out of luck
Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Difficile d’y échapper et de faire comme si rien ne s’était passé. Personne n’en parle, sans doute par peur des représailles ou d’un je ne sais quoi, mais tout le monde y pense ; l’arrestation d’Amos a foutu un espèce de malaise ambiant casino, l’air de rien. Il y a ceux qui en savent un peu plus et il y a les autres, il y a Reagan qui ne communique rien d’autre que des “tout est sous contrôle, reprenez le boulot” et il y a Raelyn qui ne s’est pas montrée depuis que c’est arrivé. Et si certains s’en fichent ou font mine de ne pas avoir remarqué, ce n’est pas ton cas, clairement pas. Comme toujours, dans un coin de ton crâne, ça tourne et ça chauffe à grands coups de et si que tu n’arrives pas à stopper. Et si il ne sortait pas, et si elle se retrouvait embarquée, et si elle ne tenait pas le choc sans lui, et si, et si… Tu peux aller loin, comme ça, t’as l’imagination suffisamment fertile pour en trouver tout un tas d’autres, surtout en ayant connaissance de certains détails que la plupart ignorent. Elle est forte, Raelyn, bien plus que toi et tu ne remets pas ça en question, non. Mais tu sais à quel point le désespoir ou la colère ou toutes ces émotions trop fortes peuvent être nocives, pour les gens comme vous. D’un côté t’es à peu près sûre qu’elle ne replongera pas, elle a bien trop à perdre maintenant qu’elle a une fille, mais de l’autre, ton expérience personnelle fait que tu sais que ça reste une possibilité. Ce qui t’inquiète surtout, c’est de ne plus avoir de nouvelles, pas même de la part de Callum qui, lui aussi est porté disparu depuis que c’est arrivé. Certains mauvais parleurs y vont déjà de leurs théories folles du genre ; il a fait arrêter Amos parce qu’il avait une liaison avec Raelyn, il travaillait secrètement pour les flics ou pour un autre casino, lui aussi s’est fait arrêter ou tu ne sais quoi encore. Au moins a-t-il daigné répondre à ton appel téléphonique et répondre à tes questions sur toute la situation. Au passage, t’apprends qu’il a été viré par Raelyn et qu’elle ne voulait absolument plus le voir, et si au début tu penses qu’il plaisante ou qu’il dramatise un peu, le ton qu’il emploie ne laisse aucune place au doute. Lui qui est pourtant dans leurs petits papiers depuis tu ne sais quand, qui a l’air particulièrement proche d’Amos et qui est aussi indissociable que leurs ombres. « Allez, tu me fais marcher, » que tu lui as même dit et pour toute réponse, t’as eu le droit à un « je suis très sérieux » un peu sévère mais pas moins faux pour autant. Merde, si tu t’attendais à ça. « Et elle est où, là ? » Ca t’inquiète, toute cette histoire. « Chez elle, » il est toujours aussi peu dispendieux, Callum. Un soupir t’échappe pendant que tu considères la marche à suivre l’espace de quelques instants. « Tu peux m’y emmener ? » « Je ne suis pas ton chauffeur, Spencer. » « Okay bein file moi l’adresse, alors. » Un silence s’installe l’espace de quelques secondes avant qu’il ne reprenne finalement, « c’est pas une bonne idée. » « Si tu me files pas l’info je la trouve moi-même. » Quitte à retourner tous les bureaux du casino jusqu’à trouver ce dont t’as besoin. L’ex garde du corps lâche un soupir sonore et finit par céder, acceptant même de servir de taxi. Il profite du trajet pour exposer à quel point tout ça est sérieux, que Raelyn, sous ses airs de grande dame bornée a mal encaissé la nouvelle et qu’elle n’offrira sûrement pas un accueil chaleureux. Il s’arrête devant l’appartement, indique le numéro et le code pour entrer, précise que lui ne montera pas et n’attendra pas non plus que tu redescendes. A croire qu’il flippe à l’idée de se montrer face à son ancienne patronne. Ok, tant pis, t’aurais bien apprécié l’avoir comme backup pour une fois, mais tu feras sans.
Merde, maintenant que t’es devant la porte, tu sais même pas à quoi t’attendre. A tous les coups, toi aussi tu vas te retrouver virée ou foutue à la porte, mais t’as besoin de savoir que ça va aller pour elle et pour la petite. L’espace de quelques instants, tu considères l’idée de presser la sonnette sans nom ou de tambouriner à la porte avant de te rappeler qu’il y a un bébé qui dort sûrement, là-dedans, alors tu toques, tu patientes avant de lâcher un bête « Raelyn ? C’est Spencer, je- J’viens juste m’assurer que tout va bien. » Est-ce que c’est le moment où te fais envoyer chier à ton tour ou elle a suffisamment déchargé sur Callum l’autre jour ? « J’demande juste un signe de vie, genre m’oblige pas à appeler les pompiers s’il te plait. » Probablement que tu t’en fais trop, mais tu préfères assurer le coup.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell ☆ crédit/harleystuff

Amos ne s’est pas présenté au parloir.

Il s’est battu, et une part de moi pense qu’il l’a fait exprès, qu’il m’a demandé de ne plus venir le voir après la dernière fois et qu’il a trouvé la meilleure des façons de m’en empêcher : en faisant en sorte qu’on lui retire ce dernier et unique privilège. Je suis passée outre son attitude. J’ai ignoré que, plutôt que de profiter du bref moment qui nous était alloué, il a préféré tenter de me reprocher le renvoi de Callum et de m’ordonner de le reprendre. J’ai même oublié – temporairement – qu’il m’a congédié alors qu’il nous restait encore de précieuses minutes à être ensemble, même sous l’œil attentif d’un surveillant de prison. J’ai outrepassé son ordre, parce que je ne l’ai pas cru capable de volontairement me tenir à l’écart alors que c’est tout ce que nous avons pour l’instant, ces minutes scrutés par des inconnus en uniforme. Je me suis présentée à l’accueil, et on m’a informée que j’aurais dû appeler, qu’Amos ne pouvait pas recevoir de visiteurs. J’ai eu beau tenter de rappeler que j’avais des contacts et de les faire marcher, je n’ai eu le droit qu’à de l’ignorance, et le rappel que personne n’est au-dessus des règles. Et je n’ai pas vu Amos. Aucun agent ne l’a conduit jusqu’à moi dans son uniforme kaki et avec des menottes passées autour des poignets. Je n’ai pas eu le droit à une brève étreinte pour nous saluer et nous dire au revoir, et ses mains dans les miennes pendant une demi-heure. Amos s’est battu contre nous plutôt que pour nous, et je suis rentrée "chez nous" – cet endroit ne l’est pas vraiment, nous n’y partageons aucun beau souvenir – encore plus remuée, bouleversée et en colère que je ne le suis déjà contre lui, contre moi et surtout contre le reste du monde.

Devoir m’occuper de Micah m’a animée, mais poussée à forcer à accrocher des sourires qui manquent de conviction sur mon visage et à insuffler de la tendresse dans ma voix. Je me suis saoulée de ma poupée pour oublier que l’absence de son père me déchire le cœur. J’ai brossé ses cheveux fins, l’ai écouté baragouiner des phrases qui ne veulent rien dire étant donné le peu de mot qu’elle possède dans son répertoire, je lui ai parlé comme si elle pouvait me comprendre, je l’ai baignée, embrassée, veillée et endormie. Elle se couche et s’endort tôt Micah, à l’instar de tous les bambins de son âge. Ce soir n’a pas fait exception et comme les jours précédent, à l’instant où le silence reprend ses droits dans l’appartement luxueux mais impersonnel de Spring Hill, je me sens terriblement seule. L’endroit est vide, trop grand en étant pourtant plus modeste que le loft, trop étouffant malgré l’air frais de l’hiver australien qui s’engouffre par les baies vitrées ouvertes, et trop sombre malgré toutes les lumières du centre-ville. La vue sur les autres immeubles illuminés est splendide mais elle ne m’émeut pas, alors que je trempe mes lèvres dans un verre de scotch, assise sur un fauteuil installé sur la terrasse de l’appartement. Je suis douchée, nourrie et je porte des vêtements simples mais propres, mais je me sens comme une coquille vide. On toque à la porte, mais cela ne suffit pas à me sortir de ma léthargie.

