Job interviews are like blind dates, but with a higher chance of rejection. -- @Ho Min-Kyung

Je déteste me vendre, devoir convaincre quelqu’un qu’il n’y a pas meilleur que moi alors qu’au fond je pense tout le contraire. Avec tous les petits boulots que j’ai eus depuis ma graduation du lycée, je suis loin d’en être à mon premier entretien, pourtant, mais c’est le premier pour un emploi qui me tient autant à cœur. J’angoisse rien qu’à l’idée de me planter, de me faire poser cinquante-six questions qui ne feront que confirmer à Abraham qu’il ne serait pas difficile pour lui de trouver un employé avec un minimum d’expérience de plus que moi. Mon professeur me dirait que même si je n’ai pas l’emploi, l’entretien peut m’être utile pour m’améliorer pour le futur, mais je vois difficilement comment un échec pourrait m’être bénéfique alors que je sais que je manque cruellement de confiance en moi. Disons que des échecs, j’en ai suffisamment eus pour l’année, j’aimerais bien que tout se déroule bien aujourd’hui même si travailler à Kilcoy m’imposerait 1 h 30 de route matin et soir d’ici à ce que je me trouve un logement plus proche. Au moins je me dis que si je me plante, il y a moins de risques de recroiser Abraham qu’un potentiel employeur qui serait situé à Brisbane…

T’as vu ma chemise bleue que je portais il y a quelques Noël?

J’ai fouillé dans mes boîtes, je ne la trouve pas… je ne sais pas quoi mettre pour mon entretien. Tu mettrais quoi toi? Enfin pas toi, mais si t’étais moi… parce que clairement je vais pas mettre de robe.

Même mes pantalons qui font plus propre sont abimés dans le bas... Putain je suis con, j’aurais dû regarder ça avant.

Je suis là à te raconter tout plein de merde alors que t’es probablement occupée avec des patients… J’arrête de t’embêter, pardon. Je vais bien trouver quelque chose!

Je déteste déranger Tessa pendant qu’elle est à clinique, surtout pour quelque chose d’aussi insignifiant qu’une pauvre chemise, mais c’est plus fort que moi, je suis incapable de faire autrement que de chercher du réconfort auprès d’elle quand je suis stressé. Ma sœur m’a toujours apaisé et c’est peut-être pour ça que l’éventualité de déménager me stresse autant. En tout cas, encore faudrait-il que je sois embauché et c’est mal parti si je suis incapable de trouver quelque chose à me mettre… Sans trop réfléchir, je reprends mon téléphone cellulaire et c’est à Min-Kyung cette fois-ci que j’écris.

Imagine avoir un entretien et être pathétique au point d’avoir rien de potable à te mettre. C’est moi ça.

J’ai presque tout essayé, je vais jamais y arriver… Rendu là, je me dis que ça ne vaut même pas la peine que j’y aille…

Je ne me sens pas bien, mon niveau d’anxiété est bien trop élevé pour ce qu’il devrait être. J’ai mal au cœur, j’ai juste envie de laisser tomber pour me sentir mieux, même si je sais qu’à long terme je risque d’avoir honte de pas avoir réussi à aller passer un entretien pour une histoire de chemise. Min doit comprendre mon état à mes nombreux SMS que je lui envoie parce qu’il m’envoie deux mots qui me soulagent presque instantanément : j’arrive. Pour gagner du temps en attendant qu’il fasse la route jusqu’à la maison, je file sous la douche, puis j’enfile mes chaussettes, mes pantalons et une vieille ceinture un peu abimée. En retournant dans ma chambre, mon regard se pose sur la fameuse montre que j’ai volée il y a quelques mois au centre commercial où j’ai croisé Min par la suite. Doucement, je la pose sur mon lit à côté de ma pile de chemises pour la mettre en espérant qu’elle me portera chance aujourd’hui. Quelques minutes plus tard, j’entends du bruit dans l’entrée. « Par iciiiii! » crié-je à l’attention de Min tout en continuant de boutonner ma chemise. « Qu’est-ce que tu en penses? Non? Non. » Je fais en secouant négativement la tête sans même lui laisser le temps de répondre. La tête baissée, je me dépêche de déboutonner ma chemise en faisant un mouvement de tête vers mon lit. « Ça fait tellement longtemps que je ne me suis pas habillé comme ça, j’ai rien d’uni, de sobre! » Après m’être débarrassé de la chemise que j’avais sur le dos, j’en prends une autre dans mon garde-robe que je lance sur le lit avec les autres après l’avoir regardé quelques secondes. « On dirait que je m’en vais à la plage… » Nope, pas celle-là. J’en prends une troisième que j’enfile en me tournant vers lui. « Celle-là? Ou alors c’est trop? Le mec va sûrement être tout sale remarque, je m’en vais dans un garage d’un village… » Je pousse un gémissement en passant une main dans mes boucles humides. « J’ai tellement hâte que ce soit passé là… » Je me décourage.

