Juillet 2023

Emery m’a pardonné et ce depuis à peu près deux semaines. Une chance très précieuse que je compte bien saisir pour lui montrer que je veux être une meilleure personne pour elle. Lui montrer que même si je suis têtu comme une mule, je sais apprendre de mes erreurs et faire des efforts. Il y a quelques mois je m’en serais probablement senti incapable mais les récentes épreuves que j’ai traversé m’ont fait comprendre que je ne veux plus être ce gamin à problème, celui qui ne produit que du négatif. Je veux devenir un homme, un adulte, quelqu’un de responsable à qui on peut se fier et dont on est fier d’être proche. J’ai passé pas mal de temps à réfléchir à ce que je pourrais faire pour notre premier date. J’ai envie que ça soit un moment spécial, quelque chose de différent et dont on se souviendrait. Emery et moi on se connait depuis un moment mais puisqu’on n’était pas ensemble on a jamais eu un véritable date, et c’est quelque chose dont on a besoin, je le sens. J’ai passé en revue différentes options : le cinéma ? Non impossible de discuter et gros risque de croiser l’autre folle de Maisie en allant au Twelve spectators. Un restaurant ? Classique, pas très intimiste et je n’ai pas forcément le budget pour l’inviter dans un grand restaurant. Et au bout d’un moment l’évidence m’a percuté : un date peinture. J’avais envie de lui proposer quelque chose d’original, de créatif et où l’on pourrait en garder un souvenir, un date peinture est donc une excellente option. Je suis donc passé acheter deux toiles, de nouveaux tubes de peinture et j’ai nettoyé des pinceaux. J’ai aussi acheté une bonne bouteille de vin et j’avais prévu de passer acheter une pizza pour que l’on ne meure pas de faim.

A l’heure prévue -et même avec une minute d’avance- je viens sonner chez elle. Heureusement c’est elle qui ouvre la porte et pas son affreux coloc. “Salut toi.” Je lui dis avec un petit sourire avant de l’embrasser. “Bon j’espère que tu es prête pour la surprise.” Elle n’a pas arrêté de me poser des questions mais je suis resté silencieux. Et je n’ai bien sûr pas manqué de la teaser. “Tu me suis ?” Et je la prends par la main pour la guider jusqu’au lieu de notre date. Après une dizaine de minutes de route je me gare et Em n’aura certainement aucun mal à deviner où nous sommes : le kangaroo point. Je sors de la voiture avant d’attraper les pizzas et mon sac à dos, contenant tout le matériel de peinture avant de me diriger vers elle pour lui ouvrir la portière. J’ouvre la porte avec un air très théâtral. “Madame” Je jette un coup d’oeil autour de nous, le parking est presque vide : parfait on ne sera pas dérangés pour notre après-midi peinture. “On pourrait s’installer là-bas.” Je désigne un carré d’herbe idéalement placé pour admirer la vue sans être trop près du bord ou en prise au vent. Une fois là-bas j’ouvre mon sac pour en sortir tout le matériel. “Tada!” J’ai le coeur qui bat vite, j’espère que ce date sera à la hauteur de ses espérances et qu’elle ne sera pas déçue. “Je me suis dit que ce serait bien qu’on laisse parler notre créativité.” Je dégaine par la suite une bouteille de vin, le préféré d’Em. “Ah et j’ai aussi ramené ça pour nous accompagner.”

