Son dernier projet en date, Mickey n'est pas encore bien sûr de ce qu'il vaut ni même du nom qu'il pourrait porter. Certains pourraient y voir une tentative de résurrection mais le boxeur n'a même pas la prétention de renaitre de ses cendres, avant tout poussé par le besoin de renouer avec celui qu'il était il y a quatre ans s'il y a la moindre chance que ces addictions ne l'aient pas totalement emporté. Cet homme existe peut-être encore quelque part et Mickey aimerait le retrouver, cherchant aussi bien une motivation pour avancer qu'un sens à donner à cette vie partant à la dérive et le condamnant pour l'heure à être emporté encore plus jeune que Clancy. Il ne niera pas que sa dernière discussion avec Jackson l'a fait réfléchir, aussi bien aux limites qu'il était prêt à franchir qu'à ce qui lui pendrait au nez s'il ne ralentissait pas très vite la machine. Son pire ennemi aujourd'hui, Mickey ne sait même plus où le situer entre ses excès en tous genres et ses mauvaises fréquentations, récemment tombé dans le viseur d'un homme sans scrupules auquel il ne fera pas le plaisir de se livrer en pâture et qu'il ferait même mieux de devancer sans attendre – sans imaginer, aussi, que ce dernier n’a déjà plus mal aux dents. Dans les faits pourtant, Mickey est incapable de planifier l'impensable et sa conscience n'a aussi jamais été aussi bruyante, comme s'il n'avait pas assez d'un moral au plus bas lui faisant voir la vie en noir et ce, un peu trop souvent. Il prétendra qu'un certain mariage a remué bien trop de choses et que d'autres évènements l'ont achevé à leur façon eux aussi mais ses idées sombres ne datent pas d'hier, tout comme cette vie aux allures de séjour en enfer est devenue avec le temps tristement habituelle. Se laisser abattre tout en s'abimant aux quatre coins de cette ville serait encore bien trop facile mais cette fois, Mickey aspire plutôt à se rendre utile. C'est après tout ce que son père aurait aimé voir de lui et c'est aussi l'exemple qu'il souhaite donner à sa fille, pour une fois qu'il peut être bon.

Bénévole, lui ? Les mauvaises langues esquisseront un sourire à cette simple idée, oubliant volontiers qu'il n'a pas toujours été cette bombe à retardement que les drogues ont détourné. Ceux qui le connaissent vraiment savent qu'il n'est pas dénué de bonté, aussi peu flagrante soit cette dernière lorsque Mickey mène sa vie de débauche sans véritable considération pour les autres. Ce match de charité était donc une opportunité à saisir avec tous les signes que le boxeur s'est plu à y trouver, plus ou moins intéressés. Participer à sa petite échelle était une chose, oui, mais n'a-t-il pas aussi considéré le fait de pouvoir approcher la fameuse Evelyn, celle qu'il aurait presque pu se plaire à détester par principe ? Ce n'est pas faute d'avoir maudit son retour dans la vie du Hartfield, regrettant déjà que leur vie amoureuse n'en soit plus au même stade et que Rhett ait à la fois cessé d'être un compagnon de galère et un candidat pour ses gâteries. Voir de ses propres yeux celle qui a réussi à conquérir son cœur comme à faire de lui un homme rangé l’obnubile bien plus que le boxeur n'oserait l'avouer, lui qui s'est pourtant juré de ne pas mettre son nez dans leurs affaires et qui pourrait une nouvelle fois promettre que ses intentions ne sont pas mauvaises. Ce qui le motive est peut-être bien un mélange de curiosité et d'amertume, sa fierté se remettant encore difficilement de l'évidence selon laquelle il aurait dû être une femme pour avoir la moindre chance de plaire à Rhett. Et pas n'importe quelle femme, pense-t-il en repérant celle sur laquelle il n'avait jusqu'ici posé qu'un regard lointain, œuvrant à la préparation de l'évènement dans son coin comme un bénévole désireux de se fondre dans le décor.

Evelyn Pearson a donc désormais un visage et une silhouette, permettant à Mickey de cerner un peu mieux les goûts de son presque colocataire et d'après ce qu'il constate, ces derniers ne sont pas mauvais. Il n'a pourtant pas échangé le moindre mot avec elle que déjà, un fossé semble les séparer et ses préjugés, Mickey n'a jamais trop su les mettre de côté. Il tente pourtant de ne pas s'armer de trop de jugement en se frayant un chemin jusqu'à l'intéressée, cette soirée de veille de match la rendant pour le moins accessible et cette porte ouverte devant lui, l'ancien champion ne peut décemment pas la laisser se refermer sans agir. Il la voit passer d'un bénévole à un autre et ne peut dès lors qu'attendre patiemment son tour, jusqu'à ce que l'attention d'Evelyn lui soit enfin acquise. « Je crois qu'on a rarement vu des bénévoles aussi motivés. On sent que la cause tient à cœur à tout le monde et que la grandeur de l'évènement joue aussi. » Et lui-même ne niera pas prendre la chose au sérieux, prouvant qu'il peut encore donner de sa personne lorsque la cause le justifie et cette toute nouvelle impulsion dans sa vie, il espère que ses proches la constateront eux aussi. « Pardon, on n’a pas été officiellement présentés. Mickey Reeves. » Ne s'attendant pas à ce que Rhett ait pu parler de lui à sa petite amie, c'est une main énergique qu'il tend vers son interlocutrice. Le geste en lui-même ne le rend pas allergique mais sa symbolique le ferait presque amèrement sourire, en raison d’un secret qu’il s’est engagé à ne pas trahir. Peut-être bien que Rhett s’étranglerait devant une telle scène, et c’est sûrement ce qu’il mérite pour avoir choisi de lui mentir. « J'imagine que la pression commence à monter. Les avant-matchs sans dose de stress, je n'ai pour ma part jamais connu. » Ses combats à lui se jouaient sur un ring à une époque désormais révolue mais il peut au moins se mettre à la place des joueurs, comme supposer que les esprits ne sont pas beaucoup plus détendus en coulisses. Match caritatif, certes, mais match quand même.

Certains diraient qu’elle en faisait trop Evie, et ils n’auraient probablement pas tort. Elle avait cessé d’écouter les ragots depuis longtemps, ce n’était pas leur recrudescence depuis quelques mois qui la mèneraient à les considérer comme une source fiable de quoi que ce soit, bien au contraire. Néanmoins, elle devait admettre que l’enthousiasme qu’elle mettait à préparer ce match caritatif selon les critères plutôt sommaires de Rhett, il était un peu galvaudé par sa crainte profonde de toucher à ce milieu très fermé qu’était le sport de haut niveau. Il n’y avait évidemment pas de fanfaronnade dans l’action-même d’organiser un événement pareil, tout restait bon enfant et n’était professionnel que le cadre dans lequel elle avait tenu à rester pour être prise au sérieux. Ce n’était pas tant l’écrin qui comptait que le bijou à l’intérieur — sauf qu’elle avait le ventre noué d’une façon étrange, curieux pressentiment qui ne lui fit pourtant pas quitter son sourire lorsqu’elle arriva au centre associatif pour en faire davantage.

Elle avait organisé un pot de veille de match, ce qui tout bien considéré était une erreur de débutante, mais personne ne lui tiendrait vraiment rigueur de ses manquements dans les habitudes des sportifs du dimanche. Elle n’avait jamais aimé ça : l’ambiance des stades, les bourrasques et l’entrain apporté par les efforts de joueurs sur le terrain, susceptibles de les payer de leur propre vie, exactement comme l’avait fait son père. Mais pour Rhett, elle faisait des efforts. Pour Rhett, elle avait pris les commandes de cette organisation titanesque en ne donnant pas l’impression que c’était difficile à faire. Pour Rhett encore, elle minimiserait sûrement son implication pour lui permettre de tirer ce qu’il avait besoin de tirer de cette initiative louable dont il avait eu l’idée — et c’en était une bonne, tout le monde s’accordait déjà à le féliciter sans qu’elle n’estime ça nécessaire de lui voler la vedette, se tenant en retrait comme elle l’avait toujours fait en gardant à l’esprit que c’était pour la bonne cause, que c’était important.

Ça l’était, elle tenait à ce que tout le monde s’en souvienne. L’implication des bénévoles était nécessaire au bon fonctionnement de ces célébrations, aussi par anticipation elle tenait à remercier tout le monde en leur offrant un moment rien qu’à eux, où les discussions pourraient tourner autour d’autres choses que des dossards à distribuer, ou des chants à scander. Ce n’était sûrement pas grand-chose, les petits plats avaient mis dans les grands néanmoins, et son petit tour dans les groupes plantés ici où là avec le sourire, elle le fit avec une bienveillance qui lui était singulière, tenant à ce que tout le monde sente la gratitude qu’elle ressentait pour eux, qui avaient donné de leur temps à la cause choisie par Rhett pour faire-valoir son envie d’aider. Un léger éclat de rire lui échappa lorsqu’elle quitta un groupe pour un autre, et alors qu’elle se fit alpaguer par un homme dont elle accueillit les paroles avec une tête inclinée, le regard sondant franchement le sien, maintenant un contact visuel qui lui servait non seulement à insuffler toute sa reconnaissance à son interlocuteur, mais aussi à se souvenir de ce nouveau visage qu’elle observa dans son entièreté, elle posa une main sur le haut de sa poitrine pour empêcher son coeur de sauter, confrontée à sa gentillesse qu’elle intercepta avec un froncement de nez rempli d’humilité "Vous croyez ? Je n’ai pas tant que ça l’habitude des matchs caritatifs, alors je veux bien vous croire." Elle avait l’habitude des galas de charité où la vaisselle aurait pu nourrir un pays du tiers-monde bien plus durablement que les dons récoltés — l’hypocrisie des riches, elle s’y était habituée, elle en avait au moins un gouttelette dans son propre sang "Pardon, oui." Elle sembla se réveiller Evie, tendant soudainement la main vers le jeune homme qui lui donna son prénom qu’elle retiendrait sans doute aucun, trop consciencieuse pour ne pas se rappeler de ce genre de choses. D’ailleurs, elle ne tiqua pas à son introduction, lui répondant seulement en lui serrant doucement la main "Evie, je suis enchantée de faire votre connaissance." Pas de nom à donner, elle n’en avait pas vraiment besoin, et de ça aussi, elle avait fait une habitude sur laquelle ne pas camper. Ce n’était pas qu’elle partait du principe que ses interlocuteurs savaient qui elle était, elle ne voulait simplement pas qu’on change d’attitude à son égard quand soudainement, le sceau Pearson apparaissait en filigrane sous la fine épaisseur de sa peau bronzée.

Elle récupéra sa main, et avec celle-ci, elle désigna un endroit un peu à l’écart des autres groupes de bénévoles pour poursuivre sa conversation avec Mickey qui semblait parti sur sa lancée "Je peux vous faire une confidence ?" reprit-elle, ses yeux se plissant avec malice comme elle rebondissait sur le reste de sa phrase "Je suis encore moins une habituée des avant-matchs que vous, mais c’est pour une bonne cause, non ? Ça vaut bien l’effort de sortir un peu de sa zone de confort." Elle n’exagérait même pas. On pourrait s’attendre à ce qu’elle connaisse tout ça, seulement elle l’avait fuit toute sa vie pour finalement s’amouracher d’un homme qui vivait dans les souvenirs d’une carrière prometteuse fauchée en plein vol. Quelle ironie. Ses yeux sombres retrouvant ceux de Mickey, elle se rapprocha de lui juste pour s’insérer à ses côtés, et lui proposer avec, presque, une intonation d’espièglerie dans  sa voix "Si vous me promettez de garder mon secret, je vous promets de garder le vôtre." Ils formeraient l’alliance de ceux qui n’y connaissaient rien à tout ça, et peut-être que peu à peu, le ventre d’Evie se dénouerait en gagnant un allié.

