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"Craine te demande." "Hmm ?" C’était tout ce que l’information inspirait à Mavis qui leva le nez de son bouquin pour suivre des yeux le trajet en sens inverse que faisait l’infirmière de service. Perchée sur un coin de meuble, dans la salle de repos des internes dans laquelle elle n’avait même pas le droit d’être là techniquement, elle marqua un temps d’hésitation avant de rouler des yeux et d’en glisser pour retrouver la terre ferme. Elle croqua dans sa pomme avec la nonchalance de ceux qui ne s’inquiètent de rien, loin d’imaginer que Nina soit capable de la faire appeler pour lui faire la morale à propos de ce qu’elle faisait avec son fiancé dans son dos. Enfin, ce qu’elle faisait en l’occurence, parce qu’à l’heure actuelle, Mavis avait la même activité sexuelle que Nina avec son futur époux. C’est-à-dire qu’elle était inexistante, et si c’était triste d’un côté, de l’autre c’était nécessaire pour éviter de s’enfoncer un peu plus dans ce elle ne savait quoi qui ressemblait quand même drôlement à une histoire, plus qu’à un coup monté mis en place il y avait plusieurs mois de ça déjà. Elle jeta ses reliefs de fruit terminé dans la corbeille, tapota ses lèvres l’une contre l’autre pour en chasser le sucre naturel. Elle referma son gros volume qu’elle laissa sur la table, et puis enfin, elle cria à l’infirmière en sortant de la pièce "Elle est dans quel service ?" "À ton avis." Et merde, voilà ce qu’elle pensa, ses yeux roulant de nouveau tandis qu’elle trainait des pieds hors du service de neurologie.

D’accord, elle ne craignait absolument pas la confrontation avec Nina, mais elle aurait préféré qu’un endroit plus neutre que son service de prédilection soit le théâtre d’une discussion sur un sujet qu’elle ne connaissait certes pas, qu’elle anticipait déjà comme étant chiant à crever. Parce qu’elle avait beau avoir la réussite gravée sur son charmant petit front, Nina, elle n’était pas moins assez chiante pour que son futur époux trouve ça judicieux d’aller voir ailleurs, et ça la rendait tellement moins brillante de ne pas s’en rendre compte que, tout ce qu’elle inspirait à Mavis au fond, c’était de la pitié. Qu’importe ce qu’elle lui dirait, qu’importe pourquoi elle la faisait venir sur ses terres jonchées d’humeurs de gamins malades, elle ne réussirait de toute façon pas à avoir du respect pour elle. Tant pis si ça relevait d’une misogynie patentée de sa part, elle qui avait tendance à s’abreuver de la réussite des hommes pour vomir celle des femmes, elle assumait complètement : rien dans la vie de Nina ne lui faisait envie. Si ce n’était son fiancé. Et cette pensée eut le don de la faire sourire en biais pendant qu’elle descendait les marches de l’escalier de secours, ses mains profondément enfoncées dans les poches de sa blouse.

"Vous pouvez me dire où trouver le docteur Craine, s’il vous plaît ?" La politesse de Mavis fût saluée par un sourire charmé de l’aide soignante qu’elle trouva sur son passage. Elle savait bien faire semblant, c’était son point fort, et alors qu’un remerciement silencieux accompagna la reprise de sa marche vers le bureau de la jeune femme, elle ralentit doucement le pas pour ne pas donner l’impression d’être pressée d’y arriver. Elle ne l’était pas, mais un élan de curiosité latent la poussait à obéir aux ordres de cette supérieure avec laquelle elle avait si peu travaillé, qu’elle ne connaissait même pas le service comme il fallait. Son internat commençait l’année prochaine, elle aurait tout le temps de se rattraper, c’est comme ça qu’elle se rassura quand, arrivant enfin devant la porte ouverte d’un bureau dans lequel elle n’avait jamais mis les pieds, elle se para de son éducation impeccable pour, du bout de la bosse de son index, son autre main toujours enfoncée dans la poche de sa blouse, elle frappa doucement contre le battant. Attirant ainsi l’attention de l’occupante du bureau, elle lui sourit bouche fermée avant de lui demander, sa tête s’inclinant avec l’expression presque inquiète d’une étudiante qui redoute le blâme ; ça ne pouvait pas être plus loin de la vérité "Vous avez demandé à me voir ?"

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« Je compte sur vous pour prêter attention à tout cela. » Nina usa de toute sa retenue afin de ne pas lever les yeux au ciel. Cela ferait tache devant le chef de service. Elle tenait à sa réputation. Mais elle tenait également à ce que l’on n’interrompe pas sa journée pour des broutilles. Une leçon de morale sur le suivi des externes dans le service était, selon sa définition, une perte de temps inutile. Nina n’avait pas fait des années d’études pour jouer à la nounou avec des étudiants incapables de lister les différents agglutinogènes. Elle avait bien mieux à faire, comme se préparer pour l’une des opérations les plus importantes de sa jeune carrière. Il était hors de question de laisser place au doute, encore moins de ne pas avoir envisagé toutes les possibilités. Pour cela, Nina passait ses gardes à jongler entre ses patients et ses heures au laboratoire de recherches. Rien ne pouvait la stopper, pas même les ignares de l’administratif qui s’était soudainement réveiller pour rendre des comptes à l’université du coin. Elle avait connu le cumul des heures à justifier, les sauts de puces entre les services pour valider des heures de stages ô combien précieuse pour obtenir le St Graal. Personne n’avait eu besoin de la tenir par la main. « Je prends Barnes. » Certains externes se pensaient assez intouchable pour s’offrir le luxe d’une spécialisation auquel ils ne pouvaient encore prétendre. La blonde dont tout le monde connaissait le nom par la simple réputation de son paternel, faisait clairement partie de cette fine équipe qui pensait faire partie d’une élite. Aux yeux de Nina, son nom de famille ne valait rien. La Craine allait s’abstenir de créer plus de remous que nécessaire, soucieuse de laisser à Ben la relation privilégier qu’il entretenait avec son mentor, mais elle n’allait pas faire de cadeau à l’héritière. Habituellement, Nina ne se serait jamais arrêté sur le sujet, mais puisqu’on l’avait inclus dans le lot des personnes qui se devaient de faire un effort, elle allait revoir toute sa stratégie à ce sujet. Si on devait lui coller un assisté dans les pattes, elle allait le choisir elle-même. « Tu fais chier Craine. » Elle avait pleinement conscience que tout titulaire censé allait vouloir récupérer l’étudiante modèle. « Je négocie pas. » Son ton ne laissait aucune place à la moindre remarque. Puisque Ruben passait son temps à complimenter le travail de la jeune Barnes, Nina avait soudainement envie d’être témoin de ce don pour la médecine. Il lui fallait quelqu’un de compétent, à défaut d’être pleinement intéressé.