« Le suspense est vraiment insoutenable à ce stade. » Voir l’enthousiasme et l’impatience sur le visage d’Em ne me lassera jamais. J’ai l’impression de voir un enfant le matin de noël et ça me rend heureux. Mais ça me met quand même la pression. J’ai peur qu’elle n’aime pas ma surprise ou pire qu’elle soit déçue parce qu’elle s’attendait à autre chose, quelque chose de plus fancy ou plus classe. Ce que je vais lui proposer est bien différent des grands restaurants qu’elle a pu fréquenter quand elle sortait avec mister parfait. J’ai clairement pas son portefeuille mais j’essaie de compenser par de la créativité et de petites attentions. “Mystère mystère hein?” Je lui dis en haussant les sourcils pour la narguer. « Allons-y ! » Nous montons rapidement dans la voiture et je démarre, direction la destination secrète : le kangaroo point. En sortant de la voiture je décide d’essayer de la faire rire en prenant un air théâtral et en lui ouvrant la porte comme à une diva. « Monsieur. » Je souris et j’attrape les pizzas et mon sac à dos. Nous nous mettons ensuite à la recherche d’un endroit où nous poser pour passer la soirée.  « Oui, ça me semble bien. » Une fois assis dans l'herbe, je déballe -non sans appréhension- le matériel de peinture que j’ai ramené. « Tu risques d’être déçu par mon génie créatif. » Nous rions tous les deux, mais je tiens quand même à la rassurer sur ce coup-là. Je n’ai aucune envie qu’elle soit complexée par le niveau technique de sa toile. On s’en fout royalement, le principal c’est de s’amuser, de passer un moment ensemble et d’en garder un bon souvenir. Les critiques de toiles et de techniques de coups de pinceau c’est le domaine d’Auden, pas le mien, pas avec elle du moins. “C’est pas important ça t’en fais pas.” Je sors ensuite une bouteille de vin, le chardonnay dont elle raffole. « Tu t’es souvenu. » J’aime me souvenir de petits détails sur elle comme le vin blanc qu’elle préfère, sa teinte de rouge à lèvres préférée -même si je ni comprends rien- ou encore son film favori. “Comment est-ce que j’aurais pu oublier ?” Je fais notamment référence à la fois où nous avions bu bien trop de cett bouteille et où nous avions fini dans son salon à chanter et danser comme des enfants. Un joli moment de lâcher prise et où on avait beaucoup ri. Le réveil le lendemain avait été un peu difficile cependant, boire sans rien manger était une très mauvaise idée. “Mais cette fois je nous ai pris de quoi manger.” J’ajoute avec un petit sourire. Elle se redresse pour m’embrasser et je ne peux pas m’empêcher de sourire comme un idiot face à la douceur de ses lèvres. « La surprise valait l’attente. Merci. » La voir heureuse comme ça est la plus belle des récompenses pour moi. J’ai visé juste on dirait et je ne suis pas peu fier de moi. “Je suis content que ça te plaise.” Em regarde ensuite le contenu de mon sac à dos, visiblement curieuse de savoir comment va se dérouler la suite de la soirée. « Est-ce que tu vas m’apprendre ? Ou est-ce que je suis juste supposée… voir ce que ça donne ? » Il y a plusieurs possibilités. Je pourrais effectivement lui donner un cours -en étant moins chiant qu’Auden- mais je trouve que ce n’est pas le moment. Je n’ai pas envie qu’elle fasse une toile parfaite pour me faire plaisir au risque de se mettre trop de pression. Je veux qu’on s’amuse, et pour ça j’ai ma petite idée. “Je dirais plutôt qu’on commence chacun de son côté et on échange toutes les cinq minutes.” J’ai un sourire rien qu’à imaginer le résultat qu’un tel procédé pourrait produire. Ca ne sera sûrement pas très beau à voir mais ça nous fera à chacun un souvenir à garder pour penser à l’autre. J’en profite pour sortir une enceinte de mon sac à dos et je lance notre playliste. Une playlist collaborative que l’on a commencé il y a quelques mois -quand tout allait encore bien- mais qui contient de bons souvenirs et de chansons que je suis désormais incapable d’écouter sans elle. L’ambiance est installée, tout est parfait, je me sens vraiment bien et j’ai hâte qu’on commence à peindre avec quelques pauses pour s’embrasser sûrement. C’est notre premier date, ce qui peut paraître surprenant puisqu’on se connaît depuis presque deux ans et je compte bien profiter de cette soirée pour acter officiellement notre nouveau départ.

