mention du film Babylon, risque de spoilers

(FORTITUDE VALLEY, TWELVE). Toujours au sommet de la ponctualité, Kieran s’est évidemment pointé quelques minutes avant le début de la séance de 19h, persuadé que sa sortie récente, les critiques mitigées et la longueur de Babylon dissuaderaient les foules de s’infliger la séance finale de ce week-end particulier. Il l’a déjà vu, évidemment qu’il l’a déjà vu alors qu’il ne pouvait décemment pas passer à côté d’un film ayant autant clivé les critiques pour s’en faire son propre avis ; qui n’a pas été modéré tant il a adoré ce film. Certes, il peut lui-même pointer du doigt certains défauts qui l’ont dérangé, à commencer par l’incessante vulgarité tout au long du film. Il n’est pas certain que ponctuer chaque dialogue d’insultes soit nécessaire, pas plus que de montrer des corps à outrance – et il ne parle pas de la scène de début avec l’éléphant, ou celle de Nellie chez les snobinards. Certaines séquences lui ont donné l’impression de n’exister que pour ajouter un potentiel choquant qui n’a pas vraiment lieu d’être – si Tobey Maguire a excellé durant sa courte apparition, celle-ci n’a pas apporté grand-chose à l’histoire selon Kieran, à part instaurer une ambiance profondément dérangeante. Pas qu’il en soit troublé, si Kieran aime autant le cinéma, c’est sans doute parce que cela lui permet de s’évader dans des mondes qu’il ne connaîtrait jamais dans d’autres circonstances, et cela implique ceux qui suscitent la gêne. Mais à ses yeux la scène n’existait pour les mauvaises raisons et n’apportait pas grand-chose au récit – c’était déjà suffisamment évident que Nellie causait du tort à Manny sans y ajouter cet élément-là. Quoi qu’il en soit, c’est justement parce qu’il aime autant le cinéma qu’il a adoré ce film. C’est une lettre d’amour au 7^ème Art, et au-delà des excès, il y a surtout une passion commune qui unit les différents protagonistes et qui est mise en avant au point où Kieran n’a pas pu s’empêcher de verser une larme – bon, d’accord, peut-être plus d’une – lors de la dernière scène et du montage final de Manny dans cette salle de cinéma, qui lui a provoqué de nombreuses émotions, lui rappelant pourquoi il est un tel habitué du Twelve et qu’il s’y rend chaque mardi avec la précision d’un coucou suisse. Bien sûr, le film a d’autres qualités, à commencer par les acteurs – il est tombé amoureux de Margot Robbie et de sa robe rouge comme tout un chacun – la bande-son qui l’a littéralement transporté et qui accompagne avec merveille le rythme soutenu du film. Difficile de s’ennuyer durant les trois heures de l’œuvre qui peuvent paraître longues, mais dont on ne ressort pas indemne tant la réalisation est un bijou absolu (mais il n’en attendait pas moins venant de Damien Chazelle).

Pourtant, cet avis n’est pas partagé par la jeune femme assise à côté de lui, qui, très tôt durant la séance, a commencé à somnoler, au point de finir par rencontrer son épaule à mi-parcours. Un coup de coude pour la repousser une première fois, puis une seconde, Kieran a fini par abdiquer à la troisième tentative de la réveiller, la laissant se reposer contre lui, même si... il n’avait pas prévu le filet de bave venu mouiller légèrement son t-shirt, ni sa gêne qui se caractérise par un teint qui change aussitôt de couleur. Ça ne l’a pas dérangé outre mesure, d’abord parce que même si ça avait été le cas il n’aurait pas osé employer des moyens plus indélicats pour la tirer de son sommeil et ensuite parce qu’il s’est très vite replongé dans ce film avec le même plaisir qu’au premier visionnage. Mais avec le même sentiment de frustration une fois celui-ci terminé, non pas parce que les parcours des uns et des autres protagonistes sont encore ouverts, mais parce qu’il s’agit du genre d’œuvre qu’il est nécessaire de débriefer à la fin de la séance. Il ne peut de toute évidence pas compter sur sa voisine alors qu’il est désormais l’heure de la dégourdir, tandis que la salle s’est presque vidée dans son entièreté et qu’il lui a laissé le maximum de répit qu’il pouvait lui offrir. « Euh, mademoiselle ? » Il débute dans un premier temps, sans que cela ait un grand succès, raison pour laquelle il retente, d’une voix un peu plus affirmée. « Mademoiselle ? » Il secoue un peu son épaule par la même occasion et lorsqu’elle semble revenir à elle, il ajoute : « Euh, désolé de vous... déranger, mais la séance est finie, il faut y aller, là. » S’il y en avait eu une seconde, il ne l’aurait pas interpellée, parce qu’il n’ose pas déranger, quand bien même c’est lui qui peut l’être, et que son bras est quelque peu engourdi en plus d’avoir une belle marque sur le tissu de son t-shirt.

@Olive Sterling

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Olive avait attendu cet événement pendant un moment. Impatiente enfin de pouvoir assister à la projection du film Babylon. C'est une découverte totale pour l'Australienne qui n'a que très peu de temps finalement pour se rendre au cinéma. Pas que son emploi du temps est chargé, non, parce que ce n'est pas vraiment le cas. Mais plutôt parce qu'elle a l'impression, parfois, de perdre son temps à rester assise devant un écran géant alors qu'elle pourrait profiter d'un extérieur. Cette fois, elle a tenue bon et elle s'est promis de ne pas louper cette projection. D'abord parce qu'elle était impatiente de pouvoir voir ce film aux nombreuses critiques, mais aussi parce qu'elle était une grande admiratrice des réalisations de Damien Chazelle. La La Land restant une de ses œuvres préférée qu'elle pourrait se repasser en boucle, encore et encore sans jamais sans lasser. Alors, elle s'est dit pourquoi pas, et qu'au vu des différentes raisons autant de casting, que de bandes sons, il était évidement qu'elle ne pouvait pas louper ce qui promettait d'être une pépite à ses yeux. Olive était arrivée de justesse pour le début du film, sa journée ayant été plus longue que prévue même si elle avait tout fait pour ne pas qu'elle s’éternise. Elle avait expliqué à Esmée, que même avec tout l'amour du monde qu'elle lui portait, elle ne pourrait trainer comme à son habitude auprès de la vieille dame. Pour une fois, Olive sortait et c'était assez rare pour le souligner. Certes, ce n'était pas LA sortie de l'année, mais c'était suffisant pour lui faire plaisir et c'était tout ce qui comptait. Elle s'était glissée dans une rangée, tentant de faire le moins de bruit possible et même si c'était encore les annonces des prochains films qui passaient sur l'écran. Malgré tout, la salle était pleine et il ne restait que très peu de choix à l'Australienne qui s'était assise à côté d'un jeune homme. Le film avait débuté, pas depuis si longtemps que cela et Olive avait sombré. Elle avait lutté pendant de nombreuses minutes pour ne pas que ses paupières se ferment en vain. La semaine avait été rude, et son corps lui faisait clairement comprendre. De plus, l'inclinaison des sièges, et la pièce plongée dans le noir n'aidait pas du tout l'Australienne à rester éveillée. Elle s'en voudrait sûrement plus tard d'avoir raté un chef d’œuvre pour quelques heures de sommeil. Surtout que ce n'était pas vraiment l'endroit pour faire une sieste. Même les secousses de son voisin ne suffirent pas à faire réveiller le monstre baveux. Olive était partie pour de bon dans un profond sommeil.

Bien évidemment, elle ne se rendit même pas compte que le film venait de se finir et que peu à peu, la salle se désengorgeait. Sa tête reposant confortablement contre l'épaule de son voisin de cinéma. Heureusement, Olive n'était pas de ces personnes qui ronflaient, autrement cela aurait pu être bien pire. « Euh, mademoiselle ? » Un léger mouvement, rien de très entrainant pourtant. « Mademoiselle ? » Le monde se met en éveil devant les yeux encore emplit de sommeil de la jeune Sterling. Doucement, elle reprend conscience de tout ce qu'elle vient de louper et la honte l’assaille. « Euh, désolé de vous... déranger, mai la séance est finie, il faut y aller, là. » Les yeux d'Olive s'écarquillent de surprise. « La séance est terminée? » Elle doit rêver, enfin, plus littéralement mais ce n'est pas possible. Sa bouche est pâteuse, et sa nuque lui fait un mal de chien. « Oh pardon. » Doucement elle réalise, mais surtout en apercevant l'horrible tâche humide sur le t-shirt du brun. « J'ai honte d'avoir pris autant de votre espace vitale, mais surtout de m'être endormie. » Visiblement, Olive avait eu de la chance de tomber sur quelqu'un de gentil. Rare aurait été les personnes qui auraient accepté sa bave tout le long d'un film. « Sincèrement désolée. » Elle passe une main sur son visage endormi. « Vous avez hésité à me secouer? » Elle se rend compte qu'elle n'a même rien vu du film, ce qui doit faire un moment que ses paupières ont cédés pour des rêves.

