i wanna taste the way that you bleed
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor – dimension gothique ☆ crédit/acecroft

Des rumeurs courent à mon sujet, mais personne ne connait mon visage en ville. Mes victimes ne survivent pas assez longtemps pour parler de mes traits à qui que ce soit et les rares villageois qui ont la chance de m’apercevoir de loin et d’y survive ignorent tous quel genre de monstre renferme mon alléchante coquille corporelle. L’être humain qu’ils habitaient autre fois est mort depuis longtemps, remplacé par le démon qui s’est lié à mon âme lorsque mon sang s’est mélangé à celui de mon créateur.

J’aime arpenter les rues de la ville. Avant l’éclipse, cela m’était impossible. Certes, sortir de nuit ne m’était pas impossible – je crains les rayons du soleil mais toute ma puissance est décuplée sous ceux de la lune – mais j’évitais de le faire, de peur que les habitants réalisent que la comtesse qui vit dans le manoir à la sortir de la ville ne vieillit pas, ne prend pas une seule ride et ce malgré ses récent quatre-vingt dix ans. Mais à présent que les monstres règnent sur la ville et que le chaos a remplacé le calme tranquille de la jeune colonie, je me moque bien de tout cela. Les humains sont terrifiés : le risque qu’ils attrapent tous leur fourche pour venir me chasser est mince, mes semblables ont pullulé et les effraient bien trop.

Rares sont ceux qui osent s’aventurer dehors et, pourtant, il existe toujours un ou deux aventuriers qui s’y risquent et qui finissent souvent sous mes crocs. Alors, comme souvent, je chasse. Je cherche une âme qui ne se sera pas cloîtrée dans sa demeure, un crucifix planté au-dessus de la porte d’entrée. Ces idiots ignorent qu’ils sont sans effet et que, de toute façon, je ne peux pénétrer dans un lieu privé sans y avoir été invitée. L’amoureux du risque de ce soir apparaît enfin dans son champ de vision. Un sourire carnassier étire mes lèvres, et je rentre mes crocs pour l’approcher. « Excusez-moi. » Je l’interpelle d’une voix douce, suave et innocente. « J’ai perdu mon chemin. Mes parents m’ont envoyé aller chercher des oeufs et du lait à la ferme des Sterling, mais je ne trouve plus ma route et je suis terrifiée. » Je joue à merveille le rôle de l’ingénue.

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@Raelyn Blackwell  – dimension gothique ☆ crédit/acecroft