@Lincoln Mulligan

Min-Kyung avait pris congé cette journée-là. Plus tard, il devait se rendre à la clinique pour faire examiner ses genoux et avait réussi à coincer la même journée un rendez-vous chez l’optométriste et un nettoyage chez le dentiste. Il aurait peut-être pu passer quelques heures à la clinique en début de journée, mais c’était plus simple de demander une absence, surtout que chaque clinique se trouvait dans un quartier différent, pour son plus grand agacement.

Il profitait d’une bonne tasse de café lorsque son téléphone vibra furieusement. Il vérifia rapidement et constata que c’était Lincoln, proche de la crise d’angoisse.

Présente toi nu. Je ne sais pas si ça va t’aider à avoir le job, mais tu feras certainement impression.

J’arrive. Donne-moi juste ton adresse.

Choisir des vêtements pour les autres était l’un de ses talents cachés. Il adorait les vêtements et il en possédait sans doute plus que la majorité des gens. Il avait également plusieurs paires de chaussures pour toutes les occasions. Sa sœur le taquinait beaucoup à ce sujet, affirmant qu’il en avait plus qu’elle. Avant de partir, il sélectionna quelques morceaux de sa collection susceptibles de faire à Lincoln. Ils ne faisaient pas exactement la même taille, mais c’était peut-être possible de faire quelque chose. Puis, il était convaincu que la garde-robe de Lincoln conviendrait parfaitement, mais qu’il ne savait pas comment styliser les morceaux qu’il possédait, le stress n’aidant pas sa cause.

Quelques minutes plus tard, Min-Kyung passa la porte de l’appartement, craignant de tomber sur Tessa. Normalement, elle devait être à la clinique, mais sait-on jamais. « Je suis là. » Il vit, pour son plus grand plaisir, une photo de Lincoln lorsqu’il était petit, perché sur le dos d’un poney. Difficile de dire son âge exactement, mais il était définitivement adorable. « Par iciiiii! » Il suivit la voix jusqu’à la chambre à coucher où Lincoln l’assaillit aussitôt avec des chemises. Min le laissa parler, sachant qu’il ne pourrait pas placer un mot dans son état actuel. Il finirait bien par devoir reprendre son souffle, de toute façon. « J’ai tellement hâte que ce soit passé là… » Min s’approcha de lui, déposant sur le lit ce qu’il avait pris avec lui. « Relaxe, détends-toi. Je comprends ce que tu ressens. J’étais aussi très stressé quand j’ai passé l’entrevue avec ta sœur. Tout va bien se passer. » Il regarda Lincoln dans les yeux, un petit sourire sur les lèvres. « Tu vas à une entrevue pour être garagiste, pas pour être le prochain CEO de Google. Je ne crois pas qu’il va vraiment prêter attention à ce que tu vas porter. J’ai quand même apporté quelques trucs avec moi. On ne fait pas tout à fait la même taille, mais j’ai une veste qui t’irait bien, je crois. » Min lui montra ses trouvailles. « Sinon, je préfère la chemise avec les pois. Tu as un pantalon à mettre avec ça? »

