who can it be now ?
ft  @Channing Walker

Elle n’avait rien à perdre. C’était les mots que Greta se répétait alors qu’elle enfilait une robe qu’elle avait jugée adaptée et que, devant le miroir, elle plaçait le masque sur son visage. La seule idée de pouvoir porter une telle tenue suffisait à lui redonner le sentiment que s’inscrire à l’événement était une bonne idée et elle espérait que cela soit suffisant. Un dernier coup d’oeil à son téléphone et elle l’avait rangé dans son sac à main qui finirait aux vestiaires, le thème devait être respecté à la lettre et les années 20 avaient le mérite de ne pas avoir connu cette drogue qu’étaient les smartphones. Son téléphone, Greta le consultait ces temps-ci avec une certaine appréhension parce que les échanges de messages avec Arthur devenaient réguliers et qu’elle ne savait jamais réellement les réponses auxquelles s’attendre. L’oublier lui, oublier Lucas, c’était au final la raison qui l’avait poussée à s’inscrire à ce bal qui lui donnerait rapidement l’illusion de ne pas sortir seule. Elle ne croyait pas si bien dire. En entrant dans la salle dont la décoration imitait à la perfection le film The Great Gatsby, un petit écriteau à l’entrée lui indiquait devoir retrouver son binôme pour la soirée. Devant son sourcil arqué, une jeune femme à l’accueil lui avait attaché un ruban au poignet en lui expliquant que la personne qu’elle devait retrouver aurait le même. Un ruban violet à retrouver parmi les paillettes, les sequins et les plumes et Greta avait roulé des yeux, ne s’étant pas préparée à un jeu de piste. Non, elle avait simplement souhaité profiter de cet anonymat relatif - tout aussi relatif que celui de sa vie de tous les jours où ses nombreuses apparitions avec Carmine devenaient suspectes - pour se changer les idées.

Greta se frayait un chemin parmi une foule d’invités qui cherchait également avec plus ou moins de difficulté leur partenaire. Elle se serait presque découragée si elle ne s’était pas retrouvée à côté d’un poignet qui affichait un ruban violet en s’accoudant au bar. « La technique c’était donc de ne pas chercher ? » Levant son avant-bras à hauteur du visage du mystérieux garçon pour dévoiler son ruban, elle s’était tournée vers celui avec qui elle allait devoir passer la soirée et l’idée lui apparaissait plus stupide que jamais maintenant qu’elle était devant le fait accompli. « C’est audacieux comme concept, je doute réellement que ces masques soient gage d’anonymat… »  avait-elle commencé, comme si le fait de critiquer un événement où elle avait souhaité prendre part était une manière judicieuse de lancer la discussion. Greta avait été surprise par un léger rire de la part de son partenaire et malgré le masque, elle avait juré le voir arquer les sourcils. « Oh non. Ne me dis pas qu’on se connait ? »  L’écrivaine pouvait se vanter d’avoir bien plus de connaissances à Brisbane que ce qu’elle avait imaginé en y posant ses bagaes, mais il n’était pas totalement impossible que certains ennemis qu’elle s’était fait en chemin y soient présents aussi. Et si l’un d’entre eux se cachait derrière ce loup, le bal risquait de prendre une tournure bien différente.