« J’espère que tu aimes l’art abstrait. » J’ai un petit sourire malicieux. Le résultat de nos deux toiles sera loin d’être académique, pas franchement exposable dans une galerie mais on s’en fiche pas mal. Quand j’ai commencé à peindre et à dessiner au début c’était pour m’amuser, pour le plaisir de créer quelque chose de nouveau et chargé d’émotions et de sens. Le côté précision, technique et perfectionniste est venu après mais j’essaie de ne jamais oublier ça : l’art doit rester un plaisir. “J’adore ça.” Et je suis sûr que plus il y aura d’imperfections et plus on trouvera ça drôle et mémorable. Je sors par la suite une bouteille de Chardonnay de mon sac et je ne peux pas m’empêcher de faire référence à la cuite que l’on avait pris une fois avec cette bouteille. « Le problème ne venait pas de la qualité du vin mais de la quantité. Promis. » D’où la présence de la pizza qui doit tenir son rôle de bouclier anti mal de crâne. On avait descendu la bouteille bien trop vite sans manger et le pire c’est qu’on en avait ouvert une deuxième. C’est à partir de la deuxième que les problèmes ont commencé il me semble. Enfin je m’en souviens plus, mais ça devait être dans ces eaux-là. “Avec ça aucun risque en tout cas !” Il faut que je sois en forme pour conduire au retour donc je n’ai pris qu’une bouteille, c’est plus raisonnable. Et puis contrairement à la dernière soirée que l’on a fait avec ce chardonnay là j’ai envie qu’on y aille doucement, qu’on prenne notre temps et qu’on garde les idées un minimum claires. Après m’avoir embrassé, je la vois s’installer en tailleur, prête à peindre. « Ok. J’espère que t’es inspiré ! » J’ai un petit sourire, je suis toujours inspiré, ou presque. En tout cas une aussi belle soirée ne peut m'inspirer que de belles choses. “Toujours.” Je lance ensuite notre playlist, une chanson chargée de souvenirs d’un grand débat qui nous a occupés une bonne partie de la nuit, encore de bons moments passés. “Je trouve toujours qu’elle est surcotée d’ailleurs.” J’ai un petit rire, je sais juste en la regardant que l’on pourrait se relancer dans la même discussion qu’il y a quelques mois, avec les mêmes arguments et la même conclusion alors j’ajoute. “Allez il est 15, cinq minutes top chrono.” Pinceau en main je prends quelques secondes pour contempler le paysage à la recherche d’une idée qui pourrait m’inspirer. Mais la vue de Brisbane, bien que magnifique ne m’inspire pas vraiment. J’ai toujours vécu en ville, je suis un vrai citadin mais là tout de suite je pense que j’aimerais avoir un paysage complètement différent devant moi. Quelque chose de plus calme, apaisant et où en regardant face à moi je me dirais que la nature est quand même douée pour mettre de grandes claques avec ses créations. Je repense à des photos que j’ai vu sur instagram il n’y a pas très longtemps : le phare de l’île de Llanddwyn au nord du Pays de Galle. Je me rappelle très bien des couleurs de la photo, de l’arc en ciel se trouvant juste à côté du phare parfaitement éclairé par le soleil. C’est beau, puissant et c’est ce que j’ai envie de peindre aujourd’hui. Je commence donc à peindre le phare et les grands traits du rocher. « Oh. Bon, j’imagine que… » Je la vois fouiller dans mon sac et je comprends vite ce qu’elle cherche : les verres. Ces verres à vin que j’ai laissés sur le comptoir de la cuisine en voulant les mettre dans mon sac. « J’ai l’impression de faire quelque chose d’illégal. » Elle boit à la bouteille et même si ça ne m’étonne pas ça me soulage qu’elle ne s’arrête pas à ça. En tout cas c’est pas le genre de trucs qu’elle devait faire avec Reid. Le vrai pas son tocard de coloc. “J’avais prévu de super verres à vin en plus, j’abuseee.” Ce sera donc plus une soirée conviviale que romantique finalement, mais ce n’est peut-être pas si mal, tout n’a pas à être parfait après tout. « Je