Greta était allongée sur son lit, s’amusant à entortiller une mèche de ses cheveux blonds sur son index. La nuit perdurait mais cela ne l’inquiétait pas, elle était amoureuse. Et porter son dévolu sur une vampire lui permettait de s’assurer un peu plus de tranquillité que le reste du monde alors elle restait là, à rêvasser. Elles avaient élu domicile dans l’hôtel colonial et cela avait été assez aisé après que Cecilia ait dévoré le standardiste puis chaque client, les uns après les autres. Elle était affamée, et Greta se délectait de la voir revenir avec un sourire malicieux sur les lèvres et passer sa langue sur ses crocs brillants et pointus une fois les méfaits accomplis. C’était sa façon à elle de trouver le bonheur et puisqu’elle décidait de la garder en vie, la blonde partait du principe que l’accord était trouvé. Comment Greta pouvait-elle juger les repas de sa petite-amie alors qu’elle-même avait eu un en-cas très approximatif la nuit précédente ? Elle avait pénétré dans le garde-manger de l’hôtel et avait ouvert les immenses frigos : elle avait d’abord pris une baguette de pain de campagne qu’elle avait découpée dans le sens de la largeur. Ensuite, elle était venue y tartiner allègrement de la confiture de myrtilles - sa préférée - puis avait ajouté des cornichons, en n’oubliant pas de verser un peu du jus dans lequels ils étaient conservés sur l’intérieur de la baguette. Sur la couche supérieur, Greta s’était surprise à ajouter de belles tranches de fromage, de la tome réputée dans la région au goût prononcé. Puis elle avait saupoudré le tout avec un peu de paprika, de poivre en grain et de coriandre - alors qu’elle n’aimait même pas réellement ça.

« Tu perds tout ton charme quand tu rentres couverte de sang, tu le sais ça ? » Posée sur le rebord de la fenêtre, la chauve-souris donnait déjà les premières indications de ses derniers repas parce que son poil était maculé de sang. « Transforme-toi, bon sang, imagine qu’un chat passe par là … » Elle aurait l’air maligne, dévorée par un félin après avoir fait régner la terreur chez les humains et les avoir tous vidés de leur sang. « Qui as-tu mordu encore ? La voisine qu’on soupçonnait de sorcellerie ou l’alcoolique du pub ? Je te préviens que si c’est la seconde option, tu dors loin de moi, je supporterai pas l’haleine de whisky. » Cecilia riait déjà, et Greta retombait un peu plus sous son charme à chaque éclat de rire, malgré ce qu’elle s’efforçait de nier, comme si il pourrait arriver un jour où sa partenaire cesserait de planter ses crocs dans la jugulaire de n’importe qui. C’était embarrassant.

Elle était grisante, excitante, cette sensation d’avoir la vie d’une personne entre ses doigts et de sentir cette même vie quitter doucement son corps une fois que mes crocs avaient décidé de s’attaquer à sa nuque. J’étais parfois délicate. Parfois beaucoup moins. Mais chacune de mes victimes m’octroyait un plaisir indescriptible. Alors parfois je me demandais pourquoi et comment j’arrivais encore à épargner la blonde qui me faisait face. Plus d’une fois j’avais eu du mal à résister, l’instinct prenant occasionnellement dangereusement les devants sur les sentiments. Parce que oui. J’imagine que c’était ça finalement qui faisait que Greta n’était pas un nom de plus à ma longue liste de cadavres : un profond sentiment d’attachement. Ca ne me ressemblait pas pourtant. « Tu perds tout ton charme quand tu rentres couverte de sang, tu le sais ça ? » J’obéissais docilement non sans un sourire moqueur, les tâches de sang dont elle parlait étant à présent visible au coin de mes lèvres. « Alors déjà…je suis profondément vexée si tu penses que je pourrais me laisser avoir par un vulgaire chat. Et ensuite… » Je m’approchais doucement d’elle, mon