Toujours dans le passé. Toujours au Mali. Mais plus proche de notre temps actuel. Août 2014. Andy était penché sur un patient. La lumière vacillait toutes les deux minutes. C'était pénible. Vraiment pénible. Travailler dans ces conditions, c'était juste l'horreur. Surtout que l'opération était des plus compliquée. Ca serait que de lui, il demanderait à confisquer toutes les armes, à dire vrai, qu'il pouvait y avoir dans les parages. Pour éviter des dégâts de la sorte. "Bordel, on pourrait pas faire quelque chose pour cette foutue lumière ?!" Oui, y'avait des moments où Andrew était à bout de nerf. Il tenait bon. Il ne savait pas trop comment il faisait d'ailleurs. Il n'était pas de ceux qui jettaient l'éponge rapidement. Il se battait. Il se battait, encore et encore. Mais là, les conditions étaient mauvaises. Bien sûr, il aurait pu stabiliser le patient. Et remettre l'opération à plus tard. Il savait pourtant que ça allait foutre le bordel s'il commençait à cette heure là. Mais c'était pas comme s'il avait réellement le choix à dire vrai. "Allez ma grande ... Faut tenir bon." Andrew passa le revers de sa main sur son front, se mettant, par la même occasion, un peu de sang partout. C'était pas la première fois. Ca serait pas la première fois. "Allez me chercher Duncan. Une paire de mains en plus, ça serait pas mal." Ouais, bon, on était en plein milieu de la nuit. Mais ils avaient signé pour ça en quelque sorte. Le bordel, encore et encore. Jour après jour.
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Une heure plus tôt. Encore un soir où Andrew avait du mal à trouver le sommeil. Et pourtant, ce n'était pas comme s'il s'était tourné les pouces. Il avait couru à droite, à gauche assez souvent. Il s'était bougé. Et pourtant, il n'était pas crevé. Ouais, y'avait des jours où il avait dû mal à trouver le sommeil. Et il n'y pouvait pas grand chose. Se saouler à mort pour oser espérer que l'alcool le foutrait ko ? C'était pas vraiment son genre à dire vrai. Ca fonctionnait pas. Et puis, ils avaient que des bières pas géniales. Donc, c'était pas avec ça qu'il allait se saouler. Depuis son hamac, le faisant bouger quelque peu, il avait les yeux rivés vers les étoiles. Se demandant ce que sa vie aurait pu être s'il n'avait pas décidé de se retrouver dans cet avion, ce jour là. Est-ce qu'il serait resté autant de temps au Mali sans Duncan ? Bonne question. Non pas qu'il regrettait d'être là. Sans doute commençait-il à avoir le mal du pays. Il poussa un soupir. "Andrew ?" Il tourna la tête vers la femme qui venait de l'appeler. Sandra. Une canadienne qui avait débarqué il y avait moins d'un mois. Ouais, le personnel médical allait et venait. Ils restaient rarement plus d'une année. Andrew et Duncan faisaient tâche dans le tableau, si on pouvait dire cela ainsi. "Oui ?" Elle se rapprocha de lui. "Désolée de te réveiller mais on nous amène une femme qui s'est fait tirée dessus. Elle est en choc hypovolémique." Il sortit de son hamac. "Combien de temps ?" Elle regarda sa montre. "Elle arrive dans deux minutes."
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Voilà comment Andrew s'était retrouvé à travailler sur cette patiente. Patiente qu'il était sur le point de perdre. La balle avait fait des dégâts. Il pouvait pas ligaturer toutes les artères qui avaient pu être touchées. Ouais, c'était peut-être du temps perdu. Mais il voulait tenter quand même. "Allez, on y croit ma grande. Me lâche pas maintenant."
Comme souvent le soir, Andrew et Duncan s’étaient retrouvé autours d’une bière, sur la terrasse de l’endroit où dormaient tous les intervenants. Ils avaient débriefé sur leur journée et pour une fois, celle de Duncan avait été plutôt calme. Il avait fait le tour du village avec un autre docteur puis il avait fini sa journée en se rendant à l’école qu’ils venaient tous à peine de finir la construction. Elle ouvrirait d’ici quelques jours, quand un hélicoptère se donnerait la peine de leur envoyer du matériel pour l’école comme il l’avait réclamé il y a trois semaines déjà. Duncan s’était juré que s’il retournait en Australie, il enverrait lui-même du papier et des crayons.
Décidant de se coucher tôt en anticipant une longue journée le lendemain, il fit part à Andy qu’il allait se coucher mais celui-ci donnait l’impression que quelque chose le tracassait ou qu’il n’avait simplement pas envie de dormir. Duncan donna une légère tape sur l’épaule de son ami et rentra seul à l’intérieur du bâtiment où il alla rapidement se coucher après un brin de toilette.
Contrairement à son ami, il avait réussit à s’endormir. Difficilement à cause de l’air qui était encore étouffante. Son esprit divaguait souvent dans ces moments là, il se retrouvait souvent propulsé dans son enfance lorsque son père avait foutu le camp du jour au lendemain le laissant seul avec sa mère. Toute sa vie avait prit un autre tournant après cet épisode là de sa vie. Alors qu’il revivait pour la énième fois le départ de son père quelqu’un le réveilla et il eut un sursaut incontrôlé. Il passa ses mains sur son visage en écoutant la personne qui était avec Andrew deux minutes plus tôt.
« Désolée pour ce réveil… Andrew a besoin de toi sur une opération. Une jeune femme qui s’est prit une balle. »
Sans réfléchir, Duncan remercia la jeune femme et se leva tout de suite de son lit pour rejoindre Andy. Il prit juste le temps de se laver les mains, ce n’était pas top mais c’était déjà ça. Duncan se fichait d’être réveiller la nuit pour aller travailler. Après tout les gens ne choisissait pas quand ils allaient se faire tirer dessus ou autre saloperie de la vie qui pouvait tuer. En rejoignant la salle d’opération il mit des gants et passa la porte pour se mettre face à Andrew.