« Raelyn ? C’est Spencer, je- J’viens juste m’assurer que tout va bien. » La voix de ma demi-sœur de sort de ma torpeur et je relève la tête. Je tends l’oreille pour m’assurer que je n’ai pas rêvé la voix de la petite blonde. « J’demande juste un signe de vie, genre m’oblige pas à appeler les pompiers s’il te plait. » Un long et profond soupir me soulève la poitrine, puis je me redresse, dépose mon verre sur la table basse d’extérieur, et me dirige vers la porte d’entrée pour l’ouvrir en grand. « Comment tu as eu cette adresse Spence ? » Pas d’agressivité à l’horizon, mais pas de chaleur non plus. Au fond, je lui ai ouvert parce que je n’en peux plus, de ma foutue solitude, et que si elle n’est pas celle que je voudrais voir – elle n’est pas Amos – je ne lui suis pas hostile non plus. Bien sûr, elle ne m’entendra pas l’admettre à voix haute. « Micah dort. Evite-moi la sirène et les abrutis en uniforme, s’il te plait. » Tout représentant de l’état – aussi éloigné soit-il de la justice qu’il soit – n’est pas le bienvenu chez moi.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Peut-être que, comme souvent dès qu’une situation t’échappe, t’as laissé toutes tes pensées intrusives prendre le dessus et tisser le pire des scénarios. Une vieille habitude que t’as bien essayé de changer mais qui continue de te coller à la peau comme une vieille amie aux idées aussi insidieuses que mauvaises. Tous les éléments que tu as en ta possession sont disparates ; Raelyn est une ancienne addict, elle s’en est sortie une fois mais a pourtant rechuté, Amos l’a aidée à s’en sortir, il n’est pas là et elle se retrouve seule avec une enfant. Pourtant, tout ça mis bout à bout, c’est une angoisse naissante qui te saisit à la gorge et qui t’empêche de te dire qu’elle gère. Impossible pour toi de ne pas te projeter et d’imaginer comment toi tu réagirais dans une situation pareille. Mal, tu le sais et t’en as trop conscience. Si tu prenais cinq petites minutes pour te poser et réfléchir, pourtant, tu saurais que Raelyn est le genre de femme à ne pas s’effondrer au moindre coup de vent. Elle est plus solide que toi, plus terre à terre, moins encline à se laisser submerger par ses émotions.
Alors te voilà devant chez elle, gentiment accompagnée par Callum en voiture, tu dois t’assurer que ça va bien, ou qu’au minimum qu’elle tient le coup. Tu t’attends à tout, quand tu frappes et que tu menaces de prévenir les pompiers. T’as tout de même suffisamment de jugeote pour ne pas utiliser la sonnette et son bruit probablement strident. Finalement, la porte s’ouvre en grand et tu peux lâcher le souffle que tu retenais depuis tout à l’heure; « C’est important ? » Objectivement non. Enfin si, Raelyn n’a sûrement pas envie que n’importe qui vienne la déranger dans un moment pareil et tu comprends parfaitement, d’autant plus vu la position qu’elle occupe et tout ce qui gravite autour. Du peu que t’en sais, Amos est lui aussi mêlé à tout ça et forcément, la question qui tourne en boucle dans ton crâne c’est “est-ce qu’ils se sont fait prendre ?” Est-ce que, finalement, tout va s’arrêter après ça. Et puis tu te raisonnes, elle est toujours libre, ta demi-soeur. Ce n’est pas elle qu’ils sont venus chercher et ce n’est pas après sa personne qu’ils en avaient. Toute la partie cachée n’est peut-être donc pas en péril après tout. « Oui, non, pardon. Je les appellerai pas, c’est juste… » T’hésites sur tes mots, comme d’habitude. Bien évidemment que tu n’as pas réfléchi plus loin que ça, en te précipitant ici. Dans ton plan de base, elle ne t’ouvrait même pas ou alors elle t’envoyait carrément Callum pour te chopper par le col et te sortir d’ici. Mais non, rien de tout ça. Elle est là, face à toi, la mine fatiguée et l’air revêche, mais au moins elle est debout. « Je voulais m’assurer que ça allait, » pas besoin de chercher après un mensonge à sortir. La vérité est là, simple comme bonjour et la réponse qui t’attend est pourtant évidente. Comment est-ce que ça peut aller ? Son époux a été embarqué par les flics et il n’y a rien qu’elle ait pu faire pour stopper ça. Soupir soulagé et tu te masses l’arête du nez. « Callum m’a emmenée. Il voulait pas mais j’ai insisté. » Tu passes tout de même aux aveux quant à ta présence ici, n’ayant pas spécialement envie de jouer avec le peu de patience qu’elle doit avoir à un moment aussi critique. Callum a bien essayé de te dissuader de venir et s’est montré particulièrement peu coopératif au début. « Il s’est passé quoi ? Ca va ? » T’es à deux doigts de lâcher une flopée de questions, juste pour dire de parler, d’obtenir une réponse, n’importe quoi qui pourrait éclaircir un tant soit peu toute la situation, mais tu te restreins.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell ☆ crédit/harleystuff

Spencer n’a que rarement - si pas jamais - eu le loisir de m’apercevoir dans une posture si vulnérable. Certes, je reste présentable pour le commun des mortels, mais je suis loin de briller de l’éclat qui est habituellement le mien. A l’intérieur des quatre murs de cette pièce qui n’est même pas mon appartement, je ne tente même pas de donner le change à qui que ce soit. Mon visage dénué de toute touche de maquillage laisse apparaître des traits tirés, une mine froissées et les cernes noires sous mes yeux trahissent sans grand mal que je suis exténuée. Micah, angoissée par l’absence de son père mais malgré tout calme et sage, n’est pas là cause de ma fatigue apparente. Non, sans Amos, je peine simplement à trouver le sommeil. Je suis en proie à de terribles insomnies et, puisque je n’ose m’aider de béquilles médicamenteuses pour trouver le sommeil, il m’arrive parfois de ne dormir que deux ou trois heures par nuit. C’est bien trop peu, mais je n’ai pas d’autre choix que de composer avec, pour ma petite fille.

« C’est important ? » - « Oui. Bien plus que ce que tu crois.  » Si l’appartement à Spring Hill n’est pas entouré du même voile de secret et d’anonymat que notre réel lieu de résidence, lui-même déserté pour le protéger et conserver son statut de secret des dieux, il n’en reste pas moins vrai que peu de personnes ne connaissent également cette adresse-là. Pour la découvrir, il a fallu que Spencer fasse appel à l’une d’entre elle ou qu’elle fouille dans les dossiers informatisés du personnel, et je n’aime ni la première proposition, ni la seconde. « Oui, non, pardon. Je les appellerai pas, c’est juste… » Juste une tentative de sa part pour me provoquer et me faire sortir de mon terrier. Je le sais, je ne suis pas née de la dernière pluie. Si cela a fonctionné, c’est au prix d’un mal de tête et parce que je ne désire pas alerter tout le tranquille immeuble qui ne se doute pas une seule seconde de l’identité de ces voisins du dernier étage, si tranquilles et calmes en temps normal. « Je voulais m’assurer que ça allait. » - « Tu as vu maintenant. » Comment j’allais. Je doute qu’elle en ai tiré la conclusion que je me porte comme un charme. « Je répète : qui t’as donné cette adresse ? » Je ne m’efface pas pour la laisser entrer ; pas tout de suite en tout cas. L’appartement ne renferme aucun effet personnel, aucune décoration qui ne lui en apprendra plus sur moi, sur Amos ou sur le couple que nous formons. Pour ceux qui me connaissent, ce n’est guère surprenant et ils sont loins de se douter que ce n’est tout simplement pas là notre lieu de résidence.

