freak on a leash
Spencer Blackwell & @Mac Sutherland  

T’as la dalle et t’arrêtes pas d’y penser, c’est plus fort que toi. Chaque humain que tu croises, tu le fixes d’un air mauvais jusqu’à les perdre de vue, imaginant le goût de leur sang, tout ça pour finir toujours plus frustrée par ta situation. T’en connais plus d’un qui n’aurait pas hésité à faire un massacre par pur esprit de vengeance et de provocation, mais à quoi bon ? Se salir pour rien, gâcher sans pouvoir en profiter pleinement, c’est inutile au possible. Pire même, c’est le genre de connerie qui risque d’attirer l’attention des chasseurs et la dernière chose dont tu as besoin, c’est qu’ils viennent mettre leur nez dans tes affaires. C’est pas faute d’avoir demandé de l’aide, d’avoir essayé tout ce qui était en ton pouvoir pour remédier à ta condition plus que fâcheuse, mais rien ne semble être suffisant. Tout ce que tu as gagné, c’est que tu vas passer pour une faible auprès de tes pairs et t’es à peu près sûre qu’ils se moquent de ton sort.
Tes yeux se posent sur un chat noir qui se pavane au bout de l’allée et tu serres la mâchoire, peinée à l’idée qu’il puisse devenir ton prochain repas. C’est idiot, tu n’as jamais eu autant de remords lorsqu’il s’agissait de te servir sur des personnes, mais t’as du mal à l’idée de faire subir un sort pareil à un animal sans défense. Adoptant la voix la plus douce possible, tu t’accroupis en tendant la main vers le félin, essayant d’attirer son attention en le hélant et en faisant en sorte de paraître la plus bienveillante possible pour ne pas l’effrayer. Forcément, tu n’as aucune envie d’en arriver là, d’autant plus que ça ne sera absolument pas suffisant pour te rassasier et tu en as parfaitement conscience, mais c’est pas comme on te laissait le choix. A mesure que le chat approche, de moins en moins méfiant, tu t’impatientes jusqu’à ce qu’il soit juste là, à ta portée ; il te frôle la main et tes doigts sont à ça de se refermer sur sa fourrure, mais un bruit résonne soudainement dans la ruelle, faisant sursauter puis fuir l’animal. Te redressant rapidement, tu pestes en cherchant l’origine du son, prête à faire un massacre pour punir l’imbécile qui t’a privé de ton repas, aussi frugal soit-il. Et la voilà, l’autre, qui sort de la pénombre, se croyant sûrement maligne de débarquer comme ça. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Tu craches à moitié, le regard incendiaire à l’idée d’avoir été interrompue, surtout par quelqu’un dans son genre. « Ce n’est vraiment pas le moment. » Y a pas vraiment de bon moment pour ce type de rencontre, à vrai dire, généralement ça se termine toujours mal. Clairement, tu n’as pas non plus la patience de jouer ou de répondre à de quelconques formes de provocations, pas alors que tu es toujours aussi affamée. « Va jouer ailleurs, tu veux ? » Ca ne te coûterait pas plus cher d’être un peu agréable, mais t’as pas envie de faire l’effort, ce soir, t’es pas là pour t’amuser.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

Il y a des jours où on se réveille de mauvaise humeur, avec un mal de crâne tonitruant du genre perceuse dans les tempes, une sueur incontrôlable et une faim qui tenaille aussi fort qu’une envie de vomir persistante. Pour moi, ces jours-là, ils sont quotidiens. C’est un enchaînement de tortures, de la lumière qui cogne et réveille jusqu’à la bile acide qui remonte et m’étreint la gorge sans que je puisse m’en débarrasser. Maman dit que c’est normal à mon âge : on est en plein changement, tout le temps, il faut le temps que la coquille qui nous sert de corps s’accommode de ce qui cherche à la remplacer, c’est une lutte constante pour une dominance à laquelle on ne comprend rien et sur laquelle il ne faut surtout pas essayer d’influer. Mais je sais que c’est faux ; autant que je le savais il y a dix ans, quand on a commencé à m’en parler. Parce que Papa, il vit toujours ça au quotidien ; Papa se réveille toujours avec ses crampes et son mal de crâne dont il ne se débarrasse jamais vraiment, parce que Papa n’a jamais réussi à se transformer complètement. Et moi, je n’ai aucune idée de si j’y arriverai un jour.

Je préfère le prendre du bon côté : au moins, je suis davantage assimilée auprès des humains que les miens. Je n’ai aucun mal à contrôler mes transformations ; au contraire, c’est plus handicapant d’essayer d’y rentrer que de les retenir. Je suis moins détectable, moins dangereuse ; moins aimée, aussi, mais moins haïe également. Et aujourd’hui, c’est le genre de choses qui ne se négligent plus autant qu’avant.
Le pire effet, ça reste la faim. La faim constante, la faim qui m’avale avant que moi je ne puisse y faire quoi que ce soit. L’absence totale de satiété, quoi que je mette dans mon ventre - putain, à quelle époque ça a pu me suffire, un pauvre steak et deux pennes ? A quel moment ai-je commencé à avoir besoin de trois, puis huit kilos ?

J’ai toujours mal au crâne, quand j’enfile mes bottes les plus moches pour sortir. Personne ne verra, ceci dit ; j’ai mis tant de temps à me convaincre de sortir du lit qu’il fait déjà nuit. Mes pairs sont soit endormis, soit de garde autour de notre îlot de maisons ; personne ne fait attention à moi, sinon Eugene qui me fout un gentil coup de pied au cul pour me dire de ne pas tarder. Je m’enfonce dans les ruelles, à défaut d’avoir la forêt à proximité. Wickham m’accueille avec son silence assourdissant habituel, ses rues d’habitudes vomissantes complètement vidées à la tombée de la nuit. Les gens nous évitent toujours, autant qu’on reste aussi loin d’eux que possible : aucune envie d’être associés aux vampires, pas plus que d’être surpris en train de se gratter le cul sur le crépi de l’avenue centrale. Je m’attends donc à une tranquillité exquise, le genre qui me laissera au moins péter une vitre de charcuterie sans témoins, et je crois presque me l’être octroyée jusqu’à ce qu’un miaulement m’attire et me sorte de mes pensées. Cette voix, ce timbre, je le reconnais immédiatement ; je l’ai assez apprivoisé pour me sentir autorisée à donner un petit coup dans une poubelle pour signaler ma présence quelques mètres derrière.

