AIN'T RUNNING FROM MYSELF NO MORE LOGHAN & CONSTANCE
Cela fait une semaine. Pas de nouvelles, pas de messages, pas une visite. Le calme plat. Le silence radio. Je suis presque en état de mort cérébral. Je ne fous absolument rien. Je n’ai plus le goût de rien. Je me lève de nouveau à des heures normales, bien que fort matinales quand même. Je mange des flocons d’avoine dans du lait presque caillé, une bouillie absolument dégueulasse. Puis je regarde la télé, je fais un jogging, je bouquine, je lis des articles. Puis je bouffe n’importe quoi. Toute la junk-food du monde est passée sous mes doigts cette semaine. Ajouté à ça le fait que j’ai de plus en plus mal au ventre, je crois que je ne vais pas passer le mois. J’ai tout le temps des nausées et des migraines. Je suis malheureuse. Il me manque, tous les jours, à toutes les minutes de toutes les heures de cette putain de vie. Et je ne peux rien y faire, parce qu’il en a décidé ainsi. Il l’a dit, ce n’est qu’un connard et je ne mérite pas ça. Je suis d’accord avec lui mais ça me fait terriblement mal. Je me suis attachée à lui par la force des choses et devoir revenir à une existence sans but m’est insupportable. Pour couronner le tout, j’ai eu la connerie de vouloir démissionner. D’un côté, ça me permet de ne pas rechuter. De l’autre, j’ai quand même trouvé le moyen de mener une existence minable. Au lieu de rebondir, comme tout le monde, je me renferme. Je me renfrogne. Parce qu’il était la seule chose qui me motivait à me lever, à marcher, à exister. Mais aujourd’hui ça ne va pas. Plus que les autres jours. J’ai passé une nuit abominable, tiraillée de partout. Alors j’ai pris rendez-vous chez le médecin. Quitte à mener un train de vie de merde, autant prendre des médicaments pour me soulager un peu le corps. J’enfile un leggings et un sweatshirt et il ne me faut que dix petites minutes avant d’arriver dans le cabinet. Le médecin me reçoit vite. Il me pose des questions, prend mes paramètres puis commence à me palper. À me palper très bizarrement. Il finit par me prescrire une ribambelles de médocs ainsi… qu’un test de grossesse. J’aurais peut-être pas dû lui dire que je prenais ma pilule une fois toutes les dix lunes. Mais enfin, on ne sait jamais. Je fais un crochet par la pharmacie du coin puis rentre chez moi. Je tremble un peu en découvrant la boîte contenant le fameux test mais je balaye directement l’idée d’être enceinte. Ce n’est tout bonnement pas possible. J’ai déjà vécu assez de merdes dans ma vie pour que le destin n’en rajoute. À moins que ce dernier ne veuille ma mort… Auquel cas, il l’obtiendrait plus vite que prévu. J’allume la télé pour avoir un bruit de fond, je déteste me retrouver dans le silence, ça me fait trop réfléchir. Je respire un grand coup et me décide à aller dans ma salle de bains. Je déplie la notice du test de grossesse et la lit à la va-vite. Je sais que je dois pisser dessus, y a pas besoin d’écrire un roman pour l’expliquer. Je m’exécute et laisse la petite plaquette reposer. Je vais ensuite me chercher une bière dans le frigo, histoire d’accueillir la nouvelle comme il se doit. Dans tous les cas je me bourre la gueule, je n’ai rien de mieux à faire. Je la descends en cinq minutes puis retourne dans la salle de bains pour être fixée sur mon sort. J’attrape la plaquette et interprète le petit signe. Bon, très bien. Je retourne dans la cuisine et attrape carrément le pack de bières dans le frigo pour ensuite me poser sur mon fauteuil. Je passe toute l’après-midi à boire et à insulter les gens qui passent à la télévision, pour mon plus grand plaisir. Je fume aussi tout un paquet de cigarettes, accessoirement. Il est dix-neuf heures quand une idée s’impose à moi. Je suis totalement sous l’emprise de l’alcool, donc toute raison a disparu de mon corps. Je file dans ma chambre pour cette fois-ci enfiler quelque chose de plus convenable. Un jean, une chemise de type bucheron et des baskets. Mes pieds me guident ensuite sans que je n’émette la moindre réserve vers l’Electric Playground, cet endroit si familier. J’entre dans la boîte après avoir salué le vigile. Les serveurs commencent à nettoyer, à rendre l’endroit attractif. Je me dirige machinalement vers le bureau de Loghan et je remarque que la porte est entrouverte. Il est là et je l’entends parler au téléphone. Personne n’a l’air d’être avec lui. Je reste plantée là, à écouter le son de sa voix me réchauffer le coeur avant de pousser la porte et de faire une entrée théâtrale. Il me regarde, l’air ébahi. Il ne s’attendait surement pas à me voir. Moi non plus d’ailleurs. Je me dirige vers son bureau et m’assois sur la chaise en face de lui. Mon sac…. - tiens, j’ai pris un sac? – cogne contre la surface du bureau en faisant un gros bruit. J’ai du oublier mais j’ai ramené quelques victuailles pour mon cher… ex-amant. Je sors une bière de mon sac, l’air toute euphorique et la tend vers Loghan. « En toute amitié ! » Je lui fais un grand sourire avant d’en sortir une autre pour moi. Il me regarde avec un drôle d’air et ça m’amuse.
