demandera de changer une couche.
« Il vient d’un autre monde dans lequel il n’y a pas de dressing, mais c’est aussi ce qui m’a plu chez lui. Ses valeurs, sa personnalité, il est différent de tous les autres que j’ai pu côtoyer, il a ce côté authentique, sincère et bienveillant que je n’ai jamais vu chez personne d’autre. Et je le redis il est sexy, et il a des talents que tu ne pourrais même pas soupçonner. »
La fin de cette déclaration d’amour laisse également la porte ouverte aux sous-entendus et à l’imaginaire, mais Lexie ne réussit cette fois qu’à esquisser un sourire triste. Les mots d’Alex lui font penser à Noah, l’homme avec qui elle a failli être liée à vie par un bébé. Elle ne retrouve pourtant pas Noah dans le discours d’Alexandra. Il n’a pas forcément toutes les qualités listées par la blonde. Mais lui aussi, il est différent des hommes que Lexie a pu fréquenter. Lui, il voulait du sérieux, un engagement, une famille. Malgré la partenaire qu’il n’aurait pas envisagé, il était prêt à tenter l’expérience, il était prêt à essayer et, pendant plusieurs mois, il a tout fait pour lui prouver qu’il serait là, toujours, à ses côtés, à leurs côtés. Ce n’était malheureusement que du vent, et cette parenthèse de stabilité dans la vie de Lexie l’a anéantie. Ou bien peut-être est-ce plutôt la fin de cette parenthèse qui l’a détruite, mais sans ces quelques mois de bonheur, de hauts et de bas, d’émotions qu’elle n’avait ressenties, elle ne serait jamais tombée aussi bas. Et soudain, elle souhaiterait plus que tout avoir un verre de vodka entre les mains pour pouvoir noyer son chagrin dans l’alcool et oublier. Alors elle détourne son regard bleuté qui s’est empli de larmes et fixe le serveur, espérant peut-être attirer son attention, ou simplement échapper au regard inquisiteur d’Alexandra. Cette dernière a beau tenter de détourner une nouvelle fois la conversation, de la rendre plus légère, en suggérant de prendre lors de leur prochaine virée un porteur pour les sacs et pour Lexie, la réalité les rattrape bien rapidement quand vient l’heure de discuter de la durée de sobriété de la brune. Si elle a fait appel à Alexandra il y a six semaines, elle a en réalité rapidement rechuté, et n’est sobre que depuis quatre semaines.
« C’est deux semaines de plus que pour ta première tentative. »
Lexie hausse un sourcil, impressionnée. Elle ne pensait pas qu’Alex serait capable de tirer du positif dans sa rechute, et pourtant. Un instant, elle s’interroge, se demande si la blonde est toujours aussi optimiste, ou si c’est une manière de voir les choses qu’on lui a appris lors des réunions, pour continuer à lutter et à soutenir les autres dans leur lutte.
« Tu veux parler des circonstances dans lesquelles tu as craqué ? Tu sais que tu peux m’appeler la prochaine fois, même au milieu de la nuit, si tu sens que tu risques de craquer, n’hésite pas, je suis là pour ça. »
Elle hoche la tête, le sait, mais a plutôt tendance à se tourner vers son frère Chan. C’est sur lui qu’elle a toujours eu l’habitude de compter, c’est lui qu’elle a toujours appelé, à n’importe quelle heure. C’est lui qu’elle a toujours inquiété, malheureusement, mais elle a cependant la certitude qu’il sera toujours là, malgré tous les défauts de Lexie, malgré toutes ses failles et ses erreurs. Quant aux raisons qui l’ont poussé à reconsommer … L’ennui ? Le désespoir ? La solitude ? La perspective d’un avenir peu rayonnant ?
« J’étais à une soirée … C’est tout. »
Elle était sortie, avait retrouvé ses mauvaises fréquentations le temps d’une nuit, et n’avait même pas résisté lorsqu’on lui avait proposé de l’alcool et de la cocaïne. Elle était allée à cette soirée pour ça, pour oublier, et n’avait pas hésité une seconde à franchir ses nouvelles limites. L’atmosphère change soudain lorsqu’un jeune homme vient tirer une chaise pour s’asseoir à leur table, un jeune homme que Lexie reconnaît comme étant Peter, l’un de ses anciens dealers. Immédiatement, elle se tend, et lorsqu’il suggère de lui remettre de la marchandise, elle réussit tout de même à marmonner un « non » à peine audible.