- Explique-moi ce qu’il se passe que je puisse t’aider au mieux.
Duncan était très concentré même s’il dormait il y a à peine dix minutes, il préférait largement être là à sauver une vie que rêver de son père qui quitter sa mère. Il attrapa la pince et le fil pour suturer qu’on lui tendit. Ca il pouvait le faire les yeux fermés, suturer était sûrement son point fort même dans les pires situations, il ratait rarement ses points.
C'était la merde ... C'était grave la merde à dire vrai. Ca pissait le sang, et pas qu'un peu. Honnêtement, Andrew avait dû mal à se dire qu'elle allait s'en sortir. Mais il allait tout faire pour à dire vrai. Même si c'était dingue, même s'il n'avait que peu de chance. Parfois, c'était en s'acharnant qu'on arrivait à faire des miracles. Et parfois, ça ne fonctionnait pas toujours, malheureusement. Andrew voulait croire qu'il aurait droit à son petit miracle. Pourquoi pas après tout ? Mais en même temps, il savait que c'était gâcher des ressources qui pourraient être utiles à une autre personne. Alors, honnêtement, il était partagé ... Partagé entre le fait de tout mettre en oeuvre pour tenter de la sauver ou bien laisser tomber. Sans doute devrait-il opter pour la seconde solution. Sans doute qu'il devrait s'arrêter là, maintenant, tout de suite. Sans doute qu'il ne devait pas aller plus loin. Voilà pourquoi il avait fait appeler Duncan. Parce qu'il aurait une autre vision de la chose et peut-être qu'il lui dirait qu'au final, ce n'était qu'une peine perdue. En attendant, Andrew tentait quand même. Il redressa la tête lorsque Duncan passa la porte et que ce dernier lui demandait une explication. "Balle à fragmentation. J'ai l'impression qu'elle a comme qui dirait exploser. Elle a des éclats partout et ça a provoqué de nombreuses hémorragies." Andrew allait laisser Duncan jeter un coup d'oeil. "Et puis, avec ces foutues lumières qui n'arrêtent pas de clignoter qu'on s'croirait à Noël, c'est pas vraiment évident." D'ailleurs, tandis qu'il lui expliquait cela, les lumières avaient eu le temps de clignoter à trois reprises. Ce qui était pénible. Vraiment pénible à dire vrai. "J'crois qu'le coeur est touché également. J'ai plus l'impression que c'est un cas désespéré qu'autre chose et j'voulais avoir ton avis sur le sujet." Parce que cette jeune femme, il avait eu l'occasion de la croiser à quelques reprises. Elle venait leur filer un coup de main, de temps à autre. Enfin, elle était là. Elle parlait avec les patients. Et elle traduisait également. Ce qui n'était pas rien. Alors oui, c'était peut-être pour ça que Andrew tentait de s'acharner et de faire tout ce qui était possible. "J'ai peur qu'on puisse pas faire grand chose. T'en penses quoi ?" Et il voulait un avis sincère. Quitte à ce que ça fasse mal. Mais valait mieux ça.
Si Duncan avait eu du mal à s'intégrer à son nouvel environnement, une chose était sur il n'avait jamais abandonné un patient même lors d'une cause perdue. Et maintenant qu'il était là depuis plusieurs années, il en avait vu passé des causes perdues et il savait les reconnaître mais jamais il n'avait baissé les bras car il demeurait toujours un petit espoir, même minime où tout était possible. Du moins, il y croyait et il voulait continué d'y croire car après tout il avait déjà sauver quelques personnes où l'espoir était presque infime et ça avait fonctionné. Duncan était encore jeune et il avait beaucoup d'espoir. Espoir que la guerre cesse un jour, l'espoir qu'on aide ces villages comme ils le méritaient tous et l'espoir qu'un monde meilleur attendait tout le monde demain. C'était utopique, c'était trop beau mais ça lui permettait d'avancer les jours où ça allait bien moins. Les jours où ça craignait vraiment d'être en Afrique, les jours où ça craignait simplement d'être un docteur. C'est pour ça qu'il n'avait pas hésité à se lever pour aider son ami. A deux, ils arriveraient sûrement à trouver une solution, ils étaient plus fort ensemble et ça Duncan le savait. Il prit une profonde inspiration en écoutant Andrew lui dire ce qu'il en était. Balle à fragmentation, c'était les pires. Elles laissaient pleins de débris un peu partout qui étaient souvent difficile à retirer. Duncan n'avait cependant pas remarquer les lumières mais maintenant qu'Andrew en avait parlé c'était évident que tout partait un peu en l'air dans cet hôpital. Duncan attrapa une sorte de petit miroir au bout d'un manche en métal pour observer le coeur, du moins d'où venait la fuite.
- Il faut suturé au niveau du coeur, un fragment de la balle la effleuré puis c'est logé juste dessous. Je te propose qu'on suture le coeur avant puis on s'occupera du fragment ensuite.
C'était plus une affirmation qu'une suggestion puisque Duncan avait déjà attrapé de quoi faire une suture au niveau du coeur. A chaque fois que celui-ci essayé d'envoyer du sang aux organes, il en perdait la moitié qui se répandait en ce moment même un peu partout. Tout en étant concentré il continua de parler à Andrew.
- Tu crois qu'on a du sang ? Pour une transfusion, elle en a perdu pas mal quand même. C'est peut-être pas un cas si désespéré que cela, si on arrive à réunir tout ce qui nous faut. Tu as réussi à retirer combien de morceaux de balle ?
Duncan avait fini la suture sur le coeur et même s'il demeuré très fragile ils pouvaient tous les deux concentré leur énergie ailleurs. Il aida donc Andy à dégageait le fragment qui était très proche du coeur. Lui faisait attention à l'organe vital tandis qu'Andy s'occupait de retirer le fragment.
