Les mots de Rachel restent ancrés dans un coin de sa tête, figurant tout en haut des motivations que Mickey peut trouver pour mettre le nez en dehors de chez lui. Il finira par fusionner avec les murs de son studio d'après sa grand-mère et l’imaginer prendre part aux festivités animant la ville lui ferait bien trop plaisir, comme s'il était encore un enfant dont elle souhaiterait voir les yeux briller à la nette différence que cette fois, Rachel ne sera pas là pour l'y accompagner. Elle n'est pas assez en forme pour ça, Mickey l'a bien compris et sa santé tend à l'inquiéter ces temps-ci, quand bien même l'intéressée prétend aller bien et ne fait que repousser la discussion qu'ils devront tôt ou tard avoir sur le sujet. Plus de secrets, il pensait pourtant avoir été clair après l'épisode August mais sa grand-mère n'en fait comme toujours qu'à sa tête, face à un Mickey dont l'insistance ne mènerait à rien il le sait. En attendant, c'est pour elle qu'il compte profiter de l'évènement du mois en souvenir des disques de jazz que Rachel peut écouter à longueur de journée, et parce que le virus s'est de toute évidence transmis dans la famille au fil des années, au point d’avoir même rythmé une partie de sa jeunesse. Ce soir, le At Nate's n'est donc pas un bar concurrent dont Mickey viendrait juger les cocktails mais bien un retour aux sources risquant de le ramener quelques décennies en arrière. Un bond dans le temps ont-ils justement promis, et le boxeur en voit la couleur dès ses tous premiers pas effectués dans le jazz club.

La programmation n'est pas ce qui l'a attiré en premier lieu mais un coup d'œil jeté vers la scène le convainc au moins très vite d'une chose : le monde doit être sacrément petit pour que le groupe sur le point de se produire soit constitué de visages qui ne sont pas inconnus au non-initié qu'il est. Le petit frère d'August d'un côté, celui de Zoya de l'autre, tous deux croisés brièvement à l'anniversaire de cette dernière il y a quelques jours à peine. Quant au troisième, il semblait lui aussi présent à ladite fête et s'avère avant tout mémorable pour ses tatouages si on demande son avis à Mickey. Il ne s'amusera pas à rechercher la Lewis parmi le public, certain pourtant que Zoya doit s'y trouver car ce moment lui appartient, et le boxeur est encore capable de prendre une table comme un grand garçon de son côté. Il pourrait s'installer seul et enchainer les verres comme il sait si bien le faire, oui, mais quelles étaient les chances qu'un autre visage pour le moins familier attire son attention à deux mètres à peine, cette fois en la personne de Ruben ? Il va finir par collectionner les Hartfield comme il s'était plu à le mentionner à Rhett, car passer son chemin en ignorant son petit frère n'est bien sûr pas au programme dès l'instant où Mickey a le malheur de poser ses yeux sur lui. C'est une invitation, bien sûr que c'en est une, et il ne se fait pas prier pour déjà rejoindre la table du neurochirurgien. « Comme on se retrouve. » lance-t-il en guise d'approche, comptant bien évidemment sur leur rencontre il y a quelques semaines pour éveiller chez lui un semblant de souvenir. « C’est lequel ton préféré ? » Son préféré parmi les jeunes hommes se trouvant sur la scène, c'est bien le sens de sa question et si Ruben se demande où il veut en venir, Mickey a une précision non négligeable à émettre. « Ton frère dirait que tu cherches actuellement ton nouvel amant, je ferais gaffe si j’étais toi. » Il étire un sourire tranquille avant de faire glisser son verre pas encore entamé jusqu'à lui et s'il lui conseille de faire gaffe, c'est bien parce que Rhett a un peu trop tendance à raconter ses exploits par message. Fiancé et infidèle d'après ce qu'il a pu comprendre, à croire que ces choses-là sont de famille. « Pas un truc dont il s’est vanté le jour du match mais bon, tu le connais. » qu'il ajoute dans un léger haussement d'épaules car bien sûr, ça ne faisait pas partie des présentations auxquelles ils ont eu droit. Mais ce soir, pas de Rhett pour influencer quoi que ce soit et ce n'est sans doute pas plus mal, car ce n'est pas du côté de la scène que Mickey aurait été tenté de loucher s'il avait été là. On ne se refait pas.  

Il ne s'est pas passé beaucoup de temps entre le fameux match et cette soirée remettant Ruben sur sa route, et l'occasion est à ses yeux bien trop belle pour ne pas offrir sa compagnie à ce dernier. Parce qu'ils sont aussi seuls l'un que l'autre d'une part, mais aussi parce que Mickey ne croit pas au hasard quand les choses sont aussi bien faites, c'est peut-être bien là son toxic trait. Ces deux-là trouveront-ils des choses à se dire ? Oh, le boxeur est d'ores et déjà prêt à parier dessus pour ainsi dire. Quant à sa venue, elle finit par faire réagir le plus jeune des Hartfield après quelques instants durant lesquels la confusion semble l'avoir gagné. « Mickey, tiens. » Son nom a au moins le mérite d'être imprimé et il doit avouer que ce constat fait plaisir, échappant ainsi au fait d'être vulgairement résumé au type squattant le canapé de Rhett – en admettant que ce soit vraiment la seule chose qu'on puisse lui associer. « Je m’attendais pas à te voir ici, installe toi je t’en prie. » Et c'est donc ce qu'il fait sans attendre, à peine la permission obtenue de se joindre à lui sur la banquette. Ruben s'étonne de sa présence et il ne manque pas d'en sourire, le fait est que le boxeur n'est jamais là où on l'attend et qu'il n'est pas déplaisant pour lui de créer son petit effet de surprise. Un effet qui vaut même double face à un Hartfield, mais ça Mickey le garde pour lui.

