the walls are being broken and we're ready for change

@auden williams

(c) ugly confession
lieu: cbd, spring hill.

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La journée trainait en longueur, elle semblait de plus en plus longue au fil des minutes que son téléphone pouvait afficher les unes après les autres. Damon avait l’impression d’agir compté les dalles du plafond du bureau dans lequel il travaillait aujourd’hui à peu près quarante fois - et ça, c’était sans aucune exagération. Il savait parfaitement que la première rangée avait une dalle légèrement déformée suite à une infiltration quelques semaines plus tôt, que la seconde était en parfait état quand la troisième était ouverte sur la laine de verre depuis cinq semaines suite à un problème de passage de câbles informatique - tout ça pour dire que la journée ne semblait pas pressée de se terminer et que cela devenait de plus en plus barbant pour lui. Il avait encore mille et une tâche à cocher sur sa to-do du jour, mais aucune envie particulière de les réaliser. Il aurait préféré aller faire un balade au bord de mer pour profiter du soleil agréable de l’hiver avant de diner dans un restaurant qu’il ne connaissait pas encore. La seule partie à peu près réjouissante de sa journée avait été le temps qu’il avait alloué à jeter un coup d’oeil sur internet aux annonces de maisons à vendre: depuis que Megan et lui avaient abordé le sujet lors du camp d’apprentissage à la survie, peut-être effective que l’idée était restée un brin trop ancrée dans son esprit.

De toutes façons, dans peu de temps - quelques semaines, au pire un nombre de mois très fortement similaire -, il ne parcourrait plus les couloirs de l’entreprise; alors, tant que son travail important du jour été réalisé, il était vrai que désormais Damon faisait bien moins d’efforts qu’il avait pu en faire à une époque. C’était quelque-chose qui lui avait été souligné par son maitre d’apprentissage, mais étant donné que ce dernier ne lui faisait pas peur comme avait réussi à le faire pendant des années Saül, l’information avait pas été autant prise en compte qu’il aurait surement pensé que ce serait le cas.

Au contraire: le compteur d’heures supplémentaires de l’italien diminuait de jour en jour, et il ne comptait pas le remplir de nouveau: hors de question qu’il ne lègue la moindre heure de travail à la fin de son contrat à l’entreprise, là où il n’aurait aucune récompense en échange. Il préférait largement les utiliser pour profiter de sa vie à l’extérieur de la boite, ce qu’il n’avait pas véritablement fait jusque maintenant. D’ailleurs: la pendule affichait seize heures, il était grand temps de déserter ces lieux et de profiter de n’importe quoi d’autre plutôt que de l’écran de son ordinateur. Attrapant sa veste, bien sur que plus d’une autre personne qu’il croisa depuis sa chaise derrière son bureau jusque l’ascenseur lui jeta un regard de travers; et pour une fois, il n’en avait rien à faire - le Damon d’une année plus tôt n’aurait jamais réussi à faire ça. Le bouton de l’ascenseur enfoncé, il pensait pouvoir faire le trajet jusqu’à la sortie du bâtiment via le parking sans encombre et mettre un terme à sa journée - mais c’était sans compter sur le visage familier qui entra dans l’ascenseur quelques étages plus bas, qui lui fit presque avaler sa salive de travers sur le moment tant la surprise était de taille. « Auden. » Presque murmuré, ses paupières battant à une vitesse en rien raisonnable, il resta quelques secondes muet tant il avait l’impression de rêver. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Parce-que soyons clair: il faisait tâche dans le décor. La MHI n’était pas sur la liste des lieux où Damon pensait croiser ce Williams là, tant ce terrain était réservé à celui qui venait avant lui dans l’arbre généalogique de leur famille.