On ne peut pas reprocher à Kieran de ne pas avoir essayé de réveiller la jeune femme, mais de ne pas avoir essayé assez d’y parvenir. Une, puis deux secousses – et peut-être une troisième tout au plus – plus tard, Kieran s’est contenté d’abdiquer et d’accepter son sort, n’étant que moyennement dérangé par la situation. Sous couvert de sa gentillesse maladive, il se dédouane quant à son manque de détermination, se refusant d’admettre un certain pathétisme lié à sa solitude toujours plus marquée qui l’a amené à accepter ce geste quelque peu encombrant. C’est bête et, il s’en rend compte, particulièrement bizarre d’y avoir trouvé une certaine satisfaction, dont il ne compte pas se vanter au moment de réitérer ses essais passés pour la réveiller, s’évitant ainsi de passer pour ce qu’il n’est pas vraiment. Il n’est pas un forceur, pas non plus à un profiteur, mais il ne niera pas que les presque trois heures n’ont pas été aussi longue qu’on aurait pu le croire – malgré quelques fourmillements qui se rappellent désormais à lui. Mais cette fois-ci, plus d’excuses pour laisser la situation telle qu’elle est, alors que la salle se vide peu à peu et que Kieran n’a aucune envie d’y rester pour la nuit. Cette fois-ci, il peut se permettre de joindre les paroles au geste alors que les gens n’en sont plus dérangés, et qu’il doit là-aussi réitérer ses essais à plusieurs reprises avant d’enfin réussir à capter son attention. « La séance est terminée? » - « Depuis quelques minutes, oui. » Il précise tandis qu’il détaille un peu plus le visage de l’inconnue, constatant ses traits fatigués qui sont une première explication à son endormissement rapide qu’inadéquat. « Oh pardon. » Tandis qu’elle reprend conscience, Kieran secoue doucement son épaule désormais délestée de la tête de la jeune femme, faisant bouger ses doigts pour raviver la circulation dans l’ensemble de son bras. « C’est pas grave, ça arrive, j’imagine. » Il imagine ; car à vrai dire cela lui paraît tout bonnement impensable de s’endormir devant un film – même le plus mauvais de tous. Mais Kieran sait aussi qu’il a un rapport passionnel avec le 7ème Art et qu’en ce sens, son avis est forcément biaisé. « J'ai honte d'avoir pris autant de votre espace vitale, mais surtout de m'être endormie. » En se redressant quelque peu sur son siège, il tourne la tête un bref instant vers la tâche sur son t-shirt qui séchera sous peu et qui a le don de le faire sourire autant que de le gêner. La situation est cocasse, il faut bien le reconnaître. « C’est pas grave, je vous dis. » Il se répète pour lui en assurer, tandis qu’à part lui, personne n’a semblé dérangé. Oh, il a bien aperçu un ou deux regards amusés, ou même outrés – comme le sien, il doit l’avouer – mais personne qui était particulièrement dérangé par la situation. « Sincèrement désolée. » Il secoue la tête, confirmant une nouvelle fois que ce n’est pas un problème, tandis qu’elle ajoute : « Vous avez hésité à me secouer? » Et qu’un léger rire s’échappe cette fois-ci d’entre ses lèvres. « J’ai essayé, mais vous étiez bien partie, je dois dire. » Il s’en amuse, précisant aussitôt : « Et franchement, entre vous secouer toutes les cinq minutes et profiter du film, le choix était vite fait. » Parce qu’il a pu se plonger dans la séance avec un intérêt qui n’aurait pas été le sien s’il s’était interrompu toutes les cinq minutes pour ôter la tête de la jeune femme de son épaule. « Et peut-être que j’ai eu un peu honte de vous réveiller, vu comme vous sembliez en avoir besoin. » Il reconnaît, pinçant doucement les lèvres, craignant que cela puisse être assimilé à une forme de critique. « À moins que ce soit le film qui ait eu cet effet sur vous ? » Il la questionne et oui, peut-être que cette fois-ci il juge légèrement. Mais là-aussi, son opinion est quelque peu biaisée par la claque cinématographique que Babylon représente à ses yeux.

@Olive Sterling

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La salle était vide et la honte bien présent sur le visage de l'australienne face à ce qu'elle venait de faire vivre à cet inconnu. Olive tout d'un coup, elle aurait aimé avoir le retourneur de temps d'Hermione pour éviter ce malaise. Au pire, elle se serait planqué derrière un pendrillon, mais bien sur il n'y en avait aucun dans le coin et elle devait donc affronter avec honte son interlocuteur sur lequel elle avait longuement bavé. Elle n'a aucune idée de comment agir autrement qu'en s'excusant une bonne dizaine de fois. C'est l'étonnement et les questions bêtes qui s’enchainent pourtant. L'homme est gentil et prend le temps de lui répondre alors qu'il aurait pu aussi lui tenir tête. Ce qu'elle aurait parfaitement compris Olive. « Depuis quelques minutes, oui. » Elle observe tout ce qui se passe autour d'elle, remarquant qu'en effet, il ne reste plus qu'eux dans cette salle de cinéma. Quelle idiote. Enfin, elle repose ses yeux sur son accompagnateur non-prévu au programme qui semble heureux de se dégourdir enfin le bras. « C’est pas grave, ça arrive, j’imagine. » Olive bégaie, ne sait pas trop comment se sortir de cette situation sans en rajouter des couches et des couches. Ce n'est pas son genre de piquer du nez pendant un film, mais il fallait croire que la fatigue de ces dernières semaines avaient été plus importantes que le reste. « Je n'ai même pas sentie la fatigue prendre le dessus. » Elle s'en voulait de ne pas avoir écouter son corps plus tôt quand il lui avait crié que c'était une mauvaise idée de se retrouver dans des sièges hyper confortable et dans le noir. Manque de chance le pire était arrivé. « C’est pas grave, je vous dis. » Il était sûrement temps qu'elle arrête de s'excuser, le mal était fait oui, mais c'était aussi plus fort qu'elle. Olive elle s'excuserait de respirer si c'était possible. Un dernier pour la route tout de même alors que ses yeux s'écartent reprenant enfin toute la puissance du moment. Le sommeil a définitivement quitté son corps lui permettant de reprendre conscience de tout. Mais elle s'interroge Olive, de savoir pourquoi il n'a pas osé lui tirer les cheveux pour la faire bouger. Elle n'aurait rien dit si ça avait été le cas bien évidemment. Même si la situation avait été inversé, elle n'en aurait rien dit non-plus. « J’ai essayé, mais vous étiez bien partie, je dois dire. » La brune grimace à cette réponse. « Et franchement, entre vous secouer toutes les cinq minutes et profiter du film, le choix était vite fait. » C'était simple oui. « Et maintenant vous vous retrouvez avec un bras ankylosé, ce n'est pas chouette. » Une nouvelle grimace s'empare du visage de l'australienne. « Et peut-être que j’ai eu un peu honte de vous réveiller, vu comme vous sembliez en avoir besoin. » Il avait raison oui, mais Olive aurait pu aussi profiter de son lit plutôt que de l'épaule du jeune homme. Ce n'était pas convenable du moins. « Il est vrai oui, mais j'imagine que vous n'étiez pas ici pour vous faire baver dessus pendant plus de deux heures. » C'était cocasse de toute évidence, mais le mal était fait surtout. « À moins que ce soit le film qui ait eu cet effet sur vous ? » Il y avait un peu de cela oui, le film avait finalement eu raison d'elle. « Peut-être un peu, et pourtant je l'attendais avec impatience. » Elle n'avait jamais eu l'occasion de le voir, alors l'événement avait été important, et pourtant elle n'avait même pas tenu plus de dix-minutes avant de sombrer. « Il est si bien qu'on le dit alors ? » Elle pouvait au moins lui demander cela, même s'il était clair qu'ils ne pourraient trainer plus longtemps dans la salle avant qu'un agent ne les mettes dehors. « Oh, mais pardon, vous avez sûrement mieux à faire que de discuter avec la casse-pied du siège B. » Et une grimace supplémentaire alors qu'elle se rend compte qu'elle prend plus de temps que nécessaire au brun à ses côtés. Il a sûrement mieux à faire de toute façon.

