silver spoon in daddy’s jeans
Megan Williams & @Rhett Hartfield ☆ crédit/queenbdavisgifs

Le terme overdose m’a poussée à revoir l’avis que je m’étais forgé, celui qui disait que survoler le script était suffisant pour cerner Rhett Hartfield – que peut avoir à dire quelqu’un comme lui ? – et que je n’aurais besoin de le lire en détail qu’en temps voulu. Son livre, je ne pensais même pas y mettre le nez. Sauf que depuis notre première rencontre, j’ai lu les deux ouvrages en détail, et force est de constater que j’ai revu mon opinion sur l’ancienne star du ballon ovale. Il n’est pas qu’un bellâtre qui n’était bon qu’à taper dans une balle. Il est un bellâtre qui n’est bon qu’à taper dans une balle mais qui est égoïste, par-dessus le marché. Certains ont dit de ce livre qu’il était une "confession brute et honnête d’un parcours difficile" ou encore "vous ne pourrez ressentir que de la compassion à l’égard de l’homme en lisant l’œuvre". Moi, ce sont ses proches qui ont le droit à ma compassion, ceux qui ont enduré ce que c’est que de vivre avec quelqu’un qui tellement centré sur lui-même que sombrer dans la drogue lui a semblé ne pas être un vrai problème, pas un susceptible de faire du mal à ceux qu’il aime.

Mais il est bien trop tard pour faire machine arrière à présent, et je n’ai pas l’intention de laisser Hartfield me priver d’une opportunité en or ainsi que d’une vengeance facile et efficace à l’encontre de mon ancien amant. Je vais devoir jouer son rôle, me glisser dans la peau de quelqu’un qui représente tout ce qui je méprise, et je vais devoir le comprendre. Il est facile de se glisser dans la peau de la victime sur les pages d’un livre, lorsque ceux et celles qui en sont réellement n’ont pas de droit de réponse, mais j’ai envie de le regarder dans les yeux et de juger de sa réaction une fois confronté aux conséquences de ses actes, confronté à son égoïsme. S’en veut-il ? Pour d’autres raisons que pour ce que lui a perdu, ce que lui a vécu, les conséquences qu’il a subies lui, mais pour la façon dont ses amis, son frère, sa sœur, tous les gens qui tiennent à lui ont pu se sentir ?

Il m’a dit de le contacter pour préparer le rôle. Alors je l’ai fait, et c’est à son initiative que nous nous retrouvons aujourd’hui sur la marina, quelques jours seulement avant le début du tournage du film de sa vie, littéralement. Je le rejoins, lui adresse les salutations d’usages, avant de regarder autour de moi, et de déclarer. « On discute en marchant ? Je n’ai pas particulièrement envie de m’installer quelque part. » Et l’air marin ne peut pas faire de mal pour que chacun puisse garder les idées claires. Les mains croisées sous ma poitrine, je me mets donc en route à ses côtés. « J’ai lu votre livre, ça y est. » Le script ne peut pas le balayer en entier et est obligé de privilégier certains arcs narratifs face à d’autres, mais j’envisage un peu plus l’homme dans sa globalité, maintenant. « Je sais que le film le balayera pas dans son entièreté, mais j’avais besoin de vous comprendre. » Je marque une brève pause, avant d’ajouter. « Je sais pas si vous avez lu le script. Mais je pense que ça a le potentiel d’être un vrai succès, même si c’est pas forcément ce que vous imaginiez. » Même s’il imaginait un homme dans son rôle, je n’ai pas besoin de revenir là-dessus.

(manly boat harbour) L’idée d’avoir à briefer quelqu’un sur sa vie pour qu’il arrive mieux à se mettre dans sa peau est déstabilisant au possible. Jamais Rhett n’aurait pu penser vivre un tel moment de vie, sûrement parce qu’il commençait par être incapable d’imaginer une biographie sur sa personne. Tout s’est rapidement enchaîné et maintenant le monde entier sait qu’ils en feront un livre, dont une femme tiendra le premier rôle. Après tout, sa participation au coup d’envoi du match de rugby était au moins là pour ça: les apparences. « On discute en marchant ? Je n’ai pas particulièrement envie de m’installer quelque part. » Rhett hoche la tête, n’ayant rien contre une telle idée. Il fourre ses mains dans ses poches et reprend sa marche dans le sens inverse après avoir salué la blonde. Il se doute bien qu’elle agit de cette manière parce qu’elle n’a pas envie de s’attarder en sa compagnie mais puisque l’inverse est plus ou moins semblable, il n’en fait pas tout un plat là non plus. Simplement, il n’a rien en commun avec la blonde, pas même le nom qu’elle prendra à l’écran. « J’ai lu votre livre, ça y est. » - « Je pensais que ça avait été fait avant d’accepter le rôle, pour être honnête. » Parce qu’elle aurait voulu chercher à savoir dans quoi elle mettait les pieds, non ? C’est l’idée qu’il s’en fait, lui le premier dont l’idée de lire un livre tout entier aurait tout pour rebuter. Mais s’il en avait été de son image, Dieu sait qu’il aurait lu n’importe quel foutu bouquin avant de signer le moindre contrat.

