TW : agression

Alors que la nuit sombre ne permet pas de distinguer le jour de la nuit, les horloges du quartier permettent de se tenir informés sur le temps qui passe ; et il passe sans jamais s’arrêter, c’est une certitude. Aussi, il n’a pas besoin de regarder le ciel pour savoir quand c’est l’heure de se rendre à son rendez-vous devenu presque habituel ; le cabaret. Cody est devenu un habitué et ce, depuis qu’il a croisé le regard d’une jolie jeune femme dont il ne connaît que les traits du visage, bien incapable d’apposer un nom sur ces yeux. Ils ont pu échanger quelques mots, chacun faisant chavirer le cœur - ce qu’il en reste -, de Cody, l’emportant un peu plus loin dans les profondeurs de ce que certains appelleraient l’amour. Aussi, hors de question pour lui de contingenter ses visites en ces lieux, il ne peut que venir régulièrement pour tenter d’apercevoir sa belle et garder secrètement l’espoir de lui arracher quelques mots ; et qui sait, peut-être un sourire ?

Quand il sort du spectacle, c’est une mine déçue qu’il affiche sur le visage alors qu’aucune occasion ne s’est présentée à lui pour saluer la jeune femme ; pas un seul instant où il aurait pu l’approcher, rien ; nada. Alors c’est avec une mine déconfite qu’il commence à prendre le chemin qui le mènera tout droit jusqu’à son antre, où il retrouvera son clan et n’aura bien vite plus le temps de penser à autre chose qu’à leurs demandes, leurs besoins, disputes et autres questionnements qu’il se doit de supporter au quotidien - il s’en plaint mais au fond, il adore ça.

Mains dans les poches et perdu dans ses pensées, il manque presque d’entendre le cri étouffé qui vient chatouiller ses oreilles à distance. Il s’arrête net, se stoppe dans ses mouvements pour écouter. C’est lointain mais son ouïe lui permet d’entendre comme si la scène se passait à ses côtés ; et, alors qu’il reconnaît la voix de celle qu’il vient rencontrer au cabaret bien trop régulièrement, il ne lui faut pas plus de temps pour courir dans sa direction. Quelques secondes suffisent avant qu’il n’arrive à sa portée ; elle est là, un homme inconnu entoure son bras d’une poigne qu’il veut violente, les dents sorties. Cody voit rouge, la colère lui monte aux joues, il est prêt à lui arracher la tête quand il comprend la scène qui se déroule sous ses yeux. Il le reconnaît immédiatement, Nicholas ; il ne fait pas partie de son clan mais ils se connaissent suffisamment, ont eu quelques histoires par le passé. Ni une ni deux, Cody hisse de toute sa puissance, l’homme en face ne peut résister et lâche sa proie avant de baisser la tête en signe d’obéissance. Aucun mot n’est échangé, il n’y a pas besoin. Cody pénètre dans ses pensées pour y ajouter tout ce dont il a besoin, toutes les pires horreurs qui lui seront infligées, tout ce qui lui arrivera si Cody remet la main sur lui un jour, et ça arrivera, alors que dès demain il prévoit de le traquer. Quelques secondes avant que Nicholas ne parte en courant, une mine si effrayée sur le visage.

Quand enfin ils sont seuls, Cody reporte immédiatement l’attention sur la jeune femme, alors qu’il s’approche d’elle sans pour autant oser la toucher. Il a peur lui aussi, alors qu’il comprend qu’elle vient de le voir sous son pire jour. A-t-il tout gâché ? Pesant chaque mot qu’il prononce et utilisant son intonation la plus délicate, il ose tout juste sortir ces quelques mots. « Vous allez bien ? » La réponse l’inquiète ; la découverte de son identité l’inquiète aussi. Ce ne serait pas la première fois qu’une jeune femme partirait en courant en découvrant son appartenance ; on pourrait presque dire qu’après plusieurs siècles à marcher sur cette Terre avec ce même corps, il s’y est habitué.