Le bras désormais libre, Kieran n’essaie même pas de dissimuler son plaisir à l’idée de retrouver des sensations bienvenues, bougeant doucement son épaule ankylosée ainsi que ses doigts en proie à de désagréables fourmillements qu’il espère voir disparaitre au plus vite. Elle ne lui en tiendra pas rigueur, elle n’est de toute évidence pas en position de s’en agacer, pas plus qu’il n’est du genre à appuyer sur la maladresse des autres. C’en est d’ailleurs presque comique, la façon dont elle ne cesse de s’excuser, obligeant Kieran à la rassurer alors qu’il s’exaspère presque de ces répétitions, lui qui pourtant est toujours le premier à se désoler d’exister auprès des autres. Les rôles sont inversés et une chose est sûre, il ne lui en veut pas, quand bien même il est vrai que sa séance aurait pu se dérouler autrement. L’essentiel réside dans le fait qu’il a pu profiter du film et s’y plonger pleinement, même avec la tête de l’inconnue confortablement installée contre son épaule – et encore, il est grand et sec, pas sûr que d’avoir l’os de sa clavicule dans la joue soit réellement agréable. Et s’il lui avait besoin de s’évader à travers un film décrié, la jeune femme semblait avoir besoin de se réfugier dans un sommeil réparateur. « Je n'ai même pas sentie la fatigue prendre le dessus. » - « Pour votre défense, trois heures, ça peut être très long. » Fatigue ou non, quiconque s’enferme dans une salle de cinéma pendant autant de temps prend le risque de céder au confort que représente un tel cocon. Même lui, malgré sa passion, a sûrement piqué du nez une fois ou l’autre. « Et maintenant vous vous retrouvez avec un bras ankylosé, ce n'est pas chouette. » - « Mais c’est loin d’être insurmontable. Voyez, c’est déjà oublié. » Il dit en faisant bouger son bras, nettement plus à l’aise que quelques instants plus tôt. Quant à la tâche qui trône encore sur son t-shirt, elle commence déjà à se tenir, signe qu’elle disparaîtra définitivement d’ici une bonne dizaine de minutes. « Il est vrai oui, mais j'imagine que vous n'étiez pas ici pour vous faire baver dessus pendant plus de deux heures. » - « C’est vrai, mais au moins ça a rendu cette séance de cinéma différente de toutes les autres. » Le genre d’événement surprenant que l’on s’empresse de raconter à ses amis au moment de faire le bilan de sa journée – ça, c’est l’idée, avant que Kieran ne se rappelle que personne ne l’attend et que cela restera donc entre cette femme et lui. « Puis j’imagine que ça veut dire que mon épaule est confortable, je vais le prendre comme un compliment. » Il ajoute, avec un léger rire, avant de rapidement réaliser la portée de ses mots, et de bafouiller aussitôt : « euh, pardon, j’sais pas pourquoi j’ai dit ça. » Il aurait dû s’abstenir, en effet, et il se sent terriblement gêné d’avoir ressenti le besoin d’ajouter cette précision dont elle se serait sans doute bien passée.

Il masque sa gêne en reportant la conversation sur le film, un domaine qu’il maîtrise nettement mieux. « Peut-être un peu, et pourtant je l'attendais avec impatience. » Outch. Ça le heurte un peu, comme toujours quand il est investi dans un long-métrage et qu’il ne rencontre pas le même engouement de la part de son interlocuteur. Mais elle a des circonstances atténuantes, une fois encore, et il sait pertinemment que la beauté du cinéma réside dans le fait que toutes les opinions peuvent co-exister. « Il est si bien qu'on le dit alors ? » Kieran hoche la tête avec vigueur, tandis qu’elle ajoute : « Oh, mais pardon, vous avez sûrement mieux à faire que de discuter avec la casse-pied du siège B. » Se levant lorsqu’il aperçoit un employé s’immiscer dans la salle dans le but de débuter le nettoyage nécessaire du sol, Kieran se tourne vers la jeune femme, précisant : « Pour être honnête, mon programme consiste à trouver une pizzeria encore ouverte puis de rentrer chez moi pour regarder un autre film – rien de très stimulant, donc. » Une fois encore, il parle sans doute plus vite qu’il ne réfléchit, quant il se sent obligé de se corriger aussitôt : « enfin, pas que… pas que ce soit inintéressant de discuter avec vous, justement, j’veux dire que c’est mieux que ce que j’avais prévu, mais euh, enfin, sans doute que vous, vous avez une nuit à terminer. » Dans un lit confortable, au calme, tout le contraire de ce début de repos dont elle a bénéficié jusqu’ici. Face au regard de l’employé au loin, il se met en route vers la sortie, invitant d’un coup d’œil la jeune femme à en faire de même. « Mais, pour vous répondre, oui il est si bien qu’on le dit. » Le trentenaire débute en remontant les escaliers vers la sortie. « Enfin, le cinéma c’est subjectif, mais ce film, c’est une claque, et en partie parce qu’il divise autant les gens, je sais pas, je trouve ça incroyable qu’on puisse susciter autant de réactions, et puis c’est un superbe hommage à l’histoire du cinéma, et franchement, si vous aviez été en mesure de suivre le film, je vous assure que vous ne vous seriez pas ennuyée un seul instant. » C’est rythmé, encore faut-il être dans les bonnes dispositions, ce qu’il lui souhaite pour une prochaine fois. « Mais là, par contre, moi je dois vous ennuyer alors, hm, je vais me taire. Juste, regardez-le à l'occasion, si vous pouvez. » Même s’il perd de son charme sur ordinateur ou téléviseur, toujours est-il qu’il est à voir une fois dans sa vie.

@Olive Sterling

Spoiler:

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Cette séance de cinéma était définitivement catastrophique pour la jeune Australienne qui de toute évidence n'avait rien vu du film. Pire encore quand elle avait pris son compagnon de fauteuil pour son oreiller pendant un long, trop long moment. Elle était gênée et en même temps ravie de ne pas avoir eu la nuque brisée par l'impatience de son voisin, ce qui aurait été bien dommage, même si elle admet ne pas trop comprendre pourquoi il n'a pas voulu la secouer pour qu'elle se réveille. « Pour votre défense, trois heures, ça peut être très long. » Il était vrai que la longueur du film, plus le noir, plus les sièges confortables du cinéma avaient été d'une grande aide pour le sommeil perturbé d'Olive. Le bras lui-même de son voisin avait fait un merveilleux support pour la brune qui ne s'était pas sentie partir. Maintenant, elle s'en voulait terriblement en voyant l'état de son voisin et ne savait que trop faire pour pouvoir se faire pardonner de son indélicatesse. « Mais c’est loin d’être insurmontable. Voyez, c’est déjà oublié. » Olive sent la profonde gentillesse dans cet homme et elle a l'impression d'avoir profité bien trop de cela. « Je ne sais pas comment vous faites pour prendre cela si bien. » D'autres l'aurait repoussé ou mieux, insulter. Le traitement dont il faisait preuve envers elle était incroyablement épatant. Mais voilà qu'ils se retrouvaient tous les deux à discuter comme si ce n'était qu'une drôle de blague. « C’est vrai, mais au moins ça a rendu cette séance de cinéma différente de toutes les autres. » - « Sûrement la plus terrible du coup. » Olive grimace en imaginant à quel point elle avait dû être gênante et à quel point il se retenait de lui dire. « Puis j’imagine que ça veut dire que mon épaule est confortable, je vais le prendre comme un compliment. » Olive rejoint son rire, s’apprêtant de lui répondre avant qu'il n'enchaine. « euh, pardon, j’sais pas pourquoi j’ai dit ça. » - « Oh, ne vous en faites pas, votre épaule est la plus confortable que j'ai eu la chance de rencontrer. Merci de me l'avoir prêtée. » Elle lui sourit tendrement comme pour le rassurer sur la portée de ses mots. Olive aussi est maladroite et ne sait pas toujours comment aborder les autres humains de ce monde.

Olive avait été impatiente de voir ce film, et pourtant, elle en avait loupé l'intégralité, ce qui rendait cette séance encore plus difficile à digérer pour elle. Il était clair qu'elle aurait dû écouter son corps et ne pas sortir ce soir, sûrement reporter mais elle n'aurait pu avoir une autre occasion de le voir sur grand écran. Elle interrogea alors naturellement son voisin, comme si cette conversation était banale et qu'elle n'avait pas été le trouble de cette impossibilité de le voir dans son intégralité. S'excusant en suite sur le fait que ce n'était sûrement pas le bon endroit, ni le bon moment après cette dernière scène. Le jeune homme avait sûrement de bien meilleur chose à faire que de discuter de la séance ratée par Olive. « Pour être honnête, mon programme consiste à trouver une pizzeria encore ouverte puis de rentrer chez moi pour regarder un autre film – rien de très stimulant, donc. » L'Australienne l'écoute attentivement, happée plus que nécessaire par cet homme alors qu'elle devrait sûrement libérer la salle. A son tour, elle se lève alors de son siège avec regrets. « enfin, pas que… pas que ce soit inintéressant de discuter avec vous, justement, j’veux dire que c’est mieux que ce que j’avais prévu, mais euh, enfin, sans doute que vous, vous avez une nuit à terminer. » Olive émit un petit rire. « Je trouve votre programme très intéressant. » Olive passe une main dans sa nuque. « Je ne voulais pas m'immiscer dans votre soirée. Ma question était sûrement déplacée, excusez-moi. » C'est juste qu'il avait ce côté facile à discuter et ça faisait longtemps qu'Olive n'avait pas eu une interaction sociale aussi passionnante. La brune accepte de suivre les pas du jeune homme, ne sachant quand cela se finirait même si elle n'en avait pas envie.  « Mais, pour vous répondre, oui il est si bien qu’on le dit. » Elle est attentive Olive alors qu'ils quittent la salle. « Enfin, le cinéma c’est subjectif, mais ce film, c’est une claque, et en partie parce qu’il divise autant les gens, je sais pas, je trouve ça incroyable qu’on puisse susciter autant de réactions, et puis c’est un superbe hommage à l’histoire du cinéma, et franchement, si vous aviez été en mesure de suivre le film, je vous assure que vous ne vous seriez pas ennuyée un seul instant. » - « Votre point de vu est intéressant, et j'assure que je me replongerait dans ce film sans fermer un œil. » Elle aurait juré "croix de bois, croix de fer" si ça n'avait pas été de trop. En tout cas, ce petit speech lui donnait très envie et la faisait en même temps regretter d'avoir céder au sommeil. « Mais là, par contre, moi je dois vous ennuyer alors, hm, je vais me taire. Juste, regardez-le à l'occasion, si vous pouvez. » Olive laissa un sourire se dessiner sur son visage. « Au non, je vous en prie, continuez. » Elle aimait bien Olive pouvoir récupérer ce qu'elle avait manqué. Elle soupira, une idée fusant dans son esprit. « Est-ce que vous trouveriez cela bizarre si je vous propose de partager une pizza pour continuer cette discussion ? J'vous dois bien cela après tout. » En tout bien tout honneur. Pour se faire pardonner, et pour en savoir plus sur ce film.

