the wolf's at the door with the teeth and the claws
ft  @Nina Craine  

Il comptait les jours sans même s’en rendre compte. En consultant son téléphone et en y voyant la date inscrite en toutes lettres, en attrapant le dossier d’un patient où figuraient le jour et le mois. Diego se rapprochait un peu plus d’une date anniversaire qui l’empêchait de chasser de son esprit le drame familial qui le plaçait actuellement dans une impasse. Le mois d’Octobre allait débuter sur une note morose alors que la première chose qu’il ferait pour le commencer serait d’aller rendre visite à Maria. Une toute petite tombe fleurie où le poids de son échec à la sauver l’empêcherait presque de se tenir droit. Alors il était un peu plus incisif qu’à l’habitude avec les stagiaires qui ne devenaient que des pions qui s'immiscaient dans ses faits et gestes et un peu moins tolérant sur les remarques de ses collègues. Diego doutait depuis maintenant plus d’une année et l’anniversaire de la mort de sa petite soeur était venu lui montrer qu’il luttait depuis trop longtemps et la fatigue le submergeait.

La salle de pause était devenue son échappatoire et Diego appréciait de pouvoir s’y retrouver. Sa présence dans les lieux signifiait qu’il avait réussi à s’accorder quelques minutes de répit et c’était plutôt bon signe, il était difficile pour lui de privilégier sa tasse de café à ses jeunes patients qui adoraient sa présence. Bien plus qu’un oncologue, il enchaînait les casquettes auprès d’eux, tantôt confident, tantôt oncle blagueur et c’était ces moments de joie qui dissimulaient bien difficilement la réalité des choses qui le faisaient tenir. Des moments qui se rejouaient dans son esprit alors qu’il se tenait debout face à la fenêtre, sa tasse de café fumante en main. Il attendait qu’elle refroidisse, les yeux fixés sur la verdure extérieure, s’efforçant de ne pas penser au fait que certains de ces enfants ne la verraient probablement plus jamais. Le médecin aurait pu rester ainsi pendant de longues minutes, à prendre le temps de souffler tout en faisant le point sur sa carrière, s’il n’avait pas été dérangé par un bruit sourd qu’il n’avait pas eu le temps d’assimiler avant de sentir une main lui frapper l’arrière du crâne. Ca, c’était nouveau. Dans la surprise, sa main avait lâché sa tasse qui s’était brisée par terre après avoir déversé son contenu sur sa blouse.  « Joder ! » avait-il presque hurlé avant de souffler, réalisant qu’il était sur un lieu neutre où il était obligé de se contenir. « J’ai l’air d’une princesse en détresse ?! » Le mexicain avait mis sa main sur l’endroit de l’impact et l’avait frotté tout en se retournant lentement pour faire face au regard noir de Nina. « Non, d’une hystérique ! » Le charisme de Nina était indéniable et il avait appris à la respecter en tant que médecin avant de devenir son ami mais elle avait dépassé les limites et il n’allait pas s’écraser de la même façon que sa tasse sur le sol. « Bon sang qu’est ce qu’il te prend ? » Ils en avaient eu des différends, le sujet de polémique étant assez souvent le même, mais il savait que dans ce geste, Nina avait libéré toute une frustration provenant de différentes sources. « J’ai pas de blouse de rechange… » Et celle-ci était totalement maculée de café et il se trouvait chanceux de l'avoir versé quelques minutes auparavant pour lui donner le temps de refroidir et éviter de s'ébouillanter. S’il avait été aussi vicieux que Nina, il lui aurait demandé s’il pouvait emprunter une blouse à son fiancé mais quelque chose dans le regard de la jeune femme lui indiquait qu’il n’était pas judicieux de l’énerver davantage. « Qu’est ce qu’il t’a dit ? » Il ne faisait aucun doute que la remarque de Nina faisait référence à la dernière discussion entre Diego et Ruben. Elle le savait, leur entente était totalement relative et ils possédaient juste assez de bon sens pour éviter de se croiser trop régulièrement. Mais cela arrivait, et à ce moment, le mexicain ne pouvait s’empêcher d’exprimer toute sa rancœur auprès d’un fiancé en qui il n’avait absolument aucune confiance. Malgré toute son amitié pour Nina et la façon dont il s’inquiétait pour elle, à cet instant précis, il était surtout encore énervé par son geste. Et ses arguments allaient devoir être solides pour venir justifier le chaos qu’elle avait mis dans la salle de pause en seulement quelques minutes.