Deux coups contre la porte et Nina releva les yeux de son dossier. « Vous avez demandé à me voir ? » Mavis Barnes donnait l’allure parfaite à son image d’étudiante exemplaire. Relâchant son stylo, Nina se laissant retomber contre le dossier de sa chaise. « Vous connaissez donc le chemin jusqu’à notre service Mademoiselle Barnes ! » Son ironie aurait voulu pousser le vice jusqu’à applaudir l’exploit, mais Nina se contenta de lui faire signe de s’avancer. Elle savait que le moindre écart remontrait jusqu’aux oreilles de Barnes père, et par conséquent jusqu’à celle de son fiancé. Nina aimait jouer avec le feu, certes, mais elle connaissait également les limites à ne pas franchir. « Est-ce que la chirurgie pédiatrique indiffère tous les externes ? » Ou ce n’était que Mavis Barnes qui se pensait trop bien pour les minis humains ? La question se voulait quelque peu rhétorique. « Surprise, c’est le jour des réorientations. » Son soupir fut le même genre d’exaspérer que lorsque la nouvelle était tombée. Elle se devait probablement de démontrer un peu plus d’enthousiasme, mais tout cela la gonflait au plus haut point. « Tu seras avec moi aujourd’hui. » Que cela lui plaise ou non.

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Et allez, une phrase de onze mots, et elle lui tapait déjà sur le système. Pas étonnant au fond que Ruben soit autant incapable de la jeter pour de bon, la Craine : ils étaient aussi insupportables l’un que l’autre. Ben avait au moins le mérite de se servir de son talent pour le cacher, jouant avec les apparences pour se faire accepter par ses pairs, assez malin et rusé pour faire illusion, quand Grace le portait sur son visage, d’être du genre à vous regarder de haut parce qu’elle pensait avoir inventé la poudre. Tu parles, elle n’était même pas foutue de voir ce qui lui pendait au nez.
Dans le fond, ce n’était guère le problème de Mavis qui, dans un sourire entretenu par la carte bancaire de papa, résultat de rendez-vous chez l’orthodontiste le plus côté de la ville dès l’âge de huit ans, elle lui dit "Je suis assez courageuse pour oser m’aventurer dans les étages les moins populaires, oui. Je sais utiliser une boussole vous savez." Connasse, voilà ce qu’elle aurait dû ajouter pour lui faire ravaler son humour de cour de récré, lui glissant une petite pique au passage parce que franchement, la chirurgie pédiatrique, en étant une femme ? Elle ne pouvait pas plus répondre au cliché de la pimbêche que ça. Mais soit. À ce qu’on racontait, elle était douée dans ce qu’elle faisait : c’était déjà ça.

Pinçant les lèvres pour ravaler son sourire, haussant les sourcils pour suivre la suite du petit discours de Nina, Mavis  se laissa accoter à l’encadrement de la porte non parce qu’elle avait besoin d’être soutenue par quelque chose, pressentant le savon qu’elle allait recevoir comme d’autres sentaient l’orage arriver, mais parce que ça l’ennuyait déjà de devoir jouer la comédie face à celle pour qui elle avait si peu d’affection et de respect, que si elle ne tenait pas tant à garder les apparences intactes pour Ruben, elle lui aurait tourné le dos en dressant ses deux majeurs dans sa direction. Elle paraissait si fière d’elle Nina, à la mettre devant le fait accompli, mais si elle voulait faire d’elle une adversaire, elle devrait s’attendre à la riposte. Elle serait certes moins incisive qu’elle ne se le permettait dans un cadre moins professionnel que celui-ci, consciente d’avoir plus à perdre qu’à y gagner de s’en prendre à Barbie chirurgienne, mais elle ne se laisserait pas faire sous le prétexte qu’elle était sa supérieure. Elle savait se défendre seule, elle n’avait ni besoin de Ruben ni besoin de son père, et ça Nina le découvrirait bien assez tôt.

Elle fronça les sourcils, toujours accotée à son coin de porte, et haussa les épaules pour répondre à sa question "Je me permettrais pas de parler pour mes camarades de promo, mais en ce qui me concerne, j’ai jamais caché que ce n’était pas ma spécialité préférée." Tout le monde savait qu’elle était sa spécialité préférée, et ce n’était pas de fourrager dans le caleçon d’un des titulaires de neurochir les plus respectés, ça allait s’en dire. Encore que franchement, ça allait de paire avec, mais autant dire que le préciser à Nina ce serait mettre Ruben en danger, et malgré tout ce qu’elle lui reprochait, tout ce qu’elle serait capable de lui faire payer aussi, ce n’était pas dans ses intentions de le fourvoyer devant qui que ce soit, et surtout pas devant elle, là.
Le petit ton de Nina l’agaçait tellement qu’elle se retint de rouler des yeux quand elle joua la surprise en lui annonçant que c’était le jour des réorientations "Et c’est nouveau, que ce soit annoncé à la toute dernière minute ?" la questionna-t-elle sans chercher à discuter davantage puisque de toute façon, ses journées étaient régies par le bon-vouloir de ceux qui étaient au-dessus d’elle, et que malgré son caractère déterminé et fier, elle était connue pour faire ce qu’on lui demandait avec une volonté et une précision qui la plaçait d’emblée dans la liste des externes qui deviendraient des internes prometteurs. Rien à voir avec son nom, Mavis était faite pour la médecine, et personne n’osait prétendre le contraire en ayant travaillé au moins une fois avec elle. Elle se redressa, glissa de nouveau ses mains dans les poches de sa blouse en se retenant de nouveau de faire remarquer à Nina que son petit ton, celui que les gamins employaient quand ils apprenaient qu’ils allaient passer une journée à Disneyland, était on ne peut plus inconvenant. Mais après tout, elle bossait  continuellement avec des enfants, il ne fallait sans doute pas attendre d’elle qu’elle se comporte en adulte. S’empêchant de soupirer, elle lui dit "Parfait, et qu’est-ce que vous voulez que je fasse exactement ?" À quoi s’attendait-elle, qu’elle s’insurge de devoir travailler avec elle ? Elle n’avait plus 14 ans : ça avait beau la gonfler d’être là, surtout avec elle, elle savait se plier aux règles quand ces dernières assuraient sa réputation.