Bien sûr que tu sautes, tu flippes, ton nez se fronce, je pue, blablabla. Je le connais, l’attirail que tu vas me sortir, j’ai le même à la maison ; mais rien ne sort, cette fois, sinon une protestation colérique à hauteur de ta faim, du moins j’imagine. « Quoi, tu crois que je suis là pour toi ? Ne te flatte pas trop, non plus. » Le chat décampe avec le même nez froncé que toi ; à croire que vous avez le même dédain pour l’odeur canine. Chien mange pas chien, comme qui dirait ; tu as l’air d’être passée à côté, pourtant, parce que tu semblais prête à bouffer ce chat. « C’est celui du postier », je t’informe comme si t’en avais quelque chose à foutre dans ton état, « si tu l’avais bouffé t’aurais déclaré une guerre ouverte, donc tu devrais me remercier. » On l’a toujours soupçonné d’être un chasseur ; son chat, en tout cas, il nous aurait cramées en deux secondes. Mais je doute que ça t’apaise, vu ton air profondément désespéré : « Ben mince… T’es vraiment dans la merde, pour t’abaisser à ça », j’observe, utile comme à mon habitude. Je suis la plus mal placée pour me moquer : moi aussi, je l’aurais bouffé, si ma peau était moins vulnérable à ses attaques. Mais ça non plus, je n’en ai pas hérité. Il faut croire que ma puanteur en-dessous de la moyenne et ma jambe handicapée rafistolée sont mes seuls traits familiaux hérités. Je m’apprête à me retourner, soudain consciente que notre inimitié naturelle ne sera certainement pas un obstacle à ce que tu me tues, si la faim était vraiment trop forte ; puis je reconsidère, entendant mon propre ventre : « T’sais quoi, on a qu’à chasser ensemble. » On en a tué pour moins que ça, niveau propositions audacieuses. Je tente, quand même. « T’as l’odorat, moi j’ai les griffes. Et j’ai dormi cette nuit… ‘Fin, ce jour. » Coup de menton appuyé en direction de ta peau palote (même pour tpi) et de tes cernes dégueulasses (malgré l’âge figé). « On partage, après. 70/30. Ou 60/40, si vraiment t’as faim. J’préfère que tu bouffes ma portion plutôt que tu me bouffes moi. »

La modiste n’arrivait plus à trouver le sommeil depuis des jours maintenant. Tournant sans cesse en rond, l’esprit trop occupé par les commandes qui s’accumulent encore et encore. Elle n’a plus une seconde pour elle, c’est peut-être ce qui l’empêche de trouver le repos nécessaire. La nuit est longue pourtant et n’a visiblement de cesse de vouloir exister. Un drôle d’euphémisme donc pour quelqu’un qui n’aime pas l’obscurité. Mais pour ne pas finir dingue, même si Olive constate que la ligne est très fine, elle décide de sortir, de prendre l’air, de voir les choses sous un autre œil finalement. Ce n'est pas la première fois qu’elle affronter l’éclat argentée de la lune, mais ça lui fait pourtant toujours un drôle d’effet. Elle n’est pas habituée à ces changements, à comprendre comment son corps fonctionne maintenant et ce qu’il y a de si différent hormis la couleur de ses yeux. Elle n’est pas à l’aise et si on est assez curieux, cela se voit aux premiers coups d’œil. Pourtant, elle tente de se faire le plus discrète possible, davantage quand elle traverse les rues pavées de la ville de Brisbane. Cette sensation elle ne lui plait pas, mais elle n’arrive pas à s’en débarrasser, c’est comme un truc qui lui colle au corps tous les jours durant. Peut-être qu’un jour elle finira par s’y faire, et elle l’espère sincèrement, mais demain est une autre histoire et elle se répète cela sans cesse. On ne se fait jamais vraiment au fait de devenir quelqu’un d’autre du jour au lendemain. La petite boule dans son ventre grandit au fur et à mesure qu’elle passe les avenues. Pourtant, tout manque de vie autour d’elle, les autres sont trop effrayés pour pouvoir sortir de chez eux. Elle le comprend Olive, elle-même n’est pas complétement à son aise quand les monstres de la nuit règnent, mais elle ne va pas non plus s’empêcher de vivre pour un mangeur d’ail ou pires. Hors de question. Ce sont pourtant les voix qui s’élèvent doucement et qui se rapproches qui la font se stopper net. Visiblement, elle n’est pas aussi seule qu’elle le pensait, erreur de débutante. Olive, elle retient sa respiration pour ne pas se faire remarquer, ne sachant pas sur qui, ni quoi elle pourrait tomber. Il valait mieux rester discrète que de risquer sa vie. Un pas après l’autre, elle se rapprocha des voix. La curiosité la tuera un jour, elle en était persuadée, mais il valait mieux ça que les crocs d’un loup ou pire. Elle tend l’oreille pour mieux entendre l’échange entre ce qu’elle repère être deux jeunes femmes. Elle n’a pas idée dans quoi elle vient de mettre les pieds, et il sera sûrement temps de déguerpir aussi vite qu’elle est arrivée, mais le vent est en sa faveur. Elle peut rester encore quelques minutes sans qu’on ne devine sa présence. Olive se positionne pour observer le reste de la scène avant que les deux créatures ne passent à autre chose. Attentive à ce qu’elles pourraient être jusqu’à ce qu’elles soient hors d’atteinte de ses oreilles commères.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland  

