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« C’est mauvais, pas vrai ? » Attrapant le papier que son interne lui tendit, Nina s’empressa de lire les résultats inscrits noir sur blanc. Certains indicateurs apparaissaient anormalement hauts, mais ce qui inquiétait le plus la jeune médecin était le taux affreusement bas des globules blancs de son patient. Ce n’est pas ainsi que les choses devaient se dérouler, son état n’était pas censé se dégrader aussi rapidement. « Oui. C’est vraiment mauvais. » qu’elle souffla tout en continuant de parcourir les résultats que le laboratoire venait de leur faire parvenir. Sans un mot, Nina pressa le pas jusqu’à la salle que sa petite équipe avait investie pour leur recherche et la mise en place du protocole qui était censé sauver la vie de ce petit garçon. Elle avait connu une grande avancée aux côtés de Travis quelques jours auparavant, mais depuis, ils semblaient se trouver dans une impasse. Quelque chose bloquait, ils se devaient de revenir en arrière, de revoir le processus, mais le temps pressait désormais et Nina avait l’impression de s’éparpiller sans trouver la bonne direction à suivre. Les résultats entre ses mains venaient bousculer tout son processus, provoquant une légère angoisse qu’elle ne se sentait plus capable de gérer en cette heure déjà bien avancée. « Rentrez vous reposer. » C’était bien la première fois qu’elle prononçait ses mots depuis qu’ils s’étaient engagés à travailler à ses côtés. Depuis le départ, elle leur imposait des heures sans fins, revenant à plusieurs reprises sur la même technique. Mais à heurter le mur depuis le début de journée, Nina se sentait épuisée. « Vous êtes sûre Docteur Craine ? » Bien sûr que Travis se trouvait hésitant. « On reprendra demain. Avec un esprit clair. » Elle ne pouvait s’autoriser plus d’erreurs. Il lui fallait une soirée, juste une, pour souffler, se recentrer et voir l’ensemble du puzzle sous un autre angle. Demain sera un autre jour, une nouvelle bataille. Demain.

L’esprit encore emprisonner par les résultats de laboratoire, les adaptations qu’il allait falloir entreprendre, Nina effectua le chemin jusqu’à l’appartement en pilotage automatique. C’est seulement lorsqu’elle réalisa que sa voiture était garée sur sa place de parking, qu’elle réalisa être arrivée à bon port. Cela devenait un peu trop récurrent, que ses pensées accaparent tout son jugement, qu’elle conduise sans même prêter réellement attention à la route. Nina était épuisée. Elle avait la sensation de tourner en rond depuis des jours sans trouver un moyen de se sortir de ce cercle vicieux. Dans l’ascenseur, une boule commença à se former au fond de son estomac à l’idée même de se retrouver, une fois encore, seule dans son appartement. Elle n’avait même pas pris le temps de demander si Ruben était à l’hôpital. Ils s’étaient à peine croisés depuis la veille. Une fois à leur étage, Nina fut sur le point de faire demi-tour, prête à appeler Stella ou Rory pour un peu de compagnie. Elle était prête à entrer à nouveau dans l’ascenseur lorsqu’un son familier attira son attention. Se dirigeant vers la porte de leur appartement, Nina lâcha un soupir de soulagement en reconnaissant les notes d’un piano. Ruben était à la maison.

Faisant tourner sa clé dans la serrure, elle se débarrassa de son sac à main et de ses chaussures dans l’entrée avant de se glisser vers le salon. La pièce était pratiquement plongée dans la pénombre. Ben lui tournait le dos, absorber par le morceau qu’il était en train de jouer sur son instrument. Sans un bruit, elle se faufila jusqu’à lui venant glisser ses bras autour de son cou. « Je suis contente de te voir. » Il lui avait manqué. Ses lèvres se glissèrent le long de la mâchoire de son fiancé dans un baiser léger avant de laisser son visage plonger dans le creux de sa nuque. Nina pris une seconde, juste une, pour s’enivrer de son parfum et de sa chaleur. « Ne t’arrête pas. » Défaisant son étreinte autour de ses épaules, elle vint se glisser sur le banc aux côtés de Ruben. « Tu me joues quelque chose ? » Elle avait besoin d’une pause et de quelques douces notes de musique.

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Ses doigts naviguaient d’un bout à l’autre du piano depuis au moins plus d’une heure désormais. Devant lui ne se tenait pas la moindre partition, tout se faisait dans son esprit. Il ne composait pas, mais avait une mémoire assez développée pour se rappeler de toutes les mélodies qu’il avait un jour appris - et ne reposait pas ses moments passés sur le banc sur le moindre papier. Ils en avaient parlé lors de leur dernier rendez-vous avec Nina: il ne jouait presque plus ces derniers temps. Pourtant, le piano était thérapeutique pour Ruben, qui savait parfaitement évacuer son stress et ses émotions à travers le mouvement de ses doigts sur les touches blanches et noires. Ce n’était pas nouveau, ça avait toujours été le cas - il n’avait d’ailleurs jamais autant joué que lorsqu’il approchait de ses examens ou toute étape importante de ses études et de sa future carrière. Lorsqu’il se trouvait devant des cas particulièrement compliqué également, ce n’était pas rare de le voir se mettre derrière l’instrument pour reposer ses idées et réussir à mieux les anticiper, les analyser. Pourtant ces derniers temps, il aurait eu besoin de tout ça dans la préparation de ses opérations - mais il ne passait plus assez de temps dans l’appartement pour réellement pouvoir en perdre derrière le piano. Et à faire face aux ressentis positifs que ça avait sur lui en cet instant, il regrettait de ne pas s’être accordé un tel plaisir depuis bien longtemps; il ne saurait avouer en revanche que peut-être une part de la vérité résidait dans le fait qu’il ne levait pas assez le pied et que, par extension, Nina avait raison au moins sur ce point là.

En parlant de Nina, Ben avait beau être concentré sur la musique qu’il était en train d’exécuter, ce n’était pas pour autant que ses oreilles ne trainaient pas ici et là et qu’il n’avait pas perçu que quelqu’un entrait dans l’appartement; et comme elle était la seule supposée venir ici aujourd’hui et ayant les clefs, les déductions étaient faciles. Ces dernières se confirmèrent lorsqu’elle se glissa dans son dos, glissa ses bras autour de lui. « Je suis contente de te voir. » Avant qu’elle ne se déloge pour déposer un baiser sur sa mâchoire, il profita de la proximité de son avant-bras pour en déposer un de son côté, appuyant sa joue sur le dessus du crâne de la jeune femme lorsqu’elle plongea son nez dans le creux de son cou. Elle dut sentir un ralentissement dans sa manière de frapper les touches car elle perdit pas de temps pour reprendre la parole. « Ne t’arrête pas. » L’instant d’après, elle se glissait à ses côtés. « Tu me joues quelque chose ? » Tout en ajustant sa mélodie pour venir jouer une musique qu’il saurait être appréciée par Nina, Ruben tourna son visage vers la jeune femme.

Il avait l’avantage d’avoir l’expérience de l’instrument et l’habitude de faire de la gymnastique mentale bien plus complexe; si bien qu’il put continuer de jouer tout en la regarder et en prenant la parole à son tour. « Tu m’as l’air exténuée. » Ce n’était pas un reproche, ni une moquerie d’aucun genre. Elle avait les traits tirés, mais surtout il manquait ce petit éclat dans le fond de son regard qu’elle avait pourtant d’ordinaire. Ce qui voulait dire que quelque-chose avait du se passer au travail qui soit l’avait affectée, soit l’avait contrariée pour qu’elle revienne chez eux dans cet état ce soir. Il fronça quelque peu les sourcils. « T’as reçu quoi comme mauvaise nouvelle ? » Il était un assez fin observateur pour au moins réduire les devinettes jusqu’à ce point là - mais elle allait devoir lui donner la suite des l’histoire, il ne saurait la deviner seul. Et surtout: le sujet que lui désirait aborder attendrait un instant ou deux supplémentaire à la voir ainsi. Car si initialement pour une fois Ruben s’était mis derrière le piano, ce n’était pas parce-qu’il avait eu une journée de travail compliquée, mais bien parce-qu’il était chiffonné sur un sujet et qu’il avait besoin d’en discuter avec sa fiancée; et non, ce n’était pas quelque-chose qui les concernait directement tous les deux initialement, mais un autre qui n’aurait pas du être un soucis entre eux de base.

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La mélodie se voulait douce, à peine perceptible depuis le couloir, mais Nina aurait pu reconnaître ce son parmi mille autres. À de nombreuses reprises, elle s’était laissé bercer par cette musicalité si unique, allonger sur le divan, le regard river sur les doigts de Ben courant sur les touches dans un chaos si ordonné. La simple idée de le trouver assis sur le banc de son instrument vint réchauffer son cœur après cette journée sans fin. Elle, qui avait pour habitude de rentrer le cœur lourd, redoutant le silence qui allait l’accueillir, se précipita presque sur la porte d’entrée. Il était là Ruben, à sa place, les manches de son pull roulé sur ses avant-bras, le dos légèrement voûté vers l’avant. Elle ne pouvait décerner que ses boucles qui se balançaient au rythme de la musique qu’il s’efforçait de reproduire, mais cela était suffisant pour lui donner le véritable sentiment d’être rentré à la maison. Rien ne viendrait effacer sa journée, mais la perspective de pouvoir aller se plonger dans ses bras réconfortants venait apaiser le poids qui pesait sur ses épaules depuis qu’elle avait quitté l’hôpital.

