@Greta Moore

Le cri de terreur de Greta est la pire des sentences. Elle lui brise le cœur alors qu’elle n’a même pas vocation à le faire, sans doute. Elle est terrifiée, terrorisée, et tous les synonymes du genre. La malédiction qu’est la sienne est difficile à supporter et plus difficile encore à observer pour ceux qui n’en ont pas l’habitude, ce qui est justement la raison première pour laquelle lui et sa famille vivent à l’abri de tous les regards. « Je ne veux rien entendre… J’ai déjà compris. » Il lui a promis des explications mais elle ajoute ne pas vouloir les entendre. Greta tente de mettre de la distance entre eux et Ambrose accepte l’idée d’arrêter d’avancer, parce qu’il comprend bien que sa présence est synonyme de danger pour la jeune femme. Jamais il ne lui ferait du mal, pourtant.

Elle fuit vers le labyrinthe et il trouve l’idée particulièrement dangereuse à une telle heure de la journée, presque de la nuit. Il ne peut pas la laisser seule dans un tel endroit, et surtout dans un tel état où elle n’est plus elle-même. Elle ne sera pas capable d’appréhender le danger s’il se présente à elle et… « Greta ? Greta… » Il appelle normalement, puis en chuchotant. Son flair ne pourrait le tromper: il jure pouvoir sentir la puanteur sanglante d’un vampire dans les parages. « Greta je t’en supplie réponds-moi. » Il ne lui fera jamais de mal, c’est un fait, mais il ne pourrait pas en dire de même pour ce vampire qui ne vit que pour le sang, et tout particulièrement celui d’humains. « Tu es peut-être en danger. » Il tente de retrouver son effluve mais la tâche est rendue difficile au cœur de ce labyrinthe où il peine lui-même à se repérer, l’omniprésence de fleurs en tous genres n’arrangeant absolument rien pour lui. Le temps leur est compté, il file, et Greta lui impose un silence effrayant.

Tout devenait clair et limpide dans son esprit alors que ses pas la dirigeaient dangereusement vers le labyrinthe sans qu’elle ne le réalise. Ambrose disparaissait après chaque nuit comme un amant à l’absence de valeurs. Il avait ce sifflement dans la voix parfois qu’il masquait par une toux exagérée. Ces signes étaient présents depuis toujours mais comment aurait-elle pu ne serait-ce qu’imaginer que son petit-ami puisse être un loup-garou ? Ces bêtes n’étaient même pas supposées exister. En reprenant possession du cours de ses pensées, Greta avait réalisé : elle était emprisonnée dans un labyrinthe dont les murs de végétation se dressaient hauts et fiers. « Greta ? Greta… » Sa voix résonnait dans le dédale et cette sonorité d’ordinaire si rassurante lui glaçait maintenant le sang. « Greta je t’en supplie réponds-moi. » Elle n’était pas certaine que lui répondre serait utile alors que chaque recoin de l’endroit n’était qu’une répétition de l’autre. Etre perdue dans ce labyrinthe était finalement une aubaine, cela lui permettait d’échapper à Ambrose. « Tu es peut-être en danger. » Dans d’autres circonstances, l’ironie de ces paroles l’aurait certainement amusée mais alors qu’elle tentait de comprendre s’il parlait du danger qu’il représentait lui-même, elle avait senti un souffle dans son cou et avait hurlé à nouveau. « Ambrose, au secours ! » Greta se trouvait maintenant face à une décision qu’elle n’aurait jamais pensé avoir à faire, rester auprès d’un vampire ou se rendre auprès d’un loup-garou. Sa voix était la même pourtant, elle ne savait pas s’il l’avait suivie pour la dévorer ou pour l’aider réellement. Quel intérêt aurait-il eu à entretenir une romance avec une humaine qu’il considérait comme un repas ? Est-ce que l’amour rendait la viande plus juteuse ? Elle était sortie de ses pensées alors que le vampire récitait d’absurdes poèmes pour théâtraliser son massacre et en avait profité pour s’enfuir. « AU SEC… Oh. C’est toi.  » Sa fourrure était douce, c’était indéniable, pourtant, elle n’avait pas réussi à cesser de trembler en se retrouvant de nouveau face à cette truffe qui remplaçait maintenant les lèvres qu’elle aimait tant embrasser. « Comment je peux être sûre que tu ne me feras pas de mal ? » avait-elle commencé. « Est-ce-que tu n’es pas seulement en train de t’assurer que ton dîner ne te soit pas dérobé par un vampire ? » Un vampire qui continuait à roder, elle entendait encore au loin les rimes de ses alexandrins.