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J’aimerai que le temps passe plus vite. C’est dingue ça quand même, les heures semblent être des minutes. Depuis que j’ai vu Constance la dernière fois, c’est à dire il y a à peine plus d’une semaine, j’ai vraiment du mal à me remettre de toute cette histoire. Tout tourne sans cesse dans ma tête, c’est un bordel sans nom là dedans. Déjà que ça l’était avant, alors là c’est devenue une vraie cacophonie. « Loghan, ça va ? » Regardez-là celle là qui minaude avec ses grands yeux de biches. Et j’ai même pas envie de la sauter. C’est bien que je vais mal. « On a pas élevé les cochons ensemble que je sache ! Alors appelez-moi Mr Wellington. Si vous ne voulez pas perdre votre job, Sophie. » Je lui adresse un sourire forcé, qui laisse entendre que je ne l’aime pas. De toute manière, j’ai plus envie d’aimer personne ici. Je sais même pas pourquoi j’ai embauché cette fille. ‘parait qu’elle est jolie, mais même ça j’ai presque du mal à le voir. Dans ma tête, il n’y a que Constance, et ça commence à me faire gravement chier. Depuis sa démission, tout semble tourner à l’envers, et ici, c’est le bordel, plus que jamais. A croire qu’elle arrivait à mettre un certain équilibre. Et puis, les autres employés l’aimaient bien. Je me laisse tomber dans mon fauteuil en soupirant avant de prendre ma tête entre mes mains. J’ai bien dû doubler ma consommation de cocaïne cette semaine, et ça ne me réussit pas tellement. Je suis sur les nerfs, impulsif, je me suis déjà pété un doigt en frappant dans un mur our éviter de dégommer la tête d’un client. Quand je vous dis que ça va pas bien. Le téléphone sonne et je réponds, en boîte automatique, l’esprit complètement ailleurs. De toute manière, je n’ai plus envie de rien faire, si ce n’est rester chez moi jour et nuit. Ah si, une bonne chose, j’ai repris le sport de manière plus intensive. Ça m’aide un peu à me vider la tête. C’est au moins ça de pris. J’écoute mon client au bout du fil sans vraiment l’écouter, je lâche des onomatopées de temps en temps, et ferme les yeux en laissant tomber ma tête contre le dossier du fauteuil. Et puis soudain, la porte s’ouvre, machinalement, je fronce un peu les sourcils, parce que je n’aime pas être dérangé, mais lorsque mon regard se pose sur Constance, je change complètement de tête. La surprise. Parce que oui, je ne pensais jamais la revoir. J’essaie alors de mettre fin à mon coup de fil alors que la jeune femme s’installe déjà en face de mon bureau, sur une des chaises. « Oui, très bien, écoutez on essaie de voir ça ensemble la semaine prochaine, une fois que j’aurai réglé ça avec mon investisseur. Merci. Bonne soirée. » Je raccroche, sans avoir lâché Constance du regard. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Je la regarde fouiller dans son sac et elle en sort une bière qu’elle me tend. « En toute amitié ! » Mon regard glisse sur la bière, alors qu’elle en sort une autre pour elle. Je fronce un peu les sourcils et penche la tête sur le côté. Je sens bien que quelque chose ne va pas. Elle est… bizarre. « Euhm… merci. Mais… t’es sûre que ça va ? Enfin… qu’est-ce que tu fais là ? » D’un coup je vois qu’elle perd un peu son euphorie et je lui souris tendrement. « Ça me fait plaisir de te voir, mais je m’attendais pas à ta visite… comment tu vas ? » Broutilles. Toutes ces phrases qui ne servent à rien à part meubler. De toute manière, je ne vais pas lui dire que je n’ai pensé qu’à elle pendant toute cette semaine hein ? Ça rimerait à quoi. Non non non, elle est bien mieux sans moi. Mais pourquoi elle est là ?