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ft  @Channing Walker

Ne pas chercher, c’était sûrement là la clé de la réussite à en croire les invités autour d’elle qui continuaient à s’agiter et à parcourir la pièce de fond en comble en scrutant le bras de chaque convive. C’était amusant la façon dont le thème chic et élégant se voyait légèrement gâché par la simplicité de la petite enquête mise en place. Il n’y avait plus rien de distingué à aller et venir en collant son visage à quelques centimètres des poignets des invités pour espérer trouver son cavalier. Cette frénésie et cette déception palpable lorsqu’ils se trouvaient face à un nouvel échec laissaient Greta penser que le problème était encore et toujours le même, tout le monde cherchait désespérément quelque chose de plus important qu’une simple compagnie ce soir. Au moment où tout ce qu’elle souhaitait était de tenter de discuter avec de nouvelles personnes extérieures à l’ensemble de ses soucis, Greta s’était simplement dirigée vers le bar pour y trouver le second ruban violet et le côté enfantin de la mission l’avait faite sourire. Il n’avait pas fallu longtemps à la blonde pour constater que quelque chose coinçait, son interlocuteur semblant tiquer sous son masque. « Se connaître est un grand mot. » Son visage s’était penché légèrement sur le côté, tentant de distinguer le moindre indice dans l’intonation de sa voix. « Enfin, je présume que tu me connais mieux que l'inverse. » Cette fois-ci, c’était à son tour à elle d’arquer un sourcil devant le côté mystérieux qu’il était en train de laisser planer. « Je t'ai trouvé trop rapidement alors je dois me coller aux devinettes, c’est ça ? » Peut-être lui avait-elle gâché le plaisir de passer de convive en convive jusqu’à finalement, après plusieurs coupes de champagne et quelques chansons jouées par les musiciens, s’arrêter net et profiter de la sensation d’avoir gagné. Ou peut-être que toute cette soirée n’avait rien d’aussi sérieux. « Je suis ouvert aux questions, sauf si tu veux m'appeler Ruban Violet pour le reste de la soirée. Ou que cela ne t'intéresse pas le moins du monde. » Greta avait partagé son rire et mimé son geste, goûtant au cocktail signature de la soirée avec bien peu d’intérêt, son attention portée sur lui. « Quitte à avoir fait le déplacement, autant jouer le jeu… » avait-elle répondu, feignant une certaine indifférence alors que la vérité était qu’elle se trouvait complètement intriguée. A bien y réfléchir, les options étaient minces. « Laisse moi réfléchir, déjà, tu es un homme. » avait-elle commencé en utilisant des mimiques pour accompagner sa plaisanterie avant de réaliser que le masque mettait à mal ses tentatives de faire de l’humour, son meilleur allié pour chasser le sentiment de gêne, aussi infime était-il. « A ton accent je devine que tu es d’ici.  » Greta s’était hissée sur le tabouret haut à côté de lui en énumérant les évidences. « Un rapport avec la biographie de Rhett, peut-être ? » avait-elle demandé parce qu’il était aisé de rapidement penser à Nine pour la relier à des personnes qu’elle n’arrivait pas à remettre. Et si l’inconnu la baratinait et ne la connaissait pas, alors il empocherait là un sacré gros indice pour confirmer l’identité de Greta.

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Greta ne s’attendait à rien en foulant le sol de cette salle dont la décoration était autant de poudre aux yeux que les masques et en elle s’était finalement trouvée face à un inconnu aussi décidé qu’elle à profiter de la soirée. Elle pouvait le constater à l’intonation de sa voix bien plus qu’aux expressions de son visage qui étaient dissimulées et laissaient tout de même une place au suspens, malgré la mauvaise foi qui la poussait à critiquer le jeu proposé ce soir. Encore une fois, le secret résidait visiblement dans le fait de ne rien attendre parce que déjà, un sourire se dessinait au coin de ses lèvres alors qu’ils se prêtaient à un jeu des plus simples.  « Jusque là, c’est un sans faute. » La voix était masculine mais également étrangement familière et la blonde arquait un sourcil sous son loup, amusée par la façon dont l’homme ne multipliait pas les mots pour ne pas donner plus d’indices. « Tu es sur la bonne voie. » Un rire s’était échappé de ses lèvres, poussant son visage à se baisser légèrement. Peu convaincue par cette annonce et appréciant la légèreté qui s’installait entre eux, Greta avait poursuivi avec des affirmations peut-être un peu plus précises. « Touché. » C’était donc un australien pur souche, ce qui rayait un bon nombre de ses connaissances de la liste - les londoniens étaient finalement nombreux à Brisbane. Elle avait marqué un temps de pause qui lui avait été nécessaire pour tenter de comprendre comment elle pouvait être liée à lui et la biographie était finalement apparue comme une évidence. « Coulé. » Spontanément, Greta avait levé les mains en l’air en signe de victoire et à nouveau, la situation l’amusait bien plus que ce qu’elle n’aurait pu anticiper. « Alors comme ça, on ne reconnaît pas ceux sur qui on écrit ? » Il n’avait pas pu voir sa grimace mais elle témoignait d’une gêne qui n’était finalement pas réellement là, elle comprenait le sarcasme dont il faisait preuve et s’en amusait allègrement. « Et moi qui critiquais les masques, c’est finalement une arme redoutable. » avait-elle répondu, l’accessoire ayant rendu l’enquête plus compliquée mais les doutes la quittant peu à peu. Les derniers indices associés à cette voix avait fait apparaître le reste du visage de l’inconnu, celui dissimulé, dans son esprit. « Channing, le soi-disant amant. » « Channing Walker, bien sûr. » S’était-elle empressée de dire en même temps que lui, peu sûre que cela ait suffi à prouver qu’elle avait trouvé la réponse avant qu’il ne la dise tout haut. Malgré leurs mots prononcés en même temps, elle avait entendu cette histoire d’amant et elle n’avait pas pu retenir un rire. Ces deux-là étaient effectivement engagés dans une sorte de bromance que Greta avait eu plaisir à coucher sur papier, sans réellement anticiper comment les mots choisis seraient interprétés par les lecteurs.

