Rien qui puisse vraiment s'adoucir dans sa vie, elle tourne en rond depuis ses dernières rencontres, elle se surprend elle-même de ne pas être tombée sur de mauvaises personnes bien avant, retournant dans ce petit appartement en l'espoir qu'un signe se fasse ressentir. Perdant espoir de retrouver sa vie d'avant, celle où elle était institutrice et où elle enseignait à ses enfants que le bien l'emportait toujours, elle aurait bien besoin d'espoir ou d'un signe quelconque. De n'importe quoi tant que la mort ne gagne pas du terrain. Pourtant elle y songe. Et elle aurait pu mourir, ce soir-là dans le labyrinthe. Ou dans le cimetière. Ou dans cet hôpital. Elle avait tenté de reconsidérer la mort comme elle le pouvait et que restait-il à présent de son frère alors qu'il refusait de venir la voir trop souvent ? Il avait peur pour elle, c'est ce qu'il lui a dit. Mais c'est elle qui avait besoin de lui, elle qui voulait le voir. Ils avaient toujours été discrets mais elle avait peur pour lui. A chaque combat, à chaque avancée de ses saletés de loups. À chaque sortilège de ses sorcières qu'elle avait fini par haïr elle aussi. Elle avait peur, et elle n'était qu'une humaine de toute évidence. Que pouvait-on attendre de plus d'elle ? Désormais, isolée dans la salle de bain, elle s'était volontairement coupé un morceau de chair. Quand elle entendit une voix provenir du salon, elle n'avait pas entendu la personne rentrer, ni même la porte se refermait. Cela pourrait-il déjà être Cody ? « Y’a quelqu’un. » Elle ouvre doucement la porte et se faufile avant qu'elle se referme sur son passage, avançant alors dans le couloir qui mène à la grande salle de vie. Il sent ce sang qui coule ? Est-ce qu'il est prêt à surgir sur elle comme une bête féroce ? Est-ce qu'il tentera de fuir ? Trop de questions dans sa tête. Pas assez de réponses. « Cody, pars pas. »  Carl serait effrayé par ce qu'elle était en train de faire et par ce qu'elle allait lui demander. Son coeur se serrait rien que d'y penser mais voilà des semaines qu'elle le recherche, est-ce qu'elle avait le droit de garder espoir ? « Reste s'il te plait... » Est-ce qu'il a compris ? Est-ce qu'il est en train de combattre cette envie soudaine que de s'attaquer à elle ? Elle l'ignorait mais elle prenait tous les risques en s'avançant vers lui.

Elle ne saisit pas le risque qu’elle prend Adèle, déjà par cette simple invitation, elle se mène directement dans une mort certaine, c’est peut-être son frère mais elle oublie que désormais il est tout autant une créature les plus dangereuses que le monde n’est fabriqué. Il a cette rapidité, cette agilité qu’elle n’aura jamais en tant qu’humaine. Il a cette faculté à tuer en un claquement de doigt et elle se demande bien comment mène t’il son combat contre d’autres forces ? Est-il celui qui mène la danse tel un renard futé, qui piège ses adversaires, ou plutôt le genre à attendre qu’on l’attaque avant de riposter ? Veut-elle vraiment avoir le souvenir d’un frère sanguinaire ? Elle ne sait plus, ce qu’elle voudrait jamais plus elle ne pourra l’obtenir. C’est sa seule certitude. Elle ne retrouvera plus jamais sa vie d’avant, plus jamais ce frère qu’elle chérissait tant malgré leurs nombreuses disputes. Elle ne sera plus que l’ombre d’elle-même remplie de doute et d’incertitude. Sa seule façon de se sauver de ce monde est de devenir comme lui.  « Non… » Il recule de la même façon qu’elle s’avance vers lui, ses cheveux longs tombant en cascade sur ses épaules, une mine apaisée et reposée. Craintive peut-être mais elle ne semblait avoir désormais le choix. Elle refusait d’avoir fait ça pour rien. « Fuis Adèle. » Il lutte et elle n’a pas besoin de le lui demander pour savoir. Elle n’a pas besoin de sa réponse pour savoir combien elle sera bien dans ce monde après ça. Elle n’a pourtant pas réfléchit à la suite des choses, au fait qu’elle aussi devra attaquer – sachant parfaitement que si elle devait se nourrir, ce ne sera que de sang mauvais. Que de meurtriers, ou de personnes emprisonnées dont les faits sont avérés. Elle en a déjà rencontré. Mais la question ne se pose pas encore, et la fenêtre qui est entrouverte, permet à l’air de circuler si bien que Cody doit ressentir ce besoin insatiable qui lui pend à présent au nez. « Je… Elle relève ses yeux sur lui, refusant qu’il l’abandonne une fois de plus, ce soir elle compte bien repartir avec lui, vampire ou humaine et elle ne donne pas cher de sa peau si il ne la transforme pas, vais pas tenir. » C’est ce qu’elle veut, et il continue de reculer comme pour se diriger vers la porte d’entrée, quand elle, elle le fixe en avançant. Inconsciente enfant, insouciante aussi, elle n’a désormais plus rien à perdre, elle vient de s’en rendre compte. « S’il te plaît… » Elle murmure alors qu’une larme coule le long de sa joue, certainement l’une des dernières. Elle sera probablement après ça, dépourvue de sentiment. «  Pourquoi ? » Il heurte le mur au même moment, et elle déglutit. Il ne peut plus fuir, et elle non plus, elle n’a pas cette intention. « Parce que je supporte plus de rester ici, enfermée seule Cody. » Parce que Carl n’est plus là et qu’elle n’a plus la force d’attendre. Parce que son frère lui manque, et qu’autant qu’elle puisse profiter de lui, à défaut de pas pouvoir profiter des deux. Elle se fige à deux pas de Cody, restant immobile, en le fixant, son cou est dégagé mais en réalité elle n’y a guère pensé. « Fait le pour moi Cody… » Un supplice, un murmure, quand une larme vient glisser de nouveau sur sa joue, voulant se souvenir de cette vie qu’elle ne retrouvera jamais – mais à quoi bon garder espoir ? Les ténèbres ont déjà tout engouffré sur leur passage – et elle avec. Elle est prête. Elle veut être prête.

