the only thing you let hold you
Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

En attendant l’arrivée de Maisie, mes doigts pianotent sur mon téléphone des messages à l’attention de Shiloh. Mon objectif ? En savoir plus sur son fameux échange avec Damon et la surprise qu’il prépare. Les explications quant à l’implication de la petite blonde dans le plan de Damon peuvent être nombreuses, ne serait-ce que parce qu’elle me connaît certainement mieux que qui que ce soit d’autre, Damon étant lui-même un cas à part. Lui demandait-il conseil ? Un service ? De me tenir occupée d’une façon ou d’une autre ? Mon époux refusant de me donner la moindre réponse, je me suis tournée vers la blonde que je sais plus malléable mais sans succès : elle lui a fait une promesse et Shiloh n’a qu’une parole. Moi, je meurs de curiosité. Au point que lorsque Maisie arrive, je ne la vois arriver qu’au dernier moment et elle me fait sursauter. « Désolée, je t’ai pas entendue arriver. » Je me redresse pour déposer une bise sur la joue de la brune, avant de me réinstaller à ma place. « J’ai appelé dans la journée pour nous réserver les meilleures places. » Devant la scène, sur une petite table avec une nappe en velours rouge, et deux chaises assorties posées côte à côte pour pouvoir profiter du spectacle. « Mais les artistes commencent pas avant vingt heures. On a un peu de temps. » Pour l’instant, ce sont les speakers qui crachent un air de jazz agréable. Moi, je hèle le serveur pour qu’il vienne prendre notre commande.

« Promets-moi que si un jour Damon te met dans une confidence pour une surprise, c’est à moi que ta loyauté ira. » L’esprit toujours absorbée par mon "enquête", j’entame la conversation avec un sujet qui me concerne moi. Evidemment, toujours moi : Maisie répond à mon besoin d’être écoutée, admirée et d’être le centre du monde. Lorsque je suis avec elle, je n’ai plus l’impression d’être pétrie de doutes ; ils s’envolent le temps d’une après-midi ou d’une soirée. « Damon prépare quelque-chose, mais Shiloh veut pas me dire quoi. » Je lui explique la situation, puisque mon entrée en matière manquait peut-être d’une courte introduction. Finalement, je lève les yeux au ciel avant d’éclater de rire, et de me rappeler la raison de notre présence ici : Maisie m’a envoyé un message pour savoir si on pouvait se voir. Elle a des conseils à me demander et je m’interroge sur leur nature. Elle a tendance à éviter, depuis la première fois où elle s’est couverte de ridicule en me poussant à croire qu’elle avait réussi à les mettre en pratique pour ferrer un homme qui s’était révélé n’être intéressé que par moi.

« Ton message était hyper mystérieux. » Et pour être honnête, je ne l’ai pas assez fréquentée ces derniers mois pour en savoir assez sur sa vie pour me risquer à des suppositions. Absorbée par mon mariage, ses problèmes et surtout l’article à paraître dénonçant les actes de Saül Williams, j’ai délaissé le reste de mon entourage. « Si c’est à propos de ma sœur, j’ai déjà dit que je voulais pas être tenue responsable de ses conneries. On se parle plus de toute façon, elle et moi. » A part pour répondre à ses diverses provocations.

« Désolée, je t’ai pas entendue arriver. » Et j’aurais préféré, dans le fond, je crois, alors que j’ai passé de longues heures à me flageller quant au message que j’ai envoyé à Megan plus tôt, prise d’un élan de panique qui s’impose de plus en plus souvent à moi. Je ne sais pas pourquoi aujourd’hui je n’ai pas su l’ignorer et je me suis tournée vers la jeune femme, mais plus les heures se sont rapprochées de notre rendez-vous, plus je me suis convaincue que c’était une mauvaise idée et que je n’arriverais pas à l’assumer. Son prénom est le premier qui m’est venu en tête concernant mes préoccupations, mais il est aussi celui dont le jugement m’atteint sans doute le plus. En ce sens, je suis convaincue que la soirée peut m’apporter beaucoup, comme elle peut m’ancrer encore un peu plus dans mes peurs. « J’ai appelé dans la journée pour nous réserver les meilleures places. » - « Quelle dévotion, merci. » Je rétorque avec un sourire amusé, prenant place à côté d’elle, vue sur la scène qui est encore délaissée. « Mais les artistes commencent pas avant vingt heures. On a un peu de temps. » - « Oh, j’ai même pas regardé le programme de ce soir, et toi ? » J’avoue, absorbée par bien d’autres choses. On a un peu de temps, donc. Le temps d’angoisser, de verbaliser un discours qui me vaudra sûrement mille jugements et peut-être quelques conseils, et ce, aux oreilles de tous, histoire d’accentuer un peu plus mon humiliation. Je commande un mojito une fois que le serveur s’est attardé près de nous, tandis qu’elle reprend la parole. « Promets-moi que si un jour Damon te met dans une confidence pour une surprise, c’est à moi que ta loyauté ira. » Je hausse un sourcil, surprise, même si je confirme aussitôt : « Oui, bien sûr, pour qui tu me prends ? » Je souligne avec un léger sourire. Ma loyauté va à Megan depuis que j’ai découvert le lien qui unit son mari à mon copain, et c’est une raison supplémentaire pour laquelle je n’aurais sans doute pas dû faire appel à elle aujourd’hui. « Damon prépare quelque-chose, mais Shiloh veut pas me dire quoi. » -  « J’en sais pas plus, désolée. » Ce n’est même pas un mensonge et elle le découvrira sans doute en voyant l’air sur mon visage, étonnée par une surprise à laquelle je ne suis vraisemblablement pas conviée, ou pas encore. Damon aurait toutes les raisons du monde de se tenir loin de moi, surtout compte tenu de notre seule vraie conversation, dont Megan ignore tout le contenu. Elle me trouverait sûrement pathétique, si elle le savait, me dirait que je me contente des miettes des autres, ou me rangerait dans une case dont je ne veux pas, sous prétexte que je sors avec un homme qu’elle doit probablement détester – si tant est qu’elle connaisse son existence. Et si c’est le cas... et bien, c’est même une certitude qu’elle me jetterait aux ordures, et je ne peux pas l’imaginer. J’apprécie Megan, et j’ai besoin de savoir qu’elle m’apprécie, elle-aussi. Mais peut-être que si Damon ne m’en a pas parlé, c’est parce que je ne suis pas aussi importante que je ne le crois. « Mais si j’ai des infos, je te tiens au courant. » Je la rassure, alors que le serveur arrive déjà avec nos consommations. « Ton message était hyper mystérieux. » -  « Ah, oui, mon message. » Mon putain de message. Quelle idée. « Tu veux pas trinquer, d’abord ? » Je demande, mes mains qui s’agrippent à mon verre dont j’ai besoin urgemment du contenu pour me donner du courage. Autant parce que je ne suis pas sûre de moi que parce que ce ne sera pas des éléments faciles à dévoiler sur mon intimité. « Si c’est à propos de ma sœur, j’ai déjà dit que je voulais pas être tenue responsable de ses conneries. On se parle plus de toute façon, elle et moi. » - « Je vais pas te mentir, si tu me demandais le même coup de main aujourd’hui, j’y réfléchirais à deux fois. » Je précise, parce que j’ai voulu rendre service à Megan en présentant Molly à Rose, mais que j’aurais sans doute dû me passer de faire le lien. « Mais je suis pas là pour ça, non. » Je dis, décidant de forcer un peu les choses, levant mon verre : « allez, à Damon et toi, vous avez l’air toujours plus heureux, tous les deux. » Que je note, sincère, mais aussi par intérêt ; si je parle de son histoire d’amour, il me sera peut-être plus facile d’évoquer le sujet sans qu’il n’apparaisse comme un cheveu sur la soupe. « Comment vous faites, après... quoi, deux ans ? »

@Megan Williams

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Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

« Oh, j’ai même pas regardé le programme de ce soir, et toi ? » - « Hum hum. » Distraite, je pousse dans sa direction le programme que l’on m’a tendu à l’entrée. « Un groupe de reprises je crois. Je connais pas. » Autrement dit : je ne m’y suis pas non plus plus intéressée que ça. Dans d’autres circonstances, dans une autre vie aussi, j’aurais donné rendez-vous à Maisie dans un café ou un bar lambda, mais il semblerait que je sois devenue le genre de personne qui préfère les endroits plus "chic". Comprendre, ceux où je peux me rendre avec une robe griffée sur le dos et des chaussures hors de prix. Je ne pense pas avoir changé, cependant. J’ai simplement à présent les moyens de mes ambitions et de mes envies. Aujourd’hui, je peux mener le genre de vie auquel j’ai toujours aspiré.

« J’en sais pas plus, désolée. Mais si j’ai des infos, je te tiens au courant. » - « Je me doute. » De mes amies, Maisie n’est pas celle que je vois le plus, pas celle dont je suis la plus proche et pas celle que Damon connaisse le mieux. J’ai déjà cité son nom certes, mais elle ne doit pas à ses yeux faire partie de mon cercle restreint et pour cause, elle n’y appartient pas vraiment. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas heureuse de la revoir : non, comme en atteste l’immense sourire sur mes lèvres, je suis à l’aise en sa compagnie et ravie d’avoir pu lui dégager un peu de temps. La petite brune en revanche semble plus tendue qu’elle ne l’est déjà en temps normal. « Je te chariais. Mais ça me rend folle que Shiloh veuille rien me dire. » Parce que je pensais sincèrement pouvoir faire plier ma meilleure amie, bien trop douce pour son propre bien.

« Ah, oui, mon message. Tu veux pas trinquer, d’abord ? » Le serveur a dépose nos boissons sur la table alors, pourquoi pas ? Je hausse les épaules : je suis curieuse, mais pas assez avide de découvrir ses petits secrets pour autant. Ce qui ne tourne pas autour de moi n’a que peu de place dans notre relation puisque, jusque-là, elle ne m’a jamais semblée bien intéressante Maisie. A chaque fois qu’il est question de sujets sérieux, elle se débine comme si elle était une enfant.  « Je vais pas te mentir, si tu me demandais le même coup de main aujourd’hui, j’y réfléchirais à deux fois. Mais je suis pas là pour ça, non. » - « Ouais, je suis désolée pour ça. Aujourd’hui, je te demanderais pas le même coup de main, si ça te rassure. » Non, je laisserais au contraire Molly se débrouille toute seule. Elle est douée pour faire de sa vie et de celle de ceux qui l’entourent un véritable bordel, alors il vaut mieux rester loin d’elle. « Tiens-toi à l’écart de ses emmerdes. » Que ce soit sa drogue, ses histoires de cœur ou que sais-je : tout ce que touche ma jumelle devient poison. « Je suis sérieuse : elle est capable de s’attirer une quantité de merde inimaginable sur le coin du nez, ça en devient presque un don. » Une plutôt, une malédiction. Mais je ne suis pas ici pour parler de mon irritante sœur, et Maisie non plus : très bien, j’aurais détesté qu’elle m’adresse des reproches à cause du comportement de quelqu’un d’autre. Molly et moi sommes deux personnes distinctes et je refuse d’être assimilée à elle.

« Allez, à Damon et toi, vous avez l’air toujours plus heureux, tous les deux.  » Un sourire illumine mon visage sans que ça n’ait rien de forcé ou calculé. Je suis sincèrement heureuse avec Damon, même si ces dernières semaines ont été plus compliquées que je ne veux bien l’admettre. Mes problèmes, je ne les adresse pas à Maisie. Non, pour continuer à m’admirer et à m’envier, elle doit continuer à croire que ma vie est aussi parfaite qu’elle en a l’air. Elle, comme tous les autres à vrai dire. Il n’y a que Jo qui a le droit à une vision plus authentique de ma personne. « Comment vous faites, après... quoi, deux ans ? » - « Un peu plus de deux ans et demi, même. » Dans les faits, nous fêterons bientôt notre première année de couple. Mais cet anniversaire là sera célébré à l’abri des regards puisque personne ne sait que notre relation n’a pas toujours été vraie. « On va certainement déménager. On cherche à acheter une maison. Un endroit parfait, pas trop loin de la ville, mais tranquille et paisible. Tu crois qu’on devrait faire appel à un acousticien ? » L’acoustique magnifique de cet endroit me donne envie de reproduire la magie à laquelle on assiste ici. En tout cas, notre nouveau foyer sera neutre de tout mauvais souvenir qui nous fera du bien, j’en suis certaine. « C’est difficile de te répondre. Parce que c’est facile d’être avec quelqu’un comme lui. Je pensais pas qu’il en existait encore. » Je n’ai plus à feindre l’amour que je ressens pour mon époux. A présent, mes yeux brillent d’un éclat sincère. « On va renouveler nos vœux au printemps. C’est son idée, évidement. Je suis sûre que c’est autour de ça, la surprise. »

Trop accaparée par des questionnements que je n’arrive pas à faire taire depuis plusieurs semaines, je n’ai pas pris la peine de m’intéresser au programme, car ce n’est pas l’objet de ma venue. Alors quand Megan me tend un prospectus, je fais mine d’y jeter un œil sans même réagir en découvrant que la soirée sera un hommage aux Bee Gees, là où d’ordinaire je me serais permis un commentaire sans doute moqueur. Il y a fort à parier que la musique n’atteindra même pas mes oreilles, alors que j’écoute déjà distraitement Megan en tentant de saisir la meilleure opportunité pour lui faire part d’un problème qu’elle est la seule capable de m’aider à résoudre. J’y crois, du moins, il n’y a qu’à voir l’aura qu’elle dégage et qui ne cessera sans doute jamais de m’impressionner. De sa robe qui semble avoir été conçue directement sur ses formes généreuses, à son sourire enjôleur qui charme même les plus réfractaires, Megan sait s’y pendre avec les hommes et c’est exactement ce que j’ai besoin d’apprendre. Nos premiers essais n’ont pas été très fructueux, principalement car il est impossible de capter le moindre regard alors que la blonde est à mes côtés. Mais cette fois-ci, c’est différent. Je ne cherche plus à me faire remarquer pour que quelqu’un entre dans ma vie, je cherche à garder près de moi celui qui a réussi à s’y faire une place.