Il s’est époumoné à l’appeler, encore et encore sans jamais s’arrêter ni se lasser, parce qu’il n’envisage pas un monde duquel elle ne fait plus partie. Il veut avoir l’occasion de lui expliquer ce qu’il se passe, ce qu’il est, et surtout ce qu’il n’a jamais eu vocation à faire: « Ambrose, au secours ! » Ses pas se pressent et il se rapproche le plus vite possible de l’origine du bruit, d’où il pressent tout le danger qu’est sûrement en train de vivre Greta: dans le monde de la nuit, ils ne peuvent faire confiance à personne, mais elle n’aurait aucun moyen de le savoir en tant que simple humaine. « AU SEC… Oh. C’est toi. » - « Tu… Ca va ? Je crois avoir senti un vampire. » Son regard se pose sur les environs, toujours aussi douteux. Il attend quelques secondes avant de prendre le temps d’acter sa transformation dans le sens inverse, reprenant peu à peu forme et contenance humaine. Greta a déjà vu bien trop, il le sait bien, mais il ne veut pas davantage lui imposer le spectacle lycanthrope.

« Comment je peux être sûre que tu ne me feras pas de mal ? Est-ce-que tu n’es pas seulement en train de t’assurer que ton dîner ne te soit pas dérobé par un vampire ? » Les questions sont légitimes, sans doute, mais il n’a pas de parfaite réponse à lui donner. « Je t’ai jamais fait le moindre mal, G. » Il souffle doucement. Il aurait pu la tuer s’il l’avait voulu, il aurait pu le faire sans le moindre mal, sans alerter qui que ce soit. « On se nourrit pas d’humains dans ma famille. » Ni dans aucune qu’il connaisse, d’ailleurs, mais peu importe. Ce n’est pas le moment pour qu’elle se sente jugée mais seulement rassurée, comprise, épaulée. « C’est juste… On choisit pas comment on naît, pas vrai ? C’est pareil dans mon cas. » C’est comme avoir les oreilles décollées ou les dents du bonheur, après tout. A peu de choses près, ce n’est qu’une divergence physique « Je comprendrais si tu dis ne plus jamais vouloir me revoir mais, G, il faut que tu me promettes que tu garderas le secret. » Sinon, il devrait en informer ses parents, et l’affaire serait bien différente.

Son choix avait été fait et bien plus que la peur du vampire, c’était le besoin de comprendre ce qu’Ambrose avait à lui dire qui l’avait menée jusqu’à lui. « Tu… Ca va ? Je crois avoir senti un vampire. » Elle s’était empressée d’acquieser. « Tu… as du flair ? On a le droit de te faire ce genre de … compliments ? » Petit à petit, il redevenait le Ambrose dont elle était tombée éperdument amoureuse, premièrement de ses traits, puis ensuite de son caractère doux et posé. C’était quelque chose d’impressionnant à voir et elle cachait difficilement à quel point le voir se transformer la déstabilisait. Alors elle avait posé les questions qui lui venaient directement à l’esprit, ses connaissances en matière de loup-garous étant maigres. Inexistantes, même, car elle ne s’était jamais intéressée à ces légendes qui semblaient prendre un malin plaisir à se confondre avec la réalité. « Je t’ai jamais fait le moindre mal, G. » Ses yeux trouvaient plus facilement les siens maintenant qu’il était redevenu lui-même. « On se nourrit pas d’humains dans ma famille. » Cette affirmation était rassurante, mais elle était tout de même consciente du risque que représentait une relation amoureuse avec un loup-garou : même si ce n’était pas en la dévorant, Ambrose pouvait décider de son sort en un claquement de doigt. « Toute ta famille est comme toi ? Je veux dire, ce n’est pas un mauvais sort ou un enchantement ? » Il était évident qu’elle avait encore beaucoup à apprendre sur lui et si elle aurait de toute façon finit par poser des questions sur sa famille, elle devait avouer que celles-ci étaient particulières. « C’est juste… On choisit pas comment on naît, pas vrai ? C’est pareil dans mon cas. » Peu à peu, il regagnait sa confiance et elle retrouvait le sourire, se sentant bien plus à l’abri qu’en danger en sa présence. « Je comprendrais si tu dis ne plus jamais vouloir me revoir mais, G, il faut que tu me promettes que tu garderas le secret. » « C’est une menace ? » avait-elle demandé par réflexe, le ton qu’il avait employé lui laissant le doute. Greta s’était vite reprise, Ambrose avait gardé cette douceur dans la voix tout au long de ses explications et la façon dont il l’avait appelée tout à l’heure montrait l’étendu de ses sentiments. Ils étaient réciproques.  « Excuse-moi, Ambrose. Tout devient tellement compliqué, le jour ne se lève plus, tu es un loup-garou… Tu dois me trouver idiote avec toutes mes questions déplacées. » Elle ne voualit pas que son regard sur elle change, elle avait appris à l’aimer pour ce qu’il était et elle refusait que cela change malgré l’intensité de ses craintes.