sourire se faisant plus suggestif à chaque nouveau pas, jusqu’à ce je sois suffisamment proche pour venir frôler ses lèvres et y souffler : « Je sais que c’est ce petit côté ensanglanté qui ne te laisse pas indifférente. » Chacun son kink, non ? Je laissais mes lèvres glisser chaudement le long de sa joue pour finir leur course dans sa nuque. Je les sentais mes crocs qui ne demandaient qu’à sortir alors que mon cœur s’excitait en réalisant à quel point ses veines étaient proches de ma bouche. C’était un jeu dangereux. Auquel j’adorais jouer. Je n’étais juste jamais certaine de ne pas déraper. Pour l’heure je parvins à déposer un baiser au creux de sa nuque avant de daigner m’écarter, m’essuyant nonchalamment les lèvres pour effacer les traces de sang appartenant à ma dernière victime. « Aucun risque pour cette nuit donc. C’est l’option 1. Et je peux te confirmer que nos soupçons étaient fondés et qu’il n’y a rien de mieux que du sang de sorcière pour festoyer comme il se doit. » Un repas au-delà de mes espérances qui me permettrait de passer une nuit sereine sans risquer de vouloir me servir de Greta comme encas. Comme je n’avais plus besoin de dormir et que je passais parfois plusieurs heures à l’observer assoupie sereinement, je devais reconnaitre qu’il était parfois bien difficile de résister. « Je suis parfois déçue que tu ne puisses pas apprécier ces repas avec moi. Ce serait…romantique j’imagine ? » Il suffisait d’allumer une petite chandelle et la scène de crime devenait un parfait décor de comédie romantique, non ? « Comment est-ce que tu t’occupes de ton côté ? » Trouvait-elle des occupations aussi distrayantes que les miennes ? Avait-elle décidé de se lancer dans une exploration de l'hôtel ?

Peut-être que la tolérance devait s’étendre à toute forme de vie, même non-humaine, et Greta se répétait cela tout en réalisant la mauvaise foi dont elle faisait preuve. Elle s’était entichée d’une vampiresse, alors que le reste des humains les craignaient et voulaient leur mort. Elle cachait le pire des secrets, mais ses sentiments étaient bien plus forts que les regrets. Cela se vérifiait encore alors que Cecilia approchait d’elle, à pas de velours, ses lèvres s’étirant de plus en plus jusqu’à afficher un sourire carnassier. Mais elle n’avait pas peur.  Cette créature était belle, cette créature était différente des autres, cette créature dégageait quelque chose de spécial, cette créature était la sienne. « Alors déjà…je suis profondément vexée si tu penses que je pourrais me laisser avoir par un vulgaire chat. Et ensuite… » Le jeu du chat et la souris était pourtant vieux comme le monde mais Greta adorait la voir se sentir invincible.  « Tu es immortelle, Cecilia. Ça ne veut pas dire que tu n’as pas de faiblesses. » A l’image d’Achille et son talon, Cecilia ne pouvait rien contre un crucifix, de l’eau bénite ou même de l’ail, et sa vulnérabilité était semblable à celle de Greta en ce sens. Mais la plus grande des faiblesses de la blonde à ce moment précis, était la sensation de la respiration de la vampire dans le creux de son cou et de cette chaleur qui irradiait dans tout son corps. Elles étaient suspendues, pensant toutes les deux à ces deux désirs contraires qui les gagnaient - la soif et le plaisir. « Je sais que c’est ce petit côté ensanglanté qui ne te laisse pas indifférente. » Greta avait ricané, ce son s’étant mélangés à un léger gémissement. Cette torture s’était terminée en un baiser - et non une morsure - et Cecilia avait enfin essuyé ses lèvres dégoulinantes du sang d’un innocent. La pensée perturbait Greta, sa conscience lui disait de reculer, ses sentiments lui disaient de plonger. « Aucun risque pour cette nuit donc. C’est l’option 1. Et je peux te confirmer