Mai 2023. Il est temps qu’il se reprenne en main. L’urgence de la situation le poussait à agir alors qu’il est sur la sellette au boulot et que son cadet venait de lui faire part d’une histoire qu’il ne pouvait tenir secrète. Une part de lui préfèrerait pourtant, ne voulant pas que le nom d’Ambrose soit associé à cette ordure mais c’est tout là le courage qu’il admire chez son frère qui, pour faire tomber un grand nom et obtenir surtout justice, il décide de s’exposer aussi. Une prise de risques, celle qu’August ne connait pas vraiment tant il se repose depuis bien trop longtemps sur ses lauriers, au point de faire uniquement des articles qui n’ont aucun intérêt et qui ne le passionne plus vraiment. Rien qui le tire vers le haut donc, rien qui ne le motive et donc ne peut l’aider à retrouver le droit chemin. Ce combat cependant, celui que son frère souhaite mener contre Saul Williams, August souhaite s’y joindre et c’est sûrement les confessions d’Ambrose qui le pousse aujourd’hui à envisager un revirement dans sa carrière.
Des années qu’il travaille pour le même journal, celui dont les articles contentent une population dont l’âge moyen des lecteurs avoisine la cinquantaine - si ce n’est plus - et dont le contenu n’a rien d’exaltant. Pourtant, August y a toujours trouvé son compte, appréciant cette routine qui s’est installé et sûrement un peu la facilité de l’exercice. Pas d’articles à sensation – à quelques exceptions près, dont un qu’il regrette amèrement d’avoir écrit aujourd’hui - de simples faits relayés, sans aucun aspect critique et qui n’amène donc pas le jeune journaliste à viser plus haut, alors que nombreux sont les journaux en ville dont les places attirent et font rêver. Mais cela ne l’a jamais attiré plus qu’outre mesure jusqu’à aujourd’hui où il a, entre les mains, un article qui n’a aucunement sa place dans un journal local. Il doit viser plus haut s’il veut faire entendre la voix de son frère, s’il veut que cet article ait les répercussions souhaitées et c’est pour cette raison qu’il a contacté Blake pour parler de ça avec lui – avec l’accord d’Ambrose, naturellement. Qui mieux que lui d’ailleurs pour faire dans les articles à sensation, ceux qui dénoncent ceux qui abusent bien trop de leur pouvoir, ceux qui profitent de la naïveté du plus grand nombre ? Le Aldridge est définitivement le mieux placé et c’est dans le Daily Insider qu’August souhaiterait que cet article, qu’il a écrit jusqu’à tard dans la nuit, soit publié.
C’est donc au sein des locaux du journal que le Constantine débarque, saluant la majorité de l’équipe qu’il connait très bien. Il faut dire qu’il est un habitué des lieux, du fait de son amitié avec Blake, et que nombreuses sont les fois où il traîne ici avec lui sans pour autant apporter sa pierre à l’édifice. « Hey Blake » qu’il fait en voyant le blondinet un peu plus loin, échangeant avec un de ses collègues. En arrivant vers lui, les deux amis se tapent dans la main pour s’attirer l’un l’autre pour se saluer « Je te dérange pas ? » Il ne souhaite pas l’interrompre s’il est au milieu de quelque chose et peut très bien repassé plus tard, si cela convient davantage à son ami « Je débarque un peu à l’improviste mais y’a un truc un peu urgent dont il faut que je te parle ». Ce truc un peu urgent n’est pas rien puisque cela concerne son frère et comme il n’est pas totalement prêt encore à l’ébruiter, il demande « Et je préférerai t’en parler en privé, si c’est possible ». Il reste mystérieux, ne souhaitant pas cependant inquiéter son ami qu’il suit jusque dans son bureau. « J’ai un article qui devrait t’intéresser et que j’ai moi-même écrit » il extirpe de sa besace une feuille dont les mots posés sur le papier relatent l’histoire qu’Ambrose lui a conté la veille mais qu’il garde sûrement un peu nerveusement pour lui pour le moment « Il concerne Saül Williams et… » une interruption, nécessaire sûrement parce que les propos qui suivent passent difficilement la barrière de ses lèvres « ce qu’il a fait subir à Ambrose ». Ce n’est là qu’un résumé de l’histoire, August hésitant encore à tendre le morceau de papier à son ami jusqu’à finalement prendre la décision de laisser découvrir cette histoire par lui-même. Ce n’est pas sans une certaine appréhension qu’il observe Blake prendre connaissance de l’article.
(MAI 2023) « Ça avance sur l'affaire Simmons. J'attends encore un retour de ma source, mais ce serait qu'une question de jours avant que la nouvelle de ses infidélités se répande et si on joue bien nos cartes, on sera les premiers sur le coup. » Ce sujet, Blake le gardait bien au chaud depuis des semaines, rencardé par ses sources qui lui avaient offert l'exclusivité sur un scandale qui n'avait pas encore fait la une des journaux et qu'il comptait mettre en lumière le premier. Un politicien respecté avait fauté avec une ribambelle de femmes sensiblement plus jeunes et qui pour certaines avaient la langue bien pendue ; le genre de scandale dont l'opinion publique raffolait. « J'ai eu la nounou au téléphone, elle est prête à ce qu'on la cite anonymement. » Il ne précisait pas qu'il lui avait sorti le grand jeu pour obtenir son témoignage en premier lieu, c'était sans grande importance et ça restait exclusivement professionnel. Il serait simplement stupide de ne pas utiliser les atouts que la nature lui avait donné pour servir ses intérêts et informer leurs lecteurs sur le genre de personnes pour qui ils votaient ; il se dévouait entièrement à la cause, Blake. « Hey Blake » La voix d'August le tira de ses réflexions et c'est un air quelques peu surpris, mais pas moins souriant pour autant, qui s'empara des traits du journaliste. « Hey, ça fait plaisir de te voir. » Il ne lui semblait pas qu'ils aient prévu de se voir aujourd'hui, tout du moins pas sur ses heures de travail et au siège du Daily Insider, mais sa visite n'était jamais synonyme de mauvaise surprise pour celui qui était conscient de sacrifier beaucoup de choses au profit de son ambition, à commencer par ses amitiés. A vrai dire, August était l'un des rares à ne jamais le lui reprocher, probablement parce qu'il était le mieux placé pour savoir que ce milieu laissait peu de place à l'éparpillement lorsqu'on voulait s'y faire un nom. « Je te dérange pas ? » - « C'est toujours assez animé ici, tu sais, alors je suis pas plus occupé qu'à un autre moment. » Et ça n'était pas non plus comme s'ils couvraient un événement majeur et en temps réel qui les forcerait à stopper tout ce qu'ils faisaient et à se rendre disponibles entièrement. Cette adrénaline, Blake regrettait de ne pas la vivre plus souvent. « Je débarque un peu à l’improviste mais y’a un truc un peu urgent dont il faut que je te parle » Faisant comprendre à son collègue qu'ils reprendraient leur discussion plus tard, Blake aligna quelques pas en direction d'August, un sourcil arqué marquant le fait que ses propos l'intriguaient. « Un truc urgent ? Rien de grave, j'espère. » Si tel était le cas il l'aurait probablement appelé avant de se déplacer jusqu'ici, mais le fait qu'il soit venu laissait penser que ça n'était pas anodin. « Et je préférerai t’en parler en privé, si c’est possible » Regardant autour d'eux, là où ses collègues s'affairaient aux quatre coins des bureaux, Blake acquiesça. « Bien sûr, ouais, on a qu'à en discuter dans mon bureau. On sera plus tranquilles. »
August le suivit jusqu'à son bureau et Blake referma la porte derrière eux, pressentant qu'il n'avait pas demandé à lui parler en privé sans raison. A sa mine grave, il devinait même que ça devait être assez sérieux. Et l'espace d'une seconde, peut être bien qu'une part de lui se demanda si ça avait à voir avec Flora, et si son ami avait pu découvrir ce qui se tramait entre sa sœur et lui. Ils avaient tout fait pour rester discrets, comme à l'époque où leur relation était déjà passée sous silence, mais Blake n'oubliait pas qu'August avait l'instinct d'un journaliste lui aussi. S'il se doutait de quelque chose et comptait le cuisiner, il devrait décider de passer aux aveux ou bien de lui mentir en face, et ça n'aurait rien d'un choix évident pour lui. Retenant son souffle une seconde, il éprouva un soulagement inévitable lorsque son ami reprit la parole. « J’ai un article qui devrait t’intéresser et que j’ai moi-même écrit » Un soulagement qui serait toutefois de courte durée, mais ça Blake ne le savait pas encore. Ce qu'il savait, en revanche, c'est qu'August ne se serait pas déplacé pour un article sur une maison de retraite, ce qui titilla forcément sa curiosité. « Et tu l'as pas proposé au journal où tu bosses ? Je veux dire, je suis flatté que t'aies pensé à nous, mais si c'est à cause de ce que j'ai dit la dernière fois... » Au sujet de son manque d'ambition et du fait qu'il perdait son temps à bosser pour un journal qui ne couvrait que des affaires de maigre envergure, bien loin de son potentiel et de tout ce qu'il pourrait accomplir avec un sujet à sa portée, un sujet qui lui permettrait de montrer vraiment ce qu'il valait. « Il concerne Saül Williams et… ce qu’il a fait subir à Ambrose » - « Saül Williams, l'ancien PDG de Michael Hills ? Tu t'attaques à du gros bonnet, on dirait. » N'importe qui d'un peu renseigné et qui était amené à fréquenter certains cercles savait très bien qui était Saül Williams et quelle influence il avait toujours eu dans son domaine. Ce n'était pas un nom qu'on retrouvait généralement par hasard au détour d'un article, et Blake n'aurait jamais pensé que cet homme se retrouverait cité dans un papier rédigé par August.