« Mon préféré ? » À ses côtés Ruben s'étonne encore, car il faut avouer qu'on a connu plus subtile comme entrée en matière. Il jurerait que cette question l'embarrasse, certain au moins que Rhett ne lui a pas raconté des craques mais avant que le neurochirurgien ne regrette de l'avoir accueilli à sa table, Mickey juge bon de lui préciser que son ainé est à l'origine des informations qu'il peut détenir. La simple mention de son frère semble alors l'irriter et il devine que le sujet pourrait être sensible, comme tout homme coupable d'aller voir si l'herbe peut être plus verte ailleurs et ne souhaitant pas franchement voir ses agissements se répandre. « Mon frère mériterait d’apprendre à se la fermer de temps à autres, surtout. » – « On a tous déjà rêvé de le faire taire, je sais. » Pour sa part, Mickey n'a encore rien trouvé de mieux que d'utiliser ses poings pour ça quand bien même Rhett n'y a pas goûté depuis un certain temps, sans qu'il ne s'explique vraiment comment. « Que t’a dit Garrett, exactement ? T’as l’air un peu trop heureux de l’information dont tu disposes, si je peux me permettre. » Il ne s'oppose évidemment pas à ce verre que Ruben amène dans sa direction, venant y choquer le sien avant d'y tremper lui aussi ses lèvres, sans se précipiter pour répondre à sa question. Un petit sourire éclaire dès lors son visage, comme qui dirait démasqué. « Je plaide coupable mais si ça peut te rassurer, c'est pas un truc que j'irai ébruiter. » Oh ça non, Mickey n'a pas prévu de lancer une vaste chasse aux infidèles car si c'était le cas, Rhett tomberait bien avant Ruben, il se le promet. « Pour être honnête, je m'étonne surtout que tu sois si différent de ton frère. Dans le sens où tu es plus.. ouvert, même si c'est pas dur. » De l'être plus que son ainé, ce dernier répétant à qui veut bien l'entendre que les hommes n'ont aucune chance de l'intéresser. Ruben n'a pas peur de s'ouvrir plusieurs portes lui et en cela, Mickey veut croire qu’ils sont assez semblables sans que le boxeur ressente pour l'heure le besoin de le souligner. « Il m'a juste dit que t'étais fiancé mais que c'était anecdotique. Ah, et que t'étais bi aussi mais ça je l'avais un peu deviné. » Non pas que cela se lise sur son visage, car c'est assurément la mention d'un amant qui lui avait mis la puce à l'oreille avant que son frère ne le confirme lui-même. Et il est bi si c'est ça ta question, oui. D'un autre côté, qui diable n'est pas sérieusement bi à leur époque à part ce bon vieux Rhett Hartfield ? Ce dont Mickey se souvient aussi, c'est qu'il s'était fait la réflexion d'avoir misé sur le mauvais frère alors que Ruben ne l'aurait peut-être pas repoussé en lui cassant une dent au passage, lui. Son radar avait très mal fonctionné ce jour-là, il ne dira pas le contraire.

La scène semble après ça retenir l'attention de son partenaire pour la soirée, signe qu'il réfléchit sans doute à ce qu'il lui a un peu plus tôt demandé. « Le chanteur, mon préféré, si tu veux vraiment la réponse à ta question. » C'est une réponse tout à fait convenable, et pas seulement parce que Mickey aurait répondu la même chose à sa place. Ruben se mouille, il doit bien lui reconnaître ça et son honnêteté l'honore ici. « T'as bon goût, c'est mon préféré aussi. Tu connais son nom d'ailleurs ? » Un fin connaisseur du groupe le connaitrait sans doute, mais il n'est pas capable de dire si Ruben peut en être un ou non. Reportant brièvement son verre à ses lèvres, Mickey se fend d'un léger sourire qu'il perd néanmoins bien vite en songeant à certains souvenirs. « Moi oui, c'est le petit frère d'un ami que j'avais y'a encore pas si longtemps. Ambrose. » Et si tout ceci le rendrait presque amer, c'est parce qu'il ne peut s'empêcher de penser à August et à ce fichu couteau que ce dernier lui a planté dans le dos. Ambrose n'est officiellement plus quelqu'un que Mickey vient à croiser de temps en temps, et il ne pensait à vrai dire jamais avoir l'occasion de le voir jouer. Pourvu que l'autre Constantine ne se trouve pas dans la salle lui aussi, c'est vraiment tout ce qu'il demande. « Je suis au courant, tu sais. » il reprend, sondant alors Ruben d'un regard trouble. Non, il ne suppose rien concernant ce qui peut le lier au jeune chanteur quand bien même il peut sentir un petit quelque chose régner autour d'eux, car son court silence a seulement pour but de le faire mariner un peu. De quoi est-il au courant, au juste ? Mickey peut enfin le lui dire. « Je sais que Rhett t'a parlé de moi aussi. » Et pas seulement du fait qu'il dormait sur son canapé de temps en temps, mais ça son regard se charge à sa place de le faire entendre. Dans le fond, ses informations à lui n'en sont pas moins croustillantes et les frères Hartfield ont même un sacré dossier l'un sur l'autre, s'il cerne bien la dynamique de cette drôle de famille.

« Si un jour tu trouves la solution miracle pour y arriver d’ailleurs, n’hésite pas à partager. » Oh, il a bien une solution en tête qui avait plutôt bien fonctionné sur son frère mais aussi sûr soit-il que Ruben la connait, il ne la conseillera pas pour des raisons évidentes. Et s'il est aussi certain d'une chose, c'est qu'il n'aura plus jamais l'occasion non plus de le faire taire de cette façon, dans ce monde ou bien un autre. Ruben rebondit ensuite sur ce qui le différencie de Rhett et sur cette ouverture, en particulier, dont manque cruellement son ainé. « C’est pas vraiment difficile, tu sais. » Ça ne l'est pas non, et cela honore son voisin de siège même s'il ne pensait pas un jour trouver deux frères que tout oppose à ce point. Ruben fait partie de ceux qui se fichent de ce que les autres ont entre les jambes, et son côté égoïste déplore toujours que son frère n'en fasse pas lui aussi partie. « Vraiment, si tu sais comment faire pour qu’il arrête de répandre des informations comme ça… » La question le fait doucement sourire entre deux gorgées d'un verre dont Mickey ne sait déjà plus ce qu'il contient, preuve au moins que cette discussion l'intéresse. « Ça peut paraître con, mais évite peut-être de lui faire connaître tes incartades la prochaine fois ? » Car comment Rhett a-t-il appris que son petit frère était du genre à aller voir ailleurs, il se le demande. Est-ce un truc de Hartfield de s'en vanter ? « Pas sur la partie où je suis bi, ça en s’en fiche - comment tu l’avais deviné d’ailleurs ? » Mickey ne peut pas toujours compter sur une grande perspicacité et l'a bien prouvé, mais il avait en sa possession un indice qui avait de quoi lui mettre la puce à l'oreille. Le reste, il l'a en quelque sorte déduit par lui-même. « Le fait qu'il ait parlé d'un amant déjà, et puis faut croire que même sans te connaître mon radar était meilleur avec toi qu'avec lui. » Il en sourit de bonne foi aujourd'hui même s'il retire de tout ça une profonde amertume, quoi qu'il en dise. « Peut-être aussi que je voulais croire que son frère pouvait pas être aussi coincé. » S'il peine encore à le comprendre, ce n'est bien sûr pas un crime d'aimer seulement les femmes et il sait au fond de lui qu'il n'a pas le droit d'en vouloir à Rhett pour ça. Dans un autre univers, il aurait simplement croisé bien plus tôt la route de Ruben et rien de tout cela ne serait arrivé.