D'aucuns jugeraient sans doute son approche comme étant fourbe dès lors que son interlocutrice ne soupçonne pas tout ce qu’ils peuvent avoir en commun, mais le spectre de Rhett n’est pas forcé de planer entièrement sur sa rencontre avec la bien-aimée de ce dernier. C’est en tout cas ce que Mickey tend à se répéter, désireux de constater les choses par lui-même sans pour autant faire un secret de sa présence ici car le Hartfield connaît son statut de bénévole à l’événement qu’on ne présente plus, et sa proximité aussi inédite que prévisible avec Evelyn ne l’a pas pour autant alarmé. Rhett est-il naïf au point de croire que ces deux-là se contenteront d’œuvrer pour une même cause sans être jamais amenés à échanger ? Ce serait de toute évidence mal connaître l’organisatrice et l’attention portée par celle-ci à chaque bénévole, sur laquelle Mickey ne compte bien évidemment pas cracher. « Vous croyez ? Je n’ai pas tant que ça l’habitude des matchs caritatifs, alors je veux bien vous croire. » Quelques recherches sur le nom Pearson l’ont effectivement convaincu du fait que ses habitudes devaient être ailleurs, mais ça ne l’empêche pas de saluer la dévotion de son interlocutrice sans même avoir à se forcer. Observer d’un œil méfiant et envieux son importance dans la vie de Rhett est une chose, mais il n’en perd pas totalement son objectivité. « J’aurais pu penser le contraire en vous voyant, votre rôle auprès des bénévoles semble assez inné. » Et il sent bien que ce temps accordé à chacun d’eux n’est pas vain, à en juger les sourires et les yeux brillants de tous ceux qui l’entourent. Evelyn semble y investir de son cœur comme de sa personne et le temps d’un instant, Mickey se prend à imaginer le couple qu’elle peut former avec son presque colocataire. Elle si douce et avenante, lui si… Rhett. « Pardon, oui. » Dés lors, le boxeur gagne un semblant d’existence aux yeux d’Evelyn et ce n’est même pas grâce à l’homme que l’on sait. Ce n’était peut-être pas à lui de forcer cette rencontre mais il s’en fiche bien, d’autant plus quand il est le seul à en mesurer le symbole et qu’en l’état, Mickey n’a pas le sentiment de tromper qui que ce soit. « Evie, je suis enchantée de faire votre connaissance. » Leurs deux diminutifs exposés, Evelyn lui épargne la mention d’un nom que Mickey devine tandis que le sien, célèbre autrefois ne fait plus réagir grand monde. Une bonne chose, sachant tout ce qu’on peut y associer aujourd’hui. « Moi de même, Evie. » se contente-t-il de souffler dans un modeste sourire, sa main retrouvant lentement sa jumelle alors que Mickey vient les croiser devant lui.

C’est un peu plus loin à l’abri des oreilles indiscrètes que l’échange se poursuit, là où l’enthousiasme du groupe s’entend déjà un peu moins même s’il se voit encore. « Je peux vous faire une confidence ? » Son regard intrigué revient se poser sur son interlocutrice, comme surpris que l’on puisse se confier à lui si vite. « Je suis encore moins une habituée des avant-matchs que vous, mais c’est pour une bonne cause, non ? Ça vaut bien l’effort de sortir un peu de sa zone de confort. » Il ne pourra pas la contredire sur cette zone de confort dont lui-même vient à sortir doublement aujourd’hui, entre un bénévolat où personne dans cette ville ne risquait de l’attendre et un sport dont il ne connaît pas grand-chose, sans parler du positif entourant l’événement et manquant jusqu’ici cruellement à sa vie. Evelyn n’est pas une inconnue dans le milieu du rugby d’après ce qu’il sait mais il comprend qu’occuper une telle place a pris du temps, de la même façon que Mickey a mis des années avant de tenter de retrouver en lui ce qu’il était. Son déclic aura tardé à venir, lui aussi. « Si vous me promettez de garder mon secret, je vous promets de garder le vôtre. » Si on lui avait dit quelques heures plus tôt qu’il s’allierait à elle sur fond de secret mutuellement gardé, sans doute ne l’aurait-il pas cru et que cette idée l’aurait même faussement amusé. Mickey a après tout en tête un autre genre de secret qu’il ne vaudrait mieux pas laisser échapper ici, et l’insouciance d’Evelyn ne rend pas simple le fait de croiser son regard quand il songe à l’incartade dont son petit ami s’est rendu coupable avec lui. « Je sais garder les secrets comme personne. » promet-il en s’arrangeant d’ores et déjà avec sa conscience pour le laisser tranquille. Rhett n’avait qu’à être honnête, c’est tellement facile de repousser ainsi le problème pour ne pas devoir l’assumer devant elle. Balayant la pièce du regard, Mickey finit par reprendre dans un soupçon de transparence. « Il est temps d’avouer que mon sport de prédilection n’est pas celui-ci, car je vais forcément me trahir tôt ou tard en ne maîtrisant pas le langage du rugby. » Le regarder parfois à la télé ne fait pas de lui un expert, tout comme le fait d’occuper le canapé d’un ancien pro en la matière quelques soirs par semaine. Le rugby n’est pas son monde et ce n’est pas à son âge que Mickey risque d’en faire sa nouvelle passion, sportif dans l’âme mais avant tout boxeur dans le sang. « Et ce n’est pourtant pas faute de connaître quelques joueurs, certains auraient même aimé me voir sur le terrain demain je crois. » Un seul en vérité, mais il est plus commode de mentionner ses bons rapports avec plusieurs joueurs par mesure de sécurité. Certains diront que le monde du sport est petit et il ne pourra pas totalement le nier, aussi décrié soit-il dans sa propre discipline. « Je ne sais pas si l’idée d’un match caritatif était la votre mais je suis bien placé pour savoir que de belles rencontres découlent parfois d’une bonne cause. » Et parce qu’il a bel et bien un exemple en tête, Mickey ne tarde pas à préciser sa pensée quitte à entreprendre un bond dans le temps quelque peu risqué pour lui. « J’ai rencontré ma femme lors d’un événement du même genre, il y a très longtemps. » De boxe certes, mais c’est une preuve de plus que le sport rassemble car Aliyah répudiait à l’origine le sien, bien trop violent d’après ses dires. Quant à l’alliance à son doigt, elle confirmera ce qu’il avance sans laisser entrevoir le divorce qu’il repousse, encore et toujours.

Saupoudrées de flatterie, ou bien parfaitement sincères, les paroles de Mickey furent dans l’un et l’autre des cas accueillis avec un sourire et une déférence timide. Elle était habituée à la gentillesse sous couvert de courbettes Evie, elle acceptait de jouer le jeu parce que c’était facile et que malgré tout, elle avait ça dans le sang. Elle avait fait de sa bonne éducation un point de départ solide de sa carrière professionnelle, elle avait mis au service des autres l’aura de perfection qui émanait de chaque pas qu’elle faisait, de chaque décision qu’elle prenait quand, devenue adulte, elle s’était départie de son envie évidente de s’en démarquer. Elle était bien loin la rebelle de pacotille qu’elle avait été à l’adolescence, élève forcée à la prière sous le prétexte qu’elle était un peu perturbée, motivée par le besoin inextricable de prouver qu’elle n’était pas qu’un pantin, encore moins un nom. Elle avait détesté chaque instant de cette vie passée à faire semblant d’être une autre pour respecter le cahier des charges d’une mère qui n’était pas tyrannique certes, qui n’était pourtant pas la bienveillance incarnée — à son contraire, sa volonté de ne pas lui ressembler l’ayant poussée à glaner des qualités que Celie n’avait pas pour elle, moyen comme un autre de marquer les limites d’une hérédité qui avait souvent pesé sur sa conscience.

Les conventions sociales faisaient partie intégrante de sa façon de fonctionner. Elle était amène, elle était polie, elle était douce et gentille, des bons points qui en dissimulaient des mauvais, surtout des névroses dont elle prenait soin en privé. Il n’y avait pas grand-chose d’exagéré dans son envie de remercier les bénévoles qui s’étaient investis corps et âme dans cet événement, et ça se ressentait comme le mentionna Mickey à qui elle adressa un remerciement silencieux, ne tenant pas à rebondir de vive-voix dessus pour ne pas donner l’impression de chercher davantage le compliment. Elle préféra se présenter, et le dialogue se poursuivit sans qu’Evie n’émette l’envie immédiate d’y échapper. Le temps ne lui était pas compté, après tout la soirée ne venait que de commencer.

Et elle continuerait sous le prisme du secret que Mickey accepta de garder, échange de bons procédés qu’Evelyn amortit avec un nouveau sourire et un léger soupir de soulagement factice, échappé de sa poitrine qui descendit sous sa petite comédie "Tant mieux. L’espace d’un instant, j’ai eu peur de devoir justifier mon statut d’imposteur encerclée par les bénévoles armés de fourches et de flambeaux." Elle avait accusé assez de chasse aux sorcières pour vouloir en redevenir la proie ce soir. Elle plaisantait, l’expression espiègle qui voilait ses traits en étant la preuve évidente.
Elle changea la seconde d’après juste pour revêtir un semblant de surprise qui lui fit définitivement tourner la tête vers le jeune homme qu’elle toisa sans arrière-pensées, cherchant tout simplement à se faire une idée anticipée du sport qu’il pouvait pratiquer en dehors de celui mit à l’honneur lors du match caritatif du lendemain. Sauf qu’Evie n’était pas une experte dans le domaine et que les apparences, trop peu pour elle ; c’était trop facile de se faire une idée de quelqu’un en fonction de ces dernières, et la plupart, elles étaient fausses, alors comme Mickey lui paraissait plutôt ouvert à la discussion, elle osa lui poser la question de front sans s’attendre à ce qu’il l’éconduise "Et quel est votre sport de prédilection ?" Elle ne pourrait sûrement pas prétendre s’y connaître là encore, mais elle maîtrisait l’art du small talk comme personne, Evelyn. Elle ajouta, une main leste se levant devant elle pour marquer son point "Soyez sans craintes en tout cas, personne ne vous demandera de passer devant le tableau pour partager vos connaissances sur la question." Pas d’exposé sur le rugby demain, que des parties mise à profit d’une cause importante, il pouvait participer l’esprit tranquille. Un soupçon de surprise anima ses traits lorsqu’il souleva ses accointances avec certains participants qui auraient aimé le voir à l’oeuvre sur le terrain "Des amis à vous ? Il y a beaucoup d’amateurs qui participent aussi, il est encore temps de changer d’avis et de briller. Si ça se trouve, vous êtes doué pour ça." Ses bras se croisant sur sa poitrine, son coude se posa sur le creux de l’autre, replié contre elle, pour pouvoir y déposer son menton tourné vers le jeune homme qu’elle dévisagea sans impolitesse, juste avec un soupçon de curiosité qui n’avait rien de malsain ; elle était juste attentive à ses interlocuteurs "Si j’étais vous, je profiterais de l’opportunité pour prouver à vos amis que vous n’êtes pas mauvais. Ce serait un bon challenge à vous lancer." C’était bien son genre ça, à encourager quelqu’un qu’elle venait à peine de rencontrer.

