@"CECILIA BAKER" & FINNLEY COVERDALE ⊹⊹⊹ You're terrified to look down 'Cause if you dare, you'll see the glare Of everyone you burned just to get there, It's coming back around.

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Le temps d’une soirée, Finnley a concédé à quitter les tables de jeu et la salle de surveillance pour se mêler à la foule environnante, quand bien même le social ne fait pas vraiment parti de ses attributions. Il a été invité à faire bonne figure pour l’image du casino, saluant les grosses fortunes reconnaissables par l’amas de gens qu’elles attirent autour d’elles, et même de leur proposer son aide en cas de besoin – alors qu’il n’est pas un putain de servant, jusqu’à preuve du contraire. Quoi qu’il en soit, il s’est contenté des salutations d’usage et de quelques conversations superficielles alors qu’il a déjà écumé ce casino de long en large depuis le début de la soirée. Son compteur de pas doit probablement s’affoler d’une telle dépense d’énergie, là où d’ordinaire il guette au loin et ne se déplace qu’en cas de doute quant à la potentielle tricherie d’un client. Ce soir, les choses sont différentes et c’est la sécurité au sens large dont il est responsable, alors qu’il lui a été demandé de faire partie de l’équipe en charge du bon déroulement des festivités. Cela implique de s’assurer que tout le monde passe un bon moment, en langage codé : d’éliminer les indésirables qui seraient trop alcoolisés pour être raisonnables, et d’inviter la plèbe qui ne correspondrait pas aux standards du casino à faire demi-tour. Oh, bien sûr que les choses n’ont pas été présentées sous cet angle-là, il s’agit plutôt de s’assurer que tout le monde est sur son trente-et-un an et respecte le dress code, évidemment. Il ne s’agit pas d’un processus de sélection biaisé par des critères liés à l’apparence, car celle-ci n’est d’aucune importance dans un tel milieu, tout le monde le sait pertinemment. Il peut comprendre les remontrances qui lui ont été adressées, alors que s’il fait bien son boulot, on ne peut pas dire qu’il s’intègre avec grand succès au sein des collègues qui composent son équipe, ni dans ce milieu-là. Il est taciturne, tire bien souvent la tronche (plus parce qu’il s’agit de son visage que parce qu’il est réellement blasé), ne manque pas de le faire comprendre que quelque chose l’agace, même s’il ne prend que trop rarement la parole. Sur son visage, c’est perceptible : il n’aime pas être là. Pourtant, il aime ce qu’il fait. Mais l’échantillon de la population que compose la clientèle du casino lui rappelle sans-cesse tout ce qu’il exècre et s’il tient le coup, c’est en partie parce que la paie est bonne et parce qu’il est doué dans sa tâche. De là à faire de cet emploi sa raison de vivre... il n’en est pas certain, vous voyez.

Quoi qu’il en soit, le rouquin se faufile à travers la salle, son regard qui guette chaque comportement susceptible de lui paraître dérangeant, intervenant à quelques reprises, laissant traîner l’oreille à d’autres. Tout ceci l’aide également à ne pas se concentrer sur la concentration au mètre carré de gros portemonnaies, ce qui ne ferait qu’augmenter une certaine aigreur qu’il n’essaie pas même de masquer. Il n’a jamais compris ce monde et il y a quelque chose de terriblement ironique de le voir évoluer au sein de celui-ci, même si sa place reste en bas de l’échelle et qu’il n’est qu’un... serviteur, oui, sans doute que ses supérieurs avaient raison de lui confier cette tâche, il faut croire. « Excusez-moi est-ce que je peux vous… » Son attention est happée par  cette voix qu’il croit connaître, et il quitte des yeux la table qu’il surveillait pour mieux découvrir l’inconnue, qui n’en est pas vraiment une. Un rictus moqueur, accompagné d’un bref sourire, prend place sur ses lèvres alors qu’il détaille Cecilia du regard, avec une certaine satisfaction qu’il n’essaie même pas de dissimuler. Qu’on ne s’y méprenne pas, ce n’est pas un regard séduit qu’il pose sur sa silhouette, mais bien narquois en comprenant la raison de sa présence ici, qui paraît évidente alors même qu’elle n’a pas fini sa phrase. « …resservir ? » Voyez-vous ça, dit son sourcil légèrement haussé et sa tête penchée, alors qu’il consent à lui répondre : « Non, mais tu peux me servir un verre d’eau. » D’ordinaire, il n’aura pas manqué d’appuyer sur la politesse, soutenant quand il s’agit des corps de métiers dénigrés sans raison, mais pas aujourd’hui. Non, aujourd’hui, il s’amuse plus qu’il ne compatit, quand il ajoute : « T’es bien là pour ça, n’est-ce pas ? » Qui vise autant à lui rendre la monnaie de sa pièce d’une époque pourtant révolue que d’attester cette intuition pour laquelle, en réalité, il n’aurait pas besoin de confirmation.  