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Si Diego avait toujours su contrôler ses émotions et accepter que Nina se décharge sur lui, les temps avaient changé et le mexicain peinait grandement à lui autoriser un tel déferlement. Alors c’était cette pointe de culpabilité, ce sentiment d’avoir dépassé une limite et de s’être attardé sur un sujet qui ne le concernait pas qui l’avaient fait rester bien plus calme qu’avec n’importe qui. C’était Nina, et Nina avait le droit de l’utiliser comme défouloir si cela lui permettait de ne pas se sentir aussi mal que lui ces jours-ci. « Tu veux que je répète plus fort ? » Il avait levé les yeux au ciel, le ton de sa voix était déjà bien assez élevé et si elle continuait dans ce sens, leurs supérieurs ne tarderaient pas à venir leur rappeler quelques règles de bienséance. Certains traits de la personnalité de Diego demeuraient inchangés et pendant que Nina vociférait, lui s’attardait sur sa blouse tâchée qui lui donnait l’air bien trop négligé et le souligner tout haut avait eu l’effet d’un électrochoc sur la blonde. « Ouin ouin pauvre petit Diego. » Il pouvait le voir, elle n’était pas décidé à se calmer mais s’il l’autorisait à le confronter face à sa discussion avec Ruben, il tolérait beaucoup moins d’être celui sur lequel elle déversait toute sa frustration. « Tu vas pas te mettre à chialer quand même ? » C’en était trop.  « Nina tu dépasses les bornes, là. Si tu veux qu’on parle on va le faire mais un ton en dessous. » Son front s’était plissé et sa main était venue se lever au niveau de sa joue gauche pour lui indiquer de lui laisser un peu de répit, pour lui rappeler qu’elle se trouvait encore sur un lieu où les éclats de voix n’étaient pas tolérés. Reportant de nouveau son attention sur sa blouse qu’il avait enlevée pour la poser délicatement sur une chaise, il avait demandé à son amie de lui resituer ce qu’elle savait. « Que t’étais monter sur tes grands chevaux avec ta cape de prince charmant qui vient au secours de la demoiselle en détresse. » Il avait soupiré, Nina était d’humeur à théâtraliser ce qui n’était qu’une conversation de couloirs entre deux docteurs qui n’avaient aucune affinité l’un avec l’autre. « J’peux savoir ce qui t’a pris ? » Ce n’était pas une question à laquelle il pouvait facilement apporter une réponse car il se souvenait avoir perdu pied et s’être laissé aller à des suppositions et à des doutes qui ne le quittaient plus concernant Hartfield. Nina pouvait jouer les guerrières pour se détacher de son image de princesse en détresse - le mexicain avait eu bien de l’entraînement avec Alma et Sara et savait pertinemment déceler les indices d’un couple toxique. Repousser le mariage constamment était un drapeau rouge que brandissait fièrement levé Ruben et voir Nina aveugle face à cela le rendait nerveux. « Je vais rester calme parce que je suis persuadé que tu as eu une dure journée, mais je suis pas non plus d’humeur à tolérer ça, Nina. » Il allait célébrer la triste disparition de sa sœur dans quelques semaines et ne supportait plus de devoir afficher un sourire cassé devant ses petits patients. « J’imagine qu’il ne t’a pas parlé de la façon dont je me suis excusé parce que j’avais passé une sale journée ? C’est l’excuse parfaite, je sais, mais je crois que tu l’utilises démesurément toi aussi. » Le regard noisette de Diego s’était levé vers Nina et poussant un soupir, il avait fait un pas vers elle et tenté de poser la main sur son avant-bras. Il n’était pas l’ennemi. « Ecoute, je te le dis à toi aussi, je suis désolée, ok ? J’ai dépassé les limites je sais mais tu peux pas me reprocher de pas pouvoir blairer ton fiancé. » Elle avait arraché son bras de son étreinte et il ne pouvait que comprendre son geste.  « Bon au moins je vois qu’il te tient informée de ses journées, c’est une bonne chose. » Il avait arqué un sourcil mais ses tentatives d’humour ricochaient sur le bloc de marbre qu’était devenue son amie. « Je m’inquiète pour toi, Nin. Ca fait pas de toi une princesse en détresse. » avait-il conclu, attendant la prochaine salve de vociférations à son égard.