Se saisissant de l'article en question et prenant connaissance de son contenu, c'est un regard rapidement déconcerté qu'il remonta jusqu'à celui de son ami. Ce serait un euphémisme de dire qu'il ne s'attendait pas à ça. « Merde, August. » Ce qu'il avait entre les mains était bien loin d'un article plein de bons sentiments sur le petit commerce du coin de la rue. C'était stupéfiant, scandaleux et susceptible de créer énormément de remous jusque dans les plus hautes sphères en ville. En théorie, et du point de vue d'un journaliste toujours à la recherche du plus gros scoop, c'était le sujet rêvé. Mais en théorie seulement. « C'est des accusations très sérieuses. On parle de chantage sexuel et d'abus de pouvoir, le mec risque carrément plus que sa carrière sur ce coup. » Il risquait évidemment de sérieux problèmes avec la justice, mais aussi une réputation qui lui collerait à la peau peu importe ce qu'il pourrait bien entreprendre pour redorer son blason. Ils savaient tous les deux que ce genre d'affaires vous suivaient partout. Ce type pourrait perdre tout ce qu'il avait sur ce genre de scandale, et d'après ce qu'il pouvait lire ce ne serait que justice. « Tu le sais depuis longtemps ? » Chaque chose à la fois. D'abord, il voulait savoir depuis combien de temps il gardait ça pour lui et bûchait sur cet article en attendant de pouvoir mettre en lumière les agissements de Saül Williams. « T'aurais du m'en parler, August. Je sais que je fais passer le boulot avant beaucoup de choses, mais t'es avant tout mon pote et ça touche pas n'importe qui pour toi. » Ça touchait son frère, quelqu'un qui lui était particulièrement proche et pour cette raison, il imaginait combien le simple fait d'avoir écrit cet article avait du lui coûter. Ne lui avait-il rien dit de peur qu'il s'empare de l'affaire à sa place ? Avait-il redouté que son ambition de journaliste prenne le pas sur leur amitié ? Il ne pourrait pas le lui reprocher, pas quand il avait déjà largement prouvé en être capable. Pour autant, cette fois, il n'en aurait rien fait.
Mai 2023.« Hey, ça fait plaisir de te voir. » Blake ne s’attendait sûrement pas à le voir débarquer ici, en plein milieu de la journée, bien que cela ne soit pas un cas exceptionnel non plus, August ayant déjà débarqué à l’improviste sur le temps du déjeuner, par exemple, pour entraîner un de ses meilleurs potes à aller grailler un morceau ou lorsque, tout nerveux, il était venu voir Blake pour lui annoncer qu’il comptait faire sa demande en mariage à Yara et qu’il trépignait d’impatience sur place pour l’extirper de sa conversation ennuyeuse à souhait à côté de cette nouvelle qu’il lui portait. Il n’empêche que, malgré leur forte amitié, les deux jeunes hommes ne se voient pas autant qu’ils le voudraient et se retrouver aujourd’hui est bien sûr un plaisir, bien que, cette fois, August ne vienne pas pour parler de choses plaisantes. « C'est toujours assez animé ici, tu sais, alors je suis pas plus occupé qu'à un autre moment. » Il est disponible et, même si le journaliste aurait pu très bien repassé à un autre moment – l’urgence de la situation n’est pas à un point tel que cela ne peut pas attendre quelques heures – il est tout de même rassuré d’entendre Blake lui dire qu’il a du temps à lui accorder. « Un truc urgent ? Rien de grave, j'espère. » Tout dépend ce qu’on sous-entend par grave, August estimant que ce soit le cas parce que cela concerne son petit frère « Je vais t’expliquer ». Il n’en dira pas plus dans cet open space, préfère attendre qu’ils aient un peu d’intimité pour pouvoir en parler plus librement, raison pour laquelle il ajoute qu’il préfère en parler en privé « Bien sûr, ouais, on a qu'à en discuter dans mon bureau. On sera plus tranquilles. ». August suit son ami vers son bureau, là où il va pouvoir lui livrer les raisons de sa venue et de cette urgence qu’il évoque.
Il n’est pas question d’un règlement de compte – qui finira par arriver tôt ou tard et qui ne fera qu’ébranler un peu plus le cercle amical d’August, qui a déjà pris un sacré coup en son cœur – mais d’un article que le Constantine a passé la nuit à écrire, raturer, modifier, recommencer il ne sait combien de fois pour qu’il rende justice comme il se doit à la victime et accable le coupable « Et tu l'as pas proposé au journal où tu bosses ? Je veux dire, je suis flatté que t'aies pensé à nous, mais si c'est à cause de ce que j'ai dit la dernière fois... » « Ca n’a rien à voir avec ce que tu as pu dire la dernière fois, Blake. C’est parce que ce genre d’articles n’a pas sa place dans un simple journal local » Il se garde de lui dire qu’Ambrose lui a demandé expressément que cette exclusivité ne soit pas publiée n’importe où et qu’August, lui-même, ne souhaitait pas qu’un tel article finisse dans ce journal dans lequel il ne voit plus aucun avenir professionnel pour lui, mais cette discussion se fera dans un deuxième temps. Pour l’heure, il révèle l’objet de cet article qu’il a écrit et qui concerne un grand nom, pas n’importe lequel « Saül Williams, l'ancien PDG de Michael Hills ? Tu t'attaques à du gros bonnet, on dirait. » Ce n’est pas volontaire de sa part, il n’a pas cherché à s’attaquer à cet homme qu’il ne connaissait que de nom et de par sa réputation. L’histoire est venue à lui et la demande lui a été faite d’écrire à son sujet, ce qu’il n’a pu refuser parce que cette histoire devenait désormais personnelle et qu’il ne souhaitait, en aucun cas, que quiconque puisse écrire à ce sujet – bien que, dès la parution de cet article, il se doute que d’autres journalistes se saisiront de l’affaire et en feront leur gros titre, et tant mieux après tout, il voulait que cette histoire fasse écho et fasse surtout payer cet homme ignoble – le mot est faible « A la pire ordure, tu veux dire » qu’il rectifie alors qu’il se décide enfin à tendre le bout de papier à son ami pour que celui-ci puisse découvrir de quoi il en retourne et pourquoi, August, a décidé de s’attaquer à un nom aussi important que Saul Williams.
C’est avec appréhension que le Constantine laisse Blake lire ses lignes. Ce n’est pas tant la qualité de l’article qu’il a écrit qui le préoccupe et qui pourrait être remis en question par son ami qui l’inquiète, mais davantage le fait que ce secret, livré par son petit frère la veille, devienne public et connu de tous. Pour le moment, il ne l’est qu’aux yeux du Aldridge, mais c’est déjà beaucoup pour August, surtout quand, dans la famille, même Flora et Malone ne sont encore au courant – et ne l’apprendront que lorsque cet article paraîtra. « Merde, August. » Il a la même réaction que lui lorsque son cadet lui a révélé l’histoire, bien que sa stupeur ait été bien plus forte encore, parce qu’elle touchait justement Rose. « C'est des accusations très sérieuses. On parle de chantage sexuel et d'abus de pouvoir, le mec risque carrément plus que sa carrière sur ce coup. » « C’est exactement ce que je veux » qu’il répond immédiatement, d’un ton sévère « Ce type doit tomber pour ce qu’il a fait et ce qu’il fait peut-être subir à d’autres personnes ». La bascule entre la vengeance personnelle et le souhait de mettre en lumière avec objectivité la personnalité du Williams est fragile, c’est toute la difficulté de l’exercice d’ailleurs pour August qui se doit de rendre justice à cette histoire, tout en faisant preuve d’objectivité. C’est d’ailleurs ce qui lui a pris du temps cette nuit, alors qu’il a écrit cet article un nombre incalculable de fois parce qu’il était bien trop vindicatif et pas assez impartial envers l’homme d’affaires. Bien qu’il cherche à l’accuser par cet article, il se doit de montrer une certaine neutralité, déjà bien rendue difficile par le fait que lui et la victime porte le même nom. « Tu le sais depuis longtemps ? » « Quelques jours » Le temps pour lui d’avaler la chose, de prendre du recul et d’y réfléchir pour porter sur le papier les mots justes pour retranscrire au mieux cette histoire. « T'aurais du m'en parler, August. Je sais que je fais passer le boulot avant beaucoup de choses, mais t'es avant tout mon pote et ça touche pas n'importe qui pour toi. » Il soupire, comprenant la demande de Blake qui n’est nullement intéressé ici. Il joue uniquement son rôle d’ami, ce dont August lui est infiniment reconnaissant et c’est pour cette raison qu’il laisse apparaitre un timide sourire au coin de ses lèvres, avant de se laisser tomber sur une chaise face au bureau du Aldridge « J’avais besoin d’avaler la chose avant. Si cela n’avait pas concerné Ambrose, je serai venu plus facilement, tu t’en doutes ». Mais là, il était question de son petit frère et même si ce dernier était d’accord pour que cette histoire soit révélée au grand jour, lui, en tant qu’ainé qui voulait jouer son rôle de frère protecteur, a eu besoin de temps avant de le faire « Personne n’est au courant dans la famille. Si ce n’est James. Et Rose ne veut pas que ça se sache avant la parution de l’article ». Preuve qu’il n’est pas question d’un manque de confiance envers Blake mais d’un souhait aussi d’Ambrose de ne pas alarmer tout le monde – bien qu’August estime que Flora et Malone méritent de connaitre la vérité autrement que par cet article « Je te fais confiance, Blake. Tu as l’habitude de ce genre de sujet et c’est pour cette raison qu’Ambrose et moi t’en donnons l’exclusivité et voulons qu’il apparaisse dans le Daily Insider ». Il marque une pause, se rongeant un ongle alors que son regard est ailleurs. « Ca n’a pas été facile pour moi de l’écrire et de faire preuve d’objectivité. Ça fait des jours que je suis dessus et j’ai passé ma nuit entière à le réécrire. Qu’est-ce que tu en penses ? Honnêtement » Il sait que Blake ne manquera pas de lui dire ce qu’il en pense, ils n’ont jamais usé de pincettes entre eux et ce n’est pas aujourd’hui que cela doit changer. « Tu es d’accord ? Pour le faire paraitre ? ». Parce qu’elle est là toute la question aussi, Blake doit être en accord avec leur choix, même si August n’en doute pas réellement. Indirectement, c’est aussi un appel à l’aide camouflé qu’il lui lance, pour lui faire comprendre du soutien dont il a besoin face à un sujet qu’il sait d’avance brûlant et qui peut avoir de bonnes comme de très mauvaises retombées – mettant potentiellement en péril sa propre carrière et sa réputation, ainsi que celles de son frère.