Pour Andrew, c'était une cause perdue. Dans le sens où il n'était pas vraiment certain qu'ils allaient pouvoir la sauver. Oui, c'était moche. Oui, les dégâts étaient ... Y'avait beaucoup de dégâts. En tant normal, ils auraient été dans une grande ville, ils auraient été dans un endroit où y'avait des moyens, oui, la sauver aurait été une partie de plaisir. Et ça se serait, sans doute fait, les doigts dans le nez. Sauf que ... Là, ils manquaient de moyens. Et surtout, y'avait cette lumière assez pénible qui n'arrêtait pas de vasciller. Alors oui, c'était la merde. La merde avec un grand A d'ailleurs. C'était franchement pénible et Andrew ne pouvait rien faire, si ce n'était pester contre cette lumière qui n'arrêtait pas de s'éteindre. Franchement, c'était pas l'idéal pour travailler. Et c'était sans doute pour cela qu'il était, plus ou moins, prêt à lâcher l'affaire. Parce que ça l'ennuyait ... C'était pas le fait d'essayer de la sauver qui l'ennuyait. Mais plus le fait qu'il gâchait des ressources dont ils pourraient avoir besoin, au petit matin, lorsque des patients arriveraient. Des patients qu'ils pourraient sauver. Une cause perdue ... Elle était une cause perdue. Mais Andrew n'avait pas encore lâché l'affaire. Non, avec un peu de chance ... peut-être que ... Et bien, peut-être qu'ils arriveraient à la sauver. Mais s'ils étaient obligés d'utiliser toutes les poches de sang ou d'autres trucs dans le genre, pas sûr que Andrew soit réellement ravi. Alors, il demandait l'avis de Duncan. Pour Duncan, c'était pas perdu. Si jamais ils arrivaient à suturer au dessus du coeur, ça serait bon. Et elle aurait la chance de survivre. Enfin, ouais. Mais c'était pas gagné d'avance d'ailleurs. "Je sais pas mec ... J'la sens mal partie ..." Il avait été obligé de la réanimer. "J'l'ai choqué deux fois ... J'ai été obligé d'utiliser de l'adré ... J'ai peur ... qu'à s'acharner ... on va utiliser beaucoup de moyens dont on pourrait se servir pour une autre personne." Oui, autant lui dire ce qu'il en pensait. Ca n'avait pas empêché Duncan de faire son boulot. Il avait déjà attrapé de quoi faire des sutures et commençait son travail. Il avait bien changé le petit Duncan mine de rien. Et Andrew en était plutôt content d'ailleurs. La transfusion était merdique. Tout le sang qu'ils essayaient de lui transfuser, pouf, par terre. En gros, c'était du gâchis. Un véritable gâchis. Ca lui faisait mal au coeur. Mais ils avaient pas le choix. Soit ils gardaient leurs ressources. Soit ils utilisaient tout. Et qui sait quand ils seraient réapprovisionnés. "J'en ai retiré pas mal mais je ne suis pas tout à fait certain que tout soit enlevé." Il n'irait pas en mettre sa main à couper en tout cas. "On a encore des poches de sang. Mais ..." Andrew poussa un léger soupir. "Ca me fait chier de le dire mais je crois qu'on devrait laisser tomber." Il eut un léger hochement de la tête. "J'veux dire ... Oui, on peut la sauver. J'en suis certain. Même si la lumière arrête pas de déconner et que c'est super pénible pour bosser. Seulement ... la question est ... est-ce qu'on doit tout faire en oeuvre pour y arriver ?" Bonne question. Très bonne question. "J'veux dire ... Si un autre patient arrive. Un qu'on peut sauver sans faire trop d'effort, mais qu'on y arrive pas parce qu'il nous manque des poches de sang ?" Parce qu'au final, il n'était même pas certain qu'elle allait s'en remettre. Elle était peut-être forte. Mais elle ne se réveillerait peut-être jamais.
Le jeune docteur qu'était encore Duncan avait du mal à admettre qu'une situation était une cause perdue même quand il en avait une sous le nez. Pour lui, il y avait toujours une chance même infime. Andrew était beaucoup plus réaliste et pour lui c'était mal engager. Pourtant Duncan avait tout de même envie de faire cette suture et de voir ce que ça allait donner. Il ne pouvait pas simplement abandonné en se disant que c'était une cause perdue et qu'ainsi ils évitaient un gaspillage de matériels parce que ça resterait dans son esprit et qu'il ne ferait que se demander comment les choses auraient tournés s'il avait réussi cette suture. Peut-être qu'elle finirait par mourir d'une infection après que l'opération soit fini mais peut-être pas. Peut-être qu'elle ne cesserait de vivre bientôt mais rien n'était certain pour autant. Alors qu'il faisait ces sutures avec soin il répondit à Andy.
- Faut au moins essayer parce que sinon je m'en voudrais d'avoir rien fait. Tu m'as demandé de venir alors je fais ces sutures et après on voit comment réagit son coeur.
Duncan leva son regard très brièvement vers Andrew en espérant ne pas avoir été trop dur en lui répondant mais son coeur à lui avait commençait à s'emballer sentant que la situation lui échappait. Son ami continuait de parler et tout un tas de chose passa dans la tête de Duncan. La lumière, il fallait qu'il arrange ça sinon Andy allait pété un plomb et pour ce qui était du sang, il savait déjà quoi faire. Il finit la suture au niveau du coeur et fit un rapide compte rendu.
- Le coeur est suturé, il faut refermé maintenant qu'il n'y a plus de débris, du moins aucun ayant touché un organe vitale. Je te laisse refermer.
Sans expliquer quoi que se soit de ce qu'il s'apprêtait à faire, Duncan monta sur une chaise et donna un léger coup dans la lampe au dessus d'eux puis lorsqu'elle s'alluma pour de bon, il la stabilisa tant bien que mal au dessus de la poitrine de leur patiente. En descendant, il se hâta à prendre du matériel pour une transfusion sanguine et avec l'aide d'une infirmière, il plaça la perfusion au niveau de son bras gauche à l'emplacement de sa veine. Le sang de Duncan afflua directement en direction de la poche. Duncan resta debout en face de son ami, il ne pouvait plus opérer avec un bras perfusait et au cas où il tournerait également de l'oeil mais il continua d'observer pour aider.
