Revenge. Only revenge.

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L'air glacial venait fouetter le visage de Marley qui n'avait de cesse de resserrer son étole autour de ses épaules. La température était si basse qu'elle avait l'impression qu'on lui croquait la peau. Le pas de la jeune femme était léger et silencieux. Elle prenait garde à ne faire craquer aucune feuille, à ne taper dans aucun caillou. Tel un fantôme elle se déplaçait dans l'ombre des sépultures. La nuit venait de tomber – bien qu'elle perdurait depuis des semaines désormais – mais la montre gousset qu'elle possédait lui indiquait que la soirée avait commencé. La gorge nouée, la métisse slalomait entre les différentes stèles jusqu'à atteindre son but. Elle s'arrêta, baissa la tête quelques secondes et retint sa respiration. Les yeux fixés sur le marbre, la belle rendait hommage, se recueillait en silence. Sous ses yeux gisait le corps de sa défunte sœur. Moira, vingt ans. On le lui avait prise. On l'avait tuée de sang froid, égorgée dans la nuit, laissée pourrir dans une ruelle sombre. En pensant à tout cela, la serveuse sentit une haine croître en elle. Qui était le monstre qui avait osé s'attaquer à la chaire de sa chaire ? Qui était cet être abominable qui avait choisi de lui arracher un bout de cœur ? Marley avait beau réfléchir, elle ne comprenait pas comment une telle situation avait pu se produire. Elle avait perdu son père quelques années auparavant – mort d'une maladie dont on ignorait tout – et désormais on lui enlevait sa sœur cadette. Qu'avait fait sa famille pour mériter un sort si funèbre ?

D'une main tremblante, elle effleura la pierre, chassant les feuilles mortes et les toiles d'araignées qui s'y étaient installées. Elle se pencha, enleva les fleurs sèches, remis de l'ordre, s'assura que tout était propre. Accroupie devant les lettres gravées, elle murmura : « Je le trouverai. » Elle marqua une courte pause, ravala les larmes qui menaçaient à tout moment de glisser le long de ses joues et acerbes susurra entre ses dents : « Je te vengerai, je te le promets. » Soudain elle entendit un craquement derrière elle. Elle se redressa vivement, sortit le petit couteau qu'elle avait dissimulé dans sa manche et se tourna, l'arme pointée devant elle. A quelques pas d'elle, dans la noirceur de la nuit, se trouvait un homme qui ne bougeait pas mais qui semblait la fixer. Son cœur se mit à battre plus vite alors qu'elle demandait : « Qui êtes-vous ? » Toujours sur ses gardes, Marley ne bougeait plus, maintenait son bras levé dans la direction de l'inconnu. Un mouvement brusque de la part de cet homme et elle le planterait de sa lame argentée. « Qu'est-ce que vous me voulez ? » Peut-être était-il venu se recueillir lui aussi. Peut-être troublait-elle sa solitude. Dans tous les cas, la brune ne comprenait pas pourquoi il s'obstinait à la regarder. Elle fronça les sourcils, cherchant à détailler les traits de son visage, à découvrir ses intentions dans son regard mais il était trop éloigné pour qu'elle ne puisse déceler quoi que ce soit.

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Marley refusait de baisser le bras alors qu'elle plissait les yeux afin de voir plus en détails qui était cet homme qui ne bougeait pas d'un poil. Elle avait beau lui avoir demandé son identité, l'individu ne semblait pas enclin à lui répondre. Au contraire, il s'amusait presque de la situation : « Pas de s'il vous plait, pas de réponse. » Les sourcils de la métisse se arquèrent de stupéfaction alors que ses doigts serraient davantage le couteau qu'elle tenait. Sa manière de parler était si légère, si élégante, cela en était troublant. Un rayon de la lune parvint à filtrer parmi le ciel noir et la demoiselle découvrit alors un visage d'une pâleur incroyable. Elle déglutit avec difficulté, cherchant à mettre de l'ordre dans ses pensées. Il n'était pas humain, elle en aurait mis sa main à couper. Mais qu'était-il réellement ? Le cerveau de la serveuse se mit à carburer alors qu'elle mettait de l'ordre dans ses pensées et qu'elle cherchait à assembler les différentes pièces du puzzle.