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Je suis ravie de mon petit effet de surprise, je jubile à l’intérieur. Sauf que je sais que cet effet sera de courte durée si je m’arrête de boire. Je crois d’ailleurs que c’est pour ça que mon subconscient m’a fait prendre quelques bières dans mon sac, histoire que je prolonge mon état second. Pour tout dire, je crois que j’en suis arrivée au bout, que mon corps a décidé de se bouger, qu’il en avait marre de se traîner des heures à rien foutre. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi mes pieds m’ont ramené près de celui que je dois à tout prix éviter. Ah si, paraît que je suis enceinte. Enfin, c’est le test qui le dit, pas moi. Je n’y crois pas une seule seconde mais une infime partie de mon cerveau m’a guidé à l’Electric Playground pour partager la nouvelle. Bonne ou mauvaise? J’opterai pour la seconde proposition. Et puis, je ne sais même pas si cette chose est de Loghan. Je pense bien que oui, puisque l’on ne se protégeait plus, à la fin… Et Bryan, lui, a toujours mis un point d’orgue à enfiler un petit bout de plastique. Il a eu raison de ne pas me faire confiance. Putain, je suis enceinte. Enfin non, je ne suis pas enceinte. Y croire ce serait l’accepter et je ne peux pas accepter un truc pareil. N’empêche, je ne comprends pas ce putain de destin. Je n’ai jamais pu tomber enceinte de feu mon mari et voilà qu’une petite sauterie de quelques mois m’engrosse? Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel? Je tends une bière à Loghan, qui me regarde toujours d’un air suspect et je ne peux m’empêcher de lui lancer un sourire carnassier. Je ne sais pas comment je vais lui annoncer la nouvelle, mais je crois que l’alcool aidant, ça devrait vite pouvoir passer. « Euhm… merci. Mais… t’es sûre que ça va ? Enfin… qu’est-ce que tu fais là ? » Je décapsule ma bière avec mes dents, talent caché qui tire une grimace à Loghan. Je peux faire plein de choses étranges une fois que j’ai un verre dans le nez et je crois qu’il n’en a pas encore fait l’expérience. Très bien, ça lui fera plein de nouvelles choses à découvrir ce soir. Je bois une longue gorgée de ma bière en tendant l’index vers Loghan comme pour lui dire de patienter. Je respire ensuite un grand coup et essaye de paraître la plus naturelle possible. « J’avais envie de te voir, donc je l’ai fait. Et j'suis contente de voir que t'as pas encore mis des portiques anti-Constance à l’entrée! » Je secoue la tête en lui souriant et il me regarde d’un air dépité. Bon, je crois qu’il a compris qu’il y a un truc qui cloche chez moi. Je baisse les yeux vers ma bière l’air penaud. Il m’a démasquée trop vite. « Ça me fait plaisir de te voir, mais je m’attendais pas à ta visite… comment tu vas ? » Je suis quand même contente de voir qu’il n’a pas perdu ses bonnes manières. Dans une situation normale, je l’aurais envoyé balader de me poser des questions aussi bateau. Mais là, je sais pas, j’ai l’impression qu’il faut que l’on discute en douceur avant que je ne lâche la bombe. « Ça roule, moi, comme d'hab. Et oui, j’ai craqué. Mais ça veut pas dire que tu me manques hein, je voulais juste voir si tu tenais le coup sans moi! » Je ris avant de me lever pour faire un tour dans le bureau. Je ne tiens pas en place. Et en plus de ça, je descends ma bière encore plus rapidement que toutes les autres. Je finis par me poser sur le fauteuil si familier, avant de jeter lourdement mes jambes contre la table basse en face. Confortablement installée, je tape ma main contre le fauteuil pour inviter Loghan à s’asseoir près de moi. « Viens là! » Je lui lance mon plus beau regard de biche et cligne des yeux avec exagération, ce qui a le don de le faire sourire. Il doit vraiment me prendre pour une folle.