En un mouvement, elle se retrouva près de lui, cherchant la chaleur de son étreinte qu’il lui donna sans concession. Un baiser contre sa peau garant d’un frisson qui lui tira un sourire teinté de fatigue. Elle aurait aimé ne plus bouger, rester un instant de plus le visage enfoui dans le creux de son cou, espérant voir s’envoler le sentiment d’échec qui lui collait à la peau depuis le milieu de matinée. Mais la musique de Ben était en train de s’évanouir au profit de leur étreinte et Nina avait cruellement besoin de l’entendre jouer. N’importe quelle mélodie, mais il avait choisi de changer pour celle qu’elle avait toujours affectionnée. Ces quelques notes qui tenaient dans une multitude de souvenirs n’appartenant qu’à eux. « J’aime cette chanson. » Elle pouvait enfin souffler, à l’abri du regard des autres, loin de l’image qu’elle se devait de projeter face à ses internes. Nina s’autorisa un seul souffle tremblant, avant de se redresser. Mais Ben l’avait remarqué, elle pouvait le sentir à la simple manière qu’il avait vue de faire pencher tout son poids de son côté, provoquant un contact rassurant. Elle sentait son regard, ses yeux qui cherchaient la vérité quand elle n’avait pas réellement envie de s’épancher. Ce n’était qu’une seule mauvaise journée. Demain, tout ne serait qu’un mauvais souvenir. Nina ne flancherait pas pour si peu, elle n’était pas faible à ce point. « Tu m’as l’air exténuée. » Parfois, elle pouvait détester cette façon si simple qu’il avait de lire en elle. « Longue journée. » Elle dissimula toutes les interrogations qui couraient dans son esprit dans un sourire. Ce n’était qu’une longue journée, elle avait hâte de pouvoir s’allonger à ses côtés. « T’as reçu quoi comme mauvaise nouvelle ? » Bien entendu, que Ruben avait compris plus que l’évidence. « L’état de mon patient s’aggrave plus rapidement que ce que l’on avait su prédire. » La course se voulait déjà folle, elle devenait désormais effrénée. Chaque minute allait compter puissance triple. « On s’est engouffré dans une impasse. » Elle l’avait deviné un peu trop tard au cours de la journée, mais dans son esprit se dessinait déjà différentes possibilités de rétrogradage pouvant les amener à une réussite. « J’ai juste besoin de dormir un peu. » Elle l’affirma dans un sourire. Il le savait, il avait connu cela avant elle. Une nuit de sommeil pour faire taire toutes les pensées qui couraient à mille à l’heure. Juste une soirée de parenthèse pour reprogrammer le cheminement qui mènerait au succès. « Je pouvais pas avoir meilleur accueil. » En douceur, elle vint poser sa tête contre son épaule, le regard hypnotisé par ses doigts qui couraient après la prochaine note.

Nina laissa le silence s’intensifier entre eux, Ruben venant d’atteindre à son moment préféré dans la partition. Fermant les yeux, elle se laissa porter par la mélodie, sa main glissant sur la cuisse de son fiancé comme un point d’ancrage qui l’aiderait à effacer cette journée. Déjà, elle se sentait un peu plus légère. Il était tard, mais rien de trop alarmant, son ventre vint émettre un son disgracieux, lui rappelant qu’elle n’avait pas encore avaler quoi que ce soit. Est-ce que Ruben avait déjà dîné ? Du coin de l’œil, elle vit les chats qui se prélassaient sur le divan, avant que son regard ne revienne se poser sur le visage de Ruben. « Raconte-moi ta journée. » Elle ne saurait même plus dire s’il avait passé la journée à l’appartement ou s’il avait simplement quitté l’hôpital avant elle.

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« J’aime cette chanson. » Il sourit doucement, continuant alors sur cette nouvelle lancée puisqu’il avait vu juste. « Je sais. » Ce n’était pas du hasard - il ne laissait que peu de choses au hasard, en règle générale. Il avait changé l’air qu’il jouait au piano pour atterri sur quelque-chose qu’il savait apprécié davantage par Nina. Il posait sur elle ce regard là parce-qu’il savait exactement quoi chercher quand il s’adressait à elle en cet instant. « Longue journée. » Le regard qu’elle lui adressait laissait deviner cette longue journée, oui. Il ne saurait dire exactement pourquoi, il n’était pas télépathe non plus, mais il pouvait mettre le doigt au moins sur le type de soucis qui restait ancré dans son esprit. Ils ne s’étaient pas rencontrés hier, partageaient un quotidien semé de doutes depuis des années, il savait faire la différence entre les soucis qu’elle pouvait avoir désormais. « L’état de mon patient s’aggrave plus rapidement que ce que l’on avait su prédire. » Ne détournant pas son regard de la jeune femme, il esquissa une petite moue. « Je suis désolé. » Il savait à quel point cette opération était importante pour sa fiancée, et à quel point elle s’y donnait corps et âme. Le fait que l’état général du patient au coeur de cette intervention se dégrade était la pire des nouvelles qu’elle pouvait recevoir.

« On s’est engouffré dans une impasse. » - « C’en était pas une jusque maintenant. Te blâme pas pour ça. » Elle n’aurait pu prédire avec autant de justesse les différentes événements lui mettant dans bâtons dans les roues. Elle pouvait les imaginer, mais pas les prédire: elle ne pouvait s’en vouloir pour ça. « J’ai juste besoin de dormir un peu. » En action miroir, Ben esquissa un petit sourire se voulant rassurant. « Il est encore tôt, t’as le temps de faire une bonne nuit de sommeil avant demain. » Un sommeil réparateur pouvait parfois être la clef d’un problème un peu plus compliqué à affronter. « Je pouvais pas avoir meilleur accueil. » Nina posa sa tête contre son épaule, et il posa sa joue sur le dessus de son crâne - après y avoir déposé un baiser.

Ses doigts continuèrent, eux, de faire entendre une mélodie à travers l’appartement. Ils restèrent tous les deux plusieurs minutes comme ça, le temps qu’il termine le morceau qu’il avait entamé exprès lorsque Nina lui avait demandé de continuer de jouer; ses doigts na lâchèrent pas le piano pour autant à la suite, changeant de musique, continuant la mélodie. Bien sur, l’estomac criant famine de Nina ne fut pas une information tombant dans l’oreille d’un sourd - et si elle n’avait pas repris la parole plus rapidement que lui, le silence aurait été brisé dans tous les cas. « Raconte-moi ta journée. » - « Rien de passionnant, tu sais. » Et rien à cacher surtout, pour une fois. « Je suis quand même passé à l’hôpital ce matin pour une session d’entrainement avec Wilson, même si j’aurais préféré dormir un peu plus longtemps. » Il était resté jusque tard la veille, une urgence arrivée en dernière minute alors qu’il était supposé ne pas dépasser minuit sur place. « J’ai déjeuné avec ma mère qui était en ville aujourd’hui. Je suis passé au pressing récupéré nos affaires qui étaient là-bas depuis je sais même pas combien de temps. Je suis allé courir. » Enumération plus ou moins dans le bon sens - ça n’avait pas vraiment d’importance. Ralentissant le rythme de ses doigts sur le piano, Ruben finit par terminer la mélodie sans enchainer sur une nouvelle cette-fois ci. Il ouvrit la bouche pour dire quelque-chose avant de finalement la refermer, secouant quelque peu son visage. Il y avait d’autres points sur lesquels se concentrer, même s’il désirait aborder cette conversation avec elle. « Le reste c’est pas important pour le moment. Viens, ta part de diner t’attends. » Il avait déjà mangé de son côté, mais il avait gardé une part pour Nina si jamais elle n’avait pas eu le temps d’avaler quelque-chose avant de revenir ici. Se délogeant avec douceur du banc du piano, il attrapa un baiser au vol avant de rejoindre la cuisine et de sortir assiette et couverts pour les disposer sur le plan de travail pour la jeune femme. « J’ai pris au restaurant thaï où on était allés l’autre jour, c’est toujours aussi bon. »

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« C’en était pas une jusque maintenant. Te blâme pas pour ça. » Elle s’en voulait simplement d’avoir voulu persévérer en attendant les résultats du laboratoire, quand une part d’elle avait déjà connaissance de la mauvaise nouvelle qu’ils allaient amener. La frustration de s’être quelque peu trompé était venu se mêler à une fatigue générale, créant chez elle un sentiment amer. « J’ai d’autres pistes à explorer demain. » Elle ne comptait pas abandonner à cause d’un simple imprévu. Ce n’était pas son genre. Nina avait l’intention de se battre jusqu’à la dernière minute pour son patient, qu’importe l’énergie qu’elle devra dépenser pour y parvenir. « C’était mieux de s’accorder une pause ce soir, les internes en avaient aussi besoin. » De tous ceux qu’elle avait finis par sélectionner, Travis s’était démontré le plus impliqué dans le processus. Il calquait ses horaires sur Nina se créant une dette de sommeil qu’elle ne pouvait ignorer plus longtemps. Ils avaient besoin de sortir de l’hôpital, de reprendre leur souffle, pour attaquer encore deux fois plus fort dès le lendemain. « Il est encore tôt, t’as le temps de faire une bonne nuit de sommeil avant demain. » Ses lèvres s’étirèrent dans un léger sourire, quand le simple fait de ne pas aller se coucher seule ce soir, lui assurait de pouvoir passer une bonne nuit. En attendant, elle comptait bien profiter de la présence de son fiancé.

L’atmosphère de l’appartement venait contraster avec l’effervescence de sa journée, permettant réellement à Nina de s’accorder quelques minutes de relâchements. Le travail restait dans un coin de son esprit, en veille permanente, à la recherche de la moindre idée fulgurante. Mais auprès de Ben, elle s’accordait le droit de relâcher la tension, en desserrant la mâchoire, et en s’attardant sur des sujets bien plus triviaux. « Rien de passionnant, tu sais. » Il avait donc passé une journée loin de l’hôpital. « Je suis quand même passé à l’hôpital ce matin pour une session d’entraînement avec Wilson, même si j’aurais préféré dormir un peu plus longtemps. » Elle eut un rire face à son entêtement. « J’ai déjeuné avec ma mère qui était en ville aujourd’hui. » Cela lui rappela que la sienne n’avait donné aucune nouvelle depuis des jours désormais. « Elle va bien ? » Elle pouvait au moins s’enquérir de sa belle-mère, un rôle modèle comparer à sa propre génitrice. « Je suis passé au pressing récupéré nos affaires qui étaient là-bas depuis je sais même pas combien de temps. Je suis allé courir. » Elle n’avait aucun souvenir d’avoir des vêtements en attente au pressing, preuve qu’ils passaient, tous les deux, bien trop de temps sur leur lieu de travail. « Il y avait ma robe bleue dans ce que tu as ramené ? » Le hochement de tête de Ruben lui fit se mordre la lèvre. « Je crois que je dois des excuses à Wendy. » Incapable de trouver l’une de ses robes favorites, elle avait accusé sa petite sœur d’être passée faire son shopping dans son placard. « J’avais complètement oublié le pressing. » Ce n’était rien d’important, mais elle se nota d’envoyer un message à sa petite sœur qui s’était défendue corps et âme sans que Nina ne la croie.