Elle se souvenait parfaitement de cette histoire qu'elle avait lue et qu'on lui avait racontée selon laquelle un homme avait été transformé en loup par un dieu. Si les souvenirs de la brune étaient exacts il s'agissait d'un mythe grec. Zeus s'était changé en mendiant et avait dîné chez un roi. Ce dernier lui avait alors servi de la chair humaine. Pour le punir de cet affront, Zeus transforma l'homme en loup. Sa chair se déchira, ses bras se transformèrent en jambes, des poils recouvrirent son épiderme, des crocs apparurent dans sa bouche, et un cri déchirant retentissait dès qu'il entrouvrait les lèvres. Puni pour son audace et son irrespect, le roi n'était désormais plus qu'un animal. A quatre pattes il était condamné à se déplacer. A manger ses congénères il était désormais réduit. Marley fit un pas en avant, pencha la tête tout en observant l'homme. Non, il n'était pas un loup. Sa peau trop blanche et dénuée de toute pilosité lui indiquaient bien que ce n'était pas le cas.

Etait-ce un sorcier ? Elle avait beau réfléchir, cela lui paraissait peu probable. A moins qu'elle ne possède pas assez de référence dans ce domaine ? Elle avait beau chercher dans son esprit, elle ne connaissait qu'une histoire de sorcière. Celle-ci sortait tout droit d'un conte. Une reine aigrie et jalouse de la beauté de sa belle-fille chargeait une sorcière de tuer la dite jeune fille. La manipulation était le maître mot de cette vieille femme effrayante. Elle s'était sournoisement insinuée dans l'esprit de l'innocente, l'avait brossée dans le sens du poil afin de lui faire croquer dans une pomme empoisonnée. Le cliché-même de la sorcière : un nez crochu, un chaudron, un corbeau noir, des vêtements noirs, un rire sadique... Marley doutait sincèrement de pouvoir se fier à cela pour mener son enquête. Elle fit un pas de plus, son regard toujours accroché à celui de l'homme et après s'être pincé les lèvres, obtempéra : « S'il vous plaît, qui êtes-vous ? ». Obéir ne faisait pas partie de ses activités préférées, mais seule au milieu du cimetière, elle préférait ne prendre aucun risque.

Le silence dura un peu plus longtemps, assez pour qu'elle puisse se pencher sur sa dernière hypothèse : Un vampire ? De ce qu'elle connaissait – et c'était peu, trop peu – ils étaient réputés pour être élégants, charismatiques et intelligents. Le plus célèbre des vampires, du moins celui qu'elle connaissait était un aristocrate venant de l'est. Silencieux, mais romantique dans l'âme, l'homme était aussi décrit comme étant diablement maléfique et dangereux. Dissimulant sa véritable nature, l'homme était capable d'attraper dans ses filets quiconque croisait sa route. Suivant le fil de ses pensées, Marley ne s'était pas rendue compte qu'elle continuait à avancer. Ce ne fut que lorsqu'elle fut à quelques pas de lui qu'elle se figea. Ses yeux descendirent le long de son cou parfaitement blanc et parcoururent ses vêtements datant d'une autre époque. Le doute n'était plus permis. Il était bel et bien un vampire. Consciente qu'elle était coincée et qu'elle n'aurait certainement pas le dessus, Marley choisit de jouer franc jeu : « Que fait un vampire ici ? Dois-je comprendre que je m'apprête à être votre repas du soir ? » Elle paraissait si peu inquiète et si sûre d'elle que cela pouvait paraître étrange. En réalité, la brune était terrifiée.