Après quoi Mickey prend des notes quant au préféré du neurochirurgien, sans prévoir toutefois d'en faire le moindre usage, qu'il se rassure. Il n'est juste pas surpris qu'Ambrose récolte ses suffrages et ce, sans tenter d'interpréter la chose ni véritablement s'imaginer que Ruben puisse entreprendre son petit marché dans le coin ce soir. Du moins, Mickey n'avait pas prévu de creuser plus amplement la question avant d'apprendre que le nom de famille du chanteur ne lui est pas inconnu non plus. Un sacré connaisseur, ce Ruben. « Constantine, je sais oui. » – « Je suppose du coup que c'est pour lui que t'es venu, pas pour les deux autres ? » Il peut l'avouer sans honte ou bien le nier si ça l'arrange, le boxeur serait prêt à jurer que cette information ne se retournera pas contre lui car il sait garder un secret, bien mieux que Rhett c'est une certitude. « L'unijambiste là, c'est le frère d'une fille que je connais bien aussi. » Bien sûr que le jeune guitariste a un nom et que Mickey le connaît, c'est simplement ce qu'il a trouvé de mieux pour le différencier du tatoué possédant encore ses deux jambes, lui. Quant à la fameuse sœur qu'il prétend connaitre, il n'en parle pas comme d'une amie car Zoya a dépassé ce statut il y a bien longtemps déjà et tend même à en revendiquer un autre, petit à petit. « Lequel de ses frères était donc ton ami ? » Pour en revenir à Ambrose, il semblerait qu'il ne puisse pas échapper à cette question que Ruben lui pose et menaçant déjà de le rendre très amer. Il n'avait qu'à se taire au lieu d'évoquer cette amitié au passé, d'un autre côté. « August. C'est un truc d'ainé de se comporter parfois comme un connard, tu crois ? » Car c'est tout de même assez drôle quand il y pense, et le pire est bien que les points de concordance ne s'arrêtent pas là. « Comble de l'ironie, Rhett et lui se sont associés pour détruire ma vie il y a quatre sans même le savoir. » L'un était commentateur, l'autre journaliste, et tous deux ont surfé sur sa descente aux enfers puisque c'était la grande tendance à l'époque. Si Rhett ne lui devait rien, August était en revanche son meilleur ami et y songer lui donne l'envie de siffler son verre pour oublier – ce que Mickey s'emploie donc à faire, avant d'en commander un second tout aussi vite. « Ouais, j'étais pas du tout censé m'entendre avec ton frère à l'origine. Et ouais, j'ai sûrement été con de passer outre aussi. » Compte tenu de tout ce qu'il a perdu et que Ruben ne mesure sans doute pas, à moins que son frère ait été plus bavard à son sujet qu'il ne puisse le penser.

« Au courant de quoi, exactement ? » Les précisions qu'il apporte ne sont pas du luxe car présentées sous cet angle, les choses peuvent englober à peu près tout et n'importe quoi. Il sait donc que Rhett a vendu la mèche pour la petite gâterie, incapable visiblement de ne pas crier sur tous les toits qu'un mec s'est mis à genoux devant lui. L'avantage avec ça, c'est que la glace a au moins le mérite d'être brisée tout de suite. « Tant mieux. » Et déjà Ruben se tourne vers lui comme quelqu'un que tout ceci aurait tendance à rendre un peu trop curieux, à tel point que le boxeur peut même le voir venir. « Alors je vais pas me priver: j’ai une question pour toi. Ou peut-être plus d’une mais on va y aller petit à petit. » – « Je t'écoute, vas-y. » Lui, esquiver le sujet ? Ce n'est pas son intention, ne voyant aucune raison de se refermer comme une huître alors que Ruben sait déjà l'essentiel, et peut tout autant l'imaginer. « Comment t’as pu te dire à un moment qu’il était pas hétéro, en toute franchise ? » Le soupir que cette première question lui inspire est immédiat, et Mickey n'a pas d'autre choix que de reposer calmement son verre sur la table pour étudier celle-ci. Il hausse dans un premier temps les épaules pendant que ses pensées fusent, rejouant au même instant la scène lui ayant valu d'y laisser une dent. « Ça m’arrive de me le demander aussi, pour être honnête. Et va pas t'imaginer que je me crois irrésistible car c'est pas du tout l'idée. » Rhett l'a certainement pensé lui, mais à aucun moment Mickey ne s'est dit que la chose allait forcément dans les deux sens. Il a perçu des signaux là où il n'y en avait pas, certes, et le regrette depuis. « Il me plaisait alors j'ai tenté, je sais pas ce qu'il t'a raconté d'ailleurs mais la première fois je l'ai juste embrassé. » Puisque la seconde, c’est bien d’une pipe pleinement consentie dont il a été question entre eux. Alors, juste un baiser ? Ce n'est pas tout à fait vrai et peut-être que Rhett s'est chargé de rétablir l'autre vérité : cette main que le boxeur s'est risqué à faire glisser sur sa cuisse ce même jour, presque plus insupportable encore que le baiser en lui-même aux yeux du Hartfield. « Et puis y'avait eu ces rumeurs sur un type et lui, tu sais, à la sortie de son livre. J'ai voulu y croire parce que ça m'arrangeait juste bien, à ce moment-là. » Ces rumeurs étaient évidemment bidon et Rhett le lui a confirmé ensuite, justifiant en partie où sa fausse route a initialement pu trouver naissance. Mickey pourrait jurer n'avoir jamais cherché à mettre qui que ce soit mal à l'aise, car ce sont bien des idées qu'il s'est fait en se laissant simplement aveugler par une attirance qu'il a été le seul à ressentir. Tout est très clair à présent : il n'a jamais eu ce qu'il fallait pour pouvoir lui plaire, à commencer par ce quelque chose en trop entre ces jambes qu'il n'est pas utile de nommer. Relevant son regard vers Ruben après avoir récupéré son verre, il reprend : « Est-ce que ça répond à ta question ? » Il sourit sans honte ni fierté, mais tout de même un peu retourné par les souvenirs que cette question peut réveiller. Non, ce n'est pas un épisode que Mickey prend plaisir à se remémorer et non, sa dignité ne s'en est jamais totalement remise.