crois que ça fait cinq minutes. Tu me fais vraiment confiance pour toucher à ton travail ? Imagine que ce soit le chef d’œuvre de ta vie et que je sois sur le point de tout gâcher… » Le temps passe vite même quand on a l’habitude de peindre. “J’ai pas vu le temps passer.” Je repose mon pinceau et je prends ma toile en main, prêt à l’échanger avec celle d’Em. “Tu ne vas rien gâcher du tout, je suis pas là pour créer un chef d’oeuvre.” Je lui tends ma toile et je récupère la sienne. A ce stade de l’atelier peinture on est encore dans les grands traits donc c’est normal qu’il y ait tout à faire. Je regarde les habitations qu’elle a esquissées mais ce qui m’attire le regard ce sont les couleurs du coucher de soleil. Au contraire, ma toile est encore très monochrone. Je comptais d’abord faire les grands traits, la structure et y ajouter les couleurs en dernier, mais chacun sa technique, on s’en fiche royalement. “C’est coloré, j’ai hâte de voir la suite.” Je suis sincère, il n’y a absolument pas de moquerie dans ma voix. Je nettoie mon pinceau avant de prendre la bouteille de vin. Je bois une gorgée au goulot avant de me reconcentrer sur la toile. Je me mets en tête d’avancer un peu sur le sol où je peins des herbes et quelques fleurs, comme si la nature avait repris ses droits sur les constructions. Je n’ai pas le temps de tout terminer ni de faire énormément de détail mais on distingue désormais un sol. “Et voilà !” Je lui tends ma toile avant de lui demander. “Tu veux manger un bout peut-être ? Sinon je sens qu’on va être trop concentrés et qu’on va oublier la pizza.”. Quand je suis en train de peindre je perds souvent la notion du temps, la concentration et la créativité bousillent mes repères donc je préfère anticiper et éviter d’avoir une pizza complètement froide ou pire une bouteille de Chardonnay descendue l’estomac vide -et ses conséquences-, le comble avec des pizzas juste à côté de la bouteille.

« Encore désolée pour ça. » Je hausse les épaules, c’est oublié et pardonné depuis longtemps. Elle était en colère, ce que je comprends totalement. Sur le coup j’étais triste qu’elle ait fait un truc pareil, avec le recul je ne lui en veux pas. “C’est rien t’en fais pas, et puis…j’en ai fait d’autres depuis.” Je lui réponds accompagné d’un bisou sur la joue. J’ai rattrapé le temps perdu et je trouve même que mes derniers dessins sont de meilleure qualité donc ce n’est pas très grave que certains aient été détruits. La séance de peinture vin et pizzas avance petit à petit et nos paysages prennent progressivement forme. Je m’amuse beaucoup et j’aime énormément les discussions qui en découlent. « J’imagine vraiment des vibes du genre les Hauts de Hurlevent, quand je pense au Pays de Galles” Je hoche la tête, le titre me dit vaguement quelque chose mais je n’ai pas lu les Hauts de Hurlevent. En général la lecture et moi c’est pas une grande histoire d’amour. J’ai toujours préféré les musées et les galeries aux bibliothèques. Vient ensuite le sujet du voyage et je lui parle du Mexique. « Tu as encore de la famille là-bas, t’irais avec ta mère et ton père filerait l’argent, mais… » J’ai un petit rire quand elle parle du portefeuille de mon père et je secoue légèrement la tête, comme pour dire T’es pas possible. « Ou tes frères et sœurs. J’entends Diego préparer son meilleur accent d’ici. » Diego, en bonne drama queen serait du genre à faire beaucoup trop d’efforts c’est certain. “On a de la famille, enfin on les connait pas vraiment, ma mère en parle jamais mais je sais que sa famille est restée là-bas.” Et sur la question des compagnons de voyage, je préfèrerais qu’on parte entre frères et soeurs plutôt qu’avec les parents, l’ambiance serait différente. Et vu qu’ils ne font que s’engueuler j’ai pas envie qu’on se retrouve coincés au milieu d’une dispute de couple à l’étranger et que ça gâche