Il a eu sa dose de clients ivres pour toute une soirée, c'est ce qu'il glisse à l'oreille de Calvin pour que ce dernier ne s'étonne pas – ou plus – de la facilité avec laquelle Mickey peut déserter son bar et ses responsabilités ici-bas, à croire que cet établissement n'est pas le sien parfois. Disons surtout que le boxeur a mieux à faire que de jouer les patrons ce soir, attendu chez Rhett depuis que ce dernier l'y a convié par message et ce, sans que Mickey n'ait tiqué à sa demande stipulant de n'amener rien d'autre qu'à boire. N'est-ce pas après tout la seule chose pour laquelle l'ancien champion s'estime encore expert, en tant que gérant d’un bar dont il peut allègrement piller les réserves ? Il peut bien emporter quelques unes de ses meilleures bouteilles là encore car il faut au moins ça pour honorer cette soirée passée avec son presque colocataire, en supposant que rien n'a pu tellement changer depuis la dernière fois. Le fait que Rhett lui ait parlé d'une discussion qu'il comptait avoir avec Evelyn ce même soir lui est par ailleurs déjà sorti de l'esprit, de quoi l'amener à s'attendre à tout sauf à un cataclysme qui aurait pu secouer la vie du Hartfield en son absence, quand bien même l'évidence ne devrait pas tarder à lui sauter aux yeux. En attendant, c'est avec ses bouteilles sous les bras que Mickey rejoint cet appartement qu'il connait à force comme sa poche pour venir y dormir certains soirs, sans être encore certain de pouvoir ou non compter la nuit à venir. Les habitudes sont donc bien de retour, comme s'il n'avait pas sérieusement eu envie d'étrangler Rhett le mois dernier à la veille du match qu'on ne présente plus, dans une absence totale de logique tout aussi bien connue entre eux. « Et voilà le Saint Graal. » il annonce en déposant sans attendre sa meilleure trouvaille sur la table basse, un Whisky Macallan sélectionné avec soin parmi le vaste choix qu'on imagine. « Écossais et dix-huit ans d'âge, crois-moi que c'est du bon. » Rhett lui en dira bientôt des nouvelles puisqu'à le regarder comme ça, il semble bien qu'il ait besoin d'un remontant digne de ce nom. Difficile en l'occurrence de ne pas remarquer la tête qu'il tire et l'atmosphère tout aussi pesante régnant par ici, que Mickey est bien incapable de ne pas souligner lui qui n'est pas franchement réputé pour sa subtilité. « J'ai comme l'impression qu'on risque pas de trinquer. » Et ce constat, il le livre en observant longuement le Hartfield tandis que ce dernier lui semble particulièrement pensif. Ils n'auront rien à célébrer ce soir, Mickey le saisit bien vite et s'il s'active déjà à remplir leurs deux verres, ce n'est pas pour autant qu'il détache ses yeux de Rhett. « Raconte. » il finit par laisser entendre alors qu'il se laisse tomber sur le canapé non loin de lui, sans même encore toucher à ce qu'il vient de leur servir. Se pourrait-il que les choses se soient moins bien passées que son colocataire l'avait estimé ? À cet instant, Mickey croit deviner ce qui lui vaut d'afficher une mine aussi déconfite et c'est par réflexe qu'il fait finalement glisser vers Rhett la bouteille toute entière, si tant est que celle-ci puisse l'aider à parler.

Sa sélection de bouteilles pourrait laisser penser que Mickey cherche à l'impressionner quand en vérité, il met juste un point d'honneur à parfaire sa réputation et son statut de connaisseur. Il n'allait tout de même pas ramener n'importe quel alcool lorsque Rhett le lui a demandé, ça n'aurait pas été digne de lui et pas non plus digne de leur amitié, aussi fragile soit-elle parfois. Ce soir, c'est une soirée on ne peut plus banale entre colocataires que le boxeur s'attend à passer, n'ayant personnellement pas prévu de compter les verres descendus car ainsi, au moins, c'est sur sa poudre qu'il fera des économies. Et puisque Rhett n'a pas émis le souhait qu'il ramène ses consommations habituelles, il n'imposera pas à celui-ci la moindre ligne à snifer sur sa table, qui en a vu bien assez passer comme ça. « Je suis en dette d’un demi-rein, j’imagine ? » Il étire un sourire et ne perd rien de sa fierté, car Rhett ne se trompe pas sur la valeur d'une telle bouteille même s'il n'est pas vantard au point d'en crier haut et fort le prix. Quelques quatre cents dollars et c'est un minimum, mais personne d'autre que lui n'a besoin de le savoir. « T'es con. » il balaie avec amusement les paroles du Hartfield, qui n'aura tout bonnement jamais ce genre de dette envers lui. C'est l'avantage de fréquenter un patron de bar et d'offrir à ce dernier un canapé où dormir, quand bien même cela reviendrait à dire que Mickey lui doit également quelque chose. Dans les faits, Rhett est surtout devenu un ami qui compte et c'est la raison pour laquelle son message l'a conduit à déserter ses obligations, donnant la priorité à son invitation sans la moindre honte. « Tant qu’il y a de l’alcool, ça me va. » Et là-dessus, au moins, tous deux n'auront jamais aucun mal à s'entendre.

