second, third, and hundredth chances
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Evelyn ne s’était pas levée ce matin avec l’objectif de se rendre au rendez-vous pris par Rhett avec une thérapeute de couple. À dire vrai, elle s’était levée avec celui de lui rappeler qu’elle ne viendrait en saisissant son téléphone portable, seulement ce qu’elle avait eu sous les yeux lui avait fait l’effet d’un électrochoc. C’était en partie pour ça qu’elle détestait Rhett en ce moment, il l’obligeait à se comporter comme elle ne l’aurait jamais fait si elle n’avait pas eu le sentiment d’avoir été trahie, et les lignes qu’elle avait relu de leur échange récent, ce n’était pas elle. Elle se trouvait belliqueuse, revendicatrice, presque cruelle même dans sa façon de lui jeter à la figure les fragments de ses erreurs, et ça la doucha suffisamment violemment pour qu’elle se rappelle quel genre de femme elle supposée être. Pas du genre à se comporter comme une amante négligée, avançant avec la satisfaction de savoir se relever quand il fallait, surtout quand on la sous-estimait. Elle ne se morfondrait pas sur sa rupture, et elle ne se morfondait pas, mais elle ne se comporterait pas non plus comme une âme vengeresse sous le prétexte que Rhett avait piétiné son amour propre. En fait, elle se disait qu'il avait largement plus piétiné le sien que le contraire pour en être arrivé à de telles extrémités, et la pitié s’insinua peu à peu dans sa façon de digérer l’affront qu’il lui avait fait.

Pour autant, elle ne comptait pas lui pardonner d’avoir considéré que c’était une alternative raisonnable de demander des faveurs sexuelles à un ami tout en arguant que ce n’était pas important, mais elle espérait réussir bientôt à tourner la page pour ne plus être obligée de remettre en question son ressenti et sa réaction face à cette révélation. Perplexe, blessée, elle qui ne se considérait pas comme une femme fière dans le premier sens du terme, elle avait réalisé que l’homme qu’elle aimait avait réussi à entamer une partie de la confiance qu’elle avait en elle pour mieux la faire douter et remettre en cause le comportement qu’elle, elle avait eu à son égard — et la manière qu'il avait eu de lui rappeler qu’à cette époque, ils ne se parlaient quasiment plus quand c’était une déformation de la réalité, ça lui avait fait comprendre à quel point il évoluait dans une version parallèle de ce qu’ils vivaient, l’arrangeant à sa sauce quand ça servait ses intérêts. Elle avait longuement soupiré après avoir relu leur échange, elle avait longuement hésité aussi, et puis elle avait campé sur ce besoin qu’elle sentait grouiller au creux de son ventre  — curieux comme emplacement d’ailleurs — de tourner la page rapidement pour ne pas alimenter plus de regrets. Elle ne se considérait plus comme étant en couple avec Rhett, alors le rendez-vous chez cette thérapeute ne serait qu’une entrevue dont elle se servirait pour avancer dans le bon sens, ne comptant pas une seule seconde faire de progrès pour réparer ce qu’elle avait déjà à de trop nombreuses fois tentée de colmater à l’aide de ses connaissances. Elle ne voulait pas lui faire plaisir non plus en s’y rendant finalement, et elle insisterait sur cette notion dès qu’elle en aurait l’occasion.

Elle ne le prévint de rien, elle arriva juste en avance sur les lieux du rendez-vous en ne s’attendant pas un instant à ce qu’il suive sa ligne de conduite et roula des yeux en constatant son retard après s’être assise dans la salle d’attente en rassemblant ses intentions. Ce n’était qu’une démarche égoïste, état d’esprit qu’il comprendrait sans doute mieux que personne, en bon habitué du fait qu'il était. Les mains jointes, les chevilles croisées, le regard vrillé juste devant elle dans l’idée de ne pas se laisser perturber par l’arrivée de Rhett, elle leva pourtant la tête malgré elle quand il s’invita à ses côtés, et que comme bonjour, elle lui dit sans aucun délai "Je ne suis pas venue pour toi." Mais encore ? Elle le lui disait sans aucune agressivité, juste avec ce qu’il fallait de résolution pour qu’il sache qu’elle y croyait dur comme fer, et que sa présence ici n’était pas une incitation à l’espoir d’un renouveau quelconque. C’était davantage une guérison qu’elle consentait à partager avec lui parce qu’elle l’avait compris trop tard en se dressant en fidèle alliée à ses côtés : il était la cause de tous ses maux.

Il s’est fait laisser surprendre par les embouteillages, mais il jure n’avoir jamais hésité à se présenter au rendez-vous, même si Evelyn avant lui avait précisé qu’elle n’en ferait pas de même. Rhett sait qu’il en a besoin, et même si tout serait bien plus efficace en sa présence, il peut au moins commencer à travailler sur lui-même pour tenter de recoller les morceaux de son couple, qu’il persiste à appeler comme tel malgré les mots d’Evelyn. Au final, il ne sait pas ce qui le surprend le plus lorsqu’il arrive enfin sur le lieu de rendez-vous, entre l’aspect étrangement chaleureux de l’endroit où chacun vient pleurer les malheurs de son couple, ou le fait qu’Evelyn soit là, tout simplement. Lorsqu’elle lui coupe le clapet avant même que le moindre son ait pu en sortir, il oublie déjà toute interrogation à ce propos. "Je ne suis pas venue pour toi." Mais elle est venue, et c’est finalement une chose dont il se contente avec soulagement. Si elle veut garder la face et expliquer qu’elle l’a fait pour n’importe quelle raison, alors soit. « C’est pas grave. » Il souffle doucement, calmement. Il prend sur lui pour ne pas lui demander ce pour quoi elle est venue, parce qu’il n’a aucune raison de chercher à la braquer ni même à dire ce qu’elle veut garder pour elle. Elle est venue, et c’est déjà un immense pas en avant.