Damon ne fait pas partie de la très maigre liste de personnes que je m’attendais à croiser dans les locaux de la Michael Hills et la surprise se lit aussi bien sur mon visage que sur le sien, bien qu’il soit le seul à en tenir une formulation orale. « Auden. » Le silence se fait, sans doute parce que nous sommes tous deux occupés à imaginer les raisons ayant pu conduire l’autre jusqu’ici. A ce jeu là, mon rôle est plus facile à tenir que celui de Damon, qui ignore bien trop de facteurs pour comprendre sa situation. Du moins, je ne pense pas que quiconque ait jugé nécessaire de le tenir informé. Moi le premier, pour des raisons qui me sont propres. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Je pense une seconde et une seule à lui mentir ou tout du moins à omettre la vérité, mais la stratégie ne prend pas davantage de place dans mon esprit. Je préfère qu’il apprenne la nouvelle de mes propres mots plutôt que cela passe par ceux d’un autre que je ne pourrai pas contrôler. « J’avais une réunion. » Je me contente donc d’annoncer dans un premier temps, mes mots concordant parfaitement avec la réalité des faits. J’avais une réunion de laquelle il ne sait rien, sans doute parce qu’elle est gardée sous silence et que je n’ai rien à y gagner à tout dévoiler.

« Je t’apprends rien en disant qu’ils cherchent une nouvelle tête pour Michael Hills. » Il se moque plus que jamais de l’entreprise, mais il reste un gamin intelligent et il sait qu’il a tout à y gagner à rester informé de ce qu’il se trame dans l’entreprise. « Et ils ne pensent pas à moi, je te rassure. » J’anticipe déjà en relevant doucement ma main entre nous, coupant court à toutes ses pensées allant en ce sens. Personne n’est assez fou pour vouloir de moi sur une telle chaise, encore moins alors que ce sont les investisseurs qui décident et que tout leur porte monnaie est en jeu. « Mais ils veulent que je siège quelque part dans le comité, et j’avais quelqu’un à rencontrer aujourd’hui. » Quelqu’un d’assez droit pour être envisagé comme future probable cheffe des lieux, ce qui est un poste que je suis bien loin d’envier, quoiqu’on en pense. A dire vrai, seul mon ego se retrouve un brin piqué à l’idée qu’on ne me l’ait pas proposé, mais tout s’arrête ici. « On en discute dehors. » Ce n’est pas une proposition mais bien un ordre. L’espace exiguë de la cage d’ascenseur n’est pas le genre d’endroit dans lequel je souhaite m’éterniser, encore moins dans un contexte tel que celui-ci et alors que j’anticipe que les questions de Damon risquent d’être nombreuses - quant à savoir si elles sont légitimes, mon avis n’est pas encore fait sur la question.

Arrivés au niveau désiré par le blond, je suis donc le premier à sortir, sans me demander où nous sommes ni même si c’est là où je souhaitais me rendre. Peu importe. « Je ne savais pas que tu passais encore ici. » Libre à lui de m’expliquer une situation qui m’échappe, sans doute parce que je n’y accorde pas autant de mon temps et de mon implication qu’un père le devrait.

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« J’avais une réunion. » Au sein de cet établissement, cette réponse semblait être la plus logique et la plus adaptée il était vrai. Cependant, dans la bouche d’Auden, cela sonnait comme le pire des mensonges autant que la pire des excuses - tant était si bien que cela coupa le clapet à son fils quelques instants supplémentaires, ce dernier ne sachant que répondre à de telles explications. « D’accord. » Ses neurones cherchaient la raison de cette réunion, cela dut se lire dans ses yeux, car Auden ne mit pas longtemps avant de renchérir. « Je t’apprends rien en disant qu’ils cherchent une nouvelle tête pour Michael Hills. » Déglutissant quelque peu, il abaissa le regard sur ses chaussures aux paroles de son paternel. « Tu m’apprends rien, non. » Bien sur que c’était là le genre d’informations qui était parvenue jusqu’aux oreilles de Damon - de toutes façons toute personne ayant eu vent de cette nouvelle au sein de la MHI s’était appliquée à faire en sorte que le rejeton de la rumeur soit bien tenu au courant. L’instant d’après, il releva son visage en fronçant les sourcils pour regarder Auden - qui avait du anticiper sa question avant même quelle ne réussisse à parvenir à l’esprit du jeune homme. « Et ils ne pensent pas à moi, je te rassure. » L’interrogation était repartie de son esprit aussi rapidement qu'elle s’y était installée, et Damon savait pertinemment que cela se lirait sur son visage. « Tant mieux. » Tant était si bien qu’en voulant justifier cette dernière un peu trop rapidement, il se rendit tout aussi vite compte que ses mots étaient maladroits et mal choisis. « Ce que je veux dire, c’est que c’est une place pourrie, tu fais bien de pas t’y intéresser. » Parce-que le précédent détenteur était un pourri: là était la logique du jeune italien.