@Mila Salvatori

La longue nuit avait beau ne pas cesser, l’inquiétude avait beau grandir, les gens avaient beau éviter les rues et les sorties qui leur semblaient inutiles, le cabaret, lui, ne désemplissait pas. Bien au contraire, les habitants de Brisbane semblaient rechercher la distraction et la possibilité d’oublier, le temps de quelques heures, les atrocités qui se passaient dehors. Mila travaillait donc, ce soir. Dans une élégante robe noire avec des perles qui laissait légèrement entrevoir son décolleté, le genre de tenue qu’on ne portait que sur scène pour attirer le regard – et Mila adorait attirer le regard – la brunette chantait. Sa voix emplissait l’espace, dominant la mélodie jouée par le musicien qui l’accompagnait au piano. Son regard bleuté, lui, se faisait sensuel, alors qu’elle le laissait se promener sur les clients du cabaret, reconnaissant certaines têtes connues, au milieu des nouveaux consommateurs. Elle chanta et chanta encore, jusqu’à ce que son service prenne fin et, après avoir récupéré ses affaires dans sa loge, quitta immédiatement le cabaret. Depuis le début de l’éclipse, elle ne se sentait plus en sécurité. Depuis toujours, les sorciers vivaient dans la crainte d’être repérés et tués. Et pour Mila, cette nuit perpétuelle était une aubaine pour les loups-garous, qui devaient pouvoir se transformer à leur guise, et pour les vampires, qui pouvaient sortir à n’importe quelle heure. Elle était devenue une cible, une proie facile, et craignait pour sa vie. Si avant l’éclipse, elle pouvait arriver au cabaret et en repartir tard, partageant des verres avec des clients, échangeant quelques mots, attirant leur attention avant même que le show ne commence, ce temps était révolu.

Dans les rues sombres de la ville, hâtant le pas pour rentrer chez elle, là où elle vivait seule avec ses parents depuis que ses frères et sa sœur s’étaient tous mariés, Mila était attentive au moindre bruit. Pourtant, elle n’entend son agresseur que lorsqu’il est déjà trop tard et qu’il lui saute dessus, l’attrapant par le bras. Qu’elle était bête d’espérer pouvoir survivre à une attaque de vampire, alors qu’ils sont bien plus rapides, bien plus silencieux, et bien plus forts qu’elle. Elle laisse échapper un cri, puis tente de se ressaisir. Paumes vers l’avant, elle commence à marmonner des paroles incompréhensibles pour des non sorciers, tentant de faire appel à ses pouvoirs. Mais elle n’est pas assez douée, elle manque de pratique, et déjà, les crocs du vampire sont prêts à s’enfoncer dans sa carotide.
En quelques secondes, pourtant, la scène change : un homme surgit de nulle part, un autre vampire, sans aucun doute, et le voilà qui se jette sur le premier assaillant, qui lâche le bras de Mila. La jeune femme chute sur le pavé, observe les deux créatures se faire face et montrer les crocs, terrorisée, ne saisissant pas bien ce qui se passe devant ses yeux. Puis le premier vampire s’éloigne, et la chanteuse se retrouve seule avec le deuxième, qu’elle reconnait comme étant l’un des habitués du cabaret. Son cœur a un raté et, un bref instant, la déception remplace la peur sur ses traits. Il est de ces clients sympathiques, de ceux avec qui l’on apprécie échanger quelques mots autour d’un verre. Plus, il est le jeune homme qui fait chavirer son cœur depuis quelques mois, celui qu’elle guette tous les jours. Il est celui qui permet à un sourire d’illuminer le visage de la brunette, mais pas ce soir. Il est soudain devenu un vampire, un ennemi, un danger, et elle, elle est sa proie. Elle se demande s’il a fait partir l’autre vampire pour pouvoir lui-même assouvir ses pulsions, ne souhaitant pas qu’un autre boive son sang. Et quand il s’approche d’elle, elle tremble de peur et se remet rapidement debout, reculant de plusieurs pas.

« Vous allez bien ? »

Elle est surprise par le ton de sa voix, doux, rassurant, mais elle ne se laissera pas berner : il est un vampire, un charmeur. Tout en lui est fait pour qu’elle succombe et laisse avoir. Reculant encore, elle lève ses paumes vers le ciel et murmure quelques mots, deux petites flammes hautes d’environ 5 centimètres apparaissant dans ses mains. Son regard bleuté, dans lequel se lisent la peur et la détermination, est rivé à celui du vampire.

« N’approchez pas. »

Sa voix tremble, alors elle réessaie, avec plus d’assurance, criant presque.