Devenir vampire pour survivre...

Elle ne pense plus à rien, Adèle. Elle fixe son frère immobile, attendant sa sentence, elle ne le laissera pas partir, ni se défiler. Elle est suffisamment proche pour qu'il ne puisse de toute évidence pas ouvrir la porte, et même si elle ne doute pas qu'il est largement plus fort qu'elle, Adèle a conscience qu'il ne lui fera rien. Rien qui puisse la blesser intentionnellement. Rien qui puisse la heurter directement. Pourtant ses mots sont lourds de conséquences, et si elle, elle les ignore, Cody au contraire en a conscience pour eux deux. Il refuse sa demande, et probablement a t'il raison, pourtant elle ne regrettera pas. Sa place a toujours été près de lui et rien ne changera ça. Il ferme les yeux un instant, tente de résister à l'appel du sang à son maximum et Adèle ignore encore combien de temps ce supplice va durer. Pourtant il a bien conscience comme elle, que ce n'est plus qu'une question de temps, quand elle a quelque chose en tête, elle fonce droit dans le mur. Tête baissée. Et elle ne sait plus rien. Le blanc, le vide, quand Cody fonce sur elle, il n'y a pas de peur, elle ne réalise même pas ce qui s'y passe. Elle n'a plus conscience de rien. Et ça dure une éternité. Quelques secondes peut-être mais pour elle, c'est une éternité quand il parvient à se détacher d'elle. Il l'a repousse et elle tombe violemment par terre. Elle est blanche, seuls des petits trous parfaitement alignés restent figés dans son cou en sang. Elle ne se rend compte de rien et encore moins de cette force qu'il a dû entreprendre pour la repousser, pour s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'il ne l'a vide entièrement de son sang. Peut-être que quelques secondes de plus aurait pu lui être fatal. « Qu’est-ce que j’ai fait. » Adossé sur le mur, il fixe ce corps suspendu sur le sol, inerte. Presque sans vie. Elle ne respire même plus, le coeur ne bat plus. « Adèle, adèle. Tu m’entends ? » Il plonge sur elle sans attendre, la prend dans ses bras mais elle semble si molle, il n'y a aucune contraction dans aucune partie de son corps et Cody pense peut-être avoir été trop loin. Elle-même l'ignore, elle se bat pourtant, elle essaye de rouvrir ses yeux. De l'appeler, elle cherche aussi Carl de partout mais rien ne sort de ses lèvres, et aucune forme ne se dessine sous ses yeux. « Adèle je suis désolé. » Et enfin elle entend quelques mots, quelques syllabes au loin. Elle jurerait que la voix appartient à celle de Cody... « Je suis désolé. Pardonne-moi. Adèle, je suis désolé. » Elle parvient à bouger un doigt, puis un second, et finalement elle a l'impression de suffoquer avant de se relever d'un bond pour se retrouver assise en rouvrant ses yeux, des yeux rouge d'un sang inhumain.

