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Cette virée entre filles était prévue avant la sortie de ce fichu article mais, à présent, je sens dans chacun des textos que m’envoie Shiloh qu’elle me voit différemment et c’est tout ce que je voulais éviter. Je ne suis pas une victime, je ne veux pas être perçue comme telle par ma meilleure amie ou par qui que ce soit. Saül est un bourreau, Saül est un enfoiré mais, ces dernières quarante-huit heures, ce n’est pas lui qui nous tourmente, Damon et moi.

Ce sont les médias, prêts à tout pour s’emparer de l’affaire. Saül a quitté le pays et, logiquement, ils se rabattent sur toutes les personnes ayant participé à la rédaction de cet article, sur les trois "victimes" de l’homme d’affaire à avoir témoigné : Ambrose, ainsi que Damon et moi. Lorsque j’ai quitté l’appartement ce matin, j’ai repéré un photographe caché à l’angle de la rue. Je repère assez bien les paparazzi pour une simple et bonne raison : j’étais des leurs autrefois. Aujourd’hui, j’enrage qu’ils se battent tous pour capturer une photo de moi. Je me dis que cela passera, qu’une fois que le scandale se sera tassé je n’intéresserai plus personne mais, déjà, certains articles font le lien entre la belle fille de Saül Williams et la future star du film sur la vie de Rhett Hartfield et une part de moi est parfaitement consciente que les ennuis dureront plus longtemps que je ne l’imagine.

Mais mes proches ne doient pas me voir différemment, Shiloh ne doit pas me voir différemment et c’est la raison pour laquelle j’ai mis un point d’honneur à honorer notre rendez-vous entre filles pris quelques semaines plus tôt à l’occasion du festival qui anime la ville. Un petit cinéma local a lancé un appel aux dons et diffuse pour l’occasion de grands classiques et il est hors de questions que je laisse Saül gâcher cette diffusion costumée de Chicago que la douce blonde et moi attendions depuis plusieurs semaines. Nous nous sommes donné rendez-vous dans un petit café à côté du cinéma pour rattraper le temps perdu avant la diffusion. Si j’en crois le nombre de personne costumée pour l’occasion, nous ne sommes pas les seules à avoir eu cette idée et je dois me frayer un chemin jusqu’à la table où Shiloh est déjà installée. Je n’ai pas l’intention de faire du sujet de l’article un tabou, mais j’espère que ce rendez-vous ne tournera pas en interrogatoire en bonne et due forme. « Hey. Je suis contente de te voir. » J’étreins mon amie, avant de me glisser à ses côtés. « Comment tu te sens ? On s’est à peine vue de l’hiver. »

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lieu: twelve happy spectators.

Cet article, je crois l’avoir lu une bonne dizaine de fois. La première pour avoir vu le prénom de ma meilleure amie et de son mari écrit en énorme caractère sur la première page, et toutes les autres après pour tenter de donner un sens à tout cela. La dénonciation est clinique, les faits sont là, indéniables. Le père de Damon était la pire ordure que ce monde est portée, mais ayant disparu des radars, la presse à scandale australienne préfère aller se gaver auprès de ses victimes. Je ne compte plus le nombre de notification débile que j’ai vu pop-up sur mon téléphone, me poussant à désactiver la moindre application d’actualité. Tout y passe depuis des jours et cela m’attriste de voir la vie de Megan passer au peigne fin. Je ne peux décemment pas lui en vouloir de ne m’avoir rien dit. L’épreuve a dû être suffisamment difficile pour elle. À l’époque, je combattais encore mes propres démons et de toute manière… Je ne lui avais rien dit pendant tellement de temps. Soucieuse de son bien-être, j’avais laissé sous-entendre que nous n’étions pas obligées d’honorer notre virée organisée depuis des semaines. J’aurais été la première à comprendre si Megan m’avait demandé d’annuler, ne voulant pas se retrouver dans un lieu public. Mais elle n’était pas une petite chose fragile Megan.

Entre deux interrogatoires musclés pour tenter de me faire cracher le morceau sur le secret de sa surprise, Megan m’avait bien laissé comprendre qu’elle comptait respecter à la lettre le programme déguisé du cinéma. Pour mon plus grand plaisir. C’était toujours un challenge que de trouver des vêtements adaptés à une certaine période du passé. Mais j’ai toujours été la première à vouloir relever le défi. Je pense m’être plutôt bien débrouillé à voir les autres costumes autour de moi. Je suis en avance, comme toujours. Cela conserve un certain avantage me permettant de dérober la dernière table de libre dans ce petit café. En attendant, Megan mes pensées vagabondent encore vers cet article. Ils avaient trouvé la force de parler, ce faisant fi de l’influence que Saül semblait posséder en ville. Il était un magnat puissant et ils l’avaient poussé à la fuite. Tout cela me donnait à réfléchir depuis des jours. Lawrence n’était rien à comparer d’un certain Saül Williams.

L’arrivée de Megan me sort de mes pensées. « Hey. Je suis contente de te voir. » L’étreinte qu’elle m’accorde se veut brève, mais il serait mentir que de ne pas affirmer ma volonté de la serrer juste un peu plus dans mes bras. Je ne veux pas la rendre mal à l’aise, mais je me suis fait du souci pour elle. « Moi aussi, je suis contente de te voir. » Après tout ça, c’est ce que je n’oserais dire à voix haute. Elle paraît bien Megan, peut-être un peu fatiguée, mais fidèle à son allure de toujours. « T’es splendide. » Comme toujours. Elle serait capable de sublimer la moindre guenille. « Comment tu te sens ? On s’est à peine vue de l’hiver. » Ce n’est pas un reproche, je le sais, mais mon cœur se serre à sa remarque. « J’ai tellement été prise avec mon nouveau poste. » J’ai encore la sensation de courir dans tous les sens parfois, mais c’est un pur bonheur de chaque instant. « J’ai enfin pris mes marques, je devrais mieux réussir à gérer mon temps maintenant. » Peut-être aussi devrais-je arrêter de passer tout mon temps libre, chez moi, à discuter avec Carl par messagerie instantanée. « Puis bon… J’attendais que t’aies épuisé ton stock de questions. » que j’ajoute dans un sourire, pour plaisanter un peu. Une jeune serveuse nous amène le menu des boissons et autres pâtisseries avant de s’éclipser tout aussi rapidement vers une autre table. « Prends ce qui te fait plaisir. » J’ai bien l’intention de payer la note, maintenant que j’ai le droit à un salaire plus que décent, je peux bien m’accorder ce genre de plaisir. « Comme tu te sens toi ? » J’étais obligée de demander, elle le savait.

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« Moi aussi, je suis contente de te voir. T’es splendide. » Je suis toujours splendide, mais cette fois, j’ai un peu moins de cœur à l’affirmer et ne pas en douter. Bien sûr, les récents événements n’ont pas tout remis en question pour moi, mais force est d’admettre que je suis secouée par l’acharnement de mes anciens confrères à décortiquer ma vie et mon mariage. On dit que seuls ceux qui n’ont pas l’esprit tranquille angoissent à l’idée de subir ce genre de fouille envahissante. Et si j’ignore si l’adage se vérifie dans tous les cas de figure, il est vrai que Damon et moi avons des choses à cacher ou, plutôt, des vérités que nous voudrions ne garder qu’entre nous. Personne n’a besoin de connaître la genèse de notre mariage : seul le résultat importe et j’ai peur que remuer la merde nous abîme, que cela rappelle trop de mauvais souvenirs à Damon et qu’il se rappelle toutes les raisons pour lesquelles il n’avait autrefois pas confiance en moi. Je sais qu’il m’a pardonnée, comme je sais qu’il n’y a plus rien qu’il ignore, mais je ne peux m’empêcher d’être nerveuse. « Merci. Tu l’es aussi. » Et c’est vrai, même si elle n’en est pas toujours aussi consciente que je le suis de mon côté.