« Allez-vous-en ! »

Cody voit rouge, il ne lui faut pas plus de réflexion pour se jeter sur l’agresseur de son inconnue et tout mettre en œuvre pour le faire fuir ; fort heureusement, il en faut peu pour asseoir son autorité et pour le mener loin, très loin de ce lieu et d’eux. Bien vite, Cody peut reporter toute son attention sur la jeune femme. Il n’est pas rassuré, bien au contraire ; il sait pertinemment que l’humaine peut prendre peur et pour être tout à fait honnête, il le comprendrait. Il sait la réputation que son espèce a dans le monde entier et particulièrement auprès des humains : ils ne sont que des bêtes sanguinaires, des buveurs de sang sans âme, ils sont capable de faire couler le sang des gens dont ils sont le plus proches, n’ayant aucune pitié et étant dirigés par la faim et uniquement cette soif de sang. Cody n’est pas naïf, voilà des siècles qu’il entend toutes ces rumeurs profaner son espèce et il ne peut justifier tous les actes de ses congénères ; les rumeurs sont parfois fondées et même si Cody tente du mieux qu’il peut de montrer un meilleur jour de son appartenance, lui-même est parfois forcé de se nourrir et de trahir la bonté d’âme qu’il se souvient avoir eue quand il était encore humain.

Ce à quoi il ne s’attend pas en revanche, et qui vient lui couper le souffle et le prendre par surprise se présentent sous la forme de deux petites flammes. Il n’a pas de mouvement de recul, ses yeux se posant simplement sur les flammes alors qu’un air de surprise s’affiche sur son visage ; une sorcière. Sourire aux lèvres, il pourrait presque sauter de joie. Son inconnue est une sorcière, sûrement qu’elle ne le rejettera pas ! Il lève les yeux vers elle, attendant de retrouver une expression similaire à la sienne ; il n’en est rien. « N’approchez pas. » Cette fois-ci, comme frappé par la violence des propos, le vampire place un pied en arrière, comme touché directement à la poitrine. « Allez-vous-en ! » Elle a peur, il peut l’entendre dans sa voix ; il ne faut pas être devin pour le deviner. Elle a peur de lui et le fait qu’elle soit elle aussi dotée de pouvoirs ne pèse visiblement aucunement dans la balance. Reculant d’un pas, le vieux vampire lève deux mains en signe de paix. « Je ne vous veux aucun mal, je vous le promets. » Est-ce que ses mots vont compter, est-ce que sa sincérité sera entendue ? Après tout, elle ne connaît rien de lui si ce n’est les quelques regards et mots qu’ils ont pu échanger. Il tente de s’ouvrir à elle, une approche quelconque pour qu’elle entende en lui la vérité. « Je m’appelle Cody ; ça veut dire “utile”. » Il ne sait pas quelle information viendra faire la différence, alors il en tente de multiples, s’ouvrant à elle sans bouger. « J’ai 24 ans. » depuis bien trop longtemps mais ça, il n’a aucunement l’intention de lui en faire part. « Je ne vous veux aucun mal. » qu’il ajoute finalement, car c’est la vérité, et qu’il ne sait quoi lui dire qui lui ferait réaliser qu’il la porte bien trop dans son coeur pour vouloir boire son sang.

Le soulagement d’être tirée d’affaire, de ne pas finir en repas pour vampire, est aussi soudain qu’éphémère. Car c’est un autre vampire qui l’a sauvé, sans doute pour qu’elle soit son casse-croûte à lui. Les rues ne sont pas très fréquentées, depuis le début de l’éclipse, et peut-être ces buveurs de sang ont-ils du mal à s’approvisionner, au point qu’ils se battent même entre eux pour pouvoir manger ?
C’est ensuite au tour de la déception de pointer le bout de son nez, quand Mila reconnait cet habitué du cabaret, ce jeune homme charmant dont elle guette la présence au quotidien. Ainsi, il n’est pas un humain innocent avec qui elle pourrait, un jour, espérer un avenir. Il ne pourra pas demander sa main à ses parents, elle n’aura pas à supplier si sa fortune est maigre. Il est déjà mort, et sa vie est celle d’un monstre condamné à l’enfer.
Apeurée, Mila convoque deux minuscules flammes dans ses paumes, un exercice qui lui demande déjà beaucoup plus d’énergie qu’il ne devrait. Elle tente pourtant de donner le change, et de présenter sa magie comme un avertissement : s’il s’approche, il finira rôti. Mais le vampire ne semble pas comprendre le signal qu’elle lui envoie, alors qu’un sourire apparait sur le visage de ce sang-froid. Il lève finalement ses deux mains en signe de paix.