Ce qui amenait précisément August était encore un semi-mystère à ce stade de leur échange. Tout ce qui touchait de près ou de loin au boulot ne faisait pas un motif de visite particulièrement surprenant quand on les connaissait, surtout après que Blake ait subtilement proposé qu'il vienne passer un peu de temps au Daily Insider pour y rencontrer du monde et, qui sait, peut être s'y plaire à moyen terme. Mais aujourd'hui, ça n'est pas de ça dont il était question. « Ça n’a rien à voir avec ce que tu as pu dire la dernière fois, Blake. C’est parce que ce genre d’articles n’a pas sa place dans un simple journal local. » Il croyait comprendre qu'il était venu le trouver avec quelque chose de sérieux, quelque chose susceptible de titiller son intérêt, et ça voyait forcément germer tout un tas de questions dans l'esprit du journaliste. August aurait pu se tourner vers le journal pour lequel il travaillait, pourtant c'est bel et bien ici qu'il était venu le trouver, son papier entre les mains. « Là, je dois dire que tu m'intrigues. » Et il l'était même de plus en plus au fil des minutes, alors qu'il comprenait maintenant que le sujet de son article n'était pas n'importe qui mais bien une figure du monde des affaires, ici, à Brisbane. Pas nécessairement le genre de type dont on entendait que du bien, mais il en allait de même pour tous les autres – peu réussissaient après tout dans ce milieu sans jouer des coudes et écraser la concurrence. « A la pire ordure, tu veux dire. » Son avis semblait biaisé et il ne comprenait pas encore pourquoi ni à quel point, n'ayant à ce moment-là aucune idée de ce que lui révélerait son article et d'à quel point August était personnellement concerné. Pour une fois, il n'était pas question des détournements de fonds d'un PNG un peu trop gourmand et malhonnête, c'est à un tout autre niveau de perversion que l'article de son ami s'intéressait en vérité. « Je vais pas te raconter de connerie, le type a pas toujours eu une réputation irréprochable. Mais j'ai jamais rien trouvé de concret à écrire sur lui. » Aussi parce qu'il avait ses propres cibles depuis déjà plusieurs mois et qu'il prenait le temps de peaufiner ses enquêtes avant de s'attaquer à d'autres proies. Sur le papier, Saül Williams aurait probablement pu faire un sujet intéressant, l'occasion ne s'était simplement jamais présentée de creuser davantage. « J'ai l'impression que tu sais où tu vas alors je vais juste lire tout ça et je poserai mes questions ensuite. » Une lecture assurément riche en surprises.
Car c'est en prenant finalement connaissance de la teneur de son article que Blake comprit pourquoi l'affaire ne pouvait pas attendre et pourquoi August avait affiché cette mine grave dès l'instant où le nom de Saül Williams était sorti de sa bouche. Il comprenait pourquoi son ami avait pris l'homme d'affaires pour cible à travers ces quelques lignes, tout comme il comprenait de quoi ce dernier s'était rendu coupable. Des sévices particulièrement condamnables sur fond de jeux de pouvoir, un cocktail détonant qui ferait assurément du bruit si cet article paraissait et mettait à mal la réputation de cet homme. Parce qu'il le lui avait dit, à travers ce papier c'est à quelqu'un de puissant que son ami s'attaquait et même s'il admettait lui-même qu'il ne méritait que ça, ça n'était pas insignifiant pour autant. « C’est exactement ce que je veux. » Le voir payer le prix fort, sans doute, comme n'importe qui l'aurait probablement souhaité à sa place. Sa démarche était on ne peut plus compréhensible, peu importe que certains le diraient peut être partial. « Je me doute, oui. C'est ce que je voudrais aussi si j'étais à ta place, je t'assure. » A dire vrai il l'admirait presque de conserver un certain calme malgré la colère sourde qui devait bouillir en lui depuis qu'il avait connaissance de ce que ce Saül avait fait subir à son petit-frère. Probablement qu'à sa place, Blake n'aurait pas résisté à l'envie de forcer une rencontre avec l'homme d'affaires, bien qu'il soit d'un naturel un peu trop sournois pour attaquer de front. « Mais c'est loin d'être des accusations anodines, c'est tout ce que je dis. » Mais ça August le savait, c'était simplement sa manière de remettre les choses en perspectives. Saül Williams était en tort mais il n'était pas n'importe qui, c'était une chose qu'ils devaient tous les deux garder en tête dès maintenant. Attaquer un homme tel que lui par le biais de la presse n'était jamais anodin, et l'histoire avait souvent prouvé que ça n'était pas sans risque non plus. August devait simplement se préparer à ce que la suite soit particulièrement éprouvante pour tout le monde : écrire cet article, c'était malheureusement la partie la plus facile. « Ce type doit tomber pour ce qu’il a fait et ce qu’il fait peut-être subir à d’autres personnes. » Un point de vue qu'il partageait entièrement, pourtant sans connaître particulièrement bien le cadet Constantine. Dans la fratrie, c'est de Flora que le blond avait toujours été particulièrement proche, mais ça n'était pas un aveu à faire à son ami et encore moins dans ces circonstances. « Sur ce point on est d'accord. Tu sais que rien ne me ferait plus plaisir que de voir un type comme lui tomber de son piédestal. Trop s'en sortent impunément dans ce genre de situations. » Trop n'étaient même jamais inquiétés, même lorsque leur nom était épinglé dans la presse ou parfois même traîné en justice. Les hommes comme Saül Williams avaient bien souvent la loi et une partie de l'opinion publique de leur coté, et ça aussi c'était une chose qu'ils devaient garder bien à l'esprit. « Quelques jours. J’avais besoin d’avaler la chose avant. Si cela n’avait pas concerné Ambrose, je serai venu plus facilement, tu t’en doutes. » - « Je te le reproche pas. » Qu'il ait eu besoin de quelques jours pour digérer lui semblait compréhensible, après tout c'est de son frère dont il était question. Et si August était déjà protecteur avec ses amis, il l'était bien plus encore avec sa fratrie, Blake le savait. « Et je me doute que ça avait rien d'évident d'écrire cet article en étant touché d'aussi près. Je le sais, je suis passé par là. » Il ne cherchait pas à comparer parce que ça restait deux situations différentes et que beaucoup continuaient de penser qu'il avait fait le mauvais choix en épinglant son beau-père pour ses malversations. Malgré tout, ça l'avait touché de près et venir à bout de cet article lui avait beaucoup coûté. Sans compter les conséquences qui avaient suivi. « Personne n’est au courant dans la famille. Si ce n’est James. Et Rose ne veut pas que ça se sache avant la parution de l’article. » Il imaginait en effet que compte tenu de ce dont il était question, ils avaient tenu à ce qu'un minimum de personnes soient au courant. « J'ai pas l'intention d'en parler à qui que ce soit. » Il lui assura, son regard quittant la feuille pour finalement se reposer dans le sien. « Même si je le faisais pas par loyauté envers toi, j'aurais aucun intérêt à faire fuiter l'affaire avant sa parution et à donner du grain à moudre à d'autres médias. » Une manière comme une autre de lui assurer que oui, il tiendrait sa langue jusqu'à la parution de l'article.