Elle lut l’hésitation sur le visage de Ruben alors que la dernière note du piano venait de s’éteindre. « Le reste c’est pas important pour le moment. Viens, ta part de dîner t’attends. » Elle ne se fit pas prier, acceptant son baiser, avant de le suivre dans la cuisine. « J’ai pris au restaurant thaï où on était allés l’autre jour, c’est toujours aussi bon. » Son choix la poussa à le taquiner gentiment. « Je parie que t'as pas laissé une miette de poulet au satay. » La dernière fois, il avait pratiquement tout dévoré. S’étirant légèrement, elle finit par se pencher pour venir grattouiller la tête des chats qui réclamait son attention. « Je vais juste aller me changer. » Elle s’était douchée à l’hôpital, mais elle rêvait d’enfiler une tenue plus confortable. Avant de quitter leur chambre pour laisser son estomac la guidée à nouveau vers la cuisine, Nina ouvrit le côté de la penderie appartenant à Ben pour lui subtiliser l’un de ses sweats à capuche. Ils sont toujours trop grands pour elle, mais enveloppée par son parfum, elle laissait alors de côté la Nina chirurgienne, pour ne redevenir qu’une jeune femme voulant passer une bonne soirée en compagnie de son fiancé. « Hmmm ça sent tellement bon. » Il avait tout préparé, l’attendant avec un verre de vin et encore un peu de musique.

La conversation se voulait fluide, entre deux bouchées pour elle et une gorgée pour lui. Mais elle voyait les hésitations sur ses lèvres, les souffles qu’il cherchait à prendre avant de les laisser mourir sans un son. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » S’il savait lire en elle comme dans un livre ouvert, l’inverse n’en était pas moins vrai. Repoussant son assiette désormais vide, elle prit appui sur ses coudes pour mieux se pencher vers lui. « Je te vois hésiter à parler depuis que je suis rentrée. » Est-ce qu’il avait une mauvaise nouvelle à lui annoncer ? Non, il n’aurait pas attendu aussi longtemps. Il paraissait se retenir depuis qu’il avait relevé sa fatigue, comme si ce n’était pas le bon moment. Mais pour quoi justement ? Nina ne se voyait plus poursuivre la soirée comme si de rien était. « Tu sais que tu peux tout me dire Ben. » C’était, en tout cas, la promesse qu’ils s’étaient faite.

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« J’ai d’autres pistes à explorer demain. » Il savait qu’elle ne laisserait pas tomber aussi facilement, et qu’elle avait bien plus de resources que cela. « C’était mieux de s’accorder une pause ce soir, les internes en avaient aussi besoin. » Doucement, Ruben hocha la tête. « Comme on dit: la nuit porte conseil. La fenaison sera meilleure ensuite. » Parce-qu’avec un peu de repos, il était toujours plus facile de récolter ce qui avait été semé; d’autres idées lui viendraient, elle envisagerait peut-être les mêmes situations sous d’autres angles, apprendrait différentient à porter un oeil nouveau sur des éléments qu’elle connaissait pourtant déjà par coeur. Il ne s’en faisait pas pour elle, pas encore - il était à ses côtés pour la soutenir et l'aider autant que son champ de compétence le permettait, elle avait réussi à s’entourer de bons éléments et elle avait au moins l’appui de l’une de ses supérieurs dans le processus, ce n'était pas rien.

Quelques notes de piano supplémentaires en silence et Nina redirigea la discussion vers un tout autre sujet. Oh, la journée de Ben n’avait pas été des plus extraordinaires, tant la banalité avait rythmé cette dernière. « Elle va bien ? » Il hocha doucement la tête. « Elle m’a répété pour la millième fois qu’elle me trouvait fatigué, et qu’elle avait hâte de nous avoir tous à la maison pour Noël alors que c’est pas encore avant quelques mois. Mais je crois qu’elle était surtout contente que je lui accorde du temps. » Lorsqu’il rentrait les week-ends chez lui, à l’époque de ses études, Ruben avait pris pour habitude de toujours partager un repas uniquement en tête à tête avec sa mère pour qu’elle n’ait pas l’impression de voir son jeune garçon lui échapper. Bien sur qu’il appréciait ces moments déjà à l’époque et qu’il le faisait toujours maintenant - parce-qu’il aimait sa mère, mais inconsciemment parce-que cela faisait du bien d’être admiré par elle, comme seule une mère pour le faire. La fierté transparaissait dans le regard de madame Hartfield dès que son plus jeune fils entrait dans son champ de vision, et Ben redevenait un jeune garçon à ses côtés sans tous les soucis du quotidien et d’une vie d’adulte surement trop remplie. « Elle a encore dit qu’elle détestait la grande ville et que la prochaine fois c’était à moi de faire le déplacement. Mais elle a aussi dit qu’elle reviendrait surement le mois prochain, alors… » Alors bien sur que cela lui faisait gentiment sourire.

« Il y avait ma robe bleue dans ce que tu as ramené ? » - « Celle de l’autre jour ? Oui elle était dans le lot. » - « Je crois que je dois des excuses à Wendy. J’avais complètement oublié le pressing. » Il ajouta un petit rire, déposa un baiser sur sa tempe. « Bon courage alors. » Ben savait que la relation entre les deux soeurs n’était pas des plus faciles, et qu’une telle action serait pointée du doigt pendant de longues semaines encore après le moment terminé.

Les notes de piano finirent par se faire happer par le silence, alors que Ruben hésitait à ajouter un autre détail de ses dernières vingt-quatre à quarante-huit heures en réalité - mais secouant quelque peu la tête, il finit par se lever du banc: ce n’était pas le moment, ils avaient mieux à faire. Enfin, Nina avait mieux à faire surtout, elle qui n’avait pas encore pris le temps de répondre à l’appel de son estomac. «  Je parie que t'as pas laissé une miette de poulet au satay. » Levant les yeux au ciel, il ne chercha pas à cacher son air amusé. « Je savais que t’allais dire ça. » Il anticipait plutôt facilement les moments où elle était susceptible de se moquer gentiment de lui. « Je t'ai gardé une part exprès. » Parce-qu’il n’aurait effectivement pas laissé une miette sinon. « Je vais juste aller me changer. » Il hocha la tête, profita de ses quelques minutes d’absence pour dresser la table. « Hmmm ça sent tellement bon. » Il releva son regard, haussa un sourcil tout en esquissant un sourire amusé. « C’est mon hoodie ça. » C’était la spécialité de Nina, que de temporairement désapproprier ses affaires - il ne s’en plaignait pas pour de vrai, promis, il adorait la voir dans des affaires qui lui appartenaient; cela donnait une image d’appartenance plus générale qui lui faisait du bien.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » - « Hm ? » Plait-il ? « Je te vois hésiter à parler depuis que je suis rentrée. » Soupirant légèrement, il secoua la tête. « C’est rien du tout, je vais pas t’embêter avec ça ce soir. Ta journée a déjà été assez longue. » Le but de Ruben n’était pas d’encombrer le peu de temps de repos qu’elle avait entre deux journées où elle ne relevait qu’à peine la tête pour souffler; certes, il avait bien un sujet qu’il désirait aborder avec elle, mais cela pouvait attendre ce n’était pas pressé. « Tu sais que tu peux tout me dire Ben. » Tournant son visage vers Nina, il pinça ses lèvres un instant. « Je sais, je sais. » S’ils pouvaient tout se dire, toutes les choses n’étaient cependant pas bonnes à entendre - et il préféra ne pas trop résister finalement pour ne pas que d’autres idées puissent germer, parce-qu’il ne pouvait se permettre ces dernières d’exister. « Ethel est passée me voir à l’hôpital hier, et elle était très énervée. J’ai pas eu le temps de t’en parler, je suis rentré trop tard cette nuit. » L’angle d’attaque que Ruben avait initialement prévu de prendre pour cette discussion avait disparu lorsqu’il avait compris qu’il n’avait pas envie d’attaquer cette conversation de façon aussi frontale avec la blonde face à lui ayant passé une sale journée. « Elle était très énervée. Parce-qu’elle a appris que je te parlais de ses secrets. » Il mit des guillemets avec ses mains autour de ce dernier mot. « Pourquoi tu lui en as parlé ? » Fronçant un peu les sourcils, il fit une petite moue alors qu’il penchait quelque peu son visage sur le côté, tentant de lire dans le regard de sa fiancée la réponse avant même qu’elle ne la formule à haute voix.

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« Elle m’a répété pour la millième fois qu’elle me trouvait fatigué, et qu’elle avait hâte de nous avoir tous à la maison pour Noël alors que c’est pas encore avant quelques mois. Mais je crois qu’elle était surtout contente que je lui accorde du temps. » Ruben partageait une relation quelque peu fusionnelle avec sa mère. Elle en avait souvent été témoin, sans jamais comprendre un tel lien. Il lui arrivait, parfois, de jalouser cette proximité qu’il pouvait avoir avec elle, quand Nina n’était plus capable d’adresser la parole à la sienne sans que cela ne vire au règlement de compte. Au moins, il pouvait en profiter sans que cela n’en devienne jamais une corvée pour lui. « Elle a encore dit qu’elle détestait la grande ville et que la prochaine fois, c’était à moi de faire le déplacement. Mais elle a aussi dit qu’elle reviendrait sûrement le mois prochain, alors… » Elle eut un rire amusé. Sa belle-mère répétait toujours la même chose, mais elle était trop souvent la première à se lasser de son petit dernier et à faire l’effort de venir en ville pour le retrouver. « Et elle reviendra le mois suivant pour ton anniversaire. » La routine se voulait bien ancrer, mais ce n’est pas quelque chose sur laquelle Nina avait pour habitude de s’interposer. « On devrait aller la voir, un weekend. » Ils n’ont jamais de weekend, ou si peu. Et surtout, ils ne font que rarement l’effort de se rendre disponible pour leur famille en même temps, mais cela ferait l’occasion. Elle n’était pas vraiment une fille de la campagne Nina, mais elle pourrait bien se plaire à un weekend loin de la ville. Surtout si cela rimait avec l’idée de passer plus d’une soirée consécutive en compagnie de Ruben.

