« Il y a encore une tâche, juste là ! » la cheffe de l’équipage pointa du doigts, une toute petite tâche d’huile qui se situait sur une poignée de porte. Les invités du navire allaient bientôt monter à bord et tout devait être parfait pour cette inauguration.
Siham avait dégoté ce job pour venir en aide à sa mère, l’idée était qu’elle fasse la traverser dans les deux sens et qu’avec l’argent qu’elle aura gagné – soit, pas grand-chose – elle puisse payer ses médicaments pour les trois prochains mois et dès lors qu’il sera nécessaire, elle recommencerait. Elle espérait que sa mère guérisse au plus vite, car la maladie les immobilisait totalement, et bientôt, elle les mettrait aussi sur la paille.
Assignée en première classe, elle serait au service d’un dénommé Swann Craine, elle ne connaissait rien de son histoire, seulement son identité. Elle savait seulement qu’il devait être très riche pour pouvoir s’offrir ce ticket dans une des plus grande cabine du navire. Alors pendant toute la traversée, elle serait à son service, devant répondre à toutes ses demandes.
Sa couche à elle, se trouvait trois étages plus bas, à côté des cales et de la salle des machines, autant dire qu’elle ne pourrait pas souvent fermer l’œil et d’ailleurs, elle se demandait bien quand elle aurait la possibilité de dormir, puisqu’elle devait être à disposition à chaque instant.
« Ils arrivent, tous à vos postes. Siham, devant la chambre. Dès que Monsieur Craine arrive, vous lui ouvrez sa cabine et vous lui demander en quoi vous pourrez lui être utile. » elle hocha la tête, pensant d’un « à vos ordres » mais ne sachant pas si c’était approprié, elle se tut. Puis, petit à petit les passagers arrivèrent, chacun accédant tour à tour à leur cabines, Siham, elle, patientait…
« Monsieur Craine, par ici, suivez moi. » la chef d’équipage fit les gros yeux à Siham, comme si elle avait mal fait quelques chose. « Je vous présente Siham, elle sera à votre service durant toute la durée de votre voyage. N’hésitez pas une seule seconde à la solliciter. » « Enchantée Monsieur Swann. » « Monsieur Craine ! » Siham ouvrit la cabine, le laissa prendre place, elle resta dans l’entrée, ne sachant comment se comporter.

@Swann Craine

La croisière a été offerte par ses beaux parents pour sa lune de miel, et il a eu du mal à accepter un cadeau d’un tel montant, bien que l’argent ne soit pas un problème pour lui: la famille de celle qu’il a épousé est cependant riche comme Crésus, et il est question d’un tout autre niveau d’aisance financière. « Monsieur Craine, par ici, suivez moi. » Il est appelé d’un côté sans même avoir pu l’anticiper et, après avoir déposé son regard sur le petit bout de femme qui vient de le commander, il lui offre un sourire bienveillant, sa valise en main. « Je vous présente Siham, elle sera à votre service durant toute la durée de votre voyage. N’hésitez pas une seule seconde à la solliciter. » Une autre personne, identifiée comme sa supérieure, corrige le manque de politesse premier de ses mots. Il sourit face à cette idée sans oser s’en formaliser pour autant, loin d’en avoir quelque chose à faire. « Je vous remercie. » qu’il rétorque poliment à son tour, sans s’étaler davantage.

« Enchantée Monsieur Swann. »
« Monsieur Craine ! »

Elle est réprimandée et Swann la fait rentrer dans sa cabine pour que cela cesse, n’en ayant rien à faire d’être appelé par son prénom ou son nom de famille. « Tu peux m’appeler Swann quand on est que tous les deux. » Seulement quand ils sont tous les deux, sinon sa supérieure risque de la gronder une fois de plus sans que ce soit réellement mérité. « Siham, c’est ça ? Enchanté. » Elle a au moins eu une bonne idée en lui donnant le prénom de la jeune femme, elle qui était trop occupée à suivre les ordres pour penser à le lui partager. « Tu veux un verre d’eau ? Je vais défaire ma valise seul, mais j’imagine que si je te laisse vaquer à tes occupations maintenant, on va croire que je t’ai renvoyée. » Et il ne veut pas lui attirer des problèmes, évidemment.