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Son milieu social lui avait appris à gérer la moindre conversation avec un sourire de circonstance. Même les discussions les moins complaisantes. On lui avait appris à ne jamais dénigrer l’attention d’autrui, il était bien plus important de feindre l’intérêt que de se montrer malpolie. Il lui semblait, à cet instant précis, ne pas avoir été la seule à recevoir ce type de leçon. Elle pouvait reconnaître dans l’attitude de Mavis, ces petits signes de contrôle intérieur qui servait à séduire son interlocuteur. Tout dans sa posture sonnait faux et Nina n’avait pas besoin de demander pour savoir que la jeune femme s’était présentée dans le simple respecte de la hiérarchie et aucunement par curiosité ou désir de découvrir. « Je suis assez courageuse pour oser m’aventurer dans les étages les moins populaires, oui. Je sais utiliser une boussole vous savez. » L’insulte n’avait pas été prononcée, mais il était encore trop simple de la lire dans son regard d’acier. « Tu devrais conserver ton arrogance pour des causes plus nobles. » Ce n’était qu’une convocation, une demande qui venait d’en haut, mais Mavis prenait déjà les devants pour démontrer son non intérêt. La petite gamine pourrie gâtée éternellement protégé par son père qu’elle était se pensait capable de tous les faux pas sans que ces derniers n’amènent la moindre conséquence.

« Je me permettrais pas de parler pour mes camarades de promo, mais en ce qui me concerne, j’ai jamais caché que ce n’était pas ma spécialité préférée. » Elle était une des mordues. De ceux qui ont choisi la médecine avec une vocation. « J’apprécie au moins ton honnêteté. » Nina ne pouvait lui dénier sa ténacité. Elle n’avait aucun doute que Mavis obtiendrait ce qu’elle était venue chercher entre les murs de cet hôpital. Après tout, elle n’avait entendu que des compliments sur la jeune Barnes. Une externe attentive et douée, c’est ainsi qu’elle était décrite. En attendant, elle restait une étudiante qui se devait de respecter les règles. Que cela lui plaise ou non. « Et c’est nouveau, que ce soit annoncé à la toute dernière minute ? » Elles en venaient au cœur du problème. Ce qui ennuyait Nina et désespérait Mavis. « Les ordres viennent d’en haut. » Le plus haut possible dans la chaîne alimentaire. « C’est comme ça chaque année. La faculté réalise que les externes n’ont pas toutes les heures dans différents services quelques mois avant les examens de fin d’année. » Nina avait subi cela elle aussi. Au lieu de réviser tout en restant dans son service de prédilection, on l’avait baladé d’étage en étage pour justifier des heures inutiles. Personne ne pouvait passer au-dessus de ce qui était demandé au sein du cursus, pas même la fille Barnes. « Aucun de nous n’a envie de s’embêter avec des dernières années d’externat qui ont déjà choisi leur spécialisation, mais c’est comme ça… » On ne leur avait pas laissé le choix et si Nina savait taper du poing sur la table, elle savait également se plier aux règles pour satisfaire sa hiérarchie sans faire de vague. « Un conseil. » Parce que malgré tout, cela restait un hôpital universitaire où elle se devait d’enseigner quelque chose. « Fait le compte de ce qui te manque, enchaîne les sauts de puce dans différents services. Les titulaires signeront ton papier et tu pourras retourner en neuro plus vite que tu l’as quitté. » Elle avait agi ainsi, alors que tout le monde lui avait juré qu’elle allait devoir faire des heures à ne plus en finir. Il suffisait de se mettre les titulaires dans la poche et étrangement, il lui semblait que ce ne serait pas un problème pour la Barnes.

Elle allait tout de même devoir donner des heures. « Parfait, et qu’est-ce que vous voulez que je fasse exactement ? » Nina avait envie de voir le talent que Mavis semblait témoigner pour la médecine. La neurochirurgie est une des spécialités les plus demandeuses, celle où les étudiants se doivent d’être les meilleurs. « Je n’ai entendu que des compliments à ton sujet, j’avoue avoir eu envie de voir par moi-même. » C’est bien uniquement pour cela que Nina avait insisté pour avoir la jeune femme dans son service. Elle ne s’entourait que des meilleurs. Mais peut-être aussi parce qu’elle avait un cas particulier qui pourrait intéresser la jeune femme. Comme si tout avait orchestré à la perfection, une infirmière venait amener des résultats d’examens dans son bureau à cet instant précis. Après l’avoir remercié, Nina releva les yeux vers Mavis. « Quels seraient les symptômes démontrant une épilepsie chez un nourrisson ? » Nina avait ses propres suspicions concernant son patient, mais avant de demander une consultation neuro, elle voulait voir ce que la prodige avait dans le ventre.

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"Et vous devriez garder vos leçons de morale pour vos enfants." Oh. Ce n’était pas involontaire de la part de la fille Barnes de parler d’enfants, c’était même calculé au millimètre, son ton ne dérogeant pas au calme olympien qui était le sien en toutes circonstances. Si elle n’avait pas conscience de dépasser une limite, elle aurait laissé un petit sourire en biais remonter sa pommette pour prouver à Nina qu’elle savait très bien ce qu’elle faisait, ce qu’elle disait. Un moyen comme un autre de lui cracher au visage un Ruben m’a raconté sans le dire, alimentant ainsi la curiosité graduelle d’une femme qui ignorait être trompée. Qu’elle fasse la maline si ça lui donnait l’impression d’être puissante, Nina, Mavis avait dans tous les cas une longueur d’avance apportée par rien d’autre que sa volonté à contrôler le monde qui l’entourait.
Elle lui reprochait son arrogance, mais opposer son avis personnel à un élève en apprentissage, c’était de l’abus de pouvoir. Elle n’était pas une gamine, elle n’avait pas besoin qu’on la reprenne sur son attitude, elle était là pour apprendre. Pour autant, les apparences, c’était quelque chose à cultiver avec un soin particulier. De ce fait, feignant soudainement le mauvais choix de vocabulaire, elle se corrigea sans perdre son sang froid, ses yeux rivés sur la jeune femme "Je voulais dire pour vos patients." Et là encore, elle retint un petit sourire en s’accotant au cadre de la porte, ses bras se croisant en même temps pour assister au petit manège de cette supérieure pour qui elle n’avait aucune considération.