Quant à Megan, c’est Damon qui a su s’immiscer dans son quotidien et je ne doute pas qu’elle sait comment s’y prendre pour qu’il ne se lasse pas ; il n’y a qu’à écouter ses interrogations quant à la surprise qu’il lui prépare et pour laquelle je ne peux pas l’aiguiller. Je ne suis au courant de rien, ce n’est même pas un mensonge ; je ne suis sans doute pas assez importante pour que Damon puisse m’impliquer dans son idée – ou peut-être qu’il veut simplement oublier mon existence, compte tenu de notre autre connaissance commune. « Je te chariais. Mais ça me rend folle que Shiloh veuille rien me dire. » Je souris légèrement, amusée par l’impatience de mon amie, alors que je souligne : « Remarque, si c’est une surprise, tu ne peux pas lui en vouloir de jouer le jeu. » Je dis, en haussant doucement les épaules, ajoutant rapidement : « c’est si insupportable de rester dans l’ignorance ? » Je questionne, assez étonnée de son besoin d’avoir des détails. Peut-être parce que je suis une partisane des surprises malgré ce que je prétends. Je déteste ne pas avoir le contrôle, et en ce sens être tenue à distance est insupportable. Rares sont ceux qui se sont osés à me faire une surprise, mais elles ont toujours été réussies. Parce qu’ils me connaissent, parce que cela montre que je suis importante pour eux et c’est pour ça, que je les apprécie. Parce que pendant quelques heures, j’ai l’impression d’être digne d’être remarquée, si l’on a pris le temps de me cacher des choses pour mieux me faire plaisir.

Le serveur dépose nos verres devant nous et plutôt que d’entrer dans le vif d’un sujet que je désire aborder au plus vite autant que de l’ignorer encore un peu plus, je propose que l’on trique. Mais Megan est impatiente et s’essaie déjà à formuler des hypothèses, qui, à défaut de me détendre, m’énervent et me permettent de dériver l’objet de mon souci vers une autre personne que celle pour laquelle je suis venue à l’origine. J’ai voulu faire plaisir à Megan plus que de tendre la main à une inconnue lorsque j’ai mis sa sœur en contact avec Rose, et nos relations au travail me confirment que j’aurais dû y réfléchir à deux fois. « Ouais, je suis désolée pour ça. Aujourd’hui, je te demanderais pas le même coup de main, si ça te rassure. » Je pince les lèvres, quelque peu soulagée bien que ça ne change rien. Mais elle a au moins assez d’affection envers moi pour le regretter. « Tiens-toi à l’écart de ses emmerdes. » Et même pour me préserver, ce qui ne devrait pas me faire sourire ; alors j’essaie de réprimer celui-ci. « Je suis sérieuse : elle est capable de s’attirer une quantité de merde inimaginable sur le coin du nez, ça en devient presque un don. » Mais je fronce les sourcils. Si j’ai toujours supposé que Molly ne tournait pas qu’à la caféine, je n’ai jamais imaginé que cela puisse être autant de choses. Je sais que je suis bien mal placée pour juger, car si Molly a une addiction aux substances, la mienne est comportementale et cela me rend moins légitime à juger les attitudes des autres. Mais merde, va falloir que je sois d’autant plus vigilante. Mon frère est un addict, et je sais ce qu’ils sont capables de faire pour obtenir ce qu’ils veulent. « Ouais, merci, je ferai gaffe. » Je souligne, ajoutant rapidement : « nos contacts se limitent à nos échanges professionnels et j’aspirais déjà pas à plus avant que tu m’en parle, mais là, j’en suis encore plus convaincue. » Je suis sans doute fermée et critique envers les gens comme elle, mais je sais aussi que je suis bien trop influençable pour les laisser m’approcher de trop près.

Mais Molly ne sera pas le sujet de notre soirée, parce qu’elle m’exaspère sans doute autant qu’elle n’exaspère Megan et je n’ai aucune envie qu’on lui prête plus d’attention qu’elle ne le mérite. Non, je n’oublie pas la raison de ma venue et j’en profite pour porter un toast intéressé, me permettant aussi de me jeter sur ma boisson pour me donner du courage. Le sourire de Megan quand j’évoque son mari m’indique que je suis sur la bonne voie – et, au-delà de ça, bien sûr que ça me fait plaisir de la voir aussi heureuse. « Un peu plus de deux ans et demi, même. » Deux ans et demi. J’ai jamais eu une relation aussi longue, même si avec Angus, nous sommes officiellement à presque deux ans de relation. « On va certainement déménager. On cherche à acheter une maison. Un endroit parfait, pas trop loin de la ville, mais tranquille et paisible. Tu crois qu’on devrait faire appel à un acousticien ? » Je pince les lèvres, car même si je suis heureuse pour elle, je réalise une fois encore à quel point nous ne jouons pas dans la même catégorie. Megan va m’oublier, comme tous les autres, comme tous ceux qui parviennent à gravir des échelons alors que je reste au sol, peu intéressée par la perspective de m’élever. « Euh, je sais pas, c’est pas si important, si ? » De mon côté, j’aspire juste à un appartement qui aurait deux chambres – on a pas tous les mêmes ambitions. « C’est difficile de te répondre. Parce que c’est facile d’être avec quelqu’un comme lui. Je pensais pas qu’il en existait encore. » - « Si, ils existent, ils sont juste plus difficiles à trouver. » Je me suis cassée la figure dans mes anciennes relations avant d’être avec Angus. C’est facile. Ces termes résonnent en moi et je me demande si c’est facile d’être avec lui. Oui, bien sûr que oui, dès le moment où j’ai cessé de me voiler la face quant à ce que je ressentais pour lui et que nous avons pu mettre les choses au clair, je me suis sentie sereine. Je suis différente avec lui, mais pour le mieux. J’ai l’impression de m’autoriser à vivre, d’être insouciante et de profiter de l’instant présent. Mais est-ce que c’est facile pour moi d’être avec lui ? Pas toujours, pas alors qu’après cinq mois de relation, je dois admettre qu’il y a des étapes qu’il nous faut franchir et pour lesquelles je ne me sens pas prête, ce qui ne fait qu’accentuer mes craintes et mon anxiété. Ce n’est pas lui le problème, ça a toujours été moi et aujourd’hui plus que jamais. « On va renouveler nos vœux au printemps. C’est son idée, évidement. Je suis sûre que c’est autour de ça, la surprise. » -  « Oh wow, mais c’est génial ! » Je m’exclame, véritablement ravie pour elle. « J’imagine que tu as déjà une petite idée de cette journée ? » Je lui demande, curieuse. Je n’aspire pas à me marier, mais ça ne veut pas dire que je n’aime pas écouter le récit de son bonheur. « Comment t’as su que c’était le bon ? » Que j’ajoute, après un instant d’hésitation durant lequel j’ai porté mon verre à mes lèvres. À vrai dire, je connais déjà la réponse à cette question : c’est personnel. Et si on me la posait, j’aurais de nombreux arguments à apporter parce que ce n’est pas tant là-dessus que j’ai des doutes – bien au contraire, même.

@Megan Williams

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Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

« Remarque, si c’est une surprise, tu ne peux pas lui en vouloir de jouer le jeu. C’est si insupportable de rester dans l’ignorance ? » Je fronce le nez, agacée que Maisie n’abonde pas dans mon sens, habituée à ce qu’elle me caresse dans le sens du poil. « Non, c’est juste que Shiloh m’a jamais fait de cachoteries. » Ou plutôt, qu’elle ne s’est jamais opposée à moi et qu’elle le fasse aujourd’hui, même si c’est pour moi, même si c’est pour le bien de la surprise que Damon me prépare, m’agace un tantinet. Elle s’affirme, et je perds un peu de cette emprise que je n’exerce pas volontairement sur mon ami au caractère doux et facile, mais à laquelle je suis habituée. Croix de bras croix de fer, avec elle je ne l’ai jamais utilisée pour autre chose que pour la protéger et l’aider. « Non c’est… » Damon est adorable de préparer une surprise que j’imagine déjà d’une ampleur… Et bien d’une ampleur très Damonesque, mon époux étant spécialiste des actes romantiques en tout genre et des surprises au coût démesuré. Mais j’ai envie et besoin que ce soit parfait et, surtout, j’ai toujours détesté qu’on le fait de ne pas être au courant de tout sur tout. « Je sais que ce sera parfait. J’avais envie de savoir, c’est tout. » Je coupe court au début puisqu’il ne tourne pas en ma faveur, comme j’ai souvent tendance à le faire dans ce genre de cas de figure.

Molly est une épine dans le pied de Maisie et des autres employés du cinéma et je ne prétendrai même pas que je suis surprise, tant elle en a été une pour moi également. Elle est incontrôlable et rien dans son attitude n’est cohérent, que ce soit sa propension à l’auto-destruction ou celle à se présenter comme la grande victime de toute situation. Si c’était à refaire, je ne l’aurais pas mise dans les pattes de mon amie. « Ouais, merci, je ferai gaffe. Nos contacts se limitent à nos échanges professionnels et j’aspirais déjà pas à plus avant que tu m’en parle, mais là, j’en suis encore plus convaincue. » - « Tu fais bien. Elle est vraiment pas stable. » A moi, elle me semble même bonne à interner. Pour qu’elle agisse comme elle le fait, les psychiatres détecteraient forcément quelque chose qui est passé sous les radars jusque-là, c’est à mes yeux la seule explication plausible à son comportement.

« Si, ils existent, ils sont juste plus difficiles à trouver. » Je fronce les sourcils, surprise par la réponse de la brune que j’ai toujours entendu claironner qu’elle n’était pas intéressée par l’idée d’être en couple avec qui que ce soit, de trouver un homme qu’il soit gentil et doux – le prince charmant – ou son contraire. De la part de Shiloh, la réaction ne m’aurait pas interpellée, mais de la part de Maisie, cela me met la puce à l’oreille : il y a quelque chose que je ne sais pas. « C’est vrai. Damon m’est tombé dessus alors que je cherchais même pas à me caser avec qui que ce soit. » C’est aussi vrai que c’est faux sous certains aspects. Lorsque j’ai rencontré Damon et donc, que je me suis mise en couple avec lui aux yeux du reste du monde, cela a été une surprise pour toutes mes connaissances. Jamais je n’avais exprimé le désir de me poser et, tout d’un coup, voilà que j’étais fiancée. Sauf qu’il a fallu près d’un an et demi avant que nous ne formions réellement un couple, et pendant ce laps de temps, j’ai eu l’occasion de rêver à l’idée d’être avec lui un sacré paquet de fois. Je suis tombée sous son charme bien avant Bali et notre premier anniversaire de mariage. Mais ça, c’est une histoire qui n’appartient qu’à lui et moi. Ce que j’étale au reste du monde, c’est un bonheur depuis le premier jour et c’est ce que je fais à nouveau en lui confiant les dernières nouvelles. « Oh wow, mais c’est génial ! J’imagine que tu as déjà une petite idée de cette journée ? » - « Je suis pas sûre que ce sera une journée. L’an dernier pour notre anniversaire, il m’a emmenée quatre jours à Bali. » Donc pour cette année et pour renouveler nos vœux – à nos yeux, ce sera notre premier vrai mariage, mais encore une fois, cette partie là de la vérité nous appartient – je n’ose imaginer ce qu’il peut être en train de préparer. « Il prévoit surement de m’emmener quelque part, mais je sais pas où ni combien de temps. » Si nous le pouvions, j’aurais envie de partir un mois entier à ses côtés. « L’avantage c’est que d’ici fin novembre, le tournage du film devrait être quasiment terminé. » Toutes mes amies savent que je vais jouer le premier rôle dans l’un des films les plus attendus de l’année, je n’ai pas gardé cette bonne nouvelle pour moi, je l’ai au contraire crié sur tous les toits. « Comment t’as su que c’était le bon ? » Face à cette question, mon sourire s’agrandit. Mes yeux brillent d’un éclat à présent familier, mais il me faut quelques secondes de réflexion pour arriver à trouver les bons mots pour décrire ces sentiments que je n’avais jamais ressentis avant Damon. « Je saurais pas te dire quand je l’ai su exactement. » Et c’est l’entière vérité. J’ai réalisé un jour à quel point j’étais bien à ses côtés, à quel point je me sentais aimée et si mes sentiments l’ont été, la prise de conscience elle n’a pas été progressive. « Il me voit moi. Telle que je suis réellement, et pas juste à quoi je ressemble. » Il m’a confié que j’étais la plus belle au monde à ses yeux, mais que cela n’aurait pas suffit s’il n’avait pas aimé mon cœur et celle que je suis avec lui. Je n’entrerai pas dans les détails intimes de cette conversation, mais je peux au moins lui donner quelques miettes. « Il n’est pas tombé amoureux de moi parce que je suis belle. Il se projette avec moi et je me sens en sécurité avec lui. » Et dans tout ce qu’a pu me dire le jeune homme, ce sont ces choses là qui m’ont le plus touchée. « Je pourrais te dire qu’il est doux, généreux et aimant parce que c’est la vérité. Et je l’aime aussi pour ça, mais ce qui m’a fait tomber amoureuse de lui, c’est qu’il me voit. » Pour ce que je suis. Je réalise que mes joues ont pris une jolie teinte rosée, et je secoue la tête pour me redonner de la contenance. « Pourquoi ça t’intéresse ? Tu m’avais jamais posé de question sur mon marriage. » Et ça aussi ça réveille ma curiosité et une certaine forme de méfiance : Maisie ne me dit pas tout.