« Elle t’a dit non. »
Alexandra s’adresse à lui d’un ton ferme, pour lui rappeler le refus de Lexie et lui faire comprendre qu’il doit partir. Et en entendant le ton de son amie, la brunette pâlit : on ne parlait pas ainsi à Peter, on ne refusait rien à Peter. Elle craint soudain pour la sécurité d’Alexandra et la sienne, et sa gorge se noue, semblant la rendre incapable de prononcer un seul mot. Peter, lui, ne se démonte pas. Il adresse à Alexandra un sourire carnassier avant de goûter la boisson de Lexie.
« De l’ice-tea mais vous êtes pas marrantes. Serveur trois tequilas pour ces demoiselles. »
La brunette observe le serveur qui prépare déjà les trois shooters alors que la blonde, elle, semble focalisée sur l’intrus.
« Elle a dit non, qu’est-ce que tu ne comprends pas dans ce mot ? » « Soit pas jalouse ma belle, j’ai des trucs pour toi aussi si tu veux te détendre, t’as l’air d’en avoir besoin. »
Le regard bleuté de Lexie, affolé, passe d’Alexandra à Peter, alors qu’elle écoute leur échange sans y participer. Elle aimerait disparaitre, être loin d’ici, partout ailleurs. Mais le dealer, malgré son silence, ne l’a pas oublié, et c’est maintenant vers elle qu’il se tourne.
« Je sais que tu en meurs d’envie, je te connais et j’ai un nouveau truc, c’est l’extase assurée et je suis prêt à essayer avec toi si tu veux on peut s’amuser ensemble. »
Les yeux de Lexie s’emplissent de larmes alors qu’elle secoue la tête de manière presque imperceptible. Il a raison : il la connait bien. Il connait ses faiblesses et ses failles. Il sait qu’elle en a envie. Et il sait aussi qu’elle déteste la solitude. Il vise juste, quand il propose qu’ils fassent cela ensemble. Tellement juste que, malgré la présence d’Alexandra, malgré son courroux, Lexie ne sait plus du tout où elle en est. Elle sent simplement les larmes rouler sur ses joues, alors que son attention se porte sur les shots de tequila que le serveur vient de déposer sur leur table.
« Ecoutes moi bien, je ne veux pas d’histoires, alors tu vas dégager d’ici calmement avant que j’appelle les flics. Je suis sûre qu’ils seront très intéressés par ce nouveau truc dont tu parlais. Je te laisse trois secondes. »
Alexandra s’est levée, elle s’est interposée entre Peter et Lexie, et elle a laissé sa colère exploser. Ce remue-ménage a attiré l’attention du serveur qui s’en mêle, interrogeant les trois personnes présentes pour tenter de comprendre le problème. Peter se lève à son tour, les mains en l’air, paume vers l’avant, concédant sa défaite, prêt à partir. Il ne souhaite absolument pas que la police débarque, et l’agitation actuelle semble trop attirer l’attention sur lui. Il tente une dernière, pourtant, d’embarquer la Walker avec lui dans sa chute.
« Je m’en vais, c’est bon. Lexie, tu viens ? »
La peur se lit dans les yeux bleutés qu’elle plonge dans ceux de Peter. Elle hésite, bien trop longtemps. Elle en a envie, bien évidemment. Elle attrape le premier shot de tequila posé sur la table et le vide d’un trait. Puis elle enchaîne rapidement avec les deux autres. Les a-t-elle bus pour éviter à Alex de le faire ? Pour mettre fin à la situation ? Ou simplement comme un lot de consolation, à défaut d’avoir le droit de toucher à la cocaïne ? Quoiqu’il en soit, sa voix est plus forte et plus ferme quand elle répond à Peter.