« J’ai tellement été prise avec mon nouveau poste. » Et moi, je n’ai pas songé une seule seconde à lui demander comment les choses se passaient, absorbée par mes problèmes et mon quotidien. J’ai toujours été égocentrée, mais j’ai toujours essayé également d’épargner Shiloh de ce mauvais trait de caractère. « J’ai enfin pris mes marques, je devrais mieux réussir à gérer mon temps maintenant. » - « T’as pas à t’excuser. Au contraire, c’est moi qui me sens coupable de pas t’avoir plus demandé comment ça se passait. » Elle a décroché un boulot pour lequel elle a travaillé dur, pendant que j’étais occupée à en obtenir un grâce à des méthodes bien plus douteuses. C’est elle qui mériterait l’attention que l’adaptation de Nine est en train de m’apporter. Elle est bien plus agréable que tout ce tapage médiatique lié aux agissements de mon beau-père. « Puis bon… J’attendais que t’aies épuisé ton stock de questions. » A ces mots, j’esquisse un sourire. « Tu sais que ça arrivera pas et que j’ai bien l’intention de te cuisiner ce soir. » Mais avant toute chose, j’ai l’intention de lui raconter comment le pauvre Damon a bien failli prendre un savon parce que je n’avais pas reconnue mon amie dans cette jeune femme avec laquelle il s’est éloigné quelques minutes. « Prends ce qui te fait plaisir. » Je pousse un soupir, mon regard planté dans celui de la blonde. Je sais ce qu’il est en train de se passer. Et je n’ai pas envie de sa pitié, pas plus que de sa sollicitude, je préfèrerais que tout soit exactement comme d’habitude. « Comme tu te sens toi ? » - « Shiloh… » Je secoue la tête, avant de ranger mon téléphone dans mon sac et de reposer mes mains sur la table. Cette discussion mérite toute mon attention. « Je répondrai à toutes les questions que t’as à me poser. » Je n’ai pas donné toutes ces informations à Constantine pour refuser de m’exprimer à ce sujet. Je savais que mes proches auraient des questions. « Mais s’il te plait, me regarde pas comme t’es en train de le faire là. » Avec de la peine pour moi, ce que j’ai du mal à supporter. Je ne suis plus une petite fille qu’il faut sauver de ses harceleurs. « C’était y’a plus d’un an et demi. Je vais bien maintenant. » Damon garde certainement bien plus de séquelles que moi : c’est de son père qu’il s’agit, et même s’il n’a pas toujours été présent pour lui, son ombre a malgré tout plané au-dessus de sa tête, menaçante et terrorisante, pendant toute sa vie.

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Cela paraissait une éternité, depuis la dernière fois où l’on avait pris le temps de s’asseoir l’une en face de l’autre pour partager un café. Je comprends, désormais, pourquoi Megan n’avait pas réellement été à l’initiative d’une quelconque invitation, mais j’aurais dû prendre les devants bien plus tôt également. « T’as pas à t’excuser. Au contraire, c’est moi qui me sens coupable de pas t’avoir plus demandé comment ça se passait. » Je secoue de suite la tête, réfutant son sentiment de culpabilité. Le quotidien nous avait aspirés loin l’une de l’autre, inversant les rôles sans qu’on ne le veuille réellement. Tout allait, enfin, bien pour moi quand elle était celle qui devait traverser une mauvaise période. « C’est le rêve. » que j’avoue malgré tout. Parce qu’elle ne va pas vouloir que l’on plonge dans son histoire de suite, et aussi parce que je voulais tellement lui en parler. « C’est juste fou, j’apprends encore beaucoup, mais j’aime tellement ce que je fais. » Quoi de mieux que de penser ses journées à dessiner des croquis, à se balader entre les rayonnages de tissus et à laisser libre cours à sa propre création. « Je me sens bien. » Comme enfin à ma place dans cette ville et dans mon travail. Tout n’est pas encore réglé, rien ne se fera par magie, mais Megan devait savoir que mon sourire n’avait rien de factice, pour les premières fois depuis si longtemps.

« Tu sais que ça arrivera pas et que j’ai bien l’intention de te cuisiner ce soir. » Je ne peux retenir un éclat de rire face à sa détermination. « Et encore une fois, je ne te dirais rien ma belle. » Oh elle pouvait insister, me supplier ou même me menacer, je n’irais pas trahir le secret que Damon m’avait confié. Je m’en voudrais bien trop de lui avoir gâché une telle surprise. « Je suis immunisé maintenant. » C’était absolument faux, mais je n’avais pas l’intention de lâcher le morceau qu’importe à quel point elle allait rendre l’exercice compliqué. Et peut-être que j’utilise les nouvelles dans sa vie comme une légère distraction. Je me tente à poser la question et le regrette immédiatement en voyant son regard changer. « Shiloh… » Bien évidemment qu’elle ne voulait pas que je m’aventure sur ce sujet de cette manière, mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas prétendre ne pas m’inquiéter pour elle. « Je répondrai à toutes les questions que t’as à me poser. Mais s’il te plait, me regarde pas comme t’es en train de le faire là. » Loin de moi l’idée de vouloir lui communiquer une certaine pitié, mais je crois que c’était tout simplement plus fort que moi. « C’était y’a plus d’un an et demi. Je vais bien maintenant. » Je ne peux m’empêcher de la scruter du regard, mais comprends rapidement qu’elle me dit la vérité. « Excuse-moi, je n’aurais pas dû. » Ce n’est pas comme ça que je voulais démarrer cette conversation en tout cas. « Tu sais bien que je m’inquiète toujours. » Ce n’était pas nécessairement une excuse, mais une vérité indéniable dès qu’il s’agissait d’elle. « Qu’est-ce qui vous a poussé à en parler maintenant ? » Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Et surtout pourquoi s’en prendre à quelqu’un d’aussi puissant que Monsieur Williams ? « Ça ne doit pas être simple pour Damon, il va comment ? » Est-ce que Megan allait bien, mais s’inquiétait pour son mari. Il n’avait rien laissé paraître lorsqu’il était venu me voir à l’atelier, mais l’article n’était pas encore sorti et je n’avais connaissance de rien. « Je… En tout cas, je voulais juste te dire que j’étais fière de vous. » Pour avoir parlé, pour avoir osé en connaissant la réputation de leur adversaire. Ma main glisse sur la sienne pour la serrer dans un geste rapide alors que mon regard se plonge dans celui de la blondinette.

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« C’est le rêve. C’est juste fou, j’apprends encore beaucoup, mais j’aime tellement ce que je fais. Je me sens bien. » Il s’agit de la première fois que je vois Shiloh si épanouie par son travail, et je ne peux m’empêcher d’esquisser le même genre de sourire béat que la petite blonde. Je me moque bien du domaine dans lequel elle travaille, qu’il soit reluisant ou pas ne m’importe pas vraiment, tout ce qui compte pour moi c’est qu’elle soit heureuse et force est de constater qu’elle a l’air de l’être entièrement. Cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti ce genre de chose chez elle, et c’est une raison de moi pour qu’elle se tracasse pour ce qui m’arrive à moi. C’est à son tour de s’épanouir, et elle le mérite plus que ce que je ne l’ai jamais mérité moi-même. « Je suis contente de te voir comme ça. T’as l’air vraiment comblée. Comment ça se passe, tu travailles sur la conception des modèles pour la prochaine saison ? » Est-elle encore juste une assistante, une novice mise un peu de côté ou bien ressent-elle la gratification d’avoir son mot à dire dans des décisions importantes.

« Et encore une fois, je ne te dirais rien ma belle. Je suis immunisée maintenant. » Mes lèvres esquissent un ”O” choqué, et je secoue la tête, prétendant être désabusée. « Tu te rends compte que c’est à moi que ta loyauté sans faille est censée aller ? » Je ne fais plus que prétendre être outrée. A présent, j’ai compris que je n’arriverai pas à obtenir de bribe d’information concernant la surprise de Damon, et l’endroit où il m’emmène - puisque je sais au moins ça.

Je savais qu’elle ne mettrai pas longtemps à aborder le sujet, mais je suis attristée qu’elle le fasse en posant sur moi un regard peiné, rempli de quelque chose qui est certainement de l’empathie mais que j’interprète comme de l’empathie. « Excuse-moi, je n’aurais pas dû. Tu sais bien que je m’inquiète toujours. » - « Je sais. » Et je ne m’attendais pas à ce qu’elle ne soit pas complètement bouleversée par cette information. C’est même pour ça qu’à l’époque je ne lui en ai jamais parlé. « Et tu peux en parler, c’est pas tabou. » Ce serait hypocrite de ma part de le prétendre alors qu’un article retraçant toute l’histoire vient de paraître. ”J’en parle aux journalistes mais pas à mes proches”, cela ne fait aucun sens. « Qu’est-ce qui vous a poussé à en parler maintenant ? » - « Ambrose Constantine, l’autre jeune homme que Saül a abusé a déjà essayé de le dénoncer en juin, mais l’article avait rapidement été étouffé. » Ou en tout cas, il n’avait profité d’aucune visibilité, manque de preuves à l’appui. « Et après… Après ton procès, je sais pas, j’en ai eu marre que les hommes comme eux restent impunis. » Parce qu’ils sont puissants ou parce qu’ils font peur. Si j’ai prononcé cette dernière phrase du bout des lèvres, c’est parce qu’elle touche à l’histoire de la blonde et je n’ai pas envie de réveiller ses traumatismes, pas alors qu’elle ne m’a pas reparlé du procès depuis qu’il a eu lieu. Je voulais empêcher Saül de continuer à avoir une telle emprise sur son fils, aussi. « Ça ne doit pas être simple pour Damon, il va comment ? » - « Il parle pas de Saül tant qu’il peut l’éviter. » Même si mon époux n’est pas présent, je prends garde à ne pas appeler l’homme d’affaires son père, je sais qu’il ne veut plus l’entendre désigné comme tel.« C’est compliqué. » La disparition de l’Italien n’aide pas : je suis intimement persuadée qu'au fond, le blond se fait du souci pour ses demi-soeurs et son demi-frère. « Mais il va aller mieux. Il a besoin de temps et de se détacher de lui. » Il a beau penser que c’est déjà le cas, on efface pas toute une enfance en un claquement de doigts, même si on le voudrait. J’en sais quelque chose. « Je… En tout cas, je voulais juste te dire que j’étais fière de vous. » Shiloh se révèle toute en sensibilité, et elle attrape ma main dans la sienne pour la serrer quelques secondes. « Merci. » Mécaniquement, je passe ma main sur ma nuque, là où elle a été marquée à l’époque de l’agression de mon beau-père. « On va déménager, Damon et moi. » Le sujet tombe comme un cheveux sur la soupe, mais j’ai envie de partager autre chose que des nouvelles tristes ou en tout cas graves. « On en avait parlé à l’époque de l’agression, parce que je me sentais plus en sécurité chez nous… Mais on va surtout le faire pour se trouver une maison à nous. »