- Tu vois, plus de problème de sang, l'avantage d'être O positif. Je peux remplir quoi ? Au moins deux poches avant de sentir mon esprit quittait mon corps. Alors essaye s'il te plait.
A l'aide de sa main droite, il attrapa une petite pompe rempli d'eau pour arroser le coeur et voir sa réaction. Il battait très faiblement mais il battait. Il fallait refermé la patiente et attendre, la dernière poche de sang qui lui serait transférer devrait être suffisante sauf si elle ne tenait pas le coup jusque là.
Andrew ne pensait pas qu'ils y arriveraient, et ce même s'ils y mettaient la meilleure volonté au monde. Pourquoi ? Il n'en savait trop rien. Il pensait pourtant qu'elle méritait de vivre. C'était une gentille fille. Enfin, il ne la connaissait pas tant que cela à dire vrai mais bon. Elle ne méritait pas de mourir pour autant. Seulement, tout consommer pour sauver la vie d'une personne ... C'était ... hors de propos. Et hors de question. Et si un patient arrivait dans quelques heures et qu'il avait besoin d'une intervention de ce genre mais qu'on pouvait sauver ce patient ? Mais que faute de moyens, il finissait par mourir ? Comment Andrew se sentirait ? Mal sans doute. Très mal. Il préférait ne pas trop y penser. Soit il y croyait, soit ça partait en sucette et elle finissait par s'éteindre. Peut-être pas maintenant. Peut-être quand quelques heures. Voire quelques jours. Il n'en savait rien. Peut-être qu'elle s'en sortirait et qu'il pensait à mal pour rien. Il n'en savait rien. Pour le moment, il se concentrait sur l'opération. Même s'il avait envie de tout envoyer en l'air. Cette lumière qui n'arrêtait pas de s'arrêter, ça le gonflait, et pas qu'un peu. Est-ce qu'il perdait patience ? Ouais. Un peu. Beaucoup même. "Oui, effectivement, j't'ai demandé de venir pour avoir une nouvelle vision sur la chose." Il savait très bien qu'en appelant Duncan, il avait peut-être fait une erreur. Enfin, c'était pas forcément une erreur. Mais Duncan était du genre à ne pas lâcher l'affaire facilement à dire vrai. Le spécialiste du coeur était du genre à s'acharner. Andrew l'appréciait beaucoup, c'était un fait. Mais de savoir qu'il était du genre à ne pas abandonner ... ouais. C'était pénible parfois. Mais il n'allait pas lui en vouloir pour si peu. "Après, je savais à quoi m'attendre en t'appelant. Je savais que t'allais être du genre à tout faire pour essayer de la sauver." Mais au moins, il tentait de prouver à Andrew qui c'était pas impossible. Les points étaient faits. L'hémorragie était contrôlée. Pour le moment. Mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'elle était sauve. Andrew devait encore refermer le thorax. Et après, faudrait voir. Duncan en vint à jouer les électriciens et s'amusa avec la lampe qui faisait des siennes. "J'suis pas sûr que ça serve à grand chose ... J'crois que l'ampoule est foutue." Bah, de toute manière, le jour n'allait pas tarder à se lever mais bon. Ca l'aiderait pas pour autant à refermer la blessure. "Faut espérer également qu'elle fasse pas une CIVD ou une saloperie dans le genre." Andrew jeta ses gants plein de sang. Parce que oui, il pourrait pas vraiment refermer le thorax avec ces gants là qui étaient vraiment dégueulasse. Il récupéra du prolène 3-0 afin de commencer à recoudre le thorax. Duncan, de son côté, avait une petite idée derrière la tête. Et il était, d'ailleurs, en train de remplir une poche de sang. De son propre sang à dire vrai. "Rappelle-moi de me transformer en vampire la prochaine fois qu'on manquera de sang." Ouais, il essayait de déconner. Il espérait, néanmoins, qu'il n'y ait pas de prochaine fois. Que Duncan n'aurait pas à faire ça à nouveau avant un bon petit moment. Andrew n'approuvait pas vraiment, parce qu'il n'avait pas forcément envie qu'il arrive quelques petits soucis à son ami parce que ce dernier avait décidé de donner son sang. "Tu pourrais même donner plus avant de commencer à défaillir. Mais c'est pas conseillé." Parce qu'une poche de sang, ça faisait quoi ? Moins d'un demi-litre pour les poches de sang normales. "D'ailleurs, vaudrait mieux que tu te prennes un tabouret et que tu t'asseyes. C'est pas bon non plus de rester debout pendant que tu te vides de ton sang." Pas bon du tout. C'était la meilleure chose à faire pour tomber dans les vapes.
Duncan était plutôt satisfait de lui-même car même si Andrew râlait, il avait fini par prendre du prolene pour recoudre le thorax de leur patiente désormais. Y avait pas à dire, il savait trouvé les mots même s'il n'avait pas toujours raison. Bon, le problème de la lampe était plus ou moins régler, Andrew avait raison, elle était foutue mais depuis qu'il avait cogné dedans, elle clignotait un peu moins souvent et c'était toujours bon à prendre. Il le laissa finir les choses, inutile d'être à deux pour finir et il avait autre chose en tête. Il fallait qu'il remplisse au moins une poche de sang pour pouvoir lui transfusait au plus vite qu'elle puisse peut-être survivre à cette intervention. Il sourit à la remarque de son ami.
- Il faut bien que cela serve au moins une fois à quelqu'un. Il va falloir beaucoup la surveiller durant les prochaines heures.