« Garrett, asseyez-vous. » Et il prend place sans chercher à négocier quoi que ce soit, bien incapable d’oublier la seule raison pour laquelle Evelyn accepte de se trouver dans la même pièce que lui aujourd’hui. « Appelez moi Rhett. » Il corrige simplement, son regard ayant du mal à ne pas se poser sur le profil d’Evelyn alors qu’il avance des quelques pas le séparant du fauteuil. Si cela ne tenait qu’à lui, il n’y aurait jamais eu de rupture, et c’est un fait que la psychologue (thérapeute ? médecin ? Docteur Stanford ? il se moque bien des étiquettes) a sans doute déjà à l’esprit, sans même avoir eu à les interroger. « Eh bien Rhett, je dois dire que c’est assez peu commun que l’homme soit celui à demander un rendez-vous. » Il se demande si elle le dit parce que cela représente la vérité, ou parce que cela le pousse déjà à expliquer sa démarche. Les deux, peut-être. La deuxième option ne fait aucun doute, du moins. Il s’enfonce dans le creux du fauteuil, croise les jambes et fait de son mieux pour ne pas en faire de même avec le regard d’Evelyn. « C’est parce que… » Il y a beaucoup de pistes à explorer, et finalement il ne sait même plus où commencer. Parce qu’il est le seul à les considérer encore comme un couple ? Parce qu’il veut s’excuser mais ne sait pas comment ? Parce qu’il aurait bien besoin d’une thérapie tout seul mais qu’il n’est pas capable d’aller jusque là ? Un peu de ça, et beaucoup d’autres choses encore. « J’ai envie que ça fonctionne, entre nous, mais je sais que je m’y prends vraiment pas comme il faut. » Un doux synonyme pour expliquer qu’il additionne les erreurs à tout va, voilà ce que c’est. Ses dents grincent entre elles dans un bruit qu’il est le premier à détester, mais qui est toujours moins fort que la haine de ses erreurs qui n’en ont jamais valu la peine. « C’est-à-dire ? » Evidemment qu’il ne pouvait pas décider d’un rendez-vous pour leur couple et se contenter de balancer des mots sans leurs explications. « Je sais que je l’ai fait souffrir. » - « Evelyn est juste là, vous pouvez vous adresser à elle. » Il s’attendait à cette demande, mais l’entendre est une chose différente. Ses paupières battent la cadence en signe de stress et Rhett ajoute une longue inspiration en même temps qu’il tourne lentement la tête en direction de la brune, pour l’observer pour la première fois depuis son entrée dans la pièce. « Je suis désolé. J’ai pas été à la hauteur. » Ses joues se creusent sous l’effet de ses mâchoires serrées, lesquelles ne traduisent aucune colère mais bien un profond désespoir nourri par l’illusion que tout ne peut pas toujours être réparé.

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Il ne manquerait plus qu’il lui tienne rigueur de l’annonce qu’elle venait de lui faire à peine venait-il d’arriver : elle n’était pas venue pour lui. Alors que si, bien sûr qu’elle était venue pour lui, et que dans le fond de son coeur blessé, lui accorder une énième chance,  la centième au moins, ce n’était pas uniquement le fruit de la réalisation qu’elle avait faite ce matin en se rendant compte qu’elle se comportait avec lui comme la dernière des garces. Elle le détestait de l’obliger à réagir de cette façon, à devoir se défendre avec une rudesse qui jurait avec tous ses principes de base parce qu’elle ne croyait pas en la méchanceté, plus encore de l’obliger à laisser tourner l’image qu’il lui avait gravé dans la tête d’un autre homme à genoux devant lui, et rien que pour ça, elle ne voulait plus le regarder. Elle ne savait pas encore pour combien de temps exactement, mais elle ne voulait pas s’infliger l’étude de ses traits qu’elle devinait tirés par le regret. Elle se rassurait en disant que c’était bien fait pour lui, qu’il aurait dû penser à tout ça avant de se placer en pauvre petit garçon qui avait encore une fois été pris les doigts dans le pot de confiture. Elle avait encore assez d’estime pour lui pour ne pas vouloir lui imposer sa rage, même si ce n’était pas si évident que ça compte tenu de l’accueil qu’elle lui réservait, mais c’était une réalité : elle ne voulait pas le blesser plus que de raison quand il se rendrait compte qu’elle avait dépassé un palier dans leur relation et que l’amour profond qu’elle lui avait toujours accordé, d’abord progressif, timide, pour venir entériner l’idée qu’elle se voyait terminer ses jours avec lui, il était en train de muter en quelque chose de plus malsain, qu’elle ne se savait même pas capable d’alimenter pour quelqu’un.

Tendue, Evie garda le regard rivé devant elle jusqu’à ce qu’on vienne les chercher, jouant avec la finesse du bracelet en or rose qu’elle portait autour du poignet, et puis parce qu’elle avait choisi d’être là malgré tout, elle se laissa guider. Pas de gaieté de coeur. Ce ne serait une surprise pour personne : elle aurait préféré être n’importe tout, sauf ici "Merci de nous recevoir, docteur." La politesse, c’était une soupape facile à envisager quand dans tout son être, ses cellules criaient. Elle s’installa là où on lui dit de le faire,  retirant son manteau, posant son sac, prenant soin de le faire le plus loin possible de Rhett. Seulement, ce stupide sofa lui paraissait bien trop petit pour qu’elle ne se sente à l’aise. Dans l’absolu, elle ne voulait pas le toucher, elle ne voulait pas ne serait-ce que l’effleurer par inadvertance.
Elle ne voulait pas sentir son regard posé sur son profil non plus. Trop tard. Evie sentit une bouffée de chaleur remonter le long de son corps, et ce n’était pas le désir inhérent à l’attention exacerbée que son ancien partenaire lui accordait, c’était l’idée qu’il osait la fixer de cette façon alors qu’il lui avait fait du mal sciemment. Elle serra les dents, serra les lèvres en même temps, et puis fixant le docteur devant elle, et eut un très léger rire, expulsé par les narines, confrontée à la déférence de cette personne qu’ils ne connaissaient ni d’Eve ni d’Adam. Sa tête s’inclinant, elle lui dit "Incroyable que vous ayez déjà si bien cerné le caractère de Rhett en le félicitant pour le minimum syndical. Si je peux vous conseiller quelque chose qui vous aidera à récolter toutes ses confidences, c’est de lui promettre une médaille." Elle se haïssait, c'était aussi simple que ça, d’être tellement blessée qu’elle en devenait affreusement méchante. Elle n’était pas sans savoir que ça ne plaiderait pas sa cause, que ça la ferait passer pour une hystérique de base, une bonne femme qui suréagisait face aux erreurs minimes d’un compagnon qui ne pensait pas à mal, mais elle s’en fichait sur l’instant : il l’avait trahie en la regardant droit dans les yeux, en lui demandant des choses que jamais elle n’aurait faites pour quelqu’un d’autre que lui.

