(twelve happy spectators) Il ne sait pas comment une simple discussion sms finit par devenir toute une aventure au cinéma parce que octobre rime avec rediffusion de tous les Twilight. Et il ne sait pas non plus comment toute la culture du septième art que lui insuffle Rory peut tout de même le pousser à aller voir de tels films, sans même se chercher la moindre excuse à un moment ou à un autre: non, il a sincèrement envie de passer sa soirée avec Greta à croire qu’ils ont à nouveau quinze ans et sont sous l’éternel ciel gris de l’Angleterre. Cette fois-ci au moins, il le jure, il ne sera pas question de parler d’Arthur et de leur relation-non-relation. Il ne l’embêtera pas avec de tels sujets, surtout soucieux qu’ils n’oublient jamais leur propre amitié. Arthur est son meilleur ami, il est l’ancien petit-ami de Greta, mais eux n’en sont pas moins amis pour autant.

« Tu crois que si tu touches un vampire, c’est comme quand tu sors de la viande d’un frigo ? » Non parce que, vraiment, la question se pose. Ils ont la peau froide, certes, mais à quel point ? Frigo ou congélateur ? Ou simplement une petite fraîcheur ? C’est le genre de détail sur lequel il aurait aimé avoir des précisions, mais il n’y a qu’avec ses amis qu’il peut oser demander de telles choses sans passer pour un parfait fou. « Le poil des loups-garous, doux ou rêche ? » Leur fourrure est-elle semblable à des cheveux, ou aux poils des chiens ? Et si oui, de quelle race ? Ils vont eux-mêmes du doux au rêche, alors il s’agirait de savoir comment se positionner. Ou peut-être qu’ils sont tout simplement de véritables loups, avec toutes les caractéristiques allant avec ? Mince, la question aurait finalement pu ne pas être posée puisqu’il semble évident que leur malédiction leur permet au moins de se fondre dans la masse. Les autres loups sont-ils capables de savoir qu’ils ne sont pas des leurs ? Dans Twilight, au moins, pas de doute à en juger par la taille gigantesque des animaux-humains.

Ses années médecine le poussent surtout à se demander à quoi pourrait être semblable une telle transformation dans un corps animal. Comment les os peuvent-ils changer de place et de forme, comment des yeux peuvent-ils être modifiés, comment des griffes peuvent-elles apparaître. Et à bien repenser, cela ne fait foutrement aucun sens, toutes ces choses. La métamorphose est un processus qui peut-être retrouvé dans la nature, mais pas sous le coup de la pleine lune, et encore moins aussi rapidement. Un poil dense ne pousse pas aussi rapidement, une malédiction ne prend pas la forme d’une telle chose (et n’existe de toute façon pas, hm), et un humain se nourrissant de salade ne peut pas soudainement développer la mâchoire d’un tueur d’un simple claquement de doigts. « Et les sorcières, ça manque de sorcières. » Il fronce les sourcils par mécontentement, comme s’il ne savait pas que le film n’en comptait pas depuis toutes ces années et qu’elles ne risquaient pas d’apparaître. « Allez tu peux me le dire maintenant, tu étais team Edward ou Jacob ? » Lui ? Jacob, évidemment. La question ne se pose pas et oui, sa vie de jeune adulte n’a pas été facile avec un tel point de vue sur la situation. Quelle malédiction.