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Alors que sans s'en rendre vraiment compte elle s'était dirigée jusqu'à lui, il n'avait pas bougé d'un poil. Une statue figée dans le temps, voilà ce qu'il était. Il la laissa parler, ne disant rien, n'exprimant rien. Lorsque son rire sans chaleur glissa hors de ses lèvres, Marley sentit un frisson la parcourir. Elle avait l'impression que le sang n'affluait plus dans ses veines et qu'à son tour elle était devenue aussi pâle que la mort. Elle s'était préparée à rencontrer des vampires, du moins elle pensait s'être préparée mais force était de constater que cela n'était pas le cas. « Vos déductions hâtives vous projettent dans la tombe avant l'heure, jeune fille. » Marley aurait voulu avaler sa salive mais sa bouche était si sèche qu'elle en était incapable. Son cœur battait à tout rompre et elle se demandait si l'homme pouvait entendre les battements de son cœur. Le « jeune fille » la fit frémir. Elle avait la désagréable sensation d'être une enfant en train de se jeter dans la gueule du loup. Mais pour loup, elle avait un vampire à la place. L'assurance dont elle avait fait – faussement – preuve, avait fini par disparaître. Lorsqu'il tendit sa main pour qu'elle y lâche son arme, Lynch se rendit compte avec effroi qu'ils étaient beaucoup plus proches qu'elle ne l'avait pensé. Elle hésita quelques secondes mais finit par ouvrir ses doigts et par laisser tomber son poignard. Plus rien ne pourrait désormais la protéger. La sensation d'être nue et prise au piège tétanisait les muscles de ses jambes. Elle aurait voulu reculer quelque peu, prendre un peu de distance mais elle en était incapable. « Je m'appelle Carmine. Vous pouvez m'appeler Sir. » Un haussement de sourcil montra la surprise de la métisse. Sir ? Il était donc de la noblesse ? Et pourquoi se présentait-il ainsi ? Pourquoi pensait-il qu'elle l'appellerait ? Marley était perdue, ne savait plus ce qu'elle devait faire ou non. « Une visite de famille, peut-être ? » Elle l'observa regarder autour d'eux mais ne détacha pas son regard de lui. Il fallait qu'elle puisse anticiper le moindre de ses mouvements. Une erreur d'inattention et elle était morte. « Ma sœur » finit-elle par répondre la gorge nouée. « Que faites-vous ici, Sir ? » osa-t-elle demander à son tour. Etait-il ici pour chasser ? Venait-il lui aussi se recueillir sur la tombe de proches ? Vivait-il ici ? Ce que Lynch voulait avant tout savoir c'était si elle pouvait avoir l'espoir de rester en vie ou si elle devait se préparer à rejoindre sa sœur dans l'au-delà. « Quel âge avez-vous ? » s'enquit-elle bien trop curieuse. C'était la première fois qu'elle pouvait véritablement échanger avec un type de son espèce et malgré sa haine et son dégoût, celui-ci l'intriguait plus que de raison.

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« Comme c'est regrettable. » Marley l'observait toujours, incapable de dire s'il pensait réellement ce qu'il disait ou non. Elle avait bien du mal à décrypter l'homme qui lui faisait face. Il la prenait au dépourvu, bouleversait ses certitudes concernant les vampires. Il paraissait si calme, si détaché de tout. Il ne donnait pas l'impression de s'intéresser à elle comme d'un futur repas. La brune restait méfiante, sur ses gardes. Elle avait toujours lu que les suceurs de sang étaient de véritables manipulateurs, qu'ils savaient comment séduire pour mieux massacrer derrière. La serveuse tentait de découvrir ce qui se cachait derrière son regard implacable mais rien, aucune piste. Alors elle avait choisi de le questionner, espérant naïvement qu'il lui donnerait un chemin à suivre, qu'il lui indiquerait ce qu'il risquait de lui arriver à elle. « Je m'informe. » Nouveau haussement de sourcils du côté de la métisse. Il s'informait ? Mais à propos de quoi ? C'était à n'y rien comprendre. Sa tenue datant d'une autre époque lui laissait entendre qu'il n'était pas sorti depuis une éternité. Etait-ce dont il voulait parler. Elle aurait voulu le lui demander mais ce fut son âge qui l'intriguait davantage. « Pas loin de trente fois ton âge. » Un rapide calcul effectué lui indiqua qu'il avait presque 900 ans. Comment était-ce possible ? Se jouait-il d'elle ? Depuis combien de temps son espèce existait-elle ? Etaient-ils apparus en même temps que les hommes ? Des dizaines de questions se bousculaient dans l'esprit de Marley qui en oubliait presque d'avoir peur de ce Sir. Il commença à avancer entre les diverses tombes, la laissant ainsi en plan. Au lieu d'en profiter pour déguerpir, elle l'observa faire. Pourquoi ne prenait-elle pas ses jambes à son cou ? Comment se faisait-il qu'elle soit encore plantée dans les parages ? C'était comme si l'aura de cet être surnaturel l'empêchait de partir.