D’aussi loin que tu te souviennes, tu as toujours aimé les chats, de ton vivant, fascinée par les petites créatures aux corps graciles et l’agilité dont ils faisaient preuve. Malheureusement pour toi, la famille pour laquelle tu travaillais et chez qui tu logeais n’aimait pas ça, leur idiot de fils les chassait à coups de lance-pierres parce que ça le faisait rire et plus tu protestais, plus il le faisait. Tu te rappelles encore de la fois où la vieille voisine d’en face est venue frapper à la porte, la mine déconfite en demandant si, à tout hasard, personne n’avait vu Dandy, son vieux chat. Le gamin a répondu que non, mais que si quelqu’un lui avait fait quelque chose, c’était probablement toi. Ce petit con t’as toujours pointée du doigt en te traitant de sorcière juste parce que tu ne te pliais pas en quatre pour ses beaux yeux. La vérité, c’est que c’était lui, le responsable de la disparition de ce pauvre Dandy ; tu ne l’as pas vu faire et tu n’as jamais eu confirmation, mais tu le savais et ses parents aussi.
Alors ça te brise un peu le coeur, de devoir t’abaisser à sacrifier les félins domestiques que tu trouves juste pour pouvoir continuer à exister. Pourtant ce soir, celui du postier aura eu la chance d’être sauvé par une intervention providentielle pour lui, et frustrante pour toi.
En temps normal, tu n’es pas sans t’amuser lors de ces rencontres impromptues. Malgré les piques habituelles dûes aux conventions standards mises en place par des siècles de rivalité entre sacs à puces et suceurs de sang, c’est plus pour le sport que pour autre chose. Devant tout le monde, tu fais semblant de la détester, tu plisses le nez en prétendant que l’odeur naturelle des lycans te révulse quand réellement, ce n’est pas si pire que ça et ça t’indiffère même au possible. Si tu te méfies de ceux que tu ne connais pas, avec elle cependant, c’est différent. Ça relève du jeu, de la joute verbale qui se termine par des menaces à la volée en mode “la prochaine fois je t’exsangue” ou ce genre de chose, le fait est que ça n’arrive jamais et que tu doutes que ça se produise un jour. Encore que, maintenant que tu ne peux plus te servir chez les humains, peut-être que ton instinct reprendra le dessus et que tu finiras par te laisser tenter. Tu réprimes un rictus amusé en roulant des yeux dans la pénombre, te tournant pour lui faire face dans l’allée. La distance de sécurité est toujours là, par pure précaution pour l’une comme pour l’autre. « Moi qui pensais que tu ne pouvais plus te passer de moi, tu me blesses. » Tu minaudes en prenant l’air de rien. Ton regard se porte brièvement vers l’endroit où a disparu le fichu chat et tu soupires, l’air visiblement agacée. « Tu devrais te mêler de tes affaires, surtout. » La dernière chose dont tu aies besoin, c’est d’être jugée par un foutu loup-garou, surtout lorsque tu l’entends gargouiller même de là où tu es. Tu réprimes un sourire amusé, croisant les mains dans le dos tout en approchant d’un pas ou deux. « Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas une ruse ? » Chasser ensemble, quelle drôle d’idée. C’est un coup à se retrouver dans une situation plus que fâcheuse et de ne pas pouvoir s’en extirper. Mais en même temps, tu désespères un peu alors tu n'es plus à ça prêt. « Mais allez, admettons que j’accepte, tu as une idée en tête sur ce que tu comptes manger ce soir ? » A la réciproque, tu préfèrerais que ça ne soit pas toi. Encore que, tu n’es pas tout à fait certaine d’être au goût de ta camarade d’infortune, paraît-il que c’est plutôt sec sous la dent, le vampire. L’idéal pour vous deux serait probablement de mettre la main sur un cheval, t’imagines que ça sera suffisant en terme de bouffe pour deux. « Et on fait 50/50. » Clairement, un 60/40 comme elle a demandé serait suffisant pour toi, mais tu préfères faire semblant de négocier histoire de l’emmerder.

(Le petit lancer pour la mauvaise rencontre plus tard )
win - Super, des chasseurs, il va falloir s’entraider pour s’en sortir. Bluff ou bagarre, ça reste à voir.
so close - Un groupe de vampires viendront les interpeller.
fail - Ce sont des lycans qui vont venir faire les mariolos.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

« Euh bah… » Qu'est-ce qui indique que ce n'est pas une ruse, tout ça ? J’y réfléchis, à une façon de montrer patte blanche, parce qu’a priori, il n’y en a aucune : ce serait typique d’un loup-garou de tendre un piège à un suceur de sang et vice-versa, ça a toujours été comme ça et il n’y a aucune raison d’aller à contre-courant. Même une alliance temporaire pour pallier à la détresse, c’est peu entendu. Du coup, je ne trouve rien de mieux à faire que de te retourner la question : « Pourquoi ce serait une ruse ? » J'ai conscience que ce n'est pas une preuve, mais je sens aussi que la question n'est posée que pour la forme, et que tu es trop désespérée pour risquer de tourner le dos à l'opportunité pour repartir seule. On a besoin l'une de l'autre, ce soir, aussi malheureux que ce soit. Tu risques plus que moi, je le sais : je ne suis même pas considérée comme la moitié d'un membre de la meute. « Le fait que j’ai autant la dalle que toi, par exemple », j'ajoute, me voulant utile en te simplifiant la tâche. Comme pour assurer mes mots, mon ventre gronde à nouveau jusqu'à emplir la ruelle. J'ai raison pourtant : tu cèdes déjà, parce qu'une hypothèse c'est déjà un demi consentement, et je sens mes épaules se relâcher d'elles-mêmes. « J'allais à la charcuterie, mais je suppose que ça te conviendra pas. » Je grimace. C'est frustrant pour moi aussi, mais c'est la seule solution pérenne que j'ai trouvé pour me nourrir sans m'exposer. Certes, c'est du vol, et ça inquiète autant les officiels de la ville que le ferait un massacre dans une ferme à l'orée du centre, mais au moins je ne vais jamais jusque-là – et c'est moins chiant que d'aller courir dans la forêt pour trouver ma sustenance. Aujourd'hui, cependant, ça semble bien parti pour. « 50/50, si t'y tiens. Je te préviens, par contre, je bute pas d'humains. Tu te démerdes. » Vu que t'avais l'air tentée de sauter sur un chat, tu feras sûrement pas la difficile, mais je préfère réaffirmer mes principes avant que tu me la fasses à l'envers.