C'était certains qu'ils ne pourraient pas la laisser sans surveillance, bon il trouverait sûrement quelqu'un pour prendre le relais car là après avoir donner son sang, Duncan aurait besoin de manger et se reposer au moins une heure, c'était pas nécessaire mais vital s'il voulait pouvoir assurer par la suite et non faire un malaise ou autres conneries inévitables quand on prenait des risques. Des risques inutiles. Il écoutait Andrew parlait et il ne pouvait s'empêcher de voir là le rôle protecteur qu'il avait envers lui. Il n'en avait jamais douté mais là il en était sur, Andrew se soucier plus de la vie de Duncan que son père avait pu le faire pour le peu de temps qu'il avait vécu avec sa mère. Ils n'en avaient jamais parler ensemble mais Duncan le sentait sans pouvoir l'expliquer. Ne voulant pas l'inquiéter, il se tourna dans la pièce afin de trouver un tabouret et de prendre place dessus, il n'en ressentait pas le besoin mais au moins ça rassurer Andy.
- Ce n'est pas la première fois que je donne mon sang, ça va aller. Je vais juste avoir besoin d'un bon petit déjeuner. Une bonne bouillie de céréales… Mmhh…
Duncan essayait à son tour de faire de l'humour bien qu'il ne rigolait pas pour autant. Ses yeux scrutaient les signes vitaux de la jeune femme sur le moniteur. Ils étaient assez faible et ça angoisser de plus en plus le jeune homme qui pensait de plus en plus avoir fait tout ça pour rien. La poche aurait bientôt fini de se remplir et il pourrait la transfuser, se serait une bonne chose.
Encore une fois... Encore une fois, Duncan ne voulait pas lâcher l'affaire. Est-ce que c'était une bonne chose qu'il ne veuille pas abandonner ? Andrew n'en savait trop rien. Dans un hôpital où ils auraient les moyens, oui, ça serait même bien. Et plus encore. Seulement, ils n'étaient pas dans un hôpital où ils avaient les moyens. Ils étaient en Afrique. Ils avaient peu de moyens. Et ils ne pouvaient pas tout sacrifier pour ... Et bien, pour sauver une personne qui n'avait que peu de chance de s'en sortir. Andrew était certain qu'elle était hypoxique. Il était certain que son cerveau avait manqué d'oxygène. Alors oui, il n'en disait rien. Alors oui, il faisait comme si c'était une bonne chose et que tout irait bien pour la jeune femme. Mais au fond ... Au fond, il savait que ça allait être compliqué. Bien compliqué. Trop compliqué sans doute. Enfin ... Qui ne tente rien n'a rien, comme on le dit si souvent, n'est-ce pas ? "Il va falloir, effectivement. Mais c'est pas toi qui vas t'en charger." répliqua Andrew en secouant la tête. "Parce que t'as besoin de repos." Avec le sang qu'il donnait, Duncan allait devoir se poser un moment. Au moins une bonne heure. Si ce n'était deux. Andrew savait très bien que c'était néfaste de bosser trop rapidement après une prise de sang, surtout s'il bossait de manière intensive. Duncan en vint à lui dire que ce n'était pas la première fois qu'il donnai de son sang. Et qu'il aurait besoin d'un petit déjeuner. "Et de repos. Ne néglige pas le repos." Non. Parce que si Duncan le négligeait, hein, c'est un Andrew qui allait lui passer un savon. Un sacré savon d'ailleurs. Andrew avait fini les derniers points qu'il avait pu faire. Il était pas certain que ça allait arranger les choses. Du moins, il ne le pensait pas. Le calme plat, d'un seul coup, au niveau du moniteur. Un long bip. "Hé merde !" Elle était en asystolie. "Merde, merde, merde ..." Ouais, l'ancien militaire était du genre à ... à pas vraiment être poli quand y'avait quelque chose qui n'allait pas à dire vrai mais bon. Il commença à faire le massage cardiaque, histoire de la stimuler un peu. Avant d'envisager un choc avec les palettes. "Ramène le défibrillateur stp." Tout ça pour rien. Peut-être pour rien. Il ne voulait pas l'envisage mais il perdait espoir.
Plus le temps passait et plus Duncan perdait espoir. Andrew ne lui facilitait pas vraiment la tache étant donner qu'il fallait le dire, ils étaient de parfait opposé au travail. Bien sur, ils étaient tous les deux très bons dans la tâche qu'ils effectuaient mais ils ne pensaient définitivement pas pareil. Duncan roula des yeux observant Andrew refermait, du repos il en aurait mais ce n'était pas le moment. Il avait vécu des situations bien plus difficiles que celle-ci alors il savait qu'il allait très vite sans remettre même si parfois les conditions météorologiques n'aidaient guère au bon rétablissement de certains patients. Il fronça les yeux à la réplique d'Andrew, s'il n'avait pas eu de paternelle pendant des années, il en avait trouvé un en venant au Mali.
- Oui, j'irai me reposer ne t'en fais pas, la poche est presque pleine de toute façon alors ça ne devrait plus être très long.
Duncan ne ressentait aucun sentiment de fatigue pour le moment bien qu'il semblait avoir un peu plus chaud mais ça, c'était peut-être du à autre chose. Il était certain que son sang était près à être transfusé immédiatement, il n'était pas porteur de maladie, ne fumer pas et bon à part la bière qu'il avait bu il y a des heures, il n'y avait aucun gros risque. Duncan demanda à une infirmière de l'aider à retirer la perfusion pour qu'il puisse mettre la transfusion en place pour leur patiente. Il continuait d'écouter Andrew qui ne rabâcher plus qu'une seule chose, le repos. Le long « bip » qu'il redoutait lui fit tourner la tête vers le moniteur. Il fit signe à l’infirmière de se dépêcher et dans un mouvement de panique elle arracha la perfusion assez sèchement, ce qui arracha une grimace à Duncan. Il mit un pansement au creux de son bras, fabriquer maison, un bout de scotch et une compresse. Andrew commença un massage cardiaque et Duncan sentait la situation complètement lui arracher, finalement il aurait peut-être lui aussi fait tout ça pour rien. Bon il fallait bien qu'il y en est un sur les deux qui restent optimiste. Il apporta le défibrillateur à son ami le mettant en route.