Mavis ne discuterait pas les ordres de la hiérarchie, elle pouvait en revanche discuter les choix de ceux qu’on lui mettait dans les pattes. Elle n’était pas idiote, elle connaissait le fonctionnement de l’hôpital. Elle avait posé la question à Nina par politesse à propos du dérangement soudain des plannings, seulement elle savait très bien qu’il y avait dû y avoir une réunion de dernière minute durant laquelle les titulaires avaient donné leurs doléances et fait un choix d’externe à traîner partout avec eux pour le reste de la journée. En d’autres termes, Nina l’avait choisie, elle "Et vous n’étiez intéressée par aucun autre externe que moi ?" lui demanda-t-elle avec culot. Là, elle laissa enfin un sourire lui échapper quand elle se permit de lui donner un conseil "Avec tout le respect que je dois à votre parcours, je pense recevoir assez de bons conseils pour pouvoir me passer des vôtres. Je suis consciente de privilégier un service, et de ça non plus je ne m’en suis jamais cachée. D’ailleurs, tout le monde le fait." Ce n’était pas par méconnaissance du protocole qu’elle négligeait la chirurgie pédiatrique, c’était par choix. Les sauts de puce que Nina lui conseillait de faire, elle les ferait en temps et en heure, elle n’avait pas besoin qu’on lui désigne le chemin, merci bien "Je sais exactement combien d’heures il me manque et dans quel service. Contrairement à d’autres, je n’ai pas besoin qu’on me mette le nez sur l’évidence pour comprendre qu’elle existe." Son regard s’aimanta au sien, sa pique dirigée vers elle sans qu’elle n’ait aucun moyen de le deviner.

"Je travaille beaucoup et je fais ce qu’on me demande, c’est pour ça que je suis là." fit-elle savoir à Nina qui soudainement vantait ses mérites. Elle savait ce qu’on disait que sa filiation, sur les avantages qu’elle avait parce qu’elle était une Barnes. A part Ruben, personne ne savait vraiment qu’elle n’en jouissait d’absolument aucun, Leon la traitant comme une externe lambda, certainement plus durement encore, d’où l’intérêt qu’elle avait trouvé de se rapprocher des bonnes personnes, au bon moment. Elle avait besoin de reconnaissance Mavis, mais pas de gens comme la jeune femme qu’elle avait en face d’elle. Elle savait glaner les compliments de ceux qui comptaient vraiment, pas des idiots qui se donnaient de l’importance en faisant semblant d’être autoritaire. Elle s’humecta les lèvres, attendit les ordres, et leva les yeux au ciel avec un rictus en demi-teinte à la question qu’elle lui posa. Elle était insultante au fond. Elle comptait se spécialiser en neurochirurgie, et elle la questionnait sur l’épilepsie du nourrisson ?  C’était comme demander à un matheux d’additionner 1+1 : c’était risible. Mais bonne joueuse, elle glissa ses mains dans les poches de sa blouse en se redressant en même temps, un gros soupir quittant sa poitrine qu’elle bomba très brièvement en restant fière sur ses appuis "Un nourrisson de quel âge exactement ?" demanda-t-elle d’abord avant d’énumérer du tac-au-tac "Spasmes, absences passagères, regard fixe, convulsions, pertes de conscience, pleurs… je peux voir ?" Elle pointa du doigt les résultats que l’infirmière venait de ramener, la remercia du regard quand elle passa à ses côtés, et n’attendit pas vraiment que Nina lui donne l’autorisation pour s’avancer dans la pièce.

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« Et vous devriez garder vos leçons de morale pour vos enfants. » Elle n’était pas certaine d’avoir bien entendu. Relevant le menton, elle vint planter un regard ferme sur le visage de poupon de la petite gamine effrontée. À quoi est-ce qu’elle était en train de jouer, exactement ? « Je voulais dire pour vos patients. » Le rattrapage se fit à la volée dans une nonchalance qui ne faisait que souligner son insolence. La princesse, se pensait-elle chez elle entre les murs de l’enceinte ? Trop intouchable pour se faire reprendre par un supérieur ? N’importe quels autres étudiants aurait fait profil bas après, c’était fait reprendre sur son attitude. La Barnes faisait partie des coriaces, de ceux qui pensent pouvoir jouer à Dieu sans impunité aucune. Nina n’entrera pas dans son petit jeu puéril. Ce n’est pas ce genre d’attitude qui amènera l’étudiante à se faire respecter et ce n’est pas en voulant sortir les griffes qu’elle gagnerait l’admiration de qui que ce soit dans ce service.

À présent, Nina se demandait réellement pourquoi elle avait choisi une gamine effrontée pour se la coller dans les pattes le reste de la journée. « Et vous n’étiez intéressée par aucun autre externe que moi ? » Les meilleurs étaient déjà pris ou plutôt, ils avaient au moins eu la décence d’avoir déjà fait un tour dans son service. Nina avait dû taper dans le bas de l’échelle, héritant d’un chaton enragé. « Quitte à se faire imposer une journée de baby-sitting autant que ce soit avec quelqu’un a minima douée à défaut d’être pleinement intéressé. » Elle n’allait pas non plus lui envoyer des fleurs. Pas avec une attitude pareille. Mais Nina se voulait de bon cœur à distribuer quelques conseils qui permettraient à la blonde de vite retourner dans sa tour dorée. « Avec tout le respect que je dois à votre parcours, je pense recevoir assez de bons conseils pour pouvoir me passer des vôtres. Je suis consciente de privilégier un service, et de ça non plus je ne m’en suis jamais cachée. D’ailleurs, tout le monde le fait. » Ce n’était plus un secret que les étudiants avaient fait leur choix avant même la fin de l’externat. Ce n’était, néanmoins, pas une excuse pour se penser au-dessus de ce que la réglementation universitaire exigeait d’eux. « Je sais exactement combien d’heures, il me manque et dans quel service. Contrairement à d’autres, je n’ai pas besoin qu’on me mette le nez sur l’évidence pour comprendre qu’elle existe. » - « Et contrairement à d’autres, tu fais partie de ceux que l’on doit sermonner. » Elle pensait gérer son temps à la perfection, mais Mavis Barnes était l’une de celle qui n’avait pas encore toutes ses heures, quand le trois quart de sa promotion avait déjà rempli cette part du marché. Aux yeux de Nina, cela relevait de l’incompétence. À quelques mois des examens, elle devrait vouloir briller dans son service de prédilection et pas se mettre à dos l’entièreté du reste des titulaires. Chacun sa guerre, après tout.