Plus sa relation avec Arthur se compliquait, plus Swann semblait enclin à lui proposer différentes sorties toutes plus étonnantes les unes que les autres. C’était un mal pour un bien, et elle se réjouissait autant de se rapprocher de son ami anglais qu’elle ne s’inquiétait d’en faire autant avec son ex petit-ami. C’était un mal pour un bien, le trio se reformait et ce même si les chemins qu’ils prenaient pour y arriver était plus ou moins approximatifs. Evidemment, Greta n’avait jamais cessé de considérer Swann comme l’un de ses plus proches amis mais elle devait avouer que la façon dont il s’inquiétait pour eux l’amenait à être plus présent. Et elle en profitait allègrement, au point d’accepter d’aller revoir Twilight au cinéma avec lui. Les arguments étaient travaillés - c’était halloween et c’était un film culte de la pop culture. Il utilisait des arguments assez similaires que ceux pour la convaincre de regarder à nouveau doctor who, alors même qu’ils connaissaient chacune des répliques par coeur. Mais elle aimait la façon dont ils se servaient de références communes pour souder leur amitié, à grands coups de répliques cultes. « Tu crois que si tu touches un vampire, c’est comme quand tu sors de la viande d’un frigo ? » Sourcil arqué, la mine écoeurée qu’elle avait tournée vers lui parlait d’elle-même.  « Le poil des loups-garous, doux ou rêche ? » Et cette fois-ci, elle avait éclaté de rire. Swann faisait ressortir de côté enfantin qui le décrivait si bien à Londres et qu’elle n’avait pas encore réussi à retrouver ici à Brisbane. Et pour cause, leur amitié avait pris une tournure différente depuis son arrivée alors qu’il était devenu l’épaule sur laquelle elle pleurait. « Moi, si j’étais un loup-garou, je préférerais avoir le poil doux. » Même si, à choisir, elle préférait être un vampire et garder une forme humaine plutôt que de se transformer à chaque fois qu’elle se mettait un peu trop en colère. « Et les sorcières, ça manque de sorcières. »  Et l’entendre critiquer un film qu’il connaissait pourtant par coeur l’avait fait rire à nouveau, venant apaiser un peu les questionnements qui bourdonnaient dans son esprit. « Allez tu peux me le dire maintenant, tu étais team Edward ou Jacob ? »  Basic knowledge, Swann. Il la connaissait depuis toujours et osait lui demander, c’était un peu comme si il venait de lui demander si elle préférait Ferrari ou Mercedes. « Je suis team Jacob, comment tu oses me poser la question ? » avait-elle répondu avec un air faussement outré. « Edward est arrivé de nul part, Jacob lui était là depuis le début. » Et toute ressemblance entre ces propos et la réalité ne serait que fortuite. Evidemment.

« Moi, si j’étais un loup-garou, je préférerais avoir le poil doux. »
« Tu dis ça comme si tu tournais une pub pour Schwarzkopf. »

Et il la voit déjà, Greta, à se retourner dramatiquement face à la caméra pour faire voler ses cheveux doux et brillants. La scène n’est cependant pas imaginée bien longtemps, pas alors que la question lui vient à l’esprit et qu’il se doit de la lui poser, comme si la face du monde en dépendait. « Je suis team Jacob, comment tu oses me poser la question ? » Elle est outrée mais Swann, lui, est profondément étonne de cette réponse. « Toi ? Depuis quand ? » - « Edward est arrivé de nul part, Jacob lui était là depuis le début. » Et son regard dérive parce qu’il ne pense déjà plus à Edward mais bien à Arthur, ce qui lui fait se demander à qui pense réellement Greta de son côté. Il n’avait pas prévu de parler d’Arthur ce soir et il s’est même juré de ne pas le faire, mais il a du mal à tenir sa langue face au film qui continue de défiler sous leurs yeux. La scène du microscope où chacun énumère les phases de la mitose était bien plus intéressante du temps où lui-même ne savait pas ce dont il s’agit.