- On va la perdre…
Si son coeur ne battait plus, il n'y avait aucun intérêt à lui transfusait du sang, ça serait perdu comme tout ce qu'ils avaient fait depuis le début. Mais, n'auraient-ils pas été des monstres s'ils n'avaient rien tenter sous prétexte qu'elle était condamné ? Duncan ne pouvait s'y résoudre, Andrew posa les palettes du défibrillateur sur la poitrine de la patiente lançant un « On dégage. ». Duncan recula d'un pas ne quittant plus le moniteur des yeux.
Oui, Andrew était peut-être un poil protecteur avec Duncan. Mais Duncan, avec le temps, il était devenu un peu comme son petit frère. Alors oui, il le surprotégeait. Il faisait en sorte qu'il ne lui arrive rien. Et si jamais ils partaient en dehors de l'hôpital, Andrew n'oubliait jamais de prendre un flingue. Histoire d'être sûr de pouvoir se protéger, mais également pour éviter qu'il n'arrive quelques bricoles à son pote. Oui, peut-être qu'il en faisait trop. Peut-être qu'il devrait lui lâcher un peu la grappe. Mais bon, l'ancien militaire préférait rester sur le qui-vive, si on pouvait dire cela ainsi. Histoire qu'ils rentrent tous les deux à Brisbane. Entier. Et en vie surtout. Et pas en petits morceaux ou bien dans une boîte en sapin parce qu'ils n'auraient pas fait attention ou qu'ils auraient pris des risques inconsidérés. Alors oui, peut-être que ... Peut-être qu'il devrait arrêter de s'inquiéter autant. Ou peut-être qu'il continuerait à s'en faire de la sorte. Va savoir. "Mais j'espère bien que t'iras te reposer. Manquerait plus qu'il t'arrive quelque chose." Andrew avait eu un léger hochement de la tête. "J'dis pas ça que pour moi après tout. J'veux dire, qu'est-ce que j'vais faire si tu me claques entre les mains sans toi, hein ? Avec tous les patients que j'vais avoir sur les bras ... Faut pas prendre ça à la légère." Ouais, il essayait de lui faire comprendre que Duncan était, d'une certaine manière, indispensable. Oui, il était indispensable. Il aurait pas été dans les parages, Andrew n'était pas certain qu'il serait resté aussi longtemps au Mali. Il n'irait pas jusqu'à dire que s'il était encore là, c'était grâce à lui. Mais presque. Donc, autant que l'un, comme l'autre, évite le surmenage. Ca ne leur ferait pas de mal. Du tout. Et là, le drame. Ou le quasi-drame. Le bruit du moniteur. Un bruit qu'Andrew n'aimait pas entendre mais que, malheureusement, il entendait assez souvent à dire vrai. Et c'était la merde. Une sacrée merde à dire vrai. Andrew avait besoin du défibrillateur. Et il espérait, à dire vrai, qu'ils arriveraient à la ramener. Mais le médecin n'en était pas certain. "C'est pas encore fini. On n'a pas fait tout cela pour rien." Avec acharnement, le voilà en train de faire le massage cardiaque. Il tentait de faire pomper le coeur le plus rapidement possible histoire d'avoir toutes les chances de leur côté afin de la sauver. Peut-être en vint. Surtout qu'elle avait le thorax ouvert. Elle risquait une infection. Mais Andrew n'y pensait pas. Du moins, pas pour le moment. Le premier choc. Pour un second choc. Un peu d'adrénaline, histoire de voir si elle répondait favorablement. Et il continuait, encore et encore, sans rien lâcher à l'affaire. Mais le tracé restait plat. Et il resta définitivement plat. Au bout de combien de temps Andrew s'arrêta ? Après une vingtaine de minutes. Il était crevé. Il était en sueur. Il avait tout tenté. Il redressa la tête. Regarda tristement la petite horloge. La lumière avait arrêté de faire des siennes. "Huit heures trois ..." se contenta-tt-il de dire. Que dire de plus de toute manière ? Elle était morte.
Duncan était fils unique du moins à sa connaissance et Andrew était vraiment son modèle, sous toutes les formes. Il lui apprenait beaucoup de choses sur la médecine et surtout il lui apprenait à être un homme. Lorsque Duncan s'était engagé dans l'humanitaire il était encore jeune et il n'avait rien vu de la vie mais ici tout était différent et tous les jours il apprenait de nouvelle chose. Andrew était souvent sur son dos mais il savait que ce n'était pas pour son mal après tout, il lui avait sauvé la vie à lui aussi. Mais là, Duncan commençait à bouillir de l'intérieur, Andy était vraiment de lui prendre la tête pour une poche de sang alors que leur patiente se vidait sur la table ? Il avait fait ça d’instinct pendant que c'était une bonne solution mais apparemment pas. Il fronça légèrement les yeux en entendant la remarque de son ami. Il était vraiment entrains de dire que Duncan servait juste à écouler le nombre de patients qui serait trop important pour lui s'il n'était pas là ? Peut-être qu'il interprétait mal ses dires, peut-être qu'il en avait tout simplement marre, il était fatigué et la situation n'était pas entrains de s'arranger. Lorsque le tracé du moniteur se retrouva à plat, il s'agita de l'autre côté pour aider Andrew au maximum. Il prépara l’adrénaline et rechargea le défibrillateur mais c'était visiblement trop tard. Ses nerfs étaient entrains de lâcher.
- Si tu n'avais pas passé tout ton temps à dire qu'elle allait mourir peut-être qu'on aurait pu la sauver.