À présent, Nina se demandait comment Ruben pouvait apprécier de travailler avec une gamine aussi arrogante. Lui qui vivait pour la lumière et les compliments devait se retrouver face à une sacrée bataille d’ego avec la Barnes. Mais il n’avait pas été le seul à lui vanter les mérites de l’externe et elle comptait bien s’en rendre compte par elle-même. Le début était chaotique, mais Nina s’était juré depuis longtemps de ne pas juger quelqu’un sur son simple nom de famille. « Je travaille beaucoup et je fais ce qu’on me demande, c’est pour ça que je suis là. » Mavis avait encore une dernière chance. Qu’elle vint dérailler avec son air suffisant, à lever les yeux au ciel comme si Nina venait de lui faire offense. Certes, l’épilepsie pour un neurochirurgien était l’équivalent d’une vulgaire appendicite pour Nina, mais Mavis ne lui avait aucunement laissé le temps de présenter le cas avant de s’offusquer. « Écoute, tu n’as pas envie d’être là et je n’ai pas envie de me coltiner quelqu’un qui ne souhaite pas apprendre. » Elles pouvaient au moins s’accorder cela. Personne ne demandait une entente cordiale entre elles, après tout. « Je peux encore t’envoyer faire des sutures pour le reste de la journée ou réellement t’insulter en te demandant de gérer le flux de gastro qui arrive aux Urgences. » Là, elle se moquerait réellement de l’intérêt que Mavis porte à la médecine. Nina n’était pas la plus agréable parfois, mais elle n’était pas de ces titulaires qui se débarrassent des étudiants et prétendent avoir fait le job. « Sinon… » Elle ouvrit le dossier du bébé qui la préoccupait depuis la vieille et le tendit à la blonde. « James Anderson, nourrisson de 4 mois, suspicion d’épilepsie suite à plusieurs absences avec regard fixe et crises toniques avec raidissement des muscles de la tête et des bras. » Tout était écrit dans le dossier que Mavis était en train de parcourir, mais Nina avait pour habitude de lancer les débats à voix haute. Le petit était né prématuré, mais avait pu rentrer chez lui après quelques semaines en néonatalogie. Depuis, Nina l’avait déjà vu à deux reprises pour ce genre de crises. « Il a été admis hier après une énième crise qui lui a provoqué une apnée. » Et par conséquent la frayeur de ses parents. Si Nina ne savait pas, et ne voulait pas, gérer les familles apeurées, elle avait à cœur de trouver ce qui n’allait pas chez ce bébé. « Et comme tu peux le voir ce n’est ni une méningite bactérienne, ni la rubéole. » Ce n’était donc pas lié à une infection et pour Nina, il ne restait qu’une option : quelque chose n’allait pas avec le cerveau de ce bébé. « Alors qu'est-ce que tu préfères ? » Mavis, allait-elle accepter de jouer le jeu ou préférait-elle partir directement pour une journée à essuyer le vomi aux Urgences ? Nina était prête à lui donner plus de responsabilités qu’une simple externe sur ce cas, mais Mavis devait avant tout s’affranchir de son insolence.

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Mavis n’était agressive qu’avec Nina, autrement elle était d’un calme qui lui était souvent reproché, forteresse inaccessible au verrou bien scellé. Elle avait le défaut d’être une femme en plus d’être celle de Ruben ; ce n’était pas de la jalousie, elle ne calait pas ses vices sur ceux de son amant qui en était vert quand elle tâtait d’un peu trop près les hommes qui l’entourait. C’était autre chose, une forme de rivalité qu’elle n’avait pas vu venir et qui était induite par la conversation qu’elle avait eu avec le jeune homme il y avait quelques temps de ça déjà. Elles se ressemblaient physiquement, c’était plutôt troublant d’ailleurs, et ça lui donnait envie de hurler de s’en rendre compte en décalé, surtout quand elle avait eu la sensation en écoutant Ruben parler que là encore, elle prenait la place qu’elle avait toujours occupé dans sa dynamique avec les autres : celle de suppléante. Elle ne s’était pas débarrassée de sa jumelle pour en gagner une nouvelle, l’idée lui traversa l’esprit alors qu’elle la fixait de là elle se trouvait, à deux doigts de décider de se tirer d’ici pour la laisser au prise des recommandations de la hiérarchie qui lui reprocherait de ne pas avoir su tenir son rôle d’enseignante.

Mavis pencha la tête sur le côté. Elle ne comprenait pas ce qu’il lui trouvait, c’était aussi simple que ça. Elle était brillante, une certitude que son parcours ne faisait pas démentir, mais à part ça ? Elle était sans nuances, sans profondeur. Ce qu’elle offrait au monde, c’était qui elle était vraiment — pas étonnant que Ruben préférait aller fourrer son nez dans ses jupes, quand ce n’était pas autre chose d’ailleurs, mais passons sur les effets de style. Elle la regardait sortir les griffes en réponse à ce que Mavis lui disait, et elle avait envie de rire, mais elle n’avait aucun moyen d’expliquer vraiment son attitude à son encontre quand les échos la disait impeccable avec le reste du personnel de l’hôpital — elle traitait mieux les infirmières qu’elle ne traitait Nina sur le moment. En d’autres termes, elle se retrouvait piégée avec elle et devrait ronger son frein. Elle roula de nouveau des yeux, ne rebondissant pas sur la notion de baby-sitting qu’elle apposa à la présence de Mavis dans son service, mais rebondissant sur le reste quand elle la plaça dans le rôle de celle qui avait une mauvaise réputation auprès de ses supérieurs.