« Je te fais confiance, Blake. Tu as l’habitude de ce genre de sujet et c’est pour cette raison qu’Ambrose et moi t’en donnons l’exclusivité et voulons qu’il apparaisse dans le Daily Insider. » Il se rendait compte de ce que ça représentait pour August tout autant que pour son frère, n'ayant pas de mal à se mettre à sa place quand il semblait animé par un besoin irrépressible de faire toute la lumière sur une affaire qui touchait sa famille. Les types comme eux n'étaient jamais parfaitement objectifs quand un sujet les concernait à ce point, mais il ne pouvait pas lui reprocher de ne pas vouloir attendre pour épingler cet homme en tous points méprisable. Il ne pouvait pas lui reprocher de nourrir un besoin de vengeance et d'avoir probablement trouvé dans l'écriture de ce papier quelque chose de cathartique et d'un tant soit peu libérateur. « Et tu sais que je te suis reconnaissant pour cette confiance. Je suis content que vous vous tourniez vers nous parce que je pense vraiment que cet article aurait toute sa place sur le site. » Pour une fois ça n'était pas seulement son ambition ou son désir profond de dépasser la concurrence qui l'aveuglait, il ne parlait pas uniquement comme un journaliste qui aspirait à couvrir des sujets toujours plus impactants pour se faire une place parmi les plus respectés de la profession. Cet article s'alignait aussi avec leur ligne directrice et avec ses propres principes personnels, ceux qui l'incitaient souvent lui-même à prendre en chasse les puissants de ce monde dans l'espoir de les voir chuter de toute leur hauteur. Ce qu'avait fait Saül Williams était abjecte et condamnable, il méritait sans doute plus que n'importe qui de voir son nom traîné dans la boue. « Ça n’a pas été facile pour moi de l’écrire et de faire preuve d’objectivité. Ça fait des jours que je suis dessus et j’ai passé ma nuit entière à le réécrire. Qu’est-ce que tu en penses ? Honnêtement. » Il s'en rendait compte, Blake, que ça lui avait pris des jours de tout synthétiser et de faire le tri entre ce qui l'animait d'un point de vue personnel et son devoir d'objectivité. Il percevait le travail et les efforts que ça lui avait demandé rien qu'en écumant cet article, reconnaissant sa patte si singulière et constatant une fois de plus qu'il était capable de beaucoup de choses lorsqu'il se frottait à de vrais sujets et montrait tout son potentiel. « J'en pense que c'est un bon article, objectivement. Même si y'a toujours moyen de le retravailler un peu, je pense pas qu'il en ait vraiment besoin. C'est du bon boulot, August. » Il ne lui disait pas ça parce que ça le touchait de près, August le connaissait assez pour savoir que ça ne l'aurait pas empêché de le corriger ni même de le lui faire réécrire s'il avait jugé que c'était nécessaire. Ce n'était pas le cas, sans que ça veuille nécessairement dire qu'il aurait traité le sujet de la même façon. Mais considérant de qui il était question, il aimait mieux le laisser publier son article tel qu'il l'avait écrit, mesurant combien ça comptait pour lui.
« Tu es d’accord ? Pour le faire paraître ? » Finalement, son regard s'arrêta à hauteur du sien quelques secondes de plus, comme s'il hésitait sur la manière de poursuivre. Il lui serait facile de sauter sur l'occasion et de lui répondre que oui, ça l'intéressait de leur offrir une tribune où exposer cette sordide affaire. Mais ça, c'était sans compter son souci du détail et son envie de voir cette histoire trouver une issue satisfaisante pour August aussi bien que pour son frère. « Avant de répondre, j'ai aussi une chose à te demander. » Parce qu'il lui avait fait suffisamment confiance pour venir le trouver et pour mettre cet article entre ses mains, qu'il était venu solliciter son avis sur quelque chose qui le touchait d'un point de vue très personnel. En retour, le moins que Blake puisse probablement faire, c'était lui retourner cette confiance et lui parler en toute transparence, sans rien omettre de ce qu'il en pensait réellement, même si certaines choses ne seraient sans doute pas évidentes à entendre. Il le savait mais ne pouvait pas faire l'impasse sur celles-ci pour autant, dans l'intérêt de son ami et de son frère. « Tout à l'heure tu parlais de possibles autres victimes, tu sais s'il en existe ? S'il s'en est pris à d'autres ? » Si tel était le cas, il en aurait probablement fait mention dans son article, à moins de n'avoir que des suspicions et aucun moyen de les étayer. Ils savaient tous les deux comment ces choses-là fonctionnaient et il ne serait pas celui qui lui apprendrait à faire son boulot, pas alors qu'August était un journaliste tout aussi pointilleux et consciencieux que lui, à mille lieux du novice qui bondissait sur la première affaire croustillante sans revérifier ses sources ou s'assurer d'avoir assez d'éléments pour sortir l'affaire. « Ton article est très bien, je vois rien à redire sur la forme. Mais le fond... » Ses yeux se reportèrent sur l'article et il replongea un court instant en pleine réflexion, convaincu que même s'il pourrait parfaitement le publier en l'état et s'attendre à certaines retombées, le tout pourrait parfaitement être démenti dans la demi-heure et finir rapidement enterré. Ce n'était pas ce qu'il voulait et il savait habituellement comment contre-attaquer dans ce genre de cas de figure, particulièrement retord lui aussi, mais il savait que le risque existait et qu'il était loin d'être moindre. Il en était conscient chaque fois qu'il publiait un article et c'est bien pour ça qu'il lui parlait par expérience, tout en étant bien conscient qu'August non plus était loin d’ignorer tout ça. Simplement cette histoire le touchait pour une fois de très près, il aimait donc mieux l'avertir comme il se doit et s'assurer qu'il avait pesé le pour et le contre avant de venir le trouver – ou qu'à défaut, il était sur le point de le faire. « Je te reproche pas d'être parti pris dans cette affaire, on sait tous les deux que c'est inévitable et que t'aurais pas pu m'empêcher d'écrire ce papier moi aussi si les rôles avaient été inversés. » L'exemple était peut être mal choisi quand on considérait sa relation quasi inexistante avec son propre demi-frère, pourtant Blake était incapable de prédire la façon dont il réagirait précisément si quelqu'un devait s'en prendre à lui de cette manière. Parce qu'en dépit de tout ce qu'il pouvait prétendre, on ne touchait pas à l'un des siens sans en subir les conséquences et le cas d'Allen ne serait pas différent, peu importe qu'ils aient toujours été incapables de dépasser les non-dits et de se laisser une vraie chance de nouer une relation. « Mais le risque c'est qu'en lisant ton article, certains y voient un incident isolé. Et même si ce qu'il a fait est dégueulasse et qu'il mérite de payer pour ça, tu dois te préparer à ce que certains jugent ça insuffisant. Tu sais comme moi que dans ce genre d'affaires, les victimes sont rarement prises au sérieux et que c'est pire encore quand il n'y en a qu'une seule. » C'est pour ça que la parole était encore aussi difficile à libérer et que beaucoup préféraient s'éviter ce genre d'exposition de peur qu'on ne les croit pas ou qu'on leur rejette la faute. Ils faisaient tous les deux ce boulot depuis assez longtemps pour savoir que ce genre de choses arrivaient bien plus souvent que personne n'était prêt à l'admettre. « Ses avocats pourraient rétorquer qu'Ambrose était partant du début à la fin et qu'il se retourne aujourd'hui contre lui par opportunisme, parce que Saul l'a pas aidé à hauteur de ce qu'il espérait ou parce que leur petit arrangement est tombé à l'eau. Ils pourraient réduire les violences à des parties de jambes un peu trop enthousiastes, dire que c'était un délire qu'ils partageaient tous les deux. » Ce serait abjecte et ils connaissaient tous les deux la vérité, mais ces gens-là s'en moqueraient. Ils pourraient chercher à plonger dans la moindre faille susceptible de décrédibiliser son récit et dépeindre Ambrose comme un gamin un peu trop ambitieux et prêt à tout pour arriver plus rapidement au sommet. Ils pourraient même encore faire bien pire, quitte à remuer la souffrance et les traumatismes du jeune homme et les instrumentaliser à leurs fins. Ça ne les arrêterait pas. « Ça fait partie des possibilités et je veux juste que tu t'y prépares. » Il confia dans un souffle, le regard subitement un peu moins grave lorsqu'il reprit finalement. « C'est un bon article, je te l'ai dit. Mais une fois que ce sera publié, y'aura plus de retour en arrière possible. Pour aucun d'entre vous. » Ni pour Ambrose, ni pour aucun de leurs proches si cette histoire finissait par les éclabousser. Une fois l'article paru, il figurerait sur internet pour l'éternité et plus personne ne pourrait en effacer la trace, même si August était finalement pris de remords. Il fallait qu'il soit absolument sûr de lui avant de lancer la machine, la suite ne dépendant pas seulement d'eux mais bien de la manière dont cette histoire serait reçue. « Je suis prêt à le publier, si tu me dis que toi t'es prêt à prendre ce risque. » C'est tout ce dont il avait besoin pour donner le feu vert et faire ce qu'il fallait pour que son article se retrouve publié à la première heure demain matin. Qu'il savait ce que ça pourrait potentiellement engendrer et qu'il était sûr de vouloir aller au bout.