le voyage. “Entre frères et soeurs ce serait cool je pense, ça nous ferait de bons souvenirs." « Et puis de toute façon, c’est qu’une question de temps pour que tu deviennes un artiste reconnu et que Acapulco te déroule le tapis rouge. » Elle m’embrasse sur la joue ce qui me fait sourire instantanément. “Un jour peut-être.” J’en rêve, elle le sait très bien mais la route est longue, en tout cas ça fait toujours du bien de rêver un peu. En tout cas j’ai envie de voyager, c’est certain, le seul problème c’est le budget que ça représente. « Ouais je pense que le mien doit s’inquiéter de ne pas avoir de mes nouvelles justement. » Je n’ai jamais trop eu l’occasion de voyager, à deux encore moins donc c’est un projet que je garde en tête pour Em et moi. « L’Asie ne coûte pas très cher. Ce serait surtout le billet d’avion. Et ensuite on pourrait barouder. Je ne peux pas toujours être une princesse. » Et c’est le genre de réponse qui me plait beaucoup. Barouder ça peut être chouette, ce serait dans notre budget mais surtout ce serait l’aventure. Le genre de trucs que Reid-super riche-super chiant ne ferait pas je pense. “J’aime beaucoup l’idée.” Je l’embrasse à mon tour sur la joue. Plus j’y pense et plus l’idée de voyager avec elle me plait. Il faut que j’y réfléchisse un peu mais ça doit pouvoir se faire, donc je mets l’idée dans un coin de ma tête. « On pourrait faire ça. Et quand je rentrerai je pourrai me concentrer sur mon autre projet. » Je la regarde sans trop savoir où elle veut en venir. Elle boit quelques gorgées et j’en fais de même. « Je pense que je vais reprendre un sex-shop concurrent. » Je ne m’attendais pas à ça, mais alors pas du tout. “Et le mannequinat ?” C’est sa passion, son premier rêve donc je me demande où elle place ça dans son projet d'entrepreneuriat. « Je sais que je décrocherai jamais les contrats de mes rêves, je suis trop vieille. J’ai besoin de sécuriser mon futur et je suis douée là-dedans. Alors je pourrais avoir ma propre affaire. » Je secoue la tête quand elle dit qu’elle est trop vieille et qu’elle n’y arrivera jamais. Oui les critères de beauté sont importants mais il y a des mannequins à tout âge non ? Et puis Emery est d’une beauté rare. Je ne me mouille pas trop en disant que c’est la plus belle fille que j’ai jamais vue et que j’ai de la chance de l’avoir à mes côtés. Je ne suis peut-être pas le plus objectif mais je ne crois pas que ses rêves doivent être mis à la poubelle. “Tu n’es pas trop vieilles, t’es géniale.” Pour autant, si elle a envie de se lancer dans des projets différents je la soutiendrai. Je sens bien qu’elle a honte que ça soit un sex-shop, mais un business est un business et on s’en fiche bien que ça ne soit peut-être pas le genre de trucs qu’on crie sur tous les toits. Reprendre une boutique c’est être une femme d’affaires, c’est avoir de l’ambition et je ne peux que la soutenir. “Mais je te soutiendrai dans tous les cas, c’est un bon projet aussi ce que tu veux faire.” Je m’approche d’elle et à quelques centimètres de son visage seulement j’ajoute. “Et je te le dis, pour moi t’es la plus belle et si les agences ne le voient pas c’est qu’ils sont vraiment trop cons.” Je lui dis avant de l’embrasser furtivement.

« Peut-être que ce serait une occasion de renouer, non ? » Je suis incapable de citer le nom de ces fameux cousins et je ne suis même pas sûr que ma mère les connaît tous. Même s’ils habitent loin et qu’on a sûrement rien en commun à part un arbre généalogique elle a sûrement raison, c’est une bonne idée. “Totalement.” Les rencontrer ce serait l’occasion de comprendre comment est la vie là-bas, comprendre un peu mieux l’histoire de la famille, pas juste celle de mes parents à Brisbane. Ma mère n’a jamais vraiment parlé des raisons de leur départ, ça a toujours été un sujet tabou et j’aimerais en savoir davantage. « Tu