"Non, vous jugez bon de me sermonner." Elle eut un léger mouvement de sourcils en la désignant du menton "J’ai jamais eu aucun problème avec personne jusqu’à maintenant, ne me collez pas une étiquette de mauvaise élève parce que ça vous arrange." Calmement, elle ajouta sur cette lancée "Mes heures sont faites partout, sauf ici. Ne vous avisez pas de remettre en cause ma façon de fonctionner parce que j’ai aucun intérêt pour votre spécialité. C’est entre vous et votre ego, docteur Craine." lui fit-elle remarquer, et elle comprit soudain ce que Ruben pouvait bien lui trouver finalement : elle était aussi imbue d’elle-même qu’il l’était au point de passer à côté d’informations essentielles à la survie de sa vie privée "Et j’ai jamais dit que je voulais pas apprendre. Ça c’est une conclusion hâtive basée sur ce seul échange ce qui est plutôt maigre pour se faire une idée sur quelqu’un, vous en conviendrez, non ?" Elle était médecin, chirurgien, n’avait-elle pas eu le memo à propos des sabots, des zèbres et des chevaux ? Elle se permettait de sauter aux conclusions parce que ça arrangeait son intellect de ne pas creuser pour voir plus loin que le bout de son nez ? Etonnant que sa réputation fût aussi bonne si elle était aussi partiale dans sa façon de traiter des éléments donnés. Mav secoua la tête, trouvant risible la manière dont elle la menaçait avec des taches ingrates comme si elle ne serait pas préposée à ces dernières dès l’an prochain, quand elle serait officiellement une interne. Elle n’était pas impressionnée par ça Mavis, elle avait ses arrières d’assurés par la promesse de Ruben de la faire entrer au bloc plus souvent que nécessaire ; elle s’en cognait de devoir vider des bassins, faire des lavements et sutures, elle savait ce qu’elle valait et elle avait oeuvré pour que le médecin le plus important de cet hôpital le sache. A côté, le poids de Nina ne pesait pas bien lourd, et ses menaces encore moins.

Mais encore une fois, elle ne pouvait pas arguer tout ça à cause de son instinct de protection envers Ruben, alors si son attitude ne changea pas vraiment, elle sauta par-dessus la punition que Nina lui faisait miroiter, et s’arrêta sur le cas qu’elle lui présentait avec des informations sommaires, et des résultats biologiques qu’elle consulta d’un oeil avisé en ne se figurant d’aucune anomalie. Elle pinça les lèvres, aurait bien eu envie de l’envoyer se faire foutre pour lui prouver que son petit chantage ne fonctionnait pas sur elle et glaner ses informations ailleurs pour rester sur ce cas qui semblait intrigant de prime abord. Mavis ne voulait pas faillir dans la fonction qu’elle s’était donnée depuis le début de ses études, et elle n’avait pas envie que cette mauvaise expérience avec un titulaire vienne entacher ses références. Bien sûr ça la gonflait de devoir travailler avec Nina, mais ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Elle en avait connu d’autre, des plus désagréables que celui-ci encore, et elle s’en était toujours sortie, non ? Relevant la tête avec un soupir, elle accrocha son regard, et finit par lui dire pour toute réponse "Je peux voir le dossier complet ?" Parce qu’elle était douée, mais elle n’avait pas encore appris à lire dans les astres pour se mettre au parfum de ce qui l’attendait et de ce qui lui demanderait une attention décuplée.

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@MAVIS BARNES & NINA

Nina ne perdait jamais son sang-froid. Elle savait faire la part des choses, mettant de côté les remontrances inutiles, de celle qui insultait réellement son travail. Nina ne prenait pas tout à cœur, ne jouait pas l’émotive, comme l’externe en face d’elle. Tout paraissait soudainement personnel pour Mavis, comme si elle allait devoir défendre son père et un honneur dont Nina n’en avait qu’à faire. « Non, vous jugez bon de me sermonner. » Il fallait bien que quelqu’un s’y colle quand le reste des équipes passent son temps à lui lécher les pieds comme si elle était une divinité tomber sur leur hôpital pour tous venir les sauver. Mavis ne devait pas oublier, elle n’était qu’une externe, le bout de la chaîne alimentaire. Rien de plus. « J’ai jamais eu aucun problème avec personne jusqu’à maintenant, ne me collez pas une étiquette de mauvaise élève parce que ça vous arrange. » Elle paraissait également capable d’extrapoler la moindre petite remarque. Est-ce qu’elle allait se mettre à chialer dans trois secondes ? Ou menacer de tout aller raconter à son père comme la petite princesse qu’elle semblait être ? « Mes heures sont faites partout, sauf ici. Ne vous avisez pas de remettre en cause ma façon de fonctionner parce que j’ai aucun intérêt pour votre spécialité. C’est entre vous et votre ego, docteur Craine. » Nina la laissait parler, il ne servait à rien de chercher à contredire la demoiselle que personne n’osait jamais brusquer. Elle pourrait se faire mal à tomber de son piédestal. « Et j’ai jamais dit que je voulais pas apprendre. Ça, c’est une conclusion hâtive basée sur ce seul échange ce qui est plutôt maigre pour se faire une idée sur quelqu’un, vous en conviendrez, non ? » Croisant les bras sur sa poitrine, Nina releva enfin les yeux vers la jeune externe. « Tu as fini ? » Elle aurait presque pu s’assoupir face à son discours à ne plus en finir. Qu’est-ce qu’elle cherchait à faire ainsi ? À trouver le respect de ses paires en remettant en cause le jugement de quelqu’un de plus âgé ? Mavis ne lui inspirait aucunement confiance avec cet ego surdimensionné, mais Nina n’avait pas réellement le choix désormais. « Ce qu’il fallait retenir, c’est que parmi tous les assoiffés du bistouri, je t’ai choisi toi, parce que tout le monde vante tes compétences. » Elle n’avait pas besoin de monter sur ses grands chevaux dans l’idée de défendre la veuve et l’orphelin. Cela ne lui sert strictement à rien si ce n’est dépeindre une image que Nina pensait si éloignée de la vérité. « Alors ne nous arrêtons pas sur un service, mais bien sur la seule chose qui compte : tes compétences. » Et malgré tout le dédain qu’elle pouvait ressentir face à Mavis, elle ne doutait pas d’une seule chose, derrière ses grands discours la gamine était douée.