Job interviews are like blind dates, but with a higher chance of rejection. -- @Ho Min-Kyung

Sa blague était excellente et j’aurais probablement répondu une connerie derrière, mais je suis tellement stressé que je me suis contenté de lui envoyer mon adresse pour qu’il vienne m’aider avant de lancer mon téléphone quelque part sur mon lit parmi la pile de chemises qui s’y trouve. Je n’ai pas de temps à perdre, je tiens vraiment à arriver à temps, ce qui est un peu ironique quand Abraham ne m’a même pas spécifié d’heure pour notre rencontre et qu’il m’est donc impossible d’arriver en retard. Comme je n’ai aucune idée de son plan de match pour la journée, je ne veux pas arriver trop tard pour qu’il ne passe pas tout son temps à m’attendre. Je déteste me chercher un emploi, surtout dans ce domaine typiquement masculin, mais j’ai eu un bon feeling en lui parlant au téléphone et j’espère qu’il dégagera la même chose en personne. Peut-être que je me fais des idées, mais j’ai l’impression que j’ai moins de risques de tomber sur un pauvre abruti en m’éloignant de Brisbane. Ou alors peut-être qu’il aura une mentalité d’arriéré concernant les homosexuels et que je serai forcé de me trouver rapidement un nouveau travail. Bref, je devrais vraiment m’occuper l’esprit plutôt que de me faire tout un tas de scénarios catastrophiques qui ne font qu’empirer mon stress. Vivement que Min-Kyung arrive, j’ai confiance qu’il trouvera les mots pour m’apaiser.

Trop occupé à penser à tout ce qui pourrait mal se passer et à mon dilemme de chemises, je perds la notion du temps jusqu’à ce que Min pousse la porte de la villa. Je le guide jusqu’à ma chambre où il constate assez rapidement dans quel état je me trouve : sans doute autant dans tous mes états que ma chambre.  « Relaxe, détends-toi. Je comprends ce que tu ressens. J’étais aussi très stressé quand j’ai passé l’entrevue avec ta sœur. Tout va bien se passer. » Sans le quitter des yeux, je me mordille nerveusement la lèvre inférieure en haussant les épaules. « J’ai presque aucune expérience, pourquoi il me prendrait? » Ça ne semblait pas être un garage où il y avait beaucoup d’employés, mais où il serait seul avec le propriétaire ou sinon avec un employé de plus peut-être, mais sans plus. « Tu vas à une entrevue pour être garagiste, pas pour être le prochain CEO de Google. Je ne crois pas qu’il va vraiment prêter attention à ce que tu vas porter. J’ai quand même apporté quelques trucs avec moi. On ne fait pas tout à fait la même taille, mais j’ai une veste qui t’irait bien, je crois. Sinon, je préfère la chemise avec les pois. Tu as un pantalon à mettre avec ça? » Je fronce les sourcils en baissant la tête pour regarder mon pantalon. « Tu trouves que celui-là ne fonctionne pas? » Sans attendre, je déboutonne ma chemise que j’envoie valser sur le lit avec les autres, puis je déboutonne mon pantalon avant de me rappeler que je ne suis pas seul alors que j’étais sur le point de baisser ma fermeture éclair. Je m’arrête d’un coup en relevant vers lui un regard un peu gêné. Disons que je n’ai jamais été très à l’aise avec mon corps. « Tu peux te tourner s’il te plait? » J’attends qu’il me tourne le dos, puis je retire mon pantalon pour en enfiler un autre après avoir fouillé dans mon garde-robe. Ensuite, je remets ma chemise avec les pois. « C’est bon ça? » J’attrape sa veste pour l’enfiler à son tour. « C’est pas mal je pense? » dis-je en m’observant dans le miroir au-dessus de ma commode, me permettant enfin de sourire tout en caressant le tissu du bout des doigts pour m’assurer qu’il n’y a aucun plis. « Mais t’es sûr pour la veste? Je me connais, je risque de fumer tout le long du trajet pour me calmer les nerfs et c’est à plus d’une heure de route… » Je me sens mal car je sais qu’il déteste la cigarette. À moins que je l’enlève et que je la mette dans un sac de plastique le temps du trajet, mais je ne suis pas convaincu que ça fonctionnera. « Je te la laverai avant de te la redonner promis. » Toujours face au miroir, je mets la montre volée pour terminer mon look. Satisfait, je soupire de soulagement en regardant Min à travers le miroir.  « Si tu savais comment tu me sauves la vie. » lâché-je en posant une main sur son avant-bras.