« Tu… as du flair ? On a le droit de te faire ce genre de … compliments ? » Sans doute touché par sa tentative de faire au mieux, il se met à rigoler simplement. « Je crois que tu peux, oui. » Après tout, il a bel et bien un odorat plus développé que la moyenne, alors elle a le droit de le souligner, non ? Il préfère ne pas faire un débat à ce sujet et tente plutôt de la rassurer en soulignant qu’il a toujours été ainsi depuis qu’ils se connaissent, ce qui ne les a jamais empêchés de s’entendre et, au-delà de ça, de tomber amoureux. « Toute ta famille est comme toi ? Je veux dire, ce n’est pas un mauvais sort ou un enchantement ? » Il ne sait pas s’il doit hocher la tête positivement ou négativement, alors il se contente de s’humecter les lèvres avant de rétorquer. « C’est génétique. » Et il sait qu’en lui donnant un botu d’explication, il vient surtout d’exposer toute sa famille, ce qui le pousse à s’en remettre davantage encore à Greta. Il tente de faire de son mieux pour elle, pour tout le monde.

« C’est une menace ? »
« Quoi ? Non, bien sûr que non. »

Il ne veut pas aller jusque là, du moins, parce que la sécurité de sa famille passera éternellement avant les ressentis de son cœur. Il a beau sincèrement aimer Greta, son sang reste son sang. « Excuse-moi, Ambrose. Tout devient tellement compliqué, le jour ne se lève plus, tu es un loup-garou… Tu dois me trouver idiote avec toutes mes questions déplacées. » Il souffle doucement et pose sa main contre son cou, la relevant pour caresser ses mèches avec une certaine douceur et empathie. « Tu ne savais rien de tout ça avant. C’est normal. » Elle vivait une vie insouciante, et pour cela il l’a souvent idéalisée. Il aurait aimé grandir aussi simplement, lui aussi. « Je vais te protéger. Il n’y a pas que… tu te doutes que si les loups-garous existent, il en est de même pour d’autres créatures, pas vrai ? » Pouvait-elle seulement s’en douter ? Ils vont devoir prendre le temps de tout lui expliquer pour qu’elle puisse appréhender au mieux cet endroit, il le sait déjà.

A ses tentatives de souligner ses compétences, Ambrose avait souri. « Je crois que tu peux, oui. » Ils retrouvaient un peu de cette complicité même si cela se faisait au travers de paroles maladroites, Greta ayant bien du mal à se familiariser avec l’idée de parler à un loup. Alors pour tenter de ne pas commettre d’impairs, elle s’assurait de poser les questions, même les plus anodines. Elle était terrifiée mais elle n’avait pas honte. « C’est génétique. » C’était logique après tout, aussi logique que l’était le flair développé qui avait permis à Ambrose de sentir le vampire, une odorat digne des canidés et qui leur permettait de déceler l’ennemi à des kilomètres à la ronde. Ils avaient leurs atouts, comme les vampires possédant cet aura surnaturelle qui les rendaient si dangereux, leur teint pâle étant l’unique détail permettant de les différencier de la race humaine. Chaque créature était dangereuse et si Greta s’en remettait normalement aux sorcières et à leurs potions, elle pouvait maintenant se targuer de compter un loup-garou parmi ses proches. « Quoi ? Non, bien sûr que non. » Il l’avait confirmé, il ne la menaçait pas. Et elle était tout de même venue s’enquérir de ce qu’il pensait d’elle, maintenant qu’elle était simple humaine entichée d’un lycanthrope. « Tu ne savais rien de tout ça avant. C’est normal. » Ses yeux bleus avaient trouvé les siens, tant de questions encore à lui poser mais si peu de temps et d’assurance. Elle l’aimait autant qu’elle le craignait. « Je vais te protéger. Il n’y a pas que… tu te doutes que si les loups-garous existent, il en est de même pour d’autres créatures, pas vrai ? » Etre protégée par quelqu'un faisant justement partie de ces créatures était ironique. La protégerait-elle contre ses pairs ? Ou simplement contre les suceurs de sang et les enchanteresses ? « Quand je t’ai posé la question, tu m’as dit que je croyais aux histoires pour effrayer les enfants... » Comme s’il n’hésitait pas encore quelques secondes avant à blesser son égo pour tâcher de garder toute la vérité sur qui il était réellement. « Emmène-moi loin de cet endroit… Que ce soit le Pays de Galle ou les berges du fleuves, pourvu que les recoins ne se ressemblent pas tous comme c’est le cas ici. » Elle rêvait d’un endroit loin de la tourmente, s’imaginant que la malédiction ne touchait que Brisbane et que des pays comme la Grande-Bretagne aient pu être épargnés.