« Callum m’a emmenée. Il voulait pas mais j’ai insisté. » Je fronce les sourcils, toujours accrochée à la poignée dorée en métal massif de la porte, et l’autre main posée sur le cadre en bois. « Callum ne travaille plus pour moi. Et il ne travaille plus pour l’Octopus. » Autrement dit : dès demain, j’appellerai Kayden pour le prévenir que l’ancien militaire ne dois plus être autorisé à pénétrer les lieux, et certainement pas à évoluer dans les zones réservées au personnel. J’ai été claire avec Amos, ma décision a été prise sur le coup de la colère, mais elle n’en est pas moins réfléchie et définitive pour autant. Je ne reviendrai pas dessus. « Il s’est passé quoi ? Ca va ? » Je pousse un soupir, passe une main sur mon visage, lasse et exténuée et, finalement, je m’efface pour la laisser pénétrer à l’intérieur des lieux. « Amos a été arrêté. Mais tu le sais, tout le monde doit être au courant maintenant. » Il l’a été devant le casino, après que des officiers de police aient posé des questions aux uns et aux autres, et les bruits de couloirs circulent vite dans ce genre d’endroit, je ne suis pas assez naïve pour penser le contraire. Spencer ne serait d’ailleurs pas là si ce n’était pas le cas. « Il est en détention provisoire pour le moment. Son avocat a demandé une libération sous caution, mais j’ignore quand le jugement sera rendu. » Cela devrait être suffisant pour qu’elle comprenne que je sois à ce point chamboulée, n’est-ce pas ? « Je suis impuissante, et dieu seul sait le nombre de ficelles que j’ai essayé de tirer. » J’ai des relations, de nombreuses relations à travers tout le pays et plus mais, pour la première fois, il n’y a rien que je puisse faire pour le faire libérer plus vite ou simplement m’assurer qu’il le soit. Et dieu que je suis en colère, amère, frustrée et dévastée.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Peut-être que t’as gaffé, en venant ici. Peut-être que t’as mis Callum dans la merde sans le savoir parce qu’il n’était pas supposé dévoiler cette adresse, même en considérant le lien que tu partages avec Raelyn. Au final, ça te ramène presque brutalement au fait qu’en dehors d’un pauvre vingt-cinq pour cent d’ADN et quelques points communs, vous restez quasiment des étrangères l’une pour l’autre. Et ça te convient, parce que tu ne t’attendais pas à plus, pas vraiment, du moins c’est ce que tu te répètes en boucle depuis le début. C’est un bête mécanisme d’auto-défense que tu gères à la perception ; ne rien attendre des gens pour ne pas te retrouver blessée ou déçue. C’est pas ton rôle, de venir t’assurer que ta demi-soeur respire toujours, qu’elle n’a pas fait de folie suite à l’arrestation de son cher et tendre, tu le sais, et pourtant… T’es là, penaude avec tes questions et tes inquiétudes à la con, face à elle qui a clairement vécu des jours meilleurs mais qui préférerait sûrement crever plutôt que de l’admettre. Elle insiste encore pour savoir comment t’as su où elle vivait pendant que toi, tu fais de gros efforts pour organiser tes pensées qui partent toujours dans tous les sens.
Certes, tu as vu maintenant, tu as pu constater qu’elle était toujours de ce monde, pas tout à fait en forme mais pourtant bien debout. Y a quelque chose qui t’interpelle tout de même, dans la façon dont elle se tient, elle qui d’ordinaire domine tout le monde malgré sa taille et sa silhouette menue. Là, il n’en est rien, elle a certes le regard perçant et les intonations presque aussi incisives que d’habitude, mais la superbe n’y est plus. Pas ce soir en tout cas. Bêtement, tu lâches le nom de Callum et du rôle qu’il a eu en te dévoilant des informations que tu ne pensais pas aussi sensibles, pas pour toi en tout cas. Mais encore une fois, qui es-tu pour prétendre mériter y avoir accès ? Personne, toujours qu’une paumarde qui n’a rien accompli d’autre que de se faire rincer aux frais de la princesse. Mais soit, t’outrepasses le rôle qu’on t’a donné, tu repartiras après et tant pis si on te chasse, t’auras la conscience tranquille. Tes sourcils se froncent légèrement à l’annonce concernant Callum. L’homme n’a pas fait part de ce changement de statut, et t’imagines sans mal que c’est sûrement ça qu’il voulait dire par “c’est pas une bonne idée.” Ta curiosité te pousse à questionner la décision mais ton instinct te rappelle à l’ordre et te force à ne pas l’ouvrir pour ne rien dire, de toute manière, ton air surpris parle sans doute pour toi.
A la place, t’essaies de démêler le peu d’info que tu as et à vrai dire, les réponses offertes par Raelyn ne t’aident pas beaucoup. T’acquiesces doucement pour confirmer que oui, tu sais, tout le monde ne parle que de ça ; jamais à tout haut, toujours à voix basse, comme s’ils craignaient de se faire taper sur les doigts pour avoir abordé le mauvais sujet. « C’est un peu le sujet du moment, ouais. » T’annonces avec un sourire pincé. Elle n’est pas stupide, Raelyn, elle doit le savoir. Ca te met presque mal à l’aise d’entendre ta demi-soeur prononcer des mots comme “je suis impuissante”, parce que depuis que tu la connais, elle a été tout sauf ça. L’admission n’en est pas vraiment une, tu sais qu’elle finira par rebondir d’une façon ou d’une autre et qu’elle saura aider Amos à sortir de derrière les barreaux, reste à savoir combien de temps ça va prendre. « Tu peux pas toujours tout régler toi-même, » elle le sait aussi bien que toi. Y a certaines choses qui vous dépassent, qui sont hors de votre contrôle et parfois il faut laisser faire les autres. Dur à accepter, quand on a l’habitude d’être aux commandes et de tout diriger d’une main de fer, mais là y a pas tellement le choix. « J’suis sûre que l’avocat va faire des miracles, faut lui laisser le temps. » T’en sais foutrement rien, mais t’as pas tellement plus d’arguments à avancer alors tu préfères t’en convaincre. Et puis vu ce que doit payer le couple à leur avocat, t’es à peu près certaine qu’il a tout à gagner à satisfaire ses clients les plus généreux, alors tu te fais pas trop d’inquiétudes. « De quoi il est accusé ? » Pour qu’il soit placé en détention aussi rapidement, même provisoirement, c’est que les flics ont forcément quelque chose. Ou en tout cas, ils le pensent très fort.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell ☆ crédit/harleystuff

Si en temps normal je ne me soucie pas de l’impact de mes mots, de mon attitude ou de ma froideur sur mon entourage à l’exception de mon époux et de ma petite fille, je ne vais pas commencer aujourd’hui. Certes, avoir Spencer dans les parages n’est plus un calvaire depuis longtemps et, éméchée, elle parviendrait peut-être à me faire admettre que j’ai confiance en elle, jusqu’à un certain point. Mais aujourd’hui, je suis épuisée et terrassée par une détresse d’une intensité comme j’en n’en ai affronté qu’à de très rares reprises. J’ai l’impression qu’un morceau de mon âme m’a été arraché et, avec lui, tout mes trésors de patience et mes maigres capacité à faire preuve d’un peu d’empathie. Je ne dors plus. La nuit, je fais encore et encore la liste des ficelles que je pourrais tirer pour sortir Amos du mauvais pas dans lequel il a foncé tête baissée et je fais toujours le même constat : cela ne suffirait pas. Si des preuves pointant vers nous étaient retrouvées – des preuves plus importantes encore que les maigres informations qui semblent visiblement détenir – je sais que mon époux serait capable d’avouer pour tomber à ma place, et l’idée m’est insupportable. Nous aurions dû fuir, descendre à la voiture par l’ascenseur du personnel, rentrer au loft en urgence, attraper Micah et prendre la destination d’un pays qui n’extrade pas vers l’Australie et un pour la mafia n’aurait pas pu nous retrouver non plus. Nous avons de l’argent pour plusieurs générations, dont une partie sur des comptes qui n’auraient jamais été retrouvés. Nous aurions arraché notre fille à son quotidien rassurant, mais ne vaut-il pas mieux ça que de grandir sans père et avec une mère rongée par la culpabilité ? « C’est un peu le sujet du moment, ouais. » - « Qu’est-ce qu’ils disent exactement ? » La blonde n’est pas autant habituée à laisser traîner ses oreilles que l’est Carly, mais elle foule le sol du casino depuis assez longtemps maintenant pour savoir à qui poser les bonnes questions et qui a la langue bien trop pendue.