Cette jeune femme pourrait s’excuser encore de longues minutes qu’elle n’obtiendrait pas d’autres réactions de Kieran que celle visant à la rassurer – pas même son agacement à se répéter. Il le dira autant qu’il le faudra ; si le fait qu’elle se soit endormie contre son bras est surprenant et que ça a pu le déranger par moment, il ne lui en veut pas le moins du monde. Il est même plutôt rassuré que ça ne lui soit pas arrivé, car c’est exactement le genre de maladresse qui lui ressemble, alors si, pour une fois, il peut éviter d’être celui qui fait tout de travers, ça lui convient ainsi. D’autant qu’elle a un certain nombre d’arguments à sa décharge, comme le fait que le film peut paraître très long – pour ne pas dire interminable – quand on ne passe pas ses journées au cinéma, comme lui peut le faire. « Je ne sais pas comment vous faites pour prendre cela si bien. » Il hausse un sourcil, quelque peu étonné alors que, pour une fois, il est du genre à relativiser – ce qui est suffisamment rare pour être souligné, Kieran étant de nature pessimiste, voire morose, et qu’il n’est d’ordinaire pas ceux qui tiennent de tels discours : « Parce que ça me parait un peu trop futile pour justifier de s’en énerver. » Et quand bien même ; il n’est pas réputé pour perdre son sang-froid. Au contraire, Kieran est de ceux qui acceptent les désobligeances sous couvert d’une réserve qui leur empêche de réagir. « Sûrement la plus terrible du coup. » Penchant un instant la tête, faisant mine de réfléchir, Kieran n’a en réalité aucune difficulté à se remémorer des séances bien plus infernales que celles-ci. « Je viens ici une fois par semaine, et je peux vous dire que j’ai vécu toutes sortes de séances. » Il a pris ses quartiers le mardi, ce qui est un jour relativement calme, permettant ainsi à ses habitudes bien ancrées de ne pas être trop dérangées. Mais ça arrive à quelques occasions. « Et pour être honnête, je préfère nettement l’inconnue qui s’endort contre mon épaule que l’enfant qui hurle durant deux heures ou les ados qui jouent au basket avec des popcorns. » Car ils existent, oui, même si Kieran ne les a, heureusement côtoyés qu’à une ou deux reprises. Recevoir des projections de maïs soufflé implique que sa présence dérange alors qu’ici, celle-ci semble plus agréable, même s’il l’exprime de manière foutrement maladroite. « Oh, ne vous en faites pas, votre épaule est la plus confortable que j'ai eu la chance de rencontrer. Merci de me l'avoir prêtée. » Il est rassuré quand il constate que sa tentative d’humour est validée, poussant même un timide soupir de soulagement, alors qu’il rétorque, un sourire en coin : « avec plaisir. »

Au moins, ils repartiront chacun de leur côté avec l’impression que ce qui aurait pu être une première rencontre gênante n’est finalement qu’une anecdote qu’ils pourront raconter en soirée. C’est aussi la dernière preuve – s’il en fallait encore une – qu’elle peut quitter les lieux apaisée, ultime confirmation qu’il ne lui en tient pas rigueur. Et s’il était persuadé que leurs chemins se séparaient sur ses boutades, il est surpris quand elle l’interroge sur le film. Le souci, c’est qu’il n’est pas du tout objectif et que si elle le lance sur le sujet, elle n’est pas prête de s’en débarrasser. D’autant qu’il n’a rien de mieux à faire, alors que ses plans, la plupart des soirs, consistent à s’enfermer chez lui avec un plat à l’emporter. Rien de bien stimulant, donc, et quelques contacts sociaux ne peuvent pas lui faire de mal. « Je trouve votre programme très intéressant. » Il pince les lèvres, en un sourire poli, peu convaincu que ce soit si intéressant que ça, mais appréciant qu’elle n’insiste pas dessus. « Je ne voulais pas m'immiscer dans votre soirée. Ma question était sûrement déplacée, excusez-moi. » - « Oh, non, je ne l’ai pas mal pris. » Au contraire. Depuis le temps qu’il vient dans ce cinéma, il n’a que rarement l’occasion d’échanger avec quelqu’un à l’issue de la séance. Même si, dans ses rêves les plus fous, ce serait pour débriefer de ce qu’ils viennent de visionner, Kieran étant passionné par le cinéma et appréciant d’avoir l’occasion d’échanger son point de vue avec autrui. Se mettant enfin en marche pour quitter la salle, il entreprend enfin de répondre à sa question. « Votre point de vu est intéressant, et j'assure que je me replongerait dans ce film sans fermer un œil. » - « Je compte sur vous, vous me devez bien ça. » Il s’en amuse, provoquant une légère impulsion dans son épaule pour soulever celle-ci, une référence qu’il peut bien se permettre, désormais. Il aurait pu continuer, car c’est un condensé qui est bien trop court pour réellement traduire de son opinion, mais il doit probablement l’agacer et elle a sans doute envie de retourner chez elle pour continuer cette nuit commencée ici. « Au non, je vous en prie, continuez. » - « Vous êtes certaine ? » Il a besoin de lui demander confirmation, d’autant qu’il a surtout l’habitude qu’on lui implore de se taire, et rarement qu’on lui demande de s’exprimer. « Est-ce que vous trouveriez cela bizarre si je vous propose de partager une pizza pour continuer cette discussion ? J'vous dois bien cela après tout. » Bizarre, oui. Il ne se serait pas attendu à une telle proposition, d’autant d’une inconnue. Mais pour autant, il ne trouve pas l’idée déplaisante et il en est le premier à s’en surprendre, ne s’autorisant que rarement une telle spontanéité. D’ordinaire, parler aux inconnus relève d’une épreuve et il se tient éloigné d’eux, quand bien même sa première impression est positive. « Euh, oui, oui, pourquoi pas ? » Il accepte, bégayant un peu, quelque peu sous le choc quant au fait que quelqu’un puisse vouloir passer, volontairement, du temps avec lui. « Par contre, comptez pas sur moi pour vous spoiler et vous faciliter ainsi la tâche. » Il ajoute, quelque peu amusé. C’est aussi une façon de lui assurer qu’il fera au mieux pour ne pas lui gâcher la surprise. « Par contre, vous faciliteriez la mienne si vous me donniez votre prénom. » Après tout, ils s’apprêtent à partager une pizza, il est légitime qu’il se montre curieux.

@Olive Sterling

the most magical place in the world
@Kieran Halstead  ☆ crédit/ deafen me with music

Finalement, cette séance de cinéma a quelque chose de différente, elle a au moins l’avantage de ne pas être banale du tout. Outre le fait qu’Olive a succombé au sommeil alors que le film lui semblait plus que passionnant, elle a eu la chance de tomber littéralement, sur quelqu’un de chaleureux, ce qui faisait sûrement toute la différence avec le reste et rendait la chose plus appréciable. Enfin, si on ne prenait pas en compte le fait que finalement, c’était elle qui était pénible et non l’inverse. D’ailleurs, ça la surprend plus que de raison de voir à quel point il est compatissant et reste calme alors que bien d’autre aurait sûrement repoussé Olive depuis la première seconde où sa tête s’est posée sur l’épaule de l’inconnu. Même elle aurait sûrement eu un mauvais de recul si la situation avait été inversé, mais étrangement, elle aurait laissé faire également. Alors, elle était reconnaissante que l’inconnu ne soit pas de mauvaise humeur après tout cela et accepte les excuses de la brune. : « Parce que ça me parait un peu trop futile pour justifier de s’en énerver. » Cette révélation fait écho aux propres idées de la jeune femme ce qui la rassure pleinement. « Et bien, je vous remercie sincèrement.. » Parce que finalement, il lui avait apporté une certaine paix dans ce sommeil réparateur qu’elle avait gagné, même si ce n’était clairement pas l’endroit idéal pour cela. Olive ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir, cela faisait entièrement partie d’elle. « Je viens ici une fois par semaine, et je peux vous dire que j’ai vécu toutes sortes de séances. » Ce qui rassure un minimum l’Australienne qui se laisse imaginer dans une pire situation que celle où on lui bave dessus pendant une séance qui lui tient à cœur. Oui, en effet, il y a plus désagréable encore, sûrement. « Et pour être honnête, je préfère nettement l’inconnue qui s’endort contre mon épaule que l’enfant qui hurle durant deux heures ou les ados qui jouent au basket avec des popcorns. » Olive émit un petit rire à ces comparaisons qui effectivement la font relativiser sur sa position. « Oh, vous avez raison, c’est terrible. » A quoi bon venir au cinéma si ce n’était pour être pénible envers les autres ? Elle aurait même pu dire « pour ne pas suivre le film » mais c’est clairement ce qu’elle venait de faire, donc autant se taire sur ce détail. « Je crois même qu’au fond, ce sont ceux qui ne respectent pas les autres qui sont sur le podium des pires choses au cinéma. » Ce qui avait tendance à l’irriter un peu plus qu’autre chose, alors que ce n’est pas facile du tout de la mettre en rogne. « Avec plaisir. » Aucun doute que la tournure de cette conversation est finalement rassurante et pleine d’empathie. Les deux ont trouvés un terrain d’entente suffisant pour ne pas en vouloir à l’autre, et surtout Olive a terminé de s’excuser à tout bout de champs pour le dérangement.