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Il en avait géré des crises, il y avait été habitué depuis tout petit. Diego possédait une certaine carapace forgée par cette famille compliquée et par la difficulté de ses études et les salves que lançait Nina y rebondissait, jusqu’à un certain point. « T’es plus souvent d’humeur à commérer. » Il avait baissé la tête avant de la relever et de la secouer légèrement, elle ne saisissait pas qu’il ne s’agissait pas seulement de s’occuper d’histoires qui ne le regardaient pas mais plutôt d’un besoin de la voir retrouver cet aplomb également face à son fiancé. Pourquoi était-elle si différente avec lui ? Nina lui avait toujours montré un caractère fort associé à une détermination sans faille, elle était une chirurgienne extrêmement douée et avoir pu développer ses compétences en pédiatrie à ses côtés avait toujours été une fierté pour lui. Mais très vite, le professionnel avait été rejoint par le personnel et Diego avait appris à la considérer comme une amie. C’était probablement parce qu’il connaissait plusieurs de ses facettes qu’il restait si méfiant face à la façon dont Ruben semblait se jouer d’elle, la simple idée qu’il puisse manipuler une femme aussi forte le mettant en garde contre ce dont il était capable. Ils étaient à cran, tous les deux, et cette salle de pause était rapidement devenue un défouloir. « Ça ne suffit plus des fois, tu sais. » Le résident avait haussé les épaules, il en était conscient, mais les dures journées s'enchaînaient au point de devenir le refrain de sa vie. Devant l’explosion de Nina, devant ses traits tirés par la fatigue, le désarroi et il ne savait quel autre sentiment encore, Diego s’était excusé parce qu’il était l’une des rares personnes encore capable de le faire. Mais comme une volonté de rester entièrement honnête, il avait donné son avis sur le neurochirurgien. « Est-ce qu’une seule fois, je t’ai demandé ton avis sur lui ? » Il avait eu un léger rictus à l’écouter. « Qu’est-ce qu’il a bien pu te faire pour que tu t’entêtes à donner ton avis même ? » « Tu es au courant que je suis encore libre de faire ce que je veux, pas vrai ? » Nina était sa référente mais bientôt, il n’aurait plus aucun compte à lui rendre et cela faciliterait probablement leur amitié s’ils trouvaient au moins un point d’entente concernant le sujet épineux qu’était Ruben. « Rien. Il ne m’a rien fait. » Il ne mentirait pas pour garder la face, persuadé que Nina elle aussi comptait parmi le personnel quelques visages qui lui inspiraient le dédain.