que nos soupçons étaient fondés et qu’il n’y a rien de mieux que du sang de sorcière pour festoyer comme il se doit. »  « J’ai tendance à oublier que tu ne dors pas. » avait-elle répondu en réalisant que les attaques de la blonde lui avait fait perdre pied quelques instants. « Je suis parfois déçue que tu ne puisses pas apprécier ces repas avec moi. Ce serait…romantique j’imagine ? » Un nouveau rire s’était échappé de ses lèvres. « Il y aurait une solution simple, tu le sais. » Mais l’idée de devoir se nourrir de ses semblables pour pouvoir profiter pleinement de cet amour la révulsait, alors elle avait agité les mains devant elle pour oublier ce qui venait d’être dit. « Comment est-ce que tu t’occupes de ton côté ? » Greta s’était approchée à nouveau. « Je pense à toi, souvent. Ca occupe pas mal de place dans mon esprit. » Elle la fixait, attendant un signe venant faire perdre un peu de cette froideur si significative chez elle. « Je lis, je me renseigne sur… ton espèce. Tu sais que tu pourrais te contenter de te nourrir d’animaux, pas vrai ? » Le rire qui avait suivi était diabolique, et Greta se haïssait de penser que c’était peut-être l’idée de flirter avec le Diable qui la rendait si faible face à la vampire. « Tu sais, j’ai peur que tu t’ennuies avec moi. Est-ce que tu réussiras à résister pour toute ma vie ? » La sienne ne connaîtrait pas de fin, pas tout de suite. Mais vu la passion de Cecilia pour le sang humain, si Greta en restait une, elle pourrait devenir une cible et elle ne pouvait lui cacher plus longtemps ses doutes.

« Tu es immortelle, Cecilia. Ça ne veut pas dire que tu n’as pas de faiblesses. » « Ma seule faiblesse c’est toi. » J’accompagnais ma déclaration hautement niaise d’un sourire quelque peu moqueur. Et pourtant cette remarque lancée avec humour avait une part de vérité. Je n’avais pas vraiment de pitié pour les gens qui m’entouraient. Encore moins quand j’avais soif. Et tout comme je ne craignais pas de tuer, je ne craignais pas plus de mourir (bien que plutôt certaine qu’il allait falloir être sacrément à ma hauteur pour ça). En revanche je ne m’expliquais toujours pas comment j’avais pu tomber sous le charme d’une humaine. C’était une évidence parfaitement irrévocable qui faisait que ma plus grande préoccupation à présent était aussi d’espérer qu’elle serait toujours en vie lorsque je rentrerais et qu’elle ne se serait pas faite attaquer entre temps. La crainte de ne pas être en mesure de la défendre me hantait. Et je savais parfaitement que les autres créatures extraordinaires qui arpentaient la ville n'étaient pas les seules menaces, mais que j’en étais bel et bien une aussi, malgré toute l’affection que je pouvais ressentir pour elle. Alors pour l’heure je préférais reléguer cette information aussi loin que possible pour plutôt jouer les fières provocatrices.  « J’ai tendance à oublier que tu ne dors pas. » Mh. Pas la partie la plus intéressante de ma journée quand je la passais à attendre qu’elle se réveille au lieu de partir chasser. Mais si l’ennui était la seule chose que j’avais à affronter pour pouvoir assurer sa sécurité le temps de quelques heures, alors j’étais prête à sacrifier n’importe quelle autre activité plus passionnante pour ça. « Il y aurait une solution simple, tu le sais. » Mes sourcils se froncèrent légèrement alors que je posais mon regard dans le sien pour tenter de sonder le vrai du faux. « Soyons honnêtes, tu le vivrais très mal non ? » Je ne l’imaginais pas devenir vampire. Pas plus que je ne m’imaginais la transformer. « Et c’est clairement pas un risque que je serais prête à prendre, surtout si la finalité c’est juste de pouvoir dîner ensemble. » Et qu’un risque était qu’elle devienne elle-même mon dîner avant d’avoir eu