Si son sens de l'observation n'est habituellement pas mauvais, il n'a toutefois pas besoin d'analyser longuement son colocataire pour en conclure que cette soirée ne s'inscrira pas sous le signe de la moindre célébration. « Non, mais ça n’empêche pas de boire. » Boire ou se mettre la misère, quelque chose lui dit en tout cas qu'il aura quelque chose à y noyer. Rhett a sa tête des mauvais jours et il ne prétend pas savoir pourquoi, du moins avant qu'une certaine discussion avec Evelyn lui revienne en mémoire et ne le prépare au sujet qui pourrait être abordé entre eux. C'est forcément d'elle dont il s'agit, et Rhett le lui confirme bien vite. « Je lui ai rendu les clés de son appart. » Son haussement de sourcils est alors immédiat tandis qu’il se redresse par réflexe. « C'est à ce point-là ? » s'étonne-t-il, car ils ne se sont manifestement pas contentés de parler ce soir. Les paroles ont donc été suivies d'actes forts, et il devine que Rhett était loin de s'y attendre tant il peut encore paraître sonné dans sa façon de l'annoncer. « Même quand sa nièce est tombée sur un de mes cachets, elle était pas en colère. Et là… je l’ai jamais vue comme ça. » Il faut dire que tu enchaines les conneries Rhett, semble alors lui signifier son regard, alors qu'il ne sait pas grand-chose de cet épisode incluant la nièce d'Evelyn. Une enfant ne devrait jamais pouvoir mettre la main là-dessus mais il ne lui fera pas la morale, car sans doute que sa petite amie s'en est déjà très largement chargée avant lui. « Je crois que c’était l’erreur de trop. » Une erreur, donc. C'est à cela que Rhett assimile son service rendu et Mickey ne s'en offusque même plus. Il est forcé de dépasser tout ça et il le sait, désireux que cette histoire ne l'atteigne plus comme elle a déjà pu le faire. Sa responsabilité en revanche, Mickey l'assume et ne niera jamais avoir été celui à l'origine de cette gâterie. Son verre porté à ses lèvres, il commente calmement. « T'avais l'air pourtant certain qu'elle réagirait pas trop mal. Mais pour ce que ça vaut, je te trouvais un peu trop optimiste de ce côté-là. » C'est la première chose qu'il s'était dit en lisant ses messages, que Rhett devait être un peu déconnecté de la réalité pour penser qu'une tromperie ne changerait rien à son couple. De toute évidence, la discussion de ce soir lui a donné raison et la nouvelle n'est pas passée comme une lettre à la poste, loin de là. « Ma mère va me tuer. » Oh, il ne peut que le croire puisque sa propre famille lui avait vivement reproché d'avoir fichu en l'air son histoire avec Aliyah, trouvant pour sa part sa maitresse dans la drogue. « Je sais pas comment t’as fait pour accepter la fin de ton mariage, avec un gamin au milieu en plus. » À son tour de se fendre d'un rire nerveux, aussi bref que ce premier verre que Mickey termine d'une traite. « Tu sais, je crois pas avoir accepté quoi que ce soit. » Il aurait sûrement déjà signé les papiers du divorce si ça avait été le cas, et le fait de retarder la procédure depuis quatre ans prouve même qu'il n'a rien accepté du tout. Il ne perdra pas ses droits sur sa fille, cette option-là n'existe tout simplement pas. « J'ai juste pas eu le choix et on dirait bien que toi non plus, tu l'as pas. » Car d'après ce qu'il comprend là encore, le couperet est tombé sans que Rhett n'ait eu son mot à dire. Pas besoin de préciser qu'Evelyn l'a mal pris, il lui suffit de l'écouter pour s'en convaincre et le comprendre, aussi.

« J’accepte pas l’idée alors qu’on a même pas été ensemble deux ans. » Car ensemble, il faut croire qu'ils ne le sont plus. Rhett ne le dit pas clairement mais il ne peut que s'en douter, rendre ses clés à quelqu'un n'étant pas sans symbolique et cela s’accorde plutôt bien avec la colère d'Evelyn qu’il soulignait un peu plus tôt. « Et elle, c'est autre chose visiblement qu'elle accepte pas. » il remarque d’une voix neutre, loin de la blâmer pour autant alors qu'il ne connait aucune femme qui aurait pu l'accepter, en vérité. La sienne avait bien des choses à lui reprocher mais pas celle-là, et c'est un tort que Mickey n'a au moins pas dans une histoire tout sauf à sa gloire. « Je sais pas si elle se doutait déjà de quelque chose la veille du match, mais je suis à peu près sûr qu'elle est partie en me détestant ce soir-là. » Elle avait au minimum de sérieux doutes à son sujet mais l'avoir traité de menteur n'était notamment pas anodin, de quoi le persuader qu'il lui a fait très mauvaise impression et que cela ne s'est certainement pas arrangé avec ces récentes révélations. Rhett n'a pas dû faire un mystère de celui qui lui a rendu ce service mais il ne compte pas le lui reprocher, peu importe que cela fasse de lui l'homme à abattre désormais. À ce stade, une ennemie de plus dans cette ville ne l’empêchera pas de dormir et il se fiche même que cela s’étende jusqu’aux Hartfield. « C'est fini alors ? » questionne-t-il sans détour, aussi bien pour en avoir le cœur net que pour l'aider à poser des mots sur l’inavouable. « Cette fois c'est pas une simple pause on dirait. » Et c'est sans satisfaction qu'il le présume, bien qu’il n’ait pas le sentiment d’avoir contribué à briser quoi que ce soit. Il a rendu service à l’homme qui lui plaisait parce qu’il ne pouvait pas obtenir autre chose de lui, un détail qu’il n’est d’ailleurs pas certain qu’Evelyn possède car pour une fois, il n'imagine pas le principal concerné s'en être vanté.