« Bientôt, tu vas me dire que c’est avec toi que je devrais être, c’est ça ? » Difficile de contenir ses émotions alors que les coups qu’elle portrait étaient de plus en plus bas. « Ce serait pathétique Diego. » Et il s’était retenu tant bien que mal de souligner combien c’était elle, qui l’était. «  C’est ça qu’il t’a dit, hin ? Il pense que tous les mecs qui ont un minimum de respect pour les femmes veulent forcément coucher avec elle ? »  Cela sonnait comme Ruben et cela confirmait encore une fois l’ensemble des doutes de Diego à son égard. Lui qui était exagérement attentionné avec ses internes, le mexicain trouvait risible de le voir penser que les amis de sa fiancé puisse l’être uniquement pour le plaisir de la chair. Nina valait mieux que cela, mieux qu’un fiancé jaloux alors que lui passer la bague au doigt semblait si difficile. Il l’avait et il ne s’en contentait pas, Diego pouvait le sentir à travers les sourires faux qui ne quittaient jamais son visage. Ce n’était pas de la jalousie, c’était un sentiment d’impuissance. « J’ai d’autres préoccupations que de te foutre dans mon lit, et j’ai pas besoin d’aller chercher les meufs des autres, respecte moi un peu. »  Sa confiance en lui n’était plus à démontrer et il la regardait avec un sourcil levé, comme si cela arriverait à appuyer son propos. « Et respecte toi aussi, au lieu de recracher tout ce qu’il te dit bêtement. C’est ça qui est pathétique. » Il attaquait et elle saurait se défendre, mais plus elle s’énerverait, plus il comprendrait qu’il jouait avec des cordes sensibles et qu’il l’amènerait toujours un peu plus vers la réalisation.

Sa dernière remarque lui avait permis de tenter d’apaiser le jeu, soulignant combien savoir que Ruben lui racontait ses journées étaient importants. Pourtant, il aurait été prêt à parier que ces discussions là n’avaient pas plus de profondeur, que le but n’était que d’exprimer une jalousie insensée. « Joue pas les connards ça te va mal au teint. » Il était venu humecter ses lèvres avant de mordre l’inférieure, le cadre médical dont ils faisaient partie devenant l’unique point d’ancrage pour lui éviter de dépasser les limites à son tour. « Si t’as quelque chose à dire, dit le vraiment Diego. » Ruben est toxique, il ne te mérite pas et tu es en train de foncer droit dans le mur. « Je vois pas l’intérêt de parler alors que tout ce que je dirais te plaira pas, t’es pas en mesure d’avoir une discussion là et moi je suis pas en mesure de me faire insulter. » Sa voix tremblait légèrement et Diego était venu se pincer l’arête du nez en fermant les yeux pour ne plus se concentrer sur les yeux noirs de la chirurgienne. « Mauvaise journée ou pas, Nina, ce sera jamais ok. » Malgré la violence de ses paroles, il tentait d’essayer de la comprendre tout en trouvant la force de s’apaiser un temps assez long pour lui dire ce qu’il avait sur le coeur. « Arrête de faire ça. » Et elle aurait aussi bien pu lui demander de cesser de la considérer comme une amie. « T’es juste parano. » Il avait accepté cette remarque parce que tout portait à croire qu’il l’était, et il espérait plus que tout l’être réellement. Pourtant, son intuition ne cessait de le faire tiquer au moindre indice et il devait l’admettre, son aversion pour le docteur jouait peut-être un rôle un peu trop important là-dedans. « Je pourrais aller sur le même chemin que toi et te dire que je vais arrêter de m’inquiéter parce que j’en ai rien à foutre mais c’est pas le cas. » Diego était plus modéré, il évitait à tout prix de devenir aussi froid que son père et aussi colérique que son aîné. Il avait vu des fautes être commises et il refusait de les reproduire, trouvant une certaine force dans ces mauvais exemples. Sergio les avait abandonné, lui était incapable de laisser ses proches même quand ceux-ci le repoussait avec autant de force. Exactement comme elle était en train de le faire. « Alors je vais rester en retrait mais Nina avant ça regarde moi dans les yeux et assure-moi que t’as entièrement confiance en lui. » Et si cette confiance réussissait à perdurer depuis ces longs mois à attendre qu’une date soit fixée. Il savait combien la question la mettrait à nouveau hors d’elle alors que le ton s’était apaisé mais il avait besoin de l’entendre lui dire tout haut pour taire la petite voix qui lui assurait que la pointe de tristesse dans ses yeux n’était pas due à Ruben. « Dis-moi que t’es heureuse et j’aurais plus de raison de douter, j’te l’jure » Ses interdictions ne valaient rien alors qu’elle s’était hissée si haut dans son estime, au point qu’il ressente un besoin viscéral de la savoir heureuse.