« Mais ils veulent que je siège quelque part dans le comité, et j’avais quelqu’un à rencontrer aujourd’hui. » Un Williams pour un autre, apparement. « On en discute dehors. » Là où il s’apprêtait à ouvrir la bouche pour répliquer, Damon fut fauché en plein vol. Il se contentera donc d’hocher vaguement la tête, attendant que l’ascenseur fasse son travail.

Initialement, il se rendait au parking pour récupérer sa voiture et rentrer chez lui dans la foulée, ce fut donc en cet endroit que les deux Williams se trouvaient désormais. « Je ne savais pas que tu passais encore ici. » Sortant à son tour de l’ascenseur, Damon laissa son regard détailler un instant les traits du visage de son ainé, pinçant un brin ses lèvres. « C’est pas par gaité de coeur, crois moi. » Plongeant ses mains dans ses poches, Damon haussa les épaules lassement. « J’ai pas terminé mes études techniquement. Enfin, pas que techniquement: je les ai pas terminé j'ai encore jusque la fin de l’année à tirer. » Il se serait bien passé de tout cela, et il avait failli; Megan avait été la voix de la raison. « Je finis pour avoir mon diplôme et je me casse d’ici ensuite, j’ai pas prévu de continuer après. Et comme c’est la dernière année, j’ai presque plus que des heures à faire à l’entreprise plutôt que des heures de cours, alors… » Alors oui, il passait encore ici, il le faisait même bien de trop pour que cela puisse être raisonnable pour son bien. « Ca m’explique pas vraiment pourquoi toi tu passes ici. » Il avait les raisons, il lui manquait tout de même les explications de ces dernières - en témoignaient les sourcils de son visage qui se fronçaient sur ce dernier. « Pourquoi ils veulent que tu sièges dans le comité ? Pourquoi toi, je veux dire ? » La question était légitime: pas moins d’un an plus tôt, c'était à lui que le poste de directeur était offert - parce-que proposé n’était pas véritablement le bon terme. Damon avait toujours été lucide sur le fait qu’il n’était pas intéressé par l’offre et qu’il n’avait de toutes façons pas les épaules. Mais pourquoi proposer et demander à un autre Williams de mettre un pied dans ce monde, dans un monde qui n’était initialement pas le sien ?

Le sommet de la pyramide est une place pourrie, je le sais bien et je n’ai certainement pas besoin que mon propre fils m’en informe. Si Saül l’a si longtemps occupée, c’est bien pour une raison en particulier j’imagine. Je me contente d’une place différente, à peine moins importante et pourtant quasiment autant pourrie. Je me répète le contraire, et j’espère qu’avec le temps je finirai par croire à mes propres mensonges. « C’est pas par gaité de coeur, crois moi. » Il ne vient pas visiter l’immeuble de son propre chef, de toute évidence. Je n’ai aucun mal à le croire à ce sujet. « J’ai pas terminé mes études techniquement. Enfin, pas que techniquement: je les ai pas terminé j'ai encore jusque la fin de l’année à tirer. » Alors il passe pour obtenir un petit bout de papier qui sera peut-être même uniquement au format PDF désormais. Cela n’a aucune sorte d’importance à mes yeux et j’ai du mal à comprendre comment cela peut être différent pour lui, mais soit. Je ne cherche pas à le contredire, je ne cherche pas à minimiser son besoin de venir jusqu’à MHI non plus. Au fond, il y trouve sûrement un peu son compte. J’imagine. Je me contente de hocher la tête pour lui faire comprendre que je l’ai entendu et écouté, même si je n’ai aucun commentaire à apporter à la situation. En vérité, je le connais tellement peu que je ne peux pas me permettre le moindre commentaire basé sur mes connaissances. Tout ce que je sais, c’est que s’il ne voulait réellement plus mettre le pied ici, personne n’aurait de mal à noter des papiers annotant sa présence. Ce ne serait même pas un mensonge, à l’échelle des autres que cette entreprise a connu.