« Tu ne te présentes pas ? » Elle sursauta une nouvelle fois. Quelque chose dans le ton qu'il employait lui intimait de lui répondre. Il ne lui laissait aucun choix. Cela eut le mérite de lui rappeler qu'elle était face à quelqu'un de dangereux et qu'à tout moment il pouvait l'attaquer. Il n'était pas aussi gentil et calme qu'il le laissait transparaître. « Marley. », elle ne put articuler que son prénom. Son nom n'avait de toutes façons pas grand intérêt. Elle ne provenait d'aucune lignée célèbre. Elle se racla la gorge, et osa demander : « Depuis combien de temps n'êtes-vous pas sorti ? » Son regard parcourait les vêtements du vampire, lui laissant comprendre qu'elle était peut-être folle de rester en sa présence mais pas non plus stupide au point de ne pas comprendre qu'il était de retour depuis peu. Quitte à se montrer un peu trop curieuse, elle tenta sa chance : « Je suppose que vous ne savez pas pourquoi une telle chose s'est produite... » et elle leva les yeux en direction du ciel. Quelques étoiles perçaient l'obscurité mais pourtant cela n'avait rien de rassurant pour la jeune femme.

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« C'est un très joli nom. » Le compliment ne lui fit ni chaud ni froid tellement il paraissait dénué de toute sincérité. Une pure marque de politesse voilà ce que c'était, rien de plus. Elle le voyait déambuler entre les stèles, ne plus vraiment lui porter d'attention. Etait-ce le moment pour elle de partir ? Sans doute. Pourtant ses jambes refusaient de faire le moindre mouvement. Scotchée sur place, la métisse se surprenait à rêver d'une terre lointaine, où vampires, loups-garous et sorcières n'existaient pas. Etait-ce possible ? Se trouvait-il sur Terre un endroit où ces monstres n'avaient pas pris leur quartier. Son esprit se mit à divaguer, pensant aux pays qu'elle avait seulement découvert dans les livres : Le Botswana en Afrique, à moins que le Pérou soit une terre plus accueillante. Marley s'imaginait parcourir les terres d'Irlande et d'Ecosse, barouder un peu plus en Europe centrale, en France, en Allemagne peut-être. En tout cas tout sauf ici, là, dans ce cimetière où la brume l'enveloppait. Finalement Carmine s'arrêta en face d'une tombe et sans même s'en rendre compte elle le questionna. « Si j'en crois les dates ici gravées, au moins 70 ans. » Ses yeux s'écarquillèrent alors qu'une multitude de questions venait se bousculer dans sa boîte crânienne. Où était-il resté durant tout ce temps ? Comment pouvait-il entrer en hibernation de la sorte ? Comment se faisait-il qu'il ne soit pas désseché ou sur le point de s'effondrer ? S'était-il nourri depuis qu'il avait ouvert les yeux ? Serait-elle son prochain dîner ? Elle frissonna à cette dernière pensée mais plutôt que de poser la moindre de ces questions, elle choisit d'entrer directement dans le vif du sujet : la malédiction. Elle ne savait pas combien de temps le vampire allait tolérer sa présence et accepter d'échanger avec elle.

 « Pourquoi, non. Mais j'ai ma petite idée sur le comment ... » Elle sursauta, faisant un pas dans sa direction. Serait-ce lui la clé de tous ces mystères ? Etait-ce cet homme qu'elle avait rencontré au milieu des tombes qui l'aiderait à comprendre la situation ? L'excitation de toucher au but, d'avoir enfin quelque chose de concret à analyser lui enleva soudainement sa méfiance. Elle qui avait pris garde à ce qu'elle faisait en sa présence se voyait s'approcher à nouveau de lui. A quelques pas à peine, elle s'arrêta, médusée, attendant le souffle court qu'il poursuive. Une nouvelle fois il la prit au dépourvu : « La terre est fraîche. » Son regard suivit le sien, et elle déglutit avec difficulté. Elle n'avait pas fait attention qu'ils s'étaient à nouveau approchés de la tombe de sa sœur. « Le décès de votre sœur a-t-il à voir avec l'actualité ? » Son cœur se mit à battre plus vite et ses mains à trembler. Le regard de Marley s'assombrit alors qu'elle serrait ses petits poings. « Un monstre me l'a prise. » Elle releva ses pupilles qu'elle planta effrontément dans les siennes. Un monstre de son espèce elle en était certaine. Elle le défiait de lui dire qu'elle se trompait, le défiait de vouloir protéger les siens. Si elle était presque sûre qu'il n'était pas le coupable, elle restait persuadée que son espèce l'avait fait. « Sa tête ne tenait presque plus sur son corps. » lui dit-elle avec une froideur dont elle n'avait encore jamais fait preuve face à lui.