Lentement, les doigts de Ruben ralentirent leur course sur le piano, laissant la mélodie mourir en douceur. Le quotidien venant les rattraper, les forçant hors de leur bulle, pour se remettre à fonctionner dans une continuité si banale. Nina s’échappa dans leur chambre pour se défaire de l’odeur de l’hôpital, préférant s’envelopper dans l’odeur rassurante des vêtements de Ben. « C’est mon hoodie ça. » Il serait difficile de le cacher lorsque le pull tombait sur ses cuisses nues. Elle aimait subtiliser ses affaires, encore plus lorsque cela lui offrait le droit à un regard pareil. « Tu pourras venir le récupérer après. » Le ton se voulait taquin, un brin joueur. Mais d’abord, Nina se devait de remplir son estomac qui ne cessait de gémir face aux douces odeurs qui s’échappaient de la cuisine.

Malgré tous les efforts qu’il mettait dans la conversation. Qu’importe le regard attentif qu’il laissait glisser sur elle. Nina pouvait sentir que Ben se retenait d’aborder un sujet. « Hm ? » Il était souvent distrait, un peu trop régulièrement dans ses pensées, mais il n’était que rarement sur la retenue. Surtout avec elle. « C’est rien du tout, je vais pas t’embêter avec ça ce soir. Ta journée a déjà été assez longue. » Pour la deuxième fois, il évoquait à demi-mots un sujet qui selon lui pouvait attendre. Nina n’étant que peu réputée pour sa patience, ne voulait en rien attendre. Ben avait quelque chose à lui dire, elle voulait comprendre ce qui semblait le faire marcher sur des œufs subitement. « Ethel est passée me voir à l’hôpital hier, et elle était très énervée. J’ai pas eu le temps de t’en parler, je suis rentré trop tard cette nuit. » Il fallut une seconde pour comprendre en quoi elle devait se sentir concernée. Oh. C’était donc ça le problème. Terminant sa bouchée, Nina finit par poser sa fourchette sur le bord de son assiette. La conversation qui s’en venait aller être tendue, elle pouvait le sentir. « Elle était très énervée. Parce-qu’elle a appris que je te parlais de ses secrets. » Ce fut plus fort qu’elle, Nina ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. « Bien sûr qu’elle s’est empressée d’aller te raconter ça. » Le commentaire lui échappa sur un ton sec. Ethel était partie pleurnicher dans les jupes de son frère. « Pourquoi tu lui en as parlé ? » En effet, le sujet aurait pu attendre. Sa curiosité lui jouera toujours des tours.

Soupirant quelque peu, Nina se redressa pour planter son regard dans celui de Ben. « Ce n’était pas mon intention. » Elle avait été étonnée de la trouver sur le palier, mais l’avait accueillie avec plaisir et sans jamais avoir l’intention de la brusquer dans une conversation aussi privée. « Elle est arrivée alors que je sortais des cookies du four. » Ceux qu’il avait dévorés en rentrant de sa nuit de garde. « Quand je lui en ai proposé, elle m’a décrit le repas qu’elle venait soi-disant de prendre. Une montagne de gras. » Autrement dit, un mensonge éhonté. Parce que Nina avait de suite noté ses joues creusées, son teint gris et la manière dont elle cherchait à se maintenir sur ses pieds. Ethel n’avait rien mangé, elle l’avait senti. « Est-ce que t’as vu ta sœur dernièrement Ben ? Elle est encore plus fine qu’avant. » Bientôt, elle pourra passer entre l’affiche et le mur comme le disait si souvent la grand-mère de Nina. « Je voulais juste qu’elle sache qu’elle pouvait nous en parler sans détour. » Elle était sincère. Elle n’avait fait que relever une certaine détresse dans le comportement de sa belle-sœur, mais s’était engagée dans une conversation pour laquelle aucune d’entre elles n’était préparés. « Elle ne va pas bien. » Elle le lui avait dit, qu’elle ne savait plus gérer et Nina avait voulu tout gérer sans prendre de gants, comme elle le faisait si souvent. Parce que les siens possédaient les armes contre sa franchise et son ton mordant, mais ce n’était pas le cas d’Ethel. « A trop s’inquiéter pour vous et en gérant vos petites disputes d’enfants, elle ne pense jamais à elle. » Il se dessinait sous cette forme son mordant, dans une réplique acerbe qui venait à souligner les erreurs des autres. Nina n’avait pas à cœur de prendre le moindre détour, la fatigue venant à faire se lever le moindre de ses filtres. Ben avait demander, il obtenait sa réponse. Elle n’avait pas voulu s’attaquer aux émotions d’Ethel, mais quelqu’un se devait de tirer la sonnette d’alerte.

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« Et elle reviendra le mois suivant pour ton anniversaire. » Il savait pertinemment qu’elle se moquait, mais il savait aussi qu’elle le faisait avec douceur et bienveillance - et il aurait été le premier à en jouer de la même façon si elle ne l’avait pas fait. « On devrait aller la voir, un weekend. » Un doux sourire étira les lèvres de Ben. « On devrait faire ça oui. » Ils ne prenaient pas assez de temps tous les deux, mais ils n’en prenaient pas assez pour leurs familles; celle de Ruben, et surtout sa mère, le lui répétait assez souvent pour qu’il ait fini par comprendre que c’était effectivement le cas. « Mes parents seraient ravis de nous avoir pour un week-end. » Ils pouvaient faire l’aller-retour dans une soirée en réalité, mais ça ne donnait pas le même rendu s’ils y allaient pour une soirée ou s’ils décochaient la bas. Et puis, aller respirer l’air de la campagne ne leur ferait pas de mal.

« Tu pourras venir le récupérer après. » Il esquissa un petit sourire joueur, à l’instar du ton emprunté par Nina. « Compte sur moi pour le faire dans ce cas. »

Et si l’amusement et les taquineries avaient été de mise jusque maintenant, c’était une toute autre conversation qui s’avançait vers eux et même si elle le savait, Nina avait préféré insister. Soit: si elle désirait que Ben lui explique ce qui le tracassait en cet instant, il pourrait le faire mais cela ne laisserait pas le voile de légèreté qu’ils avaient eu dans leur change depuis qu’elle était revenue du travail. Il n’y avait qu’à voir la première réaction que Nina eut pour comprendre que ce n’était pas la facilité qui s’en venait. « Bien sûr qu’elle s’est empressée d’aller te raconter ça. » Il écarquilla quelque peu les yeux. « C'est ma sœur et on a toujours eu l’habitude de se confier l’un à l’autre, bien sûr qu’elle allait venir m’en parler. » Supposer le contraire était la chose à pointer du doigt en cet instant, pas le fait qu’Ethel se sont confiée à lui sur une situation qui la dérangeait.

Le regard que Nina planta dans le sien ensuite n’était en rien de bonne augure: elle semblait un brin trop déterminée pour que la conversation ne tourne pas vinaigre à un moment donné. « Ce n’était pas mon intention. » Son regard intimait un poursuis silencieux. « Elle est arrivée alors que je sortais des cookies du four. Quand je lui en ai proposé, elle m’a décrit le repas qu’elle venait soi-disant de prendre. Une montagne de gras. » Il pinçait les lèvres parce-qu’il comprenait parfaitement les sous-entendus des paroles de sa fiancée et savait malheureusement qu’elle avait raison sur ce point: la description d’Ethel n'aurait jamais pu correspondre à la réalité si elle avait présenté les choses de cette façon. « C'est pas pour autant que tu peux te permettre de lui pointer du doigt. »

« Est-ce que t’as vu ta sœur dernièrement Ben ? Elle est encore plus fine qu’avant. » - « Je sais, j’ai vu. » Il avait sifflé sa réponse entre ses dents: ce n’était pas nécessaire de souligner les choses de cette façon la. « Mais c’est pas en le pointant du doigt que ça arrangera quoi que ce soit, elle le voit pas elle. Tu sais parfaitement que pour elle comme pour d’autres dans ces moments là, le reflet dans le miroir c’est quelque-chose qui n’existe pas et qu’il ne faut pas pointer du doigt. » Alors bien sur que Ben voyait que sa sœur recommençait à maigrir à vue d’œil ces derniers temps. Mais il ne brusquerait rien car il savait que ça n’apporterait rien de bon - preuve en était la réaction qu’avait eu Ethel quand Nina avait tenté de jouer cette carte la. « Elle ne va pas bien. » - « Je sais, Nina, crois moi je sais. » - « A trop s’inquiéter pour vous et en gérant vos petites disputes d’enfants, elle ne pense jamais à elle. » Alors, un lourd silence accompagna les paroles de la jeune femme pendant que les yeux de Ben gagnait en nuances sombres.