Un sourire remonta ses pommettes, et elle se redressa, dégageant le devant de ses épaules de ses longs cheveux qu’elle coinça à deux mains derrière ses oreilles. Sa tête se pencha juste un instant, ses yeux retrouvèrent le panorama fait de groupe de bénévoles qu’elle observa avec aménité en continuant à répondre aux questions de Mickey "J’aurais adoré vous dire que c’était mon idée, mais ce n’est pas le cas. Vous avez déjà entendu parler de Rhett Hartfield ?" L’objectivité d’Evelyn à propos de Rhett la laissait penser que sûrement, oui — ce n’était pas comme si son nom faisait les gros titres depuis des mois maintenant, que sa biographie avait été un succès de librairie qui s’apprêtait à être adapté sur grand écran, et que plus généralement, il faisait parler de lui plus souvent qu’à son tour après tout ; est-ce qu’elle avait besoin de s’étendre sur sa belle gueule, ou ses grands yeux bleu se suffisaient à eux-mêmes pour qu’elle ne s’y échine ? Dire qu’elle se jugeait légèrement de penser comme une collégienne qui parle de son crush avec des coeurs dans les yeux, ce serait peu dire "C’était la sienne. Et je crois qu’il est parti du même constat que vous." À la nuance près que, pour Rhett, c’était une globalité de bonnes choses qu’il espérait voir découler de cette bonne cause. Tournant son poignet pour consulter brièvement le cadran de sa montre, elle poursuivit "Il ne devrait pas tarder à arriver d’ailleurs, vous pourrez le féliciter par vous-même." Une proposition qu’elle lui fit avec un hochement de tête, la fierté qui voila le regard d’Evelyn, le sourire qui fendit à nouveau ses lèvres, faisant se souligner ses yeux d’une multitudes de petites rides d’expression qui se déplissèrent en entendant parler de l’épouse de Mickey "Oh, elle participe à l’événement ?" De lui-même, son regard se porta sur la main gauche du jeune homme pour constater qu’il portait effectivement une alliance.

Compte tenu du secret qu'il doit déjà garder et n'ayant pourtant fait l'objet d'aucune promesse auprès de Rhett, celui d'Evelyn ne pèsera à côté pas bien lourd sur les épaules du boxeur quand bien même donner sa parole à celle qu'il a contribué à trahir ne risque pas de devenir son exercice favori. Tout était à vrai dire plus simple quand il pouvait l'imaginer telle que ça l'arrangeait et que sa frustration se chargeait quant à elle de l'aveugler, réduisant Evelyn à un prénom que Mickey ne pouvait pas entendre sans grincer des dents bien plus qu'à une personne susceptible tôt ou tard d'apprendre la vérité. Éprouve-t-il la moindre satisfaction à se tenir aujourd'hui face à elle ? Non, quant à ses motivations elles n'ont pas changé. Mickey reste animé par le besoin de redevenir l'homme qu'il était mais cette recherche de bien en lui se confronte inévitablement à ce double-jeu qu'il est forcé de jouer, le mettant dans une position que bien peu seraient prêts à lui envier. Même sourire simplement aux plaisanteries d'Evelyn lui donnerait presque l'impression de transpirer de fausseté, comme si son masque pouvait à tout instant tomber à ses pieds car s'il y a un véritable imposteur ici, c'est peut-être bien lui. Lui qui par sa loyauté envers Rhett s'est engagé sans même le dire à le protéger, lui dont cette foutue attirance a depuis le début influencé les actes et les pensées, et lui dont les mots face à Evelyn ne sont pas mesurés sans raison. Il n'est pas question de mentir, plutôt de contourner ce qui ne serait dans l'intérêt de personne car des façons de trébucher existent si Mickey ne reste pas sur ses gardes, il le sait.

En comparaison, il prend sans doute moins de risque à effleurer sa carrière passée même si celle-ci en a été tout bonnement sacrifiée, car il devine au regard d'Evelyn que son nom et son visage ne font pas naitre l'ombre d'une illumination de son côté. Son statut de champion rattrapé par ses addictions ne semble donc pas l'avoir poursuivi jusqu'ici, et Mickey mentirait s'il disait ne pas l'avoir au moins un peu redouté. « Et quel est votre sport de prédilection ? » Prévisible, et plutôt rassurant pour celui qui peut dès lors présenter les choses sous l'angle le plus flatteur. « La boxe. J’avais disons mon petit palmarès dans le domaine il y a quelques années. » Oh, il n'est pas toujours aussi modeste mais ce n'est pas le lieu pour vanter ses titres de champion, Mickey n'est pas fou. Un boxeur qui se débrouillait bien, voilà ce qu'il consent seulement à en dire pour ne pas être rappelé à ses exploits les moins glorieux, allant presque de paire avec le reste. « Soyez sans craintes en tout cas, personne ne vous demandera de passer devant le tableau pour partager vos connaissances sur la question. » Et cette précision le fait doucement sourire, aussi bien en pensant qu'il n'a effectivement plus l'âge pour les interros surprise qu'en songeant au fait que malgré tout le temps que Rhett et lui ont pu passer ensemble, jamais le Hartfield n'a été fichu de l'initier un tant soit peu à son sport. « Des amis à vous ? Il y a beaucoup d’amateurs qui participent aussi, il est encore temps de changer d’avis et de briller. Si ça se trouve, vous êtes doué pour ça. » Si ça se trouve, oui, Mickey ne serait pas mauvais du tout face à un ballon ovale mais s'essayer à un sport qu'il n'a jamais pratiqué à l'occasion d'un événement de ce type lui semble quelque peu osé, pour ne pas dire carrément casse-gueule. « Je crois qu'on a connu moins radical comme baptême, car je ne peux même pas prétendre avoir déjà touché à un ballon de ma vie. » C'est ce qu'il s'imagine tout du moins pour les amateurs dont elle parle, aucun ne peut prétendre s'en sortir comme un pro mais tous, ou presque, doivent avoir quelques matchs à leur actif. Est-il entièrement fermé à l'idée ? Peut-être pas, et Mickey étudie tant bien que mal celle-ci pendant que son regard s'assombrit – le signe que tout ceci le fait au moins réfléchir. « Si j’étais vous, je profiterais de l’opportunité pour prouver à vos amis que vous n’êtes pas mauvais. Ce serait un bon challenge à vous lancer. » Un de plus, si l'on considère déjà l'événement en lui-même pour lequel Mickey n'a pas prévu de s'investir à moitié. Œuvrer en coulisses lui plait bien, sans savoir ce que l'expérience peut également valoir sur le terrain car pour l'heure, rien ne semble vraiment décidé. « Si je dois prouver quelque chose à quelqu'un, je crois que ce sera d'abord à ma famille. » Voilà qu'il se met à penser à haute voix, se gardant toutefois d'ajouter que rien ne compte plus que de voir les yeux de sa fille briller. C'est pour elle que Mickey pourrait se laisser tenter, aussi indécis soit-il au moment de croiser à nouveau le regard d'Evelyn. « Ce n'est pas comme si j'avais jusqu'à demain pour me décider car j'imagine que les équipes doivent être fixées. » Et perturber les plans de tout le monde si près du lancement n'est pas son intention, pas alors que son rôle de bénévole le tient déjà suffisamment occupé par ici. « Mais si l'un des joueurs venait à être forfait, je peux éventuellement le remplacer. » il vient nuancer, ne fermant pas totalement la porte à l'idée de dépanner. Tout peut encore arriver, ce n'est pas à lui qu'on va l'apprendre car les aléas d'avant-match sont eux aussi loin de lui être inconnus.

Il ferait parfois mieux de remballer sa curiosité, c'est ce que Mickey ne peut après ça s'empêcher de penser en constatant l'attitude changeante de son interlocutrice, car il mettrait sa main à couper que la réponse sur le point de lui parvenir ne va pas lui plaire. « J’aurais adoré vous dire que c’était mon idée, mais ce n’est pas le cas. Vous avez déjà entendu parler de Rhett Hartfield ? » Elle est évidemment très grande, l'amertume qu'une telle question lui inspire et même s'il le cache bien, c'est aussi un très léger sursaut qui anime son corps à l'entente de ce nom. Pas par surprise, non, mais parce qu'il sonne d'une manière bien particulière quand il sort de sa bouche à elle et que Mickey semblait s'être préparé à beaucoup de choses, mais étrangement pas à ça. « Qui ne connait pas Rhett Hartfield ? » répond-il sans attendre, et de sa voix la plus détachée. Le connaître, c'est bien peu dire en ce qui le concerne mais rien ne peut à cet instant le trahir, pas même son regard soutenant celui d'Evelyn sans laisser paraître l'agitation qui est la sienne en interne. « Je parle du joueur bien sûr, même s’il aurait été difficile de passer à côté de sa biographie cette année. » Là-dessus, au moins, Mickey ne prend pas de risque car ce livre a rencontré bien assez de succès pour que ce nom parle aujourd'hui à n'importe qui. « C’était la sienne. Et je crois qu’il est parti du même constat que vous. » Il aurait dû s'en douter malgré le fait que Rhett ne semble plus disposé à lui confier grand-chose, que cette idée ne pouvait venir que de lui. Elle ne porte pas sa signature et pourtant, Mickey ne prétendra pas en être surpris. « Il ne devrait pas tarder à arriver d’ailleurs, vous pourrez le féliciter par vous-même. » N'est-ce pas l'occasion de revêtir un peu plus qu'un sombre statut d'inconnu ? Si leur relation sans véritable étiquette ne peut être dévoilée pour des raisons évidentes, Mickey refuse de nier totalement qu'un lien l'unit au Hartfield. « Oh, nous nous sommes déjà rencontrés. » précise-t-il alors que ce fait, il ne voit pas l'intérêt de le contester. « Entre anciens sportifs le lien n’a pas tardé à se faire mais je ne manquerai quand même pas de le féliciter quand je le verrai. En espérant qu’il me reconnaisse. » Et ces dernières paroles ne sont autres qu'une pique volontaire lancée à Rhett, ainsi qu'une référence au fait qu'il ait manifestement du mal à assumer un homme comme lui en public. Son propre frère lui a donné plus d'importance lors d'un mariage alors même que Ruben ne l'avait jamais rencontré, voilà qui le laisse songeur sur la réaction que Rhett aurait s'il débarquait à cet instant précis. Le reste, il se doute bien qu’Evelyn ne pourra pas le deviner et il ne sera pas celui qui mettra des mots sur leur relation sans queue ni tête. Rien de tout cela n'est écrit sur leurs visages aujourd'hui, et ce n'est pas l'anneau à son doigt qui en donnera le moindre indice. « Oh, elle participe à l’événement ? » – « Non, hélas. » il souffle avec la déception réelle de celui qui aurait aimé qu’Aliyah puisse constater l’étendue de ses efforts en direct, même s'il ne doute pas que le projet ravira la mère de sa fille, de près comme de loin. « Elle s’occupe actuellement d’une autre association mais je sais qu’elle salue l’initiative, et de mon côté je serai un peu ses yeux et ses oreilles demain. » Et cela même si Aliyah ne pourrait pas lui faire de meilleure surprise qu'en apparaissant parmi le public, sans pour autant se limiter à le supporter lui. « Vous connaissez peut-être l’association Run For Judy ? Mon cousin en est le président alors je crois qu’on peut presque parler d’une affaire de famille. » Sa femme en est quant à elle la chargée de communication, de quoi poser assez justement la question de pourquoi Mickey n'en fait quant à lui pas encore partie. Il dirait que c'est « en cours », pour ne pas avouer que son cas en l'état pose surtout problème. « Mais je peux bien leur faire quelques infidélités, tant que ça reste pour la bonne cause. » ajoute-t-il dans un sourire tranquille, loin d'imaginer Jackson lui reprocher le bénévolat entrepris ici car à lui aussi, Mickey a des choses à prouver.