Pour autant, ça ne l’empêche pas d’être un minimum gêné. Olive a cette impression constante de ne pas être suffisamment bien pour construire quelque chose avec les autres. Elle a l’impression que le moindre son qui sort de sa bouche n’est qu’un mauvais moment pour autrui. Mais l’inconnu lui fait se sentir bien, au point qu’elle pose une question dont la réponse ne la regarde sûrement pas. Une question qu’elle aurait sûrement mieux fait de garder pour elle. Pinçant les lèvres, Olive se sent obligée d’insister sur ce point, revenant à ses excuses. « Oh, non, je ne l’ai pas mal pris. » Cette réponse est un début pour soulager sa conscience, mais pas totalement. Elle attend la suite comme si cette conversation était naturelle et récurrente. Mais elle avait apprécié qu’il prenne le temps de lui raconter ce qu’elle avait manqué, comme s’ils étaient assez proches pour le faire. Peut-être que cela lui avait donné des ailes, maladroitement. La petite Olive timide et renfermée, osait se libérer un peu de sa cage. « Je compte sur vous, vous me devez bien ça. » Et elle tiendrait sa promesse, parce que c’est important pour elle de ne pas revenir sur ses mots, cela même si ils sont partagés avec quelqu’un qu’elle ne reverra sûrement jamais. Au moins, elle sera fière de l’avoir fait. Elle est même impatiente d’en savoir plus, mais ce n’est peut-être pas l’attention du jeune homme qui a mieux à faire. « Vous êtes certaine ? » Olive hoche la tête de haut en bas confirmant sa certitude comme une enfant après un caprice pour obtenir quelque chose. C’est peut-être trop, mais elle a vraiment envie d’en savoir plus et surtout, elle a envie de continuer cette discussion. Mais le temps lui manque et il faut bien sortir de cette salle à un moment ou un autre, à moins de vouloir passer la nuit dans ce cinéma, ce qui n’est bien sûr pas envisageable. Alors naïvement, elle lui propose de l’accompagner dans la poursuite de sa soirée. Peut-être qu’elle est trop confiante d’un coup et qu’elle a faux sur toute la ligne. Peut-être que son envie d’en savoir plus est trop et qu’elle devrait juste retourner chez elle pour visionner le film. Elle angoisse à l’idée de se faire rejeter tout d’un coup. « Euh, oui, oui, pourquoi pas ? » Sa bouche aurait pu se décrocher tellement elle est surprise de sa réponse. La confiance en elle se reboostant un peu, finalement heureuse de ne pas se faire jeter. Ravie de pouvoir continuer cet échange autour d’un repas. « Par contre, comptez pas sur moi pour vous spoiler et vous faciliter ainsi la tâche. » Olive émit un petit rire. « Seulement le minimum. » Et elle s’en tiendrait à cela jusqu’à pouvoir visionner enfin le film complétement. « Par contre, vous faciliteriez la mienne si vous me donniez votre prénom. » - « Oh oui, pardon j’en oublie toute politesse. » Olive passa une main dans ses cheveux avant de se retourner vers l’inconnu. « Olive. Olive Sterling. » Comme si son nom complet prouvait sa justesse à ne pas être une imposture. Elle sourit timidement avant de reprendre le chemin jusqu’à la sortie du cinéma. « Puis-je avoir le vôtre également ? Ou préférez-vous être l’inconnu du cinéma ? » Elle haussa un sourcil pour savoir s’ils allaient partager plus que des informations sur un film. En outre, un peu plus d’eux dans cet ouragan de l’inconnu. « Et avez-vous un endroit spécifique où nous rendre ? » Olive de son côté n’en avait aucune idée, alors elle préférait lui faire confiance cela même si finalement, c’était un tueur en série. Peut-être que finalement, elle devrait être prudente et fuir non ? Pourtant, elle se cala sur le pas de l’inconnu pour suivre sa direction sans empressement.

Peu importe qu’il soit d’humeur morose au quotidien, Kieran, ce n’est pas parce qu’il est de nature pessimiste et qu’il tend à voir le négatif partout qu’il s’agace pour pas grand-chose. Au contraire, même les situations qui devraient justifier un sérieux énervement de sa part se heurtent à son habituel stoïcisme, bien appris depuis son enfance et qu’il met encore en application au quotidien aujourd’hui. Il s’énerve peu, pour ne pas dire pas du tout, et les rares fois où les limites de sa patience sont usées, c’est souvent justifié. À cet instant, il lui apparaît clair que s’endormir sur son épaule, aussi désagréable que cela puisse avoir été compte tenu des fourmis qui se sont propagées dans son bras, ne justifie en rien une crise de rage comme certains s’y seraient adonnés. « Et bien, je vous remercie sincèrement.. » Hochant simplement la tête avec un sourire pour qu’elle s’abstienne de s’excuser une fois encore alors qu’il ne lui en tient pas rigueur, il use de comparaisons dans une ultime tentative de l’apaiser quant à sa maladresse. « Oh, vous avez raison, c’est terrible. » Et ce que cette jeune femme ne sait pas, c’est qu’il a beau utiliser de tels actes comme source de comparaison, il n’empêche qu’il n’aurait pas plus réagi qu’il ne l’a fait ce soir. Il se laisse marcher sur les pieds, Kieran, c’est connu et ce n’est probablement pas demain la veille qu’il arrivera à faire entendre sa voix quand quelque chose le dérange ; mais encore une fois, ce qui s’est passé dans cette salle de cinéma ce soir est loin d’être sur le top des inconvénients qu’il a déjà pu subir entre ces mêmes murs. « Je crois même qu’au fond, ce sont ceux qui ne respectent pas les autres qui sont sur le podium des pires choses au cinéma. » - « Exactement et, encore une fois, ce n’est pas votre cas, j’ai pu regarder et suivre le film malgré tout. » Il en a fini par s’accommoder de sa tête sur son épaule et a pu se plonger dans Babylon avec l’intérêt que ce film mérite, ce qui n’aurait pas été le cas si, à sa place, il avait eu le droit à un spectateur qui n’aurait cessé de remuer.