Oh, la discussion n’était déjà pas des plus agréables mais elle venait de prendre un tournant d’autant plus tranchant en cet instant. « Nos petites disputes d’enfants ? Tu parles de qui exactement là ? » Si le ton employé par Ruben avait été calme et ouvert jusque maintenant, elle s’attaquait à un sujet où elle n’avait en réalité pas grand chose à dire de son côté. « Développe un peu ton idée parce-que ta phrase est pleine de sous-entendus et je voudrais savoir lesquels je comprends et ceux qui pourraient me faire tomber de haut. »

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@RUBEN HARTFIELD & NINA

Lentement, de sa propre insistance, la bulle de confort qu’elle avait retrouvé en se retrouvant à ses côtés, allait imploser. Elle l’avait pressentie, mais les hésitations de Ruben avait fait naître chez elle une nervosité qu’elle ne souhaitait porter au cours de la nuit. Elle désirait comprendre ce qui paraissait tant le retenir. Peut-être aurait-elle pu deviner où il allait se diriger. Elle n’avait pas pensé à Ethel en posant sa question, mais l’évidence se tenait elle. Son léger accrochage avec Ethel n’était pas resté sous silence et Ruben cherchait à comprendre. « C'est ma sœur et on a toujours eu l’habitude de se confier l’un à l’autre, bien sûr qu’elle allait venir m’en parler. » Elle eut conscience que dénigrer ainsi la sœur de Ruben ne pouvait être une bonne introduction à la conversation. Mais Nina se demandait simplement à quel point leur conversation avait pu se trouver déformer dans sa retranscription.

Elle n’allait pas s’arrêter sur le jugement qu’elle pouvait lire dans le regard de son fiancé. Ethel avait su raconter sa version de leur rencontre, Nina se devait d’expliquer son point de vue sur les choses. Elle n’avait aucunement l’envie d’affronter Ruben contre quoi que ce soit, mais peut-être que la fatigue accumulée ces derniers jours eut raison du ton qu’elle décida d’employer ou de la manière dont elle aborda les choses en premier. « C'est pas pour autant que tu peux te permettre de lui pointer du doigt. » Elle s’agaçait déjà de le voir tourner autour d’un détail quand la véritable urgence se trouvait être l’état de santé de sa propre sœur. « Je sais, j’ai vu. » Il a vu, dit-il. Mais tout ce qu’il a su faire, c’est lui filer quelques vitamines. « Mais c’est pas en le pointant du doigt que ça arrangera quoi que ce soit, elle le voit pas elle. Tu sais parfaitement que pour elle comme pour d’autres dans ces moments là, le reflet dans le miroir c’est quelque-chose qui n’existe pas et qu’il ne faut pas pointer du doigt. » C’est dans ce genre de moment que Nina détestait la manière dont Ben avait de toujours vouloir expliquer les choses. « Tu me prends pour une idiote ? » Elle aussi avait suivi les cours de médecine sur l’anorexie, elle connaissait l’affect que cela prenait sur le mental du malade et les illusions engranger pour ne pas faire face à la réalité de la maladie. Nina aussi, savait tout cela. « Je n’ai jamais mentionné ni sa perte de poids évidente, ni son air fatigué. » Elle eut un soupir, se souvenant parfaitement de l’instant où la conversation avec Ethel avait vacillé. « Je lui ai simplement demandé de ne pas me mentir, avant de lui dire que si elle avait besoin de vider son sac, je pouvais l’écouter. » Nina avait voulu lui tendre la main, qu’importe à quel point son geste avait pris une forme maladroite. Mais elle n’avait pas collé Ethel devant un miroir pour tenter de lui faire voir sa maigreur et son visage creusé. Elle pouvait être cruellement franche parfois, mais elle n’aurait jamais franchi une telle limite. « Quand elle m’a parlé de centre et de sonde nasale, je lui ai fait savoir que j’étais absolument contre ce genre de méthode barbare. » Elle reprenait mot pour mot auprès du frère, ce qu’elle avait dit à la sœur.

« Je sais, Nina, crois moi je sais. » Ruben, il sait toujours tout. Il a connaissance de tout ce qui l’entoure, mais préfère jouer l’autruche. Ruben sait, mais n’agit que pour lui. Et Nina se laissait de l’entendre répéter inlassablement la même chose au point de pousser la provocation un peu plus loin encore. « Nos petites disputes d’enfants ? Tu parles de qui exactement là ? » Comme s’il n’avait aucune idée de ce qu’elle voulait dire. « Tu sais très bien Ben. » Il était terriblement déplacé de sa part de faire le moindre commentaire sur la famille Hartfield, mais le sujet s’était ouvert sans qu’elle ne le voie venir. Certes, son clan gagnait haut la main quand il s’agissait de tenir les comptes sur les conflits, mais aucun d’entre eux ne jouait avec la santé des autres. « Développe un peu ton idée parce-que ta phrase est pleine de sous-entendus et je voudrais savoir lesquels je comprends et ceux qui pourraient me faire tomber de haut. » Le regard que Ruben planta dans le sien ensuite ne respirait que le défi d’oser en dire plus. « Elle pense que l’équilibre de votre famille repose sur ses épaules. » Elle s’épuise Ethel à faire le lien entre ses frères et Ruben ne pouvait ignorer cela. Comme Nina ne pouvait nier que Rory faisait de même avec leur propre famille. « Tu crois qu’elle ne sait rien de vos conflits d’ego avec ton frère ? » Si Nina n’en savait que le tiers, Ethel en connaissait le moindre détail, cherchant à ressouder les failles pour ne pas voir sa fratrie imploser lentement. « Elle s’épuise à vouloir redorer l’image de Rhett à tes yeux en s’obstinant à croire qu’il a définitivement tiré un trait sur sa relation longue durée avec l’oxy. » Nina ne souhaitait remettre en cause la sobriété de son beau-frère, mais on n’abandonne pas une addiction simplement en claquant des doigts. « Elle vient te chercher ici en pleine journée, en pensant que t’auras peut-être enfin délaissé l’hôpital pour lui accorder cinq minutes de ton temps. » Le reproche n’était plus une simple traduction de ce qu’Ethel avait pu lui dire, mais une attaque bien plus personnelle. « Et dans tout ça, elle arrive encore à me dire qu’elle ne veut pas être un poids pour nous. » Nina n’oubliait pas ses propos-là, ce qu’Ethel lui avait soufflé à demi-mots, prête à s’excuser d’avoir osé dire tout cela. « Tu tombes de haut ou je vise juste ? » Elle était consciente d’avancer sur un terrain miné, mais il lui avait demandé de déballer son sac et Nina n’en avait encore dit que la moitié.

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« Tu me prends pour une idiote ? » - « Tu sais bien que c’est pas le cas. » Pas pour cette partie là de leur histoire commune en tous cas. « Je n’ai jamais mentionné ni sa perte de poids évidente, ni son air fatigué. » Et pourtant, les deux étaient conséquents et Ruben le savait, en était parfaitement conscient; lui s’était permis de le souligner à sa manière à sa soeur, mais parce-que le lien qu'il avait avec elle était bien différent que celui que Nina pouvait avoir: il se trouvait à sa place, à agir de la sorte de son côté. « Je lui ai simplement demandé de ne pas me mentir, avant de lui dire que si elle avait besoin de vider son sac, je pouvais l’écouter. » Ben pinça les lèvres. « Quand elle m’a parlé de centre et de sonde nasale, je lui ai fait savoir que j’étais absolument contre ce genre de méthode barbare. » - « Et il est hors de question qu’elle soit traitée de la sorte. » Il secoua quelque peu son visage, marquant d’un geste la façon l’avis qu’il avait de ces façons de faire également. « Mais je connais ma soeur, c’est pas la première fois qu’elle traverse ce genre de passages à vide et tu le sais, tout comme je sais que la brusquer ne sert à rien. Ca l’angoisse plus qu’autre chose. » Il avait déjà essayé, et il s’était cassé les dents; depuis il avait appris à mieux s’imposer dans le décor. Il voulait être présent pour sa soeur et lui donner un coup de main, mais ce n’était pas en lui imposant des traitements qu’elle réussirait à s’en sortir - been there, done that. Toutes les autres fois où des crises avaient pointé le bout de leur nez, c’était en restant à ses côtés et en lui glissant qu’il s’apercevait de ce qu’il se passait que cela avait fonctionné; qu’il lui apportait son aide au quotidien sans rien lui imposer d’autre qu'une simple aide - mais cela avait fonctionné parce-qu’ils avaient toujours fonctionné de la sorte, depuis qu’ils étaient encore jeunes et qu’Ethel avait commencé à présenter des signes de son trouble. Parce-qu’ils étaient restés dans cette bulle là que tous les deux. Si d’autres personnes s’en mêlaient, même avec toutes les bonnes intentions du monde comme c’était le cas pour Nina il le savait, il avait peur que tout échoue par la suite.

Apparemment cependant, la conversation ouverte par Ruben concernant sa soeur ne se limiterait pas à cette dernière aujourd’hui, alors que Nina venait appuyer sur un autre point concernant les Hartfield. Ou c’était là ce que Ruben supposait, à lire à travers les lignes de ses accusations - mais il ne désirait pas se lancer dans une conversation qu’il savait d’avance problématique sans qu’elle ne confirme ce qu’il supposait comprendre. « Tu sais très bien Ben. » - « Précise le quand même s’il te plait. » Parce-que c’était d’avance un terrain miné - et elle le savait, en réalité, ce n’était pas là une surprise que le sujet de la famille Hartfield était quelque peu compliqué. « Elle pense que l’équilibre de votre famille repose sur ses épaules. » Bien sur qu’il leva les yeux au ciel en cet instant, alors qu’il ramassait machinalement l’assiette et les couverts de sa fiancée encore posé sur le plan de travail de la cuisine. « C’est ridicule. » Et c’était en réalité quelque-chose dont il était parfaitement au courant. « Tu crois qu’elle ne sait rien de vos conflits d’ego avec ton frère ? » Il laissa un petit rire en rien amusé s’échapper dans un soufflement de son nez, alors qu’il activait l’eau du robinet pour faire la vaisselle à la main - il fallait qu’il occupe ces dernières pour ne pas laisser justement son égo prendre le dessus dans cette conversation puisque cela ne ferait que souligner cette, effectivement, guerre qui existait depuis la nuit des temps entre Rhett et lui. Jackson était apte à l’époque à calmer les ardeurs et à repousser les envies des deux frères de se sauter à la gorge à la moindre occasion lorsqu’il était encore de ce monde - depuis son départ, les choses étaient bien plus complexes. « Elle s’épuise à vouloir redorer l’image de Rhett à tes yeux en s’obstinant à croire qu’il a définitivement tiré un trait sur sa relation longue durée avec l’oxy. » - « C’est peine perdue d’avance et elle le sait en plus, ça. » L'assiette et les couverts propres, il s’attaqua au reste des ustensiles utilisés dans la soirée. « Jamais je croirais l’idée qu’il ne replongera jamais. C’est presque pas sa faute à lui, c’est l’addiction qui vaut ça. » Presque pas sa faute mais bien sur il porterait toutes les accusations sur son frère que l’occasion se présenterait.