« Non, c’est juste que Shiloh m’a jamais fait de cachoteries. » -  « Il faut un début à tout. » Je m’amuse un instant avec un clin d’œil, m’évitant de glisser sur ce terrain à tenter de défendre Shiloh alors que l’opinion de Megan sur toute cette question est bien arrêtée. Elle veut savoir ; elle ne démordra sûrement pas malgré ce qu’elle peut me laisser croire. « Non c’est… » Je reste pendue à ses lèvres dans l’attente de la fin de sa phrase, lorsqu’elle reprend la parole pour préciser : « Je sais que ce sera parfait. J’avais envie de savoir, c’est tout. » Je lui dirais bien d’être courageuse, de tenir le coup, mais je sais que Megan est impatiente et je n’ai pas envie de lui offrir des conseils clichés qui sauraient l’agacer. Pas avec Megan, pas alors que j’ai cruellement besoin d’elle, ainsi je me contente de hocher doucement la tête et de pincer les lèvres, ne renchérissant pas sur un débat où j’aurai tort quoi qu’il advienne. Et même si je me réjouis pour elle quant à cette surprise qui se prépare, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Pour une fois au cours d’une de nos rencontres, ce n’est pas Megan qui m’intéresse. Du moins, ce n’est pas que Megan qui m’intéresse, et même si j’ai besoin de son avis, il y a une partie de moi qui veut se mettre en avant, qui veut aussi se vanter du développement d’une vie sentimentale qu’elle a toujours connue comme pitoyable. Pour cela, il faut également passer sur un autre sujet que je n’ai guère envie d’aborder – encore moins que Damon – c’est-à-dire Molly, l’insupportable sœur de mon amie. J’ai voulu lui rendre une faveur, entrer dans ses bonnes grâces pour qu’elle me remarque et ne m’oublie jamais, et maintenant, je me retrouve au milieu d’une guerre familiale dont je serai un dommage collatéral, parce que Molly sera toujours associée à mon aide, d’une façon ou d’une autre. Parce que je la connais, et quand la patience de Megan sera arrivée à épuisement, quand elle ne voudra même plus reconnaître l’existence de cette sœur, je l’y ramènerai toujours. « Tu fais bien. Elle est vraiment pas stable. » Et si j’apprécie ses avertissements, le fait est qu’ils m’inquiètent aussi, en réalisant à quel point j’ignore tout de Molly, et des dégâts qu’elle pourrait causer au cinéma de par son instabilité – pas mes mots, ceux de Megan.

Et quand je réoriente la discussion sur Damon, c’est de façon maîtrisée cette fois-ci, avec des attentes. Je ne la manipule pas, je ne sais seulement pas être direct et la voir exposer son bonheur me paraît une bonne ouverture pour évoquer le mien et, par extension, les craintes qui l’accompagnent. « C’est vrai. Damon m’est tombé dessus alors que je cherchais même pas à me caser avec qui que ce soit. » Je ne l’ai jamais vraiment questionnée sur sa relation avec le jeune homme et je réalise qu’il y a de nombreux aspects qui me sont inconnus ; à commencer par le contexte de leur rencontre. Dans d’autres circonstances, je n’aurais pas manqué de lui poser des dizaines de questions, grattant jusqu’à la dernière anecdote quant à leur vie de couple qui semble sincèrement épanouie. Aujourd’hui, ms intentions sont ailleurs et je me contente de rebondir sur le renouvellement de leurs vœux. « Je suis pas sûre que ce sera une journée. L’an dernier pour notre anniversaire, il m’a emmenée quatre jours à Bali. » Je suis surprise, alors que ça ne devrait pas m’étonner. Megan a toujours eu le goût des belles choses et le projet n’a rien d’étonnant, dans le fond. « Il prévoit surement de m’emmener quelque part, mais je sais pas où ni combien de temps. » - « J’ai presque pensé qu’il serait difficile de faire mieux, mais je doute pas qu’il va réussir à se surpasser. » Je souligne, avec un sourire amusé. Ce n’est pas quelque chose qui me vend du rêve, mais si cela fonctionne pour Megan, qu’elle en profite. « Dans tous les cas, j’exige des photos et un résumé détaillé. » Je lui annonce, sans possibilités de négocier. « L’avantage c’est que d’ici fin novembre, le tournage du film devrait être quasiment terminé. » J’aurais voulu oublier ce détail, mais Megan me le rappelle. Pas que je ne sois pas heureuse de cette opportunité, mais... j’ai l’impression que tous mes proches se font une place dans la lumière. Aiden, Megan, Jo ; et moi je reste désespérément dans l’ombre. Je n’aime pas être sur le devant de la scène, c’est un fait. Mais parfois, j’aimerais savoir, moi aussi, ce que ça fait d’être important. « Et comment ça se passe, d’ailleurs, le tournage ? » Je lui demande, même si je ne doute pas que tout se déroule à merveille, à en croire son engouement lié à ce projet.

Je reporte mon cocktail à mes lèvres, avant de lui poser une nouvelle question sur son couple, et mon sourire se claque sur le sien qui s’élargit. « Je saurais pas te dire quand je l’ai su exactement. » Ce n’est pas ce qui m’intéresse de toute évidence, puisque de mon côté j’en suis déjà persuadée. « Il me voit moi. Telle que je suis réellement, et pas juste à quoi je ressemble. » Ces mots résonnent en moi, et au-delà de ça, j’ai en mémoire la façon dont les hommes ne trouvaient pas grâce à ses yeux – ou la larguaient comme une vieille chaussette, bravo Aiden. Damon a changé la donne et elle a l’air différente, Megan, depuis qu’elle le connait. Je ne sais pas si je peux dire plus épanouie, mais... plus sincère, j’imagine. Plus vraie, aussi.  « Il n’est pas tombé amoureux de moi parce que je suis belle. Il se projette avec moi et je me sens en sécurité avec lui. » Et j’imagine qu’elle a dû avoir de belles désillusions, Megan, avec son physique. Les hommes intéressés par celui-ci, et non par ce qu’elle avait à offrir ; alors je suis réellement heureuse qu’elle puisse désormais compter sur Damon. « Je pourrais te dire qu’il est doux, généreux et aimant parce que c’est la vérité. Et je l’aime aussi pour ça, mais ce qui m’a fait tomber amoureuse de lui, c’est qu’il me voit. » - « Tu m’étonnes, que vous renouveliez vos vœux. » Je lui dis, avec un large sourire. « C’est tellement évident, quand on t’entend parler de lui. » Elle a les yeux qui brillent, elle a sûrement tout le reste aussi ; le cœur qui s’accélère, les papillons dans le ventre. « Pourquoi ça t’intéresse ? Tu m’avais jamais posé de question sur mon mariage. » Et mon sourire s’estompe quelque peu alors que je sens ma poitrine se serrer, incapable de savoir comment aborder les choses. « Pardon, je voulais pas être trop curieuse. » Mais elle n’est pas au bout de ses surprises, en réalité. Je reporte mon cocktail à mes lèvres, me donnant un instant pour remettre de l’ordre dans mes pensées, sans pour autant y parvenir. « Je suis avec quelqu’un, en fait. » Autant dire les choses comme elles sont, surtout que je suis loin d’en avoir honte. C’est de mon manque d’expérience dont je suis gênée. « Et... enfin, c’est juste que ça fait longtemps que ça m’est pas arrivé, et juste... j’ai l’impression de tout réapprendre. » Je tente d’expliquer, m’accrochant à mon verre que je me retiens de descendre d’une traite. « J’ai aucun doute sur le fait d’être bien avec lui. D’être vraiment bien avec lui, mais enfin... » Je ris nerveusement. Putain, j’ai l’air ridicule. « J’ai l’impression de pas savoir comment m’y prendre, quoi. J’ai passé l’étape des rencards, mais, genre, pour le reste, les week-ends ensemble, comment dire ce qu’on ressent et euh, enfin, le reste, tu vois, je suis... » Pas à l’aise ? Paumée ? Inexpérimentée ? Vierge ? « Rouillée. » J’explique, avec un nouveau rire que je crois maîtriser, baissant le regard pour reporter mon attention sur mon mojito que je reporte rapidement à mes lèvres.

@Megan Williams

the only thing you let hold you
Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

« Et comment ça se passe, d’ailleurs, le tournage ? » Je grimace un instant, avant de hausser les épaules. « Plutôt bien, compte tenu de… Du contexte. » Si Maisie ignore tout du lien qui me relie au réalisateur, elle n’ignore pas que le casting du film compte Aiden, puisqu’il a été rendu public il y a plusieurs semaines déjà. « On a pas tant de scènes ensemble que ça, Aiden et moi, et de l'eau a coulé sous les ponts. » C’est vrai. En posant mes yeux sur l’acteur pour la première fois un peu plus tôt cet hiver, je n’ai pas ressenti d’aigreur ou d’amertume. Je n’ai pas ressenti grand chose, en fait. « Sa copine actuelle joue dans le film aussi. Une blonde pulpeuse, de grands yeux bleus et de longs cheveux blonds. On se ressemble tant qu’on pourrait être des soeurs, c’est d’ailleurs ce qu’elle joue, ma soeur.  » Et si je ne ressens pas la moindre jalousie au sujet de la relation qu’entretient Aiden avec Mabel Griffiths, le parallèle n’en reste pas moins amusant. « Mais ça se passe bien. » Je le répète, c’est promis. « Pas de scandale à l’horizon. » Je lui adresse un clin d’œil avant de porter mon verre à mes lèvres.

Me retrouver à parler de Damon et de mon mariage avec Maisie est surprenant, mais ce n’est pas désagréable pour autant. Il n’est pas un tabou que je me répugne à évoquer. Si nous n’en parlons pas plus souvent que ça, elle et moi, c’est parce que je n’ai jamais eu l’impression que le sujet l’intéressait plus que ça. Du reste, j’adore de mon côté lorsque j’ai l’occasion de conter à quel point l’Italien est merveilleux. Autrefois, avant que nous ne devenions un vrai couple, je détestais devoir jouer la comédie et cela a certainement surpris plus d’une de mes amies, de me voir parler si peu de mon bonheur conjugal mais, aujourd’hui, je le fais dès que j’en ai l’occasion. « Tu m’étonnes, que vous renouveliez vos vœux. C’est tellement évident, quand on t’entend parler de lui. » J’esquisse un sourire et mes joues rosissent. Évident, cela ne l’a pas toujours été mais, aujourd’hui, les raisons pour lesquelles je ressens bien plus que de l’attachement pour Damon sont nombreuses. « Oui. C’est pour ça qu’on s’est mariés vite. Nos proches ont pas compris où était l’urgence mais ça n’a rien à voir, c’est juste qu’on était sûrs. » De vouloir l’un et l’autre se projeter et imaginer un futur à deux. Ce n’était pas le cas à l’époque, mais ça l’est à présent, c’est tout ce qui compte. « Pardon, je voulais pas être trop curieuse.  » Elle n’a pas besoin de présenter d'excuses, c’est simplement moi qu’elle rend curieuse. Je me demande ce qui motive cet intérêt soudain pour un pan de ma vie - et de la vie de façon générale, je n’ai jamais eu la sensation qu’elle était portée sur les relations amoureuses - qui n’a jamais suscité le moindre intérêt de sa part. « Je suis avec quelqu’un, en fait. » Mes lèvres forment un “O” étonné. Depuis que je connais Maisie, c’est bien la première fois qu’elle me déclare ce genre de chose. J’en avais déduis de mon côté qu’elle faisait partie de ces femmes qui finiront vieilles filles. « Et... enfin, c’est juste que ça fait longtemps que ça m’est pas arrivé, et juste... j’ai l’impression de tout réapprendre. » Je lève un sourcil et esquisse un sourire aussi espiègle que étonné. « Ré-apprendre ? » Il est clair pour moi que, sans le cas de Maisie, il s’agit d’apprendre. A-t-elle oublié que j’ai eu l’occasion d’observer à plusieurs reprises à quel point elle est mal à l’aise avec la gent masculine ?

« J’ai aucun doute sur le fait d’être bien avec lui. D’être vraiment bien avec lui, mais enfin... » Quel est le problème donc ? A-t-elle peur de ne pas savoir comment s’y prendre ? De lui sembler ridicule parce qu’à son âge, elle est relativement inexpérimentée ? « J’ai l’impression de pas savoir comment m’y prendre, quoi. J’ai passé l’étape des rencards, mais, genre, pour le reste, les week-ends ensemble, comment dire ce qu’on ressent et euh, enfin, le reste, tu vois, je suis… Rouillée. » Je n’ai pas besoin d’avoir un doctorat en astrophysique pour comprendre ce qu’elle appelle le reste. Il m’a toujours semblé évident qu’en termes d’intimité, Maisie est semblable à une petite fille ou, au mieux, une jeune adolescente qui se perd dans ce genre de chose. « Et tu t’es dit que j’étais la bonne personne parce que “le reste” -  » Je mime des guillemets avec mes doigts. « Ça me connaît ? » D’une moue boudeuse, je prétends être vexée l’espace d’un instant avant d’éclater de rire et de secouer la tête. « Tu es rouillée ou tu es totalement inexpérimentée ? » Je mets les deux pieds dans le plat sans la moindre délicatesse. « Non parce que, de toute façon, je suis déjà à peu près persuadée que tu l’as jamais fait, alors tu peux me le dire. » Et pour ce que ça vaut, les conseils que je pourrais lui donner dans un cas comme dans l’autre sont radicalement différents. « Qu’est ce qui te fais peur ? » Elle ne serait pas là si ce n’était pas ce qu’elle ressentait. « Tu veux savoir quoi exactement ? » Parce que le sujet est vaste et que je n’ai pas la moindre idée de par où commencer.