Si Cecilia peut se vanter de se rappeler instantanément au bon souvenir de Finn lorsqu’il identifie cette voix familière, elle ne peut pas pour autant se féliciter de l’avoir marqué au point d’avoir été une pensée récurrente au travers de leurs années de séparation. Bien sûr, la manière dont leur « amitié » (il utilise de grands guillemets, car la fin de celle-ci lui a surtout donné l’impression qu’elle était à sens unique) s’est terminée ne l’a pas épargné, mais pas au point de songer à la façon dont les choses auraient pu être différentes. Car si Finnley a retenu une leçon au fil des galas et autres réceptions auxquelles il a assisté de par son lien avec sa célèbre sœur, c’est que le gratin ne prendra jamais la peine de se remettre en question ou de songer à leurs comportements envers la plèbe dont il fait partie. Il l’a expérimenté avec sa mère, avec sa sœur, avec Cristina, avec Cecilia ; des histoires distinctes pour une même finalité, celle d’être mis de côté à cause d’un statut qui prédomine sur ses qualités, sur sa personnalité, merde, sur son existence toute entière ! Alors même si le rouquin a été peiné de perdre celle qu’il considérait comme une amie le jour où elle s’est rendu compte qu’ils ne pourraient pas continuer à se côtoyer dans un même monde, il ne s’est pas torturé l’esprit quant à en savoir les raisons plus profondes ou la manière dont il aurait pu empêcher cette fatalité. Non, il l’a traitée de la même façon ; en rejetant la faute sur son statut plus que sur son être. Il peut concéder qu’à quelques occasions, quelque chose pouvait lui faire penser à la jeune femme et le ramener à une certaine mélancolie vite oubliée au moment de se rappeler du dédain qu’elle lui a offert à outrance et qu’elle mérite de la même façon, qu’elle soit là pour en témoigner ou non. Aujourd’hui qu’elle est face à lui, Finney ne compte pas s’en priver. « Mais quels talents de déduction incroyables Coverdale. Ravie de constater que t’es toujours une lumière. Qu’est-ce qui m’a trahie exactement ? Ma tenue standard ? La bouteille que je tiens à la main ? Ou le fait que je te propose de te resservir peut-être ? » - « Les trois à la fois, qui se résument facilement par : être au service des autres. » Oh, il insiste, Finnley, il ne compte pas la rater, pas alors qu’elle n’a pas eu suffisamment de considération pour lui pour l’épargner par le passé. Aujourd’hui, il n’en aura pas plus pour elle et, s’il peut au moins accorder à Cecilia le fait qu’elle le faisait parce que cela lui semblait naturel et non pas par sadisme, de son côté c’est du côté de cette seconde catégorie qu’il lorgne.