J’aime les rondes du soir : elles vident ma tête de ses soucis. Me concentrer sur les dangers qui rôdent en ville depuis cette perpétuelle pleine lune me demande d’être à l’affût, tout le temps, et c’est parfait. Parfait pour soigner mes maux et venir en aide à celle qui m’interpelle d’une voix doucereuse, si tant est qu’elle ait réellement besoin d’aide. Qui pour me jurer qu’elle n’est pas un danger ? Sa robe n’est-elle pas trop seyante pour concorder avec la candeur de son timbre ? Ses yeux ne sont-ils pas trop maquillés ? N’est-elle pas trop femme, tout simplement, bien assez pour remuer dans mes tripes un soupçon de nervosité ? Rien ne colle. Pas même son histoire à propos de la ferme des Sterling et, la main dans ma poche, je serre dans l’une la gousse d’ail et, dans l’autre, mon répulsif à loup-garou. «Je vais vous y accompagner, mademoiselle…» Ma phrase est demeurée en suspens : j’attends qu’elle se présente. J’aspire à me faire une idée sur qui elle est puisque je connais chaque famille de Brisbane, en particulier celles aux abords du fleuve. Ce n’est pas bien grand, par ici. Les artisans, les agriculteurs, les fermiers, ils sont les principaux protégés des chasseurs. «Je ne vous ai jamais vue dans le coin.» ai-je ajouté, surpris par ce l’identité qu’elle a révélé. D’emblée, j’ai cherché à évaluer à combien de kilomètres du château de ma proie principale - celle dont d’aucuns ne connaissent le visage, mais beaucoup les crocs au vu des disparus de la région - avant de statuer sur un “je suis trop méfiant”. N’est-elle pas délicieuse, cette jeune fille avec laquelle je m’entretiens avec curiosité. Qui sont vos parents, ai-je demandé gentiment. «N’avez-vous pas peur de vous promener ? Il ne fait pas bon être seuls ces derniers jours. On dirait que vous aimez le risque…» Ou que vous l’être, le péril, me souffle la part suspicieuse qui proteste, celle assise sur mon épaule et qui me met en garde. Elle va jusqu’à souligner que ce n’est pas normal d’être inexorablement attiré par une inconnue, que c’est le piège d’une des abominations qui a tout le loisir de se fondre parmi les humains depuis que la nuit perpétuelle s’est installée. Sauf que je ne tiens compte d’aucun de ses conseils. Je crois que je suis subjugué par la beauté délicate, mais atypique, de celle qui marche à mes côtés, les bras croisés par devant sa robe et qui baisse la tête comme si je l’intimidais. Nous avons marché près d’une heure, discutant de tout, de rien, de ce temps où le soleil nous ravissait. «Nous ne sommes pas loin de chez les Sterling. C’est la bâtisse par là-bas…» ai-je fini par lancer, heureux de l’avoir conduit vers sa destination. Naïf, j’ai relâché le flacon que je tenais dans la main pour désigner le bâtiment et, soudain, une vérité m’a frappée. « Vous n’avez pas de panier. Comment aviez-vous prévu de ramener vos courses ?» J’ai reculé d’un pas, mais je me suis gardé d’empoigner mon arbalète ou mon fusil. Pourtant, je suis bien appris, je ne peux exclure la possibilité du piège. Je suis pourtant incapable de réagir avec raison. Au contraire, j’ajoute - suis-je trop sur de moi, abusé par de la sorcellerie ou tout simplement charmé par le personnage ? - «Parce que je peux vous ramener si vous le souhaitez.»Je peux parce que, je l’admets, je poursuivrais bien notre échange, simple et rafraîchissant, pendant toute la nuit.

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor – dimension gothique ☆ crédit/acecroft

« Je vais vous y accompagner, mademoiselle… » Le gentilhomme mord à l’hameçon et, tandis qu’il s’approche de moi, je note la présence d’un fusil accroché à sa hanche, et d’une arbalète – ou quelque chose qui y ressemble - dans son dos. Un chasseur donc, et un plutôt bien équipé. Cela ne change guère mes plans pour l’instant, et je garde une impassibilité parfaite. « Rachel Coolidge. » Je lui tends la main pour qu’il la baise, comme le veulent les mœurs anglais de ce siècle. « Je ne vous ai jamais vue dans le coin. » - « Vous êtes observateur. » Tout le monde se connaît ici. Si je veux jouer avec ma proie et l’attaque sans risquer un carreau en plein cœur, je dois endormir sa méfiance. Mon parfum doit déjà lui chatouiller les narines et plus je m’approcherai, moins il aura envie de me repousser ou de mettre en doute ma parole. « Je suis anglaise. Ma tante est installée ici depuis plusieurs années, mais mes parents et moi-même ne sommes arrivés pour la rejoindre il y a quelques semaines à peine. » Je n’ai jamais totalement gommé mon accent britanique, même après plus de soixante-dix ans, je peux le faire ressortir lorsque je le désire.

« N’avez-vous pas peur de vous promener ? Il ne fait pas bon être seuls ces derniers jours. On dirait que vous aimez le risque… » - « Juste ciel si je suis terrifiée. Mais mon père s’est cassé la cheville avant-hier, il faut bien que quelqu’un s’occupe des commissions. » Les bonniments me viennent sans que je n’ai besoin de réfléchir bien longtemps. « Nous ne sommes pas loin de chez les Sterling. C’est la bâtisse par là-bas… » Je hoche la tête d’un air qui semble dire je vous suis avant de lui emboîter le pas.