« Non. » « Sales p*tes ! »
Et avec l’insulte facile des hommes blessés, il s’en va, les laissant seules. Il a à peine franchi la porte du bar que Lexie sent ses épaules s’affaisser et la tension la quitter. Les larmes coulent maintenant sur ses joues, comme un flot incontrôlable, choquée par cette entrevue, perturbée par ses réactions, encore à la merci de la tentation. C’est la voix hachée de sanglots qu’elle demande à Alex.
« Appelle Chan. Je t’en supplie, appelle-le. »
Parce que malgré la présence réconfortante d’Alexandra, personne ne remplacera jamais son frère. Parce qu’elle a besoin de lui maintenant pour la raccompagner et rester avec elle cette nuit. Parce qu’elle a craqué et que bientôt, les effets de l’alcool se feront sentir, et qu’elle ne souhaite pas mettre Alexandra dans l’embarras et la soumettre à son tour à la tentation. Qu’elle appelle Chan, c’est tout ce qu’elle demande.
But we're just beautiful people with beautiful problems, yeah Beautiful problems, God knows we've got them But we gotta try, every day and night
Avril 2023 : Il y a des activités plus amusantes que d'autres, des moments pour parler de son addiction et des moments pour se détendre et aujourd'hui est censée être une journée plus joyeuse, plus légère. Le shopping comme programme, c'est bien mieux que les réunions avec d'autres addicts comme elles. C'est plus léger, plus amusant mais pourtant il y a toujours, entre elles, le sujet de l'addiction pas loin. C'est autour de ce sujet qu'elles se sont rencontrées, autour de ce sujet qu'elles se sont retrouvées, et c'est autour de ce sujet qu'elles se sont liées pour le meilleur comme le pire. C'est peut-être un peu trop solennel écrit comme ça, mais Alex lui a promit de ne pas la laisser tomber, pas encore une fois et c'est bien ce qu'elle compte faire aujourd'hui et les jours à venir. La séance shopping a fait du bien à Alex, elle qui est devenue mère et femme d'affaire aussi, elle a beaucoup moins de temps pour ce genre de loisirs mais aujourd'hui avec Lexie elle retrouve les joies des après-midi entre filles. Les pieds en compote d'avoir marché, les jambes fatigués d'avoir déambulés dans les boutiques les plus luxueuses de Brisbane, elle retrouve le plaisir de se poser avec une amie. Sauf, que la situation n'est pas si simple qu'il n'y paraît. Le bar est un lieu dangereux pour Alex, pour Lexie aussi et sans doute plus encore pour l'Australienne qui peine à se détendre, Alex essaye de rendre ça normale, ou presque. Elle rit quand elles parlent de dressing, elle rit encore un peu plus quand elle parle des talents de son mari et entendre Lexie rire aussi montre que la discussion a au moins le mérite de détendre les deux femmes. « Ha oui ? Je pense que je regarderai ton mari différemment, la prochaine fois que je le ferai … » Les mots de Lexie ont le mérite de faire de nouveau rire Alex, même si l'Anglaise fronce les sourcils avant de répondre aux mots de l'Australienne. « Tant que tu ne fais que le regarder ça devrait aller, mais je t'interdis de penser à tester ses talents. » C'est toujours avec un sourire qu'elle prononce ces mots, parce que si c'est avec légèreté qu'elle dit ces mots, c'est bien qu'elle n'a aucun doute sur le fait que jamais Lexie n'aura accès aux talents de Caleb, du moins pas ceux dont elles sont en train de parler. Parce que Caleb est quelqu'un de sincère, de fidèle, parce qu'elle a une entière confiance en lui et qu'elle sait que ce genre de talent, elle est là seule à pouvoir en profiter. Tout comme beaucoup d'autres talents qui font de Caleb un homme parfait. Ce sont les yeux amoureux et le cœur d'Alex qui parlent et la description qu'elle fait de son mari est aussi touchante que niaise, mais si c'est avec un sourire aux lèvres qu'elle parle de son mari, elle réalise à mesure qu'elle parle de l'homme qu'elle aime, que le regard de Lexie change. Que son sourire n'est plus aussi joyeux et l'Anglaise comprends sa connerie. Lexie a tout perdu, tout ce dont Alex est en train de parler, tout ce qui fait le bonheur de l'Anglaise et toutes les raisons qui font qu'aujourd'hui elle est sobre. Tout ce que Lexie n'a pas, n'a plus. Et c'est maladroit d'Alex de venir le rappeler.