« Crois moi, c’était pas mon intention initiale. » Et même si sa curiosité peut battre des records parfois, Mickey n'ira pas jusqu'à lui demander comment la chose est arrivée aux oreilles de son frère, devinant simplement que Ruben s'en mord les doigts depuis. Son radar a en tout cas sérieusement dysfonctionné avec l'ainé des Hartfield et il constate au moins qu'il n'en est rien avec son cadet, admettant que cette déduction lui était en partie offerte sur un plateau même si son envie de le différencier de Rhett était aussi très grande, il faut le dire. « Touché. » Il ne peut de toute façon pas imaginer deux frères aussi fermés, pas dans leur réalité et c'est évidemment plaisant de voir que Ruben n'a rien à lui envier de ce côté, lui qui ne semble pas non plus du genre à se mettre des barrières et à avancer avec une visière. Du peu qu'il en voit du moins, Mickey n'est déçu de rien. « Je l’ai longtemps admiré pour plein de choses, mais je sais que j’ai fait de meilleurs choix sur bien des choses. » Un fait pour lequel l'approbation du boxeur ne tarde pas à tomber, hochant la tête dans un silence uniquement comblé par son sourire. Il a l'esprit ouvert, c'est bien ce qu'il s'empresse d'en retenir.

Il ne s'amusera pas à déceler si Ambrose est bien le chouchou du public qu'il peut sans mal se figurer mais il devine, en revanche, qu'il ne laisse pas forcément son voisin de siège insensible. Que quelqu'un ose seulement lui jeter la pierre, d'un autre côté. « J’aime bien la musique du groupe, mais c’est pas la raison principale de ma présence ici non. » Mickey le gratifie d'un fin sourire et d'un regard entendu en guise de réponse, comprenant sans mal sa véritable motivation à être assis là. Pour sa part, il pourrait presque nommer les trois garçons présents sur la scène car aussi peu initié soit-il, tout ça n'est encore qu'une histoire de liens croisés à n'en plus finir. « T’es le fondateur du groupe, à tous les connaitre personnellement comme ça ? » La question lui arrache un rire aussi franc qu'amusé avant qu'il ne relève les yeux vers Ruben, entre deux gorgées. « Figure-toi que c'est la première fois que je vais les entendre jouer. Et j'ai découvert que j'en connaissais indirectement tous les membres en arrivant tout à l'heure, sûrement le signe que je devais être là ce soir. » Car ce qui l'amène, lui, c'est plutôt la promesse faite à sa grand-mère dont l'amour pour le jazz n'est depuis le temps plus à prouver. Si seulement Mickey pouvait se contenter d'être familier avec les Sand Witches, et ne connaissait pas aussi les autres frères Constantine – le satané traitre en tête de liste. « Oh, me lance pas trop fort ni vite sur le sujet. » Il est drôle Ruben quand il s'y met, le genre de compagnie dont il avait peut-être bien besoin ce soir pour oublier que Rachel le tient encore dans l'ignorance de son état de santé. « Je suis l'ainé de ma propre fratrie, peut-être que je ferais mieux de me taire au final. » remarque-t-il en levant même ses deux mains pour s'avouer vaincu là-dessus, car sans doute que Junior aurait tout autant de reproches à lui faire sur son rôle de grand frère. « Qu’est-qu’ils t’ont fait ? » Il n'en faut pas plus pour lui inspirer un soupir et pour qu’il repose son verre, presque amer. « Rhett a saisi l'opportunité de m'enfoncer quand je suis tombé pour consommation de drogues et suspicion de dopage à l'époque. Et August, lui, il a carrément écrit un article sur mon dos. Le genre d'ami qu'on rêve tous d'avoir, hein. » Oh que l'ironie peut lui faire grincer les dents en songeant à la trahison de celui qu'il considérait autrefois comme un frère, et dire qu'il n'en perd pas encore parfois le sommeil serait mentir. Conscient que Ruben ne sait rien de lui, Mickey vient alors préciser : « J'étais boxeur professionnel avant ça et j'ai d'autres points communs avec ton frère que le sport de haut niveau, comme tu peux le voir. » Un penchant certain pour la drogue en l'occurrence, cette dernière s'étant même chargée de les rapprocher quand Mickey en est venu à le fournir – et dans l'hypothèse où Ruben l'ignorerait, il garde cet autre détail pour lui. Toujours est-il qu'il a passé l'éponge un peu trop vite, rattrapé par son intérêt pour Rhett bien avant sa haine – a-t-elle déjà existé, au moins ? « Je saurais pas faire autrement que de dire que t’as surement raison sur le dernier point. » Et Mickey le sait bien, aussi têtu soit-il quand il s'accroche à cette relation sans étiquette tissée avec Rhett parce qu'il l'apprécie dans le fond, derrière l'envie de le cogner un jour sur deux.

Il ne fait après ça aucun tabou de son manque de flair monumental avec son frère, ce jour où un bon paquet d'illusions et quelques verres de trop avaient suffi à ce qu'il tente sa chance avec lui. Une sacrée belle connerie quand il se prend à y repenser, mais rien que Ruben ne sache pas déjà en principe. « T’es pas mal dans ton genre, je peux comprendre. » Le compliment le fait sourire et s'il se garde de lui dire que la réciproque est vraie, c'est uniquement pour qu'il ne l'imagine pas assez fou pour courtiser tous les Hartfield. Bien sûr que Ruben est agréable à regarder lui aussi, les gênes ont de toute évidence fait merveille dans cette famille. « Qu’il t’avait remercié en te mettant son poing dans ta tronche. » – « Et cassé une dent en prime. » il complète car c'est ce qui avait rendu son rejet si violent, quant à sa visite chez le dentiste elle attend toujours puisque Mickey n'est pas pressé de faire constater l'étendue des dégâts à un spécialiste. Il en a vu bien d'autres sur un ring, et peut-être aussi qu'il tient à en garder un certain souvenir. « Je me suis jamais intéressé aux on dit sur mon frère, alors j’avoue ne pas savoir de qui ou quoi tu parles malheureusement. » Là-dessus, Mickey se sent d'autant plus con que ces rumeurs ne se sont apparemment pas autant répandues qu'il l'aurait cru, et dire qu'il pensait détenir là une sacrée bonne excuse. « D'un type mentionné dans son livre, Channing. » Un ami lui aussi, au sujet duquel les lecteurs s'étaient plu à imaginer toute une ambiguïté et Mickey aussi, autant bien se l'avouer. « J'espère qu'il sortira le tome 2 un jour, histoire que je puisse avoir mon petit moment de gloire comme vous tous. » souligne-t-il sans être vraiment sérieux, mais regrettant quand même de ne pas l'avoir connu avant la sortie de ce livre. Qui sait, peut-être que son existence aurait été jugée assez importante pour y figurer ou peut-être qu'il n'est pas loin de se faire encore des films.