« Elle vient te chercher ici en pleine journée, en pensant que t’auras peut-être enfin délaissé l’hôpital pour lui accorder cinq minutes de ton temps. » - « C’est pas malin de sa part. » C’était petit de la sienne de répliquer de la sorte; surtout qu’il pouvait parfaitement sentir dans la voix et les mots de Nina que ce n’était pas là un reproche directement adressé de la part d’Ethel mais qu’elle en profitait pour glisser un message au passage - il ne rebondirait pas là dessus car il savait qu’en la matière sa défense était bien faible. « Et dans tout ça, elle arrive encore à me dire qu’elle ne veut pas être un poids pour nous. » Les gestes du neurochirurgien ralentirent à ces mots là, parce-que bien sur que cela le touchait lorsqu'il était mis devant le fait accompli que c’était effectivement là les pensées de la jeune femme face au reste du monde: elle pensait être un poids pour ce dernier. Ils auraient beau tous lui répéter que ce n’était pas le cas, elle se refusait de l’entendre être dit. « Tu tombes de haut ou je vise juste ? » En guise de première réponse à cette question, Ruben se fit surtout silencieux - et c’était plutôt rare pour pouvoir le notifier en cet instant. Il n’avait pas besoin de lui confirmer à haute voix qu’elle visait juste: tous deux étaient parfaitement conscients que c’était le cas depuis le début. Il rangea la vaisselle dans un calme olympien avant de se tourner de nouveau vers la jeune femme. « Rhett et moi gérons nos conflits comme on a envie. » Ils n’avaient demandé de l’aide à personne pour ça. « J'ai déjà expliqué mille fois à Ethel qu’elle n’avait pas à intervenir, qu’on savait s’en sortir. » Mais elle ne savait faire autrement apparemment. « Mais elle le voit pas de cet oeil et préfère se glisser entre lui et moi. Ca, je peux pas y faire grand chose malheureusement. » Il pourrait ne plus tenir tête à Rhett pour un oui ou pour un non - mais ça, il ne savait pas faire. « C’est pour ça que l’idée qu’elle aille vivre chez lui de façon plus ou moins permanente pour son bien à lui, c’était une idée pourrie. »

Soupirant, il reposa le torchon d’un geste un peu brusque sur le plan de travail alors que ses mâchoires se contractaient quelque peu. Il était un brin en colère du fait que Nina en ait parlé à sa soeur, c’était vrai. Mais à se retrouver exposé de cette façon à la situation, Ruben se rendait compte en silence aussi d’une autre chose: il s’en voulait d’avoir laissé Ethel se mettre dans de tels états pour Rhett, soit-disant; ce dernier ne se rendrait pourtant jamais compte du quart des efforts qu’elle tentait de déployer pour lui. Ben croisa les bras sur son torse, n’ayant toujours pas lâché son regard du visage de Nina. « Ce qui se passe entre Rhett et moi, c’est bancal mais ça fonctionne. Toi la première tu le sais très bien. » Elle avait été aux premières loges de toutes les mésaventures depuis des années. « Sauf qu’elle s’est mise en tête qu’on devait être la fratrie parfaite et qu’elle avait la capacité de s’en charger. » Une fois de plus, c’était idiot de sa part de penser que c’était faisable. « Sauf qu’on a jamais été une fratrie parfaite. Et que ça n’arrivera probablement jamais parce-que de toutes façons notre fratrie n’est plus complète. » Et c’était aussi là une des raisons pour lesquelles c’était nager à contre courant que de penser cette entreprise réalisable. « Sauf qu’à se focaliser sur ce genre de choses, elle en oublie qu’elle est peut-être la moins bien en point de nous trois, finalement. » Rhett cherchait les problèmes avec son addiction, Ethel était victime de son trouble de son côté. « Je sais parfaitement qu’elle ne va pas bien. Vraiment Nina, j’en suis conscient. » Parce-qu’il avait reconnu autant dans sa voix que dans son regard les reproches qu’elle soulignait sur ça aussi - que son attention n’était pas assez dirigée vers d’autres choses que ce qui pouvait se passer à l’hôpital. « C’est gentil de ta part de lui avoir montré que t’étais là si elle avait besoin, mais ça va rien arranger. Ca risque même d’empirer les choses. » Elle avait beau être tout autant médecin que lui, elle n’était pas la soeur d’Ethel et ne pouvait connaitre la façon dont cette dernière réagissait aux interventions extérieures.

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« Et il est hors de question qu’elle soit traitée de la sorte. » Est-ce que ce n’était pas exactement ce qu’elle venait de lui dire ? Nina était autant contre ce genre de traitement que lui. N’importe quel médecin digne de ce nom se devrait d’être contre les protocoles employés dans ce genre de centre. Mais ce n’était pas la discussion, pour une fois, il n’était pas simplement question de médecine. « Mais je connais ma soeur, c’est pas la première fois qu’elle traverse ce genre de passages à vide et tu le sais, tout comme je sais que la brusquer ne sert à rien. Ça l’angoisse plus qu’autre chose. » Elle avait envie de soupirer, de hurler même, qu’elle n’avait jamais eu l’intention de la brusquer, que la conversation s’était présentée ainsi et qu’elle n’avait pas su gérer. Pour une fois, Nina était prête à s’excuser, consciente de ne pas avoir géré la situation de manière idéale. « J’ai pas voulu lui faire du mal Ben. » Est-ce qu’il allait au moins la croire sur ce point ? Elle avait cherché à se rattraper, avait promis de ne pas en faire une montagne, de ne même pas en parler à Ruben. S’il n’avait pas amené le sujet par lui-même, elle aurait continué à garder cette visite secrète.

Mais maintenant que Ruben avait lancé la conversation, Nina n’allait plus se retenir. L’état de santé d’Ethel n’était que le point de départ autour de tout un tas de choses. Elle avait entendu les confessions de sa belle-sœur et, dans le fond, elle se demandait si Ben avait au moins conscience de tout cela. De la pression qu’Ethel laissait reposer sur ses propres épaules quand elle était déjà si affaiblie par tout ce qui avait bien pu leur arriver. « C’est ridicule. » - « C’est pourtant la vérité. » Il ne voulait pas l’entendre, probablement pas le reconnaître, mais elle se devait d’être honnête avec lui. Nina n’était pas la mieux placée pour émettre le moindre jugement, mais elle avait su détecter la fragilité d’Ethel et ce n’est pas quelque chose qu’elle se voulait de laisser passer sous silence. « C’est peine perdue d’avance et elle le sait en plus, ça. » Elle eut un rire mauvais. « Comme c’est peine perdue de croire que ma mère lâchera un jour sa bouteille. Ça n’empêche pas à Rory de continuer à espérer. » Est-ce qu’il allait mieux comprendre si elle lui donnait un exemple différent ? Ruben avait bien vu son meilleur ami s’efforcer de rattraper les pots cassés que plus personne n’avait à cœur de balayer. Ethel espéré autant que Rory continuait à le faire. Sur un point, ils étaient les mêmes, les optimistes. « Jamais je croirais l’idée qu’il ne replongera jamais. C’est presque pas sa faute à lui, c’est l’addiction qui vaut ça. » Elle voulait au moins lui accorder cela. Bien sûr que Rhett avait un problème, une pathologie, mais Ethel n’avait pas enregistré tout cela, elle ne le comprenait pas comme eux. « Elle pense que c’est à elle de le sauver. » Quand en réalité, seul Rhett pourra se sauver lui-même. S’il en a le désir. Mais Ethel s’accroche encore à l’idée que si elle fait tout comme il faut, si elle se concentre sur son aîné, alors il ira forcément mieux. Elle s’accroche à eux comme à une bouée de sauvetage, mais Ruben ne paraît pas le comprendre. « C’est pas malin de sa part. » Elle dut se retenir de l’insulter. « Ça t’amuse ?! » Lui qui aimait tant recevoir l’attention des autres ne prenait même pas conscience à quel point il donnait aux siens le sentiment d’être mis de côté. Personne ne valait sa carrière à ses yeux, personne ne gagnait la première place dans le cœur de Ben, la médecine avait gagné depuis bien longtemps.

Elle voyait bien qu’elle venait de toucher à un point sensible. Les épaules de son fiancé s’étaient contractées, il passait ses nerfs sur la vaisselle, mais elle n’allait pas s’arrêter là. Ethel était venue tirer la sonnette d’alarme sous ses yeux, et Ruben paraissait avoir encore bien des choses à dire. « Rhett et moi gérons nos conflits comme on a envie. » Elle n’allait clairement pas le contredire sur ce point. « J'ai déjà expliqué mille fois à Ethel qu’elle n’avait pas à intervenir, qu’on savait s’en sortir. » Mais ça la brunette ne l’avait pas compris ainsi. « Mais elle le voit pas de cet œil et préfère se glisser entre lui et moi. Ça, je peux pas y faire grand-chose malheureusement. » Il pourrait pourtant, se retenir de critiquer les moindres faits et gestes de Rhett, mais ce serait bien hypocrite de la part de Nina ne souligner pas cela. « C’est pour ça que l’idée qu’elle aille vivre chez lui de façon plus ou moins permanente pour son bien à lui, c’était une idée pourrie. » Mais une fois encore, Ruben n’avait pas son mot à dire sur les choix de sa sœur. Au moins, elle n’était pas seule. Peut-être que Rhett gardait un œil sur elle ? Nina en doutait sérieusement, mais est-ce quelqu’un avait déjà poser la question à Rhett ? « J’vais pas m’imposer dans vos histoires. » Elle était au moins claire sur ce point. « Je te dis juste ce que ta sœur a pu me dire. » Parce qu’elle en avait dit beaucoup Ethel en l’espace de quelques minutes. « Mais si tu penses qu’elle s’inquiète uniquement pour Rhett, tu te trompes. Elle s’inquiète peut-être encore plus pour toi. » Rhett avait laissé parler sa détresse, sous fond d’overdose certes, mais il avait laissé quelque chose transparaître. Ruben, lui s’était enfermé dans le travail sans un mot, imposant une distance de plus en plus longue entre lui et le reste du monde. Est-ce que Nina glissait un double reproche dans son constat ? Peut-être. Mais il était temps qu’il entende cela. Pour une fois.