Une raison supplémentaire pour laquelle il ne lui en veut pas – s’il en fallait encore une – c’est le fait qu’ils aient la possibilité d’échanger à l’issue de la séance, même s’ils n’évoquent pas uniquement le film. Il l’a dit, Kieran, il vient ici une fois par semaine, le mardi. Il apprécie cette habitude sans quoi il ne serait pas réglé tel un coucou suisse, mais il a toutefois un regret : il n’a pas souvent l’occasion de discuter de l’œuvre qui a occupé quelques heures de sa journée, et qui, bien souvent, est loin de le laisser indifférent. Alors même si la conversation n’est pas passionnée puisqu’un seul des partis a vu le film, il n’empêche qu’il apprécie cet instant et que cela lui permet de terminer son week-end l’esprit léger, alors qu’ils sont invités à quitter la salle de projection. Son programme de la soirée n’était pas bien intéressant ; une séance de cinéma et une pizza à l’emporter pour conclure un week-end qu’il aurait passé, comme d’habitude, seul. Alors quand elle lui propose de l’accompagner, n’étant pas refroidie par ses plans du jour, il en est le premier surpris. Surtout, il s’étonne d’une spontanéité que, de son côté, il ne se serait jamais permise avec une inconnue et c’est sans doute la surprise qui l’empêche de répondre tout de suite, restant interdit avec ses yeux écarquillés, ne donnant sans doute pas la meilleure image qui soit. Elle va croire que, cette fois, elle a réussi à l’agacer avec cette familiarité et cette aisance, mais c’est tout le contraire ; et il finit par le verbaliser, toujours hésitant, plus quant au fait qu’elle semble vouloir accepter sa compagnie plus longtemps que nécessaire. Rares sont ceux qui s’aventurent plus que de raison aux côtés de Kieran et il n’a évidemment pas l’habitude. « Seulement le minimum. » Qu’elle rétorque quand il semble imposer une condition, celle de ne pas en profiter pour se faire spoiler, et à cette réflexion Kieran se contente de secouer la tête de gauche à droite comme pour la prévenir qu’il sera muet comme une tombe. Il ne compte pas faciliter la tâche à cette fille, dont il ne connaît finalement même pas le prénom. « Oh oui, pardon j’en oublie toute politesse. » Qu’elle se rassure, il n’est pas vexé pour si peu – elle l’a sans doute compris, maintenant. « Olive. Olive Sterling. » Sterling, pendant un instant, ça lui dit quelque chose, impression qu’il balaie bien vite pour souligner que : « Enchanté Olive. C’est un prénom original, et très joli. » Il ne sait pas pourquoi il se sent obligé de faire ce commentaire, sans doute parce que, malgré lui, il est nerveux. Il a peur de faire une bourde et qu’elle regrette sa proposition, ce qui arrivera sans doute plus vite que prévu vu sa capacité à mettre les deux pieds dans le plat. « Puis-je avoir le vôtre également ? Ou préférez-vous être l’inconnu du cinéma ? » Calquant ses pas sur ceux de la jeune femme jusqu’à retrouver l’air frais de la rue, il esquisse un rire avant de commenter : « L’inconnu du cinéma, c’est pas mal. » Ça fait mystérieux, un adjectif qui n’est pas souvent utilisé pour le décrire. Ce serait plaisant, en réalité, d’être quelqu’un d’autre pour une nuit, de rester l’inconnu du cinéma qui a une vie rêvée – il l’a déjà fait, parfois, avec d’autres personnes, mais il émane d’Olive une sincérité dont il n’a pas envie de se moquer. « Kieran Halstead. » Précisant son nom plus par souci d’égalité que par nécessité, il réfléchit un instant lorsqu’elle lui demande : « Et avez-vous un endroit spécifique où nous rendre ? » Dessinant rapidement le plan du quartier dans son esprit, voulant prendre le temps de sélectionner un endroit qui ne la décevrait pas. « Italia Lane est pas loin et c’est vraiment délicieux. Et surtout, c’est encore ouvert. » Il dit en guettant sa montre, se mettant en marche dans la direction voulue, avant de tourner la tête vers Olive, baissant le regard vers elle pour lui demander : « Et donc, maintenant que nous sommes plus familiers, je peux vous demander ce qui vous a tant fatiguée, hormis le film ? Enfin, si c'est pas trop indiscret. » Il ponctue sa question d’un sourire timide, façon de lui indiquer qu’il ne s’agit en aucun cas d’une critique. « Car vu les festivités et surtout le prix de la place, je doute que c’était par simple envie d’être tranquille. » Et parce qu’il y a d’autres endroits pour faire la sieste, certainement plus confortables qu’un siège usé et une épaule osseuse.

@Olive Sterling

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@Kieran Halstead  ☆ crédit/ deafen me with music

Alors oui, finalement Olive peut apprécier de passer un moment avec un étranger. Elle peut apprécier de quitter pour quelques heures le domicile familial pour vivre une journée complétement différente de ce qui l'attendait. Comme quoi, elle peut dépasser ses craintes, et cela pendant quelques heures. Elle ne s'en croyait clairement pas capable. Trop obnubilée par ses mauvaises pensées, par ses réflexions constantes sur les mauvaises choses qui pourraient se produire si elle faisait telle ou telle chose. Et pourtant à cet instant précis, elle ne réfléchissait plus, non, elle faisait. Ce qui était bien totalement différent de ce à quoi elle s'attendait. Et pourtant, c'était agréable, du genre vraiment agréable. Malgré les craintes, et malgré son cerveau qui émet des signaux de départ fort. Non, elle restera, elle continuera cette discussion et elle verra où les choses mènent. Elle en a assez Olive d'avoir peur de tout, et de craindre le moindre mal. Ce soir, elle fait un effort surhumain pour se dépasser, espérant que ça payera. « Exactement et, encore une fois, ce n’est pas votre cas, j’ai pu regarder et suivre le film malgré tout. » Et c'était sûrement tout ce qui importe. Pas le fait qu'elle avait succombé au sommeil alors que la projection lui tenait particulièrement à cœur, mais le fait qu'elle n'avait pas été malmené pour avoir pris son voisin comme oreiller. Elle pinça ses lèvres pour ne pas s'excuser une nouvelle fois de sa chute, et serra encore plus pour ne pas le remercier d'avoir été gentil avec elle. Cela faisait peut-être beaucoup depuis qu'ils avaient eu cet échange, alors autant passer à la suite. Cette envie de poursuivre la conversation lui semble trop naturel, comme si ce n'était finalement pas vraiment elle. Comme si quelqu'un d'autre mettait ses pensées en a avant. Tout cela, ça ne lui ressemblait pas vraiment et pourtant, elle n'avait pas envie de rentrer, pas envie de se retrouver seule. Non, Olive elle avait envie d'en savoir plus, mais surtout de connaître le point de vu de l'inconnu sur ce qu'elle venait de manquer. Il était intéressant et c'est sûrement ce qui l'intriguait le plus. Aussi bien, qu'elle en avait oublié l'essentiel, comme le fait qu'ils ne se connaissaient pas. Qu'ils n'étaient pas de vieilles connaissances qui reprenaient contact après des années. Non, ils étaient deux inconnus que la passion du cinéma avait réuni. Enfin, ça et le sommeil léger d'Olive. Sûrement un bon point et un mauvais dans cette histoire, mais sans cela peut-être qu'elle serait repartie bredouille jusqu'à chez son frère, regrettant de ne pas avoir vécu une aventure folle un jour.

« Enchanté Olive. C’est un prénom original, et très joli. » Elle lui sourit timidement. Attendant qu'il en fasse de même si l'envie lui dit. Mais finalement, la patience lui manque quelque peu, au point qu'elle en vient à lui suggérer qu'il garde un pseudo. Un peu comme Batman, en moins glamour. « L’inconnu du cinéma, c’est pas mal. » La réaction du brun et son commentaire surprennent Olive qui tente de ne pas se démonter. Au fond, cette réponse lui allait mais la gênait quelque peu. Comme si elle avait livré une part d'elle et qu'en retour, elle n'avait que son imagination pour en donner plus. Non, Olive elle était curieuse, mais elle ne voulait pas insister non-plus. Choix cornélien qui s'offre à elle, pinçant de nouveau ses lèvres pour se retenir. « Kieran Halstead. » Le souffle d'Olive se dégage comme si elle l'avait retenu trop longtemps. Comme si elle avait attendu pendant de longues minutes. Elle tourne son visage vers l'inconnu qui enfin devient quelqu'un avec une identité précise. « Ravie de vous connaître Kieran. » Elle laisse glisser le prénom de son compagnon sur sa langue. C'est joli et peu commun. Au moins, ils partagent cela. Un commentaire qu'elle gardera pour elle, ce n'était sûrement pas adapter.  A la place, elle choisit de l'interroger sur la destination qui va suivre, impatiente de pouvoir engloutir un repas. « Italia Lane est pas loin et c’est vraiment délicieux. Et surtout, c’est encore ouvert. » Aucune idée de où est cet endroit. Olive est en ville depuis de longues années, mais elle n'en connait pas toutes les bonnes adresses pour autant. « Et bien, ça me semble dans nos critères alors. Je vous suis. » Il est vrai que le temps avait filé à vitesse grand v et qu'il était déjà tard. Assez pour que les recherches d'un bon endroit où se régaler devenaient difficile. Olive emboita le pas de Kieran, ne sachant de toute manière pas quelle direction prendre. « Et donc, maintenant que nous sommes plus familiers, je peux vous demander ce qui vous a tant fatiguée, hormis le film ? Enfin, si c'est pas trop indiscret. » La jeune femme émit un petit rire à la demande de Kieran. « Car vu les festivités et surtout le prix de la place, je doute que c’était par simple envie d’être tranquille. » Il était vrai oui, et peut-être qu'elle pouvait être sincère avec lui pour cette fois. Après tout, il n'avait pas l'air de lui vouloir du mal, encore moins de mal la considérer, donc autant se lancer. « Avant toute chose, vous êtes d'accord pour qu'on se tutoie ? J'ai l'impression que tout cela est trop formel pour ce qu'on s'apprête à vivre. » Comme si c'était une expérience de dingue. Enfin pour Olive oui, mais elle n'avait pas envie que cet échange ressemble à un entretien d'embauche, alors autant retirer cette limite de langage. Enfin, si le brun était d'accord bien sûr. Continuant sa route, Olive prit une inspiration. « Pour ce qui est du reste, et pour être totalement sincère, le sommeil a tendance à me fuir en ce moment. » Elle souffla sur une mèche rebelle. « J'ai tendance à trop réfléchir une fois la nuit tombée, donc forcément, le moindre moment de calme en dehors de cet instant devient une proie facile pour ce que j'ai manqué. » En outre, le cinéma était un bon endroit pour laisser le sommeil se présenter. Son esprit était moins encombré en journée, peut-être parce qu'il était plus facile de l'occuper. « Et voilà où ça me mène. Ce n'est pas vraiment très fun comme raison. » Elle hausse les épaules comme pour s'excuser de ne pas avoir un super pouvoir qui lui permet de vaincre le crime à la nuit tombée. Non, Olive est juste une femme perdue dans la nuit, revivant sans cesse les choix douloureux de son passé.