Nous cheminons quelques minutes en silence mais je ne peux pas m’empêcher de noter les nombreux coups d’œil qu’il glisse dans ma direction. Bien. A l’heure actuelle, il doit être pris par une envie pratiquement irrépressible de toucher ma peau laiteuse pour vérifier qu’elle est si douce qu’elle en a l’air. « Vous n’avez pas de panier. Comment aviez-vous prévu de ramener vos courses ? Parce que je peux vous ramener si vous le souhaitez. » - « Hum ? » Je baisse mes deux yeux sur mes mains vides, avant de m’exclamer. « Oh oui, quelle sotte. Je les ai oubliés, mais je me suis dit qu’avec une pièce de plus, je pourrais m’en procurer un neuf. » Je tente d’invoquer la peur dans mon regard. « Je ne suis pas aussi courageuse que vous. Je n’ai pas osé faire marche arrière, plus vite je suis débarrassée de cette corvée, plus vite je pourrais retourner me barricader chez ma tante. » Puis, j’ajoute en secouant la tête. « Vous êtes adorable, vraiment, mais je détesterais l’idée d’être aperçue au bras d’un homme sans chaperon. Vous savez, les racontars peuvent détruire une réputation, et je ne suis pas mariée. » Je jette un coup d’œil à la bâtisse face à nous. « C’est ici ? »

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@Raelyn Blackwell  – dimension gothique ☆ crédit/acecroft

Ce ne sont pas tant les manières de jeune femme du monde qui semble m’hypnotiser, mais tout ce que représente cette jeune femme. Mes oeillades dans sa direction dépendent de son cou blanc, au port aussi altier que celui d’un signe qui m’invitent à plonger mon visage, au creux de ce dernier, pour mieux respirer ce parfum qui m’entête. C’est un mélange de violette avec un soupçon de bergamote et je me demande s’il est naturel ou si elle badigeonne sa peau d’essences particulières après sa toilette. Et, sa peau, parlons-en… Est-elle réellement si blanche que la raison me chuchote que c’est anormal ? Que c’est l’apanage des vampires ou des sorcières que d’être aussi diaphane ? N’est-ce pas le lot de ceux qui ne voient jamais la lumière du jour ? Ce magnétisme causera ta perte, prétend l’angelot sur mon épaule. Son semblable, vêtu comme un diablotin, avance qu’on s’en fout, qu’on ne vit qu’une fois, qu’elle me paraît délicieuse à chaque fois que son rire s’échappe de ses lèvres, qu’elle l’est aussi à chaque mouvement quand son odeur glisse sur l’air jusqu’à mon nez, que ce n’est pas grave d’avoir envie de constater de moi-même si son magnétisme tient à son teint, à son parfum, à sa démarche ou à tous ces compliments qu’elle dépose au creux de mon oreille. Il paraîtrait que je suis observateur, courageux et, moi, j’entends fort et indispensable. J’entends capable de la protéger, ce qui sous-entend que je pourrais devenir à ses yeux un indispensable. Sauf que ça ne me servirait à rien. Je suis marié et, quoique mon épouse et moi partageons des visions différentes de l’avenir, je ne suis pas malheureux. Alors, d’où me vient cette envie de la flatter, de susciter en elle l’envie de ne pas interrompre trop tôt cette fortuite rencontre et, peut-être de la revoir et de la garder. Est-ce que j’agis comme la bleusaille de chasseur ? Je ne l’exclus pas, mais une fois encore, je ne parviens pas à invoquer tout mon intuition. Elle est muette, peut-être parce que je suis plus parasité que je ne l’imaginais par les difficultés rencontrées par mon couple.   «Coolidge. Je connais la famille.» Et, une fois encore, ça ne plaide pas en faveur du raisonnable. Nul doute que je n’agis pas en bon père de famille quand je gobe tout cru ces explications au sujet de son panier. Comment aurais-je pu l’avaler de travers ? Je bombe déjà le torse et un sourire fat étire mes lèvres. «L’étourderie, ça arrive, à votre âge. Ne soyez pas trop dure avec vous-même. C’était courageux de vous aventurer ici pour venir en aide à votre famille. Et ça l’était de ne pas faire demi-tour. Et puis, maintenant, vous n’avez plus de raison d’être effrayée. » J’ai secoué d’un geste l’arme qui pend le long de mon flanc, signe que je suis prêt à l’accompagner jusqu’à chez elle…. peut-être jusqu’au bout du monde, me chuchote une voix que je semble être le seul à entendre : elle n’existe que dans ma tête. « Et, vous n’avez rien à craindre non plus pour votre vertu. On me connait dans le coin. Tout le monde sait que je ne ferais pas de mal à une mouche. Je ne chasse que les nuisibles.» ç’en est un, me scande l’autre personnification qui me chahutent. Ces deux antonymes s’entrechoquent avec leur idée et je suis pris d’un étrange mal de tête. «C’est bien ici. Je vais vous attendre là, devant le perron.» D’où je suis, je serai libre d’observer la scène, de veiller à ce que chacun ressortira vivant de la transaction, pas tant parce que je me sens menacé - et je le regrette - mais parce que c’est mon boulot. Sauf qu’il n’y a personne. La porte ne s’ouvre pas et au lieu d’éveiller ma suspicion, je plains la jeune Rachel. « C’est étrange, ça ne leur ressemble pas. J’espère qu’il ne leur est rien arrivé. Et, vous… vous n’avez pas vos commissions. Si vous me faites confiance, je peux vous en procurer. A quelques pas d’ici, j’ai des amis qui pourront vous aider. Vous êtes prête à me faire confiance, Rachel ?» Je lui ai pas baisé la main, j’ai plutôt tendu la mienne avec l’espoir qu’elle s’en saisisse. Quelque chose m’attire chez cette fille et j’adorerais vérifier qu’à son contact, je ne serai pas traverser par un courant électrique. Que toute cette faiblesse n’est qu’une illusion. «Vous me suivez ? On va régler le problème de vos courses, je vous ramènerai chez vous et comme il n’y a personne à la ronde, vraiment, votre vertu et votre réputation resteront intactes.»