« Plutôt bien, compte tenu de… Du contexte. » Je pince les lèvres, mal à l’aise. Ce n’est pas que sa vie ne m’intéresse pas – je crois même avoir démontré depuis le temps qu’elle était bien plus digne d’intérêt que la mienne – c’est justement le contexte qui provoque mon malaise. Je n’arrive pas à totalement ravaler ma jalousie quant au fait que Megan a décroché l’opportunité d’une vie malgré son inexpérience, et je n’arrive pas à me défaire de cette impression que le monde qui entoure mes proches n’est pas celui dans lequel je suis en droit d’évoluer. Et il y a Aiden. Bien sûr qu’il y a Aiden, la raison derrière nos brèves tensions, quand j’étais incapable de prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Ce n’est pas l’unique problème concernant le jeune homme ; il y a aussi le seul fait que c’est par le biais de Megan que je suis mise au courant de ce qu’il se passe sur le plateau, signe que notre amitié demeure encore fragile malgré tous les efforts qu’on y apporte pour tenter de la réparer et la rendre aussi solide qu’elle ne l’était autrefois. « On a pas tant de scènes ensemble que ça, Aiden et moi, et de l'eau a coulé sous les ponts. » Je suis au moins heureuse d’apprendre que je ne risque plus d’être prise entre eux. « Sa copine actuelle joue dans le film aussi. Une blonde pulpeuse, de grands yeux bleus et de longs cheveux blonds. On se ressemble tant qu’on pourrait être des soeurs, c’est d’ailleurs ce qu’elle joue, ma soeur. » - « Et ça va, c’est pas… bizarre ? » Que je lui demande, avec une moue dubitative. J’ai eu vent de sa relation, plus par la presse que par le principal intéressé et je n’ai aucun avis sur celle-ci (ou plutôt, aucun qui ne serait vraiment légitime de verbaliser), alors je me contente de rester silencieuse sur ce point-là, tandis que Megan semble avoir anticipé ma question. « Mais ça se passe bien. » À cette confirmation, un sourire se dessine sur mes lèvres, tandis qu’elle ajoute : « Pas de scandale à l’horizon » et que j’admets que « ravie de l’entendre. » C’est au moins un souci en moins.

De toute évidence, Megan ne ment pas et de l’eau a effectivement coulé sous les ponts alors qu’elle semble particulièrement heureuse avec Damon. Le sujet de son mariage n’a jamais vraiment trop été abordé, autant parce que celui-ci m’a surpris que parce qu’on n’est sans doute pas assez proches pour que je prenne le risque de l’interroger quant à la manière dont les choses se sont faites. Et, à l’époque, elle n’en parlait pas beaucoup, comme si elle-même était étonnée de la rapidité avec laquelle ils ont scellé leur amour. Plus récemment, j’ai surtout découvert que Damon et moi avions plus en commun que Megan peut le croire, ce que je me garde bien de mettre sur le tapis. Quoi qu’il en soit, je suis finalement assez surprise que le sujet n’ait pas été évoqué plus longuement par le passé, quand on l’entend parler de Damon ; elle est mordue, et ça se voit. « Oui. C’est pour ça qu’on s’est mariés vite. Nos proches ont pas compris où était l’urgence mais ça n’a rien à voir, c’est juste qu’on était sûrs. » Nos proches, dont je ne fais pas partie, et j’ignore pourquoi ce rappel me heurte autant alors que ce n’est finalement que la vérité. « Et finalement, c’est bien ce que vous, vous voulez, qui compte et qui l’emporte sur le reste. » Je lui confirme, une forme de soutien qu’elle ne m’a jamais demandé, mais que je tiens à lui offrir. Et je sais, c’en est ironique en sachant comment je me positionne par rapport à tout ça. Ce que je veux ne l’emporte pas sur le reste, en réalité. Ou du moins, c’est beaucoup plus complexe que ça.

Je ne cherche pas à lui faire de cachotteries quand elle se surprend de mon interrogatoire, lui révélant, avec une certaine fierté même, que je ne suis plus la célibataire désespérée qu’elle a traîné dans des bars à de nombreuses occasions dans l’espoir de changer ce statut. J’ai trouvé quelqu’un, quelqu’un avec qui je suis vraiment bien, quelqu’un qui brise peu à peu la barrière de mes craintes, sans me forcer, sans me donner l’impression que je lui dois autre chose que ce que je suis prête à lui offrir. Surtout, j’ai trouvé quelqu’un sans son aide, par moi-même, avec ma froideur et ma distance, et ce n’est pas anodin. J’ai peut-être envie de fanfaronner un peu, même si je perds contenance devant sa mine surprise qui ne fait que confirmer que tout ceci est bien trop surprenant de ma part et que pour cette raison, ça va bien finir par se casser la gueule. « Ré-apprendre ? » - « C’est pas mon premier copain, tu sais. » Non, elle ne le sait pas, parce qu’on en a rarement discuté. Elle m’a toujours vue célibataire et à raison, ma dernière relation remonte au lycée, il y a plus de quatre ans et ce n’est pas vraiment glorieux. Je ne peux même pas me vanter d’avoir eu des flirts ci et là ; non, je suis restée résolument seule durant toutes ces années. Alors j’évite de m’épancher sur la question, d’autant que je parviens à rassembler suffisamment de courage pour lui faire part du fond du problème. « Et tu t’es dit que j’étais la bonne personne parce que “le reste” (…) Ça me connaît ? » Présenté ainsi, je ne fais plus la fière alors que je cache mon visage entre mes mains durant un instant. « Non, non, je- pas du... » Elle rit et ça m’aide à me détendre alors que je glisse mes mains sur la table et que je lève les yeux au ciel, un sourire mi-amusé, mi-gêné sur les lèvres. Inutile de mentir, en vérité ; oui, je me suis adressée à elle parce que dans le domaine qui concerne le reste, elle m’a l’air particulièrement au clair. « Tu es rouillée ou tu es totalement inexpérimentée ? » - « Quoi ? Non ! » Je m’offusque, une légère grimace sur les lèvres, tout aussi vexée qu’elle il y a quelques secondes – faisant tout aussi semblant qu’elle, surtout. « Non parce que, de toute façon, je suis déjà à peu près persuadée que tu l’as jamais fait, alors tu peux me le dire. » Je pensais réussir à donner le change, mais j’oublie que Megan m’a vue à l’œuvre et que je n’ai pas brillé par mes exploits. « C’est pas si grave… si ? » Je lui demande en passant de son regard à mon verre, pour ignorer le jugement dont elle doit probablement faire preuve. J’ai vingt-deux ans, je suis toujours vierge et ce n’est pas le genre de détails dont j’aime me vanter dans une société qui est particulièrement penchée sur le sexe. « Qu’est ce qui te fais peur ? » Alors, lui expliquer que c’est tout qui me fait peur ; c’est encore plus compliqué, parce que je sais très bien à quel point mon opinion sur la chose peut paraître anormale pour une fille de mon âge. Je devrais avoir les hormones en ébullition et même si ça commence à être le cas, je sais bien que mon fonctionnement est différent de celui des autres. « Tu veux savoir quoi exactement ? » Là-aussi, la réponse est tout. Je suis pas une enfant non plus, mais j’imagine que malgré l’immensité d’internet, c’est l’aspect théorique ; j’ai besoin de quelqu’un qui me confrontera réellement à ce qui peut se passer en pratique. « Pas grand-chose, en fait. » Sauf que je ne veux pas passer pour une effarouchée à ses yeux, j’ai déjà bien vu sa réaction et il ne manquerait plus que je lui donne des éléments pour qu’elle puisse s’amuser de la pauvre Maisie qui n’a jamais vu un pénis autrement qu’à travers des films bien peu éducatifs. « Enfin, c’est juste que… euh, je sais qu’il est plus expérimenté que moi et juste… t’as pas eu peur avec Damon ? » Je débute, parce que c’est beaucoup plus facile de lui faire parler de sa propre situation, aussi intime soit-elle, que de m’épancher sur mon inexpérience. « J’veux dire, que vous soyez pas sur la même longueur d’onde ou juste… pas au même niveau, et que… » Je soupire lourdement, incapable de formuler les choses, finissant par fermer les yeux un instant. « Pardon, c’est sûrement pas une bonne idée et c’est super gênant de te demander tout ça. » Je finis par m’excuser, car si nous sommes amies, elle n’a sûrement pas signé pour être ma sexologue personnelle. « J’ai juste peur de pas être à la hauteur et de le décevoir. » Je finis par admettre en haussant les épaules. Ouais, c’est bien plus facile de lui en parler ainsi, elle me servira un discours selon lequel il n’y a pas de raison d’avoir peur, qu’on est tous passé par là, et je pourrai prétendre l’avoir enregistré avant de clore un chapitre que je n’aurais jamais dû ouvrir.

@Megan Williams

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Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

« C’est pas mon premier copain, tu sais. » Je ne serais peut-être pas allée jusque-là dans mes supposition – quoi que, cela n’aurait rien de surprenant à mes yeux pour autant – mais j’ai forgé avec le temps une image de Maisie qui me pousse à croire qu’il s’agit de l’une des premières fois qui soit sérieuse à ses yeux. Aux miens, la petite brune a tout d’une sainte nitouche. A chaque fois que j’ai tenté de la pousser dans les bras d’un homme, elle s’est refermée comme une huître et il ne m’a pas fallu longtemps pour lui coller une étiquette sur le front. Si je n’irai pas jusqu’à penser qu’elle est frigide, je n’en suis pas loin et la considérais jusque-là comme une cause perdue, une vieille fille en puissance. « Mais ça reste la première fois pour d’autres choses, non ? » Si j’instille assez d’innocence et de mutinerie dans mon ton pour me faire passer pour une sainte, cela ne change pas la nature de ce que je suis en train de sous-entendre. Je soupçonne Maisie d’être vierge et n’en démordrai pas, elle m’a assez montré qu’elle était prompte à paniquer dès qu’elle était abordée par un homme pour que j’en tire ce genre de conclusion et que j’y crois dur comme fer.

« Non, non, je- pas du... »
« Je plaisante Maisie, souffle un bon coup. Puis c’est vrai que si on compare à toi, j’ai de l’expérience. »

Je ne suis pas une trainée, mais je n’ai rien d’une sainte non plus et avoir entretenu une liaison avec un homme autrement plus expérimenté a… étendu mes horizons, à ce niveau-là. Je me targue d’être un amante dévouée, attentive au plaisir de l’autre et rudement efficace, même si je ne l’avouerai pas en ce mots. « Quoi ? Non ! » - « Oh c’est bon, arrête, c’est moi, on est entre nous. » Je lui force la main dans le but d’obtenir un aveu sans même en rougir. Je me moque de la mettre mal à l’aise, la seule chose qui compte à cet instant c’est de prouver que j’ai raison. « C’est pas si grave… si ? » - « C’est… » Je n’ai pas envie de minimiser une chose qui, selon ma conception du monde, est préoccupante. Je n’irai pas jusqu’à prétendre que tout est perdu pour elle – elle reste relativement jeune – mais je sais qu’à sa place, je serais alarmée par ma condition. « C’est le moment de te jeter à l’eau ? » J’esquisse un sourire qui se veut rassurant, satisfaite par l’entre-deux que j’ai trouvé entre ce que je pense réellement et mon envie de ne pas lui sembler trop brusque. Je n’ai jamais eu à cœur de la blesser volontairement Maisie, toute la nuance repose dans ce mot.

« Pas grand-chose, en fait. » Je m’appuie un peu plus dans mon fauteuil, prête à lui partager ma science. C’est la pire des idées qu’elle aurait pu avoir, de toute évidence, mais hé, c’est elle qui a demandé, non ? Moi ce que j’en dis, c’est qu’il risque d’y avoir du travail. « Enfin, c’est juste que… euh, je sais qu’il est plus expérimenté que moi et juste… t’as pas eu peur avec Damon ? » Je fronce les sourcils et j’esquisse un sourire mi-figue mi-raisin. « Peur qu’il soit plus expérimenté que moi ? » Pour cela, il aurait fallu que le jeune homme soit l’un de mes premiers partenaires sexuels et ce n’était pas le cas. J’ai ressenti une immense vague d’appréhension, la première fois que l’Italien m’a embrassée pour de vrai et qu’il m’a porté jusqu’à ce lit couvert de pétales de rose à Bali, mais elle était due au fait que j’attendais ça depuis des mois. « J’veux dire, que vous soyez pas sur la même longueur d’onde ou juste… pas au même niveau, et que… » La brune mélange ses mots, s’empourpre d’une façon adorable et, bien décidé à la laisser se débrouiller avant d’intervenir, je l’observe en faisant tourner mon verre de vin entre mes doigts. « Pardon, c’est sûrement pas une bonne idée et c’est super gênant de te demander tout ça. J’ai juste peur de pas être à la hauteur et de le décevoir. » - « Déjà, faut que t’arrête d’être mal à l’aise à l’idée d’évoquer le sexe. Je suis sérieuse, t’as vingt-deux ans, pas quinze. » Aoutch. Mais en même temps, comment pourrait-elle réussir à dissimuler son manque d’expérience si elle rougit simplement à l’idée d’évoquer le sujet ? « Damon et moi, c’était notre première fois ni à l’un ni à l’autre, et c’était… C’était indescriptible, parce qu’on se plaisait tous les deux beaucoup, et qu’on avait tous les deux l’impression de s’être tourné autour pendant des mois alors que ça faisait que quelques jours. » J’essaie de calquer à ma réalité, tout en collant également à mes mensonges. Cela faisait des mois dans les fais, mais une relation naissante ne peut-elle pas non plus provoquer ce genre de sentiment ? « Si c’est ta première fois, ça sera certainement loin d’être agréable, mais faut absolument que t’essaie de te détendre et de pas te crisper, sinon ce sera pire, et pas génial pour lui non plus. » Et à mes yeux, la priorité étant toujours de satisfaire mon partenaire, il n’est guère surprenant que je me concentre là-dessus. « Pourquoi tu lui demanderais pas ce qu’il aime ? C’est la meilleure façon de paraître attentive à lui en te renseignant en même temps, non ? » Je fronce les sourcils, plisse les lèvres avant d’ajouter. « Faut que t’arrive à sauter le pas et te débarrasser de la première fois, c’est pas si terrible que ça, je te jure. » Moi, je ne me souviens plus de la mienne que dans les grandes lignes. « C’est important pour les hommes, d’avoir ce genre de connexion intime. Si tu le fais attendre pendant des siècles, il va penser qu’il y a un problème. »
 

Spoiler:

« Mais ça reste la première fois pour d’autres choses, non ? » De toutes mes forces, j’essaie de soutenir son regard. Le baisser, la fuir, serait un aveu dont, en réalité, elle doit déjà se douter. C’est facile auprès de mes amis soit parce qu’ils sont au courant, soit parce que j’ai appris à vanter mes « exploits » de manière ponctuelle et modérée pour que le doute ne soit plus permis. Ils me cataloguent comme une fille timide, et pas comme une vierge, une distinction qui me convient très bien. J’ai honte de me proclamer féministe considérant la honte que je ressens à chaque fois que quelqu’un se permet de pointer mon état du doigt comme le fait présentement Megan. Je me sens stupide de le prendre comme une insulte alors que c’est loin d’en être une ; c’est la société qui me fait croire que c’est le cas. Ce sont les gens comme Megan, aussi, qui s’esclaffent comme s’ils tenaient leur meilleur scoop, ou mieux encore, la blague de l’année. Mais ce sont aussi les gens comme Megan qui ont le pouvoir sur les autres, sur moi, consciente que notre amitié me permet de lui demander des conseils, mais que notre (manque de) proximité est supposée me permettre de ne pas être totalement assaillie par la honte. « Oh c’est bon, arrête, c’est moi, on est entre nous. » Oui, sauf que ça commence toujours ainsi. Promis, c’est entre nous ; puis, c’est entre nous et un autre, deux autres, et avant même que je le sache le concept de ma virginité s’est déjà répandue comme une honteuse rumeur à laquelle je peine à faire face. Et quand je finis par avouer à demi-mot que c’est bien le cas, considérant que ce n’est pas si grave, considérant surtout que c’est la réponse que j’aimerais qu’elle m’offre, son silence me fait baisser la tête, embarrassée. « C’est… » - « La honte, ouais, je sais. » Que je termine pour elle, tentant vainement de reprendre le contrôle sur une situation qui m’humilie en étant la première à le souligner ; ça fait moins mal. « L’occasion s’est jamais vraiment présentée pour… plein de raisons. Et ça a traîné et maintenant, j’en suis encore plus gênée, et ça me bloque d’autant plus. » C’en devient un vrai problème. « C’est le moment de te jeter à l’eau ? » Le sourire qu’elle m’offre tend à être efficace, me rassurant suffisamment pour que je tente, à mon tour, d’étirer légèrement mes lèvres. C’est le moment, oui. C’est une façon plus courtoise de dire que je suis une cause perdue, et rien que pour ça, je l’en remercie. Elle a sans doute raison. C’est le moment. Peu importe comment je le ressens, il faut que je me jette à l’eau avant qu’il soit trop tard, avant que cette appréhension devienne une réelle peur. Il faut que je corrige le tir, il faut que j’apprenne à être normale, et à défaut de pouvoir changer les mentalités sur ces questions, le changement de mon statut me permettra au moins de les éviter.

Sa réaction me fait comprendre qu’elle est loin de se poser les mêmes questions que moi. Ça semble si normal pour elle, si… naturel, comme ça devrait l’être pour moi. C’est bien le terme qu’on utilise à tort et à travers pour promouvoir le sexe, n’est-ce pas ? C’est naturel. Chaque être humain a ce besoin et se doit de le respecter. « Peur qu’il soit plus expérimenté que moi ? » Je secoue la tête, même si d’eux deux, je n’arrive pas à savoir lequel a la plus longue liste de conquêtes. J’en connais au moins deux sur la liste de Damon, notamment parce qu’on s’en partage une, c’est hilarant. Tiens, il y a déjà ça à prendre en considération, si ça se trouve, Angus préfère coucher avec des hommes et rien que pour ça, je vais être terriblement décevante. « Déjà, faut que t’arrête d’être mal à l’aise à l’idée d’évoquer le sexe. Je suis sérieuse, t’as vingt-deux ans, pas quinze. » Je secoue la tête et me mord la lèvre comme une enfant réprimandée. C’est exactement ce que je suis, n’est-ce pas ? Mais Megan ne comprend pas ; elle est à l’aise avec le sujet, elle est à l’aise avec son corps et reconnaît sa puissance et sa beauté, une étape que je suis loin d’avoir acquise. Et elle ne se force pas pour cadrer à une idée bien trop ancrée pour être discutée. Être mal à l’aise avec le sexe, c’est dérangeant, c’est intolérable. « Damon et moi, c’était notre première fois ni à l’un ni à l’autre, et c’était… C’était indescriptible, parce qu’on se plaisait tous les deux beaucoup, et qu’on avait tous les deux l’impression de s’être tourné autour pendant des mois alors que ça faisait que quelques jours. » - « Mais comment t’as su ? Que tu pouvais sauter le pas avec lui, avoir confiance et être suffisamment à l’aise avec lui ? » Quelques jours. Megan arrive à coucher avec quelqu’un alors que ça ne fait que quelques jours qu’elle connaît cette personne. Je ne juge pas, non, au contraire, je suis… envieuse. J’aimerais avoir cette confiance en moi, ce désir ardant de m’en ficher des conventions pour faire ce dont moi, j’ai envie. Même si ça ne s’exprimerait certainement pas de la même façon. « Si c’est ta première fois, ça sera certainement loin d’être agréable, mais faut absolument que t’essaie de te détendre et de pas te crisper, sinon ce sera pire, et pas génial pour lui non plus. » De mieux en mieux. Déjà qu’Angus va se retrouver à devoir toucher un corps marqué ci et là par les privations que je lui ai fait subir et les conséquences qui vont avec, il va falloir en plus que j’assume son regard sur moi en étant détendue, sans quoi il ne prendra pas de plaisir. Pas de pression, surtout pas. « Pourquoi tu lui demanderais pas ce qu’il aime ? C’est la meilleure façon de paraître attentive à lui en te renseignant en même temps, non ? » - « Tu l’as dit toi-même, j’ai l’air d’avoir quinze ans quand je parle de sexe. C’est pas que je veux pas savoir ce qu’il aime, au contraire, j’aimerais faire les choses bien, mais je sens que je vais rendre le tout terriblement malaisant et pas du tout sexy. J’suis pas sexy. » Je suis mignonne, à la rigueur, mais jamais attirante, sexy, sensuelle ou aguichante. C’est déjà un mauvais départ. D’autant que les pratiques sexuelles que je connais se limitent à en entendre parler par le biais des autres et à me renseigner sur internet. Personne ne t’apprend à faire une bonne fellation, ça paraît inné ; alors vas-y pour aborder le sujet quand tu sais pas comment t’y prendre. Rien que d’y penser, je sens déjà que je rougis et je porte mon verre à mes lèvres pour me donner encore un peu plus de courage. Ça va être une catastrophe et Angus va rompre dans la foulée. « Faut que t’arrive à sauter le pas et te débarrasser de la première fois, c’est pas si terrible que ça, je te jure. C’est important pour les hommes, d’avoir ce genre de connexion intime. Si tu le fais attendre pendant des siècles, il va penser qu’il y a un problème. » - « Oh, ça va, c'est une légende urbaine, ils sont pas tous si accro... si ? » Je soupire doucement, reporte mon verre à mes lèvres. J’ose pas lui dire depuis combien de temps je le fais attendre. Ça fait des mois, il doit déjà être en train de penser qu’il y a un problème. J’ai pas envie de le perdre, et même si je sais qu’il pourrait attendre, parce que c’est ce qu’il fait et qu’à aucun moment j’ai eu l’impression d’avoir la pression, elle est toutefois présente, celle que je me mets à moi-même et ce sentiment ne me quittera pas tant que je ne serais pas passée à l’acte. « Je sais pas, il y a tellement de paramètres à prendre en compte que dès que je me rassure sur un truc, il y en a un autre qui me fait paniquer. » Cette fois-ci, c’est un rire nerveux qui s’échappe d’entre mes lèvres. « Il y a la déception, comme je t’ai dit, le fait d’être… complètement nulle, et franchement, je crois pas que je vais briller par mes exploits, qu’on se le dise. Ouais communiquer, c’est important, mais pendant, ça va juste casser le truc, non ? Si je l’arrête parce que, ‘’hé, j’sais pas faire ça, explique-moi’’ c’est le pire tue l’amour. » Mais tout ça, dans le fond, ce n’est pas le problème principal. Ce n’est pas ce qui m’empêche totalement de sauter le pas, parce que je sais qu’on a tous dû commencer un jour et que personne n’a été une bête de sexe dès sa première fois, Angus compris. Et puis, même s’il est plus expérimenté, je sais aussi qu’il n’a pas accumulé les conquêtes, et je sais surtout qu’il n’y a pas plus à l’écoute et respectueux que lui. « Et puis… je-j’ai envie que ce soit lui. Que ce soit avec lui, mais… enfin, cette envie, c’est pas non plus quelque chose qui m’anime. » Angus me fait perdre mes moyens, c’est un fait, j’aime quand il me prend dans ses bras, quand il m’embrasse sur le front, quand il caresse ma main. J’en redemande même, mais ça… ça, je ne suis pas si certaine d’en redemander, et encore moins d’aimer ça.

@Megan Williams

the only thing you let hold you
Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

« La honte, ouais, je sais. L’occasion s’est jamais vraiment présentée pour… plein de raisons. Et ça a traîné et maintenant, j’en suis encore plus gênée, et ça me bloque d’autant plus. » Je n’aurais peut-être pas employé ce terme-là, mais ce serait mentir que de dire qu’une part de moi ne considère pas qu’à rôle inversés, j’aurais terriblement honte et, une seule hâte, me débarrasser de ce problème. « Et t’as jamais cherché à la provoquer, l’occasion ? » Je crois que, si j’étais elle, j’aurais pris mon courage à deux mains, je serais sortie en boite et aurait bu pour me procurer un peu plus d’audace et de bravoure encore, et j’aurais fait en sorte de trouver un garçon mignon, gentil mais qui ne m’aurait pas intéressée au-delà du charnel pour mettre la première fois derrière moi. « Je veux dire, des hommes qui cherchent que ça en soirée ou en boîte, y’en a partout. » Et cela lui offrait la chance de ne jamais avoir à revoir l’homme en question si la première fois se trouvait être désastreuse. De toute évidence, si elle en pince pour son mystérieux petit ami, la question ne se pose plus, maintenant. « Plus jeune, je me suis toujours dit que c’était plus facile la première fois si y’avait pas d’attache, pas d’attente et pas lendemains gênants. » De mon côté, elle s’est faite au lycée, avec un garçon qui me plaisait mais avec lequel cela n’a finalement rien donné. C’était lui, par contre, qui ne semblait pas être intéressé par moi au-delà de ça.

« Mais comment t’as su ? Que tu pouvais sauter le pas avec lui, avoir confiance et être suffisamment à l’aise avec lui ? » C’est délicat de répondre à ce genre de question quand je lui cache une bonne partie de la vérité. « Ça se voit que t’as pas passé beaucoup de temps dans la même pièce que Damon. » J’esquisse un sourire empli d’une tendresse authentique. « Il me fait me sentir comme la huitième merveille du monde. » Et je crois que, homme après homme, c’est ce que j’ai souvent si pas toujours recherché, d’être valorisée à travers leurs yeux. « C’est impossible de pas être en confiance avec lui, c’est pas forcément le bon exemple pour répondre à ta question. » Parce qu’il a ça en lui, mon époux. En revanche, je ne me suis pas toujours donnée à des personnes bonnes pour moi, ou possédant les mêmes qualités humaines que lui. « Aiden me faisait rire et il me regardait avec des yeux pleins d’étoiles, on a couché ensemble le soir où on s’est rencontrés. » Maisie est une adulte, non ? Elle connaît mon ex, mais ne va pas agir comme ces enfants qui mettent leurs mains sur leurs oreilles lorsque leurs parents s’embrasses ou on des gestes de tendresse l’un envers l’autre ? « Mon ex avant lui - » La chronologie est un peu plus compliquée que ça lorsqu’il s’agit de Scott, mais elle aura le droit à la version courte. « Il me faisait me sentir femme. Désirable. » Finalement, j’en viens à la conclusion. « Mais ça m’est déjà arrivé de rentrer avec un inconnu simplement parce que j’en avais envie. Tu vois ce que j’essaie de te dire ? Y’a pas qu’une réponse à ta question. » Je porte mon verre à mes lèvres, et guette la moindre trace de rougissement sur les joues de Maisie. C’est adorable, ce genre de réaction lorsqu’on parle du sexe. C’est adorable lorsqu’on a quatorze ans, pas lorsqu’on est une femme.
 
« Tu l’as dit toi-même, j’ai l’air d’avoir quinze ans quand je parle de sexe. C’est pas que je veux pas savoir ce qu’il aime, au contraire, j’aimerais faire les choses bien, mais je sens que je vais rendre le tout terriblement malaisant et pas du tout sexy. J’suis pas sexy. »
« Être sexy, c’est dans l’attitude. Ça se résume pas à une bouche pulpeuse ou un tour de poitrine. »

Je possède évidemment les deux, et peut-être que cela aide, c’est même plutôt certain. Mais cela ne veut pas autant dire que parce qu’elle ne possède peut-être pas tous les atouts de la beauté parfaite selon les normes de notre époque qu’elle ne peut pas être désirable. Beaucoup de choses bien plus simple, un regard, un sourire ou la façon de se mouvoir peuvent réveiller le désir chez un homme, j’en suis convaincue. « Oh, ça va, c'est une légende urbaine, ils sont pas tous si accro... si ? » - « J’ai pas dit qu’ils étaient tous accros. » Je secoue la tête en riant, amusée par ce qui, la plupart du temps, reste tout de même une vérité. « Simplement, ton mec, il a certainement des besoins. » Des besoins qu’il finira par aller remplir ailleurs s’il ne trouve pas son compte auprès d’elle, j’en suis persuadée. Je ne l’ajoute pas, ce que je pense de tout ça est déjà bien assez évident.