C'est à ce point-là, donc. Il n'est plus question pour Rhett de vivre avec Evelyn s'il en croit les clés que ce dernier lui a rendues et les conséquences se dessinant de plus en plus clairement derrière leur discussion, au cours de laquelle son colocataire n'aurait apparemment pas pu se montrer plus franc. Il a toujours été clair dans l'esprit de Mickey que personne d'autre que Rhett ne pourrait l'apprendre à la principale concernée, une vérité qui ce soir semble lui coûter cher et ce, même si n'importe qui aurait pu prédire qu'Evelyn n'aimerait pas entendre de quoi leur amitié a été faite. En l'occurrence, d'un service rendu lorsque tous deux se trouvaient en pause, ce qui n'offre sans doute pas à Rhett la moindre circonstance atténuante aux yeux de sa bien-aimée ou du moins, ce qu'il peut en rester. « Ouais bah tu sais que je suis pas le meilleur pour anticiper les réactions des autres. » Et ce n'est guère surprenant lorsque l'on connait la capacité qu'a Rhett pour agir avant même de réfléchir, bien trop souvent. C'était une vérité qu'il lui devait, certes, mais elle n'avait selon Mickey aucune chance d'être bien accueillie compte tenu de la nature de celle-ci. Ainsi le Hartfield n'a rien vu venir, contrairement au boxeur qui quatre ans plus tôt assistait lui aussi à la fin brutale de son couple, sans s'être véritablement fait à l'idée depuis. Il ne sait toujours pas ce qu'il accepte le plus mal dans le fond, que les promesses faites le jour de son mariage avec Aliyah n'aient pas empêché celle-ci de partir lorsque le pire l'a emporté sur le meilleur, ou qu'un autre puisse potentiellement un jour reprendre son rôle auprès de sa fille. Dans un cas comme dans l'autre, Mickey n'a pas été fichu de réagir et une part de lui le regrettera toujours, car les faits démontrent qu'il a peut-être bien été le premier à baisser les bras lorsqu'il y avait encore quelque chose à sauver. « C’est elle qui a pris la décision ? » Il hoche la tête sans attendre, ne voyant pas d'intérêt à instaurer le moindre suspense car ce n'est pas avec le peu de lucidité qu'il avait à l'époque que Mickey aurait pu décider pour deux. « Pour le divorce et pour le reste, ouais. » Un reste englobant le fait d'être tout simplement partie, Aliyah ne s'étant pas contentée de le quitter puisque c'est aussi sa fille qui méritait à ses yeux une meilleure vie, bien trop jeune pour assister à la descente aux enfers de son père. Et ça Mickey le comprend, allant même jusqu'à y puiser une motivation progressive pour retrouver une place de choix auprès de Lola. Ce n'est pas demain la veille qu'il sera élu père de l'année mais il jure faire en sorte de s'améliorer, aussi timides soient encore ses efforts. « Elle dirait qu'à défaut d'avoir été infidèle, j'ai quand même préféré la compagnie de ma poudre à la sienne. Et c'est vrai qu'il y quatre ans, plus grand-chose d'autre ne comptait. » Lorsqu'il a atteint le point culminant de son addiction et que beaucoup s'imaginaient même qu'il y laisserait sa peau, oui, Mickey n'a pas honte d'avouer que sa drogue lui apparaissait alors comme son seul refuge. Il ne voyait pas plus loin que sa poudre et ses seringues, et estime au moins avoir dépassé le stade où il ne pouvait pas commencer la moindre journée sans sa dose, aussi tenace soit cette dépendance qu'il ne vaincra sans doute jamais totalement. Reposant son verre dans un geste lent, c'est en relevant la tête que le boxeur déclare, presque philosophe : « J'ai toujours su au fond de moi que je la méritais pas. » Aliyah est un ange, il l'a compris dès le jour de leur rencontre et il le constate encore bien aujourd'hui, dans sa façon de continuer de veiller sur lui. Si peu de femmes le feraient, d'autant plus en restant prisonnières d'un mariage dont la fin n'est toujours pas actée.