« Je sais que le film le balayera pas dans son entièreté, mais j’avais besoin de vous comprendre. » L’idée le fait sourire et même rire. Ce n’est pas par moquerie, simplement parce qu’il a encore une fois l’impression d’être dans une scène loin de toute réalité. Elle veut le comprendre parce qu’elle va devenir lui aux yeux du monde. « Je sais pas si vous avez lu le script. Mais je pense que ça a le potentiel d’être un vrai succès, même si c’est pas forcément ce que vous imaginiez. » Il hoche vaguement la tête, son esprit ailleurs. Il n’en a pas grand chose à faire que ce soit un succès commercial, tant que le public accueille positivement son histoire. Peut-être que sur ce point, un personnage principal féminin pourrait aider à l’accueil des spectateurs. Sur celui-ci seulement, à défaut de tous les autres. « On verra bien. Je suis pas du genre à me faire trop d’illusions. » Sauf quand il s’agit d’amour mais puisqu’elle a lu le livre, elle le sait sûrement, non ? Elle le sait d’autant plus que c’est elle qui devra embrasser des inconnus à l’écran pour respecter l’histoire du Hartfield. « Le script englobe le plus important, il me convient. » Il se focalise sur le rugby et c’est tout ce qu’il demandait, parce qu’il n’a pas écrit ce livre pour qu’il soit question de ses relations passées, ou de la présente. Pour diverses raisons, il a à cœur de les tenir éloignées de l’opinion publique. Bien évidemment, il est aussi question de l’Oxy, et c’est un point qui sera difficile à accepter pour lui. Il aura du mal à y faire littéralement face et il le sait. « Et alors ? Tu m’as compris, au final ? » Puisque c’est ce qu’elle cherchait à faire en lisant le livre, il se permet de lui poser la question, à peu près certain qu’elle retient les véritables sujets pour le moment encore.

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Megan Williams & @Rhett Hartfield ☆ crédit/queenbdavisgifs

« Je pensais que ça avait été fait avant d’accepter le rôle, pour être honnête. » Je hausse les épaules, peu impressionnée par ce genre de remarque au mieux légèrement moqueuse, au pire passive agressive. Je n’ai pas caché que ce fichu bouquin ne m’intéressait guère jusque-là, j’ai même avoué à l’une des scénaristes qui m’a aidé à préparer le rôle que je ne l’avais pas encore lu. Je suis capable de dévorer un roman de cinq-cents pages s’il est question d’aventure et de créatures fantastiques, mais l’autobiographie est un genre littéraire qui m’ennuie franchement. Qui a envie de lire des centaines de pages sur la vie de quelqu’un de beaucoup trop centré sur sa petite personne ? Il faut l’être à mon sens pour écrire ou faire écrire ce genre de bouquin, pour estimer que notre vie est si formidable qu’elle mérite d’être racontée et lue par des milliers de personne. « Je suis une actrice debutante. Refuser un rôle ne fait pas partie du genre de luxe que je peux me payer. » S’il a fait ses recherches de son côté, il sait certainement déjà que Nine sera mon premier film. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il s’en moque assez pour ne pas se formaliser de ce point-là, qu’il ne s’agit qu’une déception de plus pour un homme qui s’imaginait certainement déjà représenté par un grand nom du cinéma.