« Je sais pas, il y a tellement de paramètres à prendre en compte que dès que je me rassure sur un truc, il y en a un autre qui me fait paniquer. Il y a la déception, comme je t’ai dit, le fait d’être… complètement nulle, et franchement, je crois pas que je vais briller par mes exploits, qu’on se le dise. Ouais communiquer, c’est important, mais pendant, ça va juste casser le truc, non ? Si je l’arrête parce que, ‘’hé, j’sais pas faire ça, explique-moi’’ c’est le pire tue l’amour. » Je secoue la tête et hausse les épaules. « Je te parlais plus d’en parler avant avec lui. Mais communiquer pendant, ça peut être super aussi, tu sais. » Il y a simplement l’art et la manière. « Et puis… je-j’ai envie que ce soit lui. Que ce soit avec lui, mais… enfin, cette envie, c’est pas non plus quelque chose qui m’anime. » Cette fois, je fronce les sourcils. Dans ma conception des relations humaines et des relations de couple, l’absence de désir est une chose étrange et exotique. Pour moi, le sexe est l’un des piliers d’une relation heureuse et, même s’il n’est pas le seule, je ne suis pas capable de concevoir que deux personnes sont en couple s’il est absent de leur relation. « Tu ressens pas de désir pour lui ? » Je tente de comprendre sans la pointer du doigt, mais c’est compliqué pour moi. « Au-delà du fait de vouloir faire ta première fois avec lui parce que c’est une étape, t’as pas envie de lui ? Quand tu le regardes, quand il te touche, ça te fait rien ? » "Peut-être n’est-il pas le bon" est la pensée qui me traverse l’esprit. Mais du reste, je reste convaincue que Maisie est simplement bien trop stressée et anxieuse : elle fait du sexe toute une montagne et cela l’empêche de ressentir certaines choses, c’est la seule autre éventualité possible. « Tu t’es déjà… » Je réfléchis un instant avant d’ajouter. « Désolée, je sais pas comment dire ça autrement. Tu t’es déjà touchée toi-même ? Je veux dire, pour savoir ce qui t’attend, les sensations que tu pourrais ressentir ? »

tw : mention de contenu sexuel  

C’est la honte, ouais, elle a pas besoin de le dire pour que je le ressente. Je sais que ma situation fait de moi une sorte de bête de foire, une anomalie ; je le ressens à chaque fois que je scrolle sur les réseaux sociaux, quand je tombe sur le gros titre d’un magazine féminin, quand je suis larguée au milieu des discussions entretenues par mes potes. Je me sens nulle, je me sens différente, je me sens monstrueuse, même, et je me sens surtout seule ; incapable de partager ce fardeau avec qui que ce soit, incapable de l’expliquer en des termes qui susciteraient la compassion et non plus la moquerie. « Et t’as jamais cherché à la provoquer, l’occasion ? » J’aurais pu. Avec Logan, avec Cesar, même avec Angus la nuit où nous avons dormi dans mon van alors que nous n’étions qu’amis. Dans les trois cas, il n'aurait pas été difficile de me faufiler contre eux, de minauder et de glisser une main habile vers l’endroit stratégique, provoquant aisément la réaction voulue. J’y ai pensé, quelquefois, de forcer les choses et de me laisser porter par le moment, mais je n’ai jamais pu me résoudre à croire qu’il serait agréable. « Je veux dire, des hommes qui cherchent que ça en soirée ou en boîte, y’en a partout. » - « Je sais, ouais, mais… pour quoi faire ? Pour que je me tétanise, pour que je suis absolument nulle et que ce soit une catastrophe ? Super souvenir pour le mec, si je fonds en larmes après dix minutes. » C’est ainsi que j’imagine les choses dans ma situation, et quand bien même j’arriverais à garder bonne figure suffisamment longtemps, je ne doute pas que l’après, une fois seule, comportera son lot de conséquences. « Plus jeune, je me suis toujours dit que c’était plus facile la première fois si y’avait pas d’attache, pas d’attente et pas lendemains gênants. » - « Je suis le cliché de celle qui veut une connexion, quelque chose de ‘’vrai’’. » Je m’attache pas facilement, ou du moins je m’attache mal, ce qui fait que, les rares fois où je fais les choses correctement, je veux le faire jusqu’au bout. Mais Megan a raison sur un point, peut-être qu’il aurait été plus facile de me trouver un type au hasard, de me faire sauter dans les toilettes d’un bar à l’arrache, plutôt que d’attendre quelque chose de doux, avec quelqu’un qui me respecte suffisamment pour s’attarder sur la manière dont je vis les choses. « Je crois que je commence à le regretter. » Je dis avec un léger sourire qui se veut défaitiste. « C’est beaucoup plus de pression d’être avec quelqu’un qui te plaît, en fin de compte. » Peu importe si, en vérité, je ne ressens pas la moindre pression de la part d’Angus – et je l’en remercie pour ça. Je me la mets toute seule, et comme je ne suis pas encore décidée à franchir le pas, elle ne cessera d’augmenter jusqu’à ce que je n’arrive pas à la supporter. Ça promet, vraiment.

« Ça se voit que t’as pas passé beaucoup de temps dans la même pièce que Damon. » Non, c’est vrai, et avec tout mon respect pour lui, j’aimerais m’abstenir. Je l’ai rencontré et je n’oublie pas qu’il a failli chialer quand je lui ai annoncé qu’Angus avait quitté la ville, ce qui me laisse croire qu’il n’est peut-être pas passé à autre chose comme il semble le prétendre avec Megan. Je doute pas qu’il est heureux et amoureux, mais je me méfie de lui. « Il me fait me sentir comme la huitième merveille du monde. C’est impossible de pas être en confiance avec lui, c’est pas forcément le bon exemple pour répondre à ta question. » J’esquisse un sourire, toujours attendrie par la manière dont elle parle de Damon. Je ne suis pas jalouse, non, parce que je ressens la même chose pour Angus, parce que j’ai la même tendresse pour lui, même si certains points sont compliqués. « Aiden me faisait rire et il me regardait avec des yeux pleins d’étoiles, on a couché ensemble le soir où on s’est rencontrés. » Et, cette fois-ci, j’écarquille les yeux un instant, surprise par tant de sincérité, pas forcément choquée, mais plutôt… ouais, cette fois-ci, je crois que je peux parler de jalousie. Jalouse de la facilité avec laquelle les autres semblent pouvoir franchir cette étape, jalouse que le sexe soit réellement aussi naturel qu’on le prétend, jalouse qu’ils y trouvent aussi un plaisir que je ne suis pas certaine de ressentir. « Mon ex avant lui - Il me faisait me sentir femme. Désirable. Mais ça m’est déjà arrivé de rentrer avec un inconnu simplement parce que j’en avais envie. Tu vois ce que j’essaie de te dire ? Y’a pas qu’une réponse à ta question. » Je suis le mouvement initié par Megan et porte à mon tour mon verre à mes lèvres pour me permettre de gagner de précieuses secondes avant de reprendre la parole. « Ouais, je vois. » Je dis, avant de me sentir obligée de préciser : « Je me sens bien avec lui. Je me sens en sécurité, je me sens importante, je me sens en confiance, et pourtant… je sais pas, j’arrive pas à me détacher de ce blocage. » Pourtant, tous les éléments requis sont cochés. Je ne peux plus concevoir l’idée que ma première fois se passe avec quelqu’un d’autre qu’Angus, et pour autant, je n’arrive pas à me détacher de toutes mes peurs. Je devrais pourtant, et si je n’y arrive pas alors que je me sens vraiment heureuse, qu’est-ce que cela veut dire ? À quoi je peux me raccrocher pour me sentir normale ? Pendant longtemps, j’ai estimé qu’il me fallait la bonne personne. Maintenant que je l’ai trouvée, les choses ne se veulent pas pour autant plus simples, et je n’ai plus d’autres explications si ce n’est qu’il y a quelque chose en moi qui cloche.

« Être sexy, c’est dans l’attitude. Ça se résume pas à une bouche pulpeuse ou un tour de poitrine. » Je sais, mais : « J’arrive pas à changer cette attitude. J’ai essayé, tu le sais, mais ça fonctionne pas. » Elle le sait, parce qu’elle a essayé de m’aider sur ce point-là ; et on ne peut pas dire que le succès a été au rendez-vous. J’aimerais l’être, mais je sais que toutes les leçons du monde, même celles offertes par des femmes à l’aise comme Megan ne changeront rien à ma situation ; c’est moi qui dois changer, c’est moi qui dois m’apprendre à m’aimer. Je n’y arrive pas, et là-aussi, j’ai cru que l’être par quelqu’un d’autre changerait les choses. Force est de constater que c’est un échec. « J’ai pas dit qu’ils étaient tous accros. » Elle me confirme que ce n’est pas forcément le cas et, pendant un instant, je suis soulagée. « Simplement, ton mec, il a certainement des besoins. » Pendant une seconde seulement, alors que, déjà, elle sait trouver les mots pour ébranler mon peu de certitudes. J’ai pas envie de songer à cette perspective, quand bien même elle tourne dans ma tête sous une formulation différente : il trouvera quelqu’un d’autre. Il trouvera quelqu’un d’autre pour le satisfaire, qu’ajoute Megan. Il a eu plusieurs relations, Angus, et ça n’a jamais été un problème jusqu’à ce que je réalise qu’il a donc parfaitement conscience de ce qu’il manque. Je n’arrive pas à m’opposer à cet argument, et cette menace tacite et je me contente de ravaler ma salive, et mes larmes avec, alors que je porte à nouveau mon verre à mes lèvres et que cette fois-ci, j’en vide pratiquement la totalité du contenu, faisant signe au serveur de m’en préparer un autre.

« Je te parlais plus d’en parler avant avec lui. Mais communiquer pendant, ça peut être super aussi, tu sais. » Je relève la tête, pas vraiment convaincue. J’ai l’impression que ça peut casser l’ambiance, que ça peut détruire la symbiose, et ce n’est pas vraiment ce dont j’ai envie. Communiquer pendant l’acte, pour moi, ça équivaut à avoir un vocabulaire qui se veut excitant et on ne peut pas dire que je serai dans ce côté-là. Et je sais que je pourrais communiquer avec mon petit ami, je sais qu’il serait là pour entendre mes peurs et mes envies. Mais je ne suis pas sûre qu’il comprenne mon manque d’envie. Je vois à l’expression de Megan qu’elle est déjà en désaccord avec ce raisonnement, et je me maudis de l’avoir évoqué. « Tu ressens pas de désir pour lui ? » Merde. Je sens qu’elle est surprise, elle va en parler, et ça va se savoir ; Angus va finir par me demander des comptes, s’étonner de mon manque de considération et se détourner de moi, alors que les choses ne sont de loin pas aussi faciles.  « Au-delà du fait de vouloir faire ta première fois avec lui parce que c’est une étape, t’as pas envie de lui ? Quand tu le regardes, quand il te touche, ça te fait rien ? » - « Non c’est que-je… Si. Si, j’en ressens. Quand il me touche, quand il m’embrasse, ça me laisse pas indifférente, pas du tout, mais… de manière générale, je veux dire. » J’essaie d’expliquer, bégayant bien trop pour tenter de garder contenance. Ça y est, on y est. Ce que je redoute toujours les rares fois où j’évoque tout ceci. Elle me trouve bizarre, elle ne me comprend pas. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas normal, ce n’est pas normal, je ne suis pas normale. « Je ressens… pas grand-chose. Je veux dire, j’aime quand il me prend dans ses bras et, genre, j’adore quand il m’embrasse dans le cou, j’aime quand je sens sa main qui me caresse le creux du dos, tout ça, mais… si tout à coup, demain, tout ça, ça n’existe pas, ça me changerait rien. Je ressens pas le besoin qu’on aille plus loin, et je-je me dis pas ‘’j’adorerais qu’on fasse l’amour, là, maintenant, tout de suite’’ ou… je me dis jamais que j’ai envie de le faire, en fait. » Et je sens mon cœur qui s’accélère, ma tension qui s’accentue, ma nervosité qui ne me lâche plus, quand j’annonce, dépitée autant pour elle que pour moi face à ce constat désolant que : « J’en ai jamais eu envie, Megan. » Et je sais que ma condition fait que ma libido est absente, que c’est normal, mais est-ce que je me suis bousillée au point de ne jamais espérer pouvoir ressentir ce qui paraît comme une condition essentielle au bonheur de chacun ? « Tu t’es déjà… » Sentie comme une merde par rapport à tout ça ? Oui, à cet instant précis. Et à peu près tous les jours de l’année, aussi. « Désolée, je sais pas comment dire ça autrement. Tu t’es déjà touchée toi-même ? Je veux dire, pour savoir ce qui t’attend, les sensations que tu pourrais ressentir ? » Il vient, ce putain de verre ? J’en ai besoin, maintenant, pas dans dix minutes, j’en ai besoin pour affronter cette question dont ce n’est pas le fait d’y répondre qui me dérange, c’est la conclusion qui fera suite à ma réponse qui me pose un problème. « Oui, oui, bien sûr que je l’ai déjà fait. » Bien sûr. Regarde, Megan, je ne suis pas si désespérée que tu le crois, regarde comme j’essaie d’être comme tout le monde. « Et c’est ça que j’arrive pas à expliquer. Je dis pas que c’est désagréable, non, mais… je-juste, ça m’intéresse pas. » Je l’ai pas vécu comme un traumatisme, non. C’est peut-être ça, le pire. Si j’avais détesté, sans doute qu’il serait plus facile d’expliquer mon point de vue. Mais non, il faut reconnaître que ce n’est pas aussi désagréable que mon discours le laisse croire. Seulement, je ne ressens rien. Peut-être que c’est ça, le problème, au fond. Ce n’est pas mon rapport au sexe, c’est seulement ma personnalité toute entière, mes émotions en vrac qui, en réalité, sont tout bonnement inexistantes. Ce serait sans doute plus facile à assumer et à faire accepter si le souci est que je suis une putain de coquille vide. « Ça marchera jamais, hein ? » Je lui demande, question rhétorique dont je connais déjà la réponse, quand j’ajoute : « Moi dans une relation, et dans ces conditions. Ça marchera jamais. » Parce que les gens sont comme Megan, parce que les gens sont normaux, et que personne de normalement constitué ne veut d’une personne aussi insensée que je ne peux l’être.