Il a un don pour la mauvaise foi et la provocation, Finnley, qu’il ne chérit pas assez à son goût et Cecilia lui permet de s’y adonner avec une satisfaction qu’il ne tente même pas de dissimuler. Parce qu’il a l’avantage, peu importe la joute verbale qui pourrait s’installer entre eux. Elle a du répondant et il ne doute pas qu’elle s’en servira, pour autant elle ne peut pas vraiment appuyer sur de faits qui lui sont inconnus. Il bosse ici, il est lui aussi au service des autres, mais il l’a toujours été et ce n’est pas quelque chose qui l’atteint plus que de raison – pas plus qu’à l’époque, du moins. Cecilia, d’un autre côté, apparaît avec un statut qui ne lui connaissait pas et sur lequel il ne se privera pas d’appuyer dès lors que l’occasion lui sera donnée. Un sale petit con, oui, mais tant qu’à être insultée par la blonde, autant qu’elle ait une véritable raison derrière son animosité, cette fois-ci. « Vraiment désolée, on n’a pas d’eau comme tu peux le voir. » - « Vraiment désolé que tu aies des jambes pour te déplacer et un boulot à exécuter. » Il verbalise en adressant un signe de tête vers les réserves. En d’autres termes, toutes les conditions sont requises pour qu’elle daigne lui chercher ce verre d’eau, quand bien même elle vient plaquer une coupe de champagne attrapée au vol dans sa main. « Et à la tienne surtout. » Coupe qu’il s’empresse de lui renvoyer entre les mains, une précipitation qui n’est pas uniquement due à la lutte qui s’immisce entre eux que le simple fait de s’abstenir de prendre le moindre risque quand il s’agit de son addiction. « Si t’es aussi aimable avec tous les invités, tu t’étonneras pas que la sécurité te mette dehors. » Il précise, son regard qui se porte sur elle, sa tête légèrement abaissée. « J’ai entendu dire que le type qui s’en occupe n’est pas commode. » Il ajoute, d’un air entendu, avant de préciser : « Oh, tiens, donc... » Un rictus à mi-chemin entre le mépris et l’amusement sur ses lèvres.

@Cecilia Barker  

Si Finnley ne brille pas par son estime de soi, il a toutefois conscience de ses qualités et, par extension, de ses défauts ; rancunier en fait partie et se veut même en tête de liste. En ce sens, le traitement qu’il réserve à Cecilia aurait pu être réservé à quiconque l’ayant quelque peu touché dans sa fierté, que ce soit la veille ou dix ans auparavant. Il a mis du temps à l’admettre, Finn, qu’il était du genre revanchard, mais depuis qu’il l’a admis, c’en est presque maladif. Il semblerait qu’il n’ait plus de limite quand il s’agit de raviver les vieilles rancœurs et il s’en cache derrière un trait de personnalité qu’il ne juge pas utile de reconsidérer. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’il est prêt à se remettre en question, pas alors que la vision de Cecilia suffit à l’exaspérer et à raviver une blessure qu’il croyait avoir été pansé par le temps. « Oh, vraiment désolée. J’ai pas l’habitude. Mais comme toi oui, tu pourras me donner des cours j’imagine ? » Et puisqu’elle ne se gêne pas pour continuer à lancer du sel sur celle-ci, Finnley se donne le droit d’en faire de même et d’accentuer leur désormais mise à niveau. « Avec plaisir, je peux t’aider à devenir un bon larbin, en revanche pour la chute qu’a dû faire ton estime en même temps que ton statut, ça, faudra trouver un autre expert du domaine. » Il rétorque, un large sourire sur les lèvres qui a tout de la parfaite provocation hypocrite. Il possède un avantage non négligeable sur Cecilia dont il ne se prive pas de faire l’étalage : il a toujours connu ça, contrairement à elle. D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il n’a jamais fait partie de ceux qui comptent, de ceux qu’on peut considérer comme importants et en ce sens, Finn sait aussi sa place (même si ça ne veut pas dire qu’il l’accepte pour autant). Les choses doivent être différentes pour une Cecilia qui a côtoyé les hautes sphères et se retrouvent désormais propulsée au rang d’insignifiante. Il ne peut qu’imaginer à quel point son estime d’elle-même a dû en prendre un coup, autant que sa vie de manière plus générale. Loin de s’en désoler pourtant, il ne voit leurs retrouvailles que comme un juste retour du karma – il va peut-être commencer par y croire, tiens. Il pourrait lui demander de ce qu’il s’est passé, oui, mais Finn, bien qu’il soit piqué par sa curiosité, ne compte pas le faire. Lui poser la question, c’est prendre le risque que la réponse lui fasse revoir sa position et se retrouve à avoir de la compassion envers quelqu’un, qui de son côté, n’en a jamais eu pour lui.