« J’aurais dû m’en douter. » Difficile de ne pas accorder un point à Rhett là-dessus, tant la tournure des choses peut sembler prévisible lorsqu'on imagine le caractère retentissant de son aveu face à Evelyn. Ce n'était pas l'issue qu'il souhaitait alors il ne l'a pas considérée comme étant possible, mais force est de constater qu'un problème ne cesse pas pour autant d'exister quand on s'emploie à l'enfouir sous le tapis, dans un monde où aller voir ailleurs constitue un affront que beaucoup ne pardonnent jamais. Sans avoir forcément senti les cornes lui pousser de part et d'autre de la tête, Evelyn a de toute évidence flairé que quelque chose clochait entre les deux anciens sportifs et ses doutes, Mickey n'a pas manqué de les ressentir ce fameux soir où leurs routes se sont croisées sur fond d'évènement caritatif. Il n'oublie pas son regard comme la froideur de sa main tendue vers lui à la fin de leur échange après que celle-ci l'ait frontalement mis face à ses incohérences, pour le moins nombreuses ce jour-là. « Je lui ai pas précisé que c’est toi qui me fournissais. » Il aurait pu pourtant, ce n'est pas Mickey qui le lui aurait reproché car c'est aussi ce que cette relation dit d'eux, et le rôle qu'il a un temps tenu. Une part de lui apprécie que Rhett n'ait pas tenté de lui refiler le mauvais rôle en donnant à Evelyn des raisons supplémentaires de le maudire, car rien ne l'obligeait à taire cette partie de l'histoire que le boxeur assume, au même titre que tout le reste. « T'étais pas forcé de me protéger, tu sais. » il remarque dans un léger sourire, se doutant bien que souligner son implication dans ses consommations des derniers mois n'aurait fait qu'aggraver son cas auprès de sa copine. Protéger Rhett est pourtant ce que l'ancien champion s'est lui aussi employé à faire en minimisant leur relation face à elle, dans un souci de loyauté qui aura fini par se retourner contre lui. Si c'était à refaire, il referait exactement la même chose. « Mais elle a un bon instinct avec les gens. » Et ça, Mickey l'a lui-même bien saisi. Son rôle de fournisseur n'était certes pas écrit en lettres rouges sur son front mais il y avait de quoi se poser des questions au sujet de ce qui le liait à Rhett, des questions auxquelles ce dernier n'a peut-être pas entièrement répondu si certaines zones d'ombre persistent comme le boxeur l'imagine. « Pas que tu sois une mauvaise personne, je dis juste qu’elle a sûrement rapidement compris qu’on lui cachait quelque chose. » D'un signe bref de la main, Mickey le rassure quant à l'absence de méprise. Evelyn est évidemment libre de penser de lui qu'il est un sale type, ce n'est simplement pas la façon dont il peut personnellement se sentir car avouons-le, cette histoire de gâterie n'est pas la pire chose qui lui ait été reprochée dans sa vie. « Avec nos deux versions qui collaient pas, tu m'étonnes. Elle m'a pris pour un menteur du coup, même si c'est sûrement pas la seule étiquette qu'elle m'attribue depuis. » Les autres doivent être tout aussi peu glorieuses mais Mickey ne tentera pas de les connaître pour les ajouter à sa collection, présumant déjà que sa réputation est faite sans que cela ne le tracasse. Evelyn n'est après tout pas la première à rester sur une très mauvaise impression de lui, oubliant certainement son investissement en tant que bénévole puisque tout cela ne doit plus valoir grand-chose, à présent. « Je peux gérer le fait que ta copine me déteste, t'en fais pas. » Réalisant toutefois que les termes « ex-copine » s'accordent davantage à sa situation, Mickey nuance bien vite entre deux gorgées de whisky. « Enfin, t'as compris. » Pour autant, il ne lui impose pas d'entendre des mots qu'il n'accepte sûrement pas, respectant le fait que Rhett ait encore besoin de temps. Le passé ne sera pas simple à employer, le boxeur le sait bien pour être passé par là lui aussi. « J'imagine que tu lui as pas dit non plus que je squattais ton canapé depuis des mois ? » Elle finira peut-être bien par le savoir, notamment si Ethel doit vendre la mèche, mais il ne s'attend pas à ce que Rhett en ait parlé le premier. Il n'est pas un ami de passage susceptible de disparaître dans la nature après son service rendu comme en témoigne sa présence un peu trop récurrente dans cet appartement, et ce n'est sans doute pas ce qu'Evelyn aurait aimé apprendre le concernant.

Là où Mickey ne le ménage pas vraiment, c’est dans la formulation de sa prochaine question alors qu’il s’interroge sur l’avenir du couple de Rhett. Il ne sautera pas au plafond si ce dernier lui apprend que c’est officiellement terminé, pas disposé à se réjouir du malheur d’un ami malgré l’intérêt que celui-ci a pu susciter chez lui. Car Mickey reste bon joueur, et conscient que sa défaite a été prononcée bien avant qu’il ne tombe à genoux devant Rhett. Son regard croise alors celui du Hartfield, sans obtenir de sa part la moindre confirmation sur la rupture présumée. « Je vais lui proposer d’aller voir un psy de couple. » Cette réponse provoque chez le boxeur un haussement de sourcils curieux, surpris que Rhett puisse entrevoir la résolution de ses problèmes d’une telle manière. « Ca fera pas de miracle, mais je crois que l’idée est pas si pire. » Retrouvant le chemin jusqu’à son verre, ce n’est qu’après plusieurs secondes que les lèvres de Mickey s’animent à nouveau pour lui donner raison, non sans se parer d’un bref sourire amusé. « T'as déjà eu des idées plus mauvaises, je te le confirme. » Il