Mai 2023.« Là, je dois dire que tu m'intrigues. » Il faut dire que le Constantine laisse bien planer le doute aussi. Il reste évasif pour l’instant à propos des raisons qui le mènent ici, les raisons qui l’ont poussé à écrire ce bout de papier surtout et préfère laisser Blake découvrir par lui-même le pourquoi du comment son article n’a sa place que dans un journal comme le sien. Il énonce toutefois le nom du gros poisson, le qualifiant de la pire ordure qu’il puisse y avoir, ce qui peut évidemment surprendre davantage encore le Aldridge qui ne connait pas le fin mot de l’histoire. « Je vais pas te raconter de connerie, le type a pas toujours eu une réputation irréprochable. Mais j'ai jamais rien trouvé de concret à écrire sur lui. » Il l’ignore mais il a entre les mains ce concret qu’il n’a jamais trouvé. August l’a écrit pour lui, l’aide à attraper un autre gros poisson, bien que cela n’est évidemment pas le but premier d’un tel article. Peut-être que Blake a lui-même un peu de piment à ajouter à cette histoire, qui pourrait corroborer l’histoire d’Ambrose. Après tout, Blake ne lui parle pas toujours de ses trouvailles et le Constantine sait aussi qu’il ne manque jamais d’histoires sous le coude. Ce serait parfait si c’était le cas mais August espère, pour l’heure, que son ami jugera cet article bon et recevable et surtout que celui-ci aura son poids dans la balance pour faire tomber Saul Williams. « J'ai l'impression que tu sais où tu vas alors je vais juste lire tout ça et je poserai mes questions ensuite. ». Il acquiesce simplement August, laissant son ami découvrir l’article qu’il a écrit. Une certaine appréhension peut se lire sur son visage, une de ses jambes s’agitant et ses mains se triturant entre elles. Mais Blake est quelqu’un de confiance. Il ne l’aurait fait lire à personne d’autre que lui.
« Je me doute, oui. C'est ce que je voudrais aussi si j'étais à ta place, je t'assure. » Blake a eu le loisir de découvrir l’article par lui-même et il ne peut que comprendre désormais les motivations du Constantine. Son cadet a été victime d’abus de pouvoir par une personne influente, qui se pense sûrement au-dessus de tout et de tout le monde, et surtout, intouchable. Et si August aimerait avoir les capacités à aller rendre une petite visite à Saul Williams et lui coller quelques poings en pleine figure – il n’en a pas le cran bien que ça le démange – il préfère attaquer donc d’une autre manière à travers ce papier qu’il a écrit. Des mots qui mettent en lumière toutes les horreurs qu’il a pu faire subir à son cadet et des accusations lourdes qui, il l’espère, fera tomber de son piédestal cet homme sans scrupule. « Mais c'est loin d'être des accusations anodines, c'est tout ce que je dis. » Il le sait, August. C’est un risque qu’il prend, aux côtés d’Ambrose – il était hors de question qu’il le laisse seul ou avec quelqu’un d’autre pour affronter le Williams, de toute façon – mais il sait que ces accusations sont véridiques, ne sont pas que du vent mais pourront pourtant être considérées comme tel – on accusera sûrement son cadet de vouloir en tirer profit, alors qu’il a tout en perdre en mettant à jour cette histoire. Qu’importe, leur but commun est de clairement faire tomber Saul Williams et l’arrêter surtout quand il a dû ou doit encore sûrement faire subir ça à d’autres personnes. « Sur ce point on est d'accord. Tu sais que rien ne me ferait plus plaisir que de voir un type comme lui tomber de son piédestal. Trop s'en sortent impunément dans ce genre de situations. » Il sait qu’il trouve en Blake un allié de taille et ce n’est pas pour rien qu’il a fait le choix de lui partager cette histoire aujourd’hui et lui confier surtout la publication de cet article. Il sait la bataille que mène au quotidien le Aldridge, ne faisant pas dans les articles sans saveur mais plutôt dans ceux qui font bondir et révèlent l’envers du décor d’un univers doré, loin d’être irréprochable et si parfait qu’il y parait. « Je te le reproche pas. » Blake aurait sûrement connaitre cette histoire avant, plus dans la volonté d’être un soutien pour August que pour l’exclusivité de cette histoire, mais avaler la pilule tout comme écrire cet article lui ont demandé un certain temps « Et je me doute que ça avait rien d'évident d'écrire cet article en étant touché d'aussi près. Je le sais, je suis passé par là. » Et August saisit tout de suite l’allusion, se contentant d’acquiescer bien que son cœur s’alourdisse au même moment. Il ne peut s’empêcher de repenser à cet article écrit sur Mickey à l’époque, celui qui aujourd’hui lui a couté son amitié avec celui qu’il a toujours considéré comme un frère et qui ne lui pardonnera jamais ce qu’il a fait. Ce risque, August l’a donc déjà pris une fois mais les choses sont différentes cette fois car ce n’est pas son propre frère qu’il accuse mais une autre personne. Cet article, il l’écrit pour venir en aide à Ambrose, mais en rien cela rend l’exercice plus facile. « Ca a sûrement été un des articles les plus durs que j’ai eu à écrire » qu’il confesse non sans difficulté, ne croisant pas le regard de son ami, préférant le porter sur ses mains toujours jointes. « J'ai pas l'intention d'en parler à qui que ce soit. » Il n’en doute pas vraiment, August, mais cette histoire doit rester secrète jusqu’à l’apparition de l’article. C’est le souhait d’Ambrose, il ne peut que le respecter « Même si je le faisais pas par loyauté envers toi, j'aurais aucun intérêt à faire fuiter l'affaire avant sa parution et à donner du grain à moudre à d'autres médias. » Il apprécie sa franchise, celle relative à son propre intérêt personnel, avouant qu’il a tout à y gagner à ne pas faire ébruiter les accusations « Merci, Blake » qu’il fait sobrement, un mince sourire s’affichant furtivement sur ses lèvres, secoué encore par cette nouvelle apprise au sujet de son frère quelques jours auparavant.
« Et tu sais que je te suis reconnaissant pour cette confiance. Je suis content que vous vous tourniez vers nous parce que je pense vraiment que cet article aurait toute sa place sur le site. » Cela lui est paru comme une évidence et le fait d’être ami avec le rédacteur en chef aide aussi à accorder sa confiance au Daily Insider. Il sait que Blake sera là autant pendant la publication que pour le après, quand cet article sera à la vue de tous et que les retombées, bonnes ou mauvaises, commenceront à pleuvoir. C’est ce qui le rassure aussi de son côté et il sait que, si cela est nécessaire, ils pourront ensemble pousser l’enquête si ce premier papier n’est pas suffisant pour faire tomber Saul Williams. « Il n’a sa place nulle part ailleurs » qu’il dit d’un ton à la fois bienveillant et reconnaissant, confirmant à nouveau cette confiance qu’il lui accorde en lui demandant de publier l’article. D’ailleurs, c’est aussi son opinion le plus objectif qu’il soit qu’il souhaite recevoir à propos de ces mots qu’il a écrit. « J'en pense que c'est un bon article, objectivement. Même si y'a toujours moyen de le retravailler un peu, je pense pas qu'il en ait vraiment besoin. C'est du bon boulot, August. » Il a besoin de cette approbation le Constantine, d’abord du fait de l’importance de cet article et ensuite, parce que cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas écrit quelque chose en lequel il croyait, mettant toute son énergie et sa force dans les mots qu’il couchait sur le papier. Il faut dire que les derniers articles qu’il a pu écrire ne le portaient pas, ne lui faisaient rien ressentir de tel, cette rage et cette volonté de faire justice s’étant emparé de lui en rédigeant celui-ci.