C'est pourtant la réalité, une réalité qui les rattrape toutes les deux, quand à nouveau le sujet de la sobriété est abordée. Ou plutôt le sujet de la rechute de Lexie. Alex a failli rechuter, à plusieurs reprises elle a eu envie, une fois elle a vraiment cru replongé, appelant à l'aide Caleb en plein milieu de son service pour qu'il vienne la sortir de cette soirée. Une fois, elle a perdu le contrôle et sans même replonger elle s'en est voulue, elle s'est blâmée d'avoir été faible, et pourtant face à Lexie elle fait preuve d'une compréhension et d'un optimiste qu'elle n'aurait jamais pu avoir s'il était question d'elle même. Toujours plus dure avec elle, qu'avec les autres. Mais, elle sait que la vie peut être une épreuve, que chaque situation peut représenter un défi et que les tentations peuvent être grandes. « J’étais à une soirée … C’est tout. » La fatalité des mots qu'elle prononce ne laisse pas indifférente Alex. C'était une soirée, une soirée lambda, pas de raisons particulières, juste une soirée et elles savent toutes les deux que des soirées elles y seront confrontées encore et encore. « Je crois que si après ma cure j'avais encore été en soirée j'aurais replongé moi aussi. » Peut-être pas, parce qu'elle a découvert qu'elle était enceinte, parce qu'il n'était plus question que d'elle, mais elle évite de parler de grossesse, elle a déjà rappelé à Lexie la perte de l'homme qu'elle aimait, elle ne compte pas lui rappeler sa grossesse et ce bébé qu'elle a perdu. Ce qui semble important c'est que Lexie a rechuté, mais elle ne s'est pas laissé aller après cette rechute et elle est de nouveau sobre, c'est tout ce qu'il faut retenir non ? Alex pourrait lui conseiller de ne plus sortir, d'éviter les situations à risques, ou de ne pas sortir seule, mais la vie courante est faite de situations de potentielles rechutes et il serait impossible pour Lexie de toutes les éviter. Et aujourd'hui est une belle preuve, alors qu'elles sont dans un lieu déjà sujet aux tentations, c'est une toute autre épreuve qui se présente face à Lexie. Alex est terrifiée face à cet homme mais le regard, le silence et l'attitude de Lexie l'oblige à réagir face à cet homme dont elle ne connaît rien, si ce n'est son attrait pour les produits illégaux et son langage et son attitude qui ne laisse que peu de doute sur le type de personne qu'elle a face à elle. Il fait peur à Lexie, c'est visible, et il fait peur à Alex aussi mais elle doit protéger Lexie parce qu'elle ne peut pas la laisser partir avec ce type. Leur échange attire l'attention sur eux, le serveur s'en mêle mais Alex ne peut baisser le regard, ne peut détourner son attention de peur de flancher face à cet homme. Elle ne peut pas montrer une once de doute ou de peur au risque de laisser le pouvoir à cet homme. Il se lève et quand il lève les mains, Alex a le cœur qui bat plus fort et les muscles qui se tendent, pendant une micro seconde elle se prépare à recevoir un coup mais il ne se passe rien, il lève les mains devant lui, prêt à partir. « Je m’en vais, c’est bon. Lexie, tu viens ? » Le temps semble s'arrêter pendant quelques secondes. Alex ne veut pas montrer sa peur et pourtant elle a peur. Peur de cet homme qui lui fait face, peur de cet alcool qui trône sur la table et qui n'attends qu'à être bu, et peur de la réponse de Lexie aussi. Et c'est sur la brune que le regard d'Alex attendant sa réponse, se préparant à intervenir si Lexie venait à flancher. Pas très longtemps parce que la menace de l'homme reste pesante et qu'elle ne peut pas détourner le regard trop longtemps, mais elle ne peut pas laisser Lexie partir avec cet homme, ce n'est pas une option qu'elle envisage dans son esprit. Elle jette des regards entre les yeux menaçants de l'homme et ceux apeurés de Lexie, et elle prie pour que ce moment prenne fin, que cette tension retombe. Lexie boit un verre, boit deux verres, et termine le troisième et Alex craint que ce geste