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J’ai un peu la sensation d’être une petite fille surexcitée à l’idée de parler de son nouveau jouet à sa meilleure copine. C’est un peu la sensation qui primait depuis ma promotion : une joie inexplicable et l’envie de la partager au possible. Je n’avais pas encore eu l’occasion de tout raconter à Megan, mais je pouvais lire une certaine admiration dans son regard. « Je suis contente de te voir comme ça. T’as l’air vraiment comblé. Comment ça se passe, tu travailles sur la conception des modèles pour la prochaine saison ? » Je dois me rappeler de me contenir, pour ne pas lui verser tout un tas d’informations sur les épaules en moins d’une minute. « C’est ça, j’ai pas pu aider pour la Fashion Week en cours, mais on planche déjà sur la prochaine. » Et je n’ai jamais été aussi ravie que de pouvoir participer à un événement aussi énorme, d’une manière qui dépasse l’entendement. Je ne serais pas la petite main de Weatherton qui donne un coup de main pour repasser le tapis rouge ou servir quelques flûtes de champagnes aux convives. Ce sera bien plus que cela, je vais voir certaines de mes idées, prendre vie sur le catwalk et je crois que je n’ai jamais été aussi motivée dans mon travail. « Je peux donner mon avis, suggérer des changements ou même participer aux choix des couleurs, des finitions. » La liste est longue, mais une fois encore, je tente de lui offrir la version condensée. « Et on m’écoute ! » C’était sans doute cela, la partie la plus folle. Mon opinion avait un poids désormais, je n’étais plus celle que l’on regardait de travers parce qu’elle avait osé ouvrir la bouche. J’avais pris le droit d’émettre une opinion et de pouvoir débattre à la table des grands. « J’ai jamais été aussi inspirée. » que je l’avoue toujours d’une manière aussi enjouée.

« Tu te rends compte que c’est à moi que ta loyauté sans faille est censée aller ? » Un rire m’échappe face à l’air choqué de Megan. C’est bien la première fois que je me ligue contre elle, ou tout du moins qu’elle en ait l’impression, et ce n’est pas un exercice simple. « Tu me remercieras plus tard. » que je lui assure tout en lui adressant un petit clin d’œil. « Promis, c’est pour toi que je fais ça. » Rien que pour elle. Pour que la surprise soit complète, pour qu’elle soit heureuse et pour qu’elle en garde le meilleur des souvenirs.

Il était difficile de poursuivre la conversation sans adresser l’éléphant dans la pièce. Le sujet qui faisait la une depuis plusieurs jours et qui avait réveillé mon inquiétude. « Je sais. Et tu peux en parler, c’est pas tabou. » Ça ne l’était pas et je pouvais l’entendre, mais je n’étais pas certaine que Megan est sincèrement envie de m’en parler. Pourtant, j’ai toutes ces questions qui trottent dans un coin de ma tête et je cherche à les adresser sans jamais la brusquée. « Ambrose Constantine, l’autre jeune homme que Saül a abusé a déjà essayé de le dénoncer en juin, mais l’article avait rapidement été étouffé. » J’ai le cœur qui se serre à l’idée de savoir ce jeune homme assez courageux pour tout dénoncer et ne pas se faire entendre. « Et après… Après ton procès, je sais pas, j’en ai eu marre que les hommes comme eux restent impunis. » Un triste sourire vient étirer mes lèvres. Les hommes comme eux. Comme Saül et à moindre échelle, comme Lawrence. Ceux qui pensent s’en sortir parce qu’ils ont un nom, parce qu’ils connaissent du monde. « J’espère qu’il va payer pour tout ça. » Qu’il va payer cher pour s’en être pris à un jeune sans défense, à une femme aussi forte que ma meilleure amie et surtout à son propre fils. « Il parle pas de Saül tant qu’il peut l’éviter. » Je n’ose pas imaginer à quel point cela doit être compliqué pour lui. « C’est compliqué. Mais il va aller mieux. Il a besoin de temps et de se détacher de lui. » Cette fois, je cherche à sourire avec bien plus de convictions. « Il t’a toi et ça doit déjà beaucoup l’aider. » J’ai pu le voir dans la façon dont Damon se démène pour lui créer cette fameuse surprise. Il l’aime et je ne doute pas que Megan l’aime tout autant. Ensemble, ils pourront sûrement tout affronter. Et surtout, ils ont été capables de déplacer des montagnes pour dénoncer. « Merci. » Je vois tout ce qu’elle ne souhaite pas dire, les stigmates que Saül à laisser dans son esprit et tout ce qu’elle devra encore un peu combattre pour s’en sortir. « Vous allez en inspirer plus d’un. » J’en doute pas une seule seconde. « En tout cas, moi ça m’a fait repenser à notre conversation. » Celle où Megan m’avait rappelé que la justice ne faisait pas tout et que la rumeur pouvait être encore plus destructrice. J’y pense depuis plusieurs jours désormais.

« On va déménager, Damon et moi. » Je comprends qu’elle souhaite changer de sujet, qu’elle ne veut pas laisser une certaine tristesse s’immiscer dans notre moment de complicité. « On en avait parlé à l’époque de l’agression, parce que je me sentais plus en sécurité chez nous… Mais on va surtout le faire pour se trouver une maison à nous. » Je préfère ne pas épiloguer sur cette agression, cela ne sert plus à rien de remuer les blessures du passé. Je me concentre plutôt sur la véritable nouvelle : leur désir de se trouver un chez eux. « Est-ce que vous avez commencé à chercher ? » Il s’agit de tout un processus qui risque probablement de leur prendre du temps. « Vous avez un quartier de prédilection ? » J’imaginais déjà la petite maison parfaite, dans un quartier tranquille, mais peut être pas si éloigné de la ville.  « Dis-moi tout. »

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« Je peux donner mon avis, suggérer des changements ou même participer aux choix des couleurs, des finitions. Et on m’écoute ! » Elle est épanouie ou en tout cas, elle en a l’air et je suis sincèrement heureuse pour elle. S’il y a une chose qui saute aux yeux, c’est qu’elle a trouvé sa voie depuis toute petite, Shiloh. Déjà adolescente, elle adorait confectionner des vêtements pour elle-même où les êtres chers à son cœur. D’une certaine façon, je la jalouse : moi, je n’ai jamais su quel genre de carrière était fait pour moi. « J’ai jamais été aussi inspirée. » - « Et tu le mérite. Ça fait des années que tu imagines de vêtements, que ce soit pour une grande maison ou juste pour toi. » Et si je n’avais pas eu une confiance aveugle en elle et son talent, jamais je ne lui aurais demandé de dessiner et de créer ma robe de mariée même si, à l’époque, ce mariage ne voulait pas dire grand-chose. Il s’agissait de mon entrée dans le monde, et je n’aurais fait confiance à personne d’autre pour me sublimer pour ce jour-là.

« Tu me remercieras plus tard. »
« N’en sois pas si sûre. Je te rappelle que je suis capable de faire la gueule bien plus longtemps que la moyenne. »

Oui, je suis rancunière. Mais cette fois, bien que frustrée de ne pas obtenir de réponse à mes questions, je plaisante néanmoins. Il n’est pas question de faire la guerre à Shiloh ou même simplement de lui en vouloir. J’ai tenté de lui arracher les vers du nez, j’ai échoué et, maintenant, je passe à autre chose. Ou plutôt, c’est elle qui passe à autre chose et je ne suis pas surprise : je ne l’imaginais pas capable de réussir à ne pas évoquer ce sujet avec moi et ce n’est pas grave, j’y suis préparée. « J’espère qu’il va payer pour tout ça. » - « Honnêtement je pense pas. Il a quitté le pays dès que le vent a tourné alors… » Alors il a certainement rejoint un paradis fiscal qui n’extrade pas. « Et tous ses comptes ont été vidés. Certainement transférés sur des comptes à l’étranger, dans un endroit où on ne lui demandera rien. » Et dans un endroit où le fait qu’il ait détourné le fonds de son entreprise ne revêt pas la moindre importance. « Il t’a toi et ça doit déjà beaucoup l’aider. » J’essaie en tout cas, depuis notre mariage j’essaie de lui apprendre à se dresser contre son père. « J’espère que je l’aide, oui. Mais il a surtout besoin de temps, je pense. » Il a considéré Saül comme son père pendant des années et, aujourd’hui encore, je pense qu’une partie de lui le pense encore. C’est naturel, et je n’ai pas l’intention de le lui reprocher d’une quelconque façon. Même lorsque nos parents font partie des pires ordures que la terre ait portées, ils arrivent toujours à nous marquer au fer. Surtout lorsqu’ils font partie de cette catégorie, en fait.