Gardant le menton haut, elle laissa ses yeux marquer un point vers le plafond lors des explications de Rhett à propos de son initiative qu’elle ponctua par "C’est le moins qu’on puisse dire." Et elle aurait voulu expliciter, elle aurait voulu demander si le docteur en avait souvent des patients qui entamaient le sujet du bébé pour demander des fellations à des amis juste avant — ou pendant, qui savait. Et ça, ce n’était que la partie cocasse de l’histoire, celle où un homme hétérosexuel était tellement désespéré qu’il ne trouvait pas d’autre solution que ça :il y avait autre chose dans le lot, mais chaque chose en son temps, imaginait-elle en secouant la tête en l’entendant continuer, encouragé par le docteur qui semblait déjà de son côté. Evelyn leva la main dans l’espace qui la séparait de Rhett, donnant ainsi l’impression qu’elle allait s’adresser à lui quand elle s’adressa en vérité au thérapeute en face d’eux "Je ne veux pas qu’il s’adresse à moi. Il m’a suffisamment dit de choses pour toute une vie. Je ne suis pas venue pour entendre les mêmes excuses à tort et à travers, je suis venue pour tourner la page et pour l’encourager à faire la même chose." Au moins c’était clair, et personne ne pourrait lui reprocher de tourner autour du pot ; pas comme Rhett qui de nouveau, lui présenta des excuses. Evie baissa sa main, la joignit à l’autre en les serrant si fort entre elles que ses jointures blanchirent et qu’elle sentit son sang battre dans ses veines pendant que son coeur gonflait sous le chemisier beige qu’elle portait. Elle avait si chaud que ça en devenait insupportable, la boule qu’elle avait dans la gorge devenant de plus en plus grosse au fur et à mesure qu’elle se retenait de s’adresser directement à lui ; et puis elle ne parvint plus à éviter de le regarder, et sa tête se tourna dans sa direction pour lui dire, presque gênée d’avoir à lui poser la question alors qu’ils n’étaient pas seuls. Pour elle qui était si pudique, si privée, être là, c’était une torture "Je comprends même pas pourquoi t’as fait ça." Leur pause n’avait duré que quelques semaines, et elle n’attendait qu'une seule chose à l’époque Evelyn : qu'ils s’accordent pour y mettre un terme. Avait-il oublié que c’était lui qui avait soulevé l’idée de cette respiration dans leur relation ?

Ne pas recevoir de messages de la part d’Evelyn était une chose, mais ne même plus avoir le droit de recevoir son regard en est une autre tout différente, qui vise directement le cœur. "Incroyable que vous ayez déjà si bien cerné le caractère de Rhett en le félicitant pour le minimum syndical. Si je peux vous conseiller quelque chose qui vous aidera à récolter toutes ses confidences, c’est de lui promettre une médaille." La montre à son poignet l’informe d’un rythme cardiaque à l’allure grandissante mais il se garde de tout commentaire, enfoncé dans son fauteuil et le coude posé sur l’accoudoir, uniquement pour avoir sa main à hauteur de sa bouche. Il la cache par réflexe, sans même être capable de savoir lui-même ce que cela dit de son attitude. Il cache les joues qu’il se mord et les lèvres qu’il roule l’une contre l’autre, bien au fait qu’Evelyn le connaît parfaitement et qu’il fonctionne bel et bien à la carotte peinturée d’or qu’on met autour du cou. Le Docteur se montre polie lorsqu’elle demande à sa façon à Evelyn de ne pas commencer leur séance de cette manière, et lui il trouve parfaitement ironique la façon avec laquelle elle vient peut-être de passer pour la méchante du couple alors qu’elle ne l’est évidemment pas.

"Je ne veux pas qu’il s’adresse à moi." Le rire qu’a aussitôt Rhett est parfaitement nerveux, mais sans doute aussi un peu agacé dorénavant. Pourquoi est-ce qu’elle a fait le déplacement, si ce n’est pas pour lui et pas pour lui parler non plus ? Cela devint risible, et il n’est pas le genre d’homme qui apprécie être tourné en dérision, même par amour. "Il m’a suffisamment dit de choses pour toute une vie. Je ne suis pas venue pour entendre les mêmes excuses à tort et à travers, je suis venue pour tourner la page et pour l’encourager à faire la même chose." Et Rhett, lui, ce n’est pas le moins du monde ce pourquoi il est venu. Il veut réparer ce qui peut l’être, pas accepter que toute leur relation n’est plus qu’une ruine. Il se relève avec colère mais surtout avec le besoin de bouger pour ne pas devenir fou. Il réfléchit en marchant, après être passé derrière le canapé où Evelyn a pris place - elle ne veut pas le voir, alors il lui facilite au moins la tâche à ce niveau là. Elle se contentera de l’entendre faire les cents pas, et hésiter à chaque fois qu’il se rapproche de la porte à simplement l’ouvrir et s’en aller. S’ils ne sont pas venus pour les mêmes choses, alors à quoi bon ? "Je comprends même pas pourquoi t’as fait ça." Et maintenant, est-ce qu’il a le droit de s’adresser à elle ? La question lui vient à l’esprit avec amertume et il a besoin de longues secondes pour arriver à se contrôler et ne rien dire à ce sujet non plus, comme à propos de beaucoup d’autres avant ça. « Je sais pas. Tu veux la vérité ? J’en sais rien, bordel. » Ce n’était pas de l’amour, certainement pas, mais ce n’était pas non plus de l’attirance. Il pourrait qualifier le geste de besoin, mais il serait le premier à dire qu’il n’est pas un putain d’animal et qu’il aurait pu se contrôler. Une envie, oui, sans doute ; mais encore une fois, le paradoxe arrive à la seconde où le sexe de Mickey est révélé. Quoique le problème aurait été le même s’il avait demandé cette faveur à une femme, et il le sait très bien. « Je suis pas infidèle. Tu peux me reprocher plein de choses, mais pas ça. On allait pas bien, toi et moi, j’allais pas bien, moi tout seul, et… il était là, je ressentais vraiment le manque ce soir là, je me suis dit… Je sais pas, merde. » Il s’est dit que ce ne pourrait pas être pire, que personne ne le saurait jamais, et par conséquent qu’il pourrait aisément lier l’utile à l’agréable. Et sur le coup, il a estimé que tout était aussi utile qu’agréable, en effet. Après s’être interrompu pour parler à Evelyn - qui ne veut ni le voir ni l’entendre, mais peu importe - c’est sur la thérapeute qu’il repose son regard. « J’ai une addiction à l’Oxycodone. » qu’il lui précise, parce qu’il ne voudrait pas qu’elle l’imagine être accro à Dieu sait quoi d’autre. L’Oxy en fait déjà bien assez, même s’il n’y a pas touché depuis de longs mois et ça, il le sait, grâce à Evelyn. « Je sais, j’ai lu votre livre. » Et encore une fois, il a un rire nerveux. Ne manquait plus que ça. « Livre dans lequel vous parlez longuement de vos anciennes relations, d’ailleurs. La personne avec qui vous avez commis cet adultère est l’une d’elles ? » Il serre les dents à la mention d’adultère, pourtant bien conscient qu’elle ne fait que son travail. « Non. C’est… un ami. » Un ami qui en pince pour lui ; oh que c’était pratique comme information, sur le moment.

