@Corey Ferguson

La nuit a été particulièrement prolifique pour Lily, qui a pu en profiter pour attraper les derniers membres d’une meute qu’elle chassait depuis des années. Elle les a décimés un à un à force de patience et de talent, pour finalement arriver à complètement nettoyer le sol de Brisbane de leurs sales griffes. Les enfants pourront grandir un peu plus paisiblement et les mères les élever sans craintes, maintenant. Ou tout du moins, elles pourront les élever avec un peu moins de craintes, parce que Lily n’est pas née de la dernière pluie: elle sait que cette meute était bien loin d’être la seule, et tout aussi loin d’être la dernière. D’autres loups se cachent sûrement impunément parmi eux, comme si de rien n’était, et elle se fait un devoir que de les débusquer tous. Un à un, jusqu’à la fin de ses jours s’il le faut: ses propres enfants grandiront dans un monde où une telle menace n’existera plus. Il le faut.

Elle a passé les dernières heures à traîner difficilement les bêtes jusqu’à chez elle, dans un premier temps pour les cacher de la vue du moindre humain innocent, mais dans un second temps pour les mener jusqu’à sa cave un étage dessous, où les corps se conserveront un peu mieux en attendant qu’elle puisse les examiner à sa convenance. Elle veut apprendre à les connaître malgré leur dégénérescences, elle veut comprendre comment un tel Mal a pu s’infiltrer parmi eux sans que la plupart n’en sachent rien: si sa propre famille ne leur inculquer pas l’art de la chasse dès la naissance ou presque, elle aurait à son tour grandi en toute impunité. Et peut-être qu’elle aurait préféré vivre une telle vie, au final. Peut-être qu’elle aurait préféré vivre.

C’est encore ce qu’elle se répète en allant ouvrir à la porte, après s’être rapidement séchée les mains plaines de sang contre le premier torchon venu et avoir ramené en arrière une de ses mèches brunes, collée contre son front en sueur. Corey. Elle avait donné rendez-vous à Corey à l’aube. Et elle a lamentablement oublié. « Hey, je… Corey, tu peux m’attendre deux minutes de plus ? J’ai un plat sur le feu, j’arrive. » Elle ajoute un sourire pour appuyer son mensonge maladroit.

win - Mais en voulant refermer la porte, elle se rend compte qu’il reste une jambe d’une de ses victimes qui la bloque. Leurs deux paires d’yeux se posent dessus.
so close - Mais en voulant refermer la porte, elle se rend compte qu’il reste un bras d’une de ses victimes qui la bloque. Leurs deux paires d’yeux se posent dessus.
fail - Dans l'entrebâillement de la porte, Corey peut observer deux cadavres n’ayant pas encore eu le temps d’être amenés au sous-sol.

Les yeux levés vers le ciel, Corey observait cet astre noir immuable. Encore un jour qui ne se lèverait pas. Seuls quelques uns devaient encore croire à la punition divine, Corey, lui adhérait plus facilement à la théorie de la malédiction. Toutefois le sort à l’œuvre battait tout les records. A aucun moment, si on lui avait dit cela possible, Corey n’y aurait cru. Tant de jours s’étaient déjà écoulés et chacun d’eux venaient avec son lot de macabre découverte. Des victimes toujours plus nombreuses et si souvent innocentes… En parlant d’innocents, c’est encore dans cette catégorie que Corey plaçait la jeune femme à qui il s’apprêtait à rendre visite. Lily, lui avait donné rendez-vous à l’Aube, chez elle et bien qu’il soit relativement difficile de parler d’aube, ou d’un tout autre moment de la journée, ces temps ci, Corey était à l’heure. Il fallait un peu de volonté et une bonne montre pour ne pas se laisser aller à la dépression et continuer à croire que les choses allaient s’arranger. Option à laquelle il continuait de croire. Non pas qu’il attende un miracle, les siens n’étaient pas assez biens vus par la religion dominante du coin pour qu’il fasse confiance à leur représentant. Cependant, il espérait vraiment que quelqu’un de compétent œuvrait dans le but d’arranger les choses et il n’était pas encore assez usé pour désespérer. Ou même se laissait aller à une angoisse permanente. Une tension inévitable l’habitait pourtant, entre l’issue incertaine de ce qu’on osait encore appelé une éclipse et le danger omniprésent qui rodait dans les rues, il faudrait être fou pour se sentir serein. Restait plus qu’à être prudent. Très prudent.