« Ca m’explique pas vraiment pourquoi toi tu passes ici. Pourquoi ils veulent que tu sièges dans le comité ? Pourquoi toi, je veux dire ? » Il pose beaucoup de questions, le gamin. Il a toujours été d’un naturel curieux, et cela ne vient pas de Saül, ou de la mère qu’il a connu. De ça, je suis sûrement le seul coupable, alors je souffle doucement avant de me plier à l’exercice. « Parce que je suis sûrement le premier des derniers Williams à qui ils pouvaient le demander. » Je ne suis pas le choix premier, de toute évidence. Je ne me fais pas d’illusion à ce sujet et je n’en ressens pas la moindre honte non plus: ce monde n’est pas le mien et je n’ai jamais eu la moindre prétention à le rejoindre. Tout a changé, maintenant, cependant. « C’est un job stable. A la con, certes, mais stable. » Je n’ai jamais aspiré à la moindre stabilité, c’est un fait, mais je ne le fais pas pour moi. Je le fais pour Sloan, qui doit grandir dans un environnement sain et serein. Il a besoin de ses habitudes, il a besoin que je puisse subvenir à ses besoins et ce n’est pas sans peindre que je pourrai y parvenir. Ça changera bientôt, j’en ai l’espoir, mais je n’élèverai pas mon enfant sur la base de chimères. « J’ai rencontré le prochain PDG. Elle sera un meilleur patron que Saül, c’est au moins une certitude. » Et si Evelyn était là elle me dirait ne rien avoir signé ni avoir promis, mais entre nous c’est tout comme. Elle a ses propres raisons pour la mener à accepter le poste, mais elle le fera, et cela assure au moins un peu de calme pour les mois à venir pour Damon. « Tu pourras venir travailler avec le coeur un peu plus léger. » J’avance, incapable de me douter qu’il existe un revers à la médaille et d’autres raisons pouvant pousser Damon à débecter ces bureaux au plus haut point. Naïvement, je m’en tiens à l’idée que les relations entre son père et lui n’ont jamais été au beau fixe. Rien de plus, rien de moins. C’est déjà assez suffisant à supporter ainsi. « Je compte pas passer ma vie ici, tu m’auras pas sur le dos. » J’ajoute dans un sourire. Je ne serai pas l’employé modèle non plus, de toute évidence.

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« Parce que je suis sûrement le premier des derniers Williams à qui ils pouvaient le demander. » De siéger au comité d’une telle entreprise ? Peut-être. Auden avait des épaules larges et il savait endosser certaines responsabilités - il ne s’oserait pas là à faire un parallèle entre prendre des responsabilités au sein d’une entreprise et celles qu’il aurait du prendre en tant que père des années plus tôt, car il n'était pas au courant que certaines responsabilités l’attendaient justement. Et puis, Damon avait statué il y avait déjà quelques temps qu’il n’en voulait pas à Auden de la moindre chose et qu’il n’était pas énervé contre lui - alors inutile de lui incomber des fautes dont il n’était pas responsable. « C’est un job stable. A la con, certes, mais stable. » Il esquissa un faible sourire, de ceux sans réel amusement. « Je t’aurais pas imaginé envisager un job comme ça en vrai. » Tout et n’importe quoi qui nécessitait à un moment donné de se caler derrière un bureau et d’être aimable avec d’autres personnes. Ce n’était pas un monde qui lui venait facilement en tête si on lui demandait de l’associer à un domaine en particulier. « J’ai rencontré le prochain PDG. Elle sera un meilleur patron que Saül, c’est au moins une certitude. » Lentement, Damon releva son regard vers son père. « Tu pourras venir travailler avec le coeur un peu plus léger. »