l’opportunité de se transformer si jamais je dérapais et n’étais plus en mesure de me contrôler. Une idée noire que je balayais bien vite pour ajouter : « A quoi bon quand il y a tellement d’autres choses qu’on peut déjà faire ensemble finalement… » J’affichais un sourire entendu pour appuyer mes propos et peut-être lui suggérer des idées d’activités pour ce soir. « Je pense à toi, souvent. Ca occupe pas mal de place dans mon esprit. » Oh. Elle aussi savait jouer dans le niais finalement. Elle était parvenue à m’arracher un sourire attendri, ce qui était suffisamment rare de ma part pour que la performance mérite d’être applaudie. « Je lis, je me renseigne sur… ton espèce. Tu sais que tu pourrais te contenter de te nourrir d’animaux, pas vrai ? » Difficile de cerner le vrai du faux avec elle. Je n’avais pu m’empêcher de répondre spontanément : « Il y a ce que je peux faire, et ce que j’ai envie de faire. Ce sont deux choses très distinctes. » Elle n’avait pas soif d’animaux. C’était la chasse, la peur, la détresse humaine qui me nourrissaient mieux que n’importe quel animal. Et puis… « Et même si j’acceptais de faire ça, ça m’affaiblirait de façon importante. Je serais bien moins efficace pour te protéger, et ça ça n’est pas une option. » Je ne pouvais pas faire preuve d’une quelconque tempérance quand les autres créatures autour de nous étaient plus fortes que jamais. « Tu sais, j’ai peur que tu t’ennuies avec moi. Est-ce que tu réussiras à résister pour toute ma vie ? » Mon expression se fit un peu plus grave alors qu’elle mettait le doigt sur ce qui me terrifiait. « Je n’envisage pas un seul instant la possibilité d’un jour m’ennuyer avec toi. Ni de toi. » En revanche, en ce qui concernait la suite de sa question… « Mais je reconnais que j’ai souvent peur que mon instinct reprenne le dessus sur tout le reste. » Je fis un pas hésitant dans sa direction puis me stoppais quelques secondes pour l’observer avant de réduire la distance qui nous séparait. Ma main vint se poser délicatement derrière sa nuque alors que mes lèvres s’en approchèrent doucement pour y déposer un baiser. Reculant quelque peu mon visage pour pouvoir plonger mon regard dans le sien, j’ajoutais : « Mais je crois pouvoir dire sans trop me tromper que je me débrouille pas trop mal niveau self control jusqu’à présent. » Il suffisait simplement de continuer sur cette bonne lancée.

« Ma seule faiblesse c’est toi. » Greta avait laissé s’échapper un rire de ses lèvres, non pas pour se moquer d’elle, parce que ce n’était pas quelque chose que Cecilia lui autoriserait à faire, mais plutôt pour venir souligner la rareté de son propos. Elle aurait voulu lui voler un baiser mais à la place, elle avait répondu à ses regrets de ne pouvoir partager de dîners avec elle. « Soyons honnêtes, tu le vivrais très mal non ? » Elle avait haussé les épaules, ne réalisant probablement pas l’ampleur de ce qu’elle était en train d’évoquer. Ce qu’elle vivait mal à présent, c’était cette énorme différence qui creuserait un fossé entre elles un jour ou l’autre, inévitablement. « Et c’est clairement pas un risque que je serais prête à prendre, surtout si la finalité c’est juste de pouvoir dîner ensemble. » Greta avait levé les yeux au ciel. « Tu sais bien que c’est pas la seule finalité, Cece. J’en ai assez d’être semblable à un objet fragile entre tes mains. » A chaque étreinte, elle pouvait lui briser les os, à chaque baiser, elle pouvait déraper et la vider de son sang. « A quoi bon quand il y a tellement d’autres choses qu’on peut déjà faire ensemble finalement… » Et en un instant, avec un sourire bien trop suggestif pour que Greta n’en ressente pas les effets immédiatement au plus profond de son être, Cecilia avait balayé sa frustration.