« Ca répond à ma question. Je dis pas que la réponse est aussi croustillante que j’aurais voulu qu’elle le soit, mais au moins ça répond à ma question. » Et il serait presque navré de le décevoir si seulement son sourire ne faisait pas déjà écho à celui de son voisin, ce dernier finissant même par en rire avec légèreté. « Ca me dit aussi que t’as vraiment pas misé sur le bon Hartfield, mais on peut pas toujours miser sur le bon cheval à tous les coups. » – « Ton frère sait pas ce qu'il rate, écoute. » il déclare dans un sourire un poil trop assuré, à deux doigts même d'ajouter tant pis pour lui. Car en vérité, c'est surtout tant pis pour Mickey comme les faits l'ont hélas bien prouvé. « Ca me confirme aussi les dires de Rhett et du coup, l’histoire et bien moins drôle. J’aurais préféré que tu me confirmes que t’étais son amant secret, ou quelque-chose dans le genre. » Il n'y aura jamais d'amant secret du côté de Rhett, et le boxeur s'est fait une raison à ce sujet. Son attirance reste pourtant présente mais il s'est juré de la ravaler désormais, pour ne pas manquer d'esquinter le peu de fierté que le Hartfield lui a laissé. « De toute façon j'abandonne avec les mecs. Je te les laisse, t'as l'air de mieux savoir y faire. » Et Mickey est nettement plus sérieux qu'il n'en a l'air, puisque aucune de ses relations masculines n'a mené à quelque chose jusqu'ici. Il ne passera pas le reste de sa vie à vagabonder de lit en lit et c'est bien tout ce qu'il a pour habitude d'inspirer aux autres hommes, à moins qu’il ne les choisisse surtout très mal. Oui, sans doute un peu aussi. « Mais donc c'est vrai que t'es fiancé toi ? Je juge pas hein, regarde. » La dernière précision a son importance et c'est son alliance qu'il lui montre alors, quand bien même celle-ci ne prouve plus rien depuis longtemps dans son cas. Il est marié oui, mais aussi bientôt divorcé s'il veut bien un jour considérer la signature de ces fichus papiers. « Je sais pas trop pourquoi je te demande ça mais il serait du genre à se marier Rhett, tu penses ? » Une part de lui veut bien sûr croire que non et ce, très égoïstement.

« A tes risques et périls de me lancer sur la conversation, alors. » Parler de sa famille ne le dérange pas en soi mais parler de ses frère et sœur un peu plus, sans doute. Les relations ne sont faciles avec personne et Mickey a conscience d'y être pour beaucoup, sa descente aux enfers ayant tâché un nom de famille que son frère s'est notamment donné du mal à faire briller et il ne lui facilite pas la tâche, encore aujourd'hui, il le sait bien. Junior serait du genre à dire que son ainé a récolté tout ce qu'il a semé, mais méritait-il alors que son meilleur ami le trahisse pour booster sa carrière de journaliste ? Ou bien encore qu'un certain Rhett Hartfield le dénigre alors que lui-même trainait ses propres casseroles, et des consommations peu glorieuses ? C'est le tout premier point que les deux hommes se sont trouvés en commun, si l'on met de côté leur capacité à monter dans les tours au premier mot de travers et cette réalité, il peut bien en faire part à Ruben au point où il en est. « Je peux voir oui. » Et il se fiche à vrai dire d'écoper de l'étiquette de camé si le neurochirurgien n'en trouvait aucune autre ici, car il y a bien longtemps que tout ceci ne l'offusque plus. Mickey n'en fait pas un point sensible, conscient de ce que ses mauvaises habitudes disent de lui et en l'occurrence, que les addictions de Rhett sont une chose qu'il peut se vanter d’un peu trop bien connaître. « Juste pour savoir si je peux continuer cette conversation avec toi sur un ton léger et avec humour: t’es responsable d’une ou des deux overdoses de Rhett, ou j’ai pas à te blâmer pour ça ? » Il n'a plus les dates en tête Mickey, la lecture de son bouquin remonte à plusieurs mois désormais mais il peut au moins décliner toute responsabilité vis-à-vis des conséquences que Ruben évoque devant lui. Le mot overdose le fait d'ailleurs toujours autant frissonner mais il n'en montre rien, tout comme il garde bonne conscience en se disant qu'à ce moment-là, ce n'est pas auprès de lui que Rhett pouvait se fournir. Il remue alors lentement la tête, après avoir brièvement porté son verre à ses lèvres. « J’y suis pour rien, non. Je le connaissais pas encore à l’époque, mais je comprends que tu te poses la question. » Il n'en veut pas non plus à Ruben d'effectuer ce genre de parallèle, voulant bien croire que ces deux overdoses ont été une épreuve pour toute leur famille. Une épreuve, c'est ainsi que le vivraient aussi les proches du boxeur mais pas d'overdose à recenser en ce qui le concerne, même s'il y a franchement de quoi s'en étonner parfois.