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Ses attaques ressemblaient à s’y méprendre aux remarques qu’aurait pu avoir Ruben et, s’il avait été surpris et blessé par son geste, il ne ressentait rien en l’écoutant continuer. Nina savait très bien qu’il était idiot d’imaginer qu’il ait pu vouloir être avec elle à la place de son fiancé, elle le connaissait assez bien pour savoir qu’il n’y avait - et n’aurait jamais - aucune ambiguité avec elle. Sa vie amoureuse était au point mort depuis sa rupture avec Emery, mais c’était le seul point qui pourrait amener ce couple à lui prêter des intentions qui n’étaient pas les siennes. « Mais de quoi tu parles ?! » Il refusait qu’ils utilisent sa bienveillance envers elle comme une tentative désespérée de conquérir son coeur. Il avait volontairement accusé Ruben, des lèvres de qui les piques sortaient bien plus facilement. C’était cela qu’elle questionnait, et non pas le sens de sa phrase, et il le savait très bien. Le ton de sa voix s’était élevé, lui qui savait normalement rester calme dans n’importe quelle situation. Il avait plutôt bien accueilli la gifle, avait laissé rebondir sur lui les différentes insultes en gardant les bras croisés comme si rien de tout cela ne l’atteignait. Mais elle avait réussi à le faire atteindre ses limites, et il refusait qu’elle dise des mots qu’elle pourrait potentiellement regretter par la suite. « Oh, ça va Diego, c’est toi qui passes ton temps à faire des remarques sur notre couple. » Comme si leur couple était exemplaire. « Ferme ta gueule Gutiérrez. » Son regard n’avait pas cessé de la fixer alors qu’elle faisait de son mieux pour le déstabiliser. « Arrête de te mêler de mon couple, je le dirais pas une fois de plus. »  « T’as pas besoin de prendre ce ton là avec moi. » Il n’avait aucune idée de comment se déroulaient les disputes du couple, mais l’idée que cela soit un aperçu le rendait malade. Alors, encore une fois, il faisait de son mieux pour se maîtriser et ne pas céder à la tentation qui lui tendait la main - l’insulter de tarée avant de tourner les talons. « J’ai compris la première fois. Alors me menace pas et dis pas des choses que tu regretterais. » Parce qu’à trop l’accuser d’être éperdument amoureux d’elle, elle risquait de le voir sortir de sa vie pour lui prouver le contraire.

Une fois que les traits du visage de la blonde semblaient s’être adoucis et qu’elle était prête à entamer une version plus posée de la discussion, Diego avait repris la parole. « On a tous des mauvaises journées, tu l’as dit toi-même. » Ses bras s’étaient croisés sur sa poitrine et il avait changé de jambe d’appui, lui laissant juste le temps de trouver le courage de prononcer la suite. « J’ai perdu le prématuré qu’on essayait de sauver depuis des semaines. » Et en une fraction de seconde, Nina était redevenue cette amie précieuse avec laquelle il ne savait pas se comporter autrement que comme avec ses sœurs. Il avait levé le visage vers le plafond qu’il avait observé pendant de longues secondes avant de soupirer. C’était un moment qu’il s’était accordé afin de réunir le courage nécessaire pour rompre la distance entre eux, attraper son épaule et déposer un baiser sur son front. « Je suis désolé, Nin. » Le feu et la glace - ils avaient toujours eu des caractères diamètralement opposés et pourtant, Diego ne perdait jamais autant patience qu’en la présence de la jeune femme qui, à l’inverse, ne s’adoucissait jamais plus que lorsqu’elle était avec lui. Ils se complétaient et même si tout cela rendait la communication et l’entente parfois extrêmement difficile, cela leur permettait de ne jamais garder aucune rancune. Comment aurait-il pu lui tenir rigueur pour son geste ou l’amertume de ses mots après ce qu’elle venait de vivre ? Bien sûr, devant le reste du monde, ils feignaient un sourire et répétaient combien tout allait bien lorsque cela arrivait. Entre médecins, ils avaient le droit