Elle ignore le bien et le mal désormais, il n'y a plus vraiment de barrière entre ses deux mondes au moment même où elle avait décidé de son sort et de celui de son frère. Elle aurait très bien pu se mettre en danger et retourner dans le cimetière, l'endroit est visiblement un lieu de passage pour les vampires, assez étrangement. Se mettre en danger mais surtout risquer plus gros que ce qu'elle risque en présence de son frère. Elle n'a pourtant pas réfléchi à un plan B si jamais ça venait à capoter. Tout ce qu'elle souhaite est de pouvoir se défendre en cas de besoin et surtout retrouver le contact avec son aîné. Elle ne se souvient de rien. Pas même d'être tombé sur le sol dès que son frère l'a laché, pas même qu'il l'a mordu sous sa demande. Encore moins ressent-elle ce vide en elle. C'est donc ça mourir ? Ne rien ressentir ? Elle l'ignore Adèle. Elle cherche avec désespoir Ash du coin de l'oeil. Will qui est mort aussi. Ses propres parents sans jamais les trouver, sans jamais pouvoir les serrer dans ses bras. Elle sent quelque chose en elle, qui fonce à vive allure dans ses veines, un poison peut-être. Son propre poison ou celui de son frère. Puis plus rien, le vide. Quand il l'appelle. Le vide quand il la touche. Le vide quand une larme tombe dans sa main. Et ses yeux s'ouvrent. « Adèle ? Comment tu te sens ? » Elle se relève sans attendre, en s'éloignant un peu de Cody. Le regard perdu. Que fait-elle ici ? Elle regarde autour d'elle et se trouve en réalité juste dans son appartement. « Je sais pas, pas très bien je crois. » Elle aimerait évidemment dire le contraire mais ses bruits dans sa tête et ses sons qui sortent de nulle part. Elle a l'impression de tout entendre ce qui se passe dans cette bâtisse, tout au moindre détail. « Je suis si désolé… pardonne-moi…  »  Elle relève son visage sur lui en posant sa main sur son bras. « Tu n'y es pour rien Cody, d'accord ? »  Elle ne l'aurait pas laché, et ici désormais elle n'a plus rien, plus personne. Ils sont tous partis, ils ont tous fui ou sont morts. « Le plus dur est passé et maintenant on va pouvoir être de nouveau réunis. » Et c'est tout ce qui compte pour elle.« Je veux partir d'ici Cody, tu crois qu'on peut vite rassembler quelques affaires et s'en aller ? » Et surtout est-ce qu'il veut toujours d'elle dans ses pattes ? Elle ignore ce dont elle aura besoin en tant que vampires.

Jamais dans son autre monde elle n'aurait envisagé cette part sombre d'ombre. Jamais elle n'aurait envisagé de devenir le vampire effrayant qu'elle est devenue à cet instant. Ce n'était pas un désir enfoui en elle, mais seulement une constatation du monde dans lequel elle vit : elle sera bien plus protégée ainsi que sous sa forme humaine. Elle ne peut s'empêcher d'avoir un pincement au coeur pour Ash, pour Will et pour Carl qu'elle ne reverrait plus jamais - mais qui sont bien loin d'être finalement ce qu'elle est devenue. Qu'aurait-il pensé si ils se retrouvaient à présent devant elle ? Adèle ne souhaite pas l'envisager et encore moins y réfléchir. Elle va devoir arrêter de penser au passé quand l'avenir lui est offert sur un plateau d'argent. Elle se relève étrangement avec une facilité qui l'étonne elle-même. Elle a l'impression qu'elle pourrait soulever une montagne à elle toute seule, sa force est décuplée et elle se sent étrangement vivante pour quelqu'un de mort. Son coeur ne bat peut-être plus, son sang ne coule plus dans ses veines, mais tout le reste est bien là, et Adèle se dirige vers le miroir du couloir pour s'y observer quelques secondes. « Tu vas avoir besoin de temps pour t’y faire ; tes sens sont décuplés. Tu entends, tu vois, tu sens tout plus fort. Je chuchote mais tu m’entends peut-être crier, c’est normal ; ça va s’ajuster peu à peu. » Le dos tourné, elle écoute son frère sans le regarder. A présent elle peut savoir qu'il est là sans même avoir besoin de le regarder et elle ignore encore jusqu'à quelle distance elle pourra savoir faire ça. Elle est jolie et certainement bien davantage que quand elle est humaine. Son teint blanc ne lui est pas habituel, mais ses cheveux sont parfaitement placardé contre elle, et elle a l'impression que sa peau est figé dans le temps. Elle ne vieillira plus et elle qui voyait comme un fardeau le fait que son horloge biologique prenne trop d'avance, elle peut être rassurée il n'avancera désormais plus dans le mauvais sens. Sa main touche son visage puis deux trois fois son corps comme pour s'assurer que c'est bien elle. « J'ai un petit groupe de vampires. » Elle entre désormais dans la sphère privée de son frère et c'est tout ce qu'elle souhaite. « Parle-moi d'eux... » Qu'elle demande en tournant le visage vers son frère avec une rapidité qu'elle ne saurait détaillée. « Prend quelques affaires, je t’amène. » Elle s'exécute et en quelques secondes, son sac est prêt. Ça l'étonne évidemment, elle passe devant la porte de chambre close de Carl et la regarde un instant en baissant la tête. Il faut qu'elle parte d'ici, pour longtemps. Et c'est ce qu'elle compte faire. « Il faut qu’on te trouve à manger. » Outch déjà ? Elle avait oublié ce détail. « T'es sur ? » Elle fronce les sourcils et détourne le regard vers son frère en lui demandant, « Qu'est-ce qu'on va chasser ? » Un animal ? Un humain ? Une créature ? Adèle se le demande bien et elle a la gorge nouée à cette pensée. Alors qu'elle s'apprête à quitter le lieu avec son sac en main elle se fige un instant attendant la suite. « Adèle ? » Oui ? Que dit son regard. « Non rien. Allons-y ! » Elle se sent en sécurité avec Cody comme elle ne se sentirait pas mieux en sécurité avec quiconque d'autre.