Peut-être qu’un jour sa curiosité sera suffisamment piquée pour qu’il l’interroge – dans un sens, elle devrait même s’estimer heureuse qu’il ne le fasse pas, ne ravivant pas les détails d’une chute vertigineuse. Pour l’heure, sachant qu’ils ne seront sans doute pas amenés à se côtoyer bien qu’ils fréquentent désormais les mêmes sphères, Finn prend sa revanche, tardivement, mais pour un bénéficie bien présent. « C’est pas marqué sur mon contrat que je suis censée servir les gens qui font partie du personnel. » - « Relis-le, alors, car je suis à peu près sûre que vous devez nous servir, considérant qu’on ne peut pas quitter nos postes et que… c’est votre boulot. » Un dernier rappel au cas où elle l’aurait oublié. Le casino ne voudrait pas qu’un croupier s’écroule, pris d’une déshydratation qui aurait pu être évitée si les employés du service traiteur avaient fait correctement leur boulot, n’est-ce pas ? « Donc t’utiliseras tes propres jambes pour aller étancher ta soif Tantale. » Comme elle veut, ce n’est pas parce qu’il ne rétorque pas qu’il compte la laisser tranquille pour autant, se dépêchant dans un premier temps de lui coller entre les mains cette coupe qui n’a rien à faire entre les siennes. Pour une fois, Finn réalise qu’il a un statut supérieur au sien, et il ne pensait pas cela possible – autant dire qu’il compte en profiter jusqu’à l’overdose. La sécurité ne serait sans doute pas ravie de constater qu’une employée fait aussi mal son travail et ça tombe bien, la sécurité est justement en mesure d’en témoigner. « Ecoute, ça m’enlèverait une bonne grosse épine rousse du pied au moins. » - « Et un bon chèque au passage qui, si j’en crois ta présence ici, doit être plus que nécessaire, mais eh, comme tu veux. » Si elle s’est mise au service, c’est qu’elle a besoin d’argent, peu importe comment elle l’obtient. Et dire qu’elle ne se gênait pas pour pointer du doigt ce genre de métiers bien peu glorieux, à l’époque. « Qu’il ne se gêne pas surtout. Tu lui préciseras qu’il devra juste me remplacer au service au passage. Mais j’imagine que ça lui ira tout aussi bien au teint. » - « Vu le nombre de pauses que toi et tes copains vous faites dans les arrières, je pense qu’un de moins, hein… » Il dit, haussant les épaules, lui laissant le choix d’interpréter la fin de sa phrase ; Finn a déjà rappelé leurs obligations à quelques serveurs dont les pauses s’allongeaient et vu le peu d’expérience de Cecilia dans le métier, il ne doute pas qu’elle doit être vite épuisée, pauvre bichonne. « Et hésite pas à lui dire aussi que ça compte les cartes en table 3 et que ça commence à avoir bu le verre de trop en table 7. » - « Sauf que le type de la table 3 ne gagne pas autant que ses adversaires perdent en essayant de jouer à qui à la plus grosse contre lui, et que la femme de la table 7 est une amie du patron, qui a la descente facile, mais qui sait se tenir. » Il rétorque, son regard qui papillonne sur lesdites tables avant de retrouver celui de Cecilia. « Mais ravi de voir que tu t’intéresses à mon boulot au lieu de faire le tien, je peux peut-être glisser un mot sur toi. » Il débute, presque gentil, un mince sourire sur les lèvres avant de reprendre : « je peux te confirmer que la paie est nettement meilleure que pour vous, les serveurs. » Non, il ne proposera pas son nom, et oui, pour une fois qu’il semble gagner sa vie plus confortablement qu’elle, il ne compte pas s’en priver.