Siham prenait sur elle, elle était la pour le travail et si elle n’acceptait pas qu’on lui parle de la sorte, elle courbait l’échine, n’ayant pas envie d’etre mise a la porte avant le départ du navire. Une fois que le bateau aura quitte le port, peut être pourra t elle se permettre de répondre, au risque de se faire un peu réprimandée mais au moins, on ne pourra pas la virer. A moins qu’on ne la jette par-dessus bord, qui sait, peut être même que ce sera la chef d’équipage qui finira jeté en pâture aux loups.

Monsieur Craine, ou Swann puisqu’il lui avait donné l’autorisation de l’appeler par son prénom, seulement lors qu’il n’y a pas de témoins, avait détendu l’atmosphere et la jeune femme sentait qu’elle pouvait être en confiance. « Siham, c’est ça ? Enchanté. » elle hocha la tête et lui offrit même un sourire en retour. « c’est ça .. merci ! C’est un vrai tête de chien… je serai pas étonnée qu’elle se transforme à la pleine lune… » bon peut être ne devrait elle pas trop prendre la confiance. « Tu veux un verre d’eau ? Je vais défaire ma valise seul, mais j’imagine que si je te laisse vaquer à tes occupations maintenant, on va croire que je t’ai renvoyée. » elle était surprise, on lui avait dit qu’elle était au service du passager et pas l’inverse. « ne vous en faites pas pour moi. C’est à moi de vous servir et non l’inverse. Mais si vous donnez congés, je peux attendre, par ici… » elle montra un coin de la cabine où elle ne gênerait pas au passage. « la nuit s’annonce être glaciale, j’espere que vous avez pris de quoi vous réchauffer. »

Elle pourrait sortir un édredon en cas de besoin. « on vous attend de l’autre côté ? » Certains passagers étaient là pour le plaisir de naviguer, d’autres pour les affaires et certains pour profiter du voyage.

« C’est ça... merci ! C’est un vrai tête de chien… je serai pas étonnée qu’elle se transforme à la pleine lune… » Il sourit tendrement, la fougue de la jeune femme lui rappelant celle de sa soeur aînée. Jillian aurait pu avoir de tels mots de son côté aussi, évidemment, et elle se serait sans doute chargée de les fleurir davantage si elle avait été présente. « Elle n’a pas l’air facile, en effet. » Il n’aura pas de mots aussi durs envers la cheffe d’équipage qu’il ne connaît pas, évidemment, mais il tend plutôt naturellement vers l’avis de la jeune Siham, qui semble parler avec le cœur et qu’il observe avec une tendresse sincère. Il voit déjà en elle une alliée, au milieu d’un bateau rempli de personnes d’un standing bien différent, le genre qui n’accepterait jamais de se mêler à la plèbe et aux petites personnes. « Ne vous en faites pas pour moi. C’est à moi de vous servir et non l’inverse. Mais si vous donnez congés, je peux attendre, par ici… » Elle désigne un coin où elle pourrait attendre, tel qu’un objet qui n’attendrait qu’à être allumé au moment où on pourrait avoir besoin de ce dernier. Swann secoue la tête de droite à gauche, pas franchement à l’aise avec une telle idée. « Non, c’est stupide. » Il ne peut s’y résoudre, raison pour laquelle il lui serre tout de même un verre d’eau et le lui place entre les mains pour qu’elle ne puisse avoir le temps de refuser. « Tenez. » Elle ne l’aidera pas à défaire sa valise, ni à quoi que ce soit d’autre, et elle peut au moins se permettre d’attendre avec un peu d’eau, sur un fauteuil que Swann lui désigne de la main.

« On vous attend de l’autre côté ? »
« Non, pas vraiment, je… vous avez entendu ça ? »

Il s’apprêtait à partir dans un immense laïus au sujet de sa vie, le genre qu’il ne sait jamais arrêter assez tôt, mais le navire se mit à faire une bruit de tôle froissé, en même temps où ils sont tous bousculés sans que cela ne soit normal. Le verre de la jeune femme se renverse. « Vous qui avez l’habitude de ces trajets… c’est normal ? » Les sourcils froncés, sincèrement inquiet, il demande. Au fond, il connaît déjà la réponse et il ne l’aime pas le moins du monde.