« On verra bien. Je suis pas du genre à me faire trop d’illusions. » Je pense plutôt qu’il modère ses attentes par rapport à ce qu’il anticipe déjà comme une entache à sa réputation. S’il était honnête, il admettrait qu’il n’a besoin de personne pour ça et que caster une femme pour jouer son rôle n’était peut-être pas la pire des idées. L’homme que dépeint sa biographie a, à mes yeux, besoin de redorer son blason et d’attirer empathie et sympathie de la part du public. Nous vivons dans un monde patriarcal, qui de mieux qu’une femme pour remplir ce rôle-là ? Ses congénères nous voient encore toutes comme des petites choses fragiles à protéger. « Le script englobe le plus important, il me convient. » - « J’ai parlé à l’une des scénaristes. Elle pense qu’il faut faire la part belle à vos histoires de cœur, que c’est la meilleure des façons pour que le spectateur moyen s’attache au personnage de Riley. » Peut-être sera-t-il encore un peu remanié, donc. J’ignore s’il est courant que le script évolue en cours de tournage pour ajouter certaines scènes et en supprimer d’autres.

« Et alors ? Tu m’as compris, au final ? » - « Honnêtement ? » Cette amorce trahit ma réponse. Oui, j’ai compris le personnage, mais non je ne comprends pas comment on peut devenir le genre de personne qui fait subir à ses proches les conséquences de l’addiction. Sauf que si je veux parvenir à susciter de l’empathie, il faut qu’une part de moi l’aime, cette petite Riley, non ? C’est bien la seule raison qui me pousse à être là aujourd’hui, arriver à concevoir comment il a pu en arriver là, arriver à l’humaniser, d’une certaine façon, assez pour que je parvienne à ressentir un peu d’empathie pour lui et mon personnage à travers lui. « Ma réponse risque de pas vous plaire. » Mais je ne suis pas ici pour lui passer la pommade et lui caresser le dos. « Non. Je comprends pas comment on peut parvenir à justifier le fait de faire subir à ses proches de voir quelqu’un qu’ils aiment tomber dans l’addiction. » La douleur, je la comprends. Mais céder à ce genre de solution, je n’arrive pas à l’entrevoir autrement que comme de la faiblesse, et tout ce qu’un personnage faible suscitera, c’est de la pitié. J’appréhende sa réponse, certes, cela me faciliterai la tâche de rester en bon termes avec lui, mais mon regard sur lui a changé depuis ma lecture du bouquin et je me moque bien de ce qu’il peut penser de moi, à présent.

« Je suis une actrice debutante. Refuser un rôle ne fait pas partie du genre de luxe que je peux me payer. » Il hausse les épaules et ramène cette question du côté du sport. Est-ce qu’il aurait pu se permettre de refuser un poste dans une équipe pas si bien réputée mais qui voulait au moins de lui ? A ses débuts, sans doute que non. Il sait qu’il a eu de la chance, à ainsi être repéré gamin et à directement passer de l’équipe universitaire à nationale. Peu sont ceux qui ont connu une telle ascension, mais il pourrait aussi dire que peu sont ceux avec un tel talent, tout simplement. Peut-être qu’elle n’a pas le talent de jouer dans l’équivalent de l’équipe nationale, ou peut-être qu’elle n’a pas encore été repérée par les bonnes personnes - et bon sang qu’il espère que seule la seconde idée est véritable. « J’ai parlé à l’une des scénaristes. Elle pense qu’il faut faire la part belle à vos histoires de cœur, que c’est la meilleure des façons pour que le spectateur moyen s’attache au personnage de Riley. » Le rire de Rhett est quelque peu nerveux, certainement mal à l’aise à l’idée de dévoiler davantage ses histoires de cœur au grand public. Ce dernier était encore réduit lorsqu’il s’agissait d’un livre, mais maintenant qu’il est question d’un film dans son entièreté, tout est très différent et n’importe qui pourrait aller au cinéma et voir Mabel - ou peu importe quel alter ego masculin - se moquer de lui en 4K et stereo. « Tant que ça devient pas un de ces nouveaux films pour ados. » Tant que personne n’oublie qu’ils sont tous là pour le sport et le rugby et non pour Jenna, Mabel et même Evelyn - qui, à ce rythme, à toutes les chances de se retrouver dans le film alors qu’elle avait réchappé à plus de mentions dans le livre.