pourrait à coup sûr en citer plus d’une, parmi lesquelles lui demander de le soulager par exemple car cette idée-là n’était objectivement pas sa plus brillante. « Le psy de couple, j'ai toujours refusé moi. Tu me diras si j'ai eu tort ou pas. » Il a également refusé de suivre une cure à l’époque, mais ça Rhett le sait déjà. Pour ce qui est du psy, Mickey savait que l’ensemble des torts lui reviendrait et il était fatigué d’avance d’entendre un inconnu pointer du doigt ses fautes, quand le seul problème a toujours été ces addictions qu'aucune thérapie conjugale n'aurait pu soigner à sa place. Il était un bon mari et un bon père avant sa rechute, personne autour de lui ne pourrait affirmer le contraire. « J’ai pas envie de recommencer à chercher quelqu’un à quarante piges. » C’est drôle, car Mickey tenait sensiblement le même discours il n’y a pas si longtemps. Parfois on trouve sans même chercher, il n’y a pas vraiment de science exacte pour ces choses-là mais ce n’est pas le meilleur moment pour lui apprendre que les choses s’améliorent doucement, de son côté. « Laisse-toi du temps, personne n'a dit que tu devais te recaser dans l'année. » Ni même se recaser tout court, car Rhett a selon lui avant tout quelques leçons à tirer. Et puis, lui seul sait s'il peut encore compter sur une possible réconciliation avec Evelyn, sur laquelle le boxeur évitera pour sa part de parier. « Elle a un nouveau job, un truc à responsabilités dans une boîte immense, elle va pouvoir s’occuper avec ça. Moi je dois gérer une bimbo qui a peur de se casser un ongle quand on tourne les scènes de rugby. » Deux salles deux ambiances, donc. Ce film pue le navet à plein nez mais il soupçonne Rhett de le penser lui aussi, n’ayant pas l’impression que ce dernier contrôle grand-chose alors qu’il s’agit pourtant d’une adaptation de sa biographie, autrement dit de sa propre vie. « On est trop cons d’avoir choisi des jobs avec une retraite à trente cinq piges. » Le rire que ces paroles lui inspirent est immédiat tandis que Mickey s’enfonce un peu plus dans le dossier du canapé. « On savait peut-être pas faire grand-chose d'autre, non plus » Les longues études semblaient surtout faites pour les autres, à commencer par leurs petits frères tout bonnement destinés à briller dans leur domaine quand eux, étaient faits pour briller sur un terrain ou sur un ring avec des médailles et des coupes à la clé. « Et je crois pas qu'on soit faits pour rester assis derrière un bureau toute la journée, toi et moi. » C’est tout du moins l'idée qu'il se fait du nouveau job d'Evelyn, à en juger les responsabilités évoquées. Un travail que Mickey n’aurait aucun mal à trouver barbant, attaché comme toujours à sa dose d’action pour se sentir vivant. « J'avais pas dix mille options de mon côté, et j'aurais honnêtement pu tourner bien plus mal quand j'y pense. Tiens, en finissant patron d'un bar illégal, par exemple. » il souligne avec autodérision, pour ne pas mentionner en réalité la prison qui aurait pu lui tendre les bras à une certaine période de sa vie. Ses professeurs en étaient tous convaincus et c’est au moins un pronostic que le boxeur a su déjouer, pas peu fier de pouvoir dire que son casier est aujourd’hui la seule chose encore vierge chez lui. « Tu t'ennuies, c'est ça ? Parce que toi aussi tu pourrais te trouver un nouveau job, paraît qu'il est même jamais trop tard pour se reconvertir. » Même à quarante piges, ce qui ne constitue pas à ses yeux un âge où le champ des possibles est forcé de se réduire. Rhett a des ressources, il est même capable de rebondir s’il s’en donne les moyens et avant qu’un malentendu ne s’installe, Mickey précise : « Et non rassure-toi, je vais pas te proposer de t'associer à moi, c'était pas le sens de ma question. » Chacun son monde, serait-il presque tenté d’ajouter alors qu’il n’a aucunement l’intention d’entraîner Rhett dans ses histoires, bien plus sombres qu’il ne doit pouvoir s’en douter. « Mais c'est pas bon de trop tourner en rond. » il reprend, vrillant par la même occasion un regard entendu dans sa direction. Trop ruminer est un coup à broyer du noir et à prendre possiblement de mauvaises décisions, il en sait quelque chose et ne tient pas à s’en faire pour Rhett chaque fois qu’il le laissera seul ici. S’il faut, ils chercheront ensemble de quelle façon il peut occuper sa vie.

Pas cool, en effet. S'il avait eu son mot à dire à l'époque, bien sûr, cette procédure de divorce n'aurait jamais été entamée et Mickey n'aurait pas vu son mariage et sa vie de famille lui échapper, car difficile de se sentir plus seul qu'un homme qui a tout perdu. Il ne blâme pourtant pas Aliyah cette fois encore, même en ayant souffert de sa décision et vécu cette dernière comme un véritable abandon et cela parce qu'il sait qu'elle ne l'a pas quitté par plaisir, mais bien parce qu'aucune autre issue ne semblait plus possible. Puisqu'il ne voulait pas s'en sortir, et préférait tout bonnement continuer de se détruire. « T’étais pas le même quand vous vous êtes connus. » Non, c'est vrai. Mickey était même parfaitement clean lors de leur rencontre et cette illusion a duré plusieurs années avant que ses vieux démons ne finissent par le rattraper, après avoir convaincu tout le monde qu'il les avait officiellement semés. La vérité c'est que la plupart des addict comme lui ne s'en sortent jamais totalement et même le plus grand bonheur du monde ne suffit pas, quand on a au fond de soi un immense vide à combler. Il