@Lincoln Mulligan

« J’ai presque aucune expérience, pourquoi il me prendrait? » Cette question hantait les esprits de tous les jeunes diplômés de cette terre. Elle ramena Min-Kyung à ses débuts, alors qu’il était fraichement sorti de l’université. Malgré des années de formations, de longues heures de stage où il avait observé puis assisté des vétérinaires plus expérimentés que lui, jamais il ne s’était senti aussi incompétent qu’au moment où on lui confia son premier patient. Il avait pourtant toutes les connaissances, mais le manque d’assurance l’avait bloqué et pendant un moment, il s’était demandé qui était assez fou pour lui confier un autre être vivant à soigner. Heureusement, ça lui était rapidement passé. « On commence tous quelque part », lui assura Min-Kyung. « Tu as toutes les connaissances. Mise sur ta motivation, ta personnalité et tes forces. Un sourire sincère et une bonne poignée de main peuvent te mener loin. Surtout, aie confiance en toi. Je sais que ce n’est pas facile, mais tu peux le faire. Tu es compétent. Si ça peut te détendre un peu, je sais à peine mettre du lave-glace dans ma voiture et chaque fois que je change de modèle, c’est la misère pour trouver le bouchon du réservoir et ne me demande surtout pas de vérifier le niveau d’huile. » Il connaissait Lincoln depuis suffisamment longtemps pour être bien au fait de son problème de confiance en lui. Après tout ce qu’il avait vécu — et il ne savait pas tout — il n’y avait rien de plus normal. Pourtant, au fil des semaines, Min voyait un changement subtil s’opérer en lui. Il n’en était pas entièrement certain, car leur amitié était toute récente encore, mais depuis le moment où il l’avait surpris en train de voler cette montre et aujourd’hui, quelque chose avait changé.

Min regarda le pantalon en question et même s’il était propre, il le trouvait mal ajusté et ne le mettait pas en valeur. En vérité, il aurait fait l’affaire dans les circonstances, mais le côté pointilleux de Min ne voulait pas le laisser passer. Sous l’effet du stress, la réaction de Lincoln fut immédiate et il commença à se déshabiller, réalisant au dernier moment qu’un témoin se tenait devant lui. « Tu peux te tourner s’il te plait? » « Oui, oui, bien sûr. » Il se retourna, légèrement embarrassé, pour tomber nez à nez avec son propre reflet. Il y avait un miroir et, dans son angoisse, Lincoln semblait en avoir oublié l’existence. Non seulement il se voyait, mais il pouvait voir Lincoln derrière lui se débattre avec son pantalon. Il détourna pudiquement les yeux non sans avoir eu un bon aperçu de son dos, de ses jambes et de ce qui se trouvait entre les deux. Pourquoi faisait-il si chaud dans cette pièce soudainement? Il se retourna au signal en faisant semblant de ne rien avoir vu. « C’est bon ça? » Min l’examina rapidement de la tête au pied et acquiesça d’un signe de tête. « Oui, c’est très bien. » Il s’approcha, l’aidant à ajuster la veste. Elle lui allait bien même si elle était un peu large aux épaules. Le sourire de Lincoln le fit sourire en retour. « Mais t’es sûr pour la veste? Je me connais, je risque de fumer tout le long du trajet pour me calmer les nerfs et c’est à plus d’une heure de route… » « Je ne l’aurais pas amené autrement. »