« Ma réponse risque de pas vous plaire. »
« Je suis un grand garçon. »

Contrairement à elle, qu’il n’a de cesse de voir comme une gamine parce qu’il s’agit bel et bien de ce qu’elle est: une enfant qui s’apprête à jouer le rôle d’un grand garçon. Elle ne connaît rien à la vie, elle ne connaît rien à quoi que ce soit, et il craint déjà qu’elle soit parfaitement superficielle à l’écran, bien plus capable d’embrasser ses co-stars que de taper dans un ballon et l’envoyer au bon endroit. « Non. Je comprends pas comment on peut parvenir à justifier le fait de faire subir à ses proches de voir quelqu’un qu’ils aiment tomber dans l’addiction. » Et effectivement, il sourit déjà. S’il ne s’agit que de ça, il pouvait l’entendre. Être un adulte de quarante ans l’a fait endurer bien pire. « C’est pas le genre de truc qui se justifie. Je cherche pas à obtenir l’empathie, et encore moins à ce qu’on me prenne en exemple. » Il a demandé à écrire un livre parce que c’était sa version « simplifiée » à lui d’expliquer à ses proches qu’il a merdé, qu’il est désolé et que non, il ne va pas vraiment mieux. Et plutôt que d’aborder le problème de front avec ceux qu’il aime, il a préféré s’adresser à des milliers d’inconnus et leur exposer un quotidien dont ils ne connaissaient rien. Alors oui, bien sûr, ça lui plaît de repasser sur le devant des caméras et de voir des articles sortir sur Google lorsqu’on tape son nom, mais il aurait effectivement préféré que cela soit pour d’autres raisons. « J’aurais pu continuer encore vingt ans sur le terrain. Je serais passé entraîneur, j’aurais gagné des coupes d’une autre façon. » Et avec des hypothèses, Garrett refait le monde. Le sien, surtout. Il devient beau, brillant, parfait. Londonien. « J’ai pas choisi de me réveiller au milieu de la nuit en ayant besoin de ses cachets. A cause de la douleur, d’abord, et par habitude rapidement ensuite. » Mais la douleur était bien réelle, au début du moins. Ses prescriptions étaient nécessaires, au début du moins. Rapidement, il a emprunté une pente glissante, et il n’a pas trouvé le moyen d’en réchapper avant bien longtemps. « Tu vas devoir imaginer ce que c’est que de préférer littéralement te droguer plutôt que de risquer d’avoir mal à nouveau. » Parce qu’il était loin, bien loin de la douleur d’un genou écorché, et c’est ce fait en particulier qu’elle va devoir arriver à imaginer pour comprendre tout le reste. Mais ça, après tout, c’est son travail, et ce n’est pas Rhett qui va pouvoir lui apprendre à jouer la comédie, déjà bien incapable de le faire dans son quotidien, même de façon anecdotique.

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Megan Williams & @Rhett Hartfield ☆ crédit/queenbdavisgifs

« Tant que ça devient pas un de ces nouveaux films pour ados. » - « Je doute que ce soit l’objectif. » Scott a un point commun avec Rhett Hartfield : il est vaniteux et prétentieux. Son travail, il l’a toujours pris au sérieux, peut-être trop au sérieux, au point de ne concevoir ses œuvres que comme des films intellectuels et d’auteur. Pas le genre de production Netflix vouée à faire battre les cœurs des gamines de quatorze ans, donc. « Et vu qu’il est pas prévu que je vomisse des arcs en ciel pendant l’overdose… Je doute que ce soit tout public, de toute façon. » Si j’use d’un peu d’espièglerie, c’est en espérant m’attirer ses faveurs, ou au moins éviter ses foudres. Son opinion ne compte guère certes, mais il reste le mieux placé pour m’apprendre à jouer mon rôle – le sien – de la meilleure façon possible.

« Je suis un grand garçon. »
« Un grand garçon avec un grand égo, si je peux me permettre. »

Et s’il le nie, je lui rappellerai alors que j’ai lu son fichu bouquin et que ça, il s’agit d’une chose qu’il ne peut pas cacher, ne serait-ce que de par la simple existence de l’autobiographie. Toutefois, il n’a pas l’air heurté parce ce que je lui dis, et je me demande si je n’ai pas un peu trop pris de pincettes. « C’est pas le genre de truc qui se justifie. Je cherche pas à obtenir l’empathie, et encore moins à ce qu’on me prenne en exemple. » - « Pour que ça dure des années, il faut au moins réussir à se trouver des excuses. Sinon, comment vous réussissiez à vous regarder dans le miroir ? » Comment ma mère et tous les autres parviennent à affronter leur reflet et continue à s’enfoncer tout en sachant le mal qu’ils font autour d’eux ? Est-ce que nous ne comptons pas assez nous autres, les gens qui les aiment ou qui ont besoin d’eux ? « Qu’est-ce que vous avez cherché à faire en écrivant un bouquin, si c’est pas à vous faire passer pour la victime ? » Celui qu’on doit comprendre puisqu’il livre ses souffrances et la raison derrière ses actions égoïstes. Celui qu’on doit plaindre puisqu’au fond, il a affronté des choses assez dures pour avoir le droit de plonger. Sauf que là où le bat blesse, c’est qu’à aucun moment le point de vue de ceux qui ont vraiment souffert de ces conneries ne sont entendus. Ils ne le sont jamais dans ce genre de contenu, ce n’est pas ça qui fait soupirer la ménagère de quarante ans.