« Vous allez en inspirer plus d’un. » Je ne le fais pas pour ça. Mes motivations sont bien plus égoïstes et c’est pourquoi je ne réponds que d’un sourire à sa remarque. Moi, j’aspire à ce qu’on nous laisse tranquilles, Damon et moi, pas à inspirer qui que ce soit. Je me fais justice, mais je n’ai pas la prétention de devenir le fer de lance d’une quelconque cause, aussi noble soit-elle. « En tout cas, moi ça m’a fait repenser à notre conversation.  » Je fronce les sourcils et je la dévisage. « Qu’est-ce que tu entends par là ? » A-t-elle changé d’avis ? Veut-elle affronter à nouveau son ex que ce soit face à la justice en appel ou sur le terrain médiatique ? Désire-t-elle au contraire me confier que tout ce tapage confirme son besoin de laisser couler cette affaire et de refermer définitivement ce chapitre de sa vie, d’oublier Lawrence pour de bon ?

« Est-ce que vous avez commencé à chercher ? » Je hoche la tête. « Oui, on a reçu quelques propositions de l’agence mais, pour l’instant, on a pas commencé les visites. » Les gens comme Damon n’épluchent pas les petites annonces. Ils engagent des agences pour le faire à leur place. Et je ne songe pas une seule seconde à m’en plaindre, j’aime être traitée comme quelqu’un de valeur et, lorsque l’on paye quelqu’un pour un service et que l’on a de l’argent, c’est souvent ce qu’il se passe. « Vous avez un quartier de prédilection ? Dis-moi tout. » - « On a commencé à en discuter cet hiver. On voudrait une maison cette fois, avec un peu d’espace. » Et Bowie ne sera pas le dernier à être ravi. « Peut-être West-End. On se ferme pas à Logan City ou Bayside, mais on trouve ça un peu loin du centre-ville, c’est peut-être encore un peu tôt pour nous. » Pour déjà mener le style de vie d’un couple de trentenaires avec un premier enfant. Du reste, je remarque tout de même que je deviens ce genre de personne insupportable qui parle en "nous", mais nul doute que cela ravira ma romantique amie.

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« Et tu le mérite. Ça fait des années que tu imagines de vêtements, que ce soit pour une grande maison ou juste pour toi. » Ou pour elle, également. La garde-robe de Megan doit avoir une mini section emplie de toutes les robes et autres pièces que j’ai pu lui confectionner au fil des années. Elle avait toujours eu confiance en moi sur ce sujet, me demandant parfois de recréer cette robe qui l’avait fait craquer en vitrine, mais qui coûtait plus que nos salaires combinés. Et puis, elle avait eu confiance en moi au point de me demander de créer une robe pour sa cérémonie de mariage. Sans le savoir, son mari venait de placer la même confiance en moi, une seconde fois. « N’en sois pas si sûre. Je te rappelle que je suis capable de faire la gueule bien plus longtemps que la moyenne. » Je n’ai jamais douté de ses capacités sur le sujet, mais je ne peux m’empêcher de sourire face à sa détermination. « Boude si tu veux, je dirais rien. » On va finir par clôturer le sujet une bonne fois pour toutes, mais j’ai déjà hâte de la voir revenir de leur voyage pour qu’elle puisse tout me raconter.

Notre conversation dérivant forcément sur l’actualité, je comprends que Megan aimerait que l’on ne s’attarde pas sur le sujet. « Honnêtement, je pense pas. Il a quitté le pays dès que le vent a tourné alors… » Alors personne n’ira le chercher ailleurs quand il aura été assez malin pour trouver un pays où l’Australie ne pourra forcer son extradition. « Et tous ses comptes ont été vidés. Certainement transférés sur des comptes à l’étranger, dans un endroit où on ne lui demandera rien. » Une fois encore, l’homme véreux allait gagner. Il avait disparu sans un mot, laissant simplement des victimes sur son passage. Dont son propre fils. « J’espère que je l’aide, oui. Mais il a surtout besoin de temps, je pense. » Et malheureusement, Megan avait eu son lot de malheur avec sa propre mère. Elle avait connu les défaillances et la douleur que cela pouvait causer quand bien même il était tentant de tirer un trait sur une telle personne. « Tant que tu es là pour lui. » J’imagine que Damon lui sera à jamais reconnaissant d’avoir traversé la tempête à ses côtés.

Je me doute que Megan et Damon n’avait pas entrepris une telle démarche pour insuffler du courage à qui que ce soit d’autre, mais cet article m’avait donné matière à réfléchir. « Qu’est-ce que tu entends par là ? » Je hausse lentement les épaules. « J’ai encore tout un fichier dans mon ordinateur, avec les captures d’écrans. » Les horreurs que Lawrence avait pu me dire lorsque l’on était en couple et surtout après. J’avais tout gardé, précieusement. Si je n’ai pas encore la force de regarder au travers de tout cela, je sais que le dossier existe bel et bien. « Il serait peut-être temps d’en faire quelque chose. » Recourir à la justice n’était plus nécessaire, mais passait par la presse ? [color=#AA6195]« J’ai vu une photo de lui avec une gamine sur les réseaux. » Et je parie qu’il est en couple avec elle. « Il peut pas juste parader comme ça. » Et les réseaux sociaux, c’est son gagne-pain à Lawrence, en plus de la musique. « Je sais juste pas vers qui me tourner. » Et parfois encore, je me demande si je vais vraiment franchir cette étape-là.

« Oui, on a reçu quelques propositions de l’agence, mais, pour l’instant, on a pas commencé les visites. » Malgré tout cela, la vie continuait d’avancer et Megan semblait avoir plein de projets pour l’avenir. « On a commencé à en discuter cet hiver. On voudrait une maison cette fois, avec un peu d’espace. » Une jolie maison pour un nouveau départ. « Ce serait génial. » Et si différent de cet appartement qui est le leur, mais qui paraît si impersonnel parfois. « Peut-être West-End. On se ferme pas à Logan City ou Bayside, mais on trouve ça un peu loin du centre-ville, c’est peut-être encore un peu tôt pour nous. » Encore un peu tôt pour se retrouver au milieu de toutes ses familles de banlieues qui se sont éloignées du centre-ville pour trouver de meilleures écoles pour les enfants. « West End ça pourrait être vraiment sympa. » Un de mes quartiers préférés en ville et surtout, un qui ne l’éloignerait pas trop de moi. Mais je garde ma réflexion complètement égoïste pour ma personne. « Tu as des photos des maisons que vous allez visiter ? » Elle le savait, je ne pouvais que me sentir investi de vivre cela à ses côtés. « Et comme on parle maison. » Ma demande était à mille lieux de la sienne, c’est certain. « Si jamais tu connais quelqu’un qui cherche une colocation. » Je commençais à désespérer de pouvoir trouver quelqu’un qui voudrait venir occuper la chambre que Trent avait laissée derrière lui en partant.

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Megan Williams & @Shiloh Atkins ☆ crédit/raquelsgifs

Damon aura certainement besoin de temps, au-delà de l’aide que je peux lui apporter. Il ne connaît pas beaucoup les enfants de Saül, mais ces derniers restent sa famille et il se fait certainement du souci pour le petit Abel comme pour les jumelles, même s’il n’en parle pas. Je sais qu’à sa place, je voudrais savoir comment ils vont et je craindrais qu’ils vivent le même genre d’enfance que moi, et craindrait que mon père lève aussi la main sur eux. Qui pourra l’empêcher de se comporter en parfait connard, maintenant qu’il est loin ? Je pousse un soupir, pensive, consciente aussi qu’il n’y a pas de solution miracle à cette situation compliquée.  