"Un bagarreur, donc." Evelyn rebondit sur la réponse que Mickey lui accorda, lui souriant en même temps alors que secrètement, elle essayait de le visualiser sur un ring de boxe sans parvenir à le faire puisqu’encore une fois, elle n’était pas une experte en la matière. Elle ne savait pas ce qu’impliquait la pratique d’une discipline pareille, elle savait juste qu’il s’en sortait plutôt bien physiquement, et que s’il ne lui avait pas fait part de son passé de boxeur, elle n’aurait eu aucun moyen de faire le rapprochement tant son visage paraissait relativement épargné par les coups qu’il avait dû recevoir. Son ignorance à propos de tout ça ne lui permettait pas tellement de s’extasier sur son statut, mais elle avait assez gravité autour de sportifs de renom pour savoir combien il était important pour eux de revendiquer leurs trophées. Ils étaient la première chose que Rhett avait pensé à transférer de son appartement jusqu’à la maison qu’elle lui avait demandé de rejoindre en tant que résident permanent, et elle ne parlerait pas de la salle des trophées de son propre père qui représentait davantage un musée qu’une vulgaire annexe où chacun pouvait s’extasier face à ses prouesses ; avec la carrière venait la gloire qui se devait d’être célébrée, témoin de sacrifices et d’efforts dûment récompensés. Elle arrondit donc les yeux, hocha la tête en signe appréciatif du même coup "Vraiment ? Ce n’est plus le cas aujourd’hui ?" Si elle n’avait pas peur d’être ridicule, elle lui aurait bien demandé s’il avait raccroché les gants, mais elle évita simplement pour qu’il ne pense pas qu’elle prenait les choses à la rigolade.

Elle n’était certainement pas la seule à craindre le ridicule étant donné que Mickey revendiquait son droit de refuser de participer en tant que joueur au match du lendemain. Evelyn leva les mains devant elle, emprunta une petite mine qui signifiait clairement qu’elle battait en retraite, l’affirmant d’ailleurs en lui disant "Au moins, j’aurais essayé." Et elle n’insisterait plus, elle avait compris le message sans qu’il ne se sente obligé de le lui ancrer de force dans la tête. Elle-même était rebutée par la discipline, elle n’irait pas jusqu’à faire du forcing pour l’obliger à donner de sa personne plus qu’il ne le faisait déjà. En d’autres termes, chacun son domaine "Vous en faites déjà bien assez de toute façon, c’est déjà quelque chose d’impressionnant." Est-ce qu’elle était légitime à le questionner sur sa famille ? Elle hésita un petit instant, et puis "Elle sera présente ? Votre famille, je veux dire." se risqua-t-elle pourtant. Elle obtiendrait une demi-réponse plus tard, quand ils viendrait à parler de son épouse, mais comme elle paraissait importante pour lui, sa famille, Evelyn le souleva pour ne pas lui donner la sensation qu’elle mettait de côté les informations qu’il laissait filer sans en avoir l’air — et puis ça permettait de détendre l’atmosphère, de parler de sujet qui tiennent à coeur. Elle plissa le haut de son nez, le pointa du doigt dans la foulée "Ça ne tombe pas dans l’oreille d’une sourde, Mickey." ponctua-t-elle quand finalement, il revint sur sa première idée pour lui mentionner qu’en cas de forfait de la part d’un joueur, il consentirait à se proposer comme suppléant.

Un petit rire enroué secoua Evelyn quand ils mentionnèrent enfin Rhett. Ses épaules sa haussèrent, pas d’indifférence, mais plutôt d’excuse parce que Mickey avait raison "C’est vrai, qui ne connaît pas Rhett Hartfield." Une question qui n’en était pas une bien sûr, ne doutant pas un instant que la notoriété de son amoureux dépasse les frontières de leur coin de planète. Ce n’était pas tant un manque d’objectivité qu’une réalité : Rhett faisait parler de lui. Et c’était un enfant du pays, alors que ce soit ses victoires ou ses frasques, il était forcément sur le devant de la scène. Elle qui avait tant cherché à ne pas attirer la lumière, elle se retrouvait aux bras d’un homme qui l’attirait comme le miel attire les abeilles. Freud y verrait sûrement quelque chose de critique, mais Freud était un misogyne de première catégorie, est-ce qu’on lui demandait vraiment son avis ? "Vous l’avez lue ?" questionna-t-elle Mickey quand il parla de la biographie de Rhett. Son regard se tourna vers lui, et elle l’observa pour déceler un potentiel mensonge s’il décidait de ne pas assumer de l’avoir fait. Il n’y avait pas grand-chose d’honteux dans cette lecture, Greta avait une plume sublime qui avait capturé l’essence même des récits de Rhett qui n’étaient pas sans intérêt au demeurant ; elle espérait que le scénariste en charge du film qui découlerait de tout ça saurait en faire un objet aussi authentique que le livre.

Elle parut vraiment surprise quand, après avoir encouragé Mickey à féliciter Rhett, il lui apprit qu’ils s’étaient déjà rencontrés. A l’entendre parler, elle pensait pourtant que ce n’était pas le cas — il semblait prendre de la distance avec le sujet tout en paraissant un peu curieux du même côté. Ça la laissa perplexe, mais elle lui demanda "Je ne savais pas. A quelle occasion ?" Il argua qu’entre anciens sportifs, ce n’était pas étonnant, et Evie fronça brièvement les sourcils. Parce que Rhett n’avait pas tellement eu le temps de côtoyer ses condisciples ces derniers temps, trop pris par son livre, sa promotion, et plus encore par sa guérison. Mais après tout, leur rencontre pouvait dater, et si le soupçon s’insinua très brièvement en elle, il disparut aussitôt que le sujet dériva, et que hochant doucement la tête en entendant Mickey parler de sa femme, elle releva "Le monde associatif est petit, j’en ai entendu parler en effet." Elle eut un sourire, détourna les yeux du petit groupe de bénévoles qu’elle observait pour mieux accorder de nouveau son attention à Mickey "Vous vous êtes bien trouvés alors, aussi généreux l’un que l’autre." fit-elle remarquer avant de laisser un rire filer alors qu’il soulevait le bénéfice de faire une infidélité à l’association de son cousin lorsqu’il était question d’une bonne cause. Elle lui fit sur le ton de la confidence, là encore "Et puis accepter d’aider son prochain, ce n’est pas vraiment tromper, si ?" Elle se redressa, sembla se ranimer quand, n’attendant pas sa réponse, elle lui demanda en se tournant vers le bar installé à quelques mètres d’eux "Vous voulez peut-être boire quelque chose ?"

Un bagarreur, donc. Face à ces mots qui lui parviennent et que Mickey confirme d'un très léger hochement de tête, il ne saurait pas dire si cela sonne ou non comme une mauvaise chose. Oh, nul doute que pendant très longtemps sa prédisposition à la violence et au conflit a joué contre lui, notamment à l'école où le futur boxeur n'était qu'une bombe à retardement qui ne savait pas manier cette colère grouillant en lui. Ses camarades le craignaient pendant que ses professeurs se demandaient sur qui ou sur quoi Mickey passerait cette fois ses nerfs, et la boxe est finalement tombée à point nommé avant qu'il ne puisse réellement mal tourner. Jackson lui a appris à faire quelque chose de cette rage qui le tenait au ventre, face à des sacs tout d'abord, et ce qui n'était à l'origine qu'un exutoire a par la suite rimé avec gloire, quand bien même Mickey ne s'en vante pas ce soir. Difficile de se pencher sur sa fulgurante carrière dans la boxe sans découvrir la façon dont celle-ci a été gâchée, et les excès qui ont causé sa perte combinés à l'acharnement des médias qui ont été prêts à tout pour avoir sa tête. Mickey « Scar » Reeves n'est plus seulement reconnu pour ses exploits désormais, et c'est la réalité qu'il se garde bien d'exposer à Evelyn. Elle vit avec un ancien sportif lui aussi rappelé à ses addictions, rien de tout cela ne lui est logiquement étranger mais ce n'est tout bonnement pas l'image que l'ancien champion veut lui laisser. « Vraiment ? Ce n’est plus le cas aujourd’hui ? » Il est bien forcé d'admettre que non, sans détailler ce qu'il a jusqu'ici pris soin d'éluder. Son palmarès existe toujours et certains records restent même inégalés à ce jour, mais le monde de la boxe l'a malgré tout renié. Se montrer honnête Mickey le peut encore, mais en résumant cela à ce qu'il y a de plus commode. « La boxe au niveau professionnel est derrière moi, oui. » valide-t-il sobrement, puisque la fin de sa carrière pourrait être due à bien d'autres raisons qu'à des addictions et de fausses accusations. Peut-être que sa réponse laconique dissuadera Evelyn de tenter d'en savoir plus, ou que sa curiosité la poussera à l'inverse à entreprendre un peu plus tard des recherches – libre à elle, après tout.

Là où elle n'insiste pas, c'est sur sa tentative visant à lui faire une place sur le terrain demain. Si sa condition physique le lui permet toujours, Mickey doute en revanche d'être un très bon élément pour l'équipe à partir du moment où sa seule expérience avec le rugby se limite aux matchs qu'il a pu regarder, sans jamais se retrouver avec un ballon aux pieds. Et puis son truc à lui ce sont les gants, bien plus habile de ses deux mains qu'il ne doit l'être avec ses jambes, sans mentionner en plus la grandeur de l'évènement et les projecteurs qu'il n'a pas le souhait d'attirer. Tous ces éléments semblent déjà compromettre sa participation malgré sa bonne volonté, et Evelyn semble bien l'intégrer. « Au moins, j’aurais essayé. » On ne peut pas lui reprocher de l'avoir fait, et il se souvient que Rhett avait lui aussi tenté de l'intégrer sans que sa réponse n'ait là encore été positive ou même je dois y réfléchir. Ce n'est pas un non définitif, Mickey se sent juste bien plus utile en coulisses dans ce rôle qui lui permet d'ordonner comme il se doit ses priorités et Dieu sait que celles-ci en avaient besoin. « Vous en faites déjà bien assez de toute façon, c’est déjà quelque chose d’impressionnant. » C'est un travail d'équipe, voilà ce que le boxeur pourrait lui répondre s'il n'avait pas déjà souligné un peu plus tôt à quel point tous les bénévoles avaient donné de leur personne pour cette cause. Il n'est pas plus méritant qu'un autre et chacun a de toute façon eu droit à son petit discours, même si Evelyn s'éternise quelque peu à ses côtés. « Pourvu que mon cousin vous entende. » réplique-t-il dans un sourire amusé, dissimulant en réalité que Jackson attend beaucoup de lui sur cet engagement qu'il a pris car s'il s'en sort bien, Mickey gagnera peut-être le droit de se rapprocher de son association ensuite. Car non, leur lien du sang n'était pas suffisant pour le rendre légitime et s'il s'en est d'abord vexé, il comprend aujourd'hui le besoin de son cousin de s'assurer qu'il ne compromettrait pas la sécurité de Run For Judy. « Elle sera présente ? Votre famille, je veux dire. » Sur cette nouvelle question qui arrive, Mickey se voit contraint de remuer doucement la tête. « Il y a peu de chances, mais l'évènement devrait être assez relayé pour que ma fille puisse au moins le rattraper. » Il n'avait pas encore parlé de Lola jusqu'ici, mais il n'aura pas fallu longtemps avant que cette information lui échappe. Qu'importe, il n'a aucune raison d'en faire un secret et complète même : « Je réalise que je ne sais même pas si le match sera retransmis à la télévision, est-ce que je suis toujours un bénévole digne de ce nom ? » Mickey s'en amuse, car il serait quand même temps qu'il se mette à jour là-dessus. Quoi qu'il en soit Evelyn ne s'en offusquera sans doute pas, et note d'ailleurs que sa participation pourrait finalement se faire à une seule condition : le remplacement en urgence d'un joueur. « Ça ne tombe pas dans l’oreille d’une sourde, Mickey. » Et maintenant que c'est dit, plus question de se défiler, il le sait.