Il avait dit cette phrase avec un calme déconcertant. Plus tard, il s'étonnerait lui-même de l'avoir dit ainsi et surtout à Andrew. Bien sur ce n'était de la faute à personne, à part le type qui lui avait tiré dedans. Il s'excuserait plut tard mais là, il avait besoin que tout cela sorte, que toute cette colère qu'il avait depuis son arrivée puisse sortir de lui. Tous ces patients qu'il avait perdu, ce bébé qui était décédé suite à déshydratation, ces foutus maladies qui rongeaient la vie d'un bon nombre de personnes et ce putain de pays qui n'envoyait pas suffisamment de matériel et encore moins de médicaments. Il n'en pouvait plus et son comportement devenait incompréhensible.
- Tu sais quoi ? J'en ai marre. Marre de ce pays, marre d'être un foutu docteur. Marre de toi me disant que tout ce que je fais ne servira à rien. Tu es content ?! Tu avais raison ça n'a servi à rien, j'ai donné mon sang pour rien, j'ai soigné son coeur pour rien. Bravo Andrew ! Pourquoi tu m'as réveillé au juste si tu savais qu'elle allait mourir ? C'était histoire de bien me faire comprendre que je ne peux pas tous les sauver c'est ça ?
Se stoppant de parler, sa respiration se faisait difficile et sa tête commençait à lui tourner. Cette lumière qui ne faisait que de se balancer au dessus de sa tête lui donnait des envies de tout envoyer en l'air. C'était la première fois qu'il se sentait aussi mal, c'était aussi la première fois qu'il mettait autant de moyen en place pour échouer au final et ça lui faisait mal. Le dégoût qu'il avait pour lui-même pouvait se voir à l'expression de son visage. Il redressa le regard vers Andrew sachant très bien qu'il l'attendait. A croire qu'il ne pensait cas une chose, recevoir une bonne leçon de son aîné.
Encore une ... Encore un patient qui se retrouvait sur cette table et qui claquait, faute de moyen. Mais que pouvait faire Andrew ? Il avait fait tout son possible. Il avait été mandé Duncan, parce qu'il était spécialiste du coeur. Et qu'il pensait qu'il pourrait faire la différence. Mais non. Ca n'avait pas été suffisant. Duncan avait voulu faire plus. Bien plus. En donnant son sang. Mais ça n'avait pas été suffisant. Et ils déploraient une perte. Encore une. Andrew avait poussé un soupir. Il ne s'énervait jamais. Il gardait son calme. Toujours. A chaque fois. Même si ça l'emmerdait de perdre un patient. Même s'il n'avait pas envie que ça arrive. Mais ça arrivait quand même. Il n'était pas Dieu. Il n'était pas tout puissant. Parfois on gagne. Parfois on perd. Andrew avait souvent perdu. Que ça soit au ici, au Mali. Que ça soit lorsqu'il était à l'armée, sur le terrain. Parfois, il avait envie de se mettre à hurler. Parfois, il se disait qu'il aurait mieux fait de choisir un autre boulot. De faire autre chose de sa vie. Mais voilà ... Ce boulot, il l'avait dans la peau. Quoi qu'il arrive. Il ne pourrait pas faire autre chose. Mais c'était lourd. Lourd de faire comme si tout allait bien. Lourd de faire comme si ça ne lui importait pas. Peut-être qu'il ferait bien, de temps à autre, de péter un plomb. Comme Duncan était en train de le faire. Il l'avait mauvaise. Et il parlait fort. Il était énervé. La fatigue. Le fait qu'il venait de donner son sang. Le fait qu'ils étaient souvent impuissants et qu'ils ne pouvaient pas faire grand chose. "Ah, parce que c'est ma faute maintenant ?" Comme si c'était lui responsable. Comme si c'était lui qui avait pris un flingue et qui s'était amusé à tirer sur la pauvre jeune femme. Comme s'il n'avait rien fait pour l'aider. Il avait tout fait. Tout. Il avait passé une bonne moitié de la nuit à essayer de la sauver. S'il s'en était foutu, est-ce qu'il aurait passé autant de temps avec un cas désespéré ? Est-ce qu'il n'aurait pas plutôt laissé tomber ? Ouais. S'il avait pensé qu'il n'y avait aucune chance, il n'aurait pas pris la peine d'appeler Duncan et il l'aurait laissé se reposer. Mais non. Il avait essayé. Ils avaient essayé. Et ça avait foiré. Que Duncan le blâme, c'était blessant. Il avait le droit de nous faire un petit burnout. Mais de là à accuser Andrew ... Ouais, franchement, il aurait pu se retenir. "Si t'as un problème avec ce qu'on fait ici, tu sais, rien ne te retient. Tu peux très bien prendre le premier avion et retourner pleurnicher auprès de tes proches !" Duncan voulait être blessant ? Andrew pouvait l'être tout autant. Réagir à chaud, il savait très bien que ça ne menait jamais à rien. L'ancien militaire n'était pas du genre à aimer jouer à qui pisse le plus loin. Mais Duncan avait commencé. Il n'aurait pas dû renchérir mais bon. "Oui, on peut pas tous les sauver, c'est un fait. Si tu crois vraiment que j'pensais pas pouvoir la sauver, pourquoi j'me serais emmerdé à te faire demander ? Hein ?" Il l'aurait laissé dormir. Mais non. "Tu sais quoi ? Va te faire voir. J'en ai marre que tu te victimises." Duncan était une cause perdue. Plusieurs fois, Andrew avait cherché à lui faire comprendre que oui, c'était difficile. Qu'ils ne pouvaient pas sauver tout le monde. Mais qu'ils faisaient de leur mieux et que c'était ça le plus important. "Si tenter de sauver une vie et ne pas y arriver ne te satisfait plus, alors, t'as plus rien à attendre de cet endroit et tu ferais mieux de rentrer chez toi." C'était peut-être méchant. Mais c'était vrai en même temps. Si Duncan était pas capable de supporter les choses, s'il en avait marre, alors, il foutait quoi encore au Mali ?