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Cette fille a changé ma vie. Evidemment, Kelya aussi a changé ma vie. C’est grâce à elle que je suis ici, à Brisbane, que j’ai quitté mon Angleterre natale, pour la retrouver, pour changer de vie aussi. Et puis en rencontrant Constance, j’ai appris. Appris sur moi, appris sur la vie. J’ai compris. Compris que je pouvais développer des sentiments pour quelqu’un. Malheureusement, j’ai compris aussi que je n’étais fait pour personne, si ce n’est pour toutes ces femmes de passage qui ont partagé mon lit, quelques heures dans mes bras pour finir par quitter mon existence. Mais Constance, Constance… La voir ici aujourd’hui me soulève le coeur, parce que j’avais bien peur de ne jamais la revoir après ce que je lui ai dit la dernière fois. Oui, ça me fait plaisir qu’elle soit venue, mais ça me fait peur aussi. Je ne connais pas la raison, et son état étrange m’inquiète un peu. Je la regarde, presque choqué, alors qu’elle décapsule sa bouteille de bière avec ses dents. Ok, visiblement, elle n’en est pas à sa première de la soirée. Je décapsule la mienne à l’aide d’un briquet, et j’en bois une gorgée, attendant qu’elle me réponde. « J’avais envie de te voir, donc je l’ai fait. Et j'suis contente de voir que t'as pas encore mis des portiques anti-Constance à l’entrée! » Je soupire un peu et secoue la tête. N’importe quoi. Des portiques anti-Constance… elle ne sait plus quoi inventer. « Ça roule, moi, comme d'hab. Et oui, j’ai craqué. Mais ça veut pas dire que tu me manques hein, je voulais juste voir si tu tenais le coup sans moi! » Je suis soufflé par son discours. Je la regarde se lever et la suis des yeux, avant de me racler un peu la gorge, ne sachant pas trop quoi dire. « Je… oui, je tiens le coup. J’ai du mal à trouver quelqu’un pour te remplacer… » Je parle de la boîte, avant de parler de moi, de ma vie, de mon manque d’elle dans tous les pores de ma peau. Elle s’assied sur le canapé, canapé qui nous a accueillis plus d’une fois, et elle tapote sur l’assise pour me demander de la rejoindre. « Viens là! » Elle ne tient pas en place, je ne l’ai jamais vue comme ça. Son regard me fait craquer, et je ne lui résiste pas. Je me lève de mon fauteuil pour me rapprocher d’elle et viens finalement m’asseoir près d’elle. Son regard me fait sourire, je ne sais pas exactement combien elle a vu, si elle a pris quelque chose, mais elle est définitivement pas dans son état normal. « Tu as bu combien de bières avant de venir ? » je lui souris, pour faire passer la pillule, et puis finalement, c’est pas méchant, mais je m’inquiète un peu pour elle. Je viens remettre une mèche de cheveux derrière son oreille. « T’es sûre que tout va bien Constance ? Tu m’inquiètes un peu… » Je grimace un peu, je ne sais pas pourquoi je me comporte comme ça avec elle, je devrai sûrement être le mec imbuvable que je lui avais promis d’être, pour qu’elle arrête de venir me voir, pour qu’elle arrête d’espérer quoi que ce soit. Non, non je ne suis pas un mec pour elle. Putain, Loghan, arrête tes conneries ! J’ai envie de me foutre des baffes ! Je retire assez rapidement ma main qui avait pris ses aises sur la joue de Constance, et je me racle un peu la gorge avant de soupirer. « Je m’inquiète pour toi, je t’ai jamais vue comme ça… » Cela dit, c’est pas comme si je la connaissais sur le bout des doigts non plus…
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Il est mal à l’aise. Je le sens dans sa voix, je le vois dans son regard. Il ne s’attendait certainement pas à me voir, ni maintenant, ni jamais. Je suis quand même satisfaite de ma venue inopinée, même si au fond le but de celle-ci est loin de me réjouir. « Je… oui, je tiens le coup. J’ai du mal à trouver quelqu’un pour te remplacer… » Je fais les cent pas dans le bureau et l’écoute se racler la gorge. Il n’est pas dans une position confortable, je le sens bien. Mais il ne dit rien. Je sais qu’il ne me dira jamais rien. Je ne saurai jamais si je lui ai manqué, s’il pensait à moi pendant ces longs jours