Siham prenait le verre que venait de lui tendre Monsieur Swann, le remerciant d’un regard, à la fois pour ne pas l’avoir considéré comme un meuble et aussi pour lui avoir servie de quoi s’hydrater, chose qu’elle n’avait pas fait depuis qu’elle était montée à bord et pris son poste.
« Non, pas vraiment, je… vous avez entendu ça ? »
Tout en écoutant, elle s’apprêtait à boire sa première gorgée, elle renversa de l’eau sur son tablier. Elle avait bien entendu la même chose que le passager et surtout, le verre avait manqué de lui échapper des mains également, tant la bousculade ensuite fut déroutante. La jeune femme posa, par reflexe sa main contre le dossier d’une chaise, c’était surtout pour s’agripper à quelques choses, comme si elle allait tanguer à nouveau et perdre l’équilibre, et si tel était le cas, cette chaise n’y pourrait pas grand-chose d’ailleurs.
« Vous qui avez l’habitude de ces trajets… c’est normal ? » l’habitude ? Elle secoua la tête, elle n’avait absolument l’habitude de rien. « C’est mon premier voyage… » elle n’avait aucune idée si c’était pratique courante ou non. « Je peux aller vérifier. » elle se sentait comme obligée d’aller voir sa cheffe d’équipage pour se renseigner à ce propos. « Patientez, je reviens. » elle posa son verre sur la table, et avec le sentiment que quelques chose n’était pas normal, elle sortie de la cabine. Et alors, à peine dans le couloir, elle rentra à nouveau dans la chambre, claquant la porte derrière moi. Elle avait l’air terrifié. « Vous ne devriez pas sortir. » oh ni lui, ni elle d’ailleurs. Ce qu’elle avait vu, là, dehors, elle ne l’avait jamais vu auparavant. Elle était incapable d’expliquer à Monsieur Swann ce qu’elle venait de vivre.
On frappa à la porte, juste derrière l’oreille de Siham, le bois vibrait de tout son fort. Elle sursauta et fit un bond en avant« Au secours. » des cris retentissaient de l’extérieur et … « oh mon dieu… » par le hublot, devant ses yeux, un corps venait de passer par-dessus bord. « Des hommes périront sur ce navire. » des hommes, des femmes et des enfants…

« C’est mon premier voyage… » Alors elle n’en sait pas plus que lui et ils se retrouvent sans doute un peu bêtes à ne pas quoi savoir faire face aux mouvements du bateau, lesquels n’ont pas l’air d’être très justifiés. Swann commence à sentir la panique monter peu à peu en lui, et il ne sait pas comment arriver à la calmer et à expliquer à son propre corps qu’il n’y a rien de dramatique, justement. « Je peux aller vérifier. Patientez, je reviens. » Il pense à la retenir un instant mais n’en fait finalement rien, son regard posé sur la silhouette se faufilant à travers l’obscurité terrifiante du bateau. Quelque chose ne tourne pas rond, il en est désormais certain.

« Vous ne devriez pas sortir. » Elle a le regard d’une jeune femme terrifiée. « Pourqui ? Que se passe-t-il ? Parlez moi ! » Il n’est pas un enfant, il mérite de connaître la vérité à son tour, surtout alors qu’il ignore tout de la situation et semble être dans une cage dorée atypique. « Des hommes périront sur ce navire. » - « Siham cessez de parler de façon aussi alambiquée et dites moi ce qu’il se passe ! » Et déjà, une seconde secousse les fait tanguer à nouveau, assez sévèrement pour que Swann se retrouve violemment projeté contre le mur derrière lui. Quoique sonné, il n’en oublie pas moins les cris alentours et le danger apparemment imminent. « Prenez votre gilet de sauvetage. » Il ouvre tous les placards à la recherche du précieux sésame qui pourrait certainement leur sauver la vie. Il ne sait pas ce qu’il se passe, toujours pas, mais il arrive désormais à comprendre que c’est assez grave pour largement envisager d’évacuer le navire, ce qui est loin d’être le genre de traversée qu’il avait imaginé. Lui, comme toutes les autres âmes à bord sans doute.

« Pourqui ? Que se passe-t-il ? Parlez moi ! » Si seulement elle était capable de lui dire ce qu’il se passait dehors. Mais elle n’avait pas les mots, ni même la sensation d’avoir vu quelque chose de réel. Etait-ce une hallucination ? Ca y ressemblait, pourtant, elle avait vraiment l’impression que ce qu’elle avait vu, dans ce couloir, elle l’avait vu de ses propres yeux.