« Je crois que j’étais d’aucune team. Mais j’aimais bien Jasper. » Il annonce, réfléchissant à voix haute, sans vergogne pour le film dont il parle par dessus. « Enfin, le personnage hein. » Pas l’acteur, bien qu’il n’ait rien contre l’acteur, mais disons seulement qu’il ne le regardait pas d’une certaine manière - pas de la manière à laquelle on pourrait penser du moins. « Mais j’aurais pas pu être vampire. Je veux dire, devoir me nourrir de sang, ew. Un loup-garou, pourquoi pas. » Vampire, il serait sûrement mort de faim, incapable de faire du mal à un animal pour se nourrir, et évidemment encore plus incapable de s’en prendre à un humain. Il aurait préféré subir la douleur de la métamorphose lupine plutôt que ça. « Ou sorcier, évidemment. Ça c’est vraiment cool. Tu imagines, la télépathie ? » Il aurait pu savoir avant l’heure qui se moquait de lui ; il aurait pu connaître les sentiments de Rory sans se faire surprendre. Tout aurait pu être tellement plus simple. « Toi t’aurais choisi d’imposer la vérité à ceux à qui tu parles, ou quelque chose du genre. » Pour qu’Arthur arrête de lui raconter des bobards à tout va, par exemple.

L’ambiance tamisée du cinéma était exactement ce dont elle avait besoin, les paparazzis et leurs flash auraient eu vite fait de se faire envoyer balader par la sécurité s’ils avaient osé venir les déranger. Et il fallait avouer que de toutes les options qui l’amèneraient à faire la une - être biographe d’un toxicomane notoire, avoir utilisé un faux nom, être la fille de créateurs londoniens et la soeur d’un mannequin reconnu partout - l’idée que ce soit sa sortie au cinéma pour voir Twilight qui ressorte ne la faisait pas franchement rêver. « Tu dis ça comme si tu tournais une pub pour Schwarzkopf. » « Ben je sais pas tu me demandes je te réponds, moi. » Et ils dissimulaient tant bien que mal leurs rires, comme s’il serait suffisant de masquer leurs bouches avec les énormes boîtes de pop-corn qu’ils s’étaient offerts.

« Toi ? Depuis quand ? »
« Depuis toujours, concentre-toi Swann. »

« Je crois que j’étais d’aucune team. Mais j’aimais bien Jasper. » Elle hochait la tête en enfournant des poignées de pop-corn bien trop conséquentes dans sa bouche sans se détourner un instant du film, alors même qu’elle connaissait l’ensemble des scènes par coeur. « Enfin, le personnage hein. » Et cette fois-ci elle avait tourné la tête vers lui. « Non mais tu peux le dire, il a un truc, même si je te l’accorde, il paraît bien fade à côté de Rory. » Elle pouvait le voir dans l’attitude de Swann, à ses yeux qui se posaient sur elle et à son sourcil arqué lorsqu’elle avait parlé de la façon dont Jacob était là depuis le début. Il n’était pas réellement concentré sur le film parce qu’il mourrait d’envie de la questionner sur son escapade avec Arthur. Ce qu’il se passe à Suzuka reste à Suzuka - elle récitait ce motto comme s’il était devenu sa raison de vivre. « Mais j’aurais pas pu être vampire. Je veux dire, devoir me nourrir de sang, ew. Un loup-garou, pourquoi pas. » Le pire était qu’elle savait combien il était impliqué dans cette discussion et ce débat pour savoir quelle créature il préférerait être. A choisir, être un loup était ce qui semblait le plus réjouissant et elle était venue le souligner en tentant d’imiter le cri de l’animal ce qui lui avait valu d’attirer l’attention sur elle. « Ou sorcier, évidemment. Ça c’est vraiment cool. Tu imagines, la télépathie ? » Oh elle imaginait très bien. Et elle n’avait pas besoin de la télépathie pour savoir le chemin qu’était en train d’emprunter un Swann dont la curiosité commençait - réellement - à se voir. « Toi t’aurais choisi d’imposer la vérité à ceux à qui tu parles, ou quelque chose du genre. » Son rire l’avait surprise autant que les personnes à quelques rangées d’eux qui lançaient des shhht un peu trop bruyants pour être justifiées. « Les sorciers sont télépathes ? Dans ce cas, ouais, je dois être une sorcière parce que je sais exactement pourquoi tu dis ça. » Et ils avaient échangé un regard entendu qui s’était terminé dans un rire alors que tout cela n’avait rien de drôle. « Peut-être que je suis un loup moi, un peu trop imprégné d’une certaine personne. » Et le dire tout haut venait confirmer qu’elle n’avait qu’une personne en tête depuis le début de la conversation qu’ils essayaient de mener à bien malgré des spectateurs qui semblaient découvrir un film maintenant vieux de quinze ans. Et tout était plus simple, quinze années auparavant.