devrais leur en parler. » Je hoche la tête, l’idée est dans un coin de ma tête, reste à trouver la bonne opportunité pour leur soumettre cette proposition de voyage. “Je glisserai l’idée au prochain repas de famille.” Je suis presque sûr que Diego, Alma et Sara seraient partants mais ça reste quand même à confirmer. La question du voyage vient par la suite sur le tapis. J’ai toujours eu envie de voyager, de voir au-delà de Brisbane et de l’Australie. La situation financière de la famille ne nous a pas permis de beaucoup voyager et explorer le monde contrairement à certains gamins de l’école qui se vantaient d’avoir passé leurs vacances d’été en Europe. J’ai toujours été jaloux d’eux, de leur photos de dépaysement et j’ai trop souvent l’impression d’étouffer à Brisbane pour vouloir rester cloîtré ici. Et puis voyager c’est bien, voyager avec sa copine ça a l’air encore mieux. J’ai envie de partager de nouvelles expériences avec elle, qu’on puisse sortir de la routine et de notre zone de confort. Je veux qu’on puisse se créer de beaux souvenirs, qu’on prenne des photos insolites et qu’on parte à l’aventure, juste elle et moi dans notre petite bulle.  « Tu sais que je vais sérieusement regarder les billets d’avion, hein ? » J’ai déjà beaucoup d’idées qui me viennent, mais surtout celle qui arrive en première position c’est l’idée d’un voyage surprise. J’y pense depuis un moment déjà et j’ai même déjà commencé à regarder des billets d’avion pour qu’on puisse se faire une petite évasion pour la Saint-Valentin. “On regardera ça ensemble t’en fais pas.” Mon plus tard ayant pour but de noyer le poisson pour qu’elle ne regarde pas d’elle-même et qu’elle n’y pense plus, le temps pour moi de tout organiser. Si parler de voyage en couple me fait sourire, quand Em me parle du mannequinat et du fait qu’elle est trop vieille pour réussir ça me rend triste. J’essaie de lui faire prendre conscience qu’elle est magnifique, qu’elle n’a pas à complexer et surtout que c’est eux, les directeurs de casting qui ont un sérieux problème.  « T’es pas objectif. » Je l’encourage par la suite sur son projet professionnel. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle m’annonce ça, mais si c’est ce dont elle a envie, alors elle a tout mon soutien ce n’est pas plus compliqué que ça.  « Je risque de rapporter encore plus de travail à la maison, par contre. » Je fais une tête faussement ennuyée par la situation avant qu’un petit sourire vienne changer l’expression de mon visage. “Oh nooon, surtout pas ça.” Je me porte bien sûr volontaire pour être son cobaye, pour la science bien sûr. « Tu voudrais pas leur dire ? » Je l’embrasse avant de lui répondre simplement. “Quand tu veux.” Je la regarde attraper la bouteille pour boire quelques gorgées de plus, avec des verres ça aurait été beaucoup mieux quand même, la prochaine fois c’est la première chose que je mettrai dans le sac. « Alors c’est sur notre bucket list de l’année qui vient de partir en vacances ensemble. Quoi d’autre ? » Je tends la main pour attraper la bouteille et boire à mon tour un petit peu aussi. “Huum c’est une bonne question ça.” Je n’y ai pas encore réfléchi. Notre relation a été si chaotique dans le passé que je n’ai pas pris l’habitude d’avoir des objectifs à long terme avec Emery, mais c’est une très bonne question, j'ai envie qu'on essaie de se projeter. Je prends quelques instants pour y réfléchir avant de répondre. “Peut-être pendre la crémaillère de mon futur appartement. Et inaugurer un peu toutes les pièces.” Le tout ponctué d’un petit sourire espiègle. C’est plus un objectif de mon côté mais j’ai envie de partager ce moment de vie, cette page qui se tourne avec elle. “Non plus sérieusement j’y pense de plus en plus. Bon ce serait pas pour tout de suite mais j’en ai un peu marre de vivre chez ma mère, j’ai besoin de bouger je pense.”