C’est donc logiquement qu’August vient à interroger son ami sur son accord quant à faire paraitre cet article. Parce que sa volonté de le faire publier par le Daily Insider ne fait pas tout, il faut aussi que le rédacteur en chef qu’est le Aldridge soit d’accord. « Avant de répondre, j'ai aussi une chose à te demander. ». Il n’en attendait pas moins le Constantine de la part de Blake. Il est consciencieux, il y a des enjeux majeurs et importants dans la parution de cet article et il est tout à fait naturel qu’August se prête au jeu des questions en retour. « Je t’écoutes » qu’il fait en se redressant sur son siège, se pivotant de sorte à faire face à son ami « Tout à l'heure tu parlais de possibles autres victimes, tu sais s'il en existe ? S'il s'en est pris à d'autres ? » « Il y en a forcément, Blake. On n’a pas de noms, Ambrose n’en sait rien mais penses-tu réellement qu’il est la seule victime de cette enflure ? » Il laisse volontairement un petit temps de silence s’installer, comme pour laisser le temps de réflexion à Blake, pour poursuivre ensuite « C’est aussi tout l’objectif de cet article : pousser d’éventuels victimes à se manifester. Et c’est aussi pour ça que je veux faire équipe avec toi sur cette histoire : parce qu’on va pouvoir creuser plus loin, si c’est nécessaire ». Si jamais il y a besoin de plus, ce qui est fort probable et ça, August, n’en doute pas. « Ton article est très bien, je vois rien à redire sur la forme. Mais le fond... » Il pourrait s’offusquer pour cette remise en question, se braquer mais il n’en est rien. Blake sait de quoi il parle, il en a l’habitude, il est aussi son ami et en rien ce qu’il pourra dire ne sera mal reçu. « Je te reproche pas d'être parti pris dans cette affaire, on sait tous les deux que c'est inévitable et que t'aurais pas pu m'empêcher d'écrire ce papier moi aussi si les rôles avaient été inversés. » « Il pouvait pas en être autrement. Tu connais mes rapports avec Ambrose. On n’est pas forcément les plus proches et voir qu’il me fait confiance à ce sujet, que je suis le premier de la famille à qui il en a parlé. Je ferai tout pour lui, qu’importe que notre nom commun nous porte préjudice. » Parce qu’il est son frère mais surtout parce qu’il l’aime, malgré les différends qui peuvent être les leur et que, comme pour Flora, il donnerait sa vie pour lui. Il est le cadet, August a toujours eu la volonté de le protéger et même si le mal était fait, il voulait au moins pouvoir lui venir en aide pour faire payer l’ingrat. C’est le souhait qu’il a formulé à voix haute et son ainé fera tout pour que celui-ci soit exaucé. « Mais le risque c'est qu'en lisant ton article, certains y voient un incident isolé. Et même si ce qu'il a fait est dégueulasse et qu'il mérite de payer pour ça, tu dois te préparer à ce que certains jugent ça insuffisant. Tu sais comme moi que dans ce genre d'affaires, les victimes sont rarement prises au sérieux et que c'est pire encore quand il n'y en a qu'une seule. » Il le sait tout ça, August. Il a eu ces quelques jours et ces insomnies surtout pour avoir le temps d’y réfléchir. Les interrogations ont été nombreuses à ce sujet, l’ont tourmenté aussi et il sait qu’elles sont aussi celle d’Ambrose. Il a la tête sur les épaules, il est mature pour son âge, il sait. Alors, le journaliste acquiesce « Je sais. J’ai conscience que cet article ne sera peut-être que le premier, tout comme il peut être le dernier parce que l’herbe va nous être coupé sous le pied. Mais on en restera pas là ». Des solutions, August en trouvera mais quoi qu’il en soit, il est prêt à tout pour défendre les intérêts de son frère, qu’importe si cela lui porte lui-même préjudice. « Ses avocats pourraient rétorquer qu'Ambrose était partant du début à la fin et qu'il se retourne aujourd'hui contre lui par opportunisme, parce que Saul l'a pas aidé à hauteur de ce qu'il espérait ou parce que leur petit arrangement est tombé à l'eau. Ils pourraient réduire les violences à des parties de jambes un peu trop enthousiastes, dire que c'était un délire qu'ils partageaient tous les deux. » Incontestablement, les poings d’August se referme au point qu’il ressente ses ongles dans sa chair. Une colère s’empare de lui et pourtant, il tente de la contenir. Elle n’est nullement dirigée contre Blake mais plus par ses commentaires qui naitront, nécessairement et il le sait « Je sais, Blake ». Son ton se veut calme, pourtant, sa rage ne peut pas échapper à son ami, tant son visage se crispe au même moment qu’il prononce ces mots. « Ça fait partie des possibilités et je veux juste que tu t'y prépares. » « J’ai conscience de tout ça, je les ai envisagé moi aussi ». Il n’est pas venu comme un amateur et il sait encore toute la bienveillance qu’est celle de Blake de lui rappeler toutes les éventualités. « C'est un bon article, je te l'ai dit. Mais une fois que ce sera publié, y'aura plus de retour en arrière possible. Pour aucun d'entre vous. » « Et on en a conscience. Autant Ambrose que moi. Il sait qu’il joue certainement son avenir en politique, je sais aussi que je mets en jeu ma crédibilité en tant que journaliste. Mais ce n’est pas comme si elle était à son apogée, uhm ? Et même si c’était le cas, je te l’ai dit, ces risques, je les prends, et lui aussi » Il ne peut qu’entendre de la détermination autant dans ses mots que dans le ton de voix qu’il emprunte. Il est ferme dans sa prise de parole, son regard ancré dans celui du Aldridge. « Je suis prêt à le publier, si tu me dis que toi t'es prêt à prendre ce risque. » « On le publie, Blake ! Ambrose m’a dit qu’il voulait voir cet enfoiré payer et je ferai tout pour que ce soit le cas ! ». S’il avait encore des doutes à ce sujet, il ne serait pas venu le voir. S’il est ici, aujourd’hui, dans son bureau, à lui faire part de cette histoire qui touche son cadet, c’est parce qu’il sait parfaitement ce qu’il fait et ce qu’il veut « Il n’y a plus de temps à perdre » son index vient s’écraser contre le bureau devant lui pour montrer un certain empressement car il estime qu’il est plus que temps d’agir. « Tu penses que demain c’est faisable ? » où est-ce bien trop tôt, Blake pouvant tout à fait vouloir prendre quelques jours pour y réfléchir. « Je peux être là, d’ailleurs. J’ai donné ma démission ce matin au West End Today » qu’il annonce avec une certaine prudence, alors que son regard vient à croiser à nouveau celui de son ami, un sourire se dessinant sur ses lèvres. « Il était temps, c’est ce que tu te dis, n’est-ce pas ? ». Et indirectement, c’est sa façon de dire à Blake qu’il est prêt à venir travailler pour lui.
« Il n’a sa place nulle part ailleurs » C'était aussi son point de vue, et ça n'avait pas seulement à voir avec son ego de journaliste. Parce qu'il n'était pas question de n'importe qui, dans cette histoire, et que s'il ne connaissait qu'à peine Ambrose il en était bien autrement pour August, à qui il ne s'imaginait pas ne pas rendre ce service. « Je vais pas te mentir, ça m'aurait fait chier que tu te tournes vers un autre média. » Il confia alors, peut être dans une tentative de détendre l'atmosphère, simplement parce qu'il lui était au fond de lui reconnaissant d'avoir choisi le Daily Insider pour faire paraître cette histoire. Il mesurait ce que ça représentait, il savait tout ce que ça impliquait pour lui comme pour son frère. Et c'était loin de ne pas compter. C'est pour ça qu'il se devait dès maintenant d'étudier toutes les possibilités s'ils décidaient bel et bien de publier cet article comme tel, alors qu'il existait toujours un risque avéré que ces accusations, aussi déroutantes soient-elles, soient jugées insuffisantes par certains. « Il y en a forcément, Blake. On n’a pas de noms, Ambrose n’en sait rien mais penses-tu réellement qu’il est la seule victime de cette enflure ? » Secouant la tête, il souffla. « Si je me base sur les statistiques dans ce genre d'affaires, je sais qu'il y en a très probablement d'autres. Les hommes comme Saül Williams usent rarement de leur pouvoir sur une seule personne ; il y a de grandes chances que les autres n'aient simplement jamais rien dit. » C'était souvent le cas et la parole ne se libérait généralement que lorsqu'une première victime faisait connaître son histoire. « C’est aussi tout l’objectif de cet article : pousser d’éventuels victimes à se manifester. Et c’est aussi pour ça que je veux faire équipe avec toi sur cette histoire : parce qu’on va pouvoir creuser plus loin, si c’est nécessaire » - « On va creuser, c'est même certain. » Il n'était pas question de publier l'article puis de s'en laver les mains, et il savait qu'August le premier voudrait pousser ses investigations le plus loin possible et débusquer d'autres éléments si tôt l'affaire rendue publique. « J'ai pas l'intention de te dire de modifier ton article, ni de te conseiller d'attendre d'avoir d'autres témoignages pour étayer ce que tu as déjà. Mais t'as qu'un mot à dire et dès demain, on se met aux trousses de Williams et on lâche plus le morceau jusqu'à ce qu'on ait réuni assez de preuves pour l'incriminer pour de bon. » Cet article ne serait que la première étape et dans l'hypothèse où ces accusations seraient balayées du revers de la main par Saül et son équipe, ils reviendraient à la charge avec d'autres éléments. « Il pouvait pas en être autrement. Tu connais mes rapports avec Ambrose. On n’est pas forcément les plus proches et voir qu’il me fait confiance à ce sujet, que je suis le premier de la famille à qui il en a parlé. Je ferai tout pour lui, qu’importe que notre nom commun nous porte préjudice. » Et ce fut sans doute un brin d'émotion qui brilla un court instant dans le regard du blond, tandis qu'il réalisait qu'une telle loyauté fraternelle lui était plutôt étrangère, en comparaison. « Je comprends. Et pour ce que ça vaut, j'aurais pas pu confier un truc comme ça à mon demi-frère, même s'il avait eu le pouvoir de publier mon histoire. Alors qu'il t'ait fait assez confiance pour t'en parler, je crois que c'est plutôt parlant. » Alors sans doute qu'ils étaient plus proches qu'ils n'en avaient même conscience.