« Non mais tu peux le dire, il a un truc, même si je te l’accorde, il paraît bien fade à côté de Rory. »
« Tout le monde paraît bien fade à côté de Rory. »

Son avis, un poil biaisé ? Non, évidemment que non, ne lui fasse mentir l’alliance portée à son doigt. « Les sorciers sont télépathes ? Dans ce cas, ouais, je dois être une sorcière parce que je sais exactement pourquoi tu dis ça. » Sa tête marque la négation. Les sorciers ne sont pas naturellement télépathes, non, mais cela doit sans doute faire partie de l’éventail de pouvoirs qu’ils arrivent à invoquer, non ? Ce n’est pas comme s’ils existaient réellement et qu’il y avait des limitations à leurs pouvoirs, après tout. Du moins, lui trouve que ça ne devrait pas exister. « Tu sais, c’est ça que j’aime pas dans Twilight. On devrait avoir des sorciers quand même… ah, je crois que y’en a peut-être, en fait ? Non, je mens. Alors c’est effectivement ce que j’aime pas. Ils restent sur l’idée des vampires et des loups-garous et c’est quand même super réducteur. Imagine si Bella avait pu choisir entre autre chose qu’un qui brille au soleil et l’autre qui se transforme en animal. Peut-être même que le sorcier aurait pu être télépathe, comme Edward, et ça aurait été sans tous les autres inconvénients - genre manger des gens et se faire chasser, tu vois. Ils auraient dû penser à tout ça, même si ça reste quand même des livres iconiques et des films qui le sont autant, ok, c’est vrai. Mais quand même. Et puis sérieusement, briller au soleil ? Je vais rigoler quand la scène va arriver, je te le dis déjà, c’est vraiment pas très subtile. Ca se voit qu’ils ont pensé à Londres en tournant ça, parce que je donne pas cher d’un vampire à Brisbane. » Et il finit par froncer les sourcils avant de manger un seul et unique popcorn supplémentaire, n’ayant pas le moins du monde l’impression d’en faire trop, ou de donner un avis que personne n’aurait pu demander. Surtout pas Greta, d’ailleurs.

Greta qui opte pour une approche bien différente des commentaires qu’elle tient du film qui se passe sous ses yeux, au point où Swann dévie lentement son regard en sa direction. « Peut-être que je suis un loup moi, un peu trop imprégné d’une certaine personne. » - « Tu es un loup qui… Attends. Cette autre personne, tu la vois comme un membre de ta meute, ou alors plus quelque chose comme… possiblement l’autre moitié parent de… louveteaux ? » Il fronce le bout de son nez. Pris de court, il n’a de toute évidence pas révisé son discours, et surtout pas les façons de parler d’Arthur sans oser prononcer son nom. « Pas qu’avoir des louveteaux soit obligé, je veux dire. » C’était maladroit, tellement maladroit. Il souhaite simplement savoir s’ils font allusion à la même chose et à la même personne et, en réalité, il a la réponse à cette question depuis le début.