Cette soirée a pris une tournure dont il est le premier surpris, alors même que Kieran est tristement insipide – pour ne pas dire ennuyeux – et qu’une telle aisance à l’idée que des plans bien établis soient chamboulés ne lui ressemble guère. Kieran anticipe, constamment et toujours trop ; ne s’autorisant rarement (jamais, en réalité) que la mécanique bien huilée de son quotidien puisse connaître la moindre perturbation. Et peu importe si le programme prévu ne l’enchante guère, c’est toujours plus sécurisant que de se lancer dans l’inconnu le plus total en compagnie d’une jeune femme qui est tout aussi mystérieuse à ses yeux. Souvent considéré comme coincé, Kieran ne peut nier l’adjectif, alors même que prendre un chemin différent pour aller au travail équivaut à une épreuve qu’il n’est pas en mesure de relever. Alors oublier les plans pour la soirée, la perspective d’un appartement peut-être trop vide et silencieux, mais autrement réconfortant, pour se lancer dans une conversation qu’il pourrait réduire à néant à tout moment avec sa maladresse habituelle, oui, ça ne lui ressemble pas. Et même s’il s’en surprend, il ne devrait pas, pas alors que sa vie, depuis deux ans, est une succession de petits pas qui visent à une spontanéité qu’il peine encore à s’autoriser, mais qui ne paraît plus totalement inaccessible. Il avance à son rythme, et celui-ci semble lui convenir, alors que même s’il s’avère anxieux à cet instant, il n’est pas totalement terrifié – un bel effort, là aussi.

Olive, donc. Surprenant, mais doux, même s’il n’a en réalité pas son mot à dire sur la question – c’est ironique, pour quelqu’un qui ne donne jamais son avis quand il le faut, d'en avoir un quand il devrait s’abstenir. L’inconnu du cinéma, ça lui plaît bien, mais ça l’amènerait à replonger dans de vieux travers et une mythomanie qu’il a souvent utilisée comme une protection, plutôt que d’avoir à assumer une personnalité et une existence qui lui posent problème. Aujourd’hui, il apprend timidement à changer d’avis sur la question. « Ravie de vous connaître Kieran. » - « De même. » Il rétorque, avec un sourire gêné face à tant de formalités, mais quelque peu rassuré quant au fait qu’elle ne semble pas s’en offusquer. Pendant longtemps, Kieran s’est mis la pression quant à être intéressant, dans sa manière d’être autant que dans le choix de ses mots, pour contrer le sentiment d’insignifiance qui l’a toujours accompagné et qu’il aimerait sérieusement révoquer. Et il y a quelque chose d’agréable de réaliser que cette pression n’a pas à exister face à cette jeune femme, même s’il analyse sûrement trop, et surinterprète également à l’exagération. On ne le changera pas – pas totalement, du moins. Pourtant, quand vient le moment de décider de l’endroit où se poursuivra cette soirée, il ne cogite pas pendant mille ans à l’idée de trouver celui suffisamment adéquat pour ne pas que ce semblant d’entente appartienne déjà au passé. Non, il s’autorise à écouter son envie, celle qui était de toute façon la sienne avant que les plans ne connaissent quelques bouleversements. « Et bien, ça me semble dans nos critères alors. Je vous suis. » Et même, il ne s’inquiète pas à l’idée qu’elle puisse détester, ne bégayant pas des excuses anticipées à cette idée, se contentant d’ouvrir la marche dans un premier temps, s’osant à être plus curieux dans un second. « Avant toute chose, vous êtes d'accord pour qu'on se tutoie ? J'ai l'impression que tout cela est trop formel pour ce qu'on s'apprête à vivre. » Il esquisse un rire nerveux, mais amusé, avant de hocher vivement la tête. « Oui, volontiers, avec cette formalité, j’ai l’impression de parler aux parents de mes élèves, c’est bizarre. » Il s’en amuse, même s’il ne peut promettre qu’il ne butera pas à quelques occasions sur le vouvoiement. « Pour ce qui est du reste, et pour être totalement sincère, le sommeil a tendance à me fuir en ce moment. » Tournant la tête un instant pour l’observer, piqué par cette information qui relève désormais du point commun entre eux, il reste silencieux pour l’inviter à poursuivre. « J'ai tendance à trop réfléchir une fois la nuit tombée, donc forcément, le moindre moment de calme en dehors de cet instant devient une proie facile pour ce que j'ai manqué. » Il finit par détourner le regard pour ne pas donner l’impression de l’épier. Ce n’est pas tant ça que le fait qu’il ne peut que comprendre ses paroles, malheureusement. « Et voilà où ça me mène. Ce n'est pas vraiment très fun comme raison. » - « Non, mais c’est légitime. Et là, je m’en veux presque de vous--de t’avoir réveillé. » Il se corrige, tandis qu’il pince les lèvres, effectivement navré de l’avoir privée d’une nuit réparatrice. « Enfin, tu aurais gagné, quoi, vingt minutes, avant que ce soit un employé qui s’en charge, mais, dans ta situation, ça m’a l’air toujours ça de pris. » Et, mieux que personne, il peut comprendre ça. « C’est pas pour rien que je connais les coins encore ouverts à cette heure-ci. » Il admet, telle une confidence, signe qu’à défaut de s’endormir dans une salle de cinéma, il a souvent erré à la recherche de Morphée. « Pour ce que ça vaut, il y a quelque chose d’étonnamment serein à se balader dans les rues passé une certaine heure, assez pour te calmer, mais pas assez pour être totalement pris par tes pensées. » En d’autres termes, c’est reposant, mais pas suffisamment pour être rendu seul avec ses pensées, car il y a toujours une distraction – un passant éméché, un taxi qui veut battre son record, une vitrine surprenante. Brisbane n’est jamais silencieuse, mais s’adoucit quelques fois, et Kieran avec elle. Il n’irait pas jusqu’à croire que c’est un très bon conseil, mais ça a le mérite d’être sincère.

@Olive Sterling

the most magical place in the world
@Kieran Halstead  ☆ crédit/ deafen me with music

« De même. » Le ton est léger, et Olive n'a pas besoin de se poser un milliard de question pour savoir si elle se comporte bien ou non. Étrangement, son camarade la fait se sentir à l'aise, ce que pourtant elle redoute plus que n'importe quoi d'autre. Olive, elle n'est pas à l'aise en société, elle a même tendance à fuir les autres. Parce qu'elle a toujours peur de ne pas être à la hauteur. Pire de ne pas plaire et de devenir la fille chiante qu'on connait tous et qui assomme les autres avec ses paroles. Alors, elle prend des pincettes, fait attention à comment elle se tient et tout ce qui va avec pour qu'on la regarde le moins possible. En outre, l'ombre est d'ordinaire sa meilleure amie. Mais Kieran lui procure un autre sentiment, une différence qu'elle se permet d'apprécier. Après tout, ce n'est que pour une soirée et elle n'a clairement rien à perdre, ni à y gagner. Hormis le fait qu'elle pourra se féliciter elle-même d'avoir pu franchir une nouvelle étape. Parce que ce n'est pas dans sa façon de faire. Rester en retrait, c'est juste plus facile, mais elle sait qu'il faut qu'elle change ça. Parce qu'elle mérite de connaître le bonheur, le moment où elle sera heureuse. Qui lui reprochera d'avoir essayé de toute manière? Absolument personne. Olive comprend maintenant que c'est pour elle uniquement qu'elle agit et pour personne d'autre. Ce que pendant trop longtemps elle a fait, attendant toujours un avis positif sur son fonctionnement. Cela doit changer et elle le sait. L'application sera peut-être juste un peu plus difficile, alors autant se servir de cette opportunité. Même si l'inconnu lui fait une peur bleue, Olive ne se sent pas en danger étonnamment. Elle est même un peu trop rassurée, sûrement pas assez sur ses gardes. Au point qu'elle ose faire la demande à Kieran pour que cette rencontre soit moins formel. Comme une sortie lambda avec un ami. Comme un partage de quelque chose d'ordinaire. Alors que pour l'Australienne, c'est bien trop nouveau.