« C’est vrai, qui ne connaît pas Rhett Hartfield. » Rien à faire, ce nom manque toujours de le faire réagir et Mickey investit une énergie folle à contenir tout ce qu'il peut lui inspirer ici. Qu'il n'oublie pas que face à lui se trouve quelqu'un le connaissant mieux encore, jusqu'à même partager sa vie, et que la moindre information qu'il détiendrait au sujet du Hartfield pourrait aussitôt le trahir, quand bien même l'excuse de sa biographie serait facilement brandie. C'est après tout bien pratique de pouvoir se planquer derrière ce bouquin si jamais Mickey doit sembler un poil trop renseigné, car l'avantage est bien que cette lecture permettrait à n’importe qui d'en apprendre sur sa vie. « Vous l’avez lue ? » – « Je l'ai lue. » Sa réponse ne se fait pas attendre et pourtant, Mickey se souvient l'avoir en partie regretté quand cette lecture avait été un moyen pour lui de satisfaire sa curiosité avant de lourdement contribuer au développement de son intérêt pour Rhett. C'est à ce moment-là que les choses ont un peu échappé à son contrôle et que Rhett est aussi devenu un peu trop plaisant, mais cette partie de l'histoire ne figurera dans aucun bouquin. « Et je sais qu'elle doit être adaptée au cinéma l'année prochaine. C'est rare il me semble que ça le soit si vite, quoique je n'y connais pas grand-chose, en vérité. » Au cinéma comme aux livres, dont Mickey n'a jamais été un très grand consommateur autant bien se l'avouer. Pas l'ombre d'une bibliothèque chez lui ni d'ouvrage susceptible de trainer sur sa table de chevet, Rhett est parvenu à le maintenir concentré sur plusieurs centaines de pages et c'est honnêtement un exploit quand on le connait, car il n'aurait pas dévoré la biographie de n'importe qui – et c'est peut-être bien le problème, aussi.

Commet-il une grave erreur en ne niant pas sa rencontre avec Rhett ? Sur le moment en tout cas, Mickey n'y voit pas le mal car si ce dernier venait à apparaître ce soir, il ne serait pas question pour lui de jouer minablement la comédie. Ils se connaissent oui, bien mieux qu'il ne pourra bien sûr l'admettre ici mais les bases ont au moins le mérite d'être posées, prenant inévitablement le risque d'interpeller Evelyn. « Je ne savais pas. A quelle occasion ? » Le voilà malin maintenant, car se montrer parfaitement honnête sur les circonstances de leur rencontre n'est évidemment pas une option. Mickey n'a pas d'autre choix que de filtrer, ce ne sera après tout pas la première fois aujourd'hui alors à force, il a un peu l'habitude. « La première fois que j’ai entendu parler de lui, c’est quand il a analysé le sportif que j’étais. Lui était encore commentateur, moi boxeur. » Puisque tout est véritablement parti de là, il y a plusieurs années. Dans la réalité toutefois, si Rhett a effectivement fait son travail, il a surtout contribué à sa chute lorsque ses addictions ont fait la une de la presse à scandales et porté un coup terrible à tout ce qu'il avait pu bâtir. Mickey était un sportif sur le point de tout perdre dont il y avait vulgairement quelque chose à tirer, voilà la façon dont il se sont réellement connus mais sa version des faits présentée à Evelyn est bien différente, comme on s'en doute. « Notre première vraie rencontre est bien plus récente mais la connexion s'est faite tout de suite, il faut dire que je n'oublie jamais un visage. » Et là encore, sans mentionner la bagarre qui a immédiatement éclaté entre eux quand Rhett a eu la très mauvaise idée de le provoquer en ayant trop bu. Qui aurait pu prédire qu'après ça, Mickey se mettrait à en pincer pour lui – et sa foutue rancœur, bon sang ? « Le monde associatif est petit, j’en ai entendu parler en effet. » L'association Run For Judy n'est donc pas inconnue à Evelyn, mais le contraire l'aurait effectivement surpris. Peut-être même que certains bénévoles présents aujourd'hui s'y sont également investis, si ce monde-là est aussi petit qu'elle le dit. « Vous vous êtes bien trouvés alors, aussi généreux l’un que l’autre. » Cette remarque lui vaut d'afficher un sourire modeste, même si c’est en réalité très flatteur quand on est parfois amené à douter de sa propre valeur. « Ma femme est un ange, je ne sais tout simplement pas parler d'elle autrement. » Il ne connait d'ailleurs pas plus pur que le cœur d'Aliyah, dont il n'a pas toujours le sentiment d'être très digne. Quant au fait que celle-ci soit en passe de devenir son ex-femme, c'est un détail dont Mickey ne s'encombre pas. « Et puis accepter d’aider son prochain, ce n’est pas vraiment tromper, si ? » Il aurait aimé qu'Evelyn ne lui laisse pas le temps d'y répondre et l'empêche ainsi de cogiter sur ces mots dont il perçoit pour sa part ironiquement le symbole, sans fierté là encore. « J'imagine que vous avez raison. » souffle-t-il d'une voix évasive. Et des bonnes intentions Mickey n'en manque pas pour ce match caritatif comme il n'en manquait pas, non plus, dans une certaine position face à Rhett. « Vous voulez peut-être boire quelque chose ? » – « Je ne dirais pas non. Nous pourrions aussi trinquer au match de demain, même si vous l'avez peut-être déjà fait avec d'autres bénévoles. » Mais si cela peut leur porter chance et réunir des énergies positives autour du grand lancement, Mickey suppose qu'elle n'aurait rien contre le refaire. Il se fiche par ailleurs du contenu de son verre, et ne fera donc pas son difficile.

"Vous avez une fille." Appuyer sur cette information glanée sans le vouloir n’avait pas vocation particulière, c’était tout simplement une réflexion qu’elle se faisait à vous haute avec le sourire, le bout de son nez se froissant en même temps. Etrange que depuis que le sujet des enfants avait été soulevé par Rhett, elle avait la sensation que tout son entourage avait soudainement des enfants, ou s’apprêtait à en avoir, comme si on voulait lui rappeler que c’était à la portée de tout le monde. Ça l’était, il ne fallait pas être bien brillant pour faire des enfants à dire vrai, il fallait en revanche être bien construit pour les éduquer. Malgré tout l’amour qu’elle portait à Rhett, et toute la confiance qu’elle avait parfois en elle-même, ni lui ni elle ne pouvait se targuer de l’être assez pour imiter Mickey et se lancer dans cette grande aventure. Elle ne s’attarda pas alors, elle prit juste une petite mine de déception factice lorsqu’il dit ne pas savoir si le match serait retransmis, remettant en cause son statut de bénévole "Vous avez droit à une erreur de plus avant d’être considéré comme un intrus." lui fit-elle seulement, la menace évidemment loin d’être sérieuse.

Elle le redevint seulement quand ils mentionnèrent Rhett. Mickey avait lu son livre, Evie accusa l’information en opinant du chef et en rebondissant ensuite sur ce qu’il avança à propos de son adaptation au cinéma. Elle n’était pas la plus au fait du fonctionnement de ce business, mais il devait avoir raison s’il déclamait son avis avec autant de conviction. Ça la fit réagir de façon appropriée, ne faisant qu’appuyer ce qu’il lui disait avec ce qu’elle savait de son côté "Il s’est très bien vendu." Elle avait entendu dire qu’il s’était placé à bonne distance de celui du Prince Harry. Certes la mesure restait nébuleuse, mais quand on connaissait les déboires du prince en question, que ceux de Rhett lui ravissent la place, ça voulait dire quelque chose. D’ailleurs elle ne se priva pas pour le faire savoir à Mickey "Les gens s’intéressent à lui, ça a toujours été le cas, et je n’ai pas de mal à comprendre pourquoi." Une amoureuse transie qui vante les mérites de l’homme qu’elle aime, c’était moins pathétique qu’il n’y paraissait. Ça la fit sourire cependant, et ajouter à l’encontre de Mickey "Est-ce que je manque d’objectivité ? Je n’ai même pas besoin que vous me répondiez, je connais déjà la réponse à cette question." Tant pis après tout, la culture du je déteste mon compagnon, ma compagne et passe mon temps à la dénigrer quand il.elle a le dos tourné, ça faisait bon genre au siècle dernier. La nouvelle génération revendiquait ses sentiments sans craindre de tomber dans le pathos, et bien que ça n’avait jamais été le fort d’Evie de partager ce genre de choses, ses yeux ne mentaient pas. Elle ne détestait pas Rhett, c’était aussi évident que la terre était ronde.

Mickey en revanche avait peut-être des raisons de ne pas partager son sentiment considérant la manière dont ils s’étaient rencontrés avec Rhett. Evelyn fronça les sourcils en s’apprêtant à lui demander comment il avait pris les commentaires sûrement critiques du jeune homme, mais ce dernier arriva par surprise à ses côtés. Elle eut un léger sursaut, rien de critique "Je ne t’ai pas entendu arriver." Soudainement, l’intérêt d’Evie fut redistribué. Elle posa une main sur la poitrine de Rhett, se laissa étreindre sans émettre la moindre résistance, et écouta ce qu’il avait à dire pour rattacher les wagons de ce lien qu’il semblait avoir avec Mickey à qui Evelyn décocha un regard amusé bien que le froncement de sourcils qu’elle avait gardé depuis tout à l’heure lui donnait l’air contrit "C’est drôle, on parle depuis tout à l’heure, et j’avais l’impression que vous le connaissiez qu’à travers son livre." Avait-elle voulu faire des conclusions hâtives pour expédier la conversation ? Non. Elle avait senti que Mickey était distant au sujet de Rhett, et c’était étrange quelque part puisqu’il était l’initiateur du projet pour lequel il avait accepté de proposer son aide. Elle secoua doucement la tête, la retournant vers Rhett pour lui dire avec un sourire "Faut dire que ce n’est pas malin de décocher un coup de poing à un champion de boxe, Garrett." lui fit-elle remarquer par malice, se sentant idiote dans le fond de se retrouver soudainement au milieu d’une conversation qui contenait des anecdotes dont elle ignorait absolument tout.