C’est pourquoi aussitôt le fiacre arrêté se rendit il à la porte de son amie pour y toquer. Sans surprise cette dernière répondit vivement mais avant même que Corey n’ait eu le temps de la saluer, cette dernière lui expliqua qu’elle avait quelque chose sur le feu et lui demanda de patienter. Jusque là pourquoi pas. Sauf que visiblement, c’était dehors qu’elle voulait qu’il attende. C’était pas vraiment la période pour laisser des amis à l’extérieur, surtout à cette heure si matinale. Mais tout alla si vite, que Corey pensa bien qu’il allait se retrouver face à une porte close. Du moins, jusqu’à ce que cette dernière bute sur quelque chose. Le plus naturellement du monde, tout deux baissèrent la tête. Mais là où Corey s’attendait bêtement à trouver un tapis, il vit un bras.
Juste un bras sur le sol et du sang un peu aussi.
« Lily ! » sa première idée fut de croire à un danger mais pour être franc, Corey avait un peu de mal à traiter l’information. Son premier réflexe fut de tirer la jeune femme à l’extérieur avec lui. Oui, si danger il y avait, c’était dedans avec le bras non ? Le bras mort qui ne ferait sans doute plus grand mal à quiconque. Par contre la personne qui l’avait coupé... « Lily, pourquoi il y a un bras dans ton entrée ? » Une question posée alors que les choses commençaient enfin à prendre sens, la stupeur première passée.  La réponse commençait à se dessiner dans son esprit. Et elle semblait insinuer que la douce et parfaite Lily qu’il connaissait depuis quelques années maintenant, n’était peut-être pas si innocente qu’il pouvait bien le croire.

« Lily ! » Elle ne comprend pas ce qui se passe, happé à l’extérieur de sa propre maison par la force de Corey, dont le geste semble inconsidéré autant que sorti de nulle part ? Qu’est-ce qui lui arrive, au juste ? Toute la surprise se lit sur le visage de Lily, dont les sourcils froncés prouvent qu’elle ne comprend pas ce qui se passe sous son propre toit. « Qu’est-ce qui t’arrive ? » Lui qui est pourtant toujours si calme et si posé, il semble avoir été piqué par une mouche. « Lily, pourquoi il y a un bras dans ton entrée ? » Elle qui a naturellement le teint particulièrement porcelain se retrouve à devenir blanche, livide. A cela, elle ne trouve aucune explication dans la seconde qui suit, se devant donc d’imposer ses grands yeux étonnés à la vue de Corey. Elle pense à lui expliquer qu’il ne s’agit que d’une vulgaire décoration, une blague faite par les enfants, mais elle estime trop Corey pour lui infliger ce genre de mensonges.

« Peu importe. Montre toi utile, veux-tu ? » Et plutôt que d’être traînée à l’extérieur, elle les pousse de nouveau jusque dans sa maison, prenant bien soin de fermer la porte derrière eux. « Tu te doutes qu’une nuit éternelle n’est pas sans conséquences, Corey. » Sait-il au moins que les créatures de contes existent bel et bien ? Elle l’espère sincèrement pour lui, parce qu’ils n’ont pas le temps d’en faire le résumé. « Oh, Corey, il a fallu que tu vois ça. » Lily souffle, désemparée. Si elle l’avait pu, elle aurait continué à le tenir loin de son travail, et ça aurait été sa façon à elle de le préserver et de conserver sa douce insouciance. « Aide moi à cacher les corps, nous parlerons ensuite. » Elle n’a d’autres choix, parce qu’ils ne peuvent décemment pas avoir la moindre discussion dans un salon jonché de cadavres et de bras solistes. Pour prouver qu’elle ne rigole pas le moins du monde, elle attrape déjà les pieds d’un individu, en espérant que Corey attrape ses bras sans faire de zèle.

win - Il est bel et bien mort.
so close - Un dernier réflexe post mortem donne l’impression qu’il bouge les bras mais il est bel et bien mort.
fail - Pas vraiment mort, au final. Catastrophe. Lily se saisit du couteau accroché à sa cuisse et le lui plante dans le crâne. Et elle ne le retire pas de là.

Au début, Lily semble surprise. Elle pali tellement que Corey se demande un instant s’il n’a pas tout halluciné. Puis elle se reprend. « Peu importe. Montre-toi utile, veux-tu ? » Abasourdi et un brin inquiet à l’idée de comprendre ce qu’il commence à deviner, il hésite un instant à entrer dans la maison. Mais c’est Lily, son amie, alors il la suit en silence. La porte se referme derrière eux et il constate la présence d’un corps, avec deux bras. Après une seconde de questionnement, il constate un autre corps à qui il manque un bras. Plus logique. Point positif, il n’est pas fou, point négatif, il n’est pas sûr d’apprécier l’idée de voir deux vrais cadavres. Ca ne fait pas le même effet que sur les photos des journaux. Il doit être aussi livide que Lily quelques instants auparavant. « Tu te doutes qu’une nuit éternelle n’est pas sans conséquences, Corey. » L’utilisation de son prénom lui fait prendre conscience qu’il devrait s’intéresser d’avantage à ce que dit la jeune femme qu’au corps inerte sur le sol dont enfin il réussit à détourner le regard. « Les conséquences on les voit dans les journaux tout les matins. Je sais ce qu’il se passe dehors. Mais…Je m’attendais pas à ça…ici. » Et surtout pas à y être confronté aussi brutalement. Naïvement, il pensait que sa magie lui permettait de ne pas être placée en première ligne des victimes potentielles, ça avait plutôt bien marché même. Finalement, peut-être aurait il du rester à Londres. Deux ans après, c’était un peu tard pour regretter. Mais si constater que le soleil ne se levait plus avait été perturbant, ce qu’il découvrait aujourd’hui l’était tout autant pour lui. « Oh, Corey, il a fallu que tu vois ça. » Un instant il retrouve sa Lily, celle qu’il pensait si bien connaître. Il peut difficilement la contredire, pour voir, il a vu.

