Inspirant longuement, expirant de la même manière rapidement par la suite, Ruben finit par tourner son visage vers son collègue. « T’es prêt pour ce qui nous attend ? » La question était réthorique bien sûr: aucun d’eux ne pouvait véritablement être prêt pour ce qu’ils s’apprêtaient à voir aujourd’hui.

Ils avaient reçu un appel au début qui ressemblait davantage à une mauvaise blague qu’à quelque-chose de réel: l’un des élèves aurait perdu la tête et massacré une de ses camardes. La personne responsable de récolter les appels au sein du poste de police avait ri au nez de l’appelant avant de raccrocher - son argument principal pour ce geste étant que les jeunes de nos jours ne savent plus quoi inventer pour passer le temps. Sauf qu’un deuxième appel avait été reçu, suivi d’un troisième - et toute une flopée par la suite qui laissait sous-entendre que ce n’était en rien une farce comme pensé initialement. Les officiers avaient dû se rendre à l’évidence: quelque-chose de louche se passait entre les murs de cet établissement scolaire. Et si les descriptions données par les élèves étaient véridiques, ils allaient tomber nez-à-nez avec quelque-chose se rapprochant d’un carnage.

La fourgon se gara dans la rue du lycée, freinant dans un dérapage contrôlé et déjà, les agents à l’intérieur en descendait. Les armes étaient chargées, les gilets pare-balles avaient été enfilés. Le mot d’ordre pour cette première équipe d’intervention était de baliser le périmètre et de recueillir le maximum d’informations pour intervenir le plus facilement possible sur la scène. Dans un silence presque religieux, les regards se posaient ici et là aux alentours; le calme était de mise et cela filait la chair de poule. En guise de chef d’équipe, Ruben releva le menton avant de prendre la parole. « On va voir l’entrée principale dans un premier temps, on avisera ensuite pour savoir vers quoi on se dirige. Rappelez vous: restez sur vos gardes et aillez l’œil ouvert. »

tw: mort (oui bah voilà hein flute)

« T’es prêt pour ce qui nous attend ? » Williams, de ses mouvements de tête, marque la négative. « Je crois que personne peut l’être. » Il en a vu des choses, il le jure, mais jamais quoi que ce soit de semblable à ce que décrivent les gamins qui les ont appelés. Il a vu beaucoup de merde et de fous en ce monde, mais jamais aucun d’eux s’attaquant à des gamins. Et c’est une expérience qu’il aurait préféré ne jamais connaître, en réalité. D’un coup d’oeil, vérifie que son arme est bel et bien chargée, pourtant malade à l’idée de tirer sur un enfant qui a sûrement l’âge du sien. Le groupe d’intervention est paré, le fourgon blindé est garé devant l’entrée. Ils doivent prendre le temps de respirer pour commettre aucun impaire, mais ils doivent aussi agir vite pour s’assurer qu’il n’y ait pas davantage de victimes.

« On va voir l’entrée principale dans un premier temps, on avisera ensuite pour savoir vers quoi on se dirige. Rappelez vous: restez sur vos gardes et aillez l’œil ouvert. » Face aux mots de son ami et supérieur, Auden acquiesce. Ils ne peuvent pas savoir à quoi s’attendre et son propre avis se calque sur celui donné par leur chef d’opération. En silence mais rapidement, ils quittent tous le fourgon pour se positionner face à l’entrée. Dans un tel cas de figure, rien ne les oblige à s’annoncer. « Si on trouve des victimes, on les évacue. » Qu’ils soient blessés ou non, leur but est d’évacuer le maximum d’enfants pour éviter autant que possible que le bilan s’agrandisse. « Wilson, viens avec nous. » Il est fébrile, paniqué. Trop jeune père pour être mis sur cette opération, si jamais on demande l’avis d’Auden, qui confirme sa demande visuellement avec Hartfield.

Un corps est placé face contre terre à l’entrée du gymnase. Auden se baisse pour tenter de capter un rythme cardiaque, deux de ses doigts posés contre sa carotide. A ses collègues, il informe qu’il est déjà trop tard. « Il faut qu’on trouve cet enfoiré. » Il doit payer.