« Bon, écoute, si j'étais seule j'aurais été choper un truc dans une ferme ou un haras, un animal qui disparaît c'est jamais dramatique. Mais là… »

Je commence à marcher, un peu plus détendue, mains dans mes poches et nez en l'air plutôt que rivé au sol. Ce n'est pas tant que ta présence me rassure, mais c'est toujours moins angoissant, d'être avec quelqu'un. Quelqu'un qui possède deux fois ma force et moitié moins de scrupules à tuer, surtout. « On peut tenter la forêt, si tu veux. Ce sera moins cramé. » Je me demande si vous avez aussi peur des humains que nous, si vous craignez les représailles à chaque mort malheureuse, si tout animal disparu vous est remis sur le dos et devient prétexte à persécution plus forte. « Et t’inquiète, on ira pas dans un endroit où y a la meute, promis. » La meute. Pas la mienne. On continue à évoluer dans la ruelle, drôle de duo qui s’extirpe du centre-ville pour trouver un casse-croûte plus conséquent qu’un chat famélique ou une tranche de jambon suspendue et assaillie par les mouches. « Hé, depuis quand tu chasses autre chose que des humains, d’ailleurs ? »

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland  

Alors comme ça, elle est vraiment sérieuse dans sa démarche. Elle te propose une partie de chasse dans le plus grand des calmes et ne semble même pas si déphasée que ça lorsque tu te montres méfiante. Le plus tragique dans tout ça, c’est qu’elle ne semble pas non plus te prendre pour une menace et tu ne sais pas si tu dois te sentir vexée ou pas. As-tu vraiment si mauvaise mine que ça pour qu’on te fasse comprendre qu’on ne te prend pas au sérieux ? Tes sourcils se froncent face à sa rhétorique pas franchement convaincante pendant que ton regard continue à faire la navette entre elle est tous les recoins sombres de la ruelle. Une partie de toi a bien envie de la croire sur parole lorsqu’elle t’affirme qu’il n’y a aucun piège, mais l’autre n’y arrive tout simplement pas. Question de survie, tu es formatée comme ça et elle devrait l’être aussi. En tout cas si c’est le cas de son côté, elle le cache bien. L’idée de te rendre à la charcuterie pour manger te fait doucement sourire tandis que tu hausses les épaules pour lui signifier que non, ça ne te conviendra pas. Quand bien même un bout de viande cru est généralement toujours saignant, ça ne sera absolument pas suffisant. « Pourquoi tout le monde est si frileux à l’idée de s’en prendre à eux ? » C’est plus une réflexion à voix haute que tu te fais toi-même qu’une vraie question qui lui est adressée. C’est vrai quoi, qu’est-ce qu’ils ont tous à absolument vouloir les protéger ou les laisser en paix ? Eux n’ont jamais eu aucun scrupule à sortir les fourches ou à brandir leurs torches pour attaquer tout ce qui n’était pas comme eux. « Mais soit, comme tu veux. » De toute façon ce n’est pas comme si tu pouvais réellement faire autrement, maintenant. « La forêt ça sera très bien. » Ou peut-être pas. Elle doit sentir la réserve dont tu fais preuve dans le ton que tu adoptes, puisqu’elle tente de te rassurer sur les possibles fréquentations de votre destination. « Trop aimable. » Tu railles en secouant la tête. Ton nez se plisse ensuite et tu secoues doucement la tête. « Ils me donnent des aigreurs d’estomac, » hors de question de parler de ta condition, c’est un coup à ce que ça s’ébruite et c’est bien la dernière chose que tu veux. Alors tu préfères plaisanter et éluder la question génante.
Profitant du flagrant manque d’attention dont elle fait preuve et sans aucun geste brusque, ta main glacée vient attraper son bras pour la faire s’arrêter et qu’elle reporte son attention sur toi alors que tu fais un pas pour envahir son espace vital. Tu l’observes un instant et, bien malgré toi, ton regard marque un court arrêt au niveau de son cou avant de venir se planter dans le sien.  « T’es quand même un peu imprudente, t’en as conscience, hein ? » La question empêche le silence de s’installer trop longtemps, « qu’est-ce qui te dis que moi, je ne vais pas m’en prendre à toi ? » C’est en tout cas ce que voudraient les conventions sociales en vigueur. Pas de copinage ou d’alliances foireuses, à ce qu’il paraît. Qu’est-ce qui la rend si sûre que de ton côté, tu comptes rester bien sage et t’épuiser à aller chasser alors qu’elle est juste là, à portée de crocs ? Si vous n’en êtes jamais venues aux mains jusqu’à ce soir, ça ne veut pas dire que c’est supposé continuer, surtout pas maintenant que ton choix de menu est restreint au possible. « Ça serait facile, tu sais ? » Comme pour appuyer ton propos, ton regard se porte à nouveau vers sa gorge, ta main libre s’en rapprochant dangereusement, prête à s’en saisir sans pour autant faire plus que la frôler du bout des doigts. Est-ce qu’elle comprend que rien ne t’empêche de passer à l’acte là, tout de suite, qu’elle est peut-être stupide de te laisser approcher autant alors qu’elle ne sait pas si elle peut te faire confiance ? Ou est-ce qu’elle n’en a juste rien à faire et ne te considère vraiment pas comme une menace pour elle ? Ca serait mentir que de dire que tu n’en as pas envie, clairement, mais quelque chose te pousse à ne pas le faire sans que tu ne saches réellement quoi. La curiosité, peut-être. Paraît que c’est un vilain défaut. Avec un léger soupir, tu finis par baisser le bras et par lâcher son poignet, t’écartant d’un pas en étudiant ta camarade d’infortune d’un oeil intrigué.
Alors que tu es sur le point de l’inviter à reprendre sa route, un nouveau bruit attire ton attention non loin de là. Sans doute un pauvre type bourré tout juste sorti du bar, mais mieux vaut ne pas s’attarder dans le coin.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