Le mettre en garde sur les possibles conséquences d'un tel article, ça ne lui faisait pas plaisir, mais il s'y sentait obligé. Parce que les enjeux étaient grands et qu'ils ne s'attaquaient pas à n'importe qui, mais bien à un homme qui avait le pouvoir de contre-attaquer et de leur faire payer ces allégations. Blake ne craignait pas pour le magazine, parce que ce ne serait pas la première fois qu'ils prendraient des risques en s'attaquant à un gros morceau. Pour une fois, c'est vraiment pour August qu'il s'inquiétait. « Je sais. J’ai conscience que cet article ne sera peut-être que le premier, tout comme il peut être le dernier parce que l’herbe va nous être coupé sous le pied. Mais on en restera pas là. » Bien sûr qu'August avait conscience de ce qu'attaquer un homme dans la position du Williams pourrait engendrer à plus d'une échelle, mais Blake aurait eu l'impression de manquer à son devoir s'il ne s'en était pas assuré. « Une fois l'article publié, beaucoup vont s'intéresser à l'affaire et personne pourra plus rechercher le nom de Saül Williams sur un moteur de recherche sans tomber sur un article relatant ses agissements. Ce sera à double tranchant, parce que tout le monde prendra pas le risque de se liguer contre lui, mais au moins l'affaire pourra pas être étouffée. » Une fois qu'ils auraient ébruité l'affaire, l'opinion publique ne pourrait pas simplement regarder ailleurs et prétendre que cet article n'existait pas. C'aurait été le cas quelques années plus tôt lorsque le magazine débutait et que beaucoup de leurs sujets passaient globalement inaperçus, mais les choses avaient changé et c'était l'occasion d'en profiter. Peut être qu'une armée d'avocats s'empresserait de nier toutes ces accusations en bloc et qu'ils auraient à livrer une bataille sans merci pour faire entendre la vérité, mais au moins ce serait le début de quelque chose. « Je sais, Blake. J’ai conscience de tout ça, je les ai envisagé moi aussi » - « Je sais que tu l'as fait et que je t'apprends rien. » August était un professionnel, il était loin d'être crédule et c'est bien pour ça que Blake en avait souvent fait son concurrent privilégié du temps de la fac, où l'esprit particulièrement vif et réfléchi du brun le challengeait au plus profond de lui-même. « Et on en a conscience. Autant Ambrose que moi. Il sait qu’il joue certainement son avenir en politique, je sais aussi que je mets en jeu ma crédibilité en tant que journaliste. Mais ce n’est pas comme si elle était à son apogée, uhm ? Et même si c’était le cas, je te l’ai dit, ces risques, je les prends, et lui aussi » Il acquiesça à ses paroles, rassuré. « C'est tout ce que j'avais besoin de savoir. Et je sais que tu comprends pourquoi j'ai posé la question. » Ou tout du moins, il espérait qu'August savait que ça n'était pas seulement par professionnalisme. Qu'il savait que dès lors qu'il était question de quelqu'un dont le sort lui importait, il y avait des précautions qu'il tenait particulièrement à prendre. « Toi et moi, on sait bien qu'on prend des risques à chaque article qu'on choisit de publier, peu importe à quel point on a poussé nos recherches ou revérifié nos sources. Et ça nous a jamais arrêté. » Bien au contraire.
« On le publie, Blake ! Ambrose m’a dit qu’il voulait voir cet enfoiré payer et je ferai tout pour que ce soit le cas ! » Il lui suffisait d'entendre la détermination dans sa voix pour savoir qu'August était prêt à aller jusqu'au bout. « Et je ferai tout pour t'y aider. » En lui offrant la tribune dont il avait besoin pour faire connaître cette affaire et en affrontant à ses cotés les répercussions inévitables d'un tel article. Il ne se contenterait pas de lui faire une place dans la parution de demain matin, Blake, il ferait aussi en sorte s'assurer ses arrières autant que possible après ça. « Il n’y a plus de temps à perdre. Tu penses que demain c’est faisable ? » - « Demain à la première heure, l'article peut figurer sur le site. Je peux m'occuper des détails ce soir et ce sera prêt. » Il n'y aurait qu'un peu de mise en page à faire, la routine pour celui qui officiait comme rédacteur en chef depuis le lancement du magazine et qui n'avait jamais peur de veiller jusque très tard pour tout peaufiner. « Je dois juste briefer tout le monde avant. Je fais jamais rien dans leur dos et il vaut mieux qu'ils l'apprennent de ma bouche. Aucun d'eux ne fera fuiter l'info avant la parution de l'article. » Il savait qu'August comprendrait qu'il ne pouvait pas simplement publier l'article et compter sur le reste de l'équipe pour le découvrir en même temps que leurs lecteurs ; ici les choses se passaient autrement et il avait le plus grand respect pour ses collègues. « Je peux être là, d’ailleurs. J’ai donné ma démission ce matin au West End Today » Les yeux clairs du journaliste s'arrondirent comme deux billes sous le coup de la surprise, tandis qu'il plissa les yeux, incertain d'avoir bien entendu. « Attends, t'es entrain de me dire que t'as claqué la porte ? Toi, August Constantine, tu t'es enfin tiré ? » Dire qu'il n'avait pas espéré qu'il finirait un jour par poser sa démission serait un sacré mensonge après qu'il lui ait clairement conseillé d'aller voir si l'herbe était plus verte ailleurs, là où son talent pourrait être apprécié à sa juste valeur. Était-ce ses arguments qui avaient fait mouche auprès de son ami, ou August mûrissait-il cette décision depuis un certain temps ? « Il était temps, c’est ce que tu te dis, n’est-ce pas ? » - « Disons que c'est franchement pas trop tôt, oui. » Ses lèvres s'étirèrent avec une certaine malice, preuve qu'il ne serait pas celui qui lui demanderait s'il était sûr de son choix. Il y a longtemps à ses yeux qu'August aurait du quitter ce journal vieillissant, tout juste bon à relater l'actualité du bout de la rue et définitivement indigne de lui de l'audace dont il savait faire preuve. « Tu sais qu'ici, on cherche constamment à agrandir l'équipe. On pouvait pas forcément se le permettre à une époque, mais ça marche plutôt bien pour nous alors on pourrait verser un salaire de plus sans mettre la clé sous la porte. » Le magazine grandissait à mesure qu'ils gagnaient en légitimité et que le trafic du site augmentait et même s'ils étaient encore loin de pouvoir déménager dans des bureaux avec vue sur les gratte-ciels, ils travaillaient dans de bien meilleures conditions qu'à leurs débuts. « C'était pas très subtil, hein ? » Il finit par reprendre, l’œil amusé. August le connaissait, il n'avait jamais été du genre à tourner autour du pot. « Mais c'est ma façon de te dire que ce que je t'ai proposé l'autre fois tient toujours, si t'as envie de continuer à faire ce que t'aimes et que tu veux gagner en indépendance. » Ici, il le pourrait. Parce que chacun pouvait gérer ses enquêtes comme bon lui semble, qu'ils se faisaient mutuellement conscience pour faire des choix avisés sans jamais écorner la réputation du magazine. « T'es pas forcé d'y penser tout de suite, si tu veux étudier d'autres options. Mais demain matin ton nom apparaîtra sur le site et on se portera tous garants pour toi, alors ce serait pas le pire moment pour rejoindre l'équipe. C'est tout ce que j'en dis. » Et même si ça n'était pas l'envie qui lui manquait, il ne lui forcerait pas la main alors que l'atmosphère était encore lourde et August légitimement perturbé par ce qui touchait à son frère. Ils en rediscuteraient, quand l'occasion serait mieux choisie et qu'il n'aurait pas l'impression de profiter de son état pour l'embaucher.