« Je crois que personne peut l’être. » Il avait surement malheureusement raison; si les descriptions qu’ils avaient reçu lors des différentes coups de téléphone au cours des dernières heures étaient vrais, ils s’apprêtaient à débarquer sur un lieu d’horreur d’où certaines images risquaient de les marquer à vie. Mais ils n’avaient pas le choix: c’était leur métier que d’intervenir dans ce type de situation. Et puis d’autres gamins étaient surement encore sur place, à courir un potentiel danger et il n’était pas question qu’aucun d’eux ne passe à côté de la possibilité de les aider. Alors Ruben ajusta son gilet un peu mieux, releva son menton et soupira une dernière fois: ils se devaient de faire face à ce qui les attendait.

Les indications, sous forme d’ordres simples, furent données à son équipe et ils se mirent en position pour l’intervention. « Si on trouve des victimes, on les évacue. » Hochant quelque peu la tête, Ruben renchérit. « Le but est de mettre le plus de personnes à l’abris. » Parce-que si ce n’étaient pas des blessures physiques, bien d’autres invisibles pouvaient se manifester chez ces gamins qui venaient surement de vivre l’horreur. « Wilson, viens avec nous. » Wilson n’était pas d’attaque pour gérer ce type d’intervention, mais ils n’avaient pas eu le choix: il faisait partie des rares disponibles au commissariat au moment où ils avaient du partir. Un échange de regard avec Auden, et il comprit qu’ils pensaient la même chose: malheureusement, ils se devaient tous d’avancer et de faire leur boulot pour le moment. D’un geste de la main, Hartfield annonça à son équipe qu’ils se mettaient en route.

Le premier corps fut malheureusement trouvé bien trop rapidement, à peine la prote d’entrée du gymnase passée. Le mouvement de tête de la part d’Auden annonça ce qu’ils redoutaient depuis le début: il y avait bien des victimes qu’ils ne pourraient sauver. « Il faut qu’on trouve cet enfoiré. » Ruben regarda autour d’eux, mais l’entrée du bâtiment semblait déserte désormais. « Je sais qu’il s’agissait de quelqu’un qui a commis un acte irréparable, mais rappelez vous qu’il peut aussi s’agir d’un enfant de cette école derrière tout ça. Tachez de garder votre sang-froid. » Il tourna son visage pour rendre les recherches, avançant avec prudence et en enregistrant tous les détails visuels qui pouvaient être à leur disposition pour trouver le tueur. Ils arrivèrent malheureusement rapidement à un embranchement, et Ben sut que leur équipe ne pourrait courir tout le terrain correctement; la mission s’annonçait plus compliquée que prévue. « Williams, Wilson, vous restez avec moi. » D’un mouvement de la tête, il pointa l’autre couloir pour l’autre trio présent avec eux. « Vous prenez cette partie là, et on se retrouve au bout du bâtiment une fois les fouilles terminées. Au moins problème, on déclenche l’alarme sur les émetteurs. »

Auden n’est pas le genre d’homme avec le bon mental pour ces opérations. Trop sanguin, il a tendance à réagir au quart de tour et ignorer les ordres, ce qui est la raison principale pour laquelle il a été placé sous les ordres de son ami. Cela règle une partie du problème, sans pour autant le réduire à néant. « Je sais qu’il s’agissait de quelqu’un qui a commis un acte irréparable, mais rappelez vous qu’il peut aussi s’agir d’un enfant de cette école derrière tout ça. Tachez de garder votre sang-froid. » Ces mots sont surtout adressés à Auden, il le sait bien et pourtant cela ne résonne pas chez lui. Cet homme est un monstre, peu importe son âge, peu importe les raisons derrière cet acte, et il continue de penser qu’il mérite de mourir, pour avoir lui-même tué trop d’innocents. La loi du Talion a son importance, peu importe le domaine.

« Williams, Wilson, vous restez avec moi. » L’équipe se sépare, Auden serre son arme contre son torse, pourtant prêt à la dégainer à tout moment. Ruben est au centre de leur trio, il s’occupe d’assurer le côté gauche. « Où sont tous les gamins ? » Il grogne, quand bien même cela ne fait que refléter toute l’inquiétude qui est la sienne alors qu’ils avancent à pas de loup dans le bâtiment. Il fait de son mieux pour parler tout bas et ne pas les faire repérer. « On devrait entendre du bruit. C’est pas normal. » Ils devraient entendre des cris, au moins. Des pleurs, des chuchotements. Le silence est trop pesant pour qu’il ne soit pas synonyme de mort, et Williams déteste cette idée dans tout ce qu’elle représente. Tous les gamins ne peuvent pas être morts, il reste forcément des âmes à sauver, sinon à quoi bon exercer leur métier ? Et comme pour répondre à sa requête, ils entendent au bout du couloir un gamin hurler soudainement, sans qu’ils soient pour l’heure capable de comprendre la raison de cet effroi. Ils n’ont pas le temps de réfléchir à la question pour l’heure.