D’une situation compliquée à une autre, je suis surprise de voir la blonde aborder d’elle-même le sujet épineux de sa situation avec son ex. Après le procès il y a déjà plusieurs mois, j’ai cru que les choses en resteraient là. J’ai regretté qu’elle ne prenne pas les armes d’une autre façon, une qui n’impliquaient pas d’attendre que la justice fasse son travail, mais de prendre les choses en main. Aujourd’hui, j’ignore si l’histoire des méfaits de Saül l’a motivée d’une façon ou d’une autre à ne pas en rester là. Mais elle me surprend de la plus positive des façons. « J’ai encore tout un fichier dans mon ordinateur, avec les captures d’écrans. Il serait peut-être temps d’en faire quelque chose. » - « T’as bien fait de les garder. » Beaucoup sont démunies parce qu’elles n’ont pas la présence d’esprit de ma meilleure amie. Elle a su se construire une défense pour le futur. « J’ai vu une photo de lui avec une gamine sur les réseaux. Il peut pas juste parader comme ça. » - « Je vois. » Sa motivation n'est pas la justice, mais la pitié pour cette jeune femme qu’elle ne veut pas voir souffrir de la même façon qu’elle. Elle veut l’empêcher de recommencer, et c’est très noble de sa part. « Il faut pas le laisser s’en prendre à elle comme il s’en est pris à toi. » C’est certainement ça, le fruit de sa réflexion. Shiloh est quelqu’un de bien, cela n’a plus rien de surprenant. « Je sais juste pas vers qui me tourner. » Un sourire triste sur les lèvres, je lui rappelle que j’ai tous les contacts qu’il lui faut pour ça. « Tu sais que je peux t’aider. Je peux au moins te mettre en contact avec des journalistes que ton histoire intéressera. » Et c’est bien plus sage que de m’en mêler directement. Traitée par une personne neutre, l’impact de son histoire n’en sera que plus grand. « T’es pas toute seule. » Même en ayant d’autres priorité – mon mariage en est une et ma vie professionnel un sacré bordel – j’aurais toujours du temps pour elle et pour lui venir en aide.

« Ce serait génial.  »
« Bowie aussi trouvera ça genial. »

Avec un jardin clôturé, nous pourrions laisser notre chien sortir autant qu’il le veut et nul doute qu’il s’épanouira bien plus qu’en appartement. A delà de ça, je crois que faire des projets ensemble, Damon et moi, me rassurera sur le fait que c’est avec moi qu’il projette un avenir. « West End ça pourrait être vraiment sympa. » - « C’est ce qu’on se dit, on verra bien avec les visites, mais on veut pas vivre complètement en banlieue on plus. » Une maison avec jardin là-bas ne sera pas donnée mais… Tout le monde sait que nous avons les moyens. « Tu as des photos des maisons que vous allez visiter ? » - « Pas encore. Je t’en enverrai pour que tu puisses te faire une idée. » Je ne suis pas le genre de jeune femme qui a besoin de l’avis de ses amies pour tout, certainement pas alors que celui de Damon comptera bien plus que celui de Shiloh, Jo ou Charlie, mais j’ai à cœur de ne pas donner l’impression à la jeune femme que je l’exclus de ma vie : elle est bien plus sensible que les deux autres demoiselles citées et j’en suis consciente. « Et comme on parle maison… Si jamais tu connais quelqu’un qui cherche une colocation. » - « Toujours pas de nouvelle de Trent, hein ? » Je ne cherche plus à dissimuler mon aversion à l’écart du jeune homme maintenant qu’il a abandonné Shiloh sans trop d’explication. Elle a perdu trop de temps mordue de ce type, si on me demande mon avis. Et elle a laissé derrière elle mon ancien appartement au loyer bien plus abordable. « J’ai personne en tête. Mais promis, si j’entends parler de quelqu’un dans ce cas, je t’en touche un mot. » Mon cercle de connaissance est plus restreint qu’autrefois, désormais, mais je garde l’information dans un coin de ma tête. « C’est vraiment qu’un pauvre type de t’avoir laissée comme ça du jour au lendemain. »

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Notre conversation jonglait d’une situation compliquée à une autre. Je ne voulais mettre la lumière sur mon histoire, ce n’est pas mon genre de détourner l’attention pour parler de ma petite personne. J’en ai les joues qui rougissent à l’idée, mais parler des mésaventures de Megan, m’avait amené à repenser à ma propre situation. « T’as bien fait de les garder. » Je ne sais pas si c’est le genre de souvenirs que l’on apprécie de conserver dans un coin, mais je l’avais fait. Comme pour assurer ma sécurité, ou plutôt celle des autres. Parce qu’il ne reste plus que cela qui m’obsède. Pas obtenir justice pour ma personne, j’ai déjà fait un trait sur cette idée, mais m’assurer que cela n’arrivera réellement jamais plus à qui que ce soit. « Je vois. Il faut pas le laisser s’en prendre à elle comme il s’en est pris à toi. » Exactement. Megan comprenait toujours où je voulais en venir de toute façon. « Tu sais que je peux t’aider. Je peux au moins te mettre en contact avec des journalistes que ton histoire intéressera. » Et une fois encore, elle me propose de me tendre la main, alors que sa propre vie a été bouleversée par bien des étapes ces derniers temps. « Ce serait gentil. » que je marmonne doucement alors qu’elle martèle encore une fois. « T’es pas toute seule. » Un fin sourire vint étirer mes lèvres, se rappelle me fera toujours chaud au cœur. « Je veux pas que tu t’engage encore dans quelque chose pour moi. » Il fallait qu’elle pense à elle, à son mariage, pas à moi. « Mais si tu pouvais juste me donner un nom, de quelqu’un en qui tu as confiance. » Je pourrais bien me débrouiller pour le reste. Je devais m’en sortir par moi-même. « Ce serait déjà super. » Et elle n’aurait pas besoin de s’inquiéter plus pour ma personne.

Je suis plutôt ravie de voir que l’on laisse de côté nos épreuves pour plutôt s’engager vers le futur. Megan avance avec Damon et j’aime à la voir imaginer la suite, acheter une maison et peut-être plus encore ? « C’est ce qu’on se dit, on verra bien avec les visites, mais on veut pas vivre complètement en banlieue non plus. » - « Oui, je comprends. » Partir en banlieue voulait forcément dire s’éloigner de la ville et donc se couper un peu du monde. Ce n’était pas le genre de Megan, pas encore tout du moins. Ils auraient bien le temps de s’éloigner plus tard dans leur vie commune. « Pas encore. Je t’en enverrai pour que tu puisses te faire une idée. » Ils n’en sont probablement qu’au début du processus et voilà que je la presse presque. « T’en fais pas tu as bien le temps. » que je lui rappelle dans un sourire. « J’espère que vous allez trouver votre bonheur en tout cas. » Ils méritent de pouvoir commencer un nouveau chapitre dans leur maison, probablement après avoir renouvelé leurs vœux de la manière la plus romantique qui soit.

« Toujours pas de nouvelle de Trent, hein ? » Je peux entendre la désapprobation dans sa voix et cela m’attriste dans le fond. « Des messages de temps en temps, mais rien de suivi. » Trent était parti un peu précipitamment, et même s’il m’avait promis que l’on garderait le contact, ce n’était plus la même chose désormais. Il me manque, à chaque jour qui passe, mais ce n’est pas quelque chose que j’arrive à exprimer librement. « J’ai personne en tête. Mais promis, si j’entends parler de quelqu’un dans ce cas, je t’en touche un mot. » Elle répond à ma question, mais ce n’est pas ce qu’elle veut dire, je le vois dans son regard. Megan a bien d’autres choses à commenter sur la situation. « C’est vraiment qu’un pauvre type de t’avoir laissée comme ça du jour au lendemain. » Voilà ce que j’attendais de sa part. « Il est parti pour ses enfants Megan. » Je n’allais quand même pas lui en vouloir de prendre soin des jumeaux. Il avait besoin de partir et je n’allais pas le suivre, il était hors de question que je chamboule à nouveau ma vie pour quelqu’un. « Je lui en veux pas. » Enfin, plus autant que les premiers temps. Il me manque certes, mais je ne peux pas pleinement lui en vouloir. Et surtout, je n’ai pas spécialement envie d’en parler, mais la séance n’est pas pour de suites et nos cafés ne sont même pas terminés. « Et puis… J’ai peut-être rencontré quelqu’un d’autre. » Parce que ça, je voulais déjà lui en parler la dernière fois que l’on s’est vu.

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« Je veux pas que tu t’engages encore dans quelque chose pour moi. Mais si tu pouvais juste me donner un nom, de quelqu’un en qui tu as confiance. » Si Shiloh combat ses propres démons seule, je n’ai pas l’intention de m’imposer ou d’en faire plus que ce qui est attendu de moi. C’est épuisant, et les miens le sont déjà assez. Jusque-là, je me suis toujours battue parce que je n’avais pas l’impression qu’elle était en mesure de le faire elle-même, mais elle a enfin l’électrochoc dont elle avait besoin pour se révolter pour les causes qui le méritent, ses causes et ses intérêts à elle, je serai la plus heureuse du monde. Nous sommes des adultes après tout, et je n’ai jamais eu l’intention d’aller contre sa volonté. Je ne dis pas que cela ne m’a pas traversé l’esprit après qu’elle ait baissé les bras, mais je ne suis jamais passée à l’étape supérieure. « Ce serait déjà super. » Je hoche la tête doucement. « Je passerai quelques coups de fil, pour voir qui peut être intéressé pour traiter le sujet. » Il y a longtemps que je n’ai pas eu à utiliser mes contacts. J’ignore où en sont les uns et les autres dans leurs carrières respectives, mais je trouverai bien quelqu’un, un requin flairant l’odeur du sang que cette histoire intéressera. « Si ça mord, je leur donnerai tes coordonnées et je leur dirai de prendre contact avec toi. » Je n’empièterai pas : j’ai compris et elle a raison, j’ai bien assez à gérer avec mes propres problématiques.