Au moins, elle démontrait un certain intérêt à écouter le cas qu’elle se mit à lui présenter. Au premier abord, tout paraissait simple. Un nourrisson avec quelques crises épileptiques, un jeu d’enfant. Mais c’était bien plus que cela, pas aussi aisé à détecter, en particulier quand le patient est incapable de communiquer et que les parents sont tout simplement terrifié. « Je peux voir le dossier complet ? » Elle eut une seconde d’hésitation. Nina n’avait pas besoin d’un ego surdimensionné sur ce cas. Elle avait besoin de quelqu’un de compétent qui allait pousser à bout tous les résultats de laboratoire pour en tirer une conclusion. Elle pensait Mavis prête pour le job, mais après son attitude quelque chose la fit douter. « Ne me le fais pas regretter. » Elle lui tendit le dossier comprenant tous les premiers examens effectué quelques jours auparavant. « Je vais avoir besoin de cliché plus récent. » Un bébé évolue vite, trop vite parfois lorsque sa pathologie demande du temps à être pleinement détecté. Nina allait avoir besoin de clichés et de résultats biologiques datant du jour même. Mais son bipeur vint briser le silence. « Je dois aller voir ça. » Elle avait d’autres patients et celui-ci paraissait urgent. « Je te laisse prendre connaissance du dossier, tu peux voir les labos avec mon interne, Sara. »

Elle fut traînée d’une chambre à une autre, pour gérer un petit bobo, répondre aux questions de certains parents et s’assurer que ses opérations du lendemain étaient toutes prêtes et que les salles d’opérations avaient été réserver. Cela lui prit un certain temps et lorsqu’elle eut de nouveau cinq minutes pour elle, Nina se mit en quête de son externe du jour. Elle finit par retrouver Mavis dans une des salles de repos, le dossier toujours sous ses yeux. « Excuse-moi, ce fut plus long que prévu. » Le fait de s’éloigner, de devoir gérer d’autres urgences, avait permis à Nina de respirer et c’est une toute nouvelle approche qu’elle souhaitait tenter désormais. Les conflits de gamins, très peu pour elle. « Alors ? » Est-ce qu’elle avait pu avancer sur quelque chose ? « Qu’est-ce que tu en déduis ? » Et surtout, est-ce qu’elle était disposée à démontrer ses fameuses compétences ?

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@Nina Craine (crédit gif/ttenvely)

En fait, non, elle n’avait pas fini. L’occasion serait si belle de lui faire ravaler son petit air suffisant et de lui demander comment ça allait en ce moment, avec Ruben. Et le mariage, comment avançait-il au fait ? Bientôt le moment de penser au bébé, docteur Craine, l’horloge tourne - tic, tac. Elle la fixa Mavis, et elle sut en un clignement de cils que cet échange, il deviendrait le point de départ de tous les sales coups qu’elle serait susceptible de lui faire dans les prochains temps. Elle ne savait pas quoi exactement, mais lui nuire ne serait pas choses difficiles. Elle le faisait déjà en vérité, fallait-il seulement qu’elle baissa la tête pour voir ce qui se jouait sous son nez au lieu de constamment observer son royaume avec le menton dressé.

Un léger rire, sorte d’inspiration par le nez, échappa à Mavis qui lui fit remarquer "Vous enchaînez les reproches et je suis supposée me pâmer devant les compliments que vous me faites uniquement pour redresser la barre ? Si on est amenées à travailler ensemble sur la durée, je vous donne une information me concernant : la flatterie, ça fonctionne rarement." Ça fonctionnait grave, mieux que n’importe quoi, mais sûrement pas quand ça venait d’une idiote comme elle. Qu’importent ses diplômes, Nina restait une abrutie de première classe, rien ne lui ferait jamais changer d’avis là-dessus.
Obligée de ronger son frein néanmoins, elle ne lui fit pas une autre remarque concernant le fait que c’était elle qui avait semblé remettre ses compétences en doutes en tablant sur les manquements de ses heures dans son service à la con. Si elle cherchait à la mettre en boule, elle y parvenait sans mal, et putain qu’elle le haïssait d’y parvenir alors que toute sa vie, elle avait été d’un calme qui lui avait toujours laissé l’occasion d’avoir un coup d’avance. C’était comme si être confrontée à une autre version d’elle-même remettait en marche la haine qu’elle avait toujours ressenti pour sa soeur, et ce n’était pas une bonne chose : pour elle, pour Nina, pour Ruben, pour personne.

Elle se sentit trembler de l’intérieur et ne répondit rien à Nina qui marqua une hésitation quand elle lui demanda si elle pouvait voir le dossier complet en faisant dans la fanfaronnade pour la forcer à donner le meilleur d’elle-même. Quand elle disparut de son champ de vision, Mavis inspira très profondément, se pencha sur le dossier ouvert sur la tablette que Nina venait de quitter et grinça des dents en contenant ce sentiment qui la transit de part en part et qui ressemblait presque à une crise de panique ; ce n’en était pas une, elle n’en faisait plus depuis des années maintenant, ce n’était surtout pas le moment, surtout que l’interne de la jeune femme débarqua pour lui fournir ce dont elle avait besoin, et rester à sa disposition pour lui expliquer le fonctionnement de sa supérieure.
Sa méthode pour se reprendre, ce fut de travailler. Elle le fit durant tout le temps où Nina fût absente, s’autorisant à se servir des infirmières pour lui apporter les éléments manquant au dossier qu’elle n’avait pas le droit de consulter de façon numérique ; elle se contenta des feuilles volantes qu’on lui donna, des précisions qu’on lui fit, et décida de s’extirper de sa chaise pour aller faire un tour à la bibliothèque médicale de l’hôpital où ça lui sembla plus facile de reconcentrer ses connaissances, mais aussi tout son calme. Elle se mit à fond dans l’étude du cas qu’elle avait sous les yeux, et se rendit compte en consultant les données qu’on lui avait fourni qu’aucun EEG n’avait été fait au bébé qui les intéressait, et ça lui donna l’impression d’un manquement essentiel alors qu’on soupçonnait une épilepsie à un gamin qui n’avait même pas six mois. Elle en ricana pour dire vrai, parce que pour quelqu’un qui se disait compétent, le docteur Craine venait d’omettre l’examen basique accordée à ce genre de symptômes ; les scans, les analyses de sang, c’était bien beau, mais quand ça concernait le cerveau, c’était plus complexe que ça. Elle nota aussi que dans l’interrogatoire de la mère, il avait été noté une consommation excessive d’alcool dans les premiers mois. Elle secoua la tête en refermant tout ça, roulant des yeux au passage.