n'a jamais fait son deuil et le paie chaque jour depuis, même si ce sujet-là reste un tabou que le boxeur préfère enfouir comme ce soir encore, en le noyant dans autant de verres qu'il pourra. Un jour, il faudra bien qu'il retourne au cimetière mais il n'en finit plus de repousser le moment, incapable de ne serait-ce que se trouver à proximité. « Je dis pas qu’elle a eu tort, parce que c’était sûrement pas facile à vivre, mais j’ai du mal à imaginer rompre avec quelqu’un pour ça. » Mickey n'a en l'occurrence pas besoin d'avoir été à la place de sa femme pour savoir tout ce qu'elle a enduré, et cela à cause de lui. D'interminables angoisses en ne sachant jamais dans quel état il risquait de rentrer, la peur constante de recevoir un coup de téléphone annonciateur du pire, ou bien encore l'incompréhension en le voyant trouver refuge dans ses consommations plutôt que dans les yeux innocents de leur fille, qui aurait dû être sa principale motivation pour combattre une deuxième fois ces addictions. Elle a été courageuse et forte Aliyah, elle a même fait tout ce qu'elle a pu aux yeux de Mickey mais elle a surtout bataillé seule pendant qu'il ne faisait rien d'autre que se laisser sombrer, et il était certainement temps pour elle de se protéger comme de protéger Lola de ses dérives. De reprendre le contrôle de sa vie, aussi, quand bien même l'ironie veut qu'elle ne soit toujours pas libre, plus de quatre ans après. « Je suis pas fier du genre de mari et de père que j'étais devenu, tu sais. » En admettant qu'il en portait encore le nom à ce moment-là, ce qu'il ne pourrait aucunement garantir compte tenu du fait qu'il n'honorait plus aucun de ces rôles comme il le fallait. « J'ai l'impression de lui avoir fait vivre un enfer, alors je crois que c'était son droit de dire stop. » Il déteste devoir le dire mais l'amour qu'Aliyah lui portait n'était sans doute plus assez fort pour pouvoir contrer le reste, et pour la pousser à rester auprès de celui qui ne cherchait même pas en lui la volonté de préserver sa propre vie, comme sa propre famille. Son déclic, Mickey ne l'a eu que bien plus tard quand son existence ne ressemblait déjà plus qu'à un champ de ruines, et qu'une femme aussi incroyable que la sienne ne se considérait plus réellement comme telle. C'est sûrement sa plus grande perte, cette perle rare qu'il considérait avoir trouvé en elle. « Et quoi ? Tu vas prendre soin de viser un cran en dessous, maintenant ? » Il en sourit légèrement, gardant pour lui le fait qu'il n'a pas besoin de viser un quelconque cran aujourd'hui car il est le premier surpris de l'avancée récente de sa vie de ce côté-là. Si Rhett n'était pas dans la situation que l'on sait, sans doute lui parlerait-il de son rencard à venir mais il le respecte trop pour souligner entre eux ce très net contraste, préférant donc plaisanter à la place. « J'ai essayé déjà, mais le type en question a pas voulu de moi. » Et son regard glissant vers le Hartfield semble insinuer que le cran en dessous, c'était lui. Mickey se fend d'un rire avant de reprendre, un peu plus sérieusement : « J'avoue, elle était un peu facile celle-là. » À l'entendre, c'est comme s'il n'en tirait presque plus aucune amertume et à défaut que ce soit totalement vrai, il pourrait au moins jurer avoir pour de bon accepté l'idée.

Si Evelyn est désormais informée du genre de « service » que le boxeur a pu lui rendre, elle ignore en revanche toujours que Rhett s'est pendant un temps fourni auprès de lui et c'est certainement ce que ce dernier a jugé préférable, que son intention ait été ou non de protéger son ami. « Si elle me pose la question je lui mentirais pas. » Son hochement de tête indique qu'il comprend, sans s'en inquiéter le moins du monde toutefois. Ce n'est pas comme s'il craignait que l'on vienne mettre le nez dans ses affaires ou même que l'on dévoile l'existence de ses trafics, car il doute qu'une femme aussi meurtrie soit-elle puisse organiser une telle vengeance contre lui. Il ne demandera donc jamais à Rhett d'en faire un secret pour s'assurer que cette histoire ne l'éclabousse pas, convaincu qu'il n'aurait pas grand-chose à y perdre car avec les ennuis qu'il peut déjà trainer derrière lui, le fait qu'elle puisse l'apprendre est sûrement le cadet de ses soucis. « Mais en tout cas, tu mérites pas de payer pour ça. » S'il apprécie ce qu'il entend et le fait même savoir par un sourire, ses épaules venant se hausser démontrent à nouveau qu'il ne craint pas les éventuelles conséquences qu'un tel aveu pourrait entrainer. « Je vois pas comment je pourrais le payer, à moins qu'Evelyn décide de me dénoncer mais ça semble pas être son genre, ça. Et de toute façon si ça doit arriver, j'ai ma cartouche secrète t'en fais pas. » Une cartouche qu'il utilisera sans honte si le besoin s'en fait ressentir, aussi certain soit-il de ne jamais avoir besoin d'en arriver là. Ce n'est pas son père qui en serait très fier s'il le voyait, mais il faut bien que le fait de compter un deuxième flic dans la famille contienne son lot d'avantages. Une chose le rassure néanmoins dans toute cette histoire : Rhett n'a pas perdu sa capacité à rire, comme le prouve sa réaction aux mots du boxeur rappelant le vaste bordel que son irruption entre Evelyn et lui la veille du match a pu causer. Ce soir-là, Mickey n'était pas franchement d'humeur à en rire lui alors qu'il se revoit serrer les dents et les poings face au Hartfield, tout en maudissant ce dernier de tout son