« Tu peux pas toujours tout régler toi-même. » Elle est loin de se douter d’à quel point je suis pourtant habituée à ce que ce soit le cas. Tout ce qui est extérieur à ma bulle, mon équilibre est un ennemi, et je ne fais confiance qu’à un petit nombre de personnes appartenant toutes à mon cercle restreint. « J’suis sûre que l’avocat va faire des miracles, faut lui laisser le temps. » - « Amos est en détention Spencer, pas dans un camp de vacances. » Autrement dit, chaque seconde passée derrière les barreaux doit être une torture pour un être comme lui. Et elle n’est pas non plus sans savoir que les affres de l’addiction reviennent souvent frapper à la porte dans les moments où nous sommes le plus vulnérable. « Et je n’ai même pas encore réussi à me faire inscrire sur la liste des visiteurs autorisés. » Je suis habituée à résoudre les problèmes d’un claquement de doigts. La lenteur du système me donne des envies de meurtre, alors que c’est pourtant à cause de l’une d’entre elle que nous en sommes là. « De quoi il est accusé ? » Je pousse un soupir, avant de refermer à double tour la porte derrière la blonde, et de me diriger vers le salon aux murs immaculés et de me laisser tomber sur le sofa. « Il est soupçonné dans le cadre d’une disparition. » Autrement dit : soupçonné de meurtre. Lorsque quelqu’un disparaît et qu’une personne est arrêtée pour ça, c’est souvent cela, l’issue. « Une junkie qui gérait un petit commerce illégal à Redcliffe. Amos ne lui a rien fait, avant que tu me poses la question. » Techniquement, ce n’est pas un mensonge : Amos n’est pas responsable du sort de Lou Aberline. Il n’est soupçonné que parce que la voiture que nous possédons lui appartient, et qu’elle a été filmée à plusieurs fois aux alentours du bowling. « Mais comme les enregistrements des caméras de surveillance de l’endroit où les flics pensent qu’elle a été vue en dernier ont été supprimés, il leur faut à tout prix quelqu’un à accuser. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Bien sûr qu’un événement pareil allait causer du remous au casino. Et dans ce genre d’histoire il y en a toujours pour exagérer les choses et grossir les traits. Tu soupires légèrement en te massant la nuque, pas certaine de la rumeur par laquelle commencer. Autant faire un tir groupé et condenser un peu. « Des conneries. » Enfin sûrement, vu que t’en sais pas plus qu’eux et que toi aussi, tu t’es posé la question. De ton côté t’as entendu tous les fonds de cloche possibles et imaginables, ne sachant pas réellement sur quel pied danser. « Y en a qui parlent de détournement de fond ou encore de proxénétisme caché, » autant dire que personne n’a la moindre idée de ce qui se trame et que les rares employés dans la confidence se sont bien gardés du moindre commentaire, sachant pertinemment à quoi s’attendre. « Les gens ont tendance à être créatifs dans ce genre de situation et à raconter n’importe quoi. » Les “on dit” sont toujours de mise et la moindre petite phrase ou action sortie de son contexte peut vite dégénérer si on n’y prend pas garde. Évidemment, tu as aussi eu tes petites théories que tu as gardées pour toi, évitant ainsi une gaffe potentielle en mettant les commères du coin dans la confidence.
« Je sais. » Et tu n’as jamais prétendu qu’il était parti pour des vacances, tout comme tu ne minimises pas la situation dans laquelle il se trouve. Sans doute es-tu trop naïve en te disant que les choses finiront par se régler, que l’avocat saura faire son boulot et sortira Amos de là en un rien de temps, mais c’est à peu près tout ce que tu peux faire.
Forcément, tu demandes plus de détails, t’attendant au mieux à une réponse taciturne et au pire, à une demande explicite pour prendre congé et rentrer chez toi. Il faut avouer que t’es plutôt surprise lorsqu’elle évoque la raison de toute cette agitation. Disparition, okay, même toi tu ne l'aurais pas vu venir celle-là. Ce qui t’interloque le plus dans cette histoire, c’est surtout le fait que la police ait quelque chose à faire du sort d’une petite junkie, comme Raelyn vient de la décrire. Commerce illégal ou pas, les nuisibles dans ce genre sont bien souvent le cadet de leurs soucis. Ca te fait doucement grimacer, te doutant qu’il y a sûrement d’autres choses derrière tout ça mais que ce n’est pas de ton ressort. Bien évidemment, Raelyn clame l’innocence de son mari à vrai dire, tu ne sais pas si ça te fait plus douter ou si ça te rassure. Tu ne vois pas vraiment Amos capable de faire disparaître quelqu’un et pourtant, il y a toute une facette du couple dont tu ignores tout et que tu choisis délibérément de laisser de côté. C’est préférable et tout le monde le sait. « Je posais pas la question. » Enfin si, mais autant aller dans son sens et prétendre que ça ne t’intéresse pas. De toute manière, tu as côtoyé suffisamment de gens douteux pour que ça ne te touche pas particulièrement ou pour que ça ne change pas la vision que tu avais de l’époux de ta demi-soeur. « Donc ils ont rien, » tu souffles sans trop savoir quoi ajouter dans une situation comme ça. Des enregistrements manquants, ça ne veut rien dire. Mais toi, tu es du genre à ne pas avoir confiance en la police, dans une affaire comme ça tu imagines sans aucune peine qu’ils peuvent être du genre à interpréter les preuves (ou leur manque, dans ce cas précis) comme ils le veulent. Rien de plus facile avec un peu d’imagination et les bonnes motivations. « Ça a quelque chose à voir avec- » avant d’aller plus loin, tu t’interromps, sachant très bien que ça non plus, ce n’est pas le genre de question dont tu veux la réponse. Finalement c’est mieux de ne pas fourrer ton nez plus que de raison dans des affaires qui ne concernent pas et qui te dépassent de très loin. « Non rien. » Nouveau soupir alors que tu te reprends toute seule, tu passes d’un pied à l’autre sans savoir si tu es supposée insister ou si elle préfère sa tranquillité dans un moment pareil. « T’as besoin- Je peux faire quelque chose ? » Pour elle ou pour la petite, ici et maintenant ? Elle l’aura compris et tu n’es pas suffisamment orgueilleuse pour penser pouvoir débloquer une situation pareille, bien évidemment. Mais à ton échelle, peut-être que tu peux un peu l’aider. Tu sais que tu es probablement la dernière personne qu’elle contacterait en cas de nécessité, surtout concernant sa fille, mais puisque tu es venue jusque là, autant proposer. Ca peut être n’importe quoi, juste une compagnie silencieuse (autant que possible, quoi), ou même pour faire la vaisselle pendant qu’elle se repose ou qu’elle gère ses affaires, n’importe quoi.

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Raelyn Blackwell & @Spencer Blackwell ☆ crédit/harleystuff

« Des conneries. » Certainement, mais je me doute que, dans le lot, certains doivent approcher de la vérité. Nous ne sommes pas des citoyens lambdas, Amos et moi. Et l’identité de la disparue ne restera pas un secret bien longtemps. Dans les rangs du Club, certains avaient même déjà eu vent de chamboulement à la tête de la ruche et dans les équipes de celle-ci. Nos rivaux se font plus discrets, presque inexistants, et mon aversion pour Aberline n’est un secret pour personne. Aussi, quand plus d’infos seront connues, les rumeurs s’affineront certainement. Certains penseront qu’Amos l’a tuée pour mon honneur, d’autres s’approcheront même peut-être encore plus de la vérité – ceux qui ont conscience de ma dangerosité – mais personne ne parlera. C’est la règle d’or, celle qui distingue la vie d’une menace de mort constante pour la plupart de mes mignons. « Y en a qui parlent de détournement de fond ou encore de proxénétisme caché. » Je laisse échapper un rire sarcastique en secouant la tête. Ceux là ne sont pas loin d’une autre de nos vérités, de toute évidence. « Les gens ont tendance à être créatifs dans ce genre de situation et à raconter n’importe quoi. » - « Ouais. » Je réfléchis déjà à la façon de reprendre les choses en main, parce que c’est ce que je fais, qui je suis, et la visite de Spencer était peut-être providentielle, d’une certaine façon. Elle me permet de me recentrer sur des responsabilités que je n’ai pas l’intention d’éviter pendant plusieurs jours encore. Demain, j’irai à l’Octopus, la tête haute et avec le genre de masque d’insensibilité dont j’ai le secret.

« Je posais pas la question. »
« Tout le monde se poserait la question. »

Je ne suis pas idiote et, Spencer sachant tout ce qu’elle sait à mon sujet, sans pour autant être dans les secrets des dieux, doit se demander quelle est la part de vérité dans tout ça. Elle doit aussi se douter qu’il ne s’agit pas que d’une malheureuse coïncidence ; j’ai tendance à penser qu’elles n’existent pas de mon côté. « Donc ils ont rien. » - « Rien de tangible, ou pas que je sache. » Et c’est peut-être ça qui me ronge et me noue l’estomac : l’idée que le procureur prépare un dossier pour prendre de court la défense d’Amos et nous cache des choses. Toutefois, je sais qu’ils ne peuvent pas connaître l’histoire, tout comme je me doute qu’ils ne trouveront jamais de corps : mon homme de main est compétent et n’en est pas à son coup d’essai. Sans corps, je m’accroche à l’idée qu’il n’y aura pas de condamnation possible, mais sommes-nous réellement à l’abri d’une justice un peu trop zélée et désireuse de faire un exemple de mon amant ? « Ça a quelque chose à voir avec- » Je plonge mon regard dans le sien, sans lui apporter la moindre réponse et pour la pousser à faire marche arrière. Ma demi-sœur n’a pas envie d’être impliquée là-dedans, et il est hors de questions que je sois celle qui l’implique. Moins elle en sait, mieux tout le monde se porte. « Non rien. » - « Tu es raisonnable. » Je note, l’air absent.