Duncan avait regretté tout ce qu'il venait de dire à la minute où il avait pu le dire mais sous la colère un homme pouvait dire n'importe quoi. D'ailleurs, étais-ce vraiment de la colère ou une fatigue tellement épuisante que ses nerfs avaient fini par lâcher ? Il était le genre d'homme à ne pas pleurer à se sentir impuissant lorsqu'il le faisait. La colère était un bon moyen, une bonne alternative pour vider toute cette impuissance qu'il ressentait en ce moment même. Ce soir, il aurait même donner un de ses reins si ça avait pu changer la donne mais rien n'aurait pu la sauver et c'était comme ça. Personne ne pouvait sauver tout le monde même Dieu si on en croyait les différentes religions de ce monde. La colère sur son visage s'était atténué laissant place à un visage lasse et complètement indifférent aux mots que pouvaient lui dire Andrew. Il n'avait pas répondu volontairement à sa question. Bien sûr que non ce n'était pas de sa faute mais il fallait bien trouver un coupable et comme y avait peu de chance qu'il retrouve l'ordure qui lui avait tirer dedans, il déversait sans scrupule la faute sur Andrew. Quand il lui fit part qu'il pouvait rentrer à Brisbane, cela le toucha en plein coeur. Duncan était en Afrique depuis un certain temps maintenant et il n'avait aucune envie de rentrer à Brisbane, la seule personne qui serait contente de le revoir, c'était sa mère et encore parfois il pensait qu'elle était bien plus heureuse sans lui.
- Ouais, tu as bien raison ! Je vais rentré dans ce foutu pays qu'est l'Australie mais se sera pas une partie de plaisir pour les gens qui vont me recevoir là-bas. Crois-moi, ils finiront par envoyer du matériel ici et des médicaments, car je les lâcherais pas !
Il serra les dents. Sans le savoir cette idée finirait pas germé dans sa tête et quelques années plus tard à son retour officiellement à Brisbane, il ferait bougé les choses, à sa manière mais il le ferait. Et même si on le prendrait pour un petit chieur de l'humanitaire, il obtiendrait ce qu'il souhaiterait, à savoir son dispensaire. Quand Andrew se mit à dire qu'il se victimisait, ce fut la réflexion qui lui fit le plus mal. Duncan ne pensait pas que son ami ait pu le voir ainsi. Duncan avait tout fait pour être à sa hauteur, il avait fait beaucoup de sacrifice et avait même risquer sa vie, alors si c'était ça se victimiser…
- Tu as raison, la pauvre victime que je suis devrais rentrer chez lui.
Regardant une dernière fois dans les yeux Andrew puis les quelques personnes autours d'eux, un peu choqué de la scène à laquelle il venait d'assister malgré eux, il tourna les talons pour s’engouffrait dans le long couloir qui menait à sa chambre. De là, bien trop énerver pour pouvoir dormir, il commença à mettre ses affaires dans son sac. Il les rangeait n'importe comment ça lui était égal. La colère lui faisait faire et surtout penser n'importe quoi. Il ne comptait pas partir mais juste se faire muter dans un autre village, après tout, Andrew n'avait pas besoin de lui. Il se sentait mal mais un jour où l'autre chaque médecin perdait un ou une patiente avec regret. Sans pour autant qu'il y est un quelconque lien, la situation, le contexte n'importe quoi pouvait faire que cette perte était douloureuse et celle-ci l'était pour Duncan.
Une amitié, ça avait des hauts. Ca avait des bas. C'était pas toujours rose. Parfois, on passait par des disputes. De grosses disputes. La preuve entre Duncan et Andrew. Il était rare qu'ils se disputent tous les deux. Ils s'entendaient plutôt bien. Mais là, que Duncan dise qu'Andy était responsable de la mort de cette pauvre femme, qu'il s'était pas assez concentré ... Non. Le médecin, l'ancien militaire ne pouvait pas le laisser dire cela. Peut-être que Duncan ne le pensait pas. Que c'était la fatigue. Le fait que sa tête devait lui tourner un peu parce qu'il avait donné de son sang. Mais non. Il ne pouvait pas. Voilà pourquoi Andrew avait renchéri sur le sujet. Voilà pourquoi il avait répliqué. Il avait peut-être été dur dans ses propos. Peut-être qu'ils auraient du en rediscuter plus tard, tous les deux. Quand les esprits seraient moins échaudés. Quand ils se seraient calmés par rapport à cette perte. Mais non. Plus fort que Duncan. Plus fort qu'Andrew. Les mots avaient dépassé leurs pensées. Andrew n'avait rien dit de plus. Il avait laissé Duncan franchir la porte. Peut-être ... peut-être que c'était une bonne chose ... qu'il rentre. Andrew s'était dit, à quelques reprises, que Duncan n'avait pas sa place. Mais à chaque fois, le jeune médecin lui avait prouvé que si, il était bien, là, à sa place. Il avait des rêves. Il avait des espoirs. Il pensait qu'il pouvait sauver tout le monde. Il était optimiste. C'était bien. C'était une bonne chose. Mais il devait se mettre dans le crâne qu'il ne pouvait pas sauver tout le monde malheureusement. Non. Y'avait saturation pour Andrew. Devoir lui inculquer, sans cesse, cette leçon que Duncan n'arrivait pas à retenir. Il n'avait plus la force de lui faire comprendre. Plus la force de se battre contre lui. Peut-être qu'il perdait un frère de coeur sur le moment. Mais si ça lui permettait de grandir ... Si ça lui permettait de devenir un meilleur médecin du tiers monde, pourquoi pas. "Docteur ..." Andrew avait fermé les yeux durant quelques instants, la tête baissée. Il poussa un soupir. "C'est bon, c'est bon, j'ai compris." D'autres patients à voir. D'autres personnes qui avaient besoin de lui. Au diable qu'il soit grincheux ou qu'il ait pas dormi pour tenter de la sauver. En tout cas, il allait être de mauvaise humeur. Ca, c'était clair. Mais c'est ça l'amitié. Parfois, c'est beau. Parfois, c'est moche.
terminé pour ma part. A toi de voir si tu fais une réponse ou si tu déplaces ;)
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