Swann adorait qu’on complimente son mari, c’était là toute la grandeur de son amour pour lui et voir son sourire en coin quand Greta mentionnait combien il éclipsait tous les autres suffisait presque à redonner espoir en l’amour. « Tout le monde paraît bien fade à côté de Rory. » Elle avait légèrement ri en réponse, tentant de calmer le jeu de leurs bavardages pour ne pas attirer trop l’attention sur elle. A vrai dire, elle aurait presque pu retrouver le plaisir d’utiliser son nom pour s’accorder des passe-droits comme ici celui de parler haut et fort dans un cinéma, mais cela allait à l’encontre de tout ce pourquoi elle s’était battue pendant ces dernières années. Et quand elle avait avoué être une sorcière, Swann l’avait surprise en enchaînant sur un discours - un peu long - sur son avis sur le film qui n’était qu’à peine commencé. « Tu sais, c’est ça que j’aime pas dans Twilight. On devrait avoir des sorciers quand même… ah, je crois que y’en a peut-être, en fait ? Non, je mens. Alors c’est effectivement ce que j’aime pas. Ils restent sur l’idée des vampires et des loups-garous et c’est quand même super réducteur. (...) Ca se voit qu’ils ont pensé à Londres en tournant ça, parce que je donne pas cher d’un vampire à Brisbane. » Elle secouait la tête en mangeant le pop-corn, buvant les paroles de son ami dont l’analyse du film était évidemment, très importante.   « J’avais jamais vu ça sous cet angle, Merci Swann. Moi, ce que j’aime avec ce film, c’est que c’est léger, facile à regarder et ça permet de déconnecter un peu et de ne pas réellement réfléchir. On dira ce qu’on voudra, c’est un vrai guilty pleasure, et tout est tellement devenu culte que quand je regarde maintenant, j’attends certaines scènes. Par exemple le baseball ? Alice qui lève sa jambe ultra haut pour lancer ? Quand je l’ai vu pour la première fois je n’avais pas réalisé à quel point ça pouvait être … gênant, par moment. Mais ça me fait rire. Et puis l’adolescente qui sommeille en moi vit pour ce genre d’histoires d’amour mais je t’assure que Jacob me brise le coeur, c’est un mec bien, si on oublie le fait qu’il s’imprègne de l’enfant de Bella dans la suite, ça c’est un peu malsain si tu veux mon avis. Mon passage préféré, même si ça me brise le coeur, c’est quand elle reste là à l’attendre durant des mois et que l’on voit les saisons changer au fur et à mesure par la fenêtre… » Son soupir avait été un peu trop long, un peu trop intense et bruyant. Elle se revoyait elle-même, à attendre que peut-être il revienne et ce n’était que lorsqu’elle ne s’y attenait plus, justement, qu’il était revenu dans sa vie. Et voir qu’ils arrivaient à s’entendre et que sa place dans sa vie était redevenue assez conséquente l’inquiétait - cela lui faisait du bien, trop de bien pour que ça ne devienne pas problématique. Alors les métaphores prenaient le dessus et même si elle haïssait qu’il devienne le sujet numéro 1 de ses entrevues avec Swann, elle ne pouvait pas faire autrement. « Tu es un loup qui… Attends. Cette autre personne, tu la vois comme un membre de ta meute, ou alors plus quelque chose comme… possiblement l’autre moitié parent de… louveteaux ? » Ses grands yeux bleus s’étaient écarquillés puis s’étaient posés sur lui alors il avait ajouté. « Pas qu’avoir des louveteaux soit obligé, je veux dire. » Ce n’était clairement pas le projet, avec personne et encore moins avec Arthur. Comment pouvait-il même s’emballer de les voir renouer au point de déjà les faire arriver là ? « Je pense que c’est le fait d’avoir voulu une meute qui a été problématique, aussi. » Et c’était presque incroyable la façon avec laquelle elle avait changé de discours, réalisant grâce aux mots prononcés par Arthur qu’elle n’était peut-être totalement innocente dans cette histoire. Bien sûr il était parti, mais elle connaissait les démons avec lesquels il luttait et ajouter une maman loup désireuse de former une meute à l’équation avait probablement eu raison de leur relation. « Et pour ce qui est des louveteaux, maman loup à pris ses précautions. » Heureusement pour lui qu’il n’était pas aussi gourmand que la blonde, Swann, parce qu’il aurait pu s’étouffer avec son pop-corn à l’annonce. Et à sa réaction, elle n’était pas complètement sûre qu’il ait été mis au courant en amont par son meilleur ami, ce qui venait donner un peu plus de contraste à cette annonce faite sur le ton de la plaisanterie. Il n’y avait rien de drôle à la façon dont elle avait succombé une nouvelle fois sans savoir de quoi serait fait l’avenir. Devant le regard de son ami posé sur elle, elle avait levé une main pour tenter de se justifier parce qu'ils s'enfonçaient dans une métaphore qui les dépassait. « Mais c’est toi aussi tu m’embrouilles avec tes histoires de télépathie et que j’utiliserais ce pouvoir pour imposer la vérité, j’ai fait le lien hin. Tu me fais dire n’importe quoi, y a rien à dire, y aura jamais rien à dire. » Difficile de savoir si elle était réellement énervée mais il était vrai qu’une partie d’elle se sentait honteuse de parler de lui. Encore.