« Je ne vous veux aucun mal, je vous le promets. »

Elle secoue la tête, ne le croit pas. Les vampires sont le mal, et ils sont charmeurs. Il dit sans doute cela pour qu’elle baisse sa garde et qu’il puisse la croquer.

« Je m’appelle Cody ; ça veut dire « utile » ».

Elle hausse un sourcil, perplexe : on a vu mieux, comme manière de séduire sa proie.

« J’ai 24 ans. »

Elle hausse son deuxième sourcil, et ne peut empêcher sa curiosité de parler, demandant d’une petite voix.

« Et depuis combien de temps ? »

Il poursuit déjà.

« Je ne vous veux aucun mal. »

Elle ne le croit pas. Elle est en bas de la chaîne alimentaire, elle est son repas, et elle se demande simplement si ce sont ces deux petites flammes qui l’empêchent d’avancer. Mais déjà, les flammèches vacillent, Mila se sent épuisée, et choquée par l’attaque qu’elle vient de subir. Plutôt que de continuer à alimenter de minuscules flammes sur le point de s’éteindre, elle baisse ses mains, et le feu disparait. Elle reste cependant sur ses gardes, et recule d’un pas supplémentaire.

« Pourquoi avez-vous chassé l’autre vampire ? Vous ne voulez pas partager votre repas ? »

Le comportement de Cody ne fait pas réellement de sens. Mais pour être honnête, plus rien ne fait de sens depuis le début de l’éclipse.

Alors que Cody ne comprend pas immédiatement la réaction de celle qu’il a tant observé de loin sans jamais oser lui avouer quoique ce soit, il voit rapidement que le sentiment de soulagement à l’idée de la savoir créature n’est pas partagé de l’autre côté. Elle semble avoir peur… de lui. Il ne saisit pas tout à fait, il vient de la sauver, comment peut-elle imaginer qu’il ne lui voudrait du mal, quel aurait été l’intérêt dans toute cette histoire ? Il pourrait lui poser toutes ces questions mais il ne souhaite évidemment pas être brutal avec la belle. Il se contente alors de poser sa voix et de placer quelques phrases rassurantes, espérant tout au fond de son cœur de pierre qu’elle entendra la sincérité dans sa voix.

Il se souvient des conseils que lui-même prodigue aux plus jeunes vampires quand ceux-ci se retrouvent dans une situation inconfortable à cause de leur condition : parle de toi, ça te rendra plus humain. Humain, il ne le sera plus jamais cela ne fait aucun doute ; il foule ce monde sous cette apparence depuis si longtemps qu’il ne sait même plus ce que c’est que de sentir un coeur battre dans sa poitrine et cette chaleur qui se dégage de la jeune femme. Pour lui, tout ça n’était qu’éphémère dans une vie si longue. Suivant son propre conseil, il décide de lui dévoiler quelques éléments de sa vie, espérant ainsi la détendre et lui faire réaliser qu’il ne lui veut réellement aucun mal, une technique parmi d’autres qui ne fonctionne visiblement pas sur la jeune femme ; elle ne semble pas des plus naïves. « Et depuis combien de temps ? » Et voilà la question piège ; il ne souhaite pas lui mentir évidemment mais il n’est pas dupe non plus, s’il venait à lui avouer la vérité, elle partirait sur le champ et il n’aurait plus aucune chance de la recroiser un jour. C’est déjà arrivé, plus d’une fois, Cody n’est plus du genre à se mettre lui-même des bâtons dans les roues. Aussi, il préfère ignorer sa question et enchaîner en lui promettant qu’il ne souhaite ni l’agresser, ni en faire son repas.