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Être remise à sa place dès les premiers instants de cette mascarade, c’était typiquement ce qui aurait pu décider Evelyn à s’en aller sans regarder en arrière. Personne ne lui dirait comment réagir, personne ne lui dirait comment il était bon de prendre les affronts perpétuels de quelqu’un qu’on s’applique à aider. Elle ne se laisserait pas faire, elle l’avait déjà trop fait, et ce médecin qui lui disait subtilement de calmer ses ardeurs, elle décida de la placer directement dans sa ligne de mire. Evelyn ne tenait pas à remporter la médaille de la victime elle, en l’occurence, mais elle avait bien l’impression qu’il y avait déjà un parti pris et que ça n’abonderait pas dans son sens. Rien ici n’était fait pour qu’elle se sente à son aise. C’était Rhett qui avait pris le rendez-vous avec cette femme, c’était Rhett qui en récolterait les lauriers. Une partie de lui devait s’en féliciter, et cette observation silencieuse, reflet de ce qu’elle avait appris de lui au cours des deux dernières années, elle lui donna davantage de grain à moudre au plus elle avait le sentiment de n’être plus capable que d’une seule chose : le détester.

Rhett se lève, Rhett fait les cent pas, Rhett prend de la place parce qu’il ne sait faire que ça : attirer les regards, il en a besoin pour vivre quand elle, elle tend à éviter à tous prix qu’on s’intéresse à elle. A partir de ce constat-là, elle aurait dû avoir plus de jugeote et se dire que cette histoire ne fonctionnerait jamais, qu’ils sont trop différents et que chercher à soigner quelqu’un, c’est la chose la plus stupide à envisager. Elle ne s’est jamais senti l’âme d’une infirmière Evelyn, mais elle a du coeur, et le sien s’était laissé empoisonné par la perspective d’une belle vie avec quelqu’un sur qui elle n’aurait même pas posé les yeux à une certaine période de sa vie, effrayée par l’idée-même de tomber dans le cliché de la jeune femme qui tente de retrouver chez ses amants un peu de son père. Elle secoua la tête de son côté. Rhett devait être conscient que ne pas savoir, ce n’était pas une réponse dont elle saurait se contenter, mais est-ce qu’il en a au moins quelque chose à faire ? Le fait qu’il veuille être ici en était sans doute une preuve, sauf qu’elle n’avait pas envie de lui laisser le bénéfice du doute : elle était usée Evie. usée de devoir se contenter de vagues explications, usée de devoir raccorder des morceaux pour tacher de comprendre ce qui se passe dans sa tête, usée de faire office de dommage collatéral sous le prétexte qu’elle n’a pas choisi d’en tomber amoureuse. Et là, elle se dit que si elle avait pu l’éviter, elle aurait tout fait pour s’en donner les moyens, et ne jamais le laisser entrer dans sans vie comme elle l’avait fait.

Elle prit une profonde inspiration qui se hachura quand elle la relâcha. Paradoxalement, alors qu’il consentait enfin à mettre plus de mots sur ses raisons, elle aurait voulu se boucher les oreilles pour ne rien en entendre. Parce que ça lui faisait de la peine, qu’elle ne comprenait toujours pas son raisonnement, et que même si elle avait tâtonné tout au long de leur pause pour savoir comment l’envisager, ce stop dans leur relation, elle avait toujours été ouverte à l’idée de l’épauler, de le soutenir, de le défendre. Elle sentait ses yeux lui picoter, elle sentait la rage monter aussi, et alors qu'elle était dos à lui, elle se retourna soudainement dans sa direction pour lui demander, restant assise sur ce stupide canapé en affrontant ses yeux sans chercher à les détourner un seul instant "Et moi, j’allais comment Rhett ? Tu t’es demandé comment j’allais ?" Bien sûr que non. Elle lui en avait parlé à Londres, du fait qu’elle n’était pas bien. Est-ce que ça avait changé quelque chose ? Rien "Si t’es ici dans une démarche de rester honnête, dis la vérité : tu savais que j’allais pas bien non plus, mais t’en as toujours rien eu à faire." Elle avait été agressée deux fois, elle avait vu son agresseur échapper à un procès, elle avait vu l’homme qu’elle aimait essuyer les conséquences d’un scandale plus gros que lui, une cure de désintoxication infructueuse, des difficultés à décrocher, entre autre — la liste était longue, trop longue pour une femme qui tachait de faire de son mieux pour ne pas sombrer, elle. Qu’avait-elle récolté en restant droite sur ses appuis ? Une infidélité, parce qu’il dirait bien ce qui lui chantait, ça restait une infidélité avec laquelle il devrait vivre. Elle espérait au moins qu'il avait apprécié le moment, peut-être que ça l’inciterait à envisager d’arrêter de se mentir à lui-même quand il disait que ce n’était pas important.