@Cecilia Barker

« C’est certain que c’est compliqué de chuter quand on part déjà de très bas oui. » - « Ça t’apprend la modeste et ça rend ce statut moins déplorable à supporter. Et je ne peux que m’élever, remarque. » Il fanfaronne sans se faire prier, passant ses doigts autour du nœud de sa cravate, prétendant la remettre en place durant un instant. Elle vient de marquer un point, mais elle ne lui apprend rien. La modestie de Finnley ne vient pas uniquement de sa personnalité, mais aussi de son environnement. Jamais rien ne lui a donné l’impression que ses vantardises pourraient avoir du sens, aussi s’est-il toujours abstenu de vanter ses rares succès. Ils n’étaient jamais aussi importants que ceux des autres, que ceux de sa sœur ou de Cecilia, et pas suffisamment remarquables pour mériter d’être partagés. Alors oui, aujourd’hui qu’il parvient à remettre sa vie sur le droit chemin, il peut au moins se satisfaire de ne plus être au sol, quand bien même il ne fera jamais partie de l’élite qui touche les nuages. Il n’a jamais voulu en faire partie, de toute évidence, tout comme Cecilia n’a jamais aspiré à se mêler à la plèbe. Mais là encore, il persiste et signe : sa chute est nettement plus difficile à vivre que le manque de gloire d’un Finn qui s’y est habitué très tôt. Peu importe les arguments que la blonde pourrait avancer, elle n’arrivera jamais à le heurter sur cet aspect-là comme lui pourra s’y adonner. « Je me ferais un plaisir de le relire avec toi si tu veux. Parce que ce qui est marqué dessus reflète très exactement ce que les gens qui nous ont engagés pensent de nous et de nos pauvres petites personnes : les clients… » Oh, mais Finnley n’est pas n’importe qui ce soir, et il a bien conscience que si la soirée se déroule aussi bien, c’est en partie grâce à lui. Il n’est peut-être pas un client, mais il est très loin d’être un indésirable pour autant. « …doivent être servis, et après c’est chacun sa merde pour le personnel. On peut bien crever pendant le service que ça ne serait pas leur problème. » - « Comment, vous – oh, non pardon, j’imagine que t’as perdu tes proches en même temps que ton argent – comment ton ancien cercle les appelle, déjà ? Le petit personnel ? » Cette fois-ci, c’est lui qui appuie sur ces derniers mots, avec une satisfaction qu’il n’essaie pas de réprime quant ses lèvres s’étirent. Car ce terme la désigne elle, désormais. « Maintenant, que tu refuses de servir un ami du patron, c’est ton problème. » Elle pourra vérifier, Amos et lui s’entendent suffisamment bien pour qu’il se permette cette réflexion, qui finalement ne vise même pas à flatter son égo qu’à prendre du plaisir à se comporter comme elle a pu le faire par le passé. Parce qu’elle avait le statut, parce qu’elle avait les contacts, parce qu’elle n’a jamais hésité à le souligner. « Oh, et tu t’ennuieras sans doute plus vite que moi, j’imagine que t’as toujours eu une armée de domestiques pour t’aider à lire les petits caractères et faciliter la vie, n’est-ce pas ? » Tout ceux qui se sont toujours assurés que son altesse n’ait à subir l’insupportable fatigue de se concentrer plus de quelques minutes sur une continuité de mots, et d’avoir à user les muscles de ses doigts pour tourner une page plutôt que d’appeler ses serviteurs. Cliché ? Oui, sans doute. Mais éloigné de la vérité ? Probablement pas.

Finalement, c’est bien le fait d’enfoncer le clou quant à la nouvelle situation de Cecilia qui le maintient en forme, et non la possibilité de s’hydrater au cours d’une soirée qui s’avère éreintante pour lui. Un instant, il comprend mieux le dédain dont les humains peuvent faire preuve, c’est étonnamment satisfaisant. « Tu sais ce que j’ai contrairement à toi ? Un truc qui s’appelle de la dignité. Je préfère encore m’assoir sur un putain de chèque plutôt que de devoir m’aplatir devant quiconque, surtout pas devant toi. » À ces mots, Finn éclate d’un rire bref, mais sincère. Il n’a pas l’habitude de telles démonstrations, elle pouvait s’en vanter par le passé et peut encore s’en féliciter aujourd’hui, même si cela n’a plus la même saveur. « Tu sais aussi bien que moi que t’as perdu ta dignité quelque part entre les malversations de ton père et le dédain de tes pairs. » C’est une hypothèse, mais une à laquelle il n’a pas vraiment besoin d’apporter beaucoup d’arguments pour en être convaincu. « Outch, à moins qu’il en ait juste eu marre de sa narcissique de gamine ? » Fair enough. Il admire sa capacité à garder la face, mais Finn n’est pas stupide. C’est parce qu’il a goûté aux galères financières la majeure partie de sa vie qu’il connaît l’importance du chèque de fin de service. La dignité dont elle parle s’évapore au moment où elle reçoit sa paie. « Je peux pas parler pour mes "copains", mais si t’as envie d’utiliser leurs comportements pour me descendre moi, grand bien te fasse Coverdale. Ca me fait plaisir de voir que t’es devenu malhonnête et que t’as recours à du chantage parfaitement injuste. Finalement t’as peut-être plus te place que tu ne le crois dans ce monde auquel tu me rapproches d’avoir appartenu. Félicitations. T’es content ? Ca te fait plaisir ? Tu vas bien dormir cette nuit ? » - « J’ai appris des meilleurs. » Un regard sur elle suffit à appuyer son propre. Il l’a vue s’éloigner, il l’a vue usée de réflexions qui en disaient long sur ce qu’elle pensait de lui quand il est venu le temps d’assumer leur amitié – ce qu’elle n’a pas fait. « Mais tu peux sûrement me donner des conseils. Tu dormais bien, à l’époque, toi ? » Quand elle a été malhonnête et il est d’autant plus ironique qu’elle lui reproche de l’être aujourd’hui. Il en faudra bien plus à Cecilia pour venir à bout de la patience d’un Finnley qui a su attendre ce moment suffisamment longtemps pour ne pas prendre le risque de le gâcher. Et même ses tentatives pour le réduire au silence ne fonctionne pas. « Je comprends pas pourquoi d’ailleurs, parce que depuis tout à l’heure t’es pas plus en train de faire ton boulot que moi le mien. Mais oui, glisse donc un mot sur moi s’il te plait, je suis sûre que ce sera un plaisir partagé de pouvoir travailler ensemble. » - « J’adorerais. Mais je crois qu’il te manque quelque chose d’important qui s’appelle les qualifications. » Dans ses souvenirs, elle avait bien un diplôme, mais de ceux qui ne servent pas à grand-chose hormis à prétendre qu’on sert à autre chose qu’à pomper l’argent du paternel. Mais certainement rien d’utile dans le monde du travail, et vue la manière dont elle fait le sien ce soir, il ne doute pas qu’elle pourra se vanter d’une chose : être parmi les pires recrues que ce casino ait portées. « Mais si je vois passer une annonce pour un poste de serveuse ou de caissière, je te fais signe. Tu vis plus au même endroit, j’imagine ? » Il s’en fiche bien de sa nouvelle adresse, ce n’est pas le but de son propos, évidemment.