« J’aurais pu continuer encore vingt ans sur le terrain. Je serais passé entraîneur, j’aurais gagné des coupes d’une autre façon. » Et s’il ne l’a pas fait, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Une blessure a arrêté sa carrière, mais ce second souffle, n’aurait-il pas pu l’obtenir tout de même, un peu en avance certes mais malgré tout ? « J’ai pas choisi de me réveiller au milieu de la nuit en ayant besoin de ses cachets. A cause de la douleur, d’abord, et par habitude rapidement ensuite. » A, le voilà l’addict dans toute sa splendeur, celui qui fait peser sur le dos du destin ou d’une autre connerie le poids de ses choix et le prix à payer. Ce n’est pas ma faute, c’est celle de la douleur. « Tu vas devoir imaginer ce que c’est que de préférer littéralement te droguer plutôt que de risquer d’avoir mal à nouveau. » - « Ce que j’entends surtout, c’est quelqu’un qui se trouve des excuses plutôt que d’admettre qu’il a choisi la facilité. » Il l’a dit il a préféré. Personne ne lui a mis un couteau sous la gorge et je n’ai pas l’intention de plaindre sa douleur au détriment de celle de ses proches. « Vous avez un frère, une petite sœur, une nièce qui avait besoin de vous, une compagne même si j’ai bien fait mes devoirs. » S’il a tenté de ne pas trop l’exposer dans son autobiographie, il n’a pas pu empêcher les médias de se déchainer et de tenter de décortiquer son couple. « Ce sont eux les vraies victimes de la situation, parce qu’eux n'ont pas eu le moindre choix. » Et je suppose que certains ont même donné toute leur énergie pour tenter de le "sauver". « C’est ce que j’aime pas à propos de votre bouquin. Votre détresse à vous prend toute la place, comme si vous étiez la grande victime de cette histoire. » Ce qui est logique, puisqu’il s’agit d’un livre écrit le concernant lui, mais j’aimerais une autre orientation pour ce film. Sauf que j’ai beau avoir de l’influence sur le réalisateur, je ne peux pas écrire le script à la place de ceux dont c’est le métier. Mais Riley, je n’ai pas envie qu’on pleure sur son sort. « Au moins vous avez eu la présence d’esprit de jamais faire d’enfant. » Parce que je ne sais que trop ce que c’est que d’être un gamin dans un univers comme celui-là.

« Un grand garçon avec un grand égo, si je peux me permettre. »

Un grand garçon avec un certain ego, ce qui ne l’empêche pas pour autant d’entendre ce qu’on a à lui dire. Pour ce qu’il en est de sa réaction, tout dépendra sûrement des mots de la jeune femme autant que des sujets abordés, sans doute. Sur ce point, il ne peut rien promettre. « Pour que ça dure des années, il faut au moins réussir à se trouver des excuses. Sinon, comment vous réussissiez à vous regarder dans le miroir ? » Le rire qui est le sien est gras et sans saveur. Il n’y a pas de nervosité dans sa réaction mais sans doute une forme anticipée d’agacement, parce qu’il comprend déjà qu’elle risque de lui tenir le pied et qu’elle le fera d’une façon particulièrement horripilante aux yeux d’un homme pour qui le monde est noir ou blanc. Se soucier des nuances est une perte de temps selon lui, comme le sont déjà les premières questions de la blonde. « Est-ce que tu as raté le moment où il y avait écrit “addiction” dans le livre ? » Il ne la pense pas assez bête pour en ignorer la signification, alors il ne comprend pas ce qu’elle ne comprend pas dans tout le reste et dans les conséquences qu’ont son addiction. Son livre en explique l’apparition et il en explique ses tentatives pour s’en défaire, mais personne n’a jugé bon d’expliquer pourquoi il a continué tout ce temps: la substance est addictive, il en a subi la conséquence première. « Qu’est-ce que vous avez cherché à faire en écrivant un bouquin, si c’est pas à vous faire passer pour la victime ? » Ne pas se faire passer pour la victime, sans doute, à commencer par là. « Alerter ceux que ça pourrait concerner. » Prévenir ses proches, aussi, parce que le faire par voie orale n’aurait pas été aussi simple pour lui ; en comparaison avec la simplicité toute relative qu’a été l’écriture d’un livre. Il estimait avoir passé assez d’épreuves pour être capable d’alerter autrui sur ce à quoi ressemble un bout de l’enfer vivant, à défaut de pouvoir détourner le monde entier d’un tel chemin. Oh, il ne dit pas qu’il n’aurait jamais voulu écrire de livre s’il n’y avait pas eu l’Oxycodone, mais dans ce cas précis l’objectif aurait effectivement été de vanter ses mérites. Aujourd’hui, ce n’est pas ce dont il s’agit, pas sur toute l’immense partie du livre qui n’a déjà plus trait au rugby, du moins.