Elle continua de le regarder, ses sourcils se fronçant pendant qu’elle enchaînait les questions rhétoriques, bien décidée à ne rien laisser passer "Est-ce que si j’avais couché avec le premier venu en prétextant que c’était parce que j’allais pas bien, tu l’accepterais sans ressentir un tant soi peu de colère à mon égard ? Est-ce que tu le comprendrais ? Est-ce que te dire que j’avais tous les droits parce qu’on se parlait à peine, ça n’heurterait pas un peu ta fierté ? Tu veux que je te rappelle devant le docteur quel sous-entendu t’as fait quand tu m’as accusé de vouloir te piéger avec un bébé ? Comment tu m’as jeté ma pilule au visage en me disant que j’allais en avoir besoin ? C’était quoi ça, le manque, le mal, l’oxycodone ?" Elle eut un léger rire, dégoûtée et défaite par les réponses qu’elle connaissait déjà en réalité et qui s’agglomèrent à la révélation qu’il fit au docteur qui savait déjà pour son addiction. Evie n’en fit pas cas, elle se dit juste encore un peu qu’il y avait un parti pris dans tout cet échange et se jura en silence que c’était la dernière fois qu’elle se rendait dans ce bureau dans tous les cas ; davantage quand la question précédente amena une réponse de la part de Rhett qui cette fois-ci, fit franchement rire Evelyn. Se recalant dans le canapé, lui tournant de nouveau le dos, elle objecta en lui disant "Tiens, c’est un ami maintenant ? Je pensais que c’était juste une connaissance, c’est en tout cas ce que vous avez prétendu tous les deux quand vous m’avez raconté des histoires en me regardant droit dans les yeux." Rien, elle ne laisserait rien passer, et s’arrêterait sur absolument toutes les contradictions que Rhett laisserait filer.

Il n’avait pas à se poser la question. C’était évident, même pour Rhett: elle n’allait pas bien. Et elle avait toutes les raisons du monde de ne pas aller bien ; jamais il ne dirait le contraire. Simplement, il jure avoir fait de son mieux pour ne pas empirer la situation, même s’il est évident qu’il a lamentablement échoué à la tâche. Il a tenté de se soigner pour lui, pour elle, pour l’illusion de leur couple ; mais la première fois, cela n’a pas été suffisant. Et les fois suivantes, il a bien réussi à remonter peu à peu la pente de l’addiction, mais il a accumulé les erreurs ailleurs, comme s’il devait compenser. Rhett fait face au regard d’Evie, lourds de reproches qu’il porte sans se plaindre davantage. « J’aurais été en colère et je t’en aurais voulu, oui. » Si elle avait couché avec un autre, il aurait été blessé et il n’aurait pas compris son geste, évidemment loin de penser qu’elle pouvait avoir tous les droits sous couvert du silence pesant entre eux. « Mais j’aurais jamais voulu qu’on se sépare. » Il lève la main, pas certain que cela la poussera à attendre avant de répondre. Mais il tente tout de même. « Y’a pas que ça contre moi, y’a tout le reste, y’a d’autres disputes et oui, je sais, j’ai pas été la personne que j’aurais voulu être. » Qu’il aurait dû être. Ce n’est pas l’image de lui qu’il lui a montrée lors de leurs premières soirées ensembles et de toutes les discussions qui ont été leurs. « Mais je comprends pas pourquoi t’as fait le chemin si c’est juste pour enfoncer le couteau dans la plaie. J’ai été con quand je t’ai parlé de ta pilule et je t’ai dit beaucoup de choses que tu méritais pas d’entendre, ce qu’arrivera plus. » Il jure qu’il apprend. Trop lentement pour son propre bien, certes, mais il apprend à ne pas faire d’Evelyn un dommage collatéral de son éternelle incapacité à être lui-même lorsqu’il tourne à l’Oxy. « J’ai dit des sacrés conneries, mais j’ai pas dit que ça. » Quand il a fini par parler bébé avec un ton plus posé, quand il a accepté l’idée d’emménager avec elle, quand il s’est laissé imaginer à être à ses côtés pour une durée indéfinie mais forcément longue. Il le pensait, tout ça. Quand il a surréagi en cherchant à la protéger a posteriori de son agresseur, c’est son amour qui l’aveuglait autant que son désir de vengeance. Pour le reste, il le sait, il n’a aucune excuse. Et il est désolé, ce qu’il va sûrement devoir répéter un long moment avant qu’elle puisse commencer à l’accepter.