Et elles avaient eu une énième discussion sur la façon dont la blonde pourrait épargner les vies humaines. « Il y a ce que je peux faire, et ce que j’ai envie de faire. Ce sont deux choses très distinctes. » « Pourquoi c’est différent avec moi ? » Elle s’interrogeait sur la façon dont elle était passée de casse-croûte à amante, sans réellement se l’expliquer. Cecilia aurait peut-être la réponse, venant la rassurer sur sa mortalité qui était bien plus palpable au contact d’une vampire. « Et même si j’acceptais de faire ça, ça m’affaiblirait de façon importante. Je serais bien moins efficace pour te protéger, et ça ça n’est pas une option. » Et encore une fois Greta devenait cet animal sans défense, une position qu’elle haïssait de plus en plus. « N’y-a-t-il donc pas de code chez les vampires ?  » Quelque chose qui interdisait à ses compatriotes de sucer le sang de sa petite-amie, par exemple. « Je n’envisage pas un seul instant la possibilité d’un jour m’ennuyer avec toi. Ni de toi. » avait-elle répondu quand Greta s’était inquiétée de l’avenir et de son sort. Et en plantant son regard dans le sien, elle avait craint les prochaines paroles qui allaient arriver. « Mais je reconnais que j’ai souvent peur que mon instinct reprenne le dessus sur tout le reste. » Elle savait que Greta s’apprêtait à rétorquer alors elle avait éteint sa volonté de débattre en un baiser qui avait au contraire réveillée une toute autre ardeur. « Mais je crois pouvoir dire sans trop me tromper que je me débrouille pas trop mal niveau self control jusqu’à présent. » Elle jouait avec elle, non pas comme une proie, et Greta adorait cela au point d’en oublier ses craintes. « Tu sais que moi je n’aurais aucune culpabilité à laisser parler mes pulsions. » Et elle gardait son front sur celui de la vampire, ses lèvres venant chuchoter tantôt sur les siennes, puis dans son cou, malgré un désir qui ne se manifestait pas si visiblement sur la peau froide de Cecilia. « Je sais que tu te contrôles, tout le temps. Mais c’est ça le problème, j’aimerais que tu puisses le perdre parfois. » Pour s’accorder un réel moment à deux et être sur un pied d’égalité, ne pas voir Cece se mettre des barrières pour éviter de voir Greta souffrir de ses gestes. « Je vais commencer à croire que je ne suis pas appétissante. » Son sourcil arqué et son sourire étaient venus ajouter à la provocation de ses mots.

Greta se tenait là, à quelques pas de moi, ses paroles résonnant dans la pièce. « Tu sais bien que c’est pas la seule finalité, Cece. J’en ai assez d’être semblable à un objet fragile entre tes mains. » Je la scrutais, mon regard acéré tentant de déchiffrer cette énigme vivante qui me faisait face. Ma main se perdit dans mes cheveux, accompagnée d'un sourire désabusé. "Je comprends. Et je préfèrerais que tu te sentes autrement mais on n’a pas de solution à ce problème pour l’heure. Je reste malheureusement avant tout un danger pour toi. » Le silence s'abattit entre nous, chaque mot pesant comme une enclume sur nos épaules. « Pourquoi c’est différent avec moi ? » Bonne question. Si seulement je le savais. « Je peux te retourner la question…à moins que tu ne sois du genre à t’éprendre du premier monstre venu ? » Une façon comme une autre d’éviter sa question avec humour en la mettant face à ses propres incohérences. Pourquoi et comment en étions-nous arrivées là ? Je l’ignorais. Et elle aussi. On était dans une impasse et on allait certainement y rester bloquées un certain temps. Si je parvenais à me contrôler et à la protéger, que se passerait-il quand Greta commencerait à prendre de l’âge ? Elle finirait par quitter ma vie à un moment ou l’autre, que je le veuille ou non. Et pour l’heure la seule solution que j’avais trouvée face à ce problème c’était le déni.
La blonde me fit sortir de mes pensées et de cette impasse en me demandant s'il existait une quelconque sorte code parmi les vampires. Qu’espérait-elle exactement ? « Genre une éthique vampirique ? » C’était beau d’espérer, mais la suggestion me fit sourire tristement. « Non. On est juste des créatures sans aucun self control et sans états d’âme. » Et moi tout comme les autres.