Il écoute le long discours au sujet de Twilight avec humour, pas certain de savoir dans quoi ils se sont embarqués avec de telles discussions. Il ne le regrette pas pour autant, toujours aussi heureux de passer du temps avec Greta, surtout alors qu’ils miment d’être de retour vingt ans en arrière à Londres, où ils étaient aussi stupides qu’insouciants. « Je pense que c’est le fait d’avoir voulu une meute qui a été problématique, aussi. » Et Swann se retient autant que possible d’écarquiller les yeux, pas certain de ce dont il est question: Arthur aurait voulu des enfants ? Ou elle, et il aurait détalé face à l’idée d’une telle responsabilité ? A dire vrai, la seconde option serait effectivement du Arthur tout craché. « Et pour ce qui est des louveteaux, maman loup à pris ses précautions. » Cette fois-ci, il est au moins certain de comprendre le sous-entendu derrière cette annonce: ils se sont retrouvés d’une façon bien plus intime, loin de tout ce que Arthur avait osé lui dire de son côté. Il faut dire qu’il tire les vers du nez de Greta depuis de longue minute en retour et qu’aucun de ses aveux n’a été naturel. Il les respecte au moins assez pour ne pas pousser davantage les questions. « Mais c’est toi aussi tu m’embrouilles avec tes histoires de télépathie et que j’utiliserais ce pouvoir pour imposer la vérité, j’ai fait le lien hin. Tu me fais dire n’importe quoi, y a rien à dire, y aura jamais rien à dire. » Elle s’énerve, elle panique, et il rigole doucement pour lui faire comprendre qu’elle n’a rien dit de mal et, surtout, qu’elle n’a pas à s’en faire davantage. Il ne l’embêtera plus avec leur ami commun pour aujourd’hui: elle a assez joué le jeu et donné de nombreuses informations pour que Swann ait un point de vue plus clair de la situation.

Ce qu’il peut faire, encore, c’est détourner son attention ailleurs et changer de sujet, de toute façon bien incapable de rester muet devant le film. « Je me souviens d’un rêve que j’ai fait quand j’étais ado, après avoir vu le premier film. J’avancais juqu’à une clairière cachée sous la lueur de la lune, et elle était avec ce filtre un peu bleu comme dans les films. Au milieu de la clairière, y’avait un loup-garou qui sortait du toiletteur. Il avait le poil soyeux, et il bougeait au vent, un peu comme dans les pub de shampooing tu sais. Elle n'était ni bienveillante ni maléfique, je crois. Elle me fascinait mais je savais que je devais pas trop m’en approcher, même si elle me regardait avec des yeux brillants. Je sentais son pouvoir - me demande pas comment, parce que je suis humain, mais voilà. A force, j'ai senti une étrange connexion avec cette créature, comme si nos âmes étaient liées. Il m'a révélé des secrets surprenants sur l'univers, sur la dualité de l'existence et sur la beauté de l'éternité, mais de mon côté ma sensibilité est restée calleuse face à autant de révélations. Je crois que je m’attendais pas à entendre tout ça de la part d’un loup-garou, je voulais plutôt savoir s’il préférait du boeuf ou du poulet. Et après, elle m’a proposé de monter sur son dos pour qu’on aille à Five Guys, ouais. » Et après ce discours interminable, il mime de zipper ses lèvres entre elles, sans doute parce qu’est enfin venu le temps de regarder le film sans parler à tout va.