« Ravi de rencontrer celle qui écrit une romance au sujet du charismatique Nine et de ma propre personne. » Le chapitre le concernant lui apparaissait maintenant clairement et elle ne pouvait nier avoir douté un instant du sérieux de cette remarque. « Il me semble qu’on s’est déjà croisés, je ne t’ai pas reconnu mais tu ne t’en es pas souvenu, un point partout, donc ? »  avait-elle dit sur le même ton que Channing avait utilisé pour venir la taquiner. Leurs rencontres avaient été extrêmement brèves, anecdotiques dans le prestige qu’étaient les lieux où ils s’étaient croisés et elle s’en souvenait simplement parce que le timbre de sa voix lui paraissait familier.  « Quelle était la probabilité que le hasard nous réunisse ? » avait-elle simplement ajouté même si elle savait que le hasard aurait pu être encore plus mesquin, en l’associant à des personnes qu’elle n’aurait pas voulu croiser. Malgré les remarques de Channing, elle comprenait qu’elles mélangeaient une certaine honnêteté avec un peu d’humour et cela ne l’empêchait pas de ressentir un soulagement concernant la personne avec laquelle elle allait passer la soirée. « Je n’ai fait que retransmettre ce que Rhett a bien voulu me confier. » Ses mains s’étaient levées devant elle alors qu’elle se défendait, ne ressentant aucune culpabilité à accuser le sportif qui avait une amitié assez solide avec Channing pour que cela ne soit pas mal interprété. « Mais je veux bien admettre que j’ai une fâcheuse tendance à tout romancer. » Sa part de responsabilité était là, les mots choisis étaient évidemment bien différents de ceux qu’aurait pu utiliser Rhett et peut-être qu’une touche un peu trop mielleuse avait fait de ce duo quelque chose de plus fort que de simples amis. « Et les lecteurs ont fait le reste, je pense que tu sais combien les rumeurs sont profitables au succès. » avait-elle continué avant de boire une gorgée de son verre et de poursuivre. « Et combien les paparazzis sont la pire espèce qui soit. Pour ça, je suis désolée et j’espère que vous êtes toujours amis, hin ? » avait-elle demandé, la sincérité dans ses yeux se lisant peut-être difficilement à travers son masque. Elle était au courant de ce qu’il s’était passé, elle n’était simplement plus assez proche de Rhett pour savoir comment cela avait été vécu par ces deux-là et où ils en étaient.