Il apporte ensuite sa petite nuance, comme s'il était important que Ruben sache que son frère ne s'est pas contenté de le frapper pour le repousser, puisque ses dents ont autant trinqué que le reste de son visage, ce fameux soir. « Je connais de bons chirurgiens dentistes, si jamais. » Mickey n'en doute pas, mais il ne profitera pas des bons tuyaux de Ruben malgré le fait que son offre ait tout de louable. « Ça me coûterait une blinde, alors non merci. » il décline poliment, bien assez endetté pour ne pas y rajouter une réparation dentaire de qualité. C'est tout juste s'il paierait pour un vulgaire rafistolage, à croire qu'il n'est toujours pas près d'avoir le sens des priorités et un minimum de considération pour sa propre santé. « Walker, oui. Je connais. » Et sans doute que Ruben n'a jamais cru pour sa part à la moindre ambiguïté entre son frère et l'héritier Walker, car seul un homme un peu trop intéressé comme Mickey aurait eu envie d'y voir une part de vérité. Cet ami autour duquel ont fleuri quelques rumeurs figurait tout comme Ruben dans la biographie de Rhett, et la seule chance pour que le boxeur y trouve lui aussi sa place serait que celle-ci bénéficie d'une suite. Sans doute pas prévue dans un très proche avenir, mais rien ne l'empêche de l'imaginer. « T’accroches pas trop à l’idée, il va pas publiquement dire qu’il a reçu une petite gâterie de la part d’un homme, ça collerait pas à son image de bonhomme. » Ces mots le font très légèrement grimacer, une réaction que Mickey tente de cacher derrière son verre quand bien même il ne tarde pas à souffler : « J’ose espérer que c’est pas la seule existence que je garderai à ses yeux, cette pipe. » Car ce serait évidemment très vexant, que la seule chose méritant d'être notifiée à son sujet soit ce service rendu à Rhett, qui était après tout le premier à affirmer que leur relation ne se limitait pas à ça l'autre fois. Ils sont amis ou tout du moins ce qui s'en rapproche la plupart du temps, et jamais il ne demanderait au Hartfield d'assumer leur incartade dans un livre ou bien ailleurs, c'est une évidence. « Et c’est mal parti pour que ça reste un secret s’il est déjà pas capable de le garder pour lui. » il reprend d'un ton plus léger, son regard glissant vers Ruben puisque celui-ci n'a pas tardé à en être informé. Il trouve toujours que c'est curieux d'en avertir son frère mais il a cessé d'essayer de comprendre Rhett, tout comme il ne se fera pas plus d'idées sur une attirance que ce dernier ne viendra jamais à partager. Au moins, il sait de quoi Mickey est capable dans la catégorie des gâteries et ce petit aperçu lui a plu, c'est avec ça que le boxeur peut désormais se consoler. « C’est un imbécile. » Il trouve aussi, mais il a également été un imbécile en jetant son dévolu sur lui alors dans le fond, il se pourrait bien que tous deux soient quittes. « Je l’aime quand même bien, cet imbécile. » il commente d'une voix vague, un fin sourire aux lèvres. Bien sûr que cette histoire ne l'a pas vacciné de lui, aussi certain soit-il que persévérer du côté des mecs serait plus une perte de temps que le contraire. Il a donné Mickey, alors il souhaite à Ruben de s'en sortir mieux que lui même s'il lui épargnera toute remarque supplémentaire, surtout quand les yeux du neurochirurgien ont un peu trop tendance à s'égarer vers la scène.

Alors oui, Ruben est fiancé mais ça n'est qu'un détail, n'est-ce pas. C'est en tout cas la façon dont Rhett lui avait grossièrement présenté la chose par message, et son rôle n'est pas de juger comment son frère peut occuper ses soirées quand il n'est pas auprès de sa bien-aimée. « Toi t’as déjà l’alliance au doigt. » Une alliance que Mickey n'a pas quitté depuis qu'il a dit oui à Aliyah, alors que leur couple n'a pourtant plus de réelle existence depuis maintenant quatre ans. Lui, se bercer d'illusions ? Disons surtout que cette page-là n'est pas simple à tourner, d'autant plus quand on se sait affreusement seul pour appréhender la suite. « Comme tu peux le voir, c’est pas mon cas. Mais ouais, fiancé. » – « Cache ta joie. » il relève aussitôt dans un sourire amusé, ne pouvant s'empêcher de penser que Ruben n'a pas tout à fait la voix et l'expression d'un type pressé de marcher jusqu'à l'autel. Il a pourtant bien dû faire sa demande, à moins que ça ne soit plutôt l'inverse, ce n'est à vrai dire pas la première question que le boxeur a en tête de lui poser. « C’est pour bientôt ? » Le mariage, sans avoir besoin de le nommer, puisqu'il n'a jamais tellement compris pourquoi certains couples restaient fiancés durant une éternité. Il ne lui a fallu que quelques mois pour épouser Aliyah mais il sait qu'un mariage ne s'organise pas en un claquement de doigts, à défaut de savoir en revanche si Rhett serait du genre à franchir le pas lui aussi. « La réponse va pas te plaire. » Et déjà, Ruben anticipe la claque que Mickey pourrait se prendre. Il peut pourtant lui répondre sans crainte car il a les épaules assez solides pour encaisser la chose, il le jure. « Mais je pense qu’il est du genre à se marier, oui. Je pense qu’il se serait marié avec Jenna si les choses avaient pas mal tourné. » – « Je vois. » Il assimile ce qu'il entend puis laisse planer un silence, sans trop savoir quoi penser ou quoi dire. Une part de lui n'a étrangement pas envie que Rhett aille aussi loin, mais il n'a pas le droit d'espérer que cela n'arrive jamais, Mickey le sait bien. « C’est par rapport à Evelyn que tu te poses la question ? » Ce nom aura mis du temps à s'immiscer dans leur discussion mais la voilà bel et bien, la dulcinée de l'ainé Hartfield. Difficile bien sûr d'imaginer aujourd'hui ce dernier se marier sans que ce ne soit avec elle, mais il ne faut à cet instant pas trop en demander à Mickey. « Je suis curieux, c’est tout. » il répond simplement puis hausse les épaules avec nonchalance, comme si tout ceci ne lui faisait rien. Ce n'est pas exactement vrai, mais le temps atténuera sans doute l'amertume qui est encore la sienne. « Et je m’y connais pas trop mal en mariage, même si le mien est pas aussi idyllique que cette alliance le laisse croire. » Car même un type censé signer les papiers du divorce peut continuer de la porter pour laisser paraître ce qui l'arrange, Mickey le premier. « T’en fais pas, la réponse me va. J’ai aucune raison de pas vouloir son bonheur, après tout. » Et il est sincère en le disant, aussi égoïste soit-il le reste du temps. Rhett mérite d'être heureux, si seulement il réalisait un peu plus sa chance et n'allait pas se soulager ailleurs dès que l'envie l'en prend. Esquissant un sourire un peu plus franc, Mickey tourne sa tête vers son voisin de siège tout en faisant tourner ses doigts autour de son verre. « Je m’en remettrai, tu sais. Je suis pas le premier type qui se prend un mur et garder ton frère comme ami, ça me convient je crois. » Ce n'est pas comme s'il avait franchement le choix d'un autre côté, mais bon nombre de types n'auraient pas supporté l'affront de se faire recaler et auraient tout bonnement mis un terme à la moindre relation, qu'importe son étiquette. Mickey n'en est pas là lui, et il est assez grand pour ne pas mourir de frustration chaque fois que cet épisode lui revient à l'esprit. C'est encore un peu compliqué parfois, mais il a surtout connu bien pire. « On trinque une dernière fois avant que je te laisse profiter du concert ? Je voudrais pas gâcher ton moment, et on finira sûrement par se revoir de toute façon. » Parce qu’il compte bien graviter autour de Rhett aussi longtemps que ce dernier voudra de lui, même si ça n’est là encore qu'en tant qu'ami. Il lève alors son verre, attendant de rencontrer celui de Ruben ou tout du moins ce qu'il en reste, en l'honneur de leur seconde rencontre qui ne sera d'après lui pas la dernière – et pas seulement parce que le neurochirurgien lui a fait bon effet.