Si Swann devait comparer ses deux amis, il n’hésiterait pas à appuyer sur leurs différences. Si Arthur était silencieux et discret, Greta, elle, ressentait toujours le besoin de s’exprimer et de se confier à ses plus proches amis. Mais c’était parce qu’il les connaissait aussi bien l’un que l’autre qu’obtenir son point de vue était si important pour la jeune femme même si elle savait combien il était risqué de parler de ce rapprochement entre elle et Arthur à son meilleur ami. Swann était quelqu’un de confiance, mais il lui serait pourtant également possible d’en dire trop, sans le vouloir. Alors elle avait tenté de profiter de cette soirée au cinéma où les spectateurs avaient mis le paquet pour la rediffusion, déguisements de loup-garou et autres créatures liées à l’esprit Twilight. Greta, elle, avait des cernes qui montraient qu’elle n’avait pas beaucoup dormi un peu à l’image de ces loups qui profitaient de la pleine lune. Elle n’avait profité de rien du tout, ayant simplement subi son cerveau qui refusait de la laisser en paix, ressassant encore et encore les mêmes pensées. Alors elle avait apprécié le divertissement proposé par Swann même si elle devait gérer l’attention portée sur elle qui durerait encore quelques semaines au pire, quelques jours au mieux. C’était amusant de parler de tout et de rien, de faire des théories, d’imiter le loup et de monologuer sur un film qui avait marqué une génération. Mais très vite, les métaphores étaient de plus en plus ciblées et Swann et Greta tentaient d’établir une discussion dans un lieu où cela était impossible.

Swann avait changé de sujet, parce qu’il n’était pas du genre à poser des questions qui mettraient mal à l’aise et peut-être aussi parce que les gens autour commençaient sérieusement à s’agacer de leur comportement. Mais plutôt que rester silencieux, il avait confié son rêve. « Je me souviens d’un rêve que j’ai fait quand j’étais ado, après avoir vu le premier film. J’avancais juqu’à une clairière cachée sous la lueur de la lune, et elle était avec ce filtre un peu bleu comme dans les films. Au milieu de la clairière, y’avait un loup-garou qui sortait du toiletteur. Il avait le poil soyeux, et il bougeait au vent, un peu comme dans les pub de shampooing tu sais. Elle n'était ni bienveillante ni maléfique, je crois. Elle me fascinait mais je savais que je devais pas trop m’en approcher, même si elle me regardait avec des yeux brillants. Je sentais son pouvoir - me demande pas comment, parce que je suis humain, mais voilà. A force, j'ai senti une étrange connexion avec cette créature, comme si nos âmes étaient liées. Il m'a révélé des secrets surprenants sur l'univers, sur la dualité de l'existence et sur la beauté de l'éternité, mais de mon côté ma sensibilité est restée calleuse face à autant de révélations. Je crois que je m’attendais pas à entendre tout ça de la part d’un loup-garou, je voulais plutôt savoir s’il préférait du boeuf ou du poulet. Et après, elle m’a proposé de monter sur son dos pour qu’on aille à Five Guys, ouais. »
Elle avait ri parce qu’elle ne s’attendait vraiment pas à la fin, les rêves étaient parfois extrêmement imprévisibles et dérangeant. « C’est marrant que tu me racontes ça, moi aussi j’ai fait un rêve étrange. Je me levais un matin et en regardant dans le miroir je constatais que j’y voyais plus mon reflet, c’était super effrayant. Et en levant l’une de mes mains, je voyais que mes veines étaient super apparentes, donc je voulais vérifier si d’autres traits de mon physique avaient changé mais je pouvais pas parce que je n’avais plus de reflet ? Donc je finissais par réaliser que c’était une caractéristique des vampires alors je passais l’index sur mes dents et elles étaient super pointues… C’était super bizarre, je ressentais la faim comme si j’y étais et puis j’entendais absolument toutes les pensées des autres. En fait je crois que j’ai rêvé que j’étais un vampire et c’est tout bête mais ça faisait hyper réaliste. J’aurais préféré rêvé que j’étais un loup-garou, cet appel du sang humain là, quelle horreur. » Elle avait haussé les épaules et avait terminé de regarder le film en silence, par respect pour les fans de cette saga. « Tu veux venir à la maison ? » avait-elle demandé en sortant de la salle obscure, presque honteuse de lui indiquer la réelle raison pour laquelle elle l’invitait. Pour parler, pour évoquer combien elle était en train de tomber dans un piège qu’elle savait aller se refermer sur elle sans pour autant être capable de résister. « J’ai une faim de loup malgré les pop-corn. » Parce qu’elle était clairement en train de manger ses émotions.