« Oui, je comprends. » Je jette un coup d’œil à ma montre, m’assurant que nous ne sommes pas en retard sur l’heure de notre séance de cinéma un peu particulière. « T’en fais pas tu as bien le temps. J’espère que vous allez trouver votre bonheur en tout cas. » - « Oui, l’avantage c’est qu’on a pas d’urgence à quitter l’appartement où on est. » Mais si je veux être honnête, j’admets que depuis que je sais que nous allons nous trouver un chez nous, je me sens un peu moins à la maison dans notre appartement à Spring Hill. C’est étonnant, cette hâte que je ressens à l’idée de rejoindre un nouveau foyer. « Et j’en connais un autre qui sera heureux de pouvoir courir dans un jardin. » Bowie, pas mon mari, de toute évidence. Je ne le précise pas, consciente que si j’étais en compagnie de Jo, elle ferait la plaisanterie elle-même, feignant de ne pas savoir de qui je parle entre les deux, mais que ce n’est pas le genre de ma meilleure amie.

« Des messages de temps en temps, mais rien de suivi. » - « Hum. » Ma désapprobation est palpable même pour qui manquerait de subtilité. Le grognement que je laisse échapper est empreint de tous le dédain que je peux ressentir à l’idée de ce soi-disant meilleur ami qui l’a abandonné sans aucune autre raison valable que la lâcheté. Lâcheté d’affronter les sentiments de Shiloh, lâche d’affronter qu’il n’était pas assez homme pour tenter sa chance avec elle et qu’il a préféré se taper une autre sous leur toit, lâche de plein de chose, si on me demande mon avis. « Il est parti pour ses enfants Megan. » - « Parce que c’est bien connu, Brisbane c’est pas un endroit où élever des enfants heureux. » Parti pour ses enfants, cela ne veut absolument rien dire. Pas quand il avait la possibilité de leur offrir le genre de vie qu’ils méritaient en restant ici, Shiloh était parfaite avec eux, qui plus est. Ce que je pense moi, c’est que les sentiments de Shiloh n’étaient pas réciproques ou pas assez pour qu’il veuille vraiment tenter quelque chose de sérieux, et qu’il était trop lâche pour l’avouer. « Tu l’as trouvé au lit avec une autre, ça vous a poussé à vous poser des questions sur votre relation et il a pas su gérer. Voilà ce qu’il s’est passé. » Je n’ai pas peur de dire la vérité crue ou, en tout cas, ma vérité crue. Il est temps que Shiloh cesse de l’idéaliser, de toute façon. « Je lui en veux pas. Et puis… J’ai peut-être rencontré quelqu’un d’autre. » Tant qu’elle ne l’idéalise plus en se disant qu’il est le parfait petit ami, cela me convient. De toute façon, ma curiosité est bien trop piquée par la suite de sa déclaration pour que je ne m’appesantisse sur ce looseur de Trent Higgins. « Attends attends… Comment ça t’as rencontré quelqu’un ? » Je me fiche de rater les bandes annonces, maintenant qu’elle a lâche ce genre de bombe sur la table.

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« Je passerai quelques coups de fil, pour voir qui peut être intéressé pour traiter le sujet. » Bien sûr qu’elle allait faire ça, maintenant que j’avais remis le sujet sur la table. Elle ne me forcera à rien Megan, mais je vois dans son regard qu’elle aime, au moins, le fait que j’ai reconsidéré tout ce qu’elle avait pu me dire après le procès. Il m’avait fallu un peu de temps pour tout digérer, pour réaliser que la partie judiciaire était terminée et que désormais tout le reste était entre mes mains. J’avais eu besoin de me réapproprier pleinement mon histoire, mon vécu, avant de m’autoriser un tel cheminement de pensées. « Si ça mord, je leur donnerai tes coordonnées et je leur dirai de prendre contact avec toi. » Je hoche la tête, déjà heureuse de savoir qu’elle va en parler. « Te fatigue pas avec ça, hein ? » Je ne voulais plus être un poids dans son quotidien, celle pour qui elle devait constamment s’inquiéter. Si je me suis tourné vers elle, c’est clairement parce qu’elle connaît le milieu et qu’elle est bien plus apte à faire la différence entre quelqu’un de compétent et un amateur qui voudrait juste obtenir un peu de lumière. « Si ça n’intéresse pas ceux en qui tu as confiance, alors c’est pas grave. » Je ne voulais pas en faire toute une histoire sans fin. Soit quelqu’un se trouve intéresser, soit… Je finirais par entrer en contact avec cette fille par moi-même. Je n’ai aucun désir à interférer directement dans la vie de Lawrence, ce n’est pas à lui que je pense, mais bien à cette fille bien trop jeune pour comprendre ce qui allait probablement lui arriver. « Je me sens prête à parler, mais tu as déjà tellement fait pour moi. Il est temps que le petit moineau prenne son envol. » Un sourire vint étirer mes lèvres, comme pour la rassurer, lui dire que je me sentais prête. À quoi ? Reprendre ma vie en main pour commencer. M’autoriser enfin à vivre sans constamment regarder par-dessus mon épaule même si, le réflexe restera encore.

Il est tout de même plus simple de détourner la conversation vers quelque chose d’un peu plus banal, comme on avait tant l’habitude de le faire auparavant. « Oui, l’avantage, c’est qu’on a pas d’urgence à quitter l’appartement où on est. » Ils ont tout le temps du monde pour trouver la maison qu’ils pourront considérer comme leur cocon. « C’est le plus important, de ne pas se précipiter. » Ils pourront s’assurer de leur choix et n’avoir aucun regret sur la décision finale. « Et j’en connais un autre qui sera heureux de pouvoir courir dans un jardin. » L’idée d’un Bowie se roulant dans l’herbe m’étire un sourire. Il serait bien plus heureux que dans un appartement, c’est certain. « Ce sera bien pour vous trois. » Après tout, une maison apporte bien plus de liberté, mais également de tranquillité.

Et dans la banalité de la conversation, Megan s’enquière de ma vie sentimentale. Je n’ai jamais eu besoin de verbaliser quoi que ce soit pour qu’elle comprenne le béguin que j’ai pu avoir pour Trent. Je n’ai pas eu besoin de lui raconter grand-chose non plus, pour qu’elle se fasse son opinion sur mon ami. « Parce que c’est bien connu, Brisbane c’est pas un endroit où élever des enfants heureux. » Un soupir m’échappe alors qu’elle ne se démonte pas pour donner son avis. L’excuse peut paraître faiblarde, mais il avait besoin de recommencer ailleurs, sans la pression de son ex petite amie dans les parages. Je l’avais compris, mais Megan s’était construit un avis différent. « Tu l’as trouvé au lit avec une autre, ça vous a poussé à vous poser des questions sur votre relation et il a pas su gérer. Voilà ce qu’il s’est passé. » Une fois encore, je soupire malgré moi. « Je l’ai pas surpris au lit avec une autre, on dirait qu’il m’a trompé quand tu dis ça comme ça. » Il ne se passait rien entre nous, je n’étais que sa colocataire, rien de plus. « Je lui ai jamais rien dit Megan, arrête de le dépeindre comme le méchant de l’histoire. » Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même après tout. J’avais aussi, choisi de prétendre que rien n’avait changé, je ne sais pas comment Trent l’avait interprété. On n’en a jamais reparlé et je n’ai pas l’intention de relancer la conversation désormais. « Il est parti de toute façon. Fin de l’histoire. » Même si je reste encore dans son appartement et que je galère pour payer le loyer. Après tout, cela reste mon problème.