« Ce que j’entends surtout, c’est quelqu’un qui se trouve des excuses plutôt que d’admettre qu’il a choisi la facilité. » Ce qu’il entend, surtout, c’est qu’elle est dotée d’une forme rare d’étroitesse dès qu’il s’agit d’Oyxodone - ou de drogue de façon plus générale, sans doute. « Vous avez un frère, une petite sœur, une nièce qui avait besoin de vous, une compagne même si j’ai bien fait mes devoirs. Ce sont eux les vraies victimes de la situation, parce qu’eux n'ont pas eu le moindre choix. » Ils en ont souffert d’une certaine manière, il ne le niera pas, mais il n’ira pas non plus jusqu’à avouer sciemment qu’ils sont la victime de toute cette histoire. Ils pouvaient faire le choix d’abandonner Rhett et de ne pas se retourner, ce dont il ne leur aurait sans doute pas tenu rigueur, et à partir du moment où la fuite sans conséquences est une option envisageable, Hartfield doute sincèrement qu’ils puissent être qualifiés de véritables victimes. Ils sont des dommages collatéraux de ses choix, ça oui, mais cela n’a pas attendu qu’il sombre dans l’addiction pour exister. Tu vis dans un monde d’une gamine de ton âge où tout est beau, tout est parfait, et où tu penses déjà à la robe que tu mettras pour l’avant-première. » Quand bien même il doute qu’il puisse appeler la tenue une robe, à en juger par le genre d’apparence publique qu’elle semble choisir - il a presque l’âge d’être son père mais ne l’est pas, fort heureusement, ce qui fait que ce n’est pas son problème. « Et c’est la seule chose qui te permet de dire que c’est un choix, parce que tu vies clairement pas dans le même monde que les gens à qui ce genre de choses arrivent. » Elle a à son tour un esprit bien trop manichéen dans lequel il n’existe que le bien ou le mal si elle arrive sincèrement à croire que l’addiction est un choix. Personne ne fait un tel choix de vie, même tous ceux ayant une certaine propension à choisir les mauvais chemins. Les gamins choisissent d’essayer devant leurs amis pour se donner un genre, pour s’amuser, pour se décoincer, pour oublier ; mais jamais personne ne fait le choix de devenir dépendant à un produit qui change très vite les chimères en cauchemars.

« C’est ce que j’aime pas à propos de votre bouquin. Votre détresse à vous prend toute la place, comme si vous étiez la grande victime de cette histoire. » - « Tu choisis de l’interpréter comme ça, c’est tout. » Il veut beaucoup de choses, Rhett. Il veut être aimé et admiré, ça oui, mais il ne veut certainement pas être pris en pitié, ni par ses proches ni par des milliers d’inconnus. Il veut qu’on reconnaisse son combat, pas la difficulté qu’il a eue à se relever - surtout alors qu’il y travaille encore aujourd’hui. « Au moins vous avez eu la présence d’esprit de jamais faire d’enfant. » En retour, elle n’a pas eu la présence d’esprit de reconnaître que tous les mots ne lui sont pas autorisés sous couvert qu’ils ne sont qu’une seule et même personne. « Et j’espère vraiment que ce sera ton choix de vie aussi ma parole. » Il ajoute à son tour, non pour appliquer la loin du talion mais bien parce qu’il pense qu’aucun gamin ne grandirait sereinement avec une mère aussi névrosée. Il aurait fait un père médiocre de son côté, il le sait bien, et il n’a pas besoin de l’avis d’une parfaite inconnue à ce sujet - ni à aucun autre, ceci dit. « Si tu as de vraies questions auxquelles Doctissimo peuvent pas t’aider, je prends. Sinon, je pense que j’ai encore mieux à faire de ma journée. » Même sans emploi il trouvera toujours mieux à faire que de perdre sa patience inutilement.