de s’effondrer et de laisser l’impact d’une perte les consumer le temps que cela était nécessaire. Alors quand la blonde avait repris de plus belle, il avait trouvé une manière détournée de tenter de lui faire entendre raison. « Ça te ne regarde pas. » Si ce point ne le regardait pas parce qu’il touchait directement leur couple, son ressenti à elle était quelque chose qui lui tenait à coeur alors il avait reformulé sa question. « Je l’aime. » Il n’avait pas besoin de l’entendre prononcer ces mots pour le comprendre, il suffisait de voir la façon dont ses yeux se mettaient à briller lorsqu’elle parlait de leur dîner au restaurant, ou le sourire en coin qui se dessinait sur ses lèvres lorsque Ruben passait dans son champ de vision. Des détails qu’il aurait trouvé adorables, si cet étrange doute peut-être infondé ne l’innondait pas. Mais la question n’était pas de savoir si elle l’aimait, plutôt si lui l’aimait autant, et s’il lui montrait assez chaque jour pour que Nina puisse s’estimer heureuse. Parce que lui en était convaincue, si un homme ne la rendait pas heureuse, elle aurait tout le loisir du monde de créer son propre bonheur seule. « Et puis quoi ? Si je te dis non, tu vas aller lui casser la gueule ?! » Son éclat de rire n’avait pas trouvé écho chez lui, il n’était pas du genre à froisser sa chemise et risquer de se blesser les phalanges, sa remarque n’avait pas lieu d’être. « T’as pas envie de te soucier de ce qui te regarde vraiment Diego, pour faire changement ? » Contrairement à elle, il ne répéterait pas la façon dont il tenait à elle et qui venait justifier qu’il s'intéresse à tout ce qui pouvait la rendre heureuse. Ou malheureuse, à en juger par la colère qui l’envahissait. « J’ai pas besoin qu’on s’inquiète pour moi. » Il restait silencieux, se contentant d'acquiescer. « Juste ta gueule Diego ! » Il se retenait, de toutes ses forces, de lui indiquer que l’énervement dont elle était en train de faire preuve ne faisait que souligner à quel point il avait vu juste. C’était ce qui l’agaçait le plus dans tout cela, voir que cette femme forte qui savait si bien lui cracher son venin au visage se retrouvait totalement à la merci de Ruben. Pour lui, ce changement d’attitude de Nina avec lui avait été le premier signe qu’elle était entrée dans une relation toxique. Pourtant, elle avait raison sur un point, il ne pouvait pas continuer à s’immiscer dans sa vie privée, parce qu’il réalisait de plus en plus que cela le faisait simplement passer pour un ami jaloux et il détestait cette position.

Peut-être que, sans le vouloir, Diego avait lui aussi touché une corde sensible, venant dépasser des limites qu’il ne connaissait pas chez Nina. Elle utilisait des mots durs, elle haussait le ton et venait le pointer du doigt avec un regard noir, mais lui s’en était directement pris à sa définition du bonheur et il reconnaissait que cela ait pu la mener à sortir de ses gonds. « Arrête. » Il avait levé les mains devant son torse en signe de drapeau blanc, il avait finalement obtenu bien plus de réponses qu’elle ne le pensait avec la façon dont elle avait perdu le contrôle. Nina ne perdait jamais le contrôle. « Très bien. » avait-il dit, le ton de sa voix laissant montrer à quel point il n’était pas convaincu. « Si je te trouve une blouse, je peux compter sur toi pour la ronde ? » La dispute lui avait presque fait oublier l’état de sa tenue, maculée de café. Le constat l’avait finalement fait rire, ils pourraient effectivement profiter du cadre du travail pour tenter de retrouver un peu de calme. « J’ai encore quelques patients à voir. » « Tu peux toujours compter sur moi. Promis, je fermerai ma gueule. » avait-il lancé en lui adressant un clin d’oeil - il resterait professionnel en toutes circonstances, il resterait son ami jusqu’à ce qu’elle rendre ce rôle impossible à tenir, mais il ne serait jamais prêt à oublier la véhémence dont elle avait fait preuve à son égard.