Peu importe la peur, et tout les sentiments négatifs qui se mélangent. Olive résiste à l'envie de se cacher pour connaître le dénouement de cette rencontre. Mais surtout parce qu'elle n'a aucune raison valable de fuir. A la place, elle suit de près son nouveau compagnon du soir pour se rendre à la pizzeria qu'elle attend avec impatience. Son estomac gronde alors que les derniers mots du brun lui revienne. « Oui, volontiers, avec cette formalité, j’ai l’impression de parler aux parents de mes élèves, c’est bizarre. » Elle penche sa tête sur le côté. « Oh, mais, tu es enseignant ? » Du moins, c'est ce qu'elle comprenait pas "les parents de mes élèves" sauf si les choses étaient plus sombres qu'il n'y paraisse et qu'elle faisait fausse route sur toute la ligne. Mais la question valait le coup d'être posée. Et puis, il fallait dire qu'elle était aussi assez curieuse d'en savoir plus sur cet homme. Olive se sent d'humeur à se confier, n'ayant de toute manière aucune raison de mentir. Elle ne sait pas à quoi cela lui servirait de ne pas admettre une de ses faiblesses à quelqu'un qu'elle ne recroisa sûrement pas de si tôt et il n'y avait pas de raison non-plus que Kieran le cri sur tous les toits. Parce qu'après tout, il avait été malheureusement le résultat de son sommeil trop peu présent, alors elle lui devait bien une explication. « Non, mais c’est légitime. Et là, je m’en veux presque de vous--de t’avoir réveillé. » Elle émit un petit rire. « Oh non, heureusement que tu l'as fait. J'imagine que la soirée aurait été bien.. différente. » Il n'était pas question qu'elle reste enfermée dans un cinéma toute la nuit. Surtout que ça aurait fini par être inconfortable sans l'épaule de Kieran. « Enfin, tu aurais gagné, quoi, vingt minutes, avant que ce soit un employé qui s’en charge, mais, dans ta situation, ça m’a l’air toujours ça de pris. » - « C'est vrai oui. » Et ça n'aurait sûrement pas été d'une manière douce. « C’est pas pour rien que je connais les coins encore ouverts à cette heure-ci. » Olive écarquille les yeux à cette révélation. Effectivement, elle n'avait pas fait le rapprochement, mais Kieran était un oiseau de nuit. Comme elle aurait aimé avoir le courage de sortir seule à la nuit tombée pour défiler dans les rues vides de la ville, mais Olive était une vraie trouillarde. « Du mal à trouver le sommeil également alors? » C'était une question sans réel sens puisque la réponse paraissait évidente, mais de cette façon, elle avait l'impression d'être un peu plus proche de sa situation. Même si elle n'en connaissait rien de plus que ce qu'elle pouvait imaginer. « Pour ce que ça vaut, il y a quelque chose d’étonnamment serein à se balader dans les rues passé une certaine heure, assez pour te calmer, mais pas assez pour être totalement pris par tes pensées. » - « Et bien, je ne peux que te croire. » Parce qu'elle n'oserait jamais le faire. « Si je peux même être totalement franche, la nuit m'effraie en quelque sorte. » Parce que le calme n'est valable qu'à ce moment-là, parce qu'une partie du monde s'arrête jusqu'au lendemain. « Ou c'est la solitude, je ne serai dire. » Parce que même si Olive avait fuit la civilisation pendant quelques temps, elle n'avait jamais été vraiment seule. Midas, son ainé était toujours dans le coin à prendre soin d'elle. Au pire, il y avait ses parents, au mieux le monde extérieur. Mais elle n'avait jamais pris le temps de comprendre ce qui la terrorisait vraiment parce qu'elle n'avait pas envie de se focaliser sur un sentiment plus qu'un autre par peur de retomber dans une mauvaise passe. Olive tourna la tête vers les vitrines qui longeait la route, reconnaissant un écriteau au loin, celui de leur destination. « Tu.. mh, tu n'as toujours pas envie de changer de plan? » Elle s'inquiétait de ne pas être une très bonne compagnie et si Kieran décidait finalement de rebrousser chemin, elle ne lui en voudrait pas un seul instant.

Il n’est pas totalement ignare, Kieran, malgré ce que les gens peuvent bien penser de lui. Il sait très bien que, parfois, il a des réactions dignes d’un enfant sans même qu’il ne s’en rende vraiment compte. Cette rencontre en est la preuve alors qu’il se surprend – s’émerveille, en réalité – à l’idée qu’elle puisse réellement vouloir poursuivre cette conversation au-delà des murs de ce cinéma. Bien trop habitué à se heurter à des regards noirs et des réflexions désobligeantes les quelques fois où il s’essaie à sympathiser avec d’autres spectateurs, Kieran ne peut s’empêcher de questionner les bonnes intentions de la jeune femme – et se demander quand elle reprendra ses esprits et l’inviter à la laisser tranquille. Pourtant, les minutes passent et elle n’a pas l’air de changer d’avis, lui faisant croire qu’elle est peut-être sincère et qu’elle désire sincèrement poursuivre cette conversation autour d’une pizza. Il a bien conscience que le programme n’a rien de bien séduisant, mais ça a le mérite de lui ressembler ; et à vrai dire, dès le moment où il ne mangera pas un plat réchauffé dans le silence de son appartement, la soirée ne peut qu’avoir meilleure allure. Ce n’est pas anodin pour lui de se laisser aller à autant d’aisance (bien qu’il s’agisse d’un grand mot) avec quelqu’un d’inconnu, mais dans sa volonté de sortir de sa zone de confort, quelque chose lui dit qu’il n’aurait pas pu mieux tomber. Elle respire la bienveillance, cette jeune femme, et même s’il sait aussi qu’il ne peut faire confiance en son intuition car celle-ci le déçoit plus qu’elle ne lui réussit, il n’arrive pas à se détacher de cette impression. Celle-ci se confirme à mesure qu’ils échangent et qu’ils font connaissance. « Oh, mais, tu es enseignant ? » Tournant la tête un instant vers elle, il secoue celle-ci en guise de confirmation, avant de préciser : « Oui, je suis prof d’arts visuels à l’école St-Anthony. » Il explique, jamais très convaincu par ces quelques mots, alors que cette matière tend à être considérée comme peu utile. Il le sait bien ; et c’est pour cette raison qu’il évite de se présenter comme artiste même si cela reste sa véritable profession – parce que, justement, ça n’en est pas une, pour beaucoup. « Maintenant que tu as cette information, j’exige la même en retour. » Il dit, avec un sourire amusé, alors qu’il lui semble logique qu’ils soient à égalité quant aux informations qu’ils acceptent de distiller au gré de cette conversation. Elle connaît sa profession, c’est un juste retour des choses qu’il se montre curieux quant à la sienne. Mieux encore, il exige, chose évidemment rare de sa part.  

Alors qu’il en apprend un peu plus sur elle, et surtout sur ce qui l’a amené à s’endormir aussi profondément, il change son fusil d’épaule ; il s’en veut désormais d’avoir osé la réveiller alors qu’elle semble, plus que jamais, avoir besoin de repos. « Oh non, heureusement que tu l'as fait. J'imagine que la soirée aurait été bien.. différente. » - « Je croyais que c’était un rêve universel d’être enfermé une nuit dans un endroit pareil, du genre insolite, tu déroges à la règle ? » Il demande, amusé, alors que de son côté il ne peut nier vouloir vivre l’expérience d’être enfermé dans un endroit insolite tel qu’un supermarché – comme tout un chacun. Il croyait, du moins, que c’était une idée commune. Bien qu’en réalité, il est fort probable qu’un employé se serait chargé de la mettre dehors. Cette salle ne permet pas vraiment de se cacher des regards. Elle aurait gagné l’équivalent d’une sieste, au mieux, et ce n’est pas vraiment concluant. Pourtant, il est très bien placé pour savoir à quel point chaque minute de sommeil est précieuse. « Du mal à trouver le sommeil également alors? » Il hoche doucement la tête, avant d’ajouter une précision, sans réellement savoir pourquoi il se permet autant de confidences : « Et pas l’envie, parfois. » Le silence, la solitude, ses pensées, ce sont autant de choses avec lesquelles il n'est guère à l’aise. Ce n’est pas tant qu’il a du mal à trouver le sommeil, c’est souvent qu’il ne s’y essaie même pas. Alors il trouve des parades, dont le fait de se balader dans les rues à cette heure avancée. « Et bien, je ne peux que te croire. Si je peux même être totalement franche, la nuit m'effraie en quelque sorte. » Tournant la tête un instant vers Olive, il est tenté de lui demander pour quelle raison, avant qu’elle n’enchérisse : « Ou c'est la solitude, je ne serai dire. » Il reste silencieux, oubliant le regard posé sur elle pendant quelques secondes avant de se reprendre et de détourner les yeux. Il aurait pu formuler ces quelques mots. « Malgré ce qu’on peut croire, on ne l’est jamais vraiment, à cette heure-ci. » Et encore moins dans une ville comme Brisbane. « Mais c’est vrai que la compagnie n'est pas toujours bonne. » Il ajoute, bien conscient que les choses peuvent se présenter différemment pour une femme. Il a un avantage non négligeable, même si cela le désole de le constater. N’importe qui devrait pouvoir se balader en se sentant en sécurité, peu importe l’heure ou le quartier. « Tu.. mh, tu n'as toujours pas envie de changer de plan? » Suivant le regard de la jeune femme pour tomber sur l’enseigne, ayant oublié un instant le but de leur cheminement, il affiche un sourire timide avant d’ajouter : « Toujours pas. » Il dit, pressant le pas un instant pour aller ouvrir la porte, se décalant sur le côté avant de reporter son attention sur Olive. « Après toi. »

@Olive Sterling