Maintenant qu’il le regardait de si près, Min réalisait à quel point Lincoln était un homme séduisant. Ce n’était pas la première fois qu’il le remarquait. À leur première rencontre lors de ses débuts à la clinique de sa sœur, l’une des premières réflexions qu’il s’était faites en le voyant fut à propos de son sourire qu’il trouvait charmant. Là, il s’y attardait vraiment, notant au passage comment ses yeux se plissaient légèrement lorsqu’il souriait, à quel point ses dents étaient droites, cette barbe de quelques jours qui ne quittait jamais ses joues et surtout ses boucles sur sa tête qui donnaient l’impression d’avoir leur propre volonté. « Je te la laverai avant de te la redonner promis. » Min haussa les épaules, un faible sourire aux lèvres. « Évite simplement de mettre de l'huile à moteur dessus. Pour le reste, je connais un bon nettoyeur. » Lincoln passa une montre à son poignet que Min reconnut immédiatement comme étant celle qu’il avait volée. Il se garda de tout commentaire. C’était un bel objet après tout et il ne voulait pas affecter sa confiance déjà fragile. Il apporta une dernière touche de finition à sa tenue avant de le remercier une fois encore. Pourtant, Min n’avait pas l’impression d’avoir fait grand-chose. Link posa une main sur son avant-bras et Min baissa les yeux comme pour confirmer que ce contact était bien réel. C’est peut-être cela qui lui donna l’audace nécessaire pour ce qu’il fit ensuite. « Il reste un dernier truc », dit-il simplement, en retournant Lincoln pour qu’il soit face à lui. Quelques centimètres à peine séparaient les deux hommes. Le regard de Min-Kyung s’arrêta sur sa chevelure et, sans réfléchir, il tendit une main vers sa tête et, délicatement, essaya de la replacer. Il entortilla quelques boucles autour de ses doigts, constatant au passage qu’elles étaient plus douces qu’il pensait, pour leur donner un peu de style. Il réalisa une seconde trop tard ce qu’il était en train de faire et recula brusquement d’un pas, surtout par son propre comportement. Il se racla la gorge, rougissant légèrement. « C’est parfait. Maintenant, va décrocher cet emploi. »

Job interviews are like blind dates, but with a higher chance of rejection. -- @Ho Min-Kyung

« On commence tous quelque part. » Ce n’est pas faux et j’essaie de voir le bon côté des choses en me disant que ce n’est pas comme si je n’avais aucune expérience. Mon père m’a montré la base lorsque j’étais adolescent et mon travail au parc de ferrailles m’a permis d’en apprendre pas mal aussi. Ce dernier travail m’a aussi permis de démontrer sur mon curriculum vitae une certaine stabilité, ce qui était bien plus encourageant pour un potentiel employeur que tous les autres emplois que j’ai occupés depuis le lycée où je suis parti au bout de quelques semaines, voire quelques mois, sans même prévenir mon employeur. « Tu as toutes les connaissances. Mise sur ta motivation, ta personnalité et tes forces. Un sourire sincère et une bonne poignée de main peuvent te mener loin. Surtout, aie confiance en toi. Je sais que ce n’est pas facile, mais tu peux le faire. Tu es compétent. Si ça peut te détendre un peu, je sais à peine mettre du lave-glace dans ma voiture et chaque fois que je change de modèle, c’est la misère pour trouver le bouchon du réservoir et ne me demande surtout pas de vérifier le niveau d’huile. » Je ne peux m’empêcher de rire en l’imaginant perdu sous le capot de sa bagnole. Comment un homme intelligent comme lui, un vétérinaire de surcroit, ne peut pas vérifier le niveau d’huile à moteur? À chacun sa spécialité, j’imagine. « T’auras qu’à m’appeler, j’irai le vérifier ton niveau d’huile. Je te devrai bien ça. » réponds-je un sourire espiègle au coin des lèvres. Rire un peu me fait du bien et m’aide à faire diminuer mon stress. « Merci… t’as toujours les bons mots. Ça me fait du bien. » Tu me fais du bien, aurais-je dû dire, mais je n’en avais pas le courage.

Rester calme n’est pas aussi simple que ça, cependant, surtout pas alors que mon problème de chemise n’est pas réglé. Min est de bon conseil et j’ai confiance que je ferai bonne impression lorsque je quitterai la villa de Tessa. Pour changer de pantalon, je demande à mon visiteur de se retourner plutôt que d’aller dans la salle de bain histoire de gagner un peu de temps. « Oui, oui, bien sûr. » Dès qu’il me tourne le dos, je fouille dans mon garde-robe pour prendre un autre pantalon qui s’agencera bien avec la chemise à pois qu’il me recommande. Avec le stress, j’ai l’impression d’avoir les mains pleines de pouces et ça prend toute mon attention pour réussir à me changer sans même me douter que le collaborateur de ma sœur est témoin de toute la scène. Dès que je termine de boutonner mon pantalon, je lui demande son avis. « Oui, c’est très bien. » Presque immédiatement, je me sens soulagé même si je sais que le plus dur rester à venir : faire bonne impression auprès d’Abraham pour décrocher le poste dans son entreprise.

« Je ne l’aurais pas amené autrement. » dit Min en parlant de son veston qui risquait d’empester la cigarette à mon retour. Ça me rassure de savoir qu’il y a déjà pensé, j’espère seulement ne pas l’abimer avec un mégot de cigarette ou autre. « Évite simplement de mettre de l'huile à moteur dessus. Pour le reste, je connais un bon nettoyeur. » J’acquiesce d’un hochement de tête. « Promis, je l’enlèverai si jamais il me demande de toucher à la moindre bagnole. » De toute façon, je serai plus libre de mes mouvements sans le veston, quoique j’ai peut-être intérêt à le garder considérant que je risque de suer comme un porc à cause de ma nervosité… « Il reste un dernier truc » Face au miroir, je fronce les sourcils en observant attentivement ma tenue sans trouver ce qu’il pourrait bien manquer. « Quoi donc? » Je me retourne vers lui quand il m’y incite, bien loin de me douter de ce qu’il s’apprête à faire tandis que mon regard suit sa main qui s’approche dangereusement de ma tête. Lorsque ses doigts glissent enfin dans mes boucles, je l’observe avec stupéfaction sans bouger le petit doigt. Si le silence règne dans ma chambre, les battements de mon cœur qui s’affole dans ma poitrine remplissent ma tête d’un bruit assourdissant. Je ne sais pas encore de quelle façon, mais je sens au creux de mon ventre que cette soudaine proximité a changé quelque chose entre nous, du moins de mon côté puisque je me surprends à m’attarder sur ses lèvres charnues pendant qu’il est concentré sur ma chevelure rebelle. Min est tellement proche que je pourrais humer les effluves de son parfum avec moindrement d’efforts. Soudainement, il réinstaure une certaine distance entre nous et je peux enfin recommencer à respirer. « C’est parfait. Maintenant, va décrocher cet emploi. » Gêné, je hoche lentement la tête en me caressant la nuque. « Okay… » murmuré-je en reculant en direction de la porte de ma chambre, non sans foncer dans le coin de ma commode à laquelle je m’agrippe à deux mains pour ne pas me faire trop mal tout en riant d’un air gêné. « C’est uh… par là. » dis-je en pointant en direction de la porte même si Min connaissait clairement le chemin pour l’avoir fait quelques minutes plus tôt. Après avoir verrouillé la porte, je le regarde timidement. « Je te donnerai des nouvelles. » Sans attendre plus longtemps, je me dirige d’un pas rapide vers ma voiture dans laquelle je prends place en poussant un long soupir. C’est perdu dans mes pensées que je prends la route en direction de Kilcoy.