Il se doute que cet échange ne resterait pas longtemps cordial si Ruben devait apprendre son implication dans les overdoses de son frère, un rôle que le boxeur n'a heureusement jamais joué. S'il l'a bel et bien fourni en comprimés au cours de l'année passée, il ne gravitait pas encore dans la vie de Rhett lorsque ce dernier a vu la mort de près et c'est une responsabilité que Mickey n'aurait, bien sûr, pas aimé endosser. Comme beaucoup il a lu son bouquin et sait pertinemment que rien de tout cela n'était accidentel, un sujet dont il n'a toutefois parlé qu'une seule et unique fois avec le principal concerné en raison de son caractère compliqué. Il ne manie pas très bien ces mots-là Mickey, d'autant plus lorsque ses propres pensées viennent à s'obscurcir par moment, mais il se rappelle avoir glissé à Rhett qu'il n'était pas tout seul et que si ses idées noires devaient un jour ressurgir, il serait là pour l'écouter. Plus facile à dire aujourd'hui que quand il lui remettait encore sa fameuse Oxycodone entre les mains, et se rendait ainsi complice du moindre usage qu'en ferait après ça le Hartfield. Il n'a jamais vraiment eu les mains propres c'est un fait, mais il n'est au moins pas celui que l'on peut blâmer pour les faits que Ruben souligne. « Tant mieux. » Il ne perçoit pas de doute dans sa voix ou dans ses yeux, laissant penser que le neurochirurgien accepte de le croire et cette marque de confiance est appréciée, après cette petite vérification effectuée. Rien que Mickey ait trouvé vexant en vérité, quand bien même il n'aurait pas aimé devoir s'en défendre davantage.

Il passe en tout cas son tour pour ce qui est de profiter des bons contacts de Ruben, tout du moins tant que cette dent cassée et toutes les autres avant elle ne représentent pas pour lui une véritable gêne. Quand il se réveillera un matin avec une douleur sourde à s'en taper la tête contre les murs, sans doute que le boxeur étudiera la question et songera à cette discussion. « Hésite pas si jamais tu changes d’avis un jour. » – « J'y penserai. » promet-il, ne serait-ce que pour flatter l'égo de son voisin de siège afin que son offre ne meurt pas dramatiquement entre leurs deux verres. Changer d'avis c'est tout de même beaucoup dire car les soins du genre restent à ses yeux bien trop chers, mais ce serait un bon prétexte pour reprendre contact avec Ruben s'il venait contre toute attente à se perdre – et si celui-ci lui dit de ne pas hésiter, alors il faut être certain que Mickey n'hésitera pas. Et celui qui n'a pas hésité non plus, c'est assurément Rhett le jour où il lui a demandé de s'agenouiller devant lui pour le soulager. Une petite gâterie d'après son frère pour laquelle le boxeur s'est en réalité beaucoup appliqué, mais un acte qui ne résume pas pour autant son amitié avec l'autre Hartfield aussi difficile soit-elle à nommer. Leur relation n'a pour ainsi dire jamais évolué sous la moindre logique, et même s'il assume chaque seconde de plaisir qu'il a pu lui donner Mickey ne veut pas que cette incartade soit tout ce que l'on retient de lui. Il vaut mieux que ça, ce n'est plus une chose dont il s'autorise à douter et Rhett semblait être également de cet avis, sinon il n'agirait pas depuis comme si strictement rien n'avait changé. « Si ça finit comme ça, je le prendrais comme un compliment à ta place en vrai. » Mickey en est peut-être un peu moins certain de son côté, ou disons qu'il y a quand même des façons plus glorieuses de marquer les esprits de son point de vue. Cette gâterie reste après tout le fruit d'une tromperie aussi brève a-t-elle été, et c'est la première raison qui devrait dissuader Rhett de publiquement s'en vanter. La seconde coule de source elle aussi, puisque son frère soulignait le premier que son image d'homme fondamentalement hétéro en prendrait un coup – il ne faudrait surtout pas que puisse exister un doute, après tout. « Te bile pas, je suis le seul au courant. » Pour le moment, oui, il veut bien croire que c'est le cas mais les secrets finissent presque toujours par se savoir, demandez donc son avis à la grand-mère de Mickey. « Parce-que faut croire que Garrett et moi apprécions particulièrement donner matière à l’autre pour qu’il puisse nous détruire. » L'allusion le fait doucement sourire, reconnaissant bien là deux frères s'entendant comme chien et chat les trois quarts du temps. Rien qui les empêchent pourtant de se confier l'un à l'autre sur leurs frasques respectives, et c'est bien ce qui fait la particularité de cette famille. « Je partage pas le tiers de tout ce que vous vous partagez avec mon frère, mais faut dire que mes exploits l'ont jamais intéressé. » Ceux sur un ring de boxe pour commencer, puisque Junior n'avait que faire des ceintures et des coupes que son ainé pouvait rafler. Il est donc la dernière personne à qui Mickey raconterait ses aventures en tous genres aujourd'hui, et en particulier les plus intimes. Reportant son verre à ses lèvres, il ne peut s'empêcher d'y aller à nouveau de son petit commentaire. « J'imagine pas Rhett chercher réellement à te nuire et toi non plus dans l'autre sens, mais dis-moi si je me trompe. » Ils se détestent sans vraiment se détester, voilà ce qu'il en pense surtout de son côté. Leurs vilains petits secrets ont ainsi l'air d'être bien gardés même si Mickey n'a pas la prétention d'être absolument certain de ce qu'il avance, une part de lui cherchant à croire qu'ils n'iraient pas véritablement jusqu'à se trahir.