Elle passa sa langue sur ses lèvres sans faire quitter sa main à la poitrine de Rhett, et cette impression grandit quand ils échangèrent quelques mots tous les deux ; ils se connaissaient, Evelyn n’en démordrait pas, et si elle ne rebondit pas sur le côté fade des verres proposés au bar de cette soirée qu’elle avait organisée de bon coeur, elle rebondit toutefois sur le reste étant donné que Rhett s’adressait directement à elle. Elle le regarda, ses yeux trouvant rapidement les siens pour faire le point sur quelque chose sans savoir sur quoi, et lui renvoya la balle avec aisance "Oui, j’ai cette impression aussi." Elle lui poserait des questions plus tard, la manière dont elle soutint son regard pendant quelques secondes encore traduisant son attention imminente. Doucement, presque trop doucement, sa main quitta Rhett pour qu’elle puisse la passer dans ses cheveux, son regard retrouvant Mickey qu’elle observait comme depuis tout à l’heure ; sans trop d’insistance, mais avec une intensité qu’elle réservait à tous ses interlocuteurs, bonne oreille qui avait à coeur d’accorder de la vraie attention à ceux qui venaient vers elle. Elle proposa, volontaire et bienveillante "Si Mickey n’a rien de mieux à faire après cette petite réception, il pourrait se joindre à nous pour le dîner. Je suis curieuse de connaître toutes vos anecdotes communes, hm ?" Hm, qu’elle attribua à Rhett qu’elle regarda à nouveau avec l’espoir qu’il ne repousse pas la perche qu’elle lui tendait sans savoir ce que ça impliquait. Tout dépendrait de sa réponse en vérité, celle qu’elle, elle accorda à la question qu’il lui posa venant d’elle-même en comparaison "Je n’ai pas récolté un non définitif, j’imagine que c’est déjà une petite victoire." Elle était celle avec le moins de trophées dans leur petit groupe, elle avait encore bien le droit de se réjouir de cette victoire-là. Dans le même temps, elle chercha l’approbation de Mickey des yeux, et puis enfin, elle pivota vers Rhett en tendant la main pour replacer le col de sa chemise du bout des doigts et ajouter sans la foulée "Je suppose que mon influence est moindre par rapport à la tienne. Si ça te chante, tu peux faire jouer ton charme, tu auras sans doute plus de chance de le faire céder à ta volonté." Et elle en rit commodément, inclinant la tête sur le côté en se détournant de Rhett pour s’échapper du petit triangle qu’ils formaient tous les trois. Sa main se posant brièvement sur l’épaule de Rhett derrière lequel elle se retrouva quand elle s’échappa, elle demanda à Mickey "Je ne sais pas à quel genre de verre vous êtes habitué exactement, mais pour ce soir, un jus pas très froid, ça vous irait ?"

« Vous avez une fille. » L'information relevée par son interlocutrice lui inspire un sourire, certainement assimilable à la fierté d'un père qui ne cessera jamais de revendiquer ce statut quand bien même l'honorer n'est pas toujours ce que Mickey fait de mieux. Il jurerait faire dernièrement des efforts dans ce sens, la nouvelle impulsion donnée à sa vie et passant notamment par ce match n'étant d'ailleurs pas étrangère à son désir d'être plus présent pour sa fille, car n'importe qui s'accorderait à dire qu'il excellait dans son rôle avant la rechute que l'on sait. En se rapprochant de cet homme qu'il a été et en revoyant ainsi ses priorités, Mickey a aussi l'espoir d'être un meilleur père ce qu'il ne peut assurément pas préciser face à Evelyn. Pour elle Mickey a une fille, sans que le sujet ne lui inspire de remarque ou de question supplémentaire car c'est plutôt sur ses incertitudes de bénévole que la brune entreprend de réagir, non sans lui arracher un sourire plus franc encore. « Vous avez droit à une erreur de plus avant d’être considéré comme un intrus. » Et de se voir montrer brutalement la sortie comme un malpropre, oui, c'est pour sûr la suite logique. Il doit au moins reconnaître à Evelyn un sens de l'humour sur lequel il n'aurait initialement pas parié, quand l'heure était encore à lui imaginer des défauts bien plus que des qualités – un manque d'objectivité que Mickey estime avoir ce soir largement dépassé, sans quoi cet échange ne pourrait jamais se faire avec une telle légèreté. Son amertume n'est peut-être pas loin derrière, mais il semble capable de s'adresser à elle sans pour autant percevoir le spectre de Rhett.

Tout du moins jusqu'à ce que la discussion ne se mette à tourner autour de ce dernier, auquel le boxeur n'aura pas bien longtemps réussi à échapper. L'occasion pour Evelyn d'apprendre que la biographie du Hartfield compte un lecteur assumé par ici, dont l'adaptation future sur grand écran fait déjà beaucoup parler – et c'est presque un comble, quand il y pense, que Rhett ne s'en soit pas plus vanté devant lui. « Il s’est très bien vendu. » Un succès qu'il a lui-même pu constater au moment de se procurer le fameux livre, indisponible dans plusieurs librairies de la ville comme si tous ses habitants s'étaient passé le mot pour se l'arracher. Et ce, en ne pouvant qu'imaginer l'engouement suscité bien au-delà des frontières du pays. « Les gens s’intéressent à lui, ça a toujours été le cas, et je n’ai pas de mal à comprendre pourquoi. » Oh, Mickey parvient lui aussi à le comprendre et ce n'est pas un constat très agréable qu'il est contraint de faire pour sa part. Car oui, la vie de Rhett Hartfield passionne tout comme l'homme qu'il est et oui, le boxeur est lui-même tombé dans le piège en gravitant autour de lui d'un peu trop près. « Est-ce que je manque d’objectivité ? Je n’ai même pas besoin que vous me répondiez, je connais déjà la réponse à cette question. » Mais peut-on seulement lui en vouloir ? Ce n'est en tout cas pas Mickey qui lui jettera la pierre pour avoir été lui aussi aveuglé d'amour par le passé, même s'il ne peut pas nier que cet échange tend également à l'irriter en secret. « Vous êtes une femme amoureuse, je crois que ça résume bien la chose. » se permet-il de souligner, plus dérangé par cette idée que sa voix et sa gestuelle ne le laissent ici paraître. « Et Rhett Hartfield a un côté fascinant, je ne peux pas dire le contraire. » C'est bien sûr tout ce que Mickey s'autorisera à en dire, préférant ce qualificatif que celui de séduisant ou d'attirant, pourtant tout aussi véridiques. Pas question de se trahir si bêtement, lui qui ne semble pas avoir fait de faux pas jusqu'ici et qui en viendrait presque à considérer sa victoire acquise. L'univers a pourtant d'autres plans en réserve pour lui, mieux vaut donc ne pas fanfaronner trop vite et ça, le boxeur le comprend ensuite.

La discussion en était presque trop plaisante, au point où Mickey ne s'étonne qu'à moitié de l'intervention de celui que tous deux connaissent bien, arrivant comme une fleur au beau milieu de cet échange dont il a de toute évidence capté des bribes. « Il m’a décoché un coup de poing que je ne risque pas d’oublier, à notre première vraie rencontre. » L'irruption de Rhett le tend légèrement mais il fait bonne figure, comme il s'y emploie après tout depuis le premier instant face à Evelyn. Ce qu'il en pense pourtant, c'est que le Hartfield ne doit pas avoir l'esprit très tranquille pour apparaître à cet instant, comme s’il souhaitait s’assurer du contenu de leur conversation et vérifier que les absents n’ont pas toujours tort, lui le premier. Pour peu, Mickey prendrait même sa venue comme un manque de confiance et il se demande d'ailleurs pourquoi il tient tant à mentionner ce coup de poing datant du jour de leur rencontre. Ce n’est pas un épisode dont l’un et l’autre ont de quoi être fiers, et le boxeur s’étonnera toujours de la capacité du Hartfield à prendre les choses à la légère. « C’est drôle, on parle depuis tout à l’heure, et j’avais l’impression que vous le connaissiez qu’à travers son livre. » Il se retient fortement de jeter un regard en coin à Rhett qui aurait tout d'étrange, mais qui se chargerait de traduire à quel point il pense de lui que c'est un imbécile. Sa couverture était parfaite avant qu'il n'arrive, et le voilà maintenant à se sentir affreusement con face à Evelyn. « C'est un peu plus que ça en vérité, mais je ne voulais pas que quoi que ce soit puisse interférer avec mon implication ici. » Il y a une part de vrai dans ce qu'il dit car ses motivations de bénévole ne se limitent certainement pas à ce qui peut le lier à Rhett, et il tient à ce que cela soit clair. Oui, il le connait mieux qu'il a pu l'insinuer jusque là et oui, il cherche à se sortir de cette foutue situation dans laquelle il se trouve, aussi. « C'était d'ailleurs mon idée, pas la sienne. » précise-t-il, histoire que cet autre point soit clarifié dans la foulée. Quant à la bagarre, elle inspire un commentaire supplémentaire à Rhett qui ne pourrait là encore surprendre personne quand on le connait. « Faut dire que j’ai frappé le premier. » – « Faut dire que ce n’est pas malin de décocher un coup de poing à un champion de boxe, Garrett. » Tout comme sa venue ce soir n'a rien de très malin non plus, mais agir avant de réfléchir est bien la marque de fabrique du Hartfield. « Faut dire surtout que t’avais bu comme un trou ce soir-là, mais content de te voir aussi Garrett. » réplique-t-il à son tour, gratifiant son presque colocataire d’un sourire bien moins heureux que le sien, uniquement parce que Mickey a la désagréable sensation d’être surveillé comme un gosse à cet instant. Evelyn ne doit pas y comprendre grand-chose et il vient à en être désolé pour elle, détournant ensuite le regard par réflexe au baiser déposé sur la tempe de la petite amie de Rhett, et trouvant même un intérêt soudain au lustre au-dessus de leurs têtes puisque tout semble bon pour ne pas regarder la réalité de leur couple en face. Son sourire s'est en tout cas refroidi et sa posture rigidifiée, signe que Mickey maudit intérieurement le Hartfield de ne même pas lui épargner ce genre de démonstration en public.