@Cecilia Barker

« Oui c’est bien comme ça qu’on les appelle, félicitations. Et tu sais quoi ? Ce soir tu me prouves que le surnom est totalement mérité parce que tu es très petit Finnley. » - « On m’a toujours appris à me mettre au niveau de mes interlocuteurs. » Il dit, avançant la tête dans un petit geste furtif, avant de reculer pour bien accentuer le fait qu’il la surplombe aisément et qu’en termes de grandeur, il peut au moins se vanter d’avoir l’avantage. Pas que ce soit vraiment un argument, Cecilia ayant toujours su intimider son monde quand bien même elle devait lever le nez pour s’adresser à eux – comme elle le fait à cet instant avec lui. Après tout, c’est elle qui a lancé les hostilités. Du moins, c’est ainsi qu’il considère les choses, avec toute la mauvaise foi qui le caractérise et qu’elle n’a sûrement pas oubliée – ou qu’elle lui découvre, puisqu’elle en fait les frais à cet instant. Le seul tort de Cecilia est de l’avoir pris pour un client et de s’être interrompue dans sa demande, et de ne pas avoir su masquer sa déception et son agacement en le reconnaissant. Lui, il n’a fait que se saisir de cette sympathie qui lui était adressée, même de manière non verbale. L’innocent (aux mains pleines). « Aussi puant et suffisant que ce que tu dois me reprocher d’avoir été. Vraiment bravo à toi. Maman connasse en chef est vraiment fière de son petit apprenti. » - « J’ai eu de très bons exemples, merci à eux. » Et le regard insistant qu’il porte sur elle en dit long sur le fait qu’elle fait partie de ceux qu’il remercie. Même, elle peut se targuer de faire partie d’une liste très sélective, composée d’elle et sa propre mère. Et quand on sait l’affection qu’il porte à sa génitrice – se plaignant souvent qu’elle ne soit pas morte et enterrée pour sa propre quiétude – Cecilia peut réellement se féliciter d’avoir usé des limites du rouquin. Il n’apprécie pas beaucoup de monde, mais il ne déteste personne. Rares sont les exceptions et Cecilia en est une. Pourtant, Finnley n’est pas particulièrement fier de jouer sur ce terrain, étant bien peu à l’aise avec l’idée de vanter ses affinités, mais il ne peut nier qu’elles lui servent bien à cet instant, d’autant qu’elles sont véridiques – ou presque. Amos n’est peut-être pas exactement un ami, mais il y a un grand respect et une certaine affection qui les unit.