Elle m’observe, elle danse d’un pied à l’autre sans trop semble savoir comment agir avec moi. Nous ne sommes pas deux sœurs soudées contre vent et marées, personne ne nous a appris ce que c’est, que de former une fratrie et de se soutenir l’une et l’autre. Nous sommes deux adultes qui avons appris à se connaître dans la mesure du possible et qui avons tissé un lien étrange, mais loin d’être ordinaire. « T’as besoin- Je peux faire quelque chose ? » Pensive, je finis par ordonner plus que demander. « Demain, je serais à l’Octopus. Tu peux t’assurer que Carly passe dans mon bureau à la première heure. » J’ai besoin de connaître les bruits qui courent pas uniquement dans les salles de jeu du casino et derrière le bar, mais dans les tréfonds du bâtiment et mon petit oiseau sera bien plus renseigné que la jeune femme. Après une hésitation, et laissant transparaître une vulnérabilité rare, je finis par ajouter. « Tu sais conduire ? » Je me suis tordu méchamment la cheville, et j’ai congédié Callum. Prendre la voiture alors que je suis de toute façon une conductrice du dimanche n’est pas à l’ordre du jour. « Ma cheville est tordue, il faudrait que je fasse une radio et des examens. » Je jette un coup d’œil en arrière, avant d’ajouter. « Et Micah a besoin de prendre l’air. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Avec tout ça, t’es pas beaucoup plus avancée qu’en arrivant. Tu sais de quoi Amos est accusé, que sa compagne défend son honneur et que t’as encore plein de questions qui te brûlent les lèvres. Si t’es à deux doigts de demander, tu te ravises en essayant de te concentrer sur le principal, à savoir ce que tu peux faire pour aider. Pas grand-chose concernant l’homme inculpé, mais un minimum pour la mère esseulée qu’il a laissé derrière lui. La première demande formulée te fait hausser les sourcils, surprise par la détermination dont fait preuve Raelyn en prévoyant déjà son grand retour. « T’es sûre ? » Tu ne questionnes pas sa motivation à vouloir retourner à l’Octopus, elle a sûrement ses raisons et a envie d’apparaître aux yeux de tous comme étant la femme forte qu’elle a toujours montré. C’est une question d’image, celle de la dame inébranlable qui ne fléchit pas à la première difficulté, quand bien même il s’agit de l’arrestation de son bien aimé. Elle n’en a probablement pas envie, elle préférerait sûrement continuer à secouer les avocats pour qu’ils fassent leur travail et lui accorde ce droit de visite qu’elle brûle d’avoir, ou au moins qu’ils reviennent avec des rumeurs rassurantes ou qu’importe. Néanmoins, tu acquiesces doucement pour lui confirmer que tu préviendras la jeune femme, même si clairement, tu n’iras pas la voir de gaieté de coeur. Soit, tu te feras messagère, tâche simple au possible que tu n’auras aucune difficulté à accomplir. « Mais si tu y tiens, elle sera là demain. » Quelque chose te dit que l’autre va te reprocher de venir lui transmettre des ordres, qu’elle fera très certainement part de son mécontentement à ce sujet à sa patronne, mais à vrai dire, rien de tout ça n’est véritablement ton problème. Elle fera ce qui lui est demandé parce que l’instruction vient de Raelyn et qu’elle est du genre à exécuter les moindres demandes de sa boss et dans la finalité, c’est tout ce qui compte. Tu n’as jamais compris l’attitude de la jeune femme à ton égard, à croire que t’as insulté son chien et que pour cet affront, elle est prête à te faire tomber dans les marches et à faire passer ça pour un accident.
La deuxième requête de Raelyn en revanche, t’interpelle un peu plus. Ton regard curieux se porte à la cheville de la concernée qui n’a jusqu’ici montré aucun signe d’inconfort. Après t’es pas médecin et tu ne l’a pas vraiment vue marcher, mais quand même, rien que le fait de rester debout doit être épuisant. « Ouais. » Clairement, tu n’es pas ce qu’on pourrait qualifier du meilleur pilote qui soit, surtout dans la mesure où tu ne prends le volant qu’en de rares occasions, mais oui, tu sais et t’es tout à fait capable de faire le chauffeur pour l’emmener faire des examens. Comment est-ce arrivé ? Quand ? Elle est restée combien de temps avec la cheville foulée ? Tu n’as aucune difficulté à imaginer que ça fait un moment, que l’état de son pied et la douleur engendrée était loin dans l’ordre de ses priorités et tu ne peux que comprendre. Quand t’étais gamine, t’es restée une journée complète avec un bras cassé sans jamais te plaindre parce que ça voulait forcément dire retourner au foyer et tu préférais souffrir en silence plutôt que de retourner là-bas, quitte à devoir endurer ta mère. « T’as une clinique où tu veux aller en particulier ou on va au plus proche ? » Y a bien un établissement privé et hors de prix qu’elle affectionne plus que les services publics, du moins t’imagines. Si t’avais de l’argent et le choix dans un cas comme celui-là, tu ne te ferais pas prier pour prendre ce qu’il y a de mieux. Malheureusement pour toi, ce n’est pas le cas et tu dois te contenter de ce qui est proposé au commun des mortels, comme tout le monde. Enfin ça, c’est dans l’hypothèse où tu mets les pieds à l’hôpital ou chez un médecin de manière volontaire, mais ça, c’est une autre histoire. « T’as des affaires à prendre ? J’vais les porter jusqu’à la voiture. » Nul doute qu’elle voudra probablement porter elle-même sa fille malgré l’état de sa cheville et tu n’iras certainement pas contre sa volonté à ce sujet-là. Mais il lui faudra des bras pour embarquer un sac ou qu’importe ce qu’il faut emmener pour un voyage comme celui-là. Ca va te faire bizarre, de revoir Micah après tout ce temps. La seule et unique fois où c’est arrivé, elle était encore petite et à un âge aussi jeune, les enfants ont tendance à beaucoup changer physiquement.

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« T’es sûre ? » Les deux yeux braqués dans ceux de Spencer, je lui réponds sans avoir à décoller mes lèvres l’une de l’autre. Oui, je suis sûre et quelle que soit la façon dont je me sens, elle sait que je ne laisse pas grand monde questionner mes motivation et décisions. Je ne peux pas rester enfermée ici plus de quelques jours, je l’ai déjà trop fait et les rumeurs battent déjà leur plein au sein des employés de l’Octopus et du Club. Je ne suis pas un petit oisillon fragile. Ruth m’aidera avec Micah, pour ma princesse et hormis l’absence de son père, son quotidien ne changera pas et, moi, j’ai les épaules assez solides pour prétendre que tout va bien et parvenir à donner le change. J’ai l’habitude de maîtriser mon image et ce que je renvoie. J’ai l’habitude d’enfermer mon cœur à l’intérieur d’un caisson parfaitement isolé et hermétique, pour ne laisser apparaître qu’une apparente froideur. « Mais si tu y tiens, elle sera là demain. » - « Parfait. Fais-lui comprendre que tu parles pour moi. » Je ne suis pas d’humeur à supporter l’excessivité et la jalousie latente de la jeune femme. « Et qu’elle n’a pas intérêt à me défier. » Je la sais capable de refuser l’audience, vexé que je sois passée par ma demi-sœur pour lui donner un ordre. Mais si je lui passe souvent ses caprices que je considère comme des crises de nerfs, je ne saurai pas faire preuve de la moindre patience, étant données les circonstances. Carly est intelligente : avec un peu de chance, elle aura assez de jugeotte pour ravaler sa frustration.

« Ouais. » Parfait donc. La voilà, la façon dont elle peut m’aider si c’est ce qu’elle désire. Ma requête la surprend certainement, puisqu’il semble incongru que je sois presque incapable de prendre le volant sans danger tout comme surprenant que je n’ai pas une multitude de personnes à ma disposition pour me conduire là où je le désire. Callum faisait office de chauffeur, et je ne veux plus jamais voir son visage. Du reste, je n’ai pas envie d’appeler un service de chauffeurs privés. Je suis vulnérable, et il m’est déjà assez difficile de m’exposer ainsi à la petite blonde. « T’as une clinique où tu veux aller en particulier ou on va au plus proche ? » - « Une clinique privée. L’adresse doit être enregistrée dans le GPS de la voiture d’Amos. » Puisque nous prendrons celle-là : je n’en possède pas moi-même. La demoiselle n’a pas à s’inquiéter d’égratigner la voiture de mon époux ; c’est pour moi et pour sa fille qu’il se ferait du souci s’il savait que Spencer s’apprête à nous conduire. Je pense qu’il se moque bien de sa carrosserie. « J’en prendrais la responsabilité s’il trouve quelque chose à redure au fait que tu la conduises. » Je la rassure au cas où elle aurait des scrupules. « T’as des affaires à prendre ? J’vais les porter jusqu’à la voiture. » Je jette un coup d’œil autour de moi, avant de m’adresser à la jeune femme d’une façon qui en dit long sur ce que je suis habituée à me faire obéir au doigt et à l’œil. Mes réflexes professionnels ont tendance à déteindre, de toute évidence, et Spencer, puisqu’elle n’est pas Amos, n’est pas préservée. « Tu peux attraper mon sac à main, sur la chaise. » Je pointe du doigt l’une des chaises installée autour d’une table ronde qui fait office de table à manger. « Et tu peux prendre celui de Micah dans sa chambre. Suis-moi. » Faisant de mon mieux pour ne pas boiter – dieu que je me sens vulnérable sans mes talons aiguilles qui me réhaussent d’une bonne dizaine de centimètres, mais ma blessure ne m’autoriser rien d’autre que des baskets en cuir blanc – je me dirige vers la chambre de mon bébé. J’entrouvre les volets roulant alors que Micah, se réveillant de sa sieste, ouvre difficilement les yeux. « Allez princesse, il est l’heure de se réveiller, on va aller se promener. » Je me penche sur son lit à barreaux, tends mes bras dans sa direction et la prend dans mes bras. Je surprends son regard sur Spencer, qui m’a emboité le pas. D’une petite voix encore endormie, elle demande "qui ?" m’accompagne en la pointant du doigt. « C’est Spencer, tu la connais déjà, tu l’as vue plusieurs fois. » Quand elle était plus petite, ou en coup de vent à l’Octopus lorsqu’elle nous y accompagne. « C’est la soeur de maman. Tu te souviens ? » Ma fille passe ses mains sur son visage et observe la blonde avec des yeux à moitiés ouverts. « Le sac est là. Tu peux aller dans la cuisine et ajouter quelques biscuits pour son goûter pendant que je l’habille pour sortir. »