« Les verres ici te sembleront un peu fades par rapport à ce dont tu as l’habitude. » S’il s’est efforcé de ne pas trahir la nature de leur lien jusqu’ici, Rhett pourrait bien lui compliquer la tâche en livrant ce genre de détails, aussi vrais soient-ils. Car en quoi un type que Mickey a prétendu ne pas connaître intimement saurait quelles sont ses habitudes ? Il ne manquerait plus qu'il précise quel genre de bar il peut tenir, ou le genre de service qu'il a aussi pu lui rendre, si son besoin de transparence est aussi grand. « T’en fais pas pour moi, et je ne refuse jamais un verre quand il est gentiment proposé. » Son regard s'oriente alors vers Evelyn, souriant doucement à celle-ci. Que Rhett se rassure, il retrouvera sa copine bien assez vite et Mickey n'entend pas la lui voler, quand bien même il devine que cette vision d'eux ne le rend pas aussi serein qu'il veut le dire et le montrer. Secrètement, le boxeur espère peut-être bien le voir trembler un peu. « J’ai l’impression de voir deux mondes se rencontrer, c’est amusant. » Hilarant même, si on demande son avis à Mickey. La situation n'a en réalité rien de très drôle et Rhett ne semble pas réaliser les soupçons qu'il pourrait éveiller chez sa petite amie en allant à l'encontre de la version qu'il a choisi de présenter. C'est risqué et les regards lancés du côté du Hartfield l'invitent subtilement à se taire, avant que ce petit jeu n'alarme Evelyn. Trop tard, peut-être. « Oui, j’ai cette impression aussi. » Et ce n'est franchement pas l'envie qui lui manque de le laisser se démerder avec ce qu'il vient de créer, quand bien même son respect pour son interlocutrice initiale l'en empêche ici. « Tu étais notre sujet de discussion juste avant que tu arrives, on peut dire que tu as vraiment le sens du timing. » Et bien sûr, Mickey espère sur ces mots le faire douter quant à ce dont ils ont réellement pu discuter. Il a bien été question de lui et Rhett ne l'ignore pas pour s'en être rendu compte lui-même à son arrivée, mais il n'a en revanche aucune garantie sur le reste. « Je voulais te proposer un restaurant pour ce soir, mais je suis pas contre un verre de jus pas très froid. » Autrement dit c'est une soirée en amoureux que Rhett a prévu en cette veille de match, de quoi sous-entendre sans doute qu'il dérange ses petits plans même si Mickey commence à en avoir amèrement l'habitude. « Je ne comptais pas m’éterniser de toute façon, sois tranquille. » il souffle, conscient que ce restaurant ne le concerne en rien et qu'il peut toujours courir pour y être lui aussi convié, mais pas pour autant décidé à s'éclipser trop vite. « Si Mickey n’a rien de mieux à faire après cette petite réception, il pourrait se joindre à nous pour le dîner. Je suis curieuse de connaître toutes vos anecdotes communes, hm ? » Avec surprise, son regard s'anime en direction d'Evelyn car ce semblant d'invitation qui lui est glissé, le boxeur était très loin de pouvoir l'anticiper. « C'est assez tentant je dois dire, mais je crois que Rhett a besoin de retrouver sa moitié pour faire le plein de force pour demain, pas vrai ? » C'est tout juste si son regard ne lui hurle pas de ne pas faire le con car elle lui coûte cette réponse, bien sûr, mais elle tend surtout à préserver ce qui peut encore l'être en espérant que le Hartfield ne fera pas l'erreur grossière d'insister derrière. Car leurs anecdotes communes ne doivent pas toutes arriver aux oreilles d'Evelyn et il n'est pas censé devoir le lui apprendre, en principe.

Mais il ne tentera pas de sauver les meubles tout seul ce soir, que Rhett ne s'attende surtout pas à le voir ramer s'il n'est pas disposé à redoubler de prudence de son côté. « Tu n’as toujours pas réussi à le convaincre de mettre un pied sur le terrain ? » Il retient un soupir face à cette question qu'il pensait être réglée mais que Rhett a évidemment l'idée de remettre sur la table, visiblement plus attaché au fait de le voir sur le terrain que Mickey le pensait. Ou bien c'est un prétexte trouvé pour rebondir, il préfère ne pas savoir en vérité. « Je n’ai pas récolté un non définitif, j’imagine que c’est déjà une petite victoire. » Ce qu'il s'empresse de confirmer par un sourire poli, se gardant bien d'ajouter qu'il n'exclut pas totalement de remplacer l'un des joueurs en cas de forfait car il ne refera pas toute leur discussion pour les beaux yeux de Rhett, il ne faut pas rêver. « Je suppose que mon influence est moindre par rapport à la tienne. Si ça te chante, tu peux faire jouer ton charme, tu auras sans doute plus de chance de le faire céder à ta volonté. » Un charme auquel Mickey n'a jamais été insensible, et sa dernière intention est bien entendu de l'apprendre à Evelyn. Quant à son influence, elle a aussi fait ses preuves sur lui sans qu'il ne risque de s'en vanter davantage, refusant définitivement d'être celui par qui ce secret éclatera. « Rhett devait m'apprendre à jouer au rugby mais j'attends toujours. » siffle-t-il, alors même qu'aucun engagement de ce type n'a été pris entre eux avant aujourd'hui. Pas officiellement, du moins. Devinant qu'Evelyn ne tardera pas à s'éclipser, le boxeur entreprend aussitôt de se redresser. « Je ne sais pas à quel genre de verre vous êtes habitué exactement, mais pour ce soir, un jus pas très froid, ça vous irait ? » – « Ce sera très bien, merci. » Sa confirmation donnée, Mickey reste sagement positionné tandis que la brune s'éloigne pour aller leur chercher de quoi boire, offrant quelques instants de liberté qu'il est en réalité très loin de savourer. « T'es vraiment trop con ma parole. » sont les mots soufflés à Rhett une fois que sa petite amie ne peut plus les entendre, et ce alors que son expression comme le reste demeurent inchangés. La prudence est encore de mise, quand bien même Mickey semble être le seul à vraiment le saisir. « Fais gaffe à ce que tu dis putain, j'ai vu à son regard qu'elle se posait des questions. » Et c'est bien normal, non, quand leur version tend à différer et que Rhett appuie là où Mickey avait pour sa part pris soin de ne pas s'aventurer ? « On règlera ça plus tard, tu fais chier. » qu'il finit par ajouter, aussi grande soit son envie de le secouer et de l'insulter ici. Oh, Rhett peut déjà s'attendre à recevoir de sa part des messages incendiaires s'il ne trouve pas l'occasion de le prendre entre quatre yeux car cette histoire n'en restera pas là, c'est la garantie qu'il peut déjà lui donner.

Elle n’était pas coutumière des fausses idées Evie, mais elle avait de l’instinct. Soudainement, alors que son échange avec Mickey semblait on ne peut plus normal, pour ne pas dire charmant, la présence de Rhett fit changer la donne, et l’ambiance changea radicalement. C’était sûrement trop subtil pour qui prenait la scène de loin, mais le signal qu’il y avait quelque chose de tendu entre les deux hommes qui se confrontèrent alors, elle tint à la manière avec laquelle Mickey se sentit obligé de l’imiter quand elle appela Rhett par son prénom en entier. Elle ne savait pas exactement ce qui la gênait dans cette démarche, peut-être son ton ou l’impression qu’elle eut que le jeune homme se moquait d’elle, mais elle tourna brusquement son visage dans sa direction pour lui lancer un regard scrutateur, sans être agressif néanmoins. Ajoutée à ça la réalisation qu’elle venait de faire à propos du lien qui les unissait, et la sensation graduelle de s’être fait prendre pour une idiote s’insinua en elle au point qu’elle se sentit un peu mal à l’aise soudainement. Elle se désolidarisa du dialogue qui se joua entre les deux hommes tout en écoutant attentivement pour confirmer d’elle-même que la familiarité du ton avec lequel ils s’adressaient l’un à l’autre résidait dans un contact qui ne s’était pas fait qu’une seule fois. Et il n’y avait aucun problème à ça, Rhett était encore garant de sa manière de cultiver ses amitiés, mais pourquoi Mickey s’était échiné à lui mentir en prétendant ne le connaître qu’en surface ?

Suspicieuse, ce n’était pas un état d’esprit dans lequel elle aimait évoluer, surtout quand elle ne voyait pas le mal au final, mais elle dut admettre que ça la laissa perplexe. Devenant tout à coup silencieuse, elle se repassa en avance-rapide les quelques minutes qui venaient de s’écouler pour tacher d’établir une raison valable au comportement du jeune homme qu’elle quitta finalement des yeux pour les poser sur Rhett qu’elle sentait tendu. La nonchalance faisait partie de la panoplie de l’homme charmant qu'il était, mais là, elle était galvaudée par l’impression qu’elle avait qu’il la surjouait. Elle fronça les sourcils, se demandant si elle n’essayait pas de voir des signes là où il n’y en avait pas vraiment, et décida en désespoir de cause de s’échapper de là pour se comporter en hôte parfaite — pas tant pour servir ces messieurs qui auraient très bien pu le faire seuls, mais pour faire le point sur cette méfiance venue de nulle part qu’elle ressentit au fur et à mesure.

Au loin, affairée à choisir le meilleur jus pour Rhett et Mickey, elle tourna la tête vers le duo qu’ils formaient. Si elle doutait encore, quelque chose s’éclaira lorsqu’elle les vit discuter de façon plus courroucée que tout à l’heure. Elle hésita à s’interposer, et puis sa curiosité l’emporta. Elle accéléra le mouvement pour revenir de là où elle venait, leur tendant leurs verres en leur demandant avec un sourire de convenance, ses yeux se posant d’abord sur Mickey, et puis enfin sur Rhett dont la cause lui était entièrement acquise "Tout va bien ?" Elle lui faisait confiance pour lui dire la vérité, mais il la prit de court en amorçant une fuite — c’en était une, jamais il n’aurait privilégié un coup de fil à Ruben d’ordinaire. Elle se laissa embrasser sans aucune résistance, se contenta d’un "Bien sûr." pour lui donner son assentiment à le rejoindre quand il aurait terminé, et s’intéressa de nouveau à Mickey après avoir longuement observé Rhett qui partait s’isoler pour son pseudo coup de fil. Si elle n’avait été qu’en surface tout à l’heure avec ses observations, elle se permit de le toiser cette fois-ci. Pas pour émettre un quelconque jugement de valeur le concernant, elle n’était personne pour faire ce genre de choses, mais pour tenter par elle-même de percer cette carapace qui lui sembla soudainement assez évidente pour qu’elle se dise qu’en vérité, elle s’était laissée appeler par son habitude instinctive de laisser le bénéfice du doute à tous ceux qu’elle rencontrait. Mais lui avait menti, et ça fit grouiller quelque chose en elle proche du ressentiment qui fit lui demander avec un sourire, ses yeux rencontrant de nouveau les siens en même temps "Pourquoi m’avoir menti ?" Elle haussa les épaules, heurtée dans le fond d’avoir été plutôt ouverte avec quelqu’un qui en comparaison, s’était joué d’elle pour tenter de rattraper le coup une fois sa bévue exposée par la version différente donnée par Rhett "Ça aurait été tout aussi simple de me dire que vous le connaissiez bien, je n’aurais pas rechigné à rendre officielle l’invitation à vous joindre à nous pour le dîner." Qu’importait si les anecdotes qu’il partageait avec Rhett était moindre, elle l’aurait fait se sentir à son aise en essayant de connaître les vrais tenants et aboutissants de cette relation qu’ils semblaient avoir, et ce sans chercher à mal, juste parce qu’elle s’était toujours intéressée au cercle de Rhett, même quand ses membres ne l’appréciaient pas à l’image d’Hassan. Elle plissa les paupières, sincèrement interdite par la manière de faire de Mickey à qui elle finit par tendre la main par politesse. Il pouvait la saisir ou non pour la lui serrer, elle aurait au moins la satisfaction d’avoir fait les choses correctement jusqu’à la fin de leur conversation, elle. Ses yeux fichés avec résolution dans les siens, elle lui dit alors "J’ai été ravie, Mickey." Et si elle avait été mesquine, si elle avait eu un tant soi peu d’instinct de survie aussi, elle lui aurait conseillé de ne pas se montrer demain au match. Mais elle ne le fit pas, elle se contenta juste de l’observer une dernière fois, puis de pivoter sur ses talons pour aller rejoindre Rhett dont le coup de fil supposé devait être terminé désormais.