Le voyant se détendre quelque peu, elle glissa de son tabouret pour se rapprocher de Ruben. Il paraissait encore tendu et elle n’ose venir glisser sa main contre la sienne. Elle préféra s’occuper à son tour en sortant deux tasses dans l’optique de préparer un peu de thé. Elle pouvait sentir le regard de Ruben qui observait le moindre de ses traits, il avait encore des choses à dire, Nina l’avait senti et laissait consciemment le silence s’étirer. « Ce qui se passe entre Rhett et moi, c’est bancal, mais ça fonctionne. Toi la première tu le sais très bien. » Elle hocha la tête, ne pouvant le contredire sur ce point. Cela fonctionnait autant que sa relation avec Garrett, mais c’était quelque chose malgré tout. « Sauf qu’elle s’est mise en tête qu’on devait être la fratrie parfaite et qu’elle avait la capacité de s’en charger. » Cela sonnait tellement familier à ses yeux. « Sauf qu’on a jamais été une fratrie parfaite. Et que ça n’arrivera probablement jamais parce-que de toutes façons notre fratrie n’est plus complète. » Et qu’aucun d’entre eux n’avait fait son deuil. « Vous parlez encore de Jackson entre vous ? » Elle n’avait pu s’empêcher de poser la question quand bien même Ruben n’avait pas fini d’énoncer tout ce qu’il avait sur le cœur. « Sauf qu’à se focaliser sur ce genre de choses, elle en oublie qu’elle est peut-être la moins bien en point de nous trois, finalement. » Nina ne sut retenir un certain rire sarcastique. Ils étaient aussi abîmés les uns que les autres, mais en croisant le regard de Ruben, elle s’abstint du moindre commentaire. « Je sais parfaitement qu’elle ne va pas bien. Vraiment Nina, j’en suis conscient. » Et dans le fond, elle ne doutait pas de cela. Mais personne ne semblait véritablement agir pour lui en venir aide. « C’est gentil de ta part de lui avoir montré que t’étais là si elle avait besoin, mais ça va rien arranger. Ça risque même d’empirer les choses. » Soupirant, elle vint s’appuyer contre le comptoir, pour se retrouver juste en face de Ruben. « Elle était juste là, prête à plier sous le moindre coup de vent. » Nina n’avait fait que constater. « J’ai posé une question, elle a déblatéré le reste toute seule. Je ne l’ai poussé à rien et elle m’en a pourtant dit beaucoup en quelques minutes. » Comme si Ethel avait eu besoin de se faire entendre par quelqu’un d’autre que ses frères. « Je reconnais ne pas avoir eu la meilleure des approches et pour ça, j’en suis vraiment désolée, Ruben. » Parce que Nina était une petite princesse égoïste la plupart du temps, mais elle n’avait jamais eu à cœur de faire du mal à sa belle-sœur. Il lui arrivait de savoir reconnaître ses erreurs. « Mais tu as conscience qu’elle ne pourra pas s’en sortir toute seule ? » Il était médecin, il pouvait au moins comprendre cela. Même s’il était difficile d’imposer quoi que ce soit à sa sœur, est-ce qu’il avait conscience qu’elle avait tout de même besoin d’aide ? Comme Rhett avait eu besoin d’aide pour son addiction en réalité. Il gardait ses bras résolument croisés sur son torse, le regard noir, la mâchoire serrée. Comme si tout tournait à vive allure dans un coin de son esprit et qu’il n’était plus capable de prendre une pause pour respirer. Elle s’approcha en douceur, laissant ses doigts glisser sur son avant-bras, dans l’espoir d’une issue un peu moins tendue.

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@nina craine

lieu: spring hill, logements.
(c): blondewhoregifs (gif), luleaby (codage).

***
« J’ai pas voulu lui faire du mal Ben. » Il dodelina de la tête, poussant un brin le bout du nez. « Je sais, je sais. » Et promis, il le savait vraiment; qu’elle l’ait fait sans en savoir l’intention, il pouvait parfaitement l’entendre: parfois, certaines situations nous faisaient agir avec des finalités qui n’étaient pas l’objectif visé.

« C’est pourtant la vérité. » - « Ca reste ridicule quand même. » Et même si c’était le cas, qu’Ethel était la clef pour réussir à résoudre les conflits entre Rhett et lui, elle n’avait pas les épaules assez larges pour réussir à supporter cette tâche. Ruben en était parfaitement conscient, lui, et c’était surement pour cette raison qu’il trouvait que c’était là d’autant plus ridicule de la part de sa soeur de tenter quelque-chose de cette acabit. « Comme c’est peine perdue de croire que ma mère lâchera un jour sa bouteille. Ça n’empêche pas à Rory de continuer à espérer. » Posant son regard sur Nina, il pinça quelque peu les lèvres; l’exemple était parlant, puisqu’il avait vu et voyait encore le concerné agir de la sorte. Et pour lui, même si cela était tout autant peine perdue il n’avait jamais jugé Rory d’agir de la sorte. Quand il s’agissait de sa soeur, de sa situation et de tout ce qui pouvait rebondir sur lui en deuxième intention… Son jugement n’était pas tout à fait le même; il savait pertinemment que cela ne servait à rien de s’acharner sur le cas de Rhett, par conséquent c’était ridicule de s’y attarder. « Elle pense que c’est à elle de le sauver. » Il leva les yeux au ciel. « Ça t’amuse ?! » Il tourna ses yeux vers elle. « J’ai l’air amusé ? » Surtout que ce n’était pas du tout le cas, il n’était véritablement pas amusé. « Je dis juste ce que je dis depuis le début: c’est ridicule. » S’il émettait un rire, c’en était un sarcastique et en rien par amusement. La situation pesait sur sa soeur, il le savait, mais avec le temps et l’expérience il s’était aperçu qu’il ne pourrait rien changer alors il n’allait pas faire un effort perdu. Certains combats ne valaient pas la peine d’être menés.

« J’vais pas m’imposer dans vos histoires. » Il pencha la tête quelque peu sur le côté, se retint de commenter que c’était exactement ce qu’elle était en train de faire. « Je te dis juste ce que ta sœur a pu me dire. » Là dessus, il ne pouvait rien dire en revanche: elle ne niait pas toute cette partie là de la discussion et de la rencontre qui avait eu lieu entre les deux jeunes femmes, reportant des faits et paroles que sa soeur lui avait déjà mentionné. « Mais si tu penses qu’elle s’inquiète uniquement pour Rhett, tu te trompes. Elle s’inquiète peut-être encore plus pour toi. » Il soupira quelque peu. « Sauf que je comprends pas pourquoi elle s’inquiète pour moi. » De son point de vue, il n’y avait pas besoin de le faire, car contrairement à leur ainé Ruben allait très bien.

La chose qu’il admettait volontiers et sans sourciller, en revanche, c’était que la relation qu’il avait avec son ainé était particulière; mais elle fonctionnait, et après tout c’était la seule chose qui était peut-être importante à retenir. Elle ne convenait pas à tout le monde, mais leur monde tournait rond de cette façon alors c’était-être la seule chose à retenir. « Vous parlez encore de Jackson entre vous ? » Doucement, alors que leurs conversation tournait plus à l’échange qu’aux reproches, il haussa les épaules. « Surement pas assez. » Elle avait été là Nina, ce jour là, à ses côtés. Elle avait été aux premières loges de toute cette tragédie et contrairement à bien d’autres, elle savait pertinemment comment se sentait Ruben par rapport à tout ça. Il avait tenu bon face au reste du monde, mais face à la jeune femme il avait montré toutes ses faiblesses et à quel point cela pouvait l’avoir affecté, le jour du drame comme tous ceux qui étaient venus après. « Il est mentionné, on l’efface pas du tableau. Mais c’est surtout quand on s’adresse des reproches qu’il atterrit dans la conversation. » Il baissa son regard, ce dernier toujours baigné d’un certain nombre de souvenirs lorsqu’il était question de son frère - et malheureusement pas uniquement des souvenirs heureux. « Je suis pas celui qui fait le plus d’efforts, sur ce point là je le reconnais. » Simplement parce-que le deuil de Ruben ne s’était jamais vraiment fait et qu’il n’arrivait pas à naviguer sereinement dans une conversation où était mentionné Jackson, là où son coeur se serrait dans sa poitrine comme s’il faisait un infarctus lorsque c’était le cas. Il inspira longuement, secouant quelque peu son visage, remontant son regard pour retrouver les traits du visage de la blonde. « Je sais que ça l’affecte beaucoup. Pas que moi j’en parle pas spécialement, mais de pas en parler tout court. On est tous encore… Je sais pas. » Le deuil était un chose bien complexe et amère à avaler. Un jour, les enfants Hartfield réussirait surement à franchir cette étape, mais le tour était loin d’être joué.

