Siham était allée rendre visite à Odette. A vrai dire, ce moment suspendu lui avait fait le plus grand bien. La sorcière, qui semblait maitriser parfaitement sa magie, avait réussi à recréer la lumière du soleil en ses murs. Siham s’était sentie émue en retrouvant cette sensation de chaleur sur sa peau. Elle ignorait quel sort la jeune femme avait utilisé, mais Odette avait surtout demandé à ne pas divulguer ce qu’elle faisait chez elle. Qui sait ce que les oreilles les plus mauvaises pourraient faire de cette information. La jeune femme ( peut être pas si jeune d’ailleurs ) faisait tellement d’effort pour rester en retrait de cette société, qu’elle n’avait aucune envie que le tout Brisbane débarque chez elle pour la mettre au bucher, accusée d’avoir voler le soleil pour son utilisation personnelle.
Sortie de la, Siham avait le moral regonflé, se rendant compte plus que jamais des bienfaits de la vitamine D et des rayons du soleil. Plus sereine, moins aigrie, elle rentrait chez Olive, foulant les pavés de la rue commerçante.
« Excusez-moi, vous avez besoin d’aide ? » le jeune homme à terre semblait être très mal en point, Siham s’approcha, oubliant presque sa méfiance envers tout le monde. Mais voyant un homme allongé sur les pavés lui rappelait fortement son père et elle craignait qu’il ne soit en train de suffoquer. Maintenant qu’elle avait quelques tours de passe-passe au bout de ses lèvres et de sa baguette, elle saurait peut-être comment s’y prendre si elle devait arrêter une hémorragie. Elle avait également son baume de bave de limace argentée, de poudre de licorne chatouilleuse et de plus de corbeau, tout ça pour une belle cicatrisation. Elle avait elle-même testé sur son dos et à présent, elle avait une peau de bébé, comme si elle n’avait jamais pris une branche d’arbre dans le flanc. Toutes les traces de blessures sur son corps avaient totalement disparu. Elle remercierait Olive pour son astuce beauté de sorcière, mais si ce baume avait été inventé en tant que cure de jouvence, à présent, il servait surtout à réparer des dégâts causés par des loups garou sanguinaires.


@Kieran Halstead

Depuis qu’il s’est réveillé en sang dans le jardin botanique voilà deux jours, Kieran se sent particulièrement fiévreux. Il connaissait pourtant les lieux comme sa poche, suffisamment pour ne pas craindre qu’un animal se jette sur lui ; force est de constater qu’il s’est trompé alors que la bête l’ayant attaqué lui a vraisemblablement refilé une maladie au passage. Il se sent particulièrement faible et c’est à peine s’il parvient à tenir sur ses deux jambes – il se demande même comment il a réussi à quitter le jardin botanique. Son crâne est douloureux et chaque son semble décuplé ; sans parler de cette faim qui lui tiraille l’estomac, mais chaque bribe de nourriture solide qu’