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Megan Williams & @Rhett Hartfield ☆ crédit/queenbdavisgifs

« Est-ce que tu as raté le moment où il y avait écrit “addiction” dans le livre ? » Non, mon esprit l’a simplement remplacé par la bonne excuse à chaque fois que j’ai buté dessus, puisque c’est ce dont il s’agit à mes yeux : une bonne excuse pour ne pas essayer de faire mieux, d’être quelqu’un de meilleur. Certains s’en sortent. Certains s’enrôlent dans des putains de programmes voués à se sortir la tête de la merde et d’autres, comme ma mère, n’ont rien à faire de détruire ceux qui les entourent à grand renfort de cocaïne et d’égoïsme. Il n’est plus question uniquement de Rhett Hartfield depuis déjà quelques minutes, mais ce dernier n’a évidemment pas de moyen de le savoir. « Alerter ceux que ça pourrait concerner. » - « Alerter - » Je mime des guillemets avec mes doigts. « Et redorer votre image aussi, je suppose. » Elle en a pris un coup lorsqu’il a été licencié l’an dernier, sans l’ombre d’un doute. Et depuis la parution de son livre, il est redevenu le fils chéri de Brisbane, celui que toute femme avec un instinct maternel voudrait protéger. Moi, je n’appelle pas ça un désir d’alerte.

« Tu vis dans un monde d’une gamine de ton âge où tout est beau, tout est parfait, et où tu penses déjà à la robe que tu mettras pour l’avant-première. » L’Australien ne pourrait pas avoir plus tort. Je viens d’un milieu bien moins privilégié que ceux dans lequel il a l’habitude d’évoluer et même si, aujourd’hui, je mène en apparence une vie parfaite de paillettes et de vêtements de luxe, il y a eu un prix à payer. « Et c’est la seule chose qui te permet de dire que c’est un choix, parce que tu vis clairement pas dans le même monde que les gens à qui ce genre de choses arrivent. » - « Vous avez pas la moindre idée du monde dans lequel je vis ou de celui d’où je viens. » Sauf mon respect, espère d’enfoiré. Ma mâchoire se contracte, parfaite image de toute mon impulsivité, déjà piquée à vif comme à chaque fois que quiconque me présente comme une privilégiée ou plutôt, s’en sert pour appauvrir mon argumentaire. Elle ne sait pas, elle a toujours eu tout ce qu’elle voulait. « Je pensais qu’être un golden boy à qui tout réussi en apparence, mais un accro aux opioïdes dès que les caméras s’éteignent ça vous avait au moins appris à pas juger sur le paraître. » Moi, je n’ai jamais eu de jolie bourse d’étude ou de passe-droit simplement parce que je savais taper dans un ballon. « Je connais parfaitement le monde dans lequel ce genre de choses arrivent. Et c’est pas celui de ceux qui ont les moyens de se payer un bol d’air en Suisse dès que les choses sentent le roussi ou d’écrire un best-seller pour se repentir. » Il croit être le parfait porte-parole de personnes auxquelles il ne ressemble rien et qui n’ont pas un quart de la chance qu’il a et du soutien qu’il a pu obtenir.

« Et j’espère vraiment que ce sera ton choix de vie aussi ma parole. » Un allez vous faire foutre nait dans ma gorge, mais y meurs avant que je ne le laisse s’échapper. L’ancien rugbyman n’a peut-être aucun poids concernant le film et les décisions qui en découlent, mais même avec ma langue bien pendue je suis conscience des limites à ne pas dépasser, ou en tout cas pas jusqu’à ce que tout retour en arrière devienne impossible. Mes choix de vie ne regardent pas Rhett Hartfield, et j’ai laissé échapper bien trop de détails personnels à vrai dire. « Si tu as de vraies questions auxquelles Doctissimo peuvent pas t’aider, je prends. Sinon, je pense que j’ai encore mieux à faire de ma journée. » -  « Je vous avais dit que ma réponse risquait de pas vous plaire. » Un grand garçon avec un gros égo, n’avais-je pas raison sur toute la ligne ? « Je crois que je vous comprends mieux maintenant. Et je suppose que c’était le but. » La vision que je me fais de lui est peut-être bien trop manichéenne – elle l’est même sans l’ombre d’un doute, mais je suis incapable de l’admettre – mais me concernant je m’estime fixée. Il n’est qu’un privilégié de plus, Hartfield. Un qui a fait les mauvais choix mais avec un filet de sécurité et si ce genre d’univers m’est bien plus familier, cela risque d’être un défi de le rendre attachant et aimable, au sens le plus noble du terme, à la caméra.