« Aide moi à cacher les corps, nous parlerons ensuite. » « Quoi ? » Elle s’attend vraiment à ce qu’il touche au corps là ? Mais elle a dit que la discussion serait après. Son instant d’hésitation aura permis à la créature de revenir d’entre les morts. Chose à laquelle il ne s’attendait vraiment pas. Heureusement pour lui, Lily fut plus vive. Même s’il ne savait pas comment il effacerait de sa mémoire l’image de sa si proche amie plantant un couteau dans le crane de… « Non, non, je crois que je veux des explications maintenant en fait. » Il lève les mains devant lui, non il est pas prêt de toucher au corps. Il recule même d’un pas, sait-on jamais qu’il ressuscite une seconde fois. « Merde, Lily c’était qui, quoi ? »

Il est son ami, il l’a toujours été et elle a toujours eu vocation à le protéger du monde de la nuit, et c’est pour cette raison que jamais Corey n’aurait dû arriver aussi tôt, et surtout jamais ô grand jamais il n’aurait dû pouvoir observer les restes du cadavre qu’elle avait chassé durant la nuit. Il ne peut qu’en tirer de mauvaises conclusions, et ce n’est pas à lui qu’elle en voudrait ; simplement à tous les humains qui ne sont pas assez informés sur le monde de la nuit et ses malédictions. « Les conséquences on les voit dans les journaux tous les matins. Je sais ce qu’il se passe dehors. Mais…Je m’attendais pas à ça…ici. » Lily souffle doucement. Ses paroles font du sens, elle ne le sait que trop bien. Pour elle, tout est différent uniquement parce qu’elle a grandi en connaissant tout ce qui l’entoure.

Malheureusement, elle doit finir de cacher le corps avant de pouvoir tout lui expliquer, et c’est pour cette raison qu’elle parle à Corey avec peu de retenue. « Non, non, je crois que je veux des explications maintenant en fait. Merde, Lily c’était qui, quoi ? » Avec dégoût, il refuse de toucher le corps, et elle souffle longuement en laissant retomber les jambes contre le sol. « Tu ne t’es jamais demandée d’où venaient tous ces morts, soudainement ? Ce n’est pas la lune le problème, ce sont les créatures qui s’y cachent. » Il est rationnel, terre à terre. Il l’a toujours été. Il ne croit pas ce qu’il ne peut pas voir ni même toucher, et elle aurait sûrement eu la même attitude si elle n’avait pas grandi dans une famille de chasseurs. « Ce sont des loups-garous, Corey. Une meute. » Elle s’agenouille près du corps et relève doucement les cheveux qui cachaient jusque là le sommet de l’oreille, pas encore totalement redevenue humaine: elle est pointue, pleine de poils. L’oreille d’un loup. « J’essaie de protéger ceux que je peux. » Elle souffle enfin. Elle essaie de protéger Corey, mais elle essaie aussi de protéger le reste du village, et tous ceux qu’elle peut par extension: toutes les créatures des cauchemars d’enfants sont réelles, et personne n’a les armes nécessaires pour les combattre, malheureusement.

« Tu ne t’es jamais demandée d’où venaient tous ces morts, soudainement ? Ce n’est pas la lune le problème, ce sont les créatures qui s’y cachent. » Corey savait de quoi elle parlait. Vampires et loups garous. S’il avait eu la chance de ne jamais en croiser personnellement, on avait eu la bonne idée de lui apprendre leurs existences et de le mettre en garde envers eux à grand coup d’histoires terrifiantes. « Je vois de quoi tu parles. » Tout en se penchant sur le corps, Lily dévoile une oreille non humaine levant le doute sur la créature qui se trouve à leur pied. « Ce sont des loups-garous, Corey. Une meute. » Il acquiesce. Au moins les évènements survenus depuis son arrivée quelques minutes à peine auparavant prennent d’avantage de sens. « Tu es une chasseuse ? » La question est plutôt une constatation. Il y a plusieurs corps de loups garous, il ne faut pas être le premier humain venu pour réussir à en tuer autant. Ca nécessite un certain savoir faire au vue de la force de ces créatures. « J’essaie de protéger ceux que je peux. » Corey esquisse enfin un sourire. Ca ressemble d’avantage à la Lily qu’il connaît. « Bon, ben, ça reste une sacrée surprise, mais je comprends mieux. » Il se rapproche à nouveau du corps. Y toucher lui fait toujours pas spécialement envie, mais il est un peu plus disposé à aider Lily. « Tu compte en faire quoi au juste ? » Puisqu’il est évident qu’elle ne compte pas les laisser dans son entrée. « Je vais t’aider à les déplacer. » Mais c’est définitif, il n’y touchera pas. « Attends. » Il se déplace pour avoir les deux corps dans son champs de vision, prononce quelques mots et les deux corps se soulèvent. « Chacun son truc. » dit-il à Lily en haussant les épaules. Elle comprendra facilement toute seule. « On les mets où ? »