« Tu voulais entendre qu’il en pince pour moi et qu’il me regarde avec des yeux de biche dès que je suis dans le coin ? » Il rétorque avec amertume, bien incapable de garder le dos rond tout au long d’une même discussion. Ils ont minimisé leur relation face à Evelyn et ils ont surtout cachés être des amis, ce qu’elle est assez intelligente pour avoir compris le soir même où Rhett lui a révélé l’existence de la faveur: il ne lui fera pas l’affront de lui parler comme si elle l’ignorait encore. « Parce que je me sers de mes amis et de n’importe qui d’autre, c’est bon, épargne toi le discours à nouveau. » Ses mots et son analyse ont d’autant plus de force désormais, et il est le premier à difficilement accepter l’idée qu’elle puisse avoir raison à ce point. Il n’a pas envie d’être celui qui profite de ses proches ; il ne veut pas être cette personne., et c’est au moins pour ça qu’il n’a plus jamais laissé sous-entendre à Mickey qu’il pourrait avoir la moindre chance avec lui. « Je sais pas ce que t’attends de moi. » Il répète d’une façon différente: il ne sait pas pourquoi elle est venue. Elle n’est pas du genre à vouloir observer sa proie se tordre de douleur, alors ce n’est pas ça. Mais une part de lui a l’impression qu’elle est un peu trop sincère quand elle dit ne plus croire en eux ni vouloir le voir à nouveau. Alors les conclusions diffèrent, elles s’emmêlent et elles lui donnent un espoir au goût amer. « Je suis vraiment prêt à faire des efforts, mais si tu me dis que ça sert à rien, autant se l’épargner. » A lui, à elle, à tout le monde. Si elle estime qu’il n’y a déjà plus rien à tirer de leur couple, il acceptera malgré lui l’idée, bien conscient que son propre avis sur la question n’a plus le moindre poids.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Elle suréagissait parce qu’elle était blessée et parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi Rhett avait préféré cette opportunité quand elle était là, à attendre comme une idiote qu’il décide quand aller mieux et quand arrêter de faire semblant que la pause qu’il leur avait imposée servait vraiment à quelque chose, envisagée seulement pour se donner bonne conscience après un incident qui aurait pu être dramatique si pas pris à temps. Ils ne parlaient peut-être pas beaucoup pendant cette période, ne sachant pas sur quel pied danser, mais ils se voyaient régulièrement, et jamais alors qu’ils faisaient passer d’une main à l’autre ce qu’Evelyn avait consenti à faire disparaître pour l’aider, elle n’avait démontré la moindre faiblesse à ne pas le soutenir, même si elle ne le comprenait pas toujours et que ça la dépassait. C’était ça le plus douloureux, c’était ça qui la meurtrissait plus encore que l’idée qu’il avait jugé bon s’en remettre à quelqu’un d’autre qu’elle : que pendant qu’il pensait à la meilleure manière d’assouvir ses besoins, elle essayait de se mettre à sa place et d’envisager sa situation comme si c’était elle qui la vivait, comme si elle était une partie du problème et que c’était son devoir de l’aider de la meilleure façon.

Rhett ne le comprenait pas parce qu’il était trop égoïste pour ça, et elle détestait que ce soit si violent à réaliser quand elle en avait fait abstraction jusque-là pour l’aimer quand même, au point de voir leur avenir se dessiner au loin sans ne pas avoir peur certes, avec une certitude ancrée quelque part en elle qu’elle ne le regretterait pas. Elle s’était royalement planté, ça aussi c’était violent à réaliser. Les larmes étaient inévitables, alors elle n’essaya pas de les retenir quand elle l’entendit parler, secouant la tête en même temps en accusant le coup de ce qu’il lui disait sans même chercher à écouter son esprit qui lui soufflait de ne pas le croire quand il semblait émettre de vrais regrets "T’as peut-être pas dit que ça, mais c’est tout ce que je retiens aujourd’hui parce qu’à chaque fois, t’as été injuste avec moi alors que j’ai tout fait pour t’aider et te soutenir. Je suis pas sûre que tu te rendes compte de ça, et ça me fait du mal." Avec ses deux paumes, elle sécha les larmes qu’elle avait sur les joues, ses yeux se levant au plafond en laissant un tout petit rire lui échapper alors qu’elle ajoutait "Je t’ai même défendu quand t’avais tort, je suis restée de ton côté parce que je t’aime, et ça non plus, je suis pas sûre que tu t’en rendes compte." Elle déglutit pour ravaler ses larmes, marqua un courte pause avant de conclure, simplement "Je t’ai jamais abandonné, même quand on faisait une pause pendant laquelle toi tu —" Elle ne continua pas sa phrase, l’image incrustée au milieu de ses rétines, et n’y échappant même pas quand elle ferma les yeux pour se recentrer et ne pas laisser les choses l’atteindre trop fort quand c’était déjà le cas en vérité.

Il s’irritait, elle l’entendait dans le son de sa voix. Elle aurait aimé lui dire qu’il en avait à peine le droit, mais elle ne le fit pas, restant assise sur le canapé de cette thérapeute qui n’était utile que pour noter ce qu’elle entendait et assister à un spectacle qui faisait honte à Evie qui se leva finalement, dépitée. Elle se tourna à peine vers Rhett, pas prête à affronter ses yeux de plein fouet, et écarta les bras pour englober une situation qui lui échappait, qu’elle n’avait pas eu le temps de voir arriver. Pour elle qui savait se préparer à toutes les éventualités, c’était aussi déstabilisant que rageant de se rendre compte qu’elle n’avait pas le pouvoir de garder la mainmise sur tout ce qui se passait dans sa vie. Elle lui avoua, ses épaules se haussant alors que ses bras gardaient un écartement qui traduisait la grandeur de son incertitude "Et je sais pas ce que j’attends de toi." Elle n’était personne pour lui imposer une marche à suivre et des doléances. Elle cligna furieusement des yeux, les sommant de ne pas se gorger de larmes à nouveau quand sa voix s’en gonfla en même temps pendant qu’elle continuait "Je pourrais prétendre le contraire, te faire une liste de ce que je veux que tu fasses pour te faire pardonner, mais je te connais : t’imposer quoi que ce soit, c’est te forcer à faire tout le contraire, et je veux pas que tu sois malheureux." Ce qu’il deviendrait si elle l’obligeait à changer et ce n’était même pas ce qu’elle voulait. Ce n’était pas la meilleure version de Rhett qu’elle aimait, c’était Rhett tout court, et il venait avec ses défauts qui n’étaient pas insurmontables pour quelqu’un d’aussi obstiné qu’elle, mais qui avaient pris trop de place au cours des derniers mois pour qu’elle ne ressente pas le besoin de prendre de la distance pour restaurer sa capacité à les encaisser avec l’élégance qui était la sienne. Alors qu’il terminait sa phrase, elle secoua sa tête qu’elle finit par tenir entre ses mains, dans un étau qui n’avait rien de rassurant et qu’elle serra pour se donner le sentiment d’être rattachée dans une réalité qui ne lui plaisait pas et qui la mettait en détresse, bien incapable de réfléchir comme il fallait tant elle ressentait de choses en même temps. Elle annonça finalement, moins catégorique que lorsqu’ils s’étaient retrouvés dans la salle d’attente, mais pas plus optimiste pour autant — encore que, il fallait se contenter des petites choses à ce stade "J’ai besoin de faire le point, je suis perdue." Et enfin, elle tourna ses yeux dans sa direction, lâchant une profonde expiration quand lâchant son propre visage, elle termina "J’ai besoin de réfléchir, Rhett."