Je réalise presque aussi simultanément que je te le propose que je me fous concrètement dans la merde. C’est de la folie, de faire confiance aux suceurs de sang : c’est la première chose qu’on m’a dit quand j’ai été en âge de comprendre, et c’est martelé jusqu’à ce qu’on ne pose plus de questions au sein de la meute. Visiblement, ça ne m’a pas suffisamment marquée, puisque je te propose mon aide en échange de la tienne ; à croire que ça n’a servi à rien, toutes ces leçons sur votre niveau de dangerosité. Au fond, je me demande si le problème n’est pas plutôt que je n’arrive pas à t’amalgamer avec toutes ces histoires ; à mes yeux, impossible de réconcilier le prédateur sanguinaire avec la petite blonde désespérée et jamais trop méchante qui se tient devant moi. Ca, ou j’ai de plus en plus de mal à y croire, parce que ceux des tiens que j’ai croisés ne sont jamais aussi monstrueux, aussi horribles, aussi cruels. Peut-être que ça fait partie du piège, nous charmer pour mieux nous piéger. De toute façon, c’est trop tard pour m’en extraire.

« Histoire de pas attirer l’oeil, j’suppose. » Je ne sais pas exactement pourquoi tout le monde s’échine à rester aussi loin que possible des humains. Pour moi, c’est de la peur davantage qu’une volonté de pacifisme. « Quoi, me dis pas que tu es de ceux qui pensent que les tuer suffira à renverser leur ordre pour prendre le contrôle… » Je grimace sans te regarder. De la façon dont je le vois, si on tuait tous les humains de la ville, d’autres viendraient, plus nombreux et plus forts, et leur hostilité atteindrait des niveaux qu’on touchait à peine du doigt.

Peut-être que ça achève de te convaincre, parce qu’on se met en route, et je suis bien contente de ne plus avoir tes questions revêches pour me forcer à réfléchir, parce qu’une migraine commence à poindre derrière mon oeil droit et je sais qu’elle ne me lâchera pas avant que je mange. Je suis à ça de te hurler dessus quand tu saisis mon bras avec ta main froide pour me forcer à me retourner, et je contiens bien mal mon impatience dans mon ton à peine inquisiteur : « J’croyais qu’on était pas bons, pour vous. » Je ne sais pas à quel point c’est vrai, pour les races ratées comme moi ; si mon sang n’est pas suffisamment bon pour être considéré pour eux, rien ne me dit qu’il ne l’est pas pour toi. Mais je préfère ne pas te fournir cette information : si tu ne vois que ma jambe rigide et mon air famélique sans considérer le fait qu’au fond, je suis presque plus humaine qu’autre chose, alors ça me va très bien. « Et puis la forêt, c’est mon territoire. Tu tentes un truc, tu seras rapidement submergée. » Ca non plus, ce n’est sûrement pas vrai. Ils sont peu, les membres de la meute qui accoureraient pour me sauver, surtout s’ils comprenaient que je m’étais acoquinée avec une suceuse de sang. Mais ça se tente, surtout depuis que je vois tes prunelles faire des allers-retours entre mes yeux et mon cou, et dès que je le capte, je sens ma gorge se faire étreindre par une peur familière. Elle glisse dans mes veines avec froideur, s’empare de mon dos sur lequel le tissu se met à coller. T’as raison : je suis vulnérable, ici. Et avec ma condition physique, pas moyen que je te domine.

Et pourtant je t’observe et je vois davantage de questions que d’agressivité. Je devine que t’es aussi habituée que moi à te retrouver dans ce genre de configuration, que t’es aussi incertaine et désespérée. Ta main hésite jusqu’à frôler mon cou et là aussi, la menace est diffuse. Présente et hésitante. Et de mon côté, le frisson d’une peur mal gérée se confond avec un noeud dans mon bas ventre qui rend ma respiration sifflante. Un ange passe, ou peut-être deux ; à moins que ce ne soit un bruit qui me fait reprendre mes esprits. D’une bourrade dans l’épaule, je te repousse à deux bons mètres de moi - je ne suis même pas sûre que tu aies aucune notion de douleur - et je me campe pour paraître plus imposante. « Reste à distance », je grogne. Nos yeux, ta confusion soudaine, la marque légère de ton pouce imprimée sur mon cou. Je pourrais te laisser là et retourner chez moi, tant pis pour la faim qui me cogne les entrailles, il est plus important de rester en vie. Mes pieds ne bougent pas, pourtant. « De la façon dont j’le vois, je suis la seule passerelle entre ta bouffe et la mort. » C’est peut-être un peu prétentieux, mais l’important, c’est que j’y croie et que ça me sauve. « Je peux tout aussi bien te planter là et trouver une charcuterie au hasard, c’est pas moi qui en souffrirai le plus. Donc garde tes dents pour toi, sinon je me barre. » Le moment passe et ne reste de ton contact plus que l’humiliation du moment : si tu avais voulu me tordre le cou, ça t’aurait pris une demi-seconde et je n’aurais même pas protesté. « Tu passes devant », j’indique d’un ton dur avec un coup de menton sur le chemin. Je n’ai même pas prévu d’arme : quelle conne. Je te laisse t’enfoncer dans la forêt, regard rivé sur ton dos. C’est toi, l’ennemie numéro un possible, maintenant. Au point où j’en oublie complètement les bruits alentours.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland  