être. « J’avais pas eu le mémo, ouais. » Il n'a surtout pas pu s'empêcher de ramener sa fraise quand le moment était pour ça très mal choisi, pulvérisant la couverture du boxeur en un éclair et lui valant à l'arrivée toute la méfiance de sa bien-aimée. « Je suis pas sûr qu’elle t’attribue d’autre étiquettes. T’es sûrement ‘le mec louche’, juste. » Ajouté au menteur, donc, pour lequel Mickey est passé en estimant toujours ne pas l'avoir mérité. Car ce n'est pas vraiment mentir que de minorer les choses à sa sauce, pas vrai ? « C'est l'impression que je laisse à la plupart des gens qui me rencontrent, alors ça me va. » il déclare presque satisfait, acceptant de paraître louche puisque niveau étiquettes, l'ancien champion a eu droit à bien pire. « Elle m’a dit que je m’étais servi de toi. » Mickey reste un instant silencieux face aux mots qui lui parviennent, tout comme Rhett se garde bien d'en rajouter de son côté. Tout ceci lui rappelle une discussion qu'ils ont déjà eue et sur laquelle il ne désire pas revenir, bien assez conscient du bouche-trou qu'il a pu être et du fait que son ami ait utilisé cette attirance pour obtenir de lui ce service. « On va pas en reparler, de ça. » il balaie alors, considérant le sujet clos car cela vaut sans doute mieux pour tout le monde, dans le fond. Il se fiche de ce que cela dit de lui, puisque c'est après tout bien son problème s'il a accepté ces miett(es) que Rhett a consenti à lui offrir. En retour, son respect pour ce dernier reste inchangé comme lorsqu'il le ménage au sujet de sa petite amie, qu'il n'est sans doute pas encore prêt à nommer autrement. « C’est bon, je vais m’y habituer. » Lui-même n'a jamais cessé de présenter Aliyah comme sa femme en boudant ouvertement le préfixe ex, alors Rhett peut bien prendre son temps pour se faire à l'idée. Quant à savoir s'il a parlé à Evelyn de sa présence sur son canapé quelques soirs par semaine, il saisit bien vite que cet autre sujet n'a pas été abordé. « On était un peu trop occupés à s’engueuler pour ça. » Ce n'était pas la priorité ni une précision qui aurait beaucoup arrangé le cas de Rhett, il s'en doute. « Mais je suis un grand garçon, j’ai encore le droit d’inviter qui je veux dans mon appart’. » Son sourire parle pour lui alors que Mickey pourrait avouer que tout cela l'arrange, n'ayant pour sa part aucune envie de faire une croix sur leur presque colocation comme sur ses venues chez lui. « Ta sœur risque de me regarder de travers par contre, je m'y attends un peu. » Et il l'accepte, convaincu au moins que Ruben ne changera pas de regard sur lui car il a en quelque sorte fait de ce dernier un complice, un peu moins proche en comparaison de la plus jeune des Hartfield.

La prochaine étape pour son colocataire consiste donc à se rendre chez un psychologue spécialisé dans la gestion des couples, et cette idée n'est pas la plus mauvaise sur le papier. Mickey ne saurait pas dire si tout ceci sera vraiment utile et si ces consultations porteront leurs fruits, mais il constate au moins que Rhett cherche des solutions autour de lui comme un homme pas entièrement résigné à conjuguer son couple au passé. « J’aurais sûrement refusé si on me l’avait demandé, aussi. » Cette idée est pourtant la sienne, mais il reconnaît bien là l'absence de logique si propre à Rhett. C'est parce qu'il en a décidé ainsi qu'il accepte de tenter le coup mais il n'aurait pas fallu le lui proposer autrement et encore moins le lui imposer, avec nulle autre assurance que celle de se heurter à son refus. « Mais je me dis fichu pour fichu, je suis plus à ça près de parler à une inconnue après avoir raconté toute ma vie dans un bouquin. » Cet argument le fait aussitôt sourire d'amusement, oubliant parfois que l'homme qui se tient devant lui a sorti l'un des plus grands bestsellers de ce pays. Ce n'est plus la première chose à laquelle Mickey pense en le voyant et cela prouve surtout qu'ils ont fait du chemin, de quoi l'autoriser à prendre les choses avec légèreté quand elles ne s'y prêtent pas forcément en tant qu'ami pas toujours très adroit. « Ce serait presque drôle que la psy ait lu ton bouquin tiens, manquerait plus qu'elle te demande une dédicace, t'imagines un peu ? » Bonjour le malaise. Il en rigole Mickey, rien que le fait d'imaginer la scène le fait même glousser dans son verre mais il est toujours question des problèmes de couple de Rhett, de quoi le ramener bien vite à la réalité de cet échange et à son atmosphère légèrement plus pesante. « Oui bon, j'ai dit que c'était presque drôle, la nuance était importante. » Il ne tient pas à ce que Rhett puisse penser qu'il se moque de lui alors il remballe aussitôt son sourire, et s'abstient d'émettre tout autre commentaire – parfois, ce n'est aussi pas plus mal de se taire. « Faut déjà qu’Evelyn accepte. » Ce point-là n'est de toute évidence pas encore acté et il faudra bien sûr l'accord de la concernée pour que ces séances puissent exister, sans quoi il ne voit pas bien ce que Rhett pourra régler. Le célibat n'est quant à lui pas un monde que son ami retrouve avec plaisir alors envisager de nouvelles rencontres semble encore moins à l'ordre du jour, mais ce n'est pas Mickey qui comptait de toute façon lui mettre la pression à ce sujet. Quatre ans, c'est le temps qu'il lui a fallu pour s'ouvrir de nouveau à quelque chose alors il n'y a pas le feu, voilà ce qu'il cherche simplement à lui dire. « On verra. » Et face à ça, le boxeur ne voit pas bien ce qu'il pourrait ajouter.