de peine, s’il avait eu envie de m’envoyer un texto ou bien s’il avait eu tout simplement envie de me voir. Il est comme ça et c’est pour cette raison que je me suis éprise de lui. Son côté mystérieux, sa férocité d’apparence, tout ça m’a fait tomber pour lui. Et tomber bien bas, à en juger par ce que je suis devenue. Je fais volte-face et le regarde dans les yeux. « Je suis irremplaçable, monsieur Wellington. » Il me lance un sourire gêné et je ris à mon tour devant tant de complaisance. Je finis ensuite par m’installer sur le fauteuil et lui fais signe de me rejoindre. Il s’exécute, l’air amusé par ma petite comédie. « Tu as bu combien de bières avant de venir ? » Je roule des yeux avant de lancer dans un soupir: « J’sais pas, peut-être un pack entier… J’en…avais besoin. » Il me regarde d’un drôle d’air, il doit surement croire que je déprime depuis notre fameuse altercation. S’il savait ce qui se cachait par-delà mon chagrin… Il se rapproche un peu plus et se permet de replacer une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. « T’es sûre que tout va bien Constance ? Tu m’inquiètes un peu… Je m’inquiète pour toi, je t’ai jamais vue comme ça… » Je hausse les épaules. Je ne sais pas si je dois lui dire maintenant, ou si je dois attendre de l’avoir rendu ivre et/ou drogué. N’empêche, ce genre de nouvelles, il faudrait mieux l’apprendre quand on est sobre, histoire de s’en rappeler un minimum. Je le regarde dans les yeux sans ciller avant de me mordre la lèvre inférieure. J’ai peur. Peur de sa réaction, peur de le rendre fou, peur de le voir à nouveau tourmenté. Je me dis que je devrais peut-être garder ça pour moi, me taire et m’éclipser de sa vie à jamais. Sauf que les litres de bière que j’ai ingérées ne sont pas de cet avis. « J’suis pas venue par hasard, Loghan… J’ai un truc à te dire... » Il est pendu à mes lèvres, comme s’il savait que quelque chose de terrible allait sortir de ma bouche. J’avale le reste de ma bière en une traite et prends une grande respiration. « J-je…je… » C’est bloqué, ça ne veut pas sortir. Je remarque que Loghan s’impatiente et le stress commence à monter en moi. Je finis par lâcher dans un souffle: « J’suis enceinte, putain. » Je baisse immédiatement les yeux, comme si je m’étais confessée d’un crime grave. Je redoute tellement sa réaction.
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Constance semble comme un lion en cage, elle n’arrive pas à rester en place, c’est comme si elle avait besoin de bouger sans cesse pour éliminer un stress visiblement trop présent. Je ne la quitte pas les yeux, bien trop secoué encore par sa visite impromptue. « Je suis irremplaçable, monsieur Wellington. » J’esquisse un mince sourire. Elle a raison, c’est bien ça le pire. Elle est irremplaçable. Ça me tue de l’avouer, mais elle a bel et bien raison. Elle me demande finalement de la rejoindre et je ne me fais pas prier, m’exécutant sans broncher jusqu’à la rejoindre et m’asseoir près d’elle. Je lui demande combien de bières elle a bu. « J’sais pas, peut-être un pack entier… J’en…avais besoin. » Je soupire légèrement. Je n’aime vraiment pas la voir comme ça, et je ne me cache pas pour le lui dire. Je crois ne l’avoir jamais vue aussi alcoolisée. Elle hausse nonchalamment les épaules et finit par me regarder, après avoir attendu quelques secondes pour le faire. Je plonge alors mon regard azur dans ses iris noisette et mon coeur se met à battre un peu plus fort. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu’il y a quelque chose, que sa visite n’est pas le fruit du hasard. Elle a quelque chose à me dire, c’est sûr maintenant. « J’suis pas venue par hasard, Loghan… J’ai un truc à te dire... » Bingo. Je serre un peu les mâchoires, parce qu’à la façon dont elle annonce ça, ça n’a pas l’air d’être réellement une bonne nouvelle. Je fronce un peu les sourcils mais ne lâche pas son regard, duquel je m’imprègne avec intensité. Je la regarde avaler la fin de sa mère et je lève un peu les yeux au ciel, avant de me racler la gorge pour lui montrer mon impatience. « Constance qu’est-ce qui se passe ? » « J-je…je… » Allez, je t’en supplie Constance, lâche le morceau, je ne vais pas tenir longtemps à attendre de cette manière. Et puis, sans que je m’y attende vraiment, elle lâche la bombe. « J’suis enceinte, putain. » Son regard fuit immédiatement le mien, et je reste pour ma part complètement bloqué, immobile, contracté dans tout mon corps. En une fraction de seconde, je me remémore tous ces instants partagés avec la jeune femme, tous ces moments intimes, puissants, et non protégés. Putain, c’est pas possible. « Nan. » Je me recule un peu et me lève même d’un seul coup, passant mes mains dans mes cheveux avant de marcher dans la pièce. « Nan nan nan nan c’est pas possible. » Pas encore, pas un autre gamin, j’ai bien assez de Sara qui pollue ma vie, pas un autre gamin. Je suis pas fait pour être père putain ! Mais quel con. « Combien de fois t’as fait le test ? T’as fait une prise de sang ? T’es sûre ? » A cet instant précis, je ne pense qu’à moi, à ma vie qui va basculer une nouvelle fois. Egoïste. Alors que je sais, au fond de moi, que j’ai merdé, je suis en tord, j’aurai dû me protéger. Nous protéger. « Putain Constance, tu prends pas la pilule ? » Mais quel connard…
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Voilà, c’est la panique. Ma phrase a déclenché la guerre atomique. Une véritable bombe. Le napalm se déverse sur toute la pièce, touchant Loghan au plus profond de son être. Il est interloqué, pire, choqué. Il me regarde avec de grands yeux, il cherche ses mots. Moi aussi je suis mal à l’aise, même si rien ne transparaît derrière cette façade alcoolisée. Je n’aurais pas du autant boire. Je me donne encore une fois en spectacle, sans vraiment le vouloir. Je ne suis qu’une épave, à me cacher derrière les effets de l’alcool pour éviter d’affronter pleinement la vérité. La réalité. Mes yeux fixent les chaussures de mon ancien amant. J’arbore un air penaud, je crois qu’en réalité je ne suis pas vraiment soulagée. « Nan. Nan nan nan nan c’est pas possible. » Il se lève et je ne peux détourner mon regard de lui. J’ai peur qu’il pète les plombs. Il pourrait même me gifler d’une telle insouciance, même si je doute qu’il le fasse. Il fait les cent pas, son cerveau étant surement en train d’envisager l’inenvisageable. Je lui fais revivre un enfer, comme si sa vie n’avait déjà pas connu son lot de malheurs. « Combien de fois t’as fait le test ? T’as fait une prise de sang ? T’es sûre ? » Il me fixe avec insistance et je bredouille quelques mots. « Ou…oui, j’suis sûre. J’ai pas arrêté de gerber, j’me suis dit que quelque chose clochait… » Je ne termine pas ma phrase, parce que je ne sais tout simplement pas comment expliquer une chose pareille. Je n’ai même pas envie de l’expliquer. Il fallait juste qu’il soit au courant, qu’il partage ce sentiment de merditude extrême dans laquelle je me trouve. Et encore, il a le bon rôle lui, c’est pas lui qui le porte. Je soupire. « Putain Constance, tu prends pas la pilule ? » Je hausse les épaules et prends mon visage entre mes mains avant de me lever d’un bond du fauteuil et de m’approcher à la hauteur de Loghan. « J’sais pas, j’ai du louper quelques jours. Je suis déboussolée, Loghan. Je sais pas ce qu’il m’arrive… » Nous nous regardons quelques secondes. « Putain… Qu’est-ce qu’on va faire? » Je détourne mes yeux du regard perçant de Loghan et me dirige vers le bureau où j’attrape mon sac. J’en sors une cigarette et me dirige à nouveau vers mon interlocuteur. « Je crois qu’il vaut mieux que j’y réfléchisse de mon côté. » Sa bouche s’ouvre dans un Ô de surprise. « Euh, j’ai quand même mon mot à dire, tu crois pas? » J’allume ma cigarette et en tire une longue bouffée. « Je suis capable d’élever un enfant toute seule, t’en fais pas pour moi. Je te promets de ne pas être un boulet… » Ce dernier mot flotte en l’air durant quelques secondes. Je m’approche de lui et lui dépose un léger baiser sur la joue avant de m’en aller. Une fois dehors, je ne peux me retenir de pleurer…