Il savait parfaitement qu’il pourrait dire toutes les belles phrases qu’il désirait, Auden pourrait terminer par n’en faire qu’à sa tête. Cependant, c’était aussi là son rôle de le faire et de le prévenir avant que les choses ne se retrouvent à déraper d’une façon ou d’une autre. Au moins, il se donnait l’occasion de tenter de tempérer les choses - et ce n’était pas rien, alors que le chaos semblait régner autour d’eux en maitre.

Mais en silence, cependant - et Ruben sut que c’était aussi quelque-chose que son ami et collègue avait repéré, à peine avaient-ils commencé à arpenter les couloirs d’une partie des lieux sur lesquels ils intervenaient. « Où sont tous les gamins ? » Ben resserra quelque peu son arme, son regard naviguant d’un côté à l’autre du corridor, regardant à travers la moindre ouverture et fenêtre à disposition. « On devrait entendre du bruit. C’est pas normal. » - « Je sais. » Et ils savaient tous les deux que l’autre alternative n’était pas celle qu’ils espéraient trouver sur place - le premier corps croisé à l’entrée du gymnase leur ayant suffi amplement.

Heureusement, si cela pouvait être utilisé comme terme, un cri se fit rapidement entendre à l’autre bout du couloir. Jetant un regard rapide aux deux hommes à ses côtés, sans prononcer le moindre mot, Ruben se mit à courir en direction de la source du bruit en gardant son arme au poing et prête à être utilisée. L’endroit dont émanait le cri était une salle de classe; l’agent se plaqua contre le mur à côté de la porte, faisant signe à ses compagnon de se mettre de l’autre côté. Avec délicatesse, il glissa sa main vers la poignée pour tourner cette dernière et entre-ouvrir la porte - mais cette dernière se vit être ouverte en grand d’un coup, sans qu’ils n’aient pu faire quoi que ce soit et surtout sans qu’ils n’aient vu l’action arriver. Par réflexe, Ruben pointa son arme vers la personne qui se trouvait désormais là. « Arrêtez-vous ! »

WIN: c'est le tueur.
SO COSE: c'est l'élève qui criait.
FAIL: c'est un professeur fuyard.

« Je sais. » Et il sait qu’il sait, Williams. Il a simplement besoin de le dire à voix haute, parce que partager son inquiétude permet aussi de la calmer par la même occasion, peu importe à quel point cela résulte en réalité d’une action particulièrement égoïste de sa part. Il le dit et il le pense: ce n’est pas son problème. Son problème, pour l’heure, c’est de sauver ceux qui peuvent encore l’être et de s’assurer que le gamin qui a provoqué tout ce massacre ne s’en sorte pas en vie, ou du moins pas sans un procès juste.

Ses pensées sont repoussées à plus tard lorsqu’il entendent un inconnu crier au bout du couloir. Toujours en formation, le trio s’avance en direction du bruit à toute allure, Auden veillant toujours à laisser Ruben à quelques dizaines de centimètres devant lui, pour mieux surveiller les côtés. Une fois arrivés près de la porte, ils avancent avec plus de minutie et l’ouvrent en gardant plus que jamais leurs armes prêtes à être utilisées. Ruben fait la sommation. « Arrêtez-vous ! » Il hurle pour la forme, et Auden s’engouffre dans la pièce juste à sa suite, plus que jamais vigilant à l’environnement alentours. Malheureusement pour eux, ils font simplement face à un élève sincèrement terrifié et qui a quand même pris la peine de lever les mains au ciel, sans que cela lui ait été demandé.