Elle ne retient que le pire, et c’est tout ce qu’il retient à son tour, désormais plus si certain que ça que les causes perdues méritent qu’on se batte pour elle. Rhett ne veut pas abandonner, mais il ne sait pas faire comme si de rien n’était: il est blessé autant qu’il est désolé. La faute sur ces mots lui incombe, il sera toujours le premier à ne pas se pardonner de l’avoir comparée à une pute sans qu’elle n’ait absolument rien fait pour le mériter ; le tout pour mieux revenir avec la bouche en coeur quelques mois plus tard, pour remettre sur le tapis cette idée de pilules qu’elle pourrait peut-être arrêter de prendre. Il n’a pas dit les mots clairement, comme à son habitude, mais il a caressé l’idée de finalement fonder une famille lui aussi, à ses côtés. Cela n’a plus l’air si terrible, et ça a même l’air plaisant. Il y pensait quand tout allait bien, mais aujourd’hui les priorités sont ailleurs et il fait de son mieux pour essayer de sauver ce qui peut l’être. « Je me rends compte de tes sacrifices, maintenant. » La temporalité est à préciser, il le sait. Il ne s’en est pas rendu compte pendant près de deux. Il n’y a vu que du feu, même lorsqu’il mettait entre ses mains une substance hautement addictive. Il avait l’impression de lui donner un sac de courses, il se disait que ce n’était pas grand chose. Et il se croyait lui-même, évidemment. Rhett voudrait lui rappeler qu’il a fait des erreurs mais n’a jamais cessé de l’aimer ni même faibli dans ses sentiments, mais il se rend bien compte que l’argument ne fait pas son poids ; pas alors qu’il l’a de toute façon déjà répété à trop de reprises. Elle n’est pas sans l’ignorer. « Je me doutais pas que tout se passerait comme ça. Dans ma vie. J’aurais choisi de pas te l’infliger, si j’avais pu. » Il aurait fait le choix de la garder loin de lui, s’il avait pu. Égoïstement, maintenant, l’idée lui est insupportable et reste inenvisageable.

Elle a séché ses larmes, elle a lutté pour que d’autres n’apparaissent pas à la place, et la culpabilité le ronge alors qu’elle pleure encore à cause de lui. "J’ai besoin de faire le point, je suis perdue. J’ai besoin de réfléchir, Rhett." Ce n’est pas une véritable réponse, du moins pas le genre qui lui apporte des réponses, à lui. Mais c’est au moins quelque chose, une nette amélioration par rapport au moment où elle les disait séparés. Ils ne le sont peut-être plus ? « Je te laisse le temps. » Il sait de toute façon ne pas pouvoir faire autre chose. Elle est dans son droit et lui, il ne sait pas quoi faire d’autre, sans même une ligne directrice à suivre. « Mais… tu m’imposerais rien. Et je ferais pas le contraire. C’est un cas différent, là. » Il est du genre à aller contre tous les ordres donnés et les avis donnés, bien plus par habitude que par réelle envie d’emmerder son monde, mais il mesure un peu trop les possibles conséquences d’un tel acte avec Evelyn pour oser aller contre son envie. Une fois de plus, du moins. « Je sais pas quoi te dire non plus. » Il finit par avouer, son regard passant d’Evelyn à la psy pour y trouver un quelconque soutien, elle qui reste pourtant un peu trop occupée à tenter de rattraper son retard dans ses notes pour leur donner du crédit. « Je vais attendre. Et… j’sais pas. » Rhett hausse les épaules à nouveau. Il attendra, et elle n’aura qu’à lui envoyer un message si jamais son avis change. Et s’il ne change pas, alors il ne sait pas. Il avisera. Il ne veut pas y penser pour le moment.

second, third, and hundredth chances
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Il se rendait compte de ses sacrifices, maintenant. C’était une pilule difficile à avaler, cet ajout de la temporalité qu’il faisait, mettant en avant tous les efforts qu’elle avait fait pour pas grand-chose. C’était encore une forme d’affront à encaisser, et elle l’encaissa avec le regard posé sur lui en n’ayant plus tellement la force d’arguer quoi que ce soit, vidée par tout ce qu’elle lui avait déjà dit et qui avait besoin de sortir pour qu’elle tente de guérir. Parce que oui, c’était à son tour de guérir, et qu’elle tacherait de le faire seule pour ne pas se laisser pourrir par l’amertume que lui inspirait toute cette situation qui faisait ressortir peut-être bien ce qui avait de pire en elle. Elle s’en voulait déjà atrocement des mots durs qu’elle avait prononcé aujourd’hui, elle savait que sa limite avait été atteinte, et se jurerait probablement de ne plus jamais la dépasser, comme elle l’avait déjà dépassée une fois quand il l’avait poussé dans ses retranchements et qu’elle l’avait giflé. La situation n’était pas bien différente dans le fond. Ces deux fois-là, Rhett avait plus joué avec sa dignité qu’il n’avait joué avec ses nerfs, aussi pour quelqu’un comme Evelyn qu’on avait cloué au piloris pour ses accointances avec la gent masculine, c’était danser sur les reliefs fumants de ce qu’elle avait reconstruit après son histoire scandaleuse avec Owen.

Elle prit une profonde inspiration, referma les yeux un instant en relevant la tête, la détournant légèrement pour que Rhett n’apparaisse plus dans son champ de vision une fois qu’elle relèverait les paupières. C’était compliqué, elle n’avait pas envie qu’il pense un seul instant qu’elle regrettait ce qui se passait entre eux, parce que ce n’était pas le cas. Mais en même temps, elle avait envie qu’il comprenne l’erreur qu’il avait faite en la prenant pour acquise, s’attendant à ce qu’elle lui pardonne tout. Elle se somma de réguler sa respiration, elle se somma aussi de ne pas faire un pas vers lui lorsqu’il lui dit qu’il lui laisserait le temps après qu’elle lui eut dit qu’elle en avait besoin pour réfléchir. Mais Evie n’était pas une femme de conflit, et une oeillade avait suffi pour lui faire comprendre à quel point, si elle était mal, lui l’était au moins autant ; alors une part d’elle la fustigeait déjà de faire ce qu’elle avait en tête, mais elle devait avouer que sur l’instant, elle s’en fichait pas mal. Elle rouvrit les yeux et elle s’approcha plus près de lui, puis elle attendit qu’il pose son regard sur elle pour lui attraper le visage entre les mains pour le dévisager un instant d’abord, et le prendre dans ses bras l’instant suivant.