« Je compte pas passer ma vie ici, tu m’auras pas sur le dos. » - « Tu m’auras pas dans les pattes, t’en fais pas. »

Il l’avait aperçu, le petit sourire encourageant et placé de façon à montrer que c’était là des paroles avancées pour le rassurer et lui montrer que là n’était pas son but, d’être sur son dos. Mais la notion qu’Auden n’avait pas en avançant de tels faits le concernant, c’était que son fils n’avait jamais eu l’intention de toutes façons de rester dans le coin. « Je viens déjà le coeur plus léger depuis qu’on se parle plus, lui et moi. Et que je l’ai envoyé sur les roses lorsqu’il m’a dit qu’il m’offrait le poste de PDG, justement. » Il leva les yeux au ciel: Saül n’avait absolument aucune notion de la réalité des choses, rien que cette explication là donnait le tableau dans sa généralité. « Mais tu m’auras pas dans les pattes parce-qu’à la fin de mon contrat en fin d’année, je reviens pas ici. » Et mollement, il haussa les épaules. « Ca a jamais été moi, tout ça. » Ils avaient beau être au niveau du parking, il désigna tout de même d’un geste de la main les alentours pour souligner ce que voulait dire tout ça. « Je m’y suis conformé parce-que j’avais pas le choix, mais ça a jamais été moi. » Les études qu’il avait entamé des années auparavant avaient été choisies par Saül, le diplôme pour lequel il prétendait avait été choisi par la même personne dans les mêmes circonstances, et la carrière qui serait à tirer au bout de tout ça était initialement planifiée par son paternel également; ce que ce dernier n’avait pas anticipé, c’était que son garçon se rebelle quelque-peu quelques temps avant qu’il ne doive quitter le paysage - sinon, il aurait fait en sorte de resserrer la vis bien plus tôt pour que tout cela n’arrive pas. « Alors t’en fais pas, à partir du moment où je suis plus lié par mon contrat ici, je compte pas remettre un pied dans ces bureaux. » Saül ou pas Saül, sa décision était prise depuis longtemps. Il avait même failli tout stopper en cours de route, mais cela aurait été jeter à la poubelle tous les efforts qu’il avait fait jusque maintenant - Megan avait été apte à lui montrer que cela aurait été dommage de tout abandonner à quelques temps de la fin, alors qu’il avait effectué la partie la plus compliquée.

« Par curiosité: le nouveau PDG, elle sort d’où ? Recruté en interne ou c’est quelqu'un de l’extérieur ? » Parce-que avoir la certitude qu’elle sera meilleur patron que Saül, ce n’était pas véritablement compliqué ni un exploit: nombreux étaient ceux qui seraient mieux placés à ce poste. Mais si c’était quelqu’un qui avait été choisie en interne, ou par des personnes à l’intérieur de l’entreprise parce-qu’elles avaient des connaissances ici et là, le résultat pourrait s’avérer être le même que si c’était Saül qui était resté aux commandes - et dans ce cas là, autant le laisser là où il était plutôt que de faire une passation de pouvoir inutile.

« Je t’aurais pas imaginé envisager un job comme ça en vrai. »
« Moi non plus. »

Mais je me rassure en me disant que ce ne sera pas mon véritable emploi, que je ne compte pas donner du mien, et que ma priorité est et restera toujours l’art. Avec ses hauts et ses bas, certes, mais la peinture est la seule chose qui me donne une raison de vivre et cela n’a pas changé depuis trente ans: cela ne changera pas au cours des trente années à venir non plus. « Je viens déjà le cœur plus léger depuis qu’on se parle plus, lui et moi. Et que je l’ai envoyé sur les roses lorsqu’il m’a dit qu’il m’offrait le poste de PDG, justement. » Cela ne devrait sans doute pas, mais l’explication du garçon me fait rire. Je retrouve bien mon frère, à demander à un gamin de devenir le PDG d’une multinationale, comme si lui n’y voyait pas le problème. Il a toujours mis son fils sur un piédestal, et ce peu importe la façon avec laquelle il a pu le traiter et qui aurait aisément pu laisser penser le contraire. « Mais tu m’auras pas dans les pattes parce-qu’à la fin de mon contrat en fin d’année, je reviens pas ici. » - « Ça n' aurait pas été un problème pour moi, Damon. » Je souffle pour corriger la façon qu’il a de décrire sa présence comme néfaste, ou à éviter. Je ne la vois pas de la même manière, mais je ne compte pas le retenir dans l’entreprise s’il ne s’y sent pas bien, sans doute mis à mal par l’ombre de Saül qui plane toujours en ces lieux.