« Siham cessez de parler de façon aussi alambiquée et dites moi ce qu’il se passe ! »
Elle perdit l’équilibre, voyant le passager de cabine voler contre la paroie de la cabine, elle se rendit compte qu’elle, elle avait été rattrapée par la table qu’elle venait de prendre dans le flanc. Elle compressa la douleur de ses deux mains et s'assura surtout que Monsieur Swann n'avait rien de cassé. “Est-ce que vous allez bien?!” Elle se précipita à côté de lui.
« Prenez votre gilet de sauvetage. » Elle le voyait fouiller partout et dans la panique, n’était plus en mesure de lui rappeler où ils étaient rangés. Elle fit comme lui, ouvrant des placards vides, elle se souvint alors. “Sous le lit!” elle se baissa pour tirer les deux gilets de sauvetage, une chance que personne d’autre ne soit présent dans cette cabine, elle en aurait été privé. “Voilà Monsieur Swann.” elle lui tendit puis mis le siens.
Elle savait que rester enfermer dans cette cabine n’était pas une bonne idée, que tôt ou tard, ils périront, mais ils devaient prendre la fuite. “Je vous préviens, Monsieur Swann, il y a une créature dans ce bateau que vous n’auriez jamais imaginé croiser…” et, comme s’assurant qu’elle devait protéger son passager, elle passa en première dehors, pour s’assurer que la voie était libre. Malgré la panique des gens à bord, le couloir ne montrait plus aucun danger. “Par ici…” elle allait le guider sur le pont supérieur par les passages réservé aux équipages.

Au cœur de l'océan tumultueux de l'existence, et selon ses craintes, au cœur même de l'œil de la tempête, Swann se trouve à bord d'un bateau fragile qui n’ira sûrement pas jusqu’au bout de sa traversée. Lui, le bateau et la toute jeune Siham se retrouvent chahutés par les vagues qui les entourent. Tout autour d’eux, l'obscurité s'épaissit, enveloppant le navire comme une fourrure noire habille les créatures surnaturelles des contes pour enfants. A la seule différence qu’il est bien au fait de l’inexistence de ces contes, alors que l’agitation du navire éveille en lui une angoisse profonde, semblable à l'ombre du légendaire bunyip planant sur les eaux troubles et lointaines du bout du monde.

Dans ce naufrage de l'âme et des corps, le bunyip se matérialise comme une force indomptable de la nature, une créature insaisissable surgissant des abysses des tropeurs de la psyché humaine. Ses yeux luisent dans l'obscurité, reflétant les tourments de l'homme naufragé tandis que ses rugissements ressemblent aux hurlements du vent, emportant les derniers vestiges de son espoir naïf. Jusqu’au moment de le voir de ses propres yeux, il n’y croyait pas. Le bunyip, tel un spectre de la tourmente intérieure, incarne les peurs les plus profondes de l'homme, ses doutes et ses regrets, tout comme les vagues déferlantes menacent de submerger le navire fragile. Ses griffes acérées symbolisent les défis qui déchirent l'homme de l'intérieur, tandis que sa peau sombre et épaisse représente les secrets inavoués qui pèsent sur son cœur. Le tout représente désormais le cauchemar le plus achevé et réaliste de toute l’existence de Swann.

Au milieu de ce chaos, il continue de lutter, cherchant désespérément un abri contre la tempête intérieure. Le bunyip devient alors l'ombre de ses propres tourments, la métaphore vivante de ses luttes les plus intimes. Chaque cri du bunyip est un écho de ses propres cris silencieux, chaque mouvement de la créature est une réflexion de sa propre lutte pour rester à flot. Pourtant, dans cet océan de désespoir, l'homme découvre un éclair d'espoir. Le bunyip, malgré sa nature redoutable, devient le miroir de sa propre résilience. Dans les tourbillons de l'adversité, il trouve la force de regarder au-delà de ses propres peurs, de défier le bunyip intérieur et de trouver la lumière au milieu des ténèbres. Ainsi, l'homme naufragé et le bunyip deviennent des symboles entrelacés de la lutte humaine, de la capacité de l'homme à affronter ses peurs les plus profondes, à surmonter les tempêtes de l'existence et à émerger, en fin de compte, des eaux troubles de la désolation vers le rivage tranquille de la paix intérieure. Dans la nuit sombre, les masses se dessinent sous les orages, sans que quiconque puisse anticiper l’issue du combat.