C’est plus fort que toi, il faut que tu roules des yeux de façon dramatique en entendant ses arguments sur les humains. Non, tu n’es pas de ceux qui cherchent absolument à prendre le contrôle, tu fais même plutôt partie des passifs ou encore des profiteurs. « Je me moque de ce qui leur arrive, tu devrais en faire autant. » Traduction : ne pas se gêner pour les chasser et les manger si l’opportunité se présente. Elle a beau être maigrichonne, elle reste plus forte que les humains. La seule chose qui les différencie réellement, c’est le fait qu’eux n’hésiteront pas à lui courir après avec leurs torches et leurs fourches en criant au loup, ils sont doués pour ça.
Forcément, elle se tend lorsque tu l'agrippe, se met sur la défensive à tes mises en garde creuses mais ne fait rien pour se dégager alors que vu la distance, ça serait si simple pour elle de faire rouler ta tête et de continuer son chemin. Un sourire amusé s’étire sur tes lèvres et tu te contentes de hausser les épaules d’un air mystérieux. « Question de goût, certains ont le palais plus délicat que d’autres et ont tendance à faire des histoires pour pas grand chose. » Le sang des lycans est sujet à débat, au sein des suceurs de sang. Il est considéré comme trop amer par quelques-uns, trop acides par d’autres ou encore est parfois qualifié de met raffiné. Encore une fois, les goûts et les couleurs… Pour ta part, tu n’as jamais eu l’occasion d’y goûter, il faut dire que, tout comme la plupart des humains, ils sont un peu récalcitrants à l’idée de partager leur bien volontairement. Ça arrive, mais les candidats sont relativement rares et surtout, ils ne proposent pas à n’importe qui. Elle menace, prétend que ses petits camarades viendront te mettre en pièce si tu as le malheur de t’en prendre à elle, et tu n’en crois pas un traître mot. Tes yeux la détaillent tandis que tu continues ton propre petit manège visant à intimider sans te montrer spécialement menaçante.
Avec un oeil attentif, tu étudies la moindre de ses réactions, la peur qui passe dans son regard, la rage de ne pas avoir vu le coup venir, la façon dont elle déglutit, sa respiration qui change et son coeur qui s’emballe. C’est toujours amusant, de voir la façon qu’ont les gens de réagir face à une telle proximité avec le danger. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est le fait que ça te trouble sans doute tout autant.
La sensation de sa peau brûlante sous tes doigts glacés persiste alors que tu romps le contact et qu’elle te repousse sans pour autant amorcer une quelconque tentative de fuite. Rapidement, tu jettes des regards aux alentours pour t’assurer que le bruit qui l’a réveillée n’est pas synonyme de menace, mais rien. La surprise passée, tu reportes toute ton attention sur elle et tu ne cherches même pas à dissimuler le petit sourire arrogant qui se forme sur tes lèvres lorsqu’elle lâche son ordre, menaçant de faire demi-tour et de te laisser te débrouiller seule. Ça y est, tu viens probablement de trouver ton nouveau jeu favori ; voir à quel point tu peux pousser jusqu’à ce qu’elle se rebiffe. « Allons, ne le prends pas comme ça, » tu minaudes, feignant l’innocence en levant les mains alors que tu passes devant comme demandé. « Et puis je suis sûre que toi aussi, tu as envie d’autre chose que d’un bout de viande froide. » Que tu lances par-dessus ton épaule, l’air de rien. Si elle est là avec toi ce soir, c’est son choix. Et puis ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne postent des chasseurs devant les boucheries pour éviter les visiteurs nocturnes dans son genre. « Si tu veux un conseil, tu devrais viser plus haut la prochaine fois, » ton index trace cette fois ta propre gorge, indiquant ainsi la zone où elle aurait dû frapper si elle avait vraiment voulu se défendre. « Un vampire sans tête, ça fanfaronne moins. » Un coup de griffes bien placé et c’en était terminé de toi, autant qu’elle le sache et que vous soyez à armes égales sur ce tableau-là. Est-ce qu’elle va faire quelque chose de cette information et tenter de s’en prendre à toi par derrière ? Elle aurait le droit,  après tout ça mais tu es à peu près sûre qu’elle ne tentera rien. Et puis si ce n’est pas toi qui t’en prend à elle, ça sera un autre et pour le coup, pas sûre que ça se passe aussi simplement. Pas sûre non plus, que quiconque vole à sa rescousse comme elle le prétend. Si c’était le cas, elle ne serait pas en train de risquer une partie de chasse en ta seule compagnie alors qu’elle peine à marcher correctement. Les siens devraient être en train de l’aider, or, il se trouve qu’il n’y a personne. La pauvrette est sans doute aussi seule et désespérée que toi. « Ta jambe, qu’est-ce qui t’es arrivé ? » Tu demandes d’un air nonchalant, jetant un coup d’oeil par-dessus ton épaule tout en continuant de t’enfoncer dans les bois. « C’est pour ça que tu ne chasses pas avec ta meute ? » Ou plutôt qu’ils ne chassent pas avec elle, estimant sûrement qu’elle serait un boulet à leur pied.
D’ordinaire, tu es bien moins bavarde que ça, sans parler du fait que le moment est peut-être mal choisi pour discuter et pourtant, tu ne peux te résoudre à laisser le silence s’installer totalement. Elle t’intrigue et tu cherches à comprendre pourquoi et surtout comment vous en êtes arrivées là. « Tu as entendu ? » Tu demandes en t’arrêtant soudainement, main en arrière pour la stopper à son tour. Si elle tend suffisamment l’oreille, elle pourra l’entendre ; le bruissement des feuilles, les sabots dans la terre non loin de là. Coup de chance, le vent est dans le bon sens et ça joue en votre faveur. En silence, tu fais signe de continuer sans un bruit, et après quelques minutes d’une marche à pas feutrés, l’animal est là, pas méfiant pour un sou alors qu’il mâche son herbe sans se douter de ce qui l’attend. Bref regard en arrière à ta camarade pour t’assurer qu’elle est prête, puis tu t’élances, pressée à l’idée d’enfin avoir un repas digne de ce nom. Le pauvre cervidé a à peine le temps de relever la tête que c’est déjà trop tard pour lui. Tu le percutes de plein fouet, le faisant presque basculer sur le sol mais manquant malheureusement de force pour le maîtriser, un peu d’aide ne serait pas de refus. Une fois fait, tu pourras prendre ta part et lui laisser la sienne.