« Ca a jamais été moi, tout ça. Je m’y suis conformé parce-que j’avais pas le choix, mais ça a jamais été moi. » Je hoche doucement la tête. « Je sais mon grand. » Le nom vient tout seul, je m’en veux aussitôt d’avoir osé le prononcer comme si je parlais à Sloan - sans qu’il puisse me répondre par de véritables phrases, lui. Néanmoins, le fond de ma pensée reste le même: je sais qu’il n’a jamais eu vocation à suivre les traces de son père, tout comme je sais à quel point mon frère peut être décidé lorsqu’il veut appuyer une décision. Il voulait un enfant pour perpétuer son héritage bien plus que quoi que ce soit d’autre, ce dont je suis certain, mais ce que Damon a sûrement compris depuis le temps lui aussi. Il voulait un enfant pour contenter sa femme, et quand il a été en âge de lui être utile, il a fait de son mieux pour l’avoir à sa botte, prêt à suivre un chemin tout tracé.

« Par curiosité: le nouveau PDG, elle sort d’où ? Recruté en interne ou c’est quelqu'un de l’extérieur ? » Ma tête balance de droite à gauche, autant pour lui dire que je ne sais pas grand-chose que parce que non, elle n’a pas été recrutée en interne. « Sa famille est un grand nom. Ils font tous un truc important. Ils pensent sans doute qu’elle se tiendra à carreaux des scandales sexuels, elle. » Je hausse les épaules, mime de ne rien en avoir à faire, souligne tout de même avoir évidemment lu l’article au sujet de mon frère. Peut-être qu’elle ne détournera pas tout l’argent de l’entreprise non plus, et si elle arrive même à fusionner les deux alors elle devient la candidate idéale. « Ca m’a l’air d’être quelqu’un de bien. Et tu sais que je dis pas ça souvent. » Parce que j’en ai généralement rien à foutre que de savoir si je parle à une bonne personne ou non, la majeure partie du temps. Cette fois-ci, le cas était différent. « Mais t’as plus à t’en faire. Si tu veux plus rien avoir à faire avec l’entreprise, tu le peux maintenant. » Seul Saül avait pour obsession de le retenir. Les membres de l’entreprise autant que ceux de la famille n’en feront pas autant.

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« Moi non plus. » Au moins, ils étaient deux et sur la même longueur d’onde pour cette question; qui aurait-pu véritablement voir Auden à une telle position au sein d’une entreprise, en réalité ? Carrière nécessitait de mettre une cravate et une chemise tous les jours pour se rendre dans des bureaux gris et tristes comme il était rare d’en croiser. Lui avait la peinture, il avait la couleur, et tout un monde à ‘explorer mis à sa disposition: il n'aurait se se contenter de tout ce que son frère avait toujours mis en avant et adulé. Ils étaient on ne pouvait plus à l’opposée, ce n’était pas d’aujourd’hui que Damon avait pu s’en apercevoir - mais la réponse d’Auden le prouvait une fois de plus que c’était le cas. « Ça n' aurait pas été un problème pour moi, Damon. » Sa présence n’aurait pas été un soucis pour son père - et bien sur que cela lui tira un petit sourire, peut-être empreint d’une certaine fierté qu’il ne nommerait jamais. « Je sais. » Il espérait plus qu’il ne savait, réellement, mais la finalité restait la même en cet instant qu’importe la raison derrière. « C’est plus un problème pour moi. » Il haussa lassement les épaules: il ne voulait plus être présent entre ses murs, et cela n’avait rien à voir avec l’apparition presque magique du l’autre italien dans les parages. Si ce dernier avait décidé pour de vrai de prendre un poste au sein de la MHI, Damon n’y aurait pas vu le moindre mal et aurait même été ravi de partager un peu plus de temps avec son paternel; qu’il ne le fasse pas renforçait en réalité l’idée que lui non-plus n'avait rien à faire dans les parages.