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor – dimension gothique ☆ crédit/acecroft

« L’étourderie, ça arrive, à votre âge. Ne soyez pas trop dure avec vous-même. C’était courageux de vous aventurer ici pour venir en aide à votre famille. Et ça l’était de ne pas faire demi-tour. Et puis, maintenant, vous n’avez plus de raison d’être effrayée. » L’inconnu tapote l’arme qui repose sur sa hanche, rassurant ainsi la pauvre demoiselle en détresse que je suis supposée être, lui communiquant ainsi qu’elle n’a pas de souci à se faire tant qu’il est à ses côtés pour prendre sa défense. Oh mon mignon, je sais. C’est toi qui devrais t’inquiéter. Et pour cause, la veine qui palpite dans son cou m’attire plus que de raison. Juste ciel, c’est un calvaire que d’attendre de l’avoir attiré loin de la ville pour en faire mon repas et déguster son sang encore chaud. En attendant, je prétends rougir de ses compliments, quand ma peau elle reste d’une pâleur sans égal. « Et, vous n’avez rien à craindre non plus pour votre vertu. On me connait dans le coin. Tout le monde sait que je ne ferais pas de mal à une mouche. Je ne chasse que les nuisibles. » - « Oh, vous êtes un chasseur ? Ma tante m’a parlé de votre guilde. » Ceux qui ont pris les armes face au déchainement de l’enfer entraîné par l’Eclipse. Être l’unique prédateur de la région, ou l’un des rares, avait ses avantages finalement.  