Ayant retrouvé sa capacité de raisonnement, elle retourna dans le service de la jeune femme qui arrivait en même temps. Mavis n’attendit pas, lui tendant les informations qu’on lui avait donné pour travailler "J’en déduis que vous auriez pu me reporter l’interrogatoire de la mère, et me dire tout de suite qu’elle n’avait pas cessé sa consommation d’alcool durant les six premiers mois de sa grossesse." Aucun jugement à apporter à ça, Mavis n’était pas là pour pointer du doigt les manquements de ses patients, elle était là pour les soigner — quand elle pourrait le faire du moins, elle n’avait aucune morale à dicter. Elle continua "Vous auriez aussi pu me prévenir qu’aucun EEG n’avait été pratiqué sur le nourrisson pour étudier son activité cérébrale pendant ses crises, ce qui vous aurez probablement aidé à déterminer plus rapidement qu’à moins d’une découverte tardive d’une trombose ou d’un saignement — toujours possible au demeurant, il faudra consulter les nouveaux clichés que vous voulez faire — il était seulement en train de se sevrer." Il ne se nourrissait pas convenablement non plus, et l’anorexie était un symptôme alarmant du syndrome d’alcoolisation foetale ; et elle doutait qu’elle soit capable de travailler dans son service simplement parce qu’elle n’avait pas fait le bon nombre d’heures ? Elle avait fait tout son externat aux côtés de Ruben Hartfield, qu’est-ce qu’elle croyait ?
Si le seulement qu’elle prononça, Mavis le mit entre guillemets qu’elle fit avec ses doigts, rien n’était pourtant à prendre à la légère, alors ajouta après avoir roulé ses lèvres l’une sur l’autre en détachant son regard de celui de Nina pour continuer après avoir raisonné silencieusement durant un court instant "Si j’étais à votre place, après avoir confirmé tout ça, je préconiserais un suivi adapté pour déterminer s’il aura des séquelles ou non. C’est possible, tout comme le contraire, il faut le garder à l’oeil." En d’autres termes : la balle est dans ton camp, pétasse.

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@MAVIS BARNES & NINA

La tension paraissait être à son comble. Rien ne semblait s’aligner pour que les deux jeunes femmes s’accordent sur un terrain de compromis. Quand l’une cherchait à satisfaire les lubies de sa direction, l’autre s’entêtait à vouloir démontrer que rien ni personne ne pourrait lui dicter son comportement. « Vous enchaînez les reproches et je suis supposée me pâmer devant les compliments que vous me faites uniquement pour redresser la barre ? Si on est amenées à travailler ensemble sur la durée, je vous donne une information me concernant : la flatterie, ça fonctionne rarement. » Une passe de force, quelques sourires forcés et Nina s’en voulait déjà d’avoir insisté pour se coltiner une petite peste. Qu’est-ce que Ruben pouvait bien trouver d’intéressant dans le travail de cette héritière insolente ? Lui qui aimait tant que l’on soit à sa botte, elle s’étonnait qu’il supporte les états d’âmes et l’estime surdimensionné que la blonde semblait avoir d’elle-même. « C’est noté. » Les compliments seront donc absents de toute évaluation que l’on pourrait lui demander d’exécuter. Au mieux, Mavis sera qualifié d’étudiante déterminée, mais ce n’est pas réellement l’adjectif qui lui venait en premier.

Nina lui laissait encore la chance de pouvoir démontrer ses aptitudes au travers d’un cas pratique plutôt que par le biais de quelques tournures de phrases alambiquées. Si Mavis avait le verbe haut, en serait-il de même quant à sa capacité de déduction ? Obligés de ronger son frein, Nina se permis malgré tout d’omettre bien des points, pourtant capital à la pleine compréhension du dossier. La Barnes voulait se qualifier d’élève brillante ? Elle allait devoir en faire la démonstration.

Rangeant son stylo dans la poche avant de sa blouse, Nina reporta son attention sur l’externe après l’avoir laissé seule un bon moment. Elle l’avait presque oublié, avant que son interne ne mentionne le dossier. Il lui fallait conclure avec l’étudiante, prendre au moins le temps d’écouter ce qu’elle avait pu faire du dossier entre ses mains. « J’en déduis que vous auriez pu me reporter l’interrogatoire de la mère, et me dire tout de suite qu’elle n’avait pas cessé sa consommation d’alcool durant les six premiers mois de sa grossesse. » Elle était donc allée se renseigner auprès des infirmières. « Vous auriez aussi pu me prévenir qu’aucun EEG n’avait été pratiqué sur le nourrisson pour étudier son activité cérébrale pendant ses crises, ce qui vous aurez probablement aidé à déterminer plus rapidement qu’à moins d’une découverte tardive d’une trombose ou d’un saignement — toujours possible au demeurant, il faudra consulter les nouveaux clichés que vous voulez faire — il était seulement en train de se sevrer. » Un sourire narquois vint se dessiner sur les lèvres de Nina. L’externe n’était pas aussi bête que ses congénères pouvaient parfois l’être. Elle ne s’était pas contenté des informations que la titulaire lui avait transmise pour foncer tête baissée. Elle avait pris le temps de véritablement se renseigner sur le patient et c’est bien tout ce qui avait son importance, quelque, ce soit l’âge de ce dernier. « Et donc le meilleur protocole à suivre ? » Elle savait parfaitement que Mavis avait la bonne réponse. Peut-être qu’elle se jouait un peu d’elle, pour lui rappeler que son air hautain ne jouait pas dans la balance. « Si j’étais à votre place, après avoir confirmé tout ça, je préconiserais un suivi adapté pour déterminer s’il aura des séquelles ou non. C’est possible, tout comme le contraire, il faut le garder à l’oeil. » Certain étudiant devrait prendre un peu plus exemple sur leur camarade. Il fallait définitivement travailler l’attitude, mais l’examen de cas était parfait. « Très bien. » Tendant la main vers la tablette qui se trouvait toujours contre le bras de Mavis, elle se rappela que cette dernière lui avait demandé de prescrire la flatterie. « Cela se détecte également par des traits anormaux du visage. » Les détails étaient parfois imperceptibles, mais pourtant presque assez distincts sur le visage de son patient. Nina savait les reconnaître, elle n’avait en rien exclu le syndrome d’alcoolisme fœtal, mais les crises de son patient, l’amenaient à vouloir envisager des pistes différentes. « On n’est jamais trop prudent avec un bébé. » Une fois encore, la prise en charge des tout petits différait de celle d’un adulte. Néanmoins, Nina était satisfaite du compte-rendu de la jeune femme et elle lui proposa de l’accompagner pour la batterie d’examen qui attendait le nourrisson. La collaboration n’avait clairement aucune vocation à perdurer, mais Mavis sut démontrer un intérêt. Pour autant, ce dernier n’eut aucune réussite à altérer la première impression que Nina eu d’elle à la suite de ce premier échange.