« S’il n’y a pas un autre drame pour te voler la vedette. » Je roule des yeux avant d’esquisser de secouer la tête. Elle a complètement raison, chaque repas de famille ressemble à une mauvaise telenovela : entre des personnes qui débarquent sans qu’on les attende, les annonces inattendues ou les disputes incessantes, il est vrai que l’ambiance est rarement calme chez les Gutiérrez. “Ah ça, c’est pas gagné.” Je me demande parfois ce qu’elle pense de ma famille, sûrement que sa belle-famille est complètement tarée. Mais même si ma famille est plus que chaotique je les aime quand même plus que tout. Et encore elle n’a pas rencontré Rudy et j’espère qu’elle n’aura pas à le croiser. Je fais très peu confiance à mon frère et je n’ai aucune envie qu’il l’emmerde, qu’il la critique ou qu’il la mette mal à l’aise. Son absence me rend triste par moments, parce que même si c’est un grand con ça reste mon frère, celui qui m’a appris à marcher, à jouer au foot ou encore les bases de la cuisine. Mais je passe au-dessus de la nostalgie et je me répète qu’avoir Rudy le plus loin de nous c’est une très bonne chose, je n’oublie pas ses mots ni sa violence comme la fois où il m’a étranglé contre un mur. La discussion devient ensuite plus légère quand on se met à parler de voyage. « Ok. Je regarderai juste les destinations alors. » Elle ne le sait pas mais j’ai déjà prévu pas mal de choses, j’ai des idées de surprises à lui faire. J’ai déjà regardé, j’ai même le site web de l’hôtel dans les favoris de mon ordinateur.“Je regarderai aussi.” Je lui souris, parler de voyage ça l’a rendu encore plus radieuse et la voir comme ça c’est plus que beau. Son sourire, c’est une des choses qui m’avaient le plus manqué pendant notre rupture. « Je sais, c’est terrible. Surtout avec toute cette lingerie… tu penses quoi du costume d’infirmière sexy ? » Je ris quand elle mentionne ce costume. Je ne juge pas les fantasmes des autres mais j’ai du mal à imaginer que certains clients viennent la voir sérieusement pour acheter ce genre de trucs. “Oh non mais c’était affreux ce truc.” Je passe une main dans mes cheveux pour les replacer avant qu’elle ne m’embrasse. « T’es le meilleur. » Je secoue la tête légèrement avant de lui répondre. “C’est normal, tu mérites le meilleur”. Si je ne la soutenais pas je serais vraiment le dernier des cons. Même si c’est un choix de carrière atypique je serais là pour elle, et je me fous complètement de ce qu’on pourrait en dire. Une pensée à ma mère qui ferait une syncope en apprenant ça quand même, elle s’en remettra tant pis. « Là tu m’intéresses. » J’ai toujours des tas de projets, tellement que je me dis que je n’aurais pas assez d’une vie pour tout réaliser. Mais à court terme c’est bien le projet déménagement qui m’occupe. « Je comprends. C’est un chouette projet. T’as déjà commencé à regarder ? » Je hoche la tête, je fais des recherches depuis quelques semaines maintenant sans que ça ne donne rien de concret. « Je pourrai venir faire les visites avec toi ? J’aime trop ça. » Je lui fais un petit sourire avant de lui répondre. “Bien sûr. Pour l’instant je trouve pas grand chose mais je cherche pas très activement non plus.” Et ce qui me freine surtout c’est le critère financier, l’idée de devoir payer un loyer me déprime mais l’idée de rester toute ma vie à la maison me déprime encore plus. “Mais c’est super cher, je pense qu’il va falloir que je me trouve une coloc. Sinon si je veux vivre seul je peux me payer un placard à balais et c’est un peu tout.” Même si je m’en sors assez bien avec mon boulot je ne roule pas sur l’or non plus. « Quoi d’autre… » Je réfléchis en même temps qu’elle mais elle est plus rapide que moi. « On a le voyage, on a le grand événement, alors je propose le défi : et si on s’entraînait pour partir faire le Thorsborne Trail ? J’ai vu des photos passer, ça a l’air incroyable. Mais c’est un programme de quatre jours. » Wow alors là je ne m’attendais pas à ça. “Ouf t’es ambitieuse.” Je ne suis pas un grand sportif, loin de là. Grâce à la boxe j’ai un bon cardio mais je n’ai pas courir depuis des mois donc je ne suis pas sûr d’être en grande forme pour faire ça. « Sauf si t’es traumatisé de ton camp de survie ? » Je bois une gorgée en manquant de m’étouffer quand elle mentionne le camp de survie. “Non mais c’était affreux, plus jamais un truc comme ça.” Je repose la bouteille. “Entre ces foutues baies et ma mère qui a essayer de nous noyer c’était chaotique.” J’ai quand même fini avec un lavage d’estomac, c’était horrible. “Donc plus jamais un truc dans le genre. Mais bon un trail ça peut être pas mal, mais faudrait qu’on s’entraîne sérieusement, là je suis pas prêt.” Je suis prêt à faire des efforts pour lui faire plaisir mais je sens que c’est encore le genre de chose où je fais mal finir.