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

L’idée que tu vas donner un ordre indirect à Carly et qu’elle n’aura pas son mot à dire te fait un peu sourire, il faut avouer. Ca lui fera les pieds, à l’autre, et au moins ça pourra peut-être justifier son hostilité à ton égard pour une fois. Tu hoches la tête face à Raelyn lorsqu’elle confirme ne pas être d’humeur à la perspective de devoir batailler avec son assistante slash qu’importe le rôle qu’elle a dans le casino, juste histoire de confirmer que tu feras ta part. Une partie de toi, celle un peu mesquine qui substiste malgré tout, a presque envie que la jeune femme ait la bonne idée de faire du zèle, juste pour voir. Malgré tout, tu sais qu’elle ne le fera pas ; dans la finalité et malgré les grands airs qu’elle se donne, elle est toujours en train de rechercher l’approbation de sa patronne. Un peu comme toi, quoi. Certes, les enjeux et les motivations ne sont sans doute pas les mêmes, mais les faits sont là.
Pour l’heure, tu proposes ton aide à Raelyn. Là, dans l’immédiat, y a bien quelque chose que tu puisses faire, n’importe quoi. La demande te surprend un peu, mais tu confirmes pouvoir accéder à sa requête, posant les questions qui te viennent à l’esprit pour faire ce job temporaire du mieux possible. Comme tu t’en doutais déjà, la petite famille voit une clinique privée et pour les détails tels que l’adresse, tu verras ça une fois devant le tableau de bord et le GPS. « Il s’en rendra même pas compte. Et promis, je ferai attention à pas abimer la peinture ou à causer d'accident. » T’as aucune intention d’égratigner sa voiture ou de te faire flasher pour vitesse excessive, alors à moins qu’il ne connaisse le kilométrage sur le bout des doigts, il ne s’en apercevra sûrement pas. Bon, t’imagines qu’il finira par l’apprendre d’une manière ou d’une autre, mais si Raelyn assure qu’elle va gérer les possibles retombées, tu la crois. Et puis, c’est une situation d’urgence un peu particulière, non ?
Pour le trajet jusqu’au véhicule et pour le reste, tu proposes tes bras pour porter le surplus d’affaires. Ton regard suit vers la chaise où trône le sac à main, puis revient sur Raelyn qui t’invite à la suivre jusqu’à la chambre de sa fille pour y récupérer ses affaires. Sans un mot, tu t’exécutes, talonnant la maîtresse des lieux jusqu'à la chambre d’enfant que tu découvres du regard, repérant rapidement le sac déjà presque tout prêt posé dans un coin. La fillette à peine tirée de son sommeil marmonne quelque chose que tu entends à peine tandis que sa mère la rassure sur ta présence. Si elle t’a effectivement déjà vue (ou plutôt aperçue), les interactions se sont arrêtées là. Juste histoire de rassurer, tu fais un petit signe de main en direction de Micah, affichant au passage un léger sourire accompagné d’un bête « hey, » avant d’aller chercher ses affaires. « Ça marche, » t’acquiesces de nouveau en retournant dans la cuisine en quête des fameux biscuits. La fouille des placards s’avère fructueuse, tout est rangé et organisé au millimètre près, peut-être un peu trop, mais tu n’es pas là pour questionner quoi que ce soit et surtout pas la façon dont le couple fonctionne. Ça l'arrange bien, à vrai dire, de ne pas avoir à retourner chaque placard pour trouver quelque chose d’aussi basique. Tu prends ce qu’il faut, et tu récupères au passage le sac à main de Raelyn histoire de ne pas l’oublier et tu patientes à peine quelques minutes le temps qu’elles ressortent de la chambre, fin prêtes à partir. De nouveau, tu souris à la gamine avant de te diriger vers la porte, « si vous êtes prêtes on y va. » Des clés de voiture, il n’y en a pas trente-six d’accrochées, alors tu les prends, tu tiens la porte pour laisser Raelyn et sa fille sortir avant de verrouiller l’appart. Direction ensuite le véhicule d’Amos sous les directives de ton aînée, toi tu restes attentive au cas où il faille aider à porter quoi que ce soit d’autre. Une fois au niveau de la voiture, tu t'attelles à charger les affaires dans le coffre, puis tu prends place derrière le volant. Bon, il te faut tout réajuster afin d’être suffisamment proche pour toucher les pédales, c’est qu’il est grand le Taylor, comparé à toi. Une fois les réglages faits et pendant que Raelyn installe la petite dans son siège, tu fouilles le GPS à la recherche de l’adresse préenregistrée de la clinique. Encore une fois, rien de bien compliqué. « Ok, c’est tout bon. Y a plus qu’à, » tu signales en jetant un œil sur la banquette arrière, attendant le signal qu’elle est prête à démarrer.

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« Il s’en rendra même pas compte. Et promis, je ferai attention à pas abîmer la peinture ou à causer d'accident.  » - « C’est ok Spencer, je te dis. » Amos se moque bien de sa voiture, il n’est pas le genre d’homme à se munir d’un chiffon en microfibre tous les matins pour l’inspecter et vérifier qu’aucune rayure n’est apparue comme par magie pendant la nuit. Du reste, quand il sortira de prison, il aura certainement d’autre chats à fouetter et je doute qu’inspecter son véhicule sera une priorité. Très honnêtement, il y avait même plus de chance que je l’abîme lorsque je l’ai conduite plutôt que de déplorer un dégât suite au service que m’a rendu Spencer. De toute façon, Amos n’est pas là, il a fait ses choix sans que je ne sois invitée à participer à la prise de décision alors je saurais le lui rappeler, si d’aventures il me cherchait des poux pour une chose aussi insignifiante que ça. Si Spencer sait conduire, nous sommes déjà plus en sécurité avec elle au volant que lorsque j’ai conduit moi-même la berline, de toute façon.

Ma fille émerge doucement mais, dès que la silhouette de Spencer se détache dans la lumière de la porte d’entrée, sa curiosité semble se réveiller. C’est un animal social, Micah. Elle aime aussi bien trop être le centre de l’attention si bien que tout visiteur représente à ses yeux l’opportunité de combler son besoin d’être la petite star de la pièce. Alors qu’elle ramène les mèches de cheveux qui lui viennent dans les yeux en arrière, j’y vois les premières marque d’une vanité similaire à la mienne et je m’en enorgueillis. Peut-être que je me trompe. Peut-être est-ce un geste anodin, normal pour un bébé de cet âge que l’on réveille de la sieste, mais je n’ai jamais prétendu que j’étais objective concernant ma poupée. Lorsque Spencer quitte la pièce, Micah la suit des yeux jusqu’à se torde le cou en espérant que cela l’aidera à voir à travers les murs. Amusée, j’esquisse un sourire et caresse les mèêches blondes de la petite fille, avant de l’attraper sous les aisselles pour la prendre dans les bras. Lorsque nous regagnons le salon, son attention est à nouveau absorbée par la présence de cette inconnue - elle l’est pour elle, malgré plusieurs premières rencontres lorsqu’elle était encore un bébé - Et elle fait mine de cacher son visage dans mes cheveux, tout en essayant de continuer à pouvoir observer Spencer au travers de mes mèches platines. Ses mains se posent autour de ma nuque et, à mon oreille, de sa petite voix de bébé, elle me demande à nouveau qui est Spencer. « Qui c’est ça ? » - « Je te l’ai dit Micah. C’est Spencer, c’est la soeur de maman. Un peu comme ton oncle Chad ou ton oncle Abe pour papa, tu comprends ? » Micah fronce les sourcils à la manière d’un petit enfant qui donne l’impression d’être en train de résoudre un problème complexe, puis elle hoche doucement la tête. « Ne fais pas ta sauvage, dis lui bonjour. » Cette forte tête qu’est ma fille se contente d’observer en silence ce nouveau membre de sa famille et de lui adresser des sourires espiègles dès qu’elle se croise le regard de ma demi-soeur. Moi, je dépose mes lèvre sur son front en laissant échapper un bref rire amusé. « Donne lui quelques heures et elle sera incapable de s’arrêter de parler. » Micah aime trop faire l’étalage de ces nouveaux mots qu’elle ajoute à ses connaissances tous les jours pour se priver de les enchaîner en tentant maladroitement de faire des phrases. Caracolent en tête les questions qui c’est ça ?, c’est quoi ? et bien sûr, le célèbre pourquoi ? qu’elle dégaine dès qu’elle en a l’occasion. « Si vous êtes prêtes on y va. » Je hoche la tête, remonte un peu plus Micah sur ma hanche et fais signe à la blonde de passer devant.