« C’est bien ici. Je vais vous attendre là, devant le perron. » J’observe la bâtisse dans laquelle il me serait impossible d’entrer sans y avoir été invitée… En temps normal puisque, celle fois, je ne ressens pas la désagréable impression d’être repoussée par une force supérieure. Grâce à ce constat, je devine avant le brun qu’il est arrivé malheur aux habitants de la ferme : plus besoin d’invitation lorsque tous les occupants d’un lieu ont trouvé la mort. En même temps que lui donc, je glisse un œil à l’intérieur de la ferme. « Que se passe-t-il ici ? » - « C’est étrange, ça ne leur ressemble pas. J’espère qu’il ne leur est rien arrivé. Et, vous… vous n’avez pas vos commissions. Si vous me faites confiance, je peux vous en procurer. A quelques pas d’ici, j’ai des amis qui pourront vous aider. Vous êtes prête à me faire confiance, Rachel ? » - « Rien arrivé ? Vous avez déjà vu de vos yeux l’une de ces horribles créatures dont m’a parlé ma tante ? » Je prends un air effrayé, et je profite de l’occasion offerte par la situation pour poser ma main gantée sur son avant-bras. Dieu que sa peau est chaude. J’ai envie d’y planter mes crocs sur le champs et puisque la ferme est vide, elle ferait un parfait endroit pour cette besogne. « Vous me suivez ? On va régler le problème de vos courses, je vous ramènerai chez vous et comme il n’y a personne à la ronde, vraiment, votre vertu et votre réputation resteront intactes. » Déjà il s’éloigne, et j’entends le retenir, avant de changer d’avis en entendant qu’on l’interpelle au loin. « Amos ! Vient par ici ! Les Sterling, oh mon dieu ! » Croix de bois, croix de fer, je n’y suis pour rien. Je vois que le chasseur hésite et, frustrée, je décide qu’il deviendra mon repas un autre soir. « Allez-y chasseur, il semblerait qu’on a besoin de vous. » Mais je le retiens toutefois par l’avant-bras une seconde de plus. « Mais avant, dites-moi que je vous reverrai. » Je mords ma lèvre inférieure, fait mine de baisser les yeux avant de planter à nouveau mon regard dans le sien. « Je viens d’arriver et je ne connais personne. Vous avez été si bon avec moi, puis-je vous demander de me faire visiter la ville, une fois prochaine ? »

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@Raelyn Blackwell  – dimension gothique ☆ crédit/acecroft

Je n’ai pas présumé à tort du sort des Sterling. J’ai souhaité retarder l’évidence parce que me séparer de Rachel m’était insupportable. Alors, oui, magré mes soupçons, je ne suis pas entré de suite. Je ne me suis pas précipité à l’intérieur de la demeure. Je me suis contenté de remarquer le côté anormal de la situation avant de me tracasser du sort de celle que j’ai escortée jusqu’ici. Je ne songe qu’à trouver une solution à ce que je suppose être son problème : subvenir aux besoins de sa vieille tante et de son oncle blessé à la cheville. Je lui ai même proposé une alternative qu’elle n’a pas eu le temps de saisir. Hélé par un groupe d’habitants, il m’a fallu de longues minutes pour réagir à l’appel à l’aide, pour ne plus être subjugué par la beauté enchanteresse de cette belle blonde. «Evidemment.» ai-je répliqué, soucieux d’obéir à cette demande : nous revoir. Loin de moi l’idée de me mentir, j’en crève d’envie. J’aspire à lever le voile sur tous les secrets de cette merveille. Pourquoi donc faut-il que l’on nous interrompe ? Et, tandis que nous rompons le contact visuel, pourquoi ai-je l’impression que mon corps était penché sur elle ? Penché dans sa direction ? Pourquoi ai-je eu le sentiment que j’étais happé par une force émanant d’elle et qui n’avait rien de naturel ? «Amos ! » répète plus fermement un autre de mes semblables, l’un de ses humains qui a voué sa vie à la sécurité des autres. J’en ai sursauté, comme si j’avais été présent de corps, mais à des kilomètres de cette réalité. Où étais-je ? Perdu dans les grands yeux de mon interlocutrice ? «Retrouvons-nous demain soir, aux abords de la place, devant… devant l’hôtel Regatta.» J’ai tourné les talons, mais avant d’abord les marches du perron, je me suis tourné une dernière fois sur l’éblouissante créature qui s’éloigne à petis pas. Survivra-t-elle à cette nuit ? «Rachel. » l’ai-je apostrophée fermement, mais avec douceur. «Soyez prudente, voulez-vous ?» Assurément. Elle a hoché la tête et je m’en suis retourné, rassuré.  «Tout va bien, chasseur ?» m’a demandé l’homme catastrophé que j’ai rejoint et qui ne semble pas avoir remarqué ma compagnie. «Vous avez l’air ailleurs.» Tellement que je ne suis pas horrifié par le bain de sang dans lequel trempe les corps de cette famille d’agriculteur dont le nom n’inspirait que confiance et respect. Je reprends seulement mes esprit. Je comprends peu à peu et, pourtant, je ne suis habité par le désir de détruire ce monstre qui m’a ensorcelé, pas même de venger mes semblables de cette mort atroce.