Et il y avait peut-être bien quelqu’un d’autre qui occupe mes soirées, mais ça je ne lui en avais pas encore parlé. « Attends attends… Comment ça t’as rencontré quelqu’un ? » De suite, je sens mes joues rougir. « Rencontré c’est peut-être pas le bon mot. » Je redoute un peu ce qu’elle va penser de mes échanges avec Carl. « J’étais sur un forum et j’ai commencé à pas mal échanger avec l’un des membres. » Au début, nos échanges se cantonnaient aux limites du site après tout. « Il s’appelle Carl, il vit en ville aussi, mais on c’est encore jamais rencontré. » Est-ce que Megan allait nourrir ma suspicion et me dire de me méfier ? « On parle juste beaucoup. » Toujours via l’écrit même si je lui ai déjà proposé quelques appels vidéos pour le mettre à l’aise. « C’est pas une rencontre comme tu l’entendrais. » Je ne vais pas commencer à dire que j’ai des sentiments pour ce garçon, mais il dégage quelque chose de touchant et surtout qui a su me mettre à l’aise. « C’est facile de discuter avec lui et… Ça m’a fait du bien après le procès. » Ce n’était que la stricte vérité. « Je voudrais le rencontrer, mais il a l’air très timide. » Et en réalité, je crois que je commence à le devenir aussi. J’avais eu un élan de courage, mais désormais, je ne suis plus sûre de rien. « C’est pas grand-chose. »

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« Te fatigue pas avec ça, hein ? Si ça n’intéresse pas ceux en qui tu as confiance, alors c’est pas grave. » - « Ça me fatigue pas. » Je lui adresse un sourire rassurant, avant de porter mon verre à mes lèvres. « J’ai le film en ce moment, c’est vrai, mais au-delà de ça je te rappelle que j’ai pas de boulot. » Et puisque le tournage en lui-même ne durera que quelques semaines, pas même deux mois, je vais vite me retrouver désœuvrée jusqu’à la promotion du film qui ne constituera qu’en quelques avant premières, quelques photos par ci par là, et ce sera terminé, je redeviendrai la jeune femme au foyer que je suis depuis plus d’un an, et ça me fiche bien plus le cafard que d’aider Shiloh à foutre Lawrence à terre. « Je t’aiderais. Je m’arrêterai à la mise en contact - » J’ai à cœur de respecter sa volonté. « - mais ça, je le ferai comme il faut. » Shiloh est prête à relever la tête et je n’ai pas l’intention de l’aider à reculer lorsqu’elle réalisera ce qu’elle est réellement en train de faire – parce que c’est ce qui arrivera, ou en tout cas je serais prête à mettre ma main à couper qu’elle doutera à un moment ou à un autre. « Je me sens prête à parler, mais tu as déjà tellement fait pour moi. Il est temps que le petit moineau prenne son envol. » - « Et je suis contente que tu le fasses. » Qu’elle soit décidée à s’endurcir, même si c’est loin d’être gagné. « Mais oublie pas que je serai toujours là si t’as besoin. » Et que ça dépasse une simple redevabilité parce qu’elle m’a aidée quand j’étais toute gamine. Elle est ce qui se rapproche le plus d’une sœur pour moi.

« C’est le plus important, de ne pas se précipiter. […] Ce sera bien pour vous trois. »
« Oui, et on aura de la place. »

De la place pour quoi ? Pour l’instant, je ne sais pas vraiment ce que Damon avait en tête en me disant le même genre de chose. Lui comme moi avons laissé planer le douter qu’il subsiste entre accueillir de la famille ou des amis et songer à autre chose que juste nous deux. Du reste, tout le monde n’a pas forcément toujours envie de m’entendre parler de mon mariage et je n’ai pas envie d’être le sujet principal de cette conversation. J’ignore bien trop ce qu’il se passe dans la vie de ma meilleure amie et une par de moi est convaincu que je suis fautive pour ça, que j’ai été et suis bien trop centrée sur moi-même depuis des mois. « Je l’ai pas surpris au lit avec une autre, on dirait qu’il m’a trompé quand tu dis ça comme ça. » - « Il était au lit avec une autre, et vous étiez tous les deux plutôt surpris. Tu joues avec les mots. » Elle lui cherche des excuses parce que c’est qui elle est, Shiloh, elle est incapable de voir le mal chez les gens qu’elle aime. « Je lui ai jamais rien dit Megan, arrête de le dépeindre comme le méchant de l’histoire. » Je secoue la tête, désabusée qu’elle tente encore de le défendre alors qu’il lui a montré qu’il ne tenait pas tant à elle que ça, tout compte fait. Suis-je en compétition avec lui pour l’amitié de Shiloh ? Peut-être qu’il y a un peu de ça, mais quoi qu’il en soit, j’ai gagné haut la main maintenant. « Il est parti de toute façon. Fin de l’histoire. » - « J’ai pas dit que c’était le méchant ou un sale type. » Son ex gagne haut la main ce titre-là, Trent fait pâle figure à côté de Lawrence. « Mais j’ai dit qu’il était lâche et incapable d’agir quand c’est nécessaire. » Il a regardé Shiloh dépérir sans rien faire, pas même me prévenir, et pour ça je ne le pardonnerai jamais.

« Rencontré c’est peut-être pas le bon mot. J’étais sur un forum et j’ai commencé à pas mal échanger avec l’un des membres. » Je ne m’attendais pas à ce genre de démarrage, mais je tiens ma langue, déterminée à ne pas donner l’impression à la blonde que je n’ai toujours que du négatif à dire sur les gens qui font partie de sa vie. « Il s’appelle Carl, il vit en ville aussi, mais on c’est encore jamais rencontré. » - « Sérieux ? » C’est quel genre de prénom ça, Carl, si pas celui d’un mec de quarante ou cinquante ans qui cherche à se faire passer pour un mec de notre âge derrière l’écran ? Sois positive Megan me chuchote la petite voix dans ma tête, arrête de voir le mal partout. « On parle juste beaucoup. C’est pas une rencontre comme tu l’entendrais. C’est facile de discuter avec lui et… Ça m’a fait du bien après le procès. » - « Tu lui as parlé du procès ? » Je fronce les sourcils et, chassez le naturel, il revient au galop, je tente de comprendre quel peuvent-être les motivations de ce type. « Je voudrais le rencontrer, mais il a l’air très timide. » Red flag. « C’est pas grand-chose. » Je fronce les sourcils et pince les lèvres. « Tu lui as proposé une rencontre et il a dit non ? Ou ça c’est pas passé comme ça ? » Je déteste déjà l’idée d’être celle qui jette un froid et pointe du doigt ce qui peut être inquiétant dans cette situation. « Je veux pas être négative et passer pour celle qui sait pas ce réjouir pour toi mais… » Mais Shiloh est une colombe innocente et incapable de se protéger ; elle veut toujours voir le bon chez chacun. « C’est bizarre non ? Qu’il soit à Brisbane et qu’il refuse de te rencontrer en vrai. » Je porte mon verre à mes lèvres, et tourne ma langue sept fois dans ma bouche pour ne pas la blesser. « Sois prudente, c’est tout ce que je veux dire. Les gens sur internet sont pas toujours ce qu’ils prétendent être et certains prennent les jeunes femmes pour des cibles faciles. » Surtout s’il connaît son histoire et a entendu parler du procès. Bordel, il pourrait même s’agir d’un malade en manque de sensation fortes.

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@MEGAN WILLIAMS & SHILOH

« J’ai le film en ce moment, c’est vrai, mais au-delà de ça je te rappelle que j’ai pas de boulot. » Et même si elle en avait un aussi prenant soit-il, elle serait encore en train de me proposer son aide. Elle a toujours été comme cela Megan, surtout avec moi. « Je t’aiderais. Je m’arrêterai à la mise en contact, mais ça, je le ferai comme il faut. » - « Et je n’en doute même pas. » Elle allait me trouver quelqu’un, elle veut que je parle, que les horreurs de Lawrence sorte au grand jour, loin d’une cour de justice. Megan croit plutôt en ce genre de justice, la plus populaire, celle qui se nourrit d’une rumeur pour aller heurter le coupable bien plus fort que n’importe quelle décision de justice. « Et je suis contente que tu le fasses. » C’est elle qui m’avait donné l’élan après tout, j’avais eu juste ressenti le besoin de penser à tout cela avant de me lancer. « Mais oublie pas que je serai toujours là si t’as besoin. » Un sourire vint étirer mes lèvres. « Je sais Megan. » Elle sera toujours là, quoi qu’il arrive. Elle me la démontrer à tellement de reprises durant l’année. Je ne pourrais jamais l’oublier.

Si le sujet avait un peu dévié sur la nouvelle de leur recherche de maison, Megan s’était bien rapidement remise sur mon cas. J’avais deviné, depuis un temps, qu’elle rêvait de me donner son avis sur Trent. Cela devait la démanger depuis des semaines à en croire la rapidité de ses propos. « Il était au lit avec une autre, et vous étiez tous les deux plutôt surpris. Tu joues avec les mots. » Je lui en voudrais presque d’être aussi direct quand j’ai eu tant de mal à en venir au fait quant à toutes les émotions que j’ai pu ressentir après cette fameuse soirée. Cela avait sonné comme une trahison, de ne pas savoir qu’il était avec une fille, qu’elle était dans notre appartement alors que je n’avais aucune idée de son existence. « J’ai pas dit que c’était le méchant ou un sale type. » Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il jouait le mauvais rôle dans tout ça. « Mais j’ai dit qu’il était lâche et incapable d’agir quand c’est nécessaire. » Un soupir m’échappe consciente que je ne pourrais jamais la faire changer d’avis sur le sujet. « Il… » Qu’est-ce que je pouvais bien dire alors que si les rôles avaient été inversés, j’aurais probablement dit la même chose. « J’admets que j’aurais aimé pouvoir avoir une véritable discussion avec lui, mais bon… » Ce n’est pas comme si j’avais pu le retenir et ce n’est pas comme si j’allais lui courir après. « Il a fait son choix. » Je n’en faisais pas réellement partie. C’est un peu comme s’il m’avait rayé de sa vie et je n’ai plus à cœur de me battre pour ce genre de relation à sens unique.