ne soit le signe que Lexie craque. « Non. » C'est un vrai soulagement d'entendre ce non venant de Lexie. L'Anglaise sait que cette épreuve va laisser des traces mais Lexie a tenu face à lui, Lexie ne va pas s'enfuir avec lui et l'homme face à elles semble en avoir conscience aussi. « Sales p*tes ! » Les insultes de ce type, Alex y est habituée mais aujourd'hui, c'est presque un soulagement de l'entendre puisque ça signifie qu'il abdique. Il est vexé, il est sûrement touché dans son estime de voir qu'il n'a pas eu ce qu'il voulait, mais Lexie lui a tenu tête et c'est un geste fort de la part de l'Australienne. Alex pousse un long soupire en le voyant quitter le bar mais le soulagement est de courte durée, le visage et surtout les larmes sur les joues de Lexie font remonter la tension en quelques secondes. « Appelle Chan. Je t’en supplie, appelle-le. » La voix de Lexie montre à quel point elle est fébrile et Alex se sent coupable et surtout impuissante face à la détresse de Lexie. Elle a l'impression d'avoir échoué. Elle a l'impression d'avoir laissé tomber Lexie. Ce qui devait être une après-midi agréable entre filles, vient de tourner à la catastrophe et Alex se sent responsable de la tournure qu'ont prit les événements et les larmes de Lexie n'auraient jamais du couler aujourd'hui et pourtant c'est ce qu'il se passe. Les regards sont toujours posés sur eux, le serveur questionne Alex pour savoir si les deux filles ont besoin d'aide mais c'est sur Lexie que les regards sont posés et celui d'Alex aussi. Le téléphone dans les mains, elle appelle Channing, elle se sent impuissante et plus le téléphone sonne plus elle se sent mal pour Lexie. La voix de Channing se fait enfin entendre mais c'est le répondeur qu'elle entends et sans même lui laisser un message, elle raccroche et se retourne vers Lexie. « Il ne réponds pas, je suis désolée mais on doit sortir de là, viens avec moi. » Elle veut la protéger, elle veut la sortir de là et malgré sa peur que l'homme ne les attendent devant le bar, elle dépose un billet pour payer les consommations, elle ramasse tous les sacs de leur virée shopping avec un peu de difficulté et elle pose sa main sur le bras de Lexie pour l'aider à quitter cet endroit. « Je vais t'emmener chez ton frère, ça va aller Lex. » La tentation est trop grande ici et si c'est de Chan dont elle a besoin alors Alex va la conduire jusqu'à son frère. Elle essaye d'être rassurante, d'être calme mais elle aussi est secouée par ce qu'il vient de sa passer, par cette rencontre, par la peur qui s'est immiscée en elle face à cet homme. Elle est touchée par la réaction de Lexie aussi, par cette fragilité qui se dégage de l'Australienne, elle qui semble parfois froide, hautaine aussi, semble surtout fragile aujourd'hui et Alex est touchée par cette vision de Lexie Walker. Aucune des deux filles n'est vraiment tactile et pourtant à ce moment Alex ressent l'envie de prendre l'Australienne dans ses bras pour la consoler, pour être physiquement présente et forte pour Lexie, elle ne le fait pas mais elle est sincèrement touchée par ce qu'elle voit de Lexie. « Je reste avec toi, tu n'es pas seule, je te laisse pas tant que tu n'es pas avec Channing, ça va aller. » Elle sait bien que sa présence ne pourra pas suffire à apaiser Lexie, elle sait bien qu'elle ne pourra pas remplacer Channing, mais elle veut être présente pour soutenir son amie et lui montrer qu'elle est assez solide pour ça et surtout lui faire comprendre qu'elle ne sera pas seule et quoiqu'elle dise, quoiqu'elle fasse Alex sera là pour elle aujourd'hui. Il faut atteindre la voiture d'abord, avancer, quitter ce bar, cette rue et espérer que l'alcool que Lexie a ingurgité ne fasse pas effet trop rapidement. Mais, chaque chose en son temps et quoiqu'il se passe Alex saura gérer, ou du moins devra le faire parce que Lexie aura besoin d'un soutien infaillible.
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