Cette discussion commençait sérieusement à me faire paniquer et venir la chercher sur un terrain plus sensuel était pour moi la solution de facilité pour couper court au débat. Et aussi parce que j’aimais ce terrain plus que tout. Greta, provocatrice et sensuelle, répondit à mon plus grand bonheur au petit jeu que je venais de lancer. Elle m'attira encore plus près et murmura, « Tu sais que moi je n’aurais aucune culpabilité à laisser parler mes pulsions. » Mes lèvres glissant à leur tour le long de son cou, je vins étouffer un léger rire au creux de sa nuque. Un sourire mutin dansa sur les lèvres de Greta. « Je sais que tu te contrôles, tout le temps. Mais c’est ça le problème, j’aimerais que tu puisses le perdre parfois. Je vais commencer à croire que je ne suis pas appétissante. » Je l'attirais contre moi, le désir parlant à ma place, et lui chuchotai à l'oreille, « Au contraire, ma chère, tu es l'essence même de la tentation. Et si tu veux jouer, je suis plus que prête à m'abandonner à nos désirs. » Je sentais son cœur battre que ma poitrine, déchirée entre le bonheur que cela me procurait et la frustration du fait que je réfrénais difficilement des élans morbides que ma nature me faisait concevoir sans difficulté. Mais ça n’était pas ce soir que le dérapage aurait lieu. Pas alors que chaque caresse, chaque baiser, renforçait ce lien étrange qui nous unissait. Enfin ça, c’était dans le meilleur des mondes. Dans la réalité, je sentis mes canines faire leur apparition dans un baiser un peu trop passionné, provoquant un brusque mouvement en arrière de ma part. « Putain ! » A la fois énervée, triste et frustrée, je me tournais de façon à être dos à la blonde. « Excuse-moi. » J’avais envie de partir. De fuir aussi loin que possible pour la mettre en sécurité. Pourquoi la protéger des autres quand le plus grand danger au quotidien était ma personne ?

Si Greta avait d’abord eu peur de l’éclipse, sa fascination pour les vampires avait connu un tournant lorsqu’elle avait croisé cette femme, élégante et mystérieuse, à qui elle n’aurait prêté aucune mauvaises intentions. Et découvrir que c’était bien son appartenance au monde des créatures de la nuit qui l’attirait tant avait d’abord été déroutant puis délicieusement fascinant. Alors elle acceptait, avec une pointe de culpabilité, de subir les effets de cet amour interdit.  "Je comprends. Et je préfèrerais que tu te sentes autrement mais on n’a pas de solution à ce problème pour l’heure. Je reste malheureusement avant tout un danger pour toi. » Et elles tournaient en rond, parce que revenir au problème donnait envie à Greta de lui proposer la même solution, encore et encore. Si elle était une créature avide de sang et sans aucun états d’âme alors que diable faisait la blonde ici, face à elle, à brûler de désir ?  « Je peux te retourner la question…à moins que tu ne sois du genre à t’éprendre du premier monstre venu ? » Elle avait osé un rire, alors même que la discussion se voulait plus sérieuse qu’elle ne semblait, malgré les tentatives de Cecilia pour détourner Greta de son objectif. « Ça fait partie des caractéristiques de votre espèce, de faire perdre la raison aux humains. Et toi, t’as juste le physique en plus. » Elle adorait la façon dont ses yeux se paraient d’une couleur rouge vif et dont sa langue parcourait la pointe de ses crocs lorsqu’elle la provoquait, alors elle abusait de cette formule. « Genre une éthique vampirique ? » « Épargne moi les moqueries et réponds… » avait-elle dit en levant les yeux au ciel sans être réellement agacée. « Non. On est juste des créatures sans aucun self control et sans états d’âme. » Et sa franchise avait parfois quelque chose d’inquiétant, parce qu’elle ne niait jamais être une vampiresse assoiffée de sang qui pouvait faire d’elle son repas si son contrôle venait à être