« Doucement, Roméo. » Il étire un vague sourire derrière son verre, conscient qu'il n'apprend pas vraiment de ses erreurs quand il se plait encore à dire qu'il apprécie son imbécile de frère, malgré l'attirance qu'il ferait mieux de conjuguer rapidement au passé. Dans le présent en revanche, il devient question des fiançailles de Ruben vis-à-vis duquel son enthousiasme demeure tout relatif, un peu trop sans doute au goût de boxeur pour qu'il puisse contenir sa prochaine réflexion. « C’est pas nécessaire d’étaler sa joie à qui veut bien le voir pour qu’elle soit vraie. » Il le lui accorde d'un bref hochement de tête, rien ne l'obligeant après tout à sauter au plafond à l'idée de se faire passer la bague au doigt. C'est néanmoins le genre de chose qui rend généralement très impatients les premiers concernés et Mickey peut en attester pour s'être lui aussi marié, alors la retenue de Ruben le surprend autant qu'il la respecte. Un homme vraiment heureux n'aurait sans doute pas besoin d'aller voir ailleurs mais ce n'est pas à lui d'en juger ici, suffisamment impliqué déjà dans les infidélités de l'autre frère Hartfield. « On a pas encore de date de mise dans le calendrier. » Si la date n'est pas fixée, le mariage n'est effectivement pas près de voir le jour à moins que Ruben et sa fiancée n'aient pas une centaine d'invités à prévenir et tout le reste à planifier, comme celles et ceux voyant les choses en grand. « Peut-être avant la fin de l’année si on se contente d’une petite cérémonie à la mairie pour acter la chose. » S'il devait un jour se remarier, Mickey n'est pas sûr non plus qu'il opterait pour une grande cérémonie car la simplicité et l'intimité ont du bon parfois, ce qu'il a plutôt tendance à comprendre ici. « Pas de mariage en grande pompe comme celui auquel on s'était croisés, donc. » Swann et Rory n'ont pas manqué de leur en mettre plein la vue, mais tout le monde n'aspire pas à un mariage de cette envergure. Avec un peu de chance, Rhett fera lui aussi les choses simplement s'il en vient à envisager d'épouser sa copine, dans un avenir plus lointain que proche, idéalement. « Curieux et déçu de la réponse, ou juste curieux ? » – « On va dire curieux. » Ce n'est pas de la déception, Mickey le jure, car ce qu'il garde en lui ressemble bien plus à de la frustration. Elle finira par s'évaporer comme elle est venue, ce qui le rend encore capable de souhaiter le meilleur à Rhett sans tomber dans le piège des ressentiments faciles. « La jalousie, ça pousse à ce résultat là. » Et s'il a bien été jaloux de celle qui partageait sa vie quand lui n'avait pas la moindre chance de l'intéresser, il semble que les mois écoulés aient déjà quelque peu fait merveille sur lui. Mickey a ouvert les yeux, voilà surtout ce qu'on pourrait en dire. « J'ai pas de quoi être jaloux tu sais, moi aussi je fréquente quelqu'un aujourd'hui. » Et non, ce n'est définitivement pas l'invention de celui cherchant à faire tant bien que mal bonne figure. Il y a effectivement quelqu'un dans ses pensées à l'heure où l'on parle et celle-ci se trouve ni plus ni moins dans cette pièce avec eux, un détail que Mickey choisit néanmoins de garder pour lui. « Pas un mec, tu l'auras compris. » Son sourire en dit long sur cette « affaire à suivre » le rendant bien mystérieux, pendant que son regard s'efforce de ne pas trop glisser en direction de l'une des groupies des Sand Witches. Sûrement la plus fervente de toutes, et la seule que le boxeur remarque réellement aussi.

L'heure n'est donc plus à se ronger les doigts en imaginant Rhett avec une autre, car préserver leur amitié est désormais la priorité de Mickey dont la fierté se remet tout doucement du fait de n'avoir jamais vu son attirance partagée. Bien sûr, le Hartfield ne deviendra jamais repoussant à ses yeux et une part de lui le trouvera même toujours séduisant, mais ce n'est pas pour autant qu'on l'y reprendra à tenter sa chance avec le moins ouvert des hommes qu'il connaisse. « Si au moins il arrive à être un bon ami, t’auras gagné quelque-chose. » Oh, Mickey veut sincèrement croire qu'il y gagne quelque chose oui, pour compenser ce qu'il y a aussi perdu. Cette histoire lui a notamment appris à vérifier ses sources avant de gober la moindre rumeur susceptible de l'arranger, et c'est peut-être bien une chose dont Rhett et lui pourront tout naturellement rire d'ici quelques années. Tu te souviens du jour où j'ai été assez con pour vouloir t'embrasser ? Car mes foutues dents s'en souviennent, elles. « Il est pas si mal parfois, et j'ai plus franchement d'autre référence amicale autour de moi non plus. » C'est en haussant les épaules que Mickey le reconnaît, n'ayant pas honte d'avouer qu'il a perdu quelques amis dans la bataille il y a de ça quelques années. « Les gens restent rarement quand tu bousilles ta vie comme je l'ai fait. » vient-il préciser, avant de noyer aussitôt ces paroles dans le fond de son verre. Peut-être bien que Rhett est le seul véritable ami qu'il lui reste, oui, et que c'est la raison pour laquelle il refuse de le perdre lui aussi. Réalisant que Ruben est à présent bien plus captivé par la scène que par leur échange, Mickey suggère de faire se rencontrer une ultime fois leurs verres avant que sa propre errance ne le mène ailleurs, sans savoir exactement où. « C’est pas franchement poli de ma part, pardon. Mais trinquons une dernière fois. » Et c'est donc ce qu'ils font, comme pour ponctuer dignement cette discussion. Mickey siffle alors le peu que son verre contient encore puis se hisse sur ses deux jambes sans attendre, pour mieux déposer une main furtive sur l'épaule du neurochirurgien. « Allez profite bien, c'était sympa de te revoir. Et tout ça, c'est évident que ça reste entre nous. » Leur échange et ce qui le compose, pour ne pas nommer son intérêt pour un certain chanteur et tout ce dont ils sont mutuellement au courant. Le concert, Mickey terminera de l'admirer de loin pour sa part en ayant suffisamment fait honneur au jazz de sa grand-mère, quelque peu revisité il est vrai.