@Megan Williams toutes mes excuses pour le retard

the only thing you let hold you
Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

« Je sais, ouais, mais… pour quoi faire ? Pour que je me tétanise, pour que je suis absolument nulle et que ce soit une catastrophe ? Super souvenir pour le mec, si je fonds en larmes après dix minutes. » - « Si tu savais le nombre de mec qui en ont strictement rien à foutre que ce soit nul ou pas pour la fille, personne en fait tout un drame pour autant. » Les hommes, dans leur grande majorité, se moquent bien du plaisir féminin, voilà ce que j’avance sans rougir, consciente que le sujet est délicat pour Maisie mais, au fond, et malgré un sentiment de culpabilité, amusée d’aborder ces sujets alors qu’elle n’est aucunement à l’aise avec. C’est puéril, de s’amuser de la voir balbutier, baisser les yeux comme si elle voulait se noyer dans son verre ou encore rougir, mais j’aime avoir l’ascendant sur la discussion. « C’est une catastrophe pour presque toutes les filles, la première fois. » Je ne suis pas prétentieuse au point de prétendre que de mon côté, c’était comme dans un rêve. Je ne suis pas non plus vantarde à ce point. « Mais vaut mieux que ce soit une catastrophe avec un type que tu connais pas et que tu reverras jamais. » En tout cas, c’est ma vision des choses, surtout concernant une femme arrivée à son âge et pas encore débarrassée du "fardeau" que représente la virginité à mes yeux. « Je suis le cliché de celle qui veut une connexion, quelque chose de ‘’vrai’’. » Un cliché, elle a au moins le mérite de bien savoir choisir ses mots. Le pourcentage de personnes encore en couple avec leur premier partenaire étant si faible que j’ai du mal à partager sa vision des choses. Moi, je suis bien contente de m’être débarrassée du malaise des premières fois bien avant de rencontre Damon ou tout autre type ayant un minimum compté à mes yeux. « Je crois que je commence à le regretter. C’est beaucoup plus de pression d’être avec quelqu’un qui te plaît, en fin de compte. » - « Ouais, c’est ça que j’essaie de te dire. » Bon, maintenant, je suppose qu’il est trop tard pour choisir cette option-là. « Même si je me doute que maintenant c’est plus vraiment une possibilité, de trouver un type au hasard pour ça. » Elle tromperait son mystérieux petit ami et je doute que ce soit le genre de Maisie, ou alors je l’ai très mal cernée.

« Ouais, je vois. Je me sens bien avec lui. Je me sens en sécurité, je me sens importante, je me sens en confiance, et pourtant… je sais pas, j’arrive pas à me détacher de ce blocage. » - « C’est parce que t’as attendu trop longtemps ça. » Le malaise que l’on ressent à l’idée d’être toujours vierge grandit au fur et à mesure du temps qui passe et, au bout d’un moment, on en fait toute une montagne, au point de ne plus être capable de passer au-dessus de l’épreuve que cela représente. « Tu sais ce que tu devrais faire ? Boire quelques verres de vin avant de passer à la casserole. » J’éclate de rire, un soupçon sérieuse mais surtout bien trop amusée par la gêne qui transpire par tous ses pores. Elle n’aime pas ça, d’être réduite à me poser des questions à ce sujet-là, et je n’ai pas l’intention de la laisser s’en tirer à bon compte sans la titiller un peu. « J’arrive pas à changer cette attitude. J’ai essayé, tu le sais, mais ça fonctionne pas. » - « Ouais, je sais. » Ce n’est pas faute d’avoir essayé et si je ne me risque pas à la qualifier de cause perdue à voix haute, je n’en pense pas moins. Il n’est peut-être pas trop tard pour espérer qu’elle finisse sa vie autrement que comme vieille folle à chat, mais je ne ferai jamais d’elle une copie de Jessica Rabbit non plus. « Tu devrais te trouver une activité qui t’aide à prendre confiance en ta féminité. Le pole dance, ou un truc du genre. Et non, je plaisante pas. » Elle serait parfaitement ridicule dans un premier temps, mais je suis certaine que ce genre de chose pourrait peut-être (enfin) la décoincer. Elle le mérite, Maisie. Je ne suis pas toujours tendre avec elle, mais il n’en reste pas moins vrai que je suis certaine qu’elle a de l’amour et de l’affection à revendre et qu’avec le bon compagnon à ses côtés, elle pourrait être comblée et heureuse.

Sauf que plus elle se dévoile, plus je réalise qu’il n’est pas question que d’un manque de confiance en elle ou une peur paralysante de passer à la casserole. Ce que je comprends, c’est qu’elle ne semble pas avoir envie de passer à l’étape supérieur avec un garçon dont elle semble pourtant bien éprise – et avec lequel de surcroît elle semble sortir depuis un certain temps. Moi, j’ai du mal à concevoir l’absence de désir ; l’excuse du stress de perdre sa virginité était bien plus convaincante à mes yeux. « Non c’est que-je… Si. Si, j’en ressens. Quand il me touche, quand il m’embrasse, ça me laisse pas indifférente, pas du tout, mais… de manière générale, je veux dire. » Je fronce les sourcils, ma main en suspens au-dessus de mon verre que je n’attrape pas, pas tout de suite, concentrée sur les paroles de Maisie que, je le jure, j’essaie de comprendre. « Je ressens… Pas grand-chose. Je veux dire, j’aime quand il me prend dans ses bras et, genre, j’adore quand il m’embrasse dans le cou, j’aime quand je sens sa main qui me caresse le creux du dos, tout ça, mais… Si tout à coup, demain, tout ça, ça n’existe pas, ça me changerait rien. Je ressens pas le besoin qu’on aille plus loin, et je-je me dis pas ‘’j’adorerais qu’on fasse l’amour, là, maintenant, tout de suite’’ ou… je me dis jamais que j’ai envie de le faire, en fait. » - « Mais tu crois pas que c’est parce que tu sais pas ce que c’est ? » Comment ressentir le manque de quelque chose qu’elle n’a pas connu ? De toute mes forces, je tente de la comprendre, mais je ne suis pas câblée pour voir les choses de la même façon qu’elle. « J’en ai jamais eu envie, Megan. » - « Tu veux dire que c’est pas parce que t’as peur et que ça t’angoisse ? » J’essaie de ne pas la juger, j’essaie de ne pas lui coller l’étiquette de femme frigide sur le front, j’essaie vraiment. « Quand tu dis que ça te laisse pas indifférente c’est quoi ? Qu’est-ce que tu ressens ? » Je cherche à situer ses sensations sur l’échelle de j’aime bien le chatouillis sur ma peau à je ressens un désir sourd gronder dans mon bas-ventre et, force est de constater que l’on semble bien plus dans la première configuration et cela me laisse pensive et muette.

Alors, je tente de creuse, de lui offrir une chance de rédemption et le bénéfice du doute : peut-être ne soupçonne-t-elle pas l’étendue des sensations liées au plaisir sexuel. Peut-être se crée-t-elle un blocage ou je ne sais quoi, qui la pousse à pencher pour une absence naturelle de plaisir alors que c’est plus compliqué que ça. « Oui, oui, bien sûr que je l’ai déjà fait. » - « Et ? T’as ressenti quoi ? T’as éprouvé du plaisir ? Tu t’es pas dit que t’avais envie de voir comment c’était avec un vrai partenaire ? » Beaucoup de femmes n’osent pas forcément parler de façon aussi directe – puisque nous sommes loin du "cru" – des plaisirs solitaires mais, de mon côté, j’ai toujours banalisé les sujets liés au sexe, en tout cas entre amies. « Et c’est ça que j’arrive pas à expliquer. Je dis pas que c’est désagréable, non, mais… je-juste, ça m’intéresse pas. » A nouveau, mon minois se pare d’une grimace de circonspection. J’observe Maisie comme un casse-tête que je voudrais résoudre, que j’ai besoin de résoudre tant sa conception des choses me semble contre nature. « Ça marchera jamais, hein ? » Le soupçon de désespoir que je perçois dans son temps me pousse à m’adoucir. « Moi dans une relation, et dans ces conditions. Ça marchera jamais. » - « Jamais, j’en sais rien. C’est pas ce que je dis… » Mais je crois toutefois dur comme fer qu’elle n’aura jamais de relation conventionnelle dans ces conditions. « Peut-être avec quelqu’un comme toi, je sais pas. » Existent-ils ces hommes qui ne ressentent aucun désir ? « Mais si c’est pas le cas d’Angus je… » N’a-t-elle pas peur de le perdre ? « Si c’est pas son cas, je vois pas comment ça pourrait marcher avec lui. T’as pas peur de le perdre ? Tu préfèrerais pas essayer, te jeter à l’eau pour voir si tu peux pas changer d’avis, pour vous donner une chance ? » Pour garder un homme, moi j’aurais été prête à bien plus aller au-delà de mes limites et de ma nature, si bien qu’il me semble tout naturel qu’il en soit de même pour les autres femmes, pour Maisie en tout cas.

« Si tu savais le nombre de mec qui en ont strictement rien à foutre que ce soit nul ou pas pour la fille, personne en fait tout un drame pour autant. » Je reste silencieuse tandis que j’évite le regard de Megan, prostrée par l’incertitude qui m’envahit à la suite de ses mots. S’en ficher du plaisir féminin, ce n’est pas nouveau – ce n’est pas parce que je n’ai pas expérimenté directement la situation que je ne suis pas au courant de ce fait – mais de là à continuer à prendre du plaisir alors même que je suis inconfortable, c’en relève presque de l’agression, n’est-ce pas ? Est-ce que les hommes sont vraiment ainsi ? Je n’ai jamais été à l’aise avec les généralités (sans doute parce que je les ai subies, moi aussi), mais je ne peux concevoir que le sexe opposé soit si friand de sexe, au point d’en oublier totalement le ressenti de l’autre. Et pourtant. Cesar ne s’est-il pas moqué de moi quand j’ai eu le malheur de lui refuser des rapports, rompant sur le champ ? Est-ce qu’Angus sera pareil, est-ce qu’il cache une telle cruauté derrière son masque de bienveillance ? « C’est une catastrophe pour presque toutes les filles, la première fois. » Je relève le nez, cette vérité-là au moins le don de me rassurer. « Mais vaut mieux que ce soit une catastrophe avec un type que tu connais pas et que tu reverras jamais. » Je l’observe un instant, attendant le moment où elle édulcorera ses propos, où elle réalisera que ce n’est pas la chose à me dire, pas alors que je suis déjà paniquée, mais que je tiens énormément à mon petit-ami. Mais rien ne vient et je finis par baisser à nouveau la tête, portant finalement mon verre à mes lèvres pour que mon silence soit plus naturel. « Ouais, bah c’est un peu tard, là. » Un rire nerveux s’échappe d’entre mes lèvres et je manque de m’étouffer en avalant l’alcool de travers ; ouais, c’est trop tard, je suis dingue d’Angus et c’est trop tard pour que je revienne sur ma décision, même si, oui, je commence à me dire que j’aurais peut-être dû franchir le pas quand j’ai réalisé que mes sentiments pour lui évoluaient, avant qu’on soit honnêtes l’un envers l’autre. Ça aurait enlevé une grande pression sur mes épaules – ou ça m’aurait terrorisée encore plus en réalisant à quel point ça n’a pas été le déclic escompté et que, non, un coup de soir ne m’a pas permis de me transformer en bête de sexe. J’ai besoin d’autre chose, et à ma décharge, j’ai au moins la capacité de m’en rendre compte, même si ça n’aide en rien ma situation – mon problème, comme je peux le lire dans les yeux de Megan. « Ouais, c’est ça que j’essaie de te dire. Même si je me doute que maintenant c’est plus vraiment une possibilité, de trouver un type au hasard pour ça. » - « Hors de question, j’ai attendu d’être avec lui durant des mois, c’est pas pour tout gâcher maintenant. » Nous n’avons pas vraiment défini les conditions de notre relation, parce qu’à vrai dire, elles sont évidentes ; et aller voir ailleurs n’en fait pas partie, je n’ai pas besoin qu’on le clarifier pour en être certaine.

« C’est parce que t’as attendu trop longtemps ça. » - « C’est pas si catastrophique, je suis sûrement pas la seule. » C’est parce que je suis vraiment un cas désespéré, tu peux le dire, Megan. Tes yeux parlent pour toi. Je sens son jugement à chaque fois qu’elle doit revenir sur la situation, sur la lenteur et la gêne qui sont les miennes, là où elle n’a aucun souci à disposer librement de son corps et à s’épanouir dans sa sexualité. Ce sont aussi les réactions comme la sienne qui ne fait que me braquer davantage, alors que tous les signaux lumineux pointent vers l’anomalie que je représente dans une société qui ne conçoit pas les relations sans rapports. « Tu sais ce que tu devrais faire ? Boire quelques verres de vin avant de passer à la casserole. » - « Il me faudra plus fort que du vin. » Mon rire se joint au sien, par automatisme, par souci de bien faire, d’imiter cette fille qui à qui, si je m’en donnais les moyens, je pourrais ressembler. Mon existence en serait sans doute facilitée ; mais je ne lui ressemble pas. Malgré tous les efforts que je peux mettre en place, je n’aurai jamais l’aura que possède Megan et qui ensorcelle toute personne qui croise son chemin. J’ai déjà essayé, pourtant, mais elle sait aussi bien que moi que ça a été un échec supplémentaire sur ma liste déjà bien fournie. « Ouais, je sais. » Je pince les lèvres, ravale ma salive et, surtout, ma fierté. Je sens la déception autant que le jugement dans sa voix, dans ces trois mots qui visent à sèchement clore le sujet autant qu’à me réprimander une fois encore, de ne pas avoir été une élève à la hauteur du maître. « Tu devrais te trouver une activité qui t’aide à prendre confiance en ta féminité. Le pole dance, ou un truc du genre. Et non, je plaisante pas. » - « Pour que je me retrouve à me tortiller autour d’une barre qui a plus de formes que moi, ouais, non, merci. » Et qui au moins, se laisse toucher, elle. Je crois que je prendrai confiance en mon corps de femme le jour où je ressemblerai à l’une d’entre elles. Pour l’heure, j’ai le corps d’une ado de 13 ans et encore, même certains mecs ont plus de seins que moi.