Rhett n’est là que depuis quelques minutes que déjà, la patience du bonheur ne semble tenir qu’à un fil. Il faut dire que cette discussion n’avait pas besoin d’un interlocuteur de plus et encore moins de quelqu’un dont la présence n’est jamais bonne à conjuguer avec la sienne en public, si l’on en croit la facilité déconcertante avec laquelle ces deux-là peuvent parfois se taper sur le système ou tout bonnement dessus. Ce n’est pas faute d’apprécier l’homme qu’est Rhett et sûrement même un peu trop pour son propre bien, mais il rêve à cet instant de le renvoyer d’où il vient avant que la situation n’échappe à son contrôle car à la place d’Evelyn, il aurait honnêtement beaucoup de mal à suivre. « Il a lu le livre avec attention. » Bien sûr que Rhett a besoin de le rappeler, comme si cet épisode ne constituait pas un tournant dans l’intérêt qu’il a ensuite pu lui porter. Ce point il ne l’a pas caché à Evelyn mais il sonne différemment quand il provient du Hartfield, dont chaque mot prononcé lui fait craindre qu’il n’en dévoile justement trop. Leur première rencontre dans un bar n’est d’ailleurs pas une chose sur laquelle Mickey prévoyait de s’attarder mais tout le monde sait à présent qu’un échange de coups de poing a eu lieu ce soir-là, une escalade pas si étonnante quand on les connaît et un épisode qui n’aurait pas franchement laissé présager l’évolution de leur lien aussi difficile à nommer soit-il, désormais. Ils en auront certainement d’autres, des accrochages susceptibles de tourner à la bagarre car c’est ainsi que tous deux ont appris à régler leurs comptes, Mickey le premier. Et quand Rhett réalise qu’il était leur sujet de discussion jusqu’ici, sa réaction ne se fait pas attendre là non plus. « Oh, vraiment ? » Oui, vraiment. L’apprendre le rend en tout cas un peu trop fier pour quelqu’un qui n’a justement pas de quoi l’être, et Mickey aimerait beaucoup effacer ce satané sourire qu’il affiche. Ce n’est définitivement pas le bon soir pour fanfaronner, pas alors qu’il ne semble pas mesurer la confusion que son arrivée a pu instaurer mais c’est du Rhett tout craché de ne pas voir plus loin que son nombril, il ne prétendra donc pas s’en étonner.

Il n’est pas assez fou pour accepter cette invitation à se joindre à leur table, quand bien même l’attention d’Evelyn a tout de louable, car il ne donne honnêtement pas cher de sa couverture avec Rhett à ses côtés compte tenu des risques que celui-ci leur fait déjà prendre ici. Son excuse est alors toute trouvée et tient même plutôt debout quand il se prend à y penser, car quel sportif ne voudrait pas d’une soirée en tête-à-tête avec sa moitié avant un grand événement ? Mickey est passé par là de nombreuses fois lui aussi, il connait donc l’importance de ce temps passé auprès des siens pour faire le plein d’énergie et il n’a pas la prétention, surtout, de faire partie des présences essentielles au bien-être de Rhett. « Nos anecdotes ne sont pas assez nombreuses pour tenir tout un repas, surtout. » Oh, il y aurait pourtant des choses à dire sur leur relation peu commune mais aucune qu’Evelyn ne doive entendre, ils semblent au moins parvenir à tomber silencieusement d’accord là-dessus. Car comment se douter qu'ils étaient initialement destinés à se détester avant que Mickey ne soit finalement amené à le fournir en comprimés ? Comment imaginer que Rhett lui a plu et que son unique tentative visant à se rapprocher de lui s'est soldée par une dent cassée et une fierté salement esquintée ? Et comment envisager qu'il l’a dépanné un soir où le Hartfield ne savait plus vers qui se tourner, en tombant à genoux devant lui sans même se faire prier ? Leurs anecdotes communes sont tout autant d’épisodes dont aucun n’a de quoi se vanter, voilà la stricte vérité. Sa venue sur le terrain demain n’a quant à elle rien d’acté, et Mickey aime peut-être un peu trop se faire désirer quand c’est Rhett qui attend cette participation de lui, d’où le non un peu moins catégorique fourni ce soir à Evelyn. Il pourrait lui dire que sa petite amie a mieux su trouver les mots pour le convaincre que lui mais il préfère s’abstenir, l’invitant par un simple regard à faire mieux la prochaine fois comme s’il n’était pas déjà l’une des raisons justifiant son intérêt pour le rugby. Un sport auquel Rhett finira peut-être un jour par l’initier et ce, même s’il n’en fait pas une obsession et semble même pouvoir s’en passer.

Evelyn désormais à quelques mètres d’eux, c’est le moment que le boxeur choisit pour confronter Rhett sur cette irruption qu’il ne voit pas franchement d’un bon œil. « Quoi encore ? » Qu’il ne prenne pas ce ton-là avec lui alors que tout se passait pour le mieux avant son arrivée, quand l’histoire présentée à Evelyn tenait encore la route et que leur relation ne semblait pas affreusement confuse du point de vue de celle-ci. Mickey n’est certes pas dans sa tête, mais il devine sans mal les questions qu’elle peut actuellement se poser. « T’es vraiment en train de me faire chier alors que c’est toi qui parlais à ma copine ? » Il ne s’excusera jamais pour ça, qu’importe ce que Rhett peut en penser. Ce n’était pas censé mettre en péril leur petit secret, Mickey a même tendance à penser qu’il gérait très bien la chose avant qu’il ne débarque et quand bien même les voir ensemble ne lui plait pas, il n’avait aucune autorisation à obtenir de lui pour ça. « Ta copine qui s’occupe d’un événement pour lequel je suis bénévole. » A-t-il perdu ses capacités à réfléchir, ou n’avait-il juste pas envie que ces deux-là se rencontrent par principe ? « Faut vraiment être con ou sacrément centré sur soi-même pour pas s’être dit que cette discussion aurait lieu, Rhett. » C’était inévitable à partir du moment où le boxeur a pris part à ce match et ce n’était pas voué à mal tourner pour autant, dans un monde où Mickey est encore capable de s’investir pour la bonne cause sans que Rhett ne fasse partie de ses pensées à chaque instant. Sentant déjà la colère monter en lui, ce ne sont certainement pas les prochains mots du Hartfield qui risquent de faire redescendre celle-ci. « Tu bois ton verre et tu rentres, m’emmerde pas. » Qui emmerde vraiment l’autre ici, Mickey est d’avis que les rôles sont plutôt inversés. « T’avise pas de me donner des ordres. » il conseille alors, loin d’apprécier la façon dont Rhett entreprend de le congédier. Ce ne devrait pas être à lui de partir mais c’est évidemment lui qui le fera à l’arrivée, conscient que cette soirée ne pourra que mal finir s’il reste trop longtemps dans le paysage du Hartfield. « Tu sais quoi ? Va te faire f- » Sauvés in extremis par le retour d’Evelyn, il garde pour lui ces mots désirant terriblement sortir tout comme ses poings sont serrés, à défaut de pouvoir rencontrer le visage du Hartfield. Il ne lui fera pas l’affront d’exploser ce soir avec des témoins tout autour mais il le retient, lui et ses idées foireuses.

Son verre récupéré, Mickey voit sa soif disparaître avec le reste tandis que Rhett semble déjà planifier sa fuite. « Je dois appeler Ruben pour des détails, il trouve encore le moyen de se tromper dans les horaires. Tu me rejoins après ? » Des détails, oui. Il se retient de lever les yeux au ciel face à ce pauvre prétexte, voyant surtout son intention d’esquiver tout ce qui peut l’être. Le baiser échangé le dissuade de toute façon de passer une seule seconde de plus au même endroit que Rhett, passablement agacé par son attitude comme frustré des rappels que son couple ne cesse de lui envoyer. Désormais seul face à Evelyn, il n’entend alors pas faire durer le suspense quant à l’imminence de son départ mais c’est elle qui, finalement, le prend de court. « Pourquoi m’avoir menti ? » Immédiatement le boxeur se fige, son regard confrontant celui d’Evelyn alors qu’il comprend que cette histoire est déjà en train de se retourner contre lui. A-t-il réellement menti ? Non, du moins pas de son point de vue. A-t-il en revanche minimisé sa relation avec Rhett et contourné certains faits et évidences ? Oui, sans l’ombre d’un doute. Il ne sera pas le grand coupable dans cette affaire, pas alors que son principal tort a été de vouloir protéger Rhett sans jamais perdre son respect pour elle mais il ne peut pas l’empêcher de le voir comme un hypocrite, en attendant qu’elle ait bien d’autres raisons de penser du mal de lui – et sûrement même de le détester, ensuite. « Ça aurait été tout aussi simple de me dire que vous le connaissiez bien, je n’aurais pas rechigné à rendre officielle l’invitation à vous joindre à nous pour le dîner. » Plus simple oui, mais plus dangereux aussi. C’est son erreur et il le sait, celle d’avoir fait de la protection de leur secret une priorité au point de laisser planer un flou amenant désormais Evelyn à se sentir bernée. Et il déteste ça Mickey, que ses intentions qui n’étaient pas mauvaises le fassent passer pour ce qu’il n’est pas, lui qui a cherché tous les moyens possibles pour en dire le minimum sans pour autant se perdre dans des fabulations très tentantes. Son soupir est alors à l’image des torts qu’il endosse quand son regard, lui, ne cherche pas à fuir celui de son interlocutrice. « Je regrette que vous le perceviez comme ça. » Et ses mots sont sincères, aussi certain soit-il qu’Evelyn n’est plus disposée à croire quoi que ce soit venant de lui. « Et je n’ai sans doute pas fait les choses de la meilleure façon, c’est vrai, mais je ne suis certainement pas un menteur. » Un autre point sur lequel Mickey ne s’attend pas à être cru, bien sûr, car son opinion à son sujet doit être maintenant forgée. Il ne reviendra pas sur tous les points où il estime ne pas l’avoir autant trompée qu’elle a déjà pu l’être, réaliste quant au fait qu’il y perdrait aussi bien son temps que sa salive mais il se raccroche tant bien que mal à sa conscience, avant de saisir la main tendue poliment par Evelyn. Il serait bien sûr trop facile de la rediriger vers Rhett pour obtenir de son petit ami les explications qu’il ne peut pas lui donner ici, car il n’a jamais été du genre à se cacher derrière les autres pour ne pas reconnaître sa part de responsabilité. Elle existe dans une moindre mesure, et le piège dans lequel le boxeur s’était juré de ne pas tomber s’est finalement refermé sur lui. « J’ai été ravie, Mickey. » La fin de cet échange lui laisse un arrière-goût amer et l’empêche de répondre qu’il a été lui aussi ravi de rencontrer la fameuse Evelyn. Celle dont Rhett ne lui a au final pas beaucoup parlé, celle figurant dans son fichu bouquin ou celle que Mickey a parfois été amené à envier, peu importe. Elle n’en reste pas moins l’organisatrice d’un match lui tenant à cœur et c’est avec cet état d’esprit qu’il aurait aimé s’éclipser, si seulement il ne pensait pas à présent être un bénévole sur la sellette. Pas de quoi l’empêcher de se présenter à la première heure demain pour les tous derniers préparatifs, certes, même si raser les murs sera sûrement ce que Mickey s’emploiera à faire par principe. « Passez une bonne soirée. » se permet-il de souffler avant qu’elle n’aille rejoindre Rhett, auquel il jette un ultime regard sans toutefois s’attarder. Tout son corps se trouve être crispé, son ventre tordu par la frustration et son verre toujours pas entamé, certain qu’il s’est au moins rendu coupable ce soir d’un excès de loyauté et cela, sans la moindre fierté.