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Il y avait ceux qui se forçaient à paraître chic, aimables et toutes ces qualités qui n’étaient pas données à tout le monde. Et puis il y avait ceux qui, comme Channing, réussissaient à cocher toutes les cases sans trop d’efforts. Bien sûr, Greta ne le connaissait pas tant que ça et si elle avait la fâcheuse tendance à dresser le portrait de quelqu’un rapidement, à lui, elle lui accordait volontiers le bénéfice du doute. « Un point partout dans ce cas. » Et juste comme ça, la blonde avait arboré un sourire satisfait avant d’insister sur le hasard qui les avait réunis ce soir. « Parfois, j’ai du mal à croire que Brisbane soit une ville aussi grande. » Greta avait acquiescé non sans oublier le temps d’adaptation qui lui avait été nécessaire à son arrivée sur place - la différence de densité avec Londres était bien trop significative pour que cela ne la déstabilise pas encore plus. Si dans la capitale anglaise elle avait l’habitude de flâner en ayant l’impression de souvent passer par les mêmes endroits, ce n’était pas le cas à Brisbane et pourtant, elle ne pouvait que confirmer les dires de Channing. Elle avait retrouvé plusieurs personnes ici, et même si sa présence en Australie résultait de plusieurs discussions qu’elle avait eu avec Swann ou Arthur plutôt que d’un hasard, le pays était trop grand pour qu’elle ne s’étonne pas de voir plusieurs de ses connaissances se concentrer à Brisbane. Sa rencontre avec Rhett avait été un autre point auquel elle n’aurait pas pu s’attendre - là encore, le hasard faisait qu’ils avaient des amis communs et c’était ce qui les avait amenés à collaborer pour publier Nine. « Ce cachotier. » Entendre Channing prendre ce point avec autant de légèreté la rassurait même si elle avait le sentiment de devoir se justifier. Si les mots qu’elle avait couchés sur papier avaient pu renforcer l’idée que se faisait les lecteurs de la relation entre lui et le rugbyman, Greta avait sa part de responsabilité.  « Je suis content qu’elle ait eu du succès, sincèrement. Je ne lui en souhaitais pas moins, et elle est joliment écrite. » « Il le mérite. » avait-elle simplement répondu avec un sourire, elle acceptait le compliment qui lui était adressé mais accordait davantage de crédit à Rhett. C’était presque idiot, c’était son nom à elle qui apparaissait en haut du livre, son écriture qui avait raconté son histoire mais elle n’oubliait pas que rien de tout cela n’aurait été possible sans lui. Difficile alors d’imaginer que la façon dont elle avait tourné certains chapitres ait pu avoir un effet négatif sur le sportif et ses proches. « Presque en couple du coup - je plaisante. » Greta avait fait écho au rire de Channing, cette fois-ci convaincue que ses touches d’humour étaient sincères et non pas une manière détournée de la faire culpabiliser. « Bien sûr, cela n’a rien changé. Il m’a offert une bière pour me remercier de ma contribution, et c’était réglé. » Son menton s’était levé et son sourire était peut-être moins sincère que les précédents parce qu’elle aurait aimé que les choses se terminent aussi bien entre Rhett et elle. Pas sur des reproches liés à sa manière de s’inquiéter pour lui après avoir fait un pas au plus profond de son intimité. Comme s’il avait voulu l’interrompre dans ses propres pensées, Channing avait repris la parole. « Tu prends un verre pour m’accompagner ? » Son cavalier mystère retrouvé et la discussion ayant pris une tournure particulière, Greta en aurait presque oublié la raison principale de sa venue: sortir, discuter avec de nouvelles personnes et se changer les idées. « Avec plaisir, un gin tonic serait parfait. » avait-elle répondu alors qu’il lui rappelait le but de cette soirée. « Et toi, ça a arrangé tes affaires toute cette histoire ? » L’écrivaine avait haussé les épaules, profitant de ce masque qui ne garantissait pourtant plus du tout son anonymat pour parler sincèrement. « Je t’avoue que ce n’était pas exactement le projet sur lequel je pensais travailler en arrivant ici mais je ne vais pas jouer les ingrates, ça a été l’impulsion dont j’avais besoin et ça m’a apporté beaucoup de contacts. Et je suis plutôt contente du résultat. Je ne t’ai même pas demandé si tu avais lu le bouquin en entier ou juste la partie te concernant… » avait-elle commencé dans un rire avant que le barman ne l'interrompt pour servir leurs verres, laissant l’opportunité à Greta de glisser vers un sujet différent. « Mais assez parlé de moi, j’ai pas envie que tu dises à Rhett que j’ai pris la grosse tête. T’as toujours vécu à Brisbane ? » Parce qu’elle ne le connaissait finalement que très peu alors que tout ce qui était en train de se dire n’était rien qu’on ne trouvait pas dans la presse. « À cette soirée masquée qui n’a plus rien de très mystérieuse ? » Greta avait levé son verre avec un sourire pour trinquer à cette soirée peu ordinaire.