Et, elle n’en a pas conscience, mais mon rapport à mon image dépasse le seul manque d’estime. C’est beaucoup plus profond, plus ancré, plus dévastateur, surtout, et c’est un sujet sur lequel je n’ai pas envie de glisser – je crains trop les conséquences. Mon réel problème n’a pas grand-chose à voir avec mon (manque d’)aisance, mais avec mon absence totale de désir. Ou presque. Je ressens des choses, oui, mais je n’ai pas l’impression que c’est aussi puissant que le commun des mortels peut le décrire. « Mais tu crois pas que c’est parce que tu sais pas ce que c’est ? » - « T’es pas lesbienne, Megan, c’est parce que tu sais pas ce que c’est ? » Je rétorque, réponse automatique pour laquelle je me sens aussitôt honteuse. « Désolée, je veux pas être agressive, je... » Je suis juste paumée, Megan, parce que c’est pas normal, et tu me le fais très bien comprendre. Chacune de ses expressions, le ton de sa voix, ces questions, toutes ces choses ne font qu’accroître ma honte d’être différente. « Tu veux dire que c’est pas parce que t’as peur et que ça t’angoisse ? » Tu veux dire que c’est parce que t’es différente ? Différente, différente, différente ; ce mot tourne en boucle dans mon esprit, tel un fardeau qui menace de me faire craquer à tout instant. « Quand tu dis que ça te laisse pas indifférente c’est quoi ? Qu’est-ce que tu ressens ? » - « Pas grand-chose, par rapport à ce que je devrais ressentir, je crois. » Et j’ai honte. J’ai honte parce que j’ai l’impression de trahir mon copain, alors même que je ne veux pas qu’il arrête de me toucher. Mais ainsi, et pas comme ça. « J’aime bien, comme j’aime bien… faire quelque chose que j’apprécie, mais pas comme quelque chose de si incroyable que j’en ai des décharges dans tout le corps ou que j’ai de la peine à reprendre ma respiration. » On m’a parfois dit que l’acte sexuel se comparait à une décharge d’adrénaline, force est de constater qu’il s’agit d’une hormone manquante, un peu comme toutes les autres qui devraient me pousser à être un peu plus comme Megan. « Enfin, c’est juste que ça m’est pas encore arrivé. Enfin, les frissons, la chaleur, oui, mais c’est pas aussi extrême que ça devrait l’être – en tout cas, j’en ai pas l’impression. » Ça m’est pas encore arrivé. Ce n’est pas totalement perdu, Megan, il faut que tu y croies plus que je n’y crois moi-même.

Je me suis déjà touchée, j’ai déjà essayé en songeant à la façon de régler le problème par moi-même. Ce n’était pas déplaisant, ce n’était pas non plus transcendant. Peut-être qu’elle me dira cette fois que je m’y prends mal, et déjà incapable de me satisfaire en solitaire, je doute d’y arriver en duo. « Et ? T’as ressenti quoi ? T’as éprouvé du plaisir ? Tu t’es pas dit que t’avais envie de voir comment c’était avec un vrai partenaire ? » - « Si, justement parce que je suis curieuse, que j’ai envie de savoir ce que ça fait, mais.... » Je n’arrive pas à l’expliquer. Ce n’est pas que je n’ai pas envie de voir comment c’est avec quelqu’un, c’est que je n’en ai pas envie, tout simplement. Que ça ne m’intéresse pas, que je suis sans doute frigide, coincée, et tous les mots d’usage pour désigner quelqu’un comme moi. La grimace de Megan m’oblige à cesser mes explications, consciente qu’elle ne comprend pas – je crois que personne ne le peut, en fait. Alors ça marchera pas. Moi et Angus, moi et tout le monde, en réalité. « Jamais, j’en sais rien. C’est pas ce que je dis… » - « Mais c’est ce que tu penses. » J’ose verbaliser, alors même que je tends sans doute le bâton afin qu’elle m’assène le coup de grâce – mais son visage parle pour elle. Elle n’en pense pas moins et elle a raison. Au fond, je le sais. Je ne peux pas espérer des autres qu’ils tolèrent l’incompréhensible. « Peut-être avec quelqu’un comme toi, je sais pas. » Quelqu’un comme moi, une bête de foire pour les gens comme elle. Je porte encore mon verre à mes lèvres, je m’y réfugie – mais j’avais raison, il me faut plus fort que du vin pour oublier mon humiliation, et je ne suis même pas nue. « Mais si c’est pas le cas d’Angus je… » Et ce n’est pas son cas. Je ne lui ai pas demandé, mais je sais que ce n’est pas son cas. Il a connu l’euphorie des plaisirs charnels, il n’arrivera pas à faire vœu de chasteté, quand bien même ce n’est pas ce que je lui demande. Je serais prête à ce qu’il me trompe pour le garder près de moi, mais je sais qu’il s’éloignera, qu’il trouvera quelqu’un qui coche tout ce qu’il recherche chez un partenaire, et pas uniquement la moitié de la liste. Et je ris nerveusement, réalisant ma réflexion. Il ne peut pas me tromper si on ne consomme pas. « Si c’est pas son cas, je vois pas comment ça pourrait marcher avec lui. T’as pas peur de le perdre ? Tu préfèrerais pas essayer, te jeter à l’eau pour voir si tu peux pas changer d’avis, pour vous donner une chance ? » - « Oui, c’est ce que je vais faire. » Je conclus, convaincue, signe que la leçon a été bien apprise, t’inquiète pas, Megan, je vais être normale, je vais cesser d’être une lâche. Je viendrai même m’en vanter auprès d’elle, en détails, pour qu’elle ne pose plus ce regard de pitié qu’elle m’adresse à cet instant. Ce n’est pas avec ces yeux-là que je veux qu’elle me voie, et je ne peux m’empêcher d’imaginer la fierté qu’elle ressentira quand elle comprendra que je l’ai écoutée. Parce qu’elle a raison sur un point, j’ai peur de le perdre ; et je suis prête à tout pour que ce ne soit pas le cas.

@Megan Williams

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Megan Williams & @Maisie Moriarty ☆ crédit/lonelywolfgifs

« Hors de question, j’ai attendu d’être avec lui durant des mois, c’est pas pour tout gâcher maintenant. » Maisie a l’air sacrément piquée et, malgré moi, je me dis qu’elle a de la chance d’être tombée sur un type aussi patient que ça. J’ignore exactement depuis combien de temps elle sort avec lui mais, à l’entendre, plusieurs ou peut-être beaucoup, et je me demande ce qui le pousse à attendre aussi longtemps. Bien sûr, Maisie à des qualités ; sans ça, je n’apprécierais pas sa compagnie. Mais au fond de moi, je la trouve dénuée des qualités qui intéressent les hommes, celles qui rendent une femme désirable et séduisante, celles qui les poussent à déplacer des montages pour la chance de recevoir un regard ou un baiser. Dans mon esprit, je dessine donc un portrait peu flatteur de l’homme en question. « Ouais. Mais du coup, va falloir te décider. » Parce que le perdre à force de tergiversions, ça aussi c’est tout gâcher.

« C’est pas si catastrophique, je suis sûrement pas la seule. » - « Bien sûr que t’es pas la seule. » Ce n’est pas ce que je suis en train d’insinuer ou pas tout à fait. En revanche, je n’aimerais pas être à sa place. « Mais faut arracher le pansement, surtout si t’es bien avec lui, je veux dire. » Non, ce n’est pas catastrophique, mais au-delà de l’angoisse de la première fois – elle est normale et je mentirais si je disais que je ne l’ai pas ressentie au moins un peu, je continue à estimer que Maisie doit faire preuve d’un peu de courage, voilà tout, pour passer ce premier cap et cesser ensuite d’entourer le sexe d’une aura inquiétante. « Il me faudra plus fort que du vin. » J’éclate de rire et, lorsqu’elle se joint à moi, je ne réalise même pas que le sien sonne parfaitement faux. Alors, je me permets même d’ajouter une couche. « Fais le boire aussi, comme ça avec un peu de chance, il s’en souviendra pas si c’est nul. » Je ne peux réfréner mon envie d’être un tantinet mesquine mais il est si facile de faire apparaître de l’embarras sur le visage de Maisie qu’il en devient dur de s’en priver. Et personne n’est mort d’une étreinte embarrassante, qu’elle soit avec un inconnu ou son petit ami. Le premier, on ne le garde de toute façon que rarement, et on ne construit pas un futur avec lui.  

« Pour que je me retrouve à me tortiller autour d’une barre qui a plus de formes que moi, ouais, non, merci. » - « T’es vraiment pas ouverte d’esprit, c’est dingue quand même. » Ce que je veux plutôt dire c’est tu n’es prête à rien essayer, ce qui fait d’elle un cas réellement désespéré à mes yeux mais, est-ce utile de le préciser ? Un roulement d’yeux levés vers le plafond devrait suffire à exprimer tout ce que je ressens, si bien que je ne m’en prive pas. « T’es pas lesbienne, Megan, c’est parce que tu sais pas ce que c’est ? » Je manque de m’étouffer avec mon cocktail, avant d’exploser de rire et de poser mon menton sur le dos de mes mains croisés, pour l’observer avec une mine espiègle. « Désolée, je veux pas être agressive, je... » - « Oh arrête de t’excuser à tout bout de champ, c’est bon. » Nouveau roulement d’yeux. « Tu serais mortifiée si je te disais que pour le coup, si, j’ai essayé. » Je l’observe avec in sourire qui flotte sur les lèvres. Je ne mens pas, pour une fois. « Y’avait un mec avec nous mais ça compte quand même, non ? » Dieu que c’est amusant de voir Maisie rougir et sembler manquer d’air au point de s’étouffer. Mais je vois où elle veut en venir, sauf que ce n’est pas pareil. Le désir, c’est naturel. Le contact physique entre être humains aussi, que ce soit avec quelqu’un du même sexe ou du sexe opposé. Je n’arrive pas à conceptualiser une vie sans.

« Pas grand-chose, par rapport à ce que je devrais ressentir, je crois. » Je fronce les sourcils face à son aveu. « Ouais bein commence par pas le lui dire ça, sauf si tu veux qu’il débande dans la minute. » N’y a-t-il pas rien de pire que d’entendre son partenaire affirmer qu’on le laisse insensible ? « J’aime bien, comme j’aime bien… faire quelque chose que j’apprécie, mais pas comme quelque chose de si incroyable que j’en ai des décharges dans tout le corps ou que j’ai de la peine à reprendre ma respiration. Enfin, c’est juste que ça m’est pas encore arrivé. Enfin, les frissons, la chaleur, oui, mais c’est pas aussi extrême que ça devrait l’être – en tout cas, j’en ai pas l’impression. » - « Oui enfin si vous faites que vous tenir par la main pour l’instant, c’est pas étonnant que ça t’aies pas fait jouir non plus hein. » Je tente de la rassurer – si, c’est ce que j’essaie de faire, je le jure – mais au fond, je sais que ce n’est pa tout à fait vrai. Que les frissons, les décharges dans tout le corps, il suffit parfois d’un baiser pour les réveiller et se prendre les pieds dans le tapis du désir. J’essaye de ne pas juger Maisie. J’essaye de toutes mes forces mais, dans ma tête, une petite lumière avec écrit frigide ne peut s’empêcher de clignoter.

« Si, justement parce que je suis curieuse, que j’ai envie de savoir ce que ça fait, mais... » - « Mais pas parce que t’as pris ton pied. » Est-ce surprenant ? Après tout, sans avoir eu la moindre expérience et, surtout, si l’on est aussi gêné et sur la retenue que Maisie, il peut être compliqué de ressentir du plaisir seul. Je tente de lui trouver toutes les excuses du monde, vraiment, j’essaie de tout mon cœur, mais cela ne change pas grand-chose au fait que je ne la comprends pas, je ne suis pas taillée pour la comprendre. Satisfaire les hommes, trouver grâce à leurs yeux a toujours été mon obsession et j’ai sauté dans le train de la sexualité sans me demander si j’étais prête ou si j’en avais simplement envie. Je l’ai fait parce que les relations fonctionnent comme ça à mes yeux, parce que je voulais être regardée au travers des yeux d’un homme satisfait et plus tard, parce que j’ai découvert qu’être un objet de désir me conférait une certaine forme de pouvoir. Avec Damon, c’est différent, mais tout l’est lorsqu’il s’agit de mon mari. « Mais c’est ce que tu penses. » Je me mords la langue, incapable de formuler une phrase supposée la rassurer mais qui irait à l’encontre de mes propres convictions. Alors je me contente de pincer les lèvres, et de lui offrir une moue désolée. « Oui, c’est ce que je vais faire. » Rassurée qu’elle abdique, qu’elle me donne raison et qu’elle cesse de vouloir continuer à chercher une solution qui n’existe pas à mes yeux, j’esquisse un sourire franc, avant de lever mon verre de quelques centimètres pour trinquer avec elle. « Tu verras. La première fois, c’est terrifiant, mais y’a vraiment pas de quoi en faire une montagne. » Et une fois qu’elle aura réussi à dépasser sa peur, elle oubliera ses envies de relation différente, j’en suis persuadée. « Tu peux m’appeler tu sais. Avant si t’es angoissée, après si t’as besoin de raconter à quelqu’un comment ça s’est passé. Evite juste de le faire pendant, ça ce serait franchement bizarre. » Je lui adresse un sourire amusé avant de me laisser aller à un rire, quelques minutes avant que les premiers artistes de la soirée n’entrent en scène.