Il ne semble plus y avoir grand-chose qui le fasse rêver Rhett, quand même les nouvelles fonctions d'Evelyn semblent pouvoir le faire complexer. Mickey pensait au départ que ce projet de film aurait de quoi l'occuper et l'enthousiasmer mais il réalise que c'est bien tout le contraire, comme s'il regrettait même d'y avoir associé son nom et c'est certainement un peu le cas, dans le fond. Il ne fallait en tout cas pas attendre d'eux qu'ils effectuent de longues études, quand bien même Rhett a su viser un peu plus haut que le boxeur, pour qui les bancs de l'école ont été abandonnés très tôt. « C’est vrai. Je suis allé à l’université juste pour le sport. » Ce qui n'est pas son cas, la boxe s'étant présentée à lui dans un tout autre contexte et sûrement pas dans le moindre environnement scolaire. « Tu vois, t'as été à l'université toi au moins. » Il ne prétend pas le découvrir alors que l'information figurait dans son livre, mais il souligne quand même cette différence entre eux peu importe ce qu'elle peut bien vouloir dire. Qu'il a toujours été un élève désintéressé que les études ont profondément barbé, et que même un cursus sportif aurait été trop lui en demander, car Mickey trainait déjà dans la rue avec les camés de cette ville pendant que ses petits camarades pensaient à leur avenir. Est-ce ainsi que l'on devient propriétaire d'un bar caché après une prestigieuse carrière de boxeur sacrifiée ? Certains diraient que c'était écrit mais il y avait des façons de s'en sortir bien plus mal, alors celle-là n'est certainement pas la pire. « Tu peux essayer le club de strip-tease ensuite. » – « Ou je peux rajouter ça aux activités de mon bar, je vois déjà quelques clients qui en seraient ravis. » Il ne faudrait honnêtement pas grand-chose pour que le Blind Tiger propose ce genre de prestations avec tout ce qu'on y trouve déjà, car la question serait plutôt de savoir ce qu'on n'y trouve pas. Et si Rhett s'ennuie comme il le présume, il peut à ses yeux trouver de quoi rebondir car l'imaginer chercher un sens à sa vie ne l'enchante guère, si cela doit s'accompagner des pensées noires dont ils ont très brièvement pu parler une fois. « Tu t’inquiètes pour moi ? » Il n'en faut pas plus au boxeur pour rouler des yeux avec exagération, et répondre avec sûrement bien trop de fierté : « Allez, tout de suite. » S'en faire pour lui est une chose mais l'admettre est déjà bien plus compliqué, malgré le sourire cherchant ici à le trahir. Il n'a pas envie de se demander s'il va faire une connerie chaque fois qu'il le laisse seul, c'est vrai, parce que son affection pour Rhett est réelle et qu'il vivrait potentiellement mal le fait de le perdre. Ces choses-là, Mickey ne les dit pas car cela reviendrait à rompre sa carapace, et c’est encore bien trop rare. « C'est pas la question de toute façon. » Mais il peut considérer avoir raison sans trop risquer de se tromper, pour sûr. « Je vais peut-être reprendre un job à ABC. Maintenant que j’ai sorti le livre, ils risquent plus grand chose. » En voilà une annonce qui l'étonne autant qu'elle le rassure, car Rhett ne manque pas vraiment de perspectives tout compte fait. « Quel genre de job, commentateur toujours ? T'étais pas mauvais pour ça. » Il en sait même bien quelque chose pour avoir été la victime de ses analyses à l'époque, ce qui ne l'empêche pas de penser que ce job lui allait bien au teint. « T’as eu l’idée du bar tout seul ? Tu l’as pas repris à quelqu’un, je veux dire ? » Mickey remue la tête pour signifier que non, cette idée n'a pas germé dans une autre tête que la sienne car se lancer sur la base d'un autre aurait sans doute un peu freiné son inspiration. Cette aventure a été celle d'un tigre solitaire, bien décidé à reprendre le contrôle d'une vie qui lui avait en grande partie échappé. « Tout seul, ouais. C'était un ancien bordel avant que j'en fasse un bar, et je plaisante pas du tout. » Ou bien il plaisante justement, car lui seul sait vraiment ce qu'était cet établissement avant qu'il s'en empare. « J’vais avoir du temps pour introspecter, je crois. On verra bien. » Tant qu'il met ce temps à profit pour véritablement y réfléchir et non pour laisser de sombres pensées l'envahir, Mickey n'a rien à y redire. Il trouvera ce qu'il veut vraiment faire, peu importe dans quel domaine. « Je retournerai à Londres, au pire. » Cette autre option lui plait déjà moins en revanche, et cela même si Rhett semble en plaisanter seulement. « T'étonne pas si ton passeport disparaît alors. » il glisse à son tour, car ce n'est quand même pas au moment où il estime avoir trouvé un ami que ce dernier va se barrer, qu'on lui laisse au moins un peu en profiter. Ils sont si rares à mériter encore ce statut autour de lui, à moins que ce ne soit plutôt Mickey qui n'en mérite pas toujours l'étiquette – un mélange des deux, dira-t-on. « Blague à part, t'as pas intérêt à l'envisager sérieusement. » il l'avertit en plaisantant un peu moins, à défaut de pouvoir juger du sérieux de cet au pire. « Avec qui je descendrai toutes ces bouteilles sinon, hein ? Allez pour la peine, j'te sers un deuxième verre. » Histoire de faire honneur à ce Whisky Macallan dont la bouteille devra être vide à la fin de la soirée, celle-ci ne l'étant pour le moment que de moitié. Cet autre verre est donc joyeusement offert à Rhett pour remplir cet objectif ou pour l'inviter à se taire, selon ce que Mickey peut avoir en tête.