Alors peut-être que je me suis quelque peu jeté dans une autre relation de manière un peu précipitée. Je n’en avais parlé à personne jusqu’à présent, mais je crois qu’une part de moi cherchait à avoir l’avis de Megan depuis bien longtemps. « Sérieux ? » Je hoche la tête, un peu nerveuse alors que je continue de lui faire un résumé de la situation. « Tu lui as parlé du procès ? » - « Un peu oui. » Enfin, peut-être un peu plus que cela. Je n’étais pas entrée dans tous les détails, mais il avait été mis au courant de ce qui c’était dérouler dans ma vie ces derniers temps. « Tu lui as proposé une rencontre et il a dit non ? Ou ça c’est pas passé comme ça ? » Le résumé me paraissait presque sommaire, mais le résultat se voulait pourtant être le même. « On a évoqué l’idée, mais je crois qu’il est vraiment nerveux à cette idée. » Je sens bien que Megan commence à devenir méfiante. « Il est très timide. » Est-ce que cela était mauvais signe ? Après tout, je ne sais rien de lui que ce qu’il a bien voulu me raconter. On ne s’est jamais vu, mais j’avais envie de lui faire confiance. Je n’ai jamais vraiment su faire autrement. « Je veux pas être négative et passer pour celle qui sait pas se réjouir pour toi mais… » Mais à ses yeux, je restais cette fille un peu trop naïve. « C’est bizarre non ? Qu’il soit à Brisbane et qu’il refuse de te rencontrer en vrai. » Je secoue la tête. « Il a pas vraiment refusé, ça le rend nerveux et je voulais pas qu’il soit mal à l’aise. » Il m’a parlé de tant de choses Carl, de tout ce qui faisait de lui quelqu’un de méfiant, d’un peu nerveux sur la moindre des situations. Je ne pouvais que le comprendre, mais c’était quelque chose d’assez difficile à retransmettre auprès de mon amie. « Sois prudente, c’est tout ce que je veux dire. Les gens sur Internet sont pas toujours ce qu’ils prétendent être et certains prennent les jeunes femmes pour des cibles faciles. » Je me sens soudainement mal à l’aise, comme une gamine qui venait de se faire reprendre par son père. « Tu penses que je devrais pas le voir. ? » Je baisse les yeux. « J’avais l’intention de faire ça dans un café, tu sais, pas chez moi ou quoi. » Dans un lieu public, sans laisser l’occasion à ce dernier de pouvoir me retrouver ailleurs que sur le net, mais la réaction de Megan me fait hésiter plus que jamais. « Je voulais juste… » Je joue avec la serviette posée sur la table. « C’est idiot laisse tomber. » Je n’ai plus aucune idée de comment faire des rencontres ou même si j’en ai véritablement envie. J’ai constamment la sensation d’être perdue, incapable de prendre une décision. Soit je ne fais confiance à personne, soit je fais trop confiance et on me dit de me méfier. « J’ai pas envie de finir seule, tu sais. »

we'll never be worlds apart
Megan Williams & @Shiloh Atkins ☆ crédit/raquelsgifs

« Il… J’admets que j’aurais aimé pouvoir avoir une véritable discussion avec lui, mais bon… Il a fait son choix. » - « Faut vraiment que t’arrêtes de laisser les gens te piétiner sans réagir. » Mon ton est un tantinet réprobateur quand, au fond, je n’en veux pas vraiment à mon amie. Je suis simplement fatiguée qu’elle trouve en permanence des excuses aux autres pour des comportements qui justifieraient qu’elle leur en veuille ; c’est à cause de ce genre de réflexe qu’elle se retrouve à tolérer le comportement de types comme Lawrence pendant bien trop de temps avant de prendre la fuite. « Je suis sérieuse Shiloh. T’as le droit d’être en colère et de pas le défendre ou lui trouver mille excuses. En plus, il t’a laissée en plan avec l’appart. » Ce qui est, à mon sens, le summum d’un comportement de goujat ; c’est ce qu’est Trent, à mes yeux, malgré des années à se prétendre le type parfait et bien sous tout rapport.

« Un peu oui. » L’inconnu est un peu au courant du procès et, moi, je prie de toute mon âme pour qu’il ne s’agisse pas d’un déséquilibré qui tourne autour d’elle à cause de ça, animé par la curiosité malsaine de ces gens qui ralentissent en voiture pour observer les dégâts causés par d’un accident de la route. « On a évoqué l’idée, mais je crois qu’il est vraiment nerveux à cette idée. » Nerveux de rencontrer la fille avec laquelle il discute, ou nerveux parce qu’il n’est pas celui qu’il prétend être ? On parle d’une rencontre sur internet, personne ne peut m’en vouloir d’envisager que Shiloh soit la cible de quelqu’un de mal intentionné. « Il est très timide. » - « Tu l’as déjà vu quand même  ? En visio, pas uniquement en photo ? » Autrement dit, a-t-elle la preuve qu’il est bien celui qu’il prétend être ? Qu’elle le confirme me rassurerait et, si je n’ai pas le droit ou la légitimité pour faire de l’ingérence dans sa vie, je ne peux pas m’empêcher de la considérer comme trop naïve pour son propre bien et de m’octroyer celui de veiller sur elle et de la protéger. « Il a pas vraiment refusé, ça le rend nerveux et je voulais pas qu’il soit mal à l’aise. » Il n’a pas dit non, mais j’imagine déjà qu’il a su comment prendre la blonde par les sentiments pour qu’elle retire sa proposition, ou en tout cas qu’elle laisse couler le sujet. Je connais ma meilleure amie, je sais que, étant empathique, il n’a pas dû être bien compliqué pour l’inconnu de la pousser à se sentir obligée de faire comme si elle n’avait rien dit, rien proposé. « Tu penses que je devrais pas le voir ? J’avais l’intention de faire ça dans un café, tu sais, pas chez moi ou quoi. » - « C’est pas ce que j’ai dit. » Même si, au fond, c’est un peu ce que je pense. Mais je ne suis pas protectrice au point de lui dicter sa conduite, même si j’aimerais parfois qu’elle ouvre les yeux sur le monde qui nous entoure. « Si tu le fais, tu as raison, il faut absolument que ce soit en public. Dans un endroit que tu connais, pour que tu puisses facilement t’extirper de là s’il est pas celui qu’il prétend être. » Où elle connaît le personnel et peut se reposer sur eux. « Sois prudente c’est tout. Je veux pas qu’il t’arrive quelque chose, et timide ou pas timide, c’est jamais sans danger de rencontrer quelqu’un sur internet. » Parce qu’on ne connaît au fond pas les gens qui se cachent derrière un écran, quand bien même il aurait bien l’âge et l’apparence physique qu’il dit avoir. « Je voulais juste… C’est idiot laisse tomber. » Ses doigts jouent nerveusement avec une serviette en papier, et je tends mes mains dans sa direction pour attraper les siennes et contenir sa nervosité. «  J’ai pas envie de finir seule, tu sais. » - « Tu finiras pas seule, c’est impossible. » Elle est jolie, elle est jeune, elle est sociable, gentille et agréable. Beaucoup d’hommes seraient fiers et heureux de l’avoir à leurs côtés. « Et c’est pas idiot. Je te dis juste de faire attention et de pas trop t’emballer avant de le connaître vraiment, ce type, c’est tout. » Je préfèrerais qu’elle en trouve un autre mais, à être trop sévère, je vais finir par la braquer ou la faire fondre en larmes. « T’es une fille géniale. Y’a aucun monde où tu pourrais finir seule. » Je songe un instant aux hommes de mon entourage, mais j’en fais bien rapidement le tour sans en trouver un digne de ma meilleure amie. Par contre, mon petit ami termine ses études et est entouré d’une classe de bons partis. Pour l’amuser – et un peu sérieusement aussi – je dépose sur la table une proposition. « Je peux demander à Damon d’organiser une soirée avec ses potes de promo pour la fin de leurs études. T’aurais l’embarras du choix comme ça. » J’esquisse un sourire amusé et, après avoir exercé une dernière fois une pression rassurante sur sa main, je la relâche. « Le film va pas tarder à commencer, je vais régler l’addition et on y va ? » Moi, je ne veux laisser à aucune homme – que ce soit Saül, Lawrence ou Trent – le pouvoir de gâcher cette virée prévue de longue date pour voir un film que nous aimons beaucoup toutes les deux, mais puisqu’elle a l’air bouleversée, je m’assure tout de même que c’est également son cas. « Tu veux toujours voir le film, hein ? »