Auden vérifie la pièce avec son arme pour s’assurer qu’ils sont seuls. « T’as vu le tueur ? Il s’est passé quoi ? » Visiblement en état de choc, le gamin semble incapable de lui répondre et il se contente de leur montrer l’issue de secours d’un mouvement particulièrement tremblant. « Wilson, ramène le à l’ambulance. » Le gamin a besoin d’être pris en charge et eux, de leur côté, ils peuvent aisément se débrouiller à deux. Ils seront même plus efficaces ainsi, même si Auden sait qu’il n’a normalement pas le droit de donner de tels ordres et qu’il attend donc le consentement de Ruben à ce sujet, son regard plongé dans le sien.

Ils auraient pu tomber sur le tueur qui les attendait au tournant, les ayant entendu arriver et ayant prétendu hurler comme s’il était un élève terrifié pour les attirer dans un piège. Ils auraient pu mettre la main sur le responsable de toute cette tuerie - mais ils tombèrent simplement sur un élève réellement mort de peur à cause de tout ce qu’il se passait autour d’eux en cet instant. L’équipe d’intervention n’avait pas été témoin direct d’acte répréhensible, mais rien qu’un seul mort suffisait à comprendre ce qu’il se tramait dans le coin.

Auden fit le tour du reste de la pièce pour vérifier qu'il n’y ait personne d’autre, et Ruben se permit un petit soupire. « T’as vu le tueur ? Il s’est passé quoi ? » - « Doucement. » Qu’il intima à Williams, lui jetant un regard noir; le gamin était visiblement en état de choc et lui hurler dessus pour obtenir des réponses ne les ferait pas avancer plus vite. Bien qu’effrayé, l’élève réussit à leur indiquer la sorte de secours: c’était toujours ça. « Wilson, ramène le à l’ambulance. » Le regard de Hartfield resta un instant supplémentaire plongé dans celui de son ami, mais avant tout en cet instant de son collègue - au moins, il donnait des ordres mais attendait le consentement de son supérieur, c’était presque ça. Ruben finit par prendre tourner la tête vers le troisième larron. « Emmène le et met le à l’abri. On va continuer. » Wilson ne chercha pas à contredire qui que ce soit, fit en sorte de faire sortir l’élève terrifié de la salle et de le retirer des pattes de ses deux collègues.

Ben fit un aller et retour du regard entre Auden et la sortie de secours. « Tu te doutes que plus on va avancer, moins les choses vont être faciles. » Il haussa un sourcil en direction de Williams. « Tu sauras te rappeler que c’est moi qui donne les ordres ici ou je peux d’avance faire un croix sur ça ? » Il avait besoin de savoir avant de donner le feu vert pour continuer d’avancer.

« Doucement. » Hartfield a beau lui envoyer un regard noir en même temps qu’il lance son ordre, cela pousse simplement Williams à adopter la même attitude en retour. Il juge encore être capable de poser des questions à un potentiel témoin et, surtout, il refuse de laisser son ami le retenir sur ce sujet. Peu importe qu’il soit son supérieur ou non. Comme preuve de sa bonne foi, il demande à leur troisième collègue d’accompagner le jeune étudiant jusqu’à l’ambulance, pour le sortir de cet enfer autant que pour s’assurer qu’il puisse obtenir les soins dont il a assurément besoin. « Emmène le et met le à l’abri. On va continuer. » Ruben confirme l’ordre et Auden mime de ne pas entendre. Il fait au moins le choix de ne pas répondre, agacé par l’idée d’une hiérarchie à la seconde même où on lui fait comprendre que les mots qui sortent de sa bouche ne sont pas aussi importants que ceux qui sortent de celle de Ruben.

Wilson et le gamin s’éclipsent du champ visuel, et à la seconde où cela est fait, les deux hommes restant se reconcentrent sur la situation présente. « Tu te doutes que plus on va avancer, moins les choses vont être faciles. » Il ne voit pas les choses comme ça, non, mais il sait au moins que plus ils vont avancer et plus ils risquent de se retrouver pris au piège, sans personne pour les aider. « Tu sauras te rappeler que c’est moi qui donne les ordres ici ou je peux d’avance faire un croix sur ça ? » Le regard d’Auden se pose froidement dans celui de son ami. « Je suis les ordres tant qu’ils sont justes. » Que Ruben fasse ce qu’il désire de cette information, mais Auden ne risque pas de changer d’avis de son côté. Il écoutera, tant que ce sont des ordres qu’il aurait pu avoir lui-même.