Dans la voiture, j’installe Micah dans son siège pour bébé avant de monter à l’avant à côté d’une Spencer qui finit les derniers réglages. Je l’observe, jusqu’à ce qu’elle déclare que nous sommes parées pour démarrer. « Ok, c’est tout bon. Y a plus qu’à. » Je hoche la tête, avant de jeter un coup d’oeil à ma fille qui ne peut pas s’empêcher de quitter la blonde des yeux. « Elle adore être le centre de l’attention, et elle adore les nouvelles têtes. » Comme prise la main dans le sac, Micah laisse échapper ce rire cristallin propre aux enfants de son âge, plus tout à fait un gazouillis mais qui y ressemble encore par moment, et je lui adresse un sourire avant de me tourner à nouveau vers la route. « Merci. Je sais que ça peut être surprenant mais je sais à peine conduire. » J’ai passé mon permi à Charleville et, en ville, je n’ai jamais eu besoin d’apprendre. « Reste manger ce soir, si tu veux. » Si l’offre semble sortir de nulle part, c’est certainement parce que c’est le cas.

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Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Une partie de toi ne peut s’empêcher de noter l’information comme quoi il y a des oncles Chad ou Abe, par définition ça veut dire qu’Amos n’est pas fils unique et ça te fait te rendre compte à quel point tu connais mal l’homme, au final. Ou même du couple en général. Ton attention se reporte rapidement vers la petite qui fait sa timide et forcément, ça prête à sourire comme attitude. Par moments, elle ose jeter un oeil en ta direction avant de faire semblant de se cacher dès que ton regard croise le sien. Tu peux dire qu’elle est curieuse et intriguée par ta présence à son réveil, par le mouvement et les explications de sa mère et c’est réciproque. Toi aussi, tu as envie d’en savoir plus à son sujet, peut-être même d’apprendre à la connaître un peu plus si l’occasion se présente. « Oh ça j’en doute pas. » C’est dans la nature de beaucoup d’enfants, ce genre d’attitude. Farouches et méfiants au premier abord, puis de vrais moulins à paroles intéressés par la nouveauté.
Mais tout ça attendra un moment plus opportun, un moment où il ne faudra pas conduire sa mère dans une clinique pour examiner sa cheville et où tout le monde sera suffisamment posé pour pouvoir profiter comme il se doit. Pour l’heure, tout le monde est dans la voiture et il est temps d’y aller. Tu adresses un regard et un sourire à Micah avant de mettre ta ceinture et de démarrer. La clinique a l’air relativement proche et à cette heure-ci, le trafic devrait être plus que correct. « Elle a bien raison. » Et puis comment ne pas s’intéresser à un si petit être ? La fillette rit et tu jettes un oeil dans le rétroviseur en affichant un sourire amusé à ton tour. « Elle va être servie quand elle devra aller à l’école. » Des nouvelles têtes, il n’y aura que ça à ce moment-là. Une grande étape dans sa vie, même s’il va lui falloir patienter au moins une année complète encore. Nul doute qu’Amos et Raelyn ont déjà choisi son école pour qu’elle ait accès au meilleur dès le début. « C’est normal. » Pas besoin de remerciements, c’est bien la moindre des choses après tout ce qu’elle a fait pour toi depuis presque deux ans déjà. Une façon bien lambda de payer une partie de ta dette, mais c’est déjà ça. « Bah, en même temps y a pas tellement besoin de conduire en ville, généralement. » Tout est plus ou moins facilement accessible grâce aux transports en commun. On aime ou on aime pas, mais c’est un fait ; et puis les gens qui en ont les moyens usent et abusent des services tels que Uber ou carrément des chauffeurs privés. Alors ouais, quand t’as le choix entre la conduite et te faire conduire, ta décision est vite prise. Dans tous les cas, t’es pas tellement la mieux placée pour émettre le moindre jugement à ce sujet tant t’as traîné avant de passer ton  permis. T’avais toujours une bonne excuse pour ne pas le faire : pas d’argent ou alors pas le temps, trop souvent défoncée ou bourrée et de toute manière pas vraiment intéressé par l’exercice. Un peu prise au dépourvu par l’invitation à dîner, tu lâches un pauvre « ouais ? Okay, » surpris. T’acquiesces doucement, restant concentrée sur la route et l’itinéraire. « J’peux cuisiner un truc si tu veux, c’que tu veux. Si y a ce qu’il faut dans le frigo quoi. » Ca va de soi. Bien évidemment, tu parles de quelque chose de simple et rapide, si tu te débrouilles derrière des fourneaux, tu n’es pas non plus un chef étoilé capable de faire des miracles. Sinon tu t’arrêteras prendre un plat à emporter sur le chemin du retour et ça fera tout aussi bien l’affaire.
« C’est marrant comme t’es différente quand elle est là. » Pourquoi on dit qu’il faut tourner sa langue sept fois sa bouche avant de l’ouvrir, déjà ? « C’est pas une critique, hein. J’veux dire… Au casino t’as cette image que t’affiches et là t’es juste… Différente. » Même pas qu’au casino, d’ailleurs. Elle passe de la reine des glaces à une mère aimante et le contraste est saisissant, ça en fout presque le vertige tant l’écart est grand. Et encore, tu n’as eu que de brefs aperçus, t’as à peine eu le temps de voir à quel point la maternité la transforme dans l’intimité et à l'abri des regards indiscrets. Mais tu comprends ce besoin d’afficher une image aux yeux du monde alors que c’est une toute autre personne qui se présente face à de rares élus. « La façon dont tu la regarde, et comme tu souris, surtout. » C’est sincère et c’est pas la Raelyn que t’as l’habitude de voir au travail. Mais t’aimes bien aussi, cette version-là. « Tu te voyais en mère de famille, avant elle ? » Vu son parcours et son mode de vie, c’était quand même pas le choix le plus évident qui soit.

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Micah est une gamine bavarde et il est évident qu’elle a pris du côté maternel : Amos, c’est plutôt un taciturne. Avec moi, il apprend à déployer des trésors de communication. Mais avec le reste du monde, son compteur de mot a tendance à réapparaître. De nous deux, il est pourtant le plus chaleureux, ouvert et empathique. Sauf que je donne bien le change et que je suis douée pour le faire semblant. Les apparences sont ma spécialité et mon charisme m’aide à paraître plus sociable et charmante que je ne le suis réellement. « Oh ça j’en doute pas. » Est-ce le cas de beaucoup d’enfant ? Je ne m’intéresse généralement pas à ces derniers. Même le rejeton d’Ariane, à l’époque où elle ne l’avait pas abandonné derrière elle, je le préférais loin de moi. Les rares fois où elle l’a emmené avec elle alors que nous avions prévu de nous retrouver pour manger au restaurant ou boire un verre, j’ai levé les yeux au ciel de façon évidente et perceptible. Je n’ai pas caché mon dégoût pour les petits êtres et, à l’heure actuelle, c’est toujours le cas. Micah est ma seule exception, celle qui remporte tous les suffrages dans mon cœur. « Elle a bien raison. Elle va être servie quand elle devra aller à l’école. » - « Mon dieu. Ne m’en parle pas. » Je ne suis pas prête à laisser ma petite fille se mélanger au reste du monde. La mettre au contact d’autres enfants, c’est la laisser quitter le nid et j’ose à peine avouer que cela me terrifie. Amos est plus excessif que moi mais je ne suis pas non plus à l’aise à l’idée de ne plus être là pour veiller sur elle constamment. « Elle a le temps encore. » Micah n’a même pas encore deux ans, et nous nous séparerons d’elle le plus tard possible. Je me console en me disant qu’elle intègrera une de ces écoles privées où les enfants sont surprotégés.

« C’est normal. Bah, en même temps y a pas tellement besoin de conduire en ville, généralement. » - « J’aurais pu prendre un taxi mais, avec elle, j’ai des scrupules. » Je désigne Micah d’un geste du menton. Se déplacer avec un enfant en bas âge et qui nécessite toujours l’utilisation d’un siège automobile demande de l’organisation. Moi, j’ai préféré ignorer la douleur dans ma cheville jusque-là.