perdu. C’était peut-être suicidaire, alors, de faire un pas de plus, de venir attiser cette femme dont la peau ne se réchauffait jamais. « Au contraire, ma chère, tu es l'essence même de la tentation. Et si tu veux jouer, je suis plus que prête à m'abandonner à nos désirs. » Greta ne parlait plus, elle agissait puis profitait de ces lèvres contre sa peau, qui elle, changeait immédiatement de température. Mais la chaleur s’était transformée en une vive douleur, et elle avait immédiatement compris. « Putain ! » Avant que Greta n’ait pu avoir la moindre réaction, les réflexes de Cece l’avaient déjà amenée plus loin d’elle. « Excuse-moi. » Greta avait baissé les yeux, en passant une main dans ses cheveux pour dévoiler la plaie, insignifiante. « Tout va bien. Je suis faible à côté de toi, mais pas autant. » Elle était consciente que tenter de minimiser l’incident n’aurait aucune valeur aux yeux de là vampire mais elle essayait par peur de la voir disparaître. « C’est pas grave, on doit arrêter d’en vouloir plus quand on sait que c’est impossible. » avait-elle dit avec une tristesse dans la voix, consciente que Cecilia refuserait de changer de position concernant une éventuelle transformation. « Je dois partir le temps que la plaie guérisse ? » avait-elle demandé voyant les yeux changeant de là vampire à la vue du sang.

« Ça fait partie des caractéristiques de votre espèce, de faire perdre la raison aux humains. Et toi, t’as juste le physique en plus. » Elle parvint à m’arracher un sourire malgré la gravité de la discussion. Cette éternelle discussion auquel il était absolument impossible de trouver une solution, si ce n’était un profond déni de la situation. Remettre nos problèmes à demain nous avait plutôt bien réussi jusqu’à présent, alors pourquoi ne pas continuer sur cette lancée ? « Oh mon dieu Greta. T’es en train de me dire que t’es avec moi seulement pour mon physique ? » Je pris un air exagérément outré quand bien même j’étais la première à reconnaitre que son physique à elle n’était pas pour rien dans mon envie de la garder auprès de moi. En vie. Mais au même titre que son caractère bien trempé, ses remarques acerbes qui savaient me piquer comme il fallait et ce tout qui avait fini par faire naître des sentiments qui allaient contre ma nature. Des sentiments, mais aussi un désir qu’il était toujours difficile de refreiner quand je posais mes yeux sur elle. Et ce désir-là, je savais qu’il n’était pas seulement du au sang qui coulait dans ses veines ; ce sang si proche de moi quand je l’avais dans mes bras. Cette tentation meurtrière à laquelle je parvenais à résister…ou tout du moins c’est ce que j’imaginais. Mais mon instinct avait fini par prendre le dessus. Ca n’était qu’une question de temps avant que cela arrive et ne nous ramène à une réalité brutale, violente, et sanguinolente à en croire le liquide chaud qui coulait maintenant contre la peau de Greta. Je l’entendais tenter de me rassurer mais j’étais aussi en proie à une profonde lutte intérieure entre ma culpabilité qui m’avait fait reculer jusqu’à la fenêtre, et mon irrépressible envie de goûter son sang. J’avais peur. J’avais soif. Je me dégoûtais. Et je n’arrivais clairement pas à faire la part des choses entre ces différents sentiments. « Je dois partir le temps que la plaie guérisse ? » Je l’observais de longues secondes, tentant tant bien que mal de conserver cette distance de sécurité que je nous avais imposée. C’est finalement après un long soupir que je finis par baisser les yeux pour répondre d’une voix profondément triste : « Non, toi tu n'as rien à faire. C’est moi qui dois partir. » Je ne lui laissais pas le temps de s’opposer à cette décision unilatérale et je profitais de sa confusion pour me transformer à nouveau et filer par la fenêtre, non sans lui jeter un coup d’œil une dernière fois.