"Fais rien de stupide Rhett, c’est tout ce que moi j’ai à te dire et à te demander." qu’elle lui murmura aux creux de son oreille, sa voix basse d’avoir un peu pleuré, mais surtout basse à cause de l’intimité relative de cette étreinte qu’elle lui donnait, elle ne savait même pas pourquoi finalement. Après un instant à le serrer dans ses bras, à prendre conscience que si elle avait mis du temps à admettre qu’elle l’aimait, elle ne serait pas capable de l’aimer moins aujourd’hui sous le prétexte qu’il lui faisait du mal, elle rompit leur étreinte pour rester proche de lui, ses mains se posant sur ses épaules pour les lâcher la seconde d’après, le visage toujours tourné dans sa direction pendant un instant encore — et puis elle sembla revenir à elle quand, rebondissant sur ce que Rhett avait dit avant qu’Evie ne l’étreigne, la psy lui répondit "Vous ne savez pas quoi lui dire aujourd’hui, mais ça viendra avec le travail qu’on fera ici disons, une fois par semaine pour commencer ?" Evelyn savait de qui elle attendait l’assentiment, mais elle ne le donna pas tout de suite. Elle était encore prise dans un dilemme qui partait de son envie que Rhett apprenne sa leçon, quand elle avait le sentiment au fond que là, il l’apprenait de la pire des façons, ne s’étant pas attendu à ce que cette fois, elle se comporte comme elle aurait dû le faire bien avant ça : avec un peu plus de fermeté. Cette dernière, elle ne fronderait pas comme neige au soleil cette fois, mais elle ne devait pas forcer le trait. Evie tenait à Rhett, elle l’avait vu à un moment donné comme le père de ses enfants, et cette conclusion était assez perturbante pour elle, qui avait toujours repoussé l’idée d’être mère avec une force vindicative, pour lui faire considérer qu’au fond, elle devait mettre de l’eau dans son vin parce que cet homme avait quelque chose en lui qui lui convenait, tout simplement. Elle l’avait fait de nombreuses fois bien sûr, et ça avait toujours valu le coup. Quand tout se passait bien, tout se passait bien — c’était simple, c’était doux et c’était ce qui lui fallait. Sentant le poids du regard de la psy peser sur elle, elle sortit enfin de sa réflexion pour, après avoir adressé un nouveau regard à Rhett, lui répondre en opinant du chef "Je pense qu’une fois par semaine pour commencer, ce serait bien — mais Rhett." enchaîna-t-elle vite, ses lèvres se pinçant avant de lui faire, le regard aimanté par le sien "Je ferai pas tout ce travail toute seule, c’est clair ?"

Il ne sait pas pourquoi Evelyn le prend dans ses bras et une part de lui craint que cela soit un genre d’adieu, mais cela ne l’empêche pas de l’étreindre avec douceur, quoique sans doute avec un peu trop de force aussi. Pendant un instant, il oublie où ils sont et il oublie qu’ils sont observés tels des animaux de zoo. Sa main presse tendrement l’épaule de la brune, et pendant un instant il oublie qu’ils ne sont plus un couple. "Fais rien de stupide Rhett, c’est tout ce que moi j’ai à te dire et à te demander." Ce ne sont généralement pas les mots qu’elle peut lui murmurer dans ce genre de moments mais il ne fait pas la fine bouche. Leurs corps finirent par se séparer et leurs visages de prendre un peu de distance, bien qu’il lui parle à son tour à voix basse avant qu’elle soit trop loin pour l’entendre. « C’est promis. » Et il tiendra cette promesse plus que n’importe quelle autre, parce que ça lui tient à cœur. Plus que jamais, il comprend les enjeux et il sait surtout ce qui pourrait se passer s’il faillit à la tâche: et pour la première, il le sait avant que les conséquences ne surviennent. Les mouvements de sa tête continuent de marquer la positive, pour la rassurer mais aussi pour garder un certain contact avec elle, ce dernier se retrouvant mis à mal par la seule intervention de la psychologue. "Vous ne savez pas quoi lui dire aujourd’hui, mais ça viendra avec le travail qu’on fera ici disons, une fois par semaine pour commencer ?" Il ne déloge pas son regard de la brune, attendant d’abord son avis sur la question pour ensuite donner le sien. Il a dit qu’il s’adapterait à ce qu’elle désire et il le fera.

"Je pense qu’une fois par semaine pour commencer, ce serait bien — mais Rhett." Il hoche la tête, soulagé qu’elle accepte l’idée, parce que cela signifie au moins qu’elle garde aussi espoir en la possibilité qu’un quelque chose puisse encore exister. "Je ferai pas tout ce travail toute seule, c’est clair ?" - « C’est clair. » Il est un enfant à qui on doit rappeler de faire ses tâches mais il fait de son mieux pour ne pas s’en plaindre, le reproche le poussant au moins à déloger son regard d’Evelyn pour le poser sur la professionnelle à côté d’eux. « Je te laisse prendre le jour et l’heure que tu préfères. » Parce qu’elle est occupée, elle. Parce qu’elle est la seule des deux à avoir un travail et qu’il est, en retour, le seul des deux à pouvoir s’adapter pleinement à l’heure convenue. « Je serai là. » Elle n’en doutait sûrement pas, mais il insiste quand même dessus, parce que c’est le début d’un effort et que ce n’est rien de stupide. « Ça se passera bien. » Ils arriveront à remonter la pente. Ils n’oublieront jamais, il en est bien conscient, mais ils arriveront à se souvenir qu’il y a de belles choses à tirer de cette relation et qu’elle peut encore le leur prouver. En tout cas, il en est persuadé.