« Alerter - Et redorer votre image aussi, je suppose. » Entre les lignes, évidemment. Il ne peut pas avancer cet argument au premier plan parce qu’il perdrait ainsi toute sa force et tout son sens, mais pour un homme dont l’image est importante, il n’en pense pas moins. Il avait à coeur de faire comprendre à qui veut bien l’entendre quelle est sa situation et quelles sont toutes les épreuves qui ont été les siennes. Peut-être que ce livre lui sert d’excuse pour son agissement, aussi ; mais il lui sert surtout d’immense doigt d’honneur à ABC, qui a perdu l’occasion de s’occuper de toute la promotion de son livre et du film ensuite. « Vous avez pas la moindre idée du monde dans lequel je vis ou de celui d’où je viens. » Le rire de Rhett est teinté de jugement, parce qu’il ne peut que se dire qu’elle répond par la négation suite à son instinct de contradiction, pas que cela peut avoir une quelconque once de vérité. Elle est une rentière qui a envie de briller devant les caméras, voilà tout ce qu’il pense d’elle. Elle occupe ses après-midis en prétextant avoir des questions à lui poser mais, au lieu de ça, elle se contente de mettre à mal sa patience déjà très peu élaborée.

« Je pensais qu’être un golden boy à qui tout réussi en apparence, mais un accro aux opioïdes dès que les caméras s’éteignent ça vous avait au moins appris à pas juger sur le paraître. » Son sourire n’en démord pas. La comparaison n’a pas lieu d’être, et il déteste qu’elle leur trouve des points communs, comme le producteur qui a jugé bon que Rhett devienne Riley, perde de la testostérone, et gagne en tours de poitrine. « Tu penses mal, de toute évidence. » Il hausse les épaules et n’ajoute pas d’autres explications, ne ressentant pas le besoin de s’expliquer davantage face à une femme qu’il considère encore être une gamine qui n’a pas réellement vécu. Ça viendra ; il ne lui en veut pas d’être jeune. Il lui en veut sans doute d’être un peu trop téméraire, surtout quand témérité rime avec agacement. « Je connais parfaitement le monde dans lequel ce genre de choses arrivent. Et c’est pas celui de ceux qui ont les moyens de se payer un bol d’air en Suisse dès que les choses sentent le roussi ou d’écrire un best-seller pour se repentir. » Bien sûr, oui. Tout en sentant qu’une discussion sur ce sujet ne mènerait à rien, il se contente d’hocher la tête avec bien trop peu d’engouement pour qu’on puisse croire qu’il tombe réelle d’accord avec elle. Tout ce qu’il veut, c’est ne plus perdre son temps avec des inepties, et si elle pense qu’avoir regardé Skins il y a dix ans lui permet de connaître le monde de la drogue et tout ce qu’il s’y passe, alors soit. « Il faut savoir. Je suis un camé ou un privilégié. » Il est un privilégié aujourd’hui, il le sait, mais il a construit son nom autant que sa fortune seul - et ça, au moins, ce n’est pas seulement sa mauvaise foi qui le dit.

« Je vous avais dit que ma réponse risquait de pas vous plaire. »
« Ce n’est pas une question. »

« Je crois que je vous comprends mieux maintenant. Et je suppose que c’était le but. » Il ne suppose rien de son côté, parce que cette discussion était l’initiative seule de Megan et non la sienne. Il n’y connaît rien au monde du cinéma - et à en juger par son cv, elle non plus - mais il était prêt à accepter de passer quelques heures avec elle si cela pouvait l’aider dans son rôle. « Heureux de l'apprendre. » qu'il ment donc, sans tenter d'être crédible. Maintenant, il se dit surtout qu’il gardera son temps pour lui et qu’il se contentera de répondre présent sur le plateau pour rendre les scènes sur le terrain réalistes. Le reste l’est trop peu pour qu’il puisse y changer quoi que ce soit d’un coup de baguette magique. Il recevra l’argent des royalties et sa part des recettes ensuite, ce sera au moins une compensation quand tout le monde pourra observer Riley à l’écran.