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« Un monstre ? » Marley ignora volontairement le ton employé ou bien même le fait qu'il ait répété ce qu'elle venait de lui dire. Elle était sans doute inconsciente, aveuglée par son besoin et son envie de vengeance puisqu'elle n'avait désormais plus aucun instinct de survie. Sinon pourquoi aurait-elle parlé de monstre devant Carmine qui en était un lui-même ? Avait-elle assez confiance en lui pour se permettre ce genre de remarque sans craindre de se faire déchiqueter en morceaux ? Quoi qu'il en soit c'était dit désormais et elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle frissonna lorsqu'il lui offrit un sourire froid en réponse à sa description du corps de sa sœur. Cela semblait amusé le vampire. Évidemment, pourquoi en aurait-il été autrement ? C'était sans doute l'un des siens qui avait arraché cette fameuse tête. Incapable de soutenir son regard plus longtemps, Marley tourna la tête, cherchant à rassembler le peu de courage qui lui restait.

Elle n'eut d'autre choix que de le regarder à nouveau lorsqu'elle entendit un bruit assourdissant à côté d'elle. Son cœur loupa un battement alors qu'horrifiée elle le voyait le bras enfoncé dans la terre. « Qu'est-ce... » se mit-elle à crier avant de manquer de souffle. Il n'allait tout de même pas faire ça ?... Si. Sous ses yeux pendaient le corps de sa sœur. Elle fit un pas en arrière, plaqua violemment une main contre sa poitrine, l'autre contre ses lèvres et ignora les larmes qui roulaient le long de son visage. « Il semblerait qu'elle se soit décrochée, finalement. » Un haut-le-cœur la saisit et la jeune femme n'eut d'autre choix que de détourner le regard. Elle allait s'évanouir ou bien... Vomir. Et c'était cette deuxième option qu'elle avait choisi. Sans doute que voir le vampire renifler le cadavre de sa sœur ne l'avait pas aidée, quoi qu'il en soit, Marley venait de dégobiller ses tripes juste à côté de ses pieds. Le sang bourdonnait dans ses oreilles alors qu'elle l'entendait dire avec dégoût : « Un loup ! » Elle se redressa, surprise, passa sa manche contre sa bouche pour effacer toute trace de l'incident qui venait de se produire. Elle avait toujours cru qu'il s'agissait d'un vampire mais Carmine avait l'air sûr de lui. Il ne feintait aucunement le dégoût.  « Ne peut-on rêver d'une époque où ces maudits chiens n'empestent pas tout le voisinage ? » La brune fixait le vampire en se mordant l'intérieur de la joue. Un milliard d'insultes traversaient son esprit mais il ne fallait surtout pas qu'elle cède et qu'elle se mette à vociférer. Soudain, elle le vit enfoncer à nouveau le corps de sa sœur comme si rien de tout cela ne s'était produit. Il remit la terre en place alors qu'elle murmurait : « Vous êtes complètement fou... » ce n'était pas dit méchamment, mais pourtant cela reflétait parfaitement le fond de sa pensée. Il venait de déterrer à la hâte un cadavre, de le renifler pour l'enterrer de nouveau. Qui d'autre qu'un fou aurait pu faire cela ? « Souhaitez-vous vous venger, jeune Marley ? » Son regard plongé dans le sien, la métisse hocha la tête affirmativement.