« Pourquoi avez-vous chassé l’autre vampire ? Vous ne voulez pas partager votre repas ? » Elle est sur ses gardes, il le voit dans son regard et il ne peut que la comprendre. Lui aussi a eu peur le jour où il s’est retrouvé face au vampire qui allait le transformer. Mais il n’est pas là pour ça, il n’a aucunement l’intention de faire ce qu’il a tant détesté et de lui voler cette vie qu’il chérissait tant. Si aujourd’hui il s’est habitué et a construit une vie - un empire presque - de laquelle il peut être fier, il ne souhaiterait pas cela à son pire ennemi. Restant à bonne distance pour lui montrer sa sincérité, il lui répond doucement, la voix posée et calme ; autre technique de persuasion qu’il a fini par découvrir avec le temps. « Parce qu’il vous voulait du mal et que je vous apprécie. » Les mots seront peut-être un peu forts mais il a eu le temps de l’observer et de s’attacher à elle sans qu’elle ne puisse s’en rendre compte peut-être.  « Encore une fois, je ne vous veux pas de mal. » qu’il continue de lui assurer avant d’ajouter.  « Vous êtes une sorcière. » Qu’il affirme. Il n’y a aucune once de méchanceté ou de dégoût dans sa voix, il s’agit là d’un simple constat. Elle est sorcière, il est vampire, ils ont tous deux des pouvoirs qu’ils peuvent utiliser l’un contre l’autre ; le fait qu’il soit d’une des pires espèces ne fait pas de lui le plus dangereux des deux. « Je suis certain que vous sauriez vous défendre contre moi, je devrais peut-être même avoir peur. » Il tente un léger sourire aux lèvres, espérant que bien vite, elle viendra lui répondre par un sourire. « Que puis-je faire pour vous convaincre ? » qu’il demande finalement, prêt à tout pour qu’elle le laisse s’approcher. Il ne supporterait pas de la voir lui tourner le dos.

Mila est sauvée des griffes d’un vampire … par un autre vampire. Elle a du mal, pourtant, à être reconnaissante. Elle attend que le piège se referme. Elle attend qu’il plante ses dents aiguisées dans sa carotide et la vide de son sang jusqu’à la dernière goutte. Car sinon, pourquoi l’aurait-il sauvé ? Pourquoi aurait-il risqué un affrontement avec un des siens, pour sauver une inconnue ? Car c’est ce qu’ils sont, l’un pour l’autre, deux inconnus qui se regardent de loin, plusieurs soirs par semaine, et qui n’ont pu échanger que des banalités. Jusqu’à ce qu’il lui révèle son nom, il y a quelques secondes, elle ne savait même pas comment il s’appelait. Alors il a beau être celui qui, depuis plusieurs mois, fait battre son cœur plus fort quand elle l’aperçoit, il sera sans doute qui le fera cesser de battre ce soir.
Il lui parle, comme par la rassurer, mais la jeune femme demeure inquiète. Elle n’a aucune confiance en lui, malgré ses belles paroles, malgré son ton doux, malgré la distance qu’il laisse entre eux. Il pourrait aisément parcourir ces six ou sept mètres qui les séparent en moins d’une seconde. Et pourtant, elle accepte de dialoguer avec lui, pour tenter de comprendre. Elle l’interroge sur les raisons de son sauvetage.

« Parce qu’il vous voulait du mal et que je vous apprécie. »

Elle ne peut s’empêcher de rougir légèrement, espérant que l’obscurité ambiante dissimule ses joues rosies.

« Encore une fois, je ne vous veux pas mal. »

Il a beau le répéter encore et encore, ça ne suffit pas pour la brunette, qui craint légitimement pour sa vie.

« Vous êtes une sorcière. Je suis certain que vous sauriez vous défendre contre moi, je devrais peut-être même avoir peur. »

Elle se force à esquisser un sourire. Ainsi, c’est ce qu’il pense d’elle ? Qu’elle pourrait le terrasser ? Le détruire ? Elle n’a pourtant pas réussi à sortir des griffes de l’autre vampire, quelques minutes plus tôt. S’il savait qu’elle était faible, qu’elle ne pratiquait plus la magie depuis longtemps, et que ses pouvoirs n’étaient qu’anecdotiques, la croquerait-il ? Est-ce qu’il l’épargnait pour espérer lui-même rester en vie ? Encore une fois, rien ne faisait de sens.

« Que puis-je faire pour vous convaincre ? »

Elle pince les lèvres et secoue la tête : rien. Elle ne le croit, et elle est bien trop attachée à la vie pour tomber dans le panneau du vampire séduisant. Un instant, elle envisage de lui demander de la raccompagner chez elle, de lui servir d’escorte pour le reste du trajet, mais elle ne souhaite pas qu’il sache où elle habite. Alors, la voix tremblante, elle supplie.

« Allez-vous-en. Je vous en prie. Si vous voulez me prouver que vous me dites la vérité, partez, maintenant. »

S’il se détourne d’elle, de son potentiel repas, à sa merci, peut-être voudra-t-elle bien le croire.