Mai 2023.« Je vais pas te mentir, ça m'aurait fait chier que tu te tournes vers un autre média. » Qu’August décide d’offrir cet article aujourd’hui à Blake pour le Daily Insider est une évidence et il avait parfaitement conscience, en faisant ça, que jamais Blake lui aurait claqué la porte au nez à ce sujet. En laissant leurs subjectivités de côté et cette amitié qui est la leur, une telle histoire ne peut être ignorée par tous journalistes lambdas qui cherchent à se démarquer et à amener la meilleure histoire aux yeux des lecteurs. Celle-ci en est une, que le Constantine le veuille ou non, et il ne peut reprocher donc à son ami d’avoir de telles paroles et aurait trouvé légitime même que ce dernier puisse lui reprocher de ne pas avoir choisi son journal pour la publication de cet article, si tel avait été le cas. Et au-delà de ça, il est bien sûr question de rendre justice et surtout mettre en lumière l’ordure que peut être Saul Williams, encore un de ces hommes influents se pensant au-dessus des lois qui n’est sûrement pas à son premier coup d’essai en termes de manipulation et d’abus de pouvoir. « Si je me base sur les statistiques dans ce genre d'affaires, je sais qu'il y en a très probablement d'autres. Les hommes comme Saül Williams usent rarement de leur pouvoir sur une seule personne ; il y a de grandes chances que les autres n'aient simplement jamais rien dit. » Et c’est le but de ce premier article, inciter ceux qui auraient subi la même chose que son cadet de se manifester et ainsi avoir plus de poids, parce qu’ils sont aussi consciences, tous les deux, que cet article ne fera certainement pas l’unanimité. « On va creuser, c'est même certain. » C’est un allié de taille qu’August trouve là et il n’en doutait pas mais que Blake le lui confirme le fait acquiescer de manière certaine, acceptant bien sûr cette aide qu’il lui propose pour mener l’enquête ensemble. Dans un premier temps, trouver d’autres victimes potentielles mais dans un second temps, et le plus important, les faire accepter de témoigner. « J'ai pas l'intention de te dire de modifier ton article, ni de te conseiller d'attendre d'avoir d'autres témoignages pour étayer ce que tu as déjà. Mais t'as qu'un mot à dire et dès demain, on se met aux trousses de Williams et on lâche plus le morceau jusqu'à ce qu'on ait réuni assez de preuves pour l'incriminer pour de bon. » Une équipe à ce sujet, ils la seront, c’est certain et August est infiniment reconnaissant envers Aldridge d’accepter de se liguer à cette bataille avec lui. C’est pour cette raison que ses lèvres se plissent en elle et qu’une main se tend naturellement vers lui au même moment qu’il prononce ce simple mot « Merci, Blake ». Ca compte pour lui, bien plus qu’une toute autre histoire parce que, celle-ci, touche aussi son cadet et que son rôle est et a toujours été de le protéger. Alors qu’importe les retombées, qu’importe les critiques, il est prêt à prendre les risques qu’il faut pour qu’Ambrose obtienne justice. « Je comprends. Et pour ce que ça vaut, j'aurais pas pu confier un truc comme ça à mon demi-frère, même s'il avait eu le pouvoir de publier mon histoire. Alors qu'il t'ait fait assez confiance pour t'en parler, je crois que c'est plutôt parlant. » Il sait la relation complexe qui est la sienne avec son frère Allen et, finalement, ce n’est pas sans lui rappeler celle que lui entretient aussi avec son ainé. Mais qu’Ambrose lui fasse une confiance aveugle et soit venu trouver son aide pour publier cet article, cela signifie bien que celle-ci existe entre eux, bien que leurs rapports n’aient jamais été des plus simples, sans pour autant être conflictuels au possible.
« Une fois l'article publié, beaucoup vont s'intéresser à l'affaire et personne pourra plus rechercher le nom de Saül Williams sur un moteur de recherche sans tomber sur un article relatant ses agissements. Ce sera à double tranchant, parce que tout le monde prendra pas le risque de se liguer contre lui, mais au moins l'affaire pourra pas être étouffée. » Des ennemis, dans cette bataille, August et Ambrose s’en feront, à n’en pas douter. Ce sont des risques qu’ils ont tous deux pris la peine de mesurer – et son cadet sûrement bien plus que son ainé quand ce dernier n’a finalement plus grand-chose à perdre et est prêt, de toute évidence, à tout pour le dernier des Constantine. Et même si les retombées sont négatives pour eux, cet article aura le mérite d’exister, de suivre l’homme d’affaires et de ternir son image, même si cela n’est qu’à petite échelle. « Je sais que tu l'as fait et que je t'apprends rien. » Non mais il comprend aussi la démarche de son ami qui joue justement ce rôle là pour lui, à cet instant, et cherche juste à s’assurer qu’il a pensé à tout. « C'est tout ce que j'avais besoin de savoir. Et je sais que tu comprends pourquoi j'ai posé la question. » Il acquiesce avec un sourire, appréciant le temps que prend Blake pour cela, sans se précipiter à publier cet article sans se soucier du reste. « Toi et moi, on sait bien qu'on prend des risques à chaque article qu'on choisit de publier, peu importe à quel point on a poussé nos recherches ou revérifié nos sources. Et ça nous a jamais arrêté. » Blake est le plus à même d’en parler, plus qu’August qui n’a que très rarement pris de risques, finalement – et s’il y a eu un en particulier, c’est celui d’avoir écrit sur son meilleur ami, Mickey. Une histoire qu’il ne souhaite pas remettre sur la table toutefois, pas aujourd’hui en tout cas mais c’est aussi ce qui explique, en partie, la réaction assez contenue du Constantine, qui se contente à nouveau d’un simple hochement de tête.
« Et je ferai tout pour t'y aider. » Son soutien est indéfectible, plus précieux que jamais pour August et c’est dès aujourd’hui qu’il le veut, ou plutôt, le lendemain car, à ses yeux, il n’y a plus de temps à perdre, cet article doit paraitre, tous les derniers détails réglés « Demain à la première heure, l'article peut figurer sur le site. Je peux m'occuper des détails ce soir et ce sera prêt. » « Parfait » Il ne veut pas paraitre grossier en lui imposant de passer sa soirée et une partie de la nuit là-dessus mais c’est ce qu’il souhaite, si cela est nécessaire pour que tout soit prêt pour le lendemain à la première heure. « Et je peux t’y aider » En réalité, il souhaite faire partie du processus de publication, du début à la fin et même plus, mais c’est un autre point sur lequel il reviendra dans un instant, laissant Blake ajouter « Je dois juste briefer tout le monde avant. Je fais jamais rien dans leur dos et il vaut mieux qu'ils l'apprennent de ma bouche. Aucun d'eux ne fera fuiter l'info avant la parution de l'article. » Son air a changé alors que le Aldridge avoue devoir mettre au courant son équipe, l’inquiétude s’étant logée sur ses traits, parce qu’il craint évidemment que l’histoire fuite avant sa parution ou que l’un d’eux puisse s’emparer de l’affaire avant lui. Il connait l’équipe du Daily Insider, August traine suffisamment souvent ici pour savoir qu’il y a un réel climat de confiance au sein de celle-ci et que, s’ils cherchent à écraser des personnes qui le méritent, ils ne le feront jamais entre eux. Un bref moment de silence s’installe toutefois avant que le Constantine finisse par réagir « Je te fais confiance » Parce qu’il fait lui-même confiance à son équipe et qu’il est certain que Blake se portera garant si quelque chose viendrait à mal tourner d’ici là. Il ne l’espère sincèrement pas et d’ailleurs, il souhaite aussi être présent s’il parle à son équipe puisqu’il poursuit « Ca te dérange que je sois là ? Quand tu le feras ? » Sa demande n’est pas anodine puisqu’il a aussi décidé de tourner définitivement une page, celle qui le liait à ce journal pour lequel il a trop longuement perdu de temps. « Attends, t'es en train de me dire que t'as claqué la porte ? Toi, August Constantine, tu t'es enfin tiré ? » Il ne peut reprocher à Blake de s’en étonner et d’adopter un air moqueur quand il ne pensait plus cela possible, alors qu’il l’a poussé lui-même, à maintes reprises, de quitter la navire. Il sait très bien August qu’il était temps « Disons que c'est franchement pas trop tôt, oui. » et la précision ne manque pas de le faire rire à son tour, ne pouvant le contredire quand il se rend compte que travailler pour le West End Today ne lui procurait plus aucun plaisir et ce, depuis longtemps déjà. « Tu sais qu'ici, on cherche constamment à agrandir l'équipe. On pouvait pas forcément se le permettre à une époque, mais ça marche plutôt bien pour nous alors on pourrait verser un salaire de plus sans mettre la clé sous la porte. » Il aime ce qu’il entend, August, parce que, même s’il n’en doutait pas, Blake lui ayant proposé à maintes reprises de le rejoindre au Daily Insider, il est aussi venu dans ce but précis. « Je sais » qu’il dit accompagné d’un sourire amusé « C'était pas très subtil, hein ? » « Non, mais ça change pas de d’habitude » parce qu’il est pas à son premier essai donc et qu’August a toujours bien saisi le message quand Blake a voulu lui en faire passer un, même subtilement. « Mais c'est ma façon de te dire que ce que je t'ai proposé l'autre fois tient toujours, si t'as envie de continuer à faire ce que t'aimes et que tu veux gagner en indépendance. » August relève le regard sur lui, silencieux, le sourire en coin. « T'es pas forcé d'y penser tout de suite, si tu veux étudier d'autres options. Mais demain matin ton nom apparaîtra sur le site et on se portera tous garants pour toi, alors ce serait pas le pire moment pour rejoindre l'équipe. C'est tout ce que j'en dis. » Et il ne faut guère plus de temps à August pour tendre à nouveau sa main envers son ami pour sceller un autre pacte ce soir « J’ai pas besoin de temps pour y réfléchir, ma décision est déjà prise, Blake » Et en attendant qu’il se saisisse de sa main, il ajoute sur le ton de l’humour « C’est quoi que tu disais déjà, tout à l’heure ? Ah oui, c’est franchement pas trop tôt, tu ne penses pas ? » Il en plaisante mais il est ravi de voir, à cet instant, que sa carrière prendre un nouveau souffle et même si son cœur est lourd du fait de l’histoire qui paraitra le lendemain, il ressent une certaine légèreté en devenant officiellement journaliste pour le Daily Insider.