Elle s'éloigna finalement de la tombe de sa sœur, se rapprochant un peu des bois. Il n'était pas question qu'elle reste à l'endroit-même où elle avait vu le cadavre de Moira et encore moins à côté de la plaque de vomi qu'elle venait de laisser. Dos tourné à Carmine – quelque chose lui disait qu'il ne lui ferait aucun mal – elle avoua : « Plus que tout. Mais je ne sais même pas par où commencer. » La tête baissée tout comme ses épaules, Marley se sentait totalement dépassée par les événements. Agacée elle marmonna : « Comment vais-je le retrouver ? Et  comment on tue un fichu loup-garou ? ». Sa colère la fit gronder alors qu'elle venait de donner un coup de pied dans un caillou qui traînait devant elle.

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« C'est simple. » Marley avait sursauté en entendant le murmure glisser jusque dans le creux de son oreille. L'homme – en était-il toujours un ? - était si discret qu'elle ne l'avait même pas entendu se positionner dans son dos. Les muscles tendus, le corps crispé, Lynch ne bougeait pas d'un millimètre. Elle tentait maladroitement de garder son calme alors qu'elle savait qu'en un simple mouvement, une simple fraction de seconde, il pourrait planter ses crocs dans sa jugulaire. Pourvu qu'il ne le fasse pas, pourvu qu'il lui laisse la vie sauve afin qu'elle puisse venger celle de sa sœur. Le temps semblait s'écouler avec une lenteur effroyable. L'esprit de Marley divaguait. Son cerveau lui intimait de ne pas bouger de ne pas réagir alors que son corps désirait l'opposé. Elle le savait posté dans son dos, il lui suffisait de se retourner pour se retrouver face à lui, à quelques millimètres sans doute. Alors elle pourrait lever sa main pour toucher sa peau, pour sentir sous ses doigts la froideur de son être. Son corps était-il aussi froid que son âme ? Si elle posait sa main au niveau de sa poitrine, que découvrirait-elle ? Elle fut tirée de ses pensées presque suicidaires lorsque Carmine reprit la parole : « Trouvez un sorcier, jeune Marley, il vous dira comment tuer un loup. » Elle avait déglutit avec difficulté. Elle connaissait des sorciers, oui elle en avait dans son cercle de connaissances mais qui serait prêt à l'aider dans une telle quête ? Elle l'ignorait. « Quant à comment trouver ce loup, je vous y aiderai ... si vous me ramenez le sorcier vivant. » Le ton suave était en opposition directe avec les propos tenus. Elle manqua de s'étouffer, prenant pleinement conscience de ce qu'il voulait dire. Le bruit de salive dans son dos la fit gémir mais non pas de plaisir. Il fallait qu'elle parte, maintenant, pendant qu'il en était encore temps. Elle aurait voulu faire un pas en avant juste pour s'éloigner un peu de cet immortel qui la tétanisait mais elle n'en avait pas la force. Soudain elle vit sa main juste sous son nez. Elle comprit qu'il était si proche d'elle qu'un simple mouvement de ses hanches suffirait à le frôler. « Avons-nous un accord ? » Son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression que sa cage thoracique allait exploser. Sans trop réfléchir, elle leva la main, serra la sienne et se retourna. Son regard planté dans le sien, elle essayait de garder le peu de dignité qui lui restait. Ses doigts étaient gelés, sa peau – contre toute attente – douce mais son regard d'acier la transperçait. « Nous avons un accord, Sir » murmura-t-elle, se jurant intérieurement de ne jamais lui demander son aide. Désormais elle savait qu'elle risquait pour sa vie un peu plus chaque jour. Elle venait de pactiser avec le diable en son âme et conscience tout en sachant pertinemment qu'elle ne respecterait jamais sa propre parole. Venait-elle de signer son arrêt de mort ? Elle retira lentement sa main, recula de quelques pas, et baissant légèrement la tête acheva. « Je vous remercie... » et sans plus attendre elle fit demi-tour et s'éloigna. Elle n'avait qu'une seule envie : courir pour fuir le plus loin possible mais quelque chose lui disait qu'agir ainsi trahirait ses véritables intentions. Alors elle marcha, la tête haute, de manière assurée tandis que son cœur tombait dans le fond de son estomac et que sa main la brûlait terriblement. A n'en pas douter, elle venait de commettre une énorme erreur et risquait de s'en mordre les doigts très rapidement.

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