Il n’avait jamais voulu faire partie de toute cette machinerie. « Je sais mon grand. » Et peut-être qu’Auden s’en rendrait compte en croisant son regard en cet instant, mais ce surnom qu’il venait de lui adresser ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd et bien sur que c’était là un compliment aux yeux de Damon. Autant parce-que le surnom était affectueux, que parce-que la phrase associée soulignait qu’il prenait en compte son avis - et là n’était pas une habitude de la part d’une figure paternelle pour lui. Alors bien sur, qu’en plus d’avoir toute une palette d’émotions dans le regard, il esquissa un semblant de petit sourire. « Merci. » Il détourna quelque peu son regard. « De pas m’avoir demandé si c’était effectivement le cas. » Et de ne pas associer ce monde là aux envies que Damon pouvait avoir pour son avenir professionnel.

En revanche, même s’il ne comptait pas rester dans le coin, il était curieux de savoir qui allait reprendre le poste de Saül et lui succéder - ce n’était pas une mince affaire, surtout si cette personne s’était renseignée un minimum sur les agissements de l’homme d’affaires et les raisons qui avaient poussé ce dernier à la porte de sa propre entreprise. « Sa famille est un grand nom. Ils font tous un truc important. Ils pensent sans doute qu’elle se tiendra à carreaux des scandales sexuels, elle. » Là, Damon baissa définitivement le regard: il était donc parfaitement courant des agissements de son frère alors. Au moins, à défaut de l'avoir appris de lui, il avait pu lire l’article: le jeune italien ne savait même pas s’il désirait véritablement le savoir, mais il se sentit contraint de poser la question tout de même. « Lui-même ou l’article ? » Qui lui avait permis d’apprendre cette information là.

« Ca m’a l’air d’être quelqu’un de bien. Et tu sais que je dis pas ça souvent. » Damon souffla un petit rire par le nez, tout en hochant la tête: il savait parfaitement que des deux hommes Williams né à la génération le précédent, les compliments n’étaient pas véritablement de mise dans les habitudes. « Mais t’as plus à t’en faire. Si tu veux plus rien avoir à faire avec l’entreprise, tu le peux maintenant. » - « J’avais déjà pas envie avant. » Mais avant, son avis n’était pas pris en compte. Aujourd’hui, bien sur que les choses étaient différentes. Il soupira peut-être un brin trop lourdement. « Mais, ouais. J’attends la fin de l’année, et je sais que je bosserai plus là après. » Il pinça ses lèvres un instant, secouant quelque peu son visage d’un côté et de l’autre. « De toutes façons, y’avait que lui qu’était intéressé par cette idée, alors ça fera de mal à personne maintenant. » Et ça lui ferait même du bien à lui, de savoir qu’il pourrait gouter autre chose qu’une prison dorée pour le quotidien de ses journées. « Au moins, si c’est quelqu’un de bien qui prend sa place, ça fera du bien à tout le monde. » Et une partie du jeune italien n’aurait pas à se demander si les personnes qui arriveraient après son départ pourraient être retrouvées dans les mêmes mécanismes que lui - ou surtout, qu’un autre - avait connu. C’était là surement une bien maigre consolation, par rapport à tout le mal qui restait de côté à réparer, mais c’était tout ça de pris. « Si toi tu la trouves bien, je peux me fier à ton jugement je pense. » Et presque: il avait hâte de la croiser dans les couloirs, désormais. Peut-être même qu’il irait se présenter à elle pour faire les choses bien, dans le bon ordre - et surtout de son plein gré: personne ne lui forcerait la main à agir de la sorte.