Finalement, Nina fit quelques pas dans sa direction pour prendre le comptoir en guise d’appui, alors qu’elle continuait de le regarder. S’il avait ressenti une certaine colère au début de cette conversation, cette dernière s’était dissipée au fil des minutes écoulées - et c’était là la magie qu’il pouvait ressentir lorsqu’ils discutaient tous les deux, qu’il ne trouvait nulle part ailleurs: elle avait le don de l’apaiser. « Elle était juste là, prête à plier sous le moindre coup de vent. J’ai posé une question, elle a déblatéré le reste toute seule. Je ne l’ai poussé à rien et elle m’en a pourtant dit beaucoup en quelques minutes. Je reconnais ne pas avoir eu la meilleure des approches et pour ça, j’en suis vraiment désolée, Ruben. » Le soupire qu'il lâcha là était plus long, mais plus calme aussi. Esquissant un petite moue, il tendit sa main pour attraper du bout des doigts ceux de la jeune femme; glissant les siens à travers sa paume. « Je sais. J’ai réagi de façon excessive, excuse moi aussi. » Il était rare, mais le jeune homme qui s’excusait savait de temps en temps faire surface. « Je m’en veux de pas avoir été assez présent à ses côtés ces derniers temps, et de constater les dégâts plutôt que d’avoir pu voir les signes avant-coureurs. J’essaie de rattraper l’affaire, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. » - « Mais tu as conscience qu’elle ne pourra pas s’en sortir toute seule ? » Il hocha la tête. « Je sais. » Il resserra doucement la main de Nina dans la sienne. « Je lui ai déjà dit qu’elle pourrait pas le faire et que je l’aiderai à s’en sortir. On l’a déjà fait elle et moi ensemble, on peut recommencer. » Les circonstances n’étaient pas les mêmes et les tensions extérieures étaient moins nombreuses à l’époque, mais il ne lâcherait pas pour autant l’opportunité d’aider sa soeur.

Lorsque les doigts de la blonde glissèrent sur son avant-bras désormais, sa main à lui se posa sur sa taille pour la rapprocher de lui et poser son front contre celui de sa fiancée. « Ca risque d’être une longue période. » C’était déjà l’impression que le reste de l’année lui donnait, mais il taisait ces pensées. « Parce-que être têtue c’est un trait de caractère de famille et je sais qu’elle se laisserait pas être aidée facilement. » Il soupira. « Mais je sais que c’est important, et nécessaire. »

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@RUBEN HARTFIELD & NINA

« Ça reste ridicule quand même. » Tout ce qui n’était pas quelque chose qui allait dans son sens se voulait ridicule à ses yeux. Nina devrait s’être habitué à de telles réactions de la part de Ben, mais une fois encore elle se laissait surprendre par la manière qu’il avait de nier ce qu’il ne voulait admettre. Pourtant, elle avait cessé de s’acharner sur les propres problèmes rencontrés par sa famille depuis bien longtemps. Ce n’était pas une question de jugement. Elle avait conscience que Ben employait ce détachement pour ne pas se laisser atteindre, mais parfois, il serait bien qu’il regarde un peu plus loin que le bout de son nez. Surtout lorsqu’il paraissait démontrer une totale nonchalance alors que le sujet principal de leur conversation se voulait d’être la santé de sa sœur. « J’ai l’air amusé ? » Amusé n’était pas le mot adéquat, elle voulait bien lui concéder cela. « T’as l’air non concerné. » N’était-ce pas pire ? Que de prétendre à ne pas voir, à ne pas vouloir comprendre, ce qui se tramait pourtant juste sous son nez. « Je dis juste ce que je dis depuis le début: c’est ridicule. » Il n’avait que ce mot à la bouche Ben. Aux yeux de Nina, c’est lui qui était ridicule à agir de la sorte. Ce qui n’améliorait en rien la tension qui paraissait lentement se construire dans leur cuisine. Nina était épuisée, elle ne voulait pas se battre avec lui, mais Ben pouvait être aussi têtu, voir pire, qu’elle parfois. Et elle se devait tout de même de lui rappeler qu’elle n’avait rien inventer de sa conversation avec Ethel, et qu’elle en avait tiré tout un tas de conclusion pas franchement folichonne. « Sauf que je comprends pas pourquoi elle s’inquiète pour moi. » Ce fut son tour de pencher la tête sur le côté, se retenant de lui demander si tout cela était une plaisanterie. « Je sais pas… Peut-être parce qu’on a tous l’impression de jamais te voir ? » Une fois encore, l’attaque se voulait bien plus personnelle, mais dans ses paroles résidait une vérité devenue quelque peu universelle. « Tu t’es réfugié dans le travail, Ben. » Et ce, depuis le décès de leur frère aîné. Elle ne voulait pas le juger à ce sujet, mais elle pouvait comprendre pourquoi Ethel s’entêtait à toujours vouloir s’assurer que Ruben allait bien. Elle avait vu le changement elle aussi.

Elle n’osait jamais parler de Jackson. Il était devenu un sujet tabou qui planait parfois tout autour de Ben. Mais ce soir, il paraissait essentiel, d’au moins prononcer son prénom. « Surement pas assez. » Contrairement à d’autres, Nina avait vu les ravages de l’accident sur Ben. Il lui suffisait de fermer les yeux pour revoir toute la tristesse qui s’était incrustée dans ses traits, les cauchemars qui l’avaient poursuivi durant des semaines. Face aux autres Ben avait su tenir le masque, mais face à elle, il s’était autorisé à craquer. Elle avait été là pour lui, elle avait tout fait pour l’aider, mais Ben avait finit par se renfermer, ne parlant plus jamais de son frère. « Il est mentionné, on l’efface pas du tableau. Mais c’est surtout quand on s’adresse des reproches qu’il atterrit dans la conversation. » Elle ne pouvait qu’imaginer ce que la fratrie s’envoyait comme horreur au nom de celui qu’ils avaient perdu si brutalement. « Je suis pas celui qui fait le plus d’efforts, sur ce point là je le reconnais. » Il n’avait jamais terminé son processus de deuil. Elle pouvait le lire dans la moindre de ses réactions. Dans une seconde, il allait soupirer longuement pour tenter de chasser la pression qui était en train de se construire dans sa poitrine. Sans un mot, elle s’était rapprochée, tendant les doigts pour effleurer son avant-bras. Un rappel de sa présence qu’importe la tension. « Je sais que ça l’affecte beaucoup. Pas que moi, j’en parle pas spécialement, mais de pas en parler tout court. On est tous encore… Je sais pas. » - « C’est encore si récent. » L’argument pouvait être réfuté, mais aux yeux de Nina, un deuil ne pouvait se faire en quelques années seulement, surtout avec autant de non-dit. Ils avançaient à leur rythme, chacun d’une manière différente, mais ils ne réussissaient pas à se retrouver sur un point égal. « Peut-être que ce serait bien d’en parler avec elle. » Ethel était la plus fragile de la fratrie. Pour une fois, elle aurait besoin que quelqu’un veille sur elle. « Juste un peu. » Parce que Nina savait parfaitement que forcer Ben n’arrangerait rien.

Finalement, la tension parut s’apaiser. Il en était toujours ainsi entre eux. Chacun avait besoin de dire les choses, parfois de manière un peu brute, avant que les esprits ne se calme et que la discussion se voit devenir bien plus construite. Nina avait conscience de son erreur, elle n’était pas fière d’avoir poussé Ethel dans ses retranchements. Si elle n’avait aucun remords à le faire avec les membres de sa famille, elle ne souhaitait pas heurter la sensibilité bien plus accrue de sa belle-sœur. « Je sais. J’ai réagi de façon excessive, excuse moi aussi. » - « C’est rien. » Il n’avait été que le frère qui voulait protéger les siens, elle ne lui en voudrait jamais pour cela. Nina avait surtout conscience que Ben ne s’excusait jamais et prenait ces mots comme l’aveu d’une part de vérité dans tout ce qu’elle avait bien lui dire jusqu’à présent. « Je m’en veux de pas avoir été assez présent à ses côtés ces derniers temps, et de constater les dégâts plutôt que d’avoir pu voir les signes avant-coureurs. J’essaie de rattraper l’affaire, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. » Cela l’était, parce que la situation d’Ethel n’était pas quelque chose qui pouvait se régler l’espace d’un après-midi. Bien plus proche de lui, désormais, Nina serra ses doigts contre ceux de Ben. Rien de tout cela n’était simple, Ethel allait avoir besoin d’aide médicale à un moment donné, mais il ne sera pas simple de lui faire admettre. « Je lui ai déjà dit qu’elle pourrait pas le faire et que je l’aiderai à s’en sortir. On l’a déjà fait elle et moi ensemble, on peut recommencer. » Un léger sourire vint étirer ses lèvres tandis qu’elle plongeait son regard dans celui de son fiancé. « Tout ce dont elle a besoin, c’est que vous soyez là pour elle. » Elle insista particulièrement sur la pluralité du pronom employé. Ethel avait besoin que ses frères se réunissent autour d’elle en enterrant, quelque peu, leur hache de guerre.

Blottie contre lui, Nina paraissait enfin s’apaiser. Il n’existait plus aucune tension si ce n’est celle de sa journée qui pesait lourd sur ses épaules. « Ça risque d’être une longue période. » Et sans le dire, en usant simplement de son regard, Nina lui promis d’être à ses côtés à lui durant cette période difficile. « Parce-que être têtue c’est un trait de caractère de famille et je sais qu’elle se laisserait pas être aidée facilement. » Elle ne put s’empêcher de rire. « On se demande bien où elle a trouvé l’exemple tien. » Entre Rhett et Ruben, vraiment, la question ne posait pas bien longtemps. « Mais je sais que c’est important, et nécessaire. » Relevant la tête pour embrasser sa mâchoire, Nina enroula ses bras autour des hanches de Ben. « Je sais que tu sauras comment faire pour l’aider. » Elle n’en doutait pas. « Et je serais là, si toi, tu as besoin. » Pour n’importe quoi. Qu’il ait besoin de vider son sac, qu’il demande à ne pas en parler, n’importe quoi. Nina sera toujours là, elle lui avait promis depuis si longtemps maintenant.

Les secondes se sont alignées sans que l’un d’entre eux ne parle, blotti là dans la cuisine, à la recherche de la chaleur de l’autre. Nina sentait ses yeux se fermer alors que sa tête avait trouvé refuge contre l’épaule de Ben. Elle profitait de chaque seconde, de tout ce qu’il voulait bien lui offrir dans ce moment suspendu. Mais la fatigue prenait le dessus. « On va se coucher ? » Ce soir, il était avec elle, Nina pouvait le sentir. Il n’avait pas s’échapper, il était présent et elle avait besoin qu’il la tienne encore un peu dans ses bras.