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@Spencer Blackwell & Mac Sutherland  

J’aurais dû partir, écouter les conseils de mes aînés, arrêter de donner le bénéfice du doute aux inconnus qui ne devraient rien avoir à foutre dans notre territoire. Je t’ai proposée de me suivre sur une impulsion que je commence à regretter, maintenant que tes doigts gelés ont laissé une trace indélébile sur ma gorge et que je crains pour ma vie (et, honnêtement, pour ma santé mentale). Je suis quasiment inapte à me défendre en cas de besoin : tu ne le sais pas, et c’est la seule chose qui me protège pour l’instant, mais qu’en sera-t-il dans dix minutes ou deux heures, quand on tombera sur une proie ? Tu finiras par comprendre, et ma carte sera grillée. Tu réaliseras que je ne pèse pas grand-chose en combat, et dans ta faim, tu ne feras pas la fine bouche. Je te repousse fortement du plat de mes mains, désireuse de remettre une distance respectable entre nous, et te force à passer devant : j’aboie mais je ne mords pas, bien infoutue de le faire, c’est tout du bruit mais aucun mal, et tu le prends à peine comme une agression, toujours légère, soit complètement inconsciente du danger que je représente potentiellement, soit trop consciente de ta force pour en avoir quelque chose à faire.

On reprend notre marche, mais mon regard ne quitte pas ton dos, cette fois : je suis prête à bondir à la première entourloupe. Toi, tu me montres ton cou, tu m’indiques où porter le coup fatal et je t’observe avec malaise et méfiance : bien sûr, que je sais comment on tue un vampire, ce n’est un secret pour personne dans la tribu, et si tu espères nous remettre sur un pied d’égalité avec cette information en me faisant partager à mon tour, autant que tu saches d’emblée que tu n’as aucune chance d’y parvenir. De fait, je n’interprète pas bien mieux ta question vis-à-vis de ma jambe, parce qu’il est impossible qu’elle soit anodine alors qu’on est seules dans la forêt. « Qu’est-ce que ça peut te foutre ? » je crache, toujours aussi méfiante et hostile. Je te trouvais presque sympa, au début : on ne m’y reprendra plus. « La tienne chasse pas avec toi, non plus. »

T’écoutes déjà plus et tu m’interromps d’une main tendue, posture flexible sur tes genoux et instinctivement, je me fige à mon tour pour repérer ce qui attire ton attention. Je l’aurais loupée, si je n’étais pas aussi concentrée sur tes mouvements à toi : encore une preuve que j’ai mal choisi en m’embarrassant de ta présence. (J’oublie volontairement le fait que, sans celle-ci, je n’aurais sûrement rien fait d’une biche.) Je me campe à mon tour sur mes jambes, corps entier tendu en direction de l’odeur perçue du cervidé, et j’ai à peine le temps d’élaborer un plan d’attaque dans ma tête que tu sautes déjà sur l’animal, qui se débat au sol. Les choix se bousculent sans en être vraiment : soit je me transforme, en tout cas j’essaie, et tu réalises l’ampleur de la farce, soit je reste en arrière et j’attends que tu t’en sois chargée. Ni l’une ni l’autre des options ne me semble viable : je dégaine un couteau de ma poche et je boitille jusqu’à l’animal pour tenter de lui trancher la gorge d’un coup fluide et sec. L’animal se débat, donne un coup de tête contre mon ventre ; je recule alors qu’il se débat et que tu perds du terrain Merde, je dois me transformer, maintenant ou jamais. A la place de ça, je retrouve mon couteau dans l’herbe et me jette sur la tête de l’animal pour retrouver mon plan de coupe : je m’y reprends à trois fois, ce n’est ni net ni aisé, et quand enfin l’animal meurt, c’est après des souffrances trop longues. Je renifle, me recule : « Sers-toi. » Coup de pied dans le dos de la carcasse pour te signifier de passer première, alors que l’angoisse revient comme neuve. Plus possible à ce stade de te berner. Je rengaine mon couteau, essuie le sang sur une manche, envahie complètement par l’odeur du gibier frais, mais dominée par l’angoisse.