« Détrompe-toi Coverdale. C’est mieux de savoir lire et connaître les petites lignes dont tu parles pour pouvoir mener son monde en bateau, et refléter ce qu’on veut aux yeux des gens pour mieux leur pourrir l’existence par la suite. » - « Et je constate que c’est un grand succès. » Et c’est de nouveau un regard lourd de sens qu’il porte sur elle, alors qu’il paraît évident que, pour se retrouver à cette place, elle n’a pas su mener assez bien son monde en bateau, sans quoi elle ne serait pas obligée de servir le monde auquel elle appartenait il n’y a encore pas si longtemps. Elle peut bien développer ses attaques, il ne lui est pas difficile de rétorquer de quelques mots qui sont très clairs et, surtout, véridiques. Quant à sa dignité, là aussi il est certain que celle-ci a été entachée par sa perte de statut, quoi qu’elle puisse en dire. Il a l’avantage de l’avoir connue et appréciée et, par extension, d’avoir un certain nombre d’informations à sa portée. « C’est dommage que t’aies pas fait mention de ma mère vraiment, t’as loupé une occasion. C’est elle qui a dit bye à sa narcissique de gamine, pas mon père. Une chance sur deux, c’est con. » - « Outch, une mère, c’est encore pire. » Il grimace, faussement peiné en usant de la légende selon laquelle le lien entre une mère et ses enfants est nettement plus fort qu’avec leur père. Il faut croire que dans la famille Barker, on aime redistribuer les cartes. « T’auras retenu au moins un truc dans ta vie. » - « J’apprends la leçon, moi. » Au moins. Ce qui n’est vraisemblablement pas son cas. « Comme un bébé. » - « Ça se voit pas. » Il souligne, guettant avec insistance un visage nettement plus fatigué qu’autrefois, sûrement dû au fait que, oh, et bien elle doit désormais se débrouiller seule. « Oh excuse-moi il faut des qualifications maintenant ? Qu’est-ce que tu fous là du coup ? T’as des gros bras et un regard qui crie "Venez pas m’emmerder", wow, quelle école t’as du faire pour ça exactement ? » - « Je suis là pour repérer les tricheurs, mes qualifications sont dues à mon intelligence et certainement pas à mon apparence, je sais, ça te surprend que ça puisse se passer ainsi. » Et que tout ne soit pas qu’une question d’apparences et de faux-semblants, elle dont le seul boulot a souvent consisté à être un parfait accessoire pour ses parents. « Non écoute, j’ai déménagé sous un pont un peu plus loin dans la rue. Tu passes souvent devant et je me languissais jour après jour du moment où tu me reconnaitrais enfin, où tu accepterais de me tendre la main pour me proposer d’habiter avec toi en attendant de pouvoir avoir une meilleure situation parce que contre mauvaise fortune bon cœur, tout ça. » Et, cette fois, il doit se faire violence pour ne pas rire, tant il aime l’image d’une Cecilia implorante. « Vraiment désolée de te décevoir, même sans compter sur ce job dont tu cherches à me priver j’ai encore suffisamment d’argent pour payer le loyer du putain d’appartement de merde dans lequel je vis. Mais props à moi d’avoir quatre murs autour de moi et un toit au-dessus de ma tête j’imagine ? » - « En attendant, moi je t’aurais tendu la main. Ce qui n’est pas le cas de tes autres amis, puisque tu vis maintenant dans un appartement de merde. » Il a un certain nombre de défauts, Finn, a commencé par son statut qui a été un critère suffisant pour que Cecilia se détourne de lui. Toujours est-il que sa loyauté, elle, aurait pu être intacte si les choses s’étaient passées différemment, et c’est sans moquerie qu’il souligne ce détail. Au contraire, son sérieux traduit d’un certain abattement quant à la façon dont les choses se sont terminées entre eux. Elle comptait pour elle, et lui, il a connu la chute de réaliser que la réciproque ne s’appliquait pas. Il ne la plaindra pas quant à ce qu’elle n’a plus, mais elle a sans doute perdu plus qu’elle ne l’imagine, de toutes ces choses immatérielles qui auraient pu faire la différence aujourd’hui. « Bonne soirée. » Il conclut, sans même une dernière moquerie, ni une théâtralité affichée sur son visage. Le regard qu’il porte désormais sur Cecilia est à nouveau celui de la déception.

@Cecilia Barker