J’ignore ce qui me pousse à proposer à Spencer de rester avec nous ce soir. La solitude, je crois, le désespoir que je ressens depuis l’arrestation de mon complice et que je ressens seule, prenant sur moi pour que mes humeurs ne déteignent pas sur ma fille. Sa sollicitude, si je refuse de voir comme de la pitié, me donne certainement l’impression d’être un peu moins seule, aussi ; je n’étais plus habituée à l’être. « Ouais ? Okay. » Je n’ajoute rien ; je crois que si je l’avais fait, j’aurais été tentée de retirer mon offre, par pudeur ou parce que je n’ai pas l’habitude de ce genre de chose. « J’peux cuisiner un truc si tu veux, c’que tu veux. Si y a ce qu’il faut dans le frigo quoi. » C’est Amos, le cuisinier d’entre nous. Depuis son arrestation, si le frigo n’est pas vide, ce n’est que grâce à la nourrice de ma fille. Toutefois, j’envisageais quelque chose d’un peu plus adulte, et j’ai de toute façon besoin de pouvoir ouvrir une bouteille de vin. « On commandera quelque chose. » Je suis déjà assez gênée comme ça de demander son aide. Je ne veux pas en plus me sentir redevable, ou avoir l’impression qu’elle s’occupe de moi comme si j’étais une enfant incapable de le faire faire seule.

« C’est marrant comme t’es différente quand elle est là.  » Je fronce les sourcils, et tourne la tête dans sa direction. C’est Micah qu’elle observe dans le rétroviseur, c’est d’elle qu’elle parle, de qui d’autre ? « C’est pas une critique, hein. J’veux dire… Au casino t’as cette image que t’affiches et là t’es juste… Différente. » Ce différente qui n’est pas une critique pour elle, je ne suis pas certaine de considérer qu’il s’agit d’un compliment pour moi pour autant. Je n’ai pas envie d’être perçue comme autre chose que forte, froide et indestructible. Les sentiments positifs – l’amour, la tendresse, la douceur – me terrifient dès qu’ils sortent de la sphère privée. Je ne veux pas être perçue comme faible, jamais. « La façon dont tu la regarde, et comme tu souris, surtout. » - « Je tuerais pour elle. Sans hésiter une seule seconde. » J’esquisse un sourire qui a presque quelque chose de sauvage. Je l’ai déjà fait.Et à l’époque, je n’avais pas fait preuve de la moindre hésitation non plus. « Pas si différente que ça, hein ? » Ma fille réveille à la fois mes meilleurs côtés comme mes pires instincts. Peut-être que c’est simplement ça, d’être mère. Le sujet est bien trop nouveau pour moi pour que je me risque à la moindre hypothèse cependant. « Tu te voyais en mère de famille, avant elle ? » Je laisse échapper un rire bref, avant de secouer la tête. « J’ai l’air du genre de personne qui s’imaginait mère de famille ? » Elle connaît la face cachée de mes activités. Elle ne maîtrise peut-être pas les détails, mais elle sait malgré tout que l’univers dans lequel j’évolue est dur, sans pitié et dangereux. « Non. Tomber enceinte, c’était un accident. » Nous n’avons pas désiré agrandir notre famille pendant des mois. Au contraire, nous étions plutôt d’accord sur le fait que nous ne voulions pas d’enfants, Amos et moi. Mais une fois qu’elle s’est trouvée là, il est devenu impensable pour lui, puis pour moi, de nous en séparer, parce qu’elle n’était pas un enfant mais notre enfant. « Je ne l’ai pas regretté une seule fois, mais je ne suis pas une mère de famille. » Le terme me débecte. « Je suis sa mère. » J’ignore si ce que j’exprime est clair et si Spencer comprendra. Je suis la mère de Micah, et de personne d’autre, je refuse d’être mise dans la case de maman au sens plus large du terme, avec tous les attribut que ça implique. « Pourquoi cette question ? » Se pose-t-elle des question sur son propre avenir ?

out of luck
Spencer Blackwell & @Raelyn Blackwell

Tu t’avances sur le futur de la petite, façon peut-être un peu malhabile de projeter un futur pourtant pas si éloigné vu comme le temps file sans jamais s’arrêter. Avec tout ça, tu ne sais pas qui entre Micah et Raelyn sera la moins encline à se détacher de l’autre et à embrasser tous les changements à venir. « Elle a encore le temps, » tu répètes quand même avec un sourire amusé. Et pourtant, même si certains instants mériteraient de rester figés à jamais, c’est impossible de ne pas constater la vitesse à laquelle tout ça peut filer. A titre personnel, tu as encore l’impression que ça fait à peine quelques semaines que tu as vu Micah pour la toute première fois, alors que c’est déjà bien plus long que ça.
Avec tout ça, l’invitation à manger ne tombe pas dans l’oreille d’une sourde et promis, tu ne prendras pas trop de place ni ne te fera remarquer. Avec tout ça, il faudra juste que tu penses à envoyer un message à ta partenaire pour ne pas qu’elle s’inquiète de ton retard, parce que tu sais que malgré tout ce qu’elle en dit, elle est du genre à le faire sans arrêt. Même pas besoin de cuisiner, Raelyn tient à prendre à emporter, ce à quoi tu n’objectes pas, te contentant d'acquiescer en te reconcentrant un moment sur la route qui défile.
Je tuerai pour elle, qu’elle sort le plus naturellement du monde et sans la moindre trace d’hésitation dans sa voix. Beaucoup de gens disent ça pour prouver leur amour et leur dévotion envers un être cher, souvent à tort et à travers sans pour autant être capables d’aller jusqu’au bout de la démarche. “Ce ne sont que des mots, des paroles en l’air pour illustrer”, et pourtant ici, avec la façon dont elle en parle, une partie de toi sait qu’elle pourrait le faire. Tu ne l’expliques pas, mais tu la crois sans aucun mal. Tu marques une pause dans ton flot de pensées, tu jettes un regard à la petite dans le rétroviseur avant de simplement hausser les épaules. « Tu l’es avec elle, c’est tout ce qui compte. » Uniquement pour elle qui ne verra jamais Raelyn autrement que comme sa mère, comme cette femme prête à tout pour son bien. La question que tu poses peut paraître bête, absurde, même tant la réponse est évidente aux yeux de la concernée, mais en réalité il y a une accumulation de circonstances qui fait que ce n’est pourtant pas si évident. Pour un oeil complètement extérieur, c’est la suite logique d’une vie de couple, mariage, maison, enfant, peu importe l’ordre;  ne manque plus que le chien pour parfaire le tableau offert au public, finalement. Et puis viennent les détails pour le moins inhabituels, le trône sur lequel réside Raelyn et le royaume qu’elle dirige depuis, la dangerosité du milieu dans lequel elle évolue et l’incongru de toute la situation. « T’avais pas non plus l’air d’être le genre de personne prête à donner une chance à une junkie sortie de nulle part en prétendant être ta sœur. » Demi-sœur, qui plus est. Et puis ce n’est pas comme si le paternel en commun était vecteur d’un quelconque lien ; l’homme est inexistant dans l’équation et n’a jamais eu aucun poids dans la balance. Tu lui as dit, une fois, que t’étais persuadée que tu allais te faire jeter à l’instant où la raison de ta présence serait dévoilée, et pourtant ce n’est pas ce qui s’est passé. Aujourd’hui, plus de deux ans plus tard, t’es là à servir de chauffeur pour dépanner parce que dans le fond, Raelyn te fais probablement suffisamment confiance pour te laisser l’approcher dans un moment où elle est aussi vulnérable. Et encore, t’as conscience que le terme “confiance” est peut-être trop fort, que tu restes malgré tout une étrangère, mais pour toi c’est plus que suffisant. « Mais je vois ce que tu veux dire. » Si tu n'es pas tout à fait familière avec la nuance parce que pas vraiment concernée, tu comprends ce qu’elle veut transmettre. C’est son enfant, pas un autre. Par extension, tu ne peux que te demander comment serait accueillie la nouvelle d’une deuxième grossesse involontaire ; est-ce qu’elle serait aussi catégorique ou est-ce qu’elle serait prête à cette fois entendre le terme “mère de famille” ? « Je me demandais, c’est tout. » Elle ne s’imaginait probablement pas non plus reine de la nuit lorsqu’elle était petite, tout comme tu ne te voyais pas sortir la tête de l’eau un jour, comme quoi tout n’est toujours qu’une question de timing et d’opportunités à saisir. Heureux incident dans ce cas précis, donc. « T’étais déjà enceinte quand on s’est rencontrées la première fois et je t’ai pas connue avant, du coup... Elle pouvait être un projet de longue date avec Amos, ou je sais pas. » Si être baronne de la pègre et mère d’une fillette sont deux univers très opposés et pas forcément conseillés, ça n’en reste pas moins incompatible tant que le tout est géré comme il faut. Là-dessus, Raelyn s’en sort plus que bien, il faut l’admettre. Et promis, le côté sentimentaliste qu’elle peut arborer en présence de sa fille ne sortira pas du cadre privé, manquerait plus que ça se sache au casino, tiens. « On arrive bientôt. » Effectivement, un dernier virage et les murs de la clinique se dessinent finalement au bout de la rue.