« J’ai du mal à me transformer entièrement », que je finis par lâcher. Un silence me suit avant que je n’arrive à préciser : « Ou plutôt, si, je le fais. Mais mes jambes fonctionnent plus. Genre, du tout. »

Je te parle moins à toi qu’au monde, parce que toute mon attention est encore vissée sur la carcasse ; j’arrive à détecter la première des torches au loin, pourtant. « Putain », j’éructe à voix basse. Impossible de savoir si c’est des villageois en colère ou des chasseurs, à ce stade, mais honnêtement, dans notre forme, ça ne change pas grand chose.  Je m’agenouille dans l’herbe et je te tire avec moi, rampant difficilement au sol jusqu’à un tronc qui peut nous abriter, le temps qu’on trouve un plan. Les torches ne se rapprochent pas encore mais elles le feront, tôt ou tard. Je me penche vers toi et te souffle à l’oreille : « Je connais un endroit. » Mes doigts agrippent ta manche, se stabilisent sur la seule chose stable de mon entourage ; tu es barbouillée de rouge mais tu n’as sûrement rien mangé, et je n’ai touché à rien. C’est un risque, et une perte, mais moins que de les confronter à vide lorsqu’ils nous trouveront.

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Spencer Blackwell & @Mac Sutherland  

« Attention, le chiot montre les dents à ce que je vois, » tu te moques gentiment alors qu’elle se rebiffe à ta question jugée probablement trop indiscrète. Le sujet de sa jambe est touchy, tu comprends qu’elle n’ait pas spécialement envie d’en discuter avec toi, parfaite inconnue mais surtout ennemie par principe. Soit. Peut-être que tu pourras choisir un autre moment pour pousser un peu plus la question, voir jusqu’où tu peux aller avant qu’elle ne s’énerve pour de vrai et passe à l’attaque, à moins qu’elle ne décide tout simplement de partir dans son coin. Un sourire en coin se dessine alors que tu hausses les épaules sans même lui accorder un regard, « j’ai la tête de quelqu’un qui a une meute ? » La plupart des vampires fonctionnent en clans qui se foutent sur la tronche pour des questions de territoires ou pour des querelles vieilles de plusieurs centaines d’années, si ce n’est plus. Du haut de tes quatre ou cinq ans d'ancienneté, tu ne rivalises avec personne et le problème, c’est que tu n’as pas non plus envie de prêter allégeance à plus fort que toi. Résultat des courses, tu te retrouves seule à devoir partager ton repas avec une lycane au moins aussi communautaire que tu n’as l’air de l’être.
Ton petit air arrogant s’efface à l’instant où la biche fait son entrée en scène. Pas le temps de réfléchir, tu fonds sur l’animal avant qu’il ne puisse vous filer entre les doigts, faisant de ton mieux pour l’entraver. L’intervention de la brune est pour le moins surprenante ; pas de transformation, même partielle, mais à la place, un petit couteau qu’elle galère visiblement à utiliser correctement. A quoi joue-t-elle, exactement ? L’espace d’un instant, tu te demandes si la lame ne t’est pas destinée, si finalement tout ça n’était pas qu’un piège dans lequel tu serais tombée sans qu’elle ait à fournir le moindre effort. Mais non, après bien des galères, elle s’attaque au cou de la bête qui finit par succomber, le travail est grossier, sale, et tout sauf efficace. Ca ne t’empêche pourtant pas de te pencher pour commencer à manger, trop affamée pour poser les questions qui s’imposent dans ton esprit.
Sa confession te fait relever la tête tant elle est inattendue, interrompant ton repas entre deux gorgées. Les yeux plissés dans une tentative de discerner le mensonge visant à te faire baisser ta garde. Tu la détailles de haut en bas alors que son regard est braqué complètement ailleurs, décidant de la croire. Personne n’irait inventer quelque chose comme ça, et puis, ça explique sa réaction de tout à l’heure. Encore surprise par la révélation, c’est à ton tour de ne plus être concentrée sur l’environnement et les torches au loin, de ne réagir que lorsqu’elle vient te tirer vers le tronc le plus proche pour se cacher. Je connais un endroit, qu’elle te murmure sans que tu n’aies rien demandé. « Tu vas me ralentir, » tu grommelles alors, tournant doucement le regard vers elle. S’il faut courir, s’il faut fuir, s’il faut disparaître dans la pénombre et ne refaire surface que la nuit suivante. Pourtant, quand tu entends les éclats de voix au loin et les rires gras, tu sais qu’il ne s’agit pas de simples villageois ; personne ne se promène dans ces bois avec autant de confiance et d’aisance qu’un groupe de chasseurs armés jusqu’aux dents et entraînés à débusquer les monstres qui terrorisent les enfants la nuit. Autrement dit, c’est toi, c’est elle, c’est vous, quand bien même l’une comme l’autre vous ressemblez à tout sauf à une menace pour qui que ce soit. Une vaste blague, voilà ce que vous êtes.
Putain.
C’est peut-être parce que dans le fond, vous vous ressemblez un peu que t’as autant d’empathie pour elle. Ca et le fait qu’elle t’amuse un peu malgré elle, aussi. Ça fait longtemps que t’as pas été aussi curieuse envers quelqu’un d’autre que ta petite personne. Soupir. Dernier coup d’oeil envieux en direction de la carcasse, tu t’humectes les lèvres encore maculées de sang, plissant le nez à l’idée de devoir laisser votre prise ici. D’un geste de manche, tu essuies ta bouche histoire d’avoir l’air un peu moins sale. « C’est loin ? Tu peux courir ? » Parce que toi oui, même épuisée comme tu l’es. « Je te préviens que je ne te porterai pas. » Sur le principe pas besoin d’en arriver là, les autres sont encore suffisamment loin pour ne pas vous repérer dans la pénombre. Ton regard se reporte vers elle, tombe sur la main qui s’accroche à ta manche, et, si tu ne fais pas le moindre geste pour te dégager, tu te permets tout de même de soupirer. « Il va me falloir de nouveaux vêtements. » Et que tu puisses te débarbouiller, accessoirement. Dans l’état où tu es actuellement, on ne te posera aucune question avant de te planter un pieu dans le coeur. D’un geste de tête, tu fais signe d’ouvrir la voie avant de lui emboîter le pas, jetant quelques coups d’oeil derrière vous pour s’assurer de ne pas avoir été repérées.