Dans les profondeurs de la nuit, et alors que les étoiles scintillent faiblement dans le ciel obscur et pollué d’une grande ville, je prends mon envol. Je suis un moustique, un minuscule être vivant animé par un insatiable instinct de succion. Ce soir, pourtant, ce n'est pas n'importe quelle nuit pour moi. C'est une nuit spéciale, une nuit pleine d'anticipation et d'excitation. Mes ailes frétillent d'impatience à l'idée de m'engager dans une quête des plus délicieuses : me repaître du doux nectar vital qui circule dans les veines des êtres humains.

Guidé par l'odeur alléchante de l'hémoglobine, je vole avec détermination vers un endroit particulièrement attrayant : un cinéma qui diffuse le film Twilight. Là-bas, dans cette salle en particulier, je sais que je trouverai mon bonheur. Les humains se rassemblent pour regarder ce spectacle romantique et ensorcelant, plongeant dans l'univers des vampires et des loups-garous sans se douter que leurs véritables ennemis rôdent bien plus près d’eux. Le Twelve représente l'endroit idéal pour moi, un véritable festin de créatures nocturnes qui ne se doutent même pas qu’ils sont en train de devenir mon repas alors que mon arrivée sera rendue silencieuse par l’omniprésence du bruit du film diffusé sur l’écran géant. Ils ne me verront même pas.

Alors que je m'approche du cinéma, je sens l'excitation monter en moi. Les lumières tamisées, l'odeur du maïs soufflé (tantôt sucré, tantôt salé) et l'anticipation palpable dans l'air créent une atmosphère irrésistible. Je me faufile à travers les fissures, cherchant la chaleur des corps humains. Et là, je les trouve, assis dans l'obscurité, captivés par l'amour interdit entre Bella et Edward alors que moi je le suis par la musculature animale de Jacob, et de ce sang qui serait sans doute divin à goûter une fois, juste une fois. Je m’imagine m’en repaître sans même avoir à user de crocs inutiles, sans craindre non plus la force légendaire de ces créatures carnivores qui le sont tout autant. Soudain, je me pose sur la peau tendre d'un spectateur inconscient de ma présence. Avec habileté, je perce sa peau et me nourris de son sang, sentant la douce chaleur couler dans mes minuscules veines. C'est une sensation exquise, un festin divin qui me donne la force de continuer ma quête nocturne. À travers le brouhaha du film et les soupirs des spectateurs, je me régale, sachant que cette nuit restera à jamais gravée dans ma mémoire de moustique assoiffé. Twilight devient pour moi bien plus qu'un film ; c'est le catalyseur de ma nuit de festin, une expérience sensorielle enivrante qui me rappelle pourquoi je suis né : pour sucer, pour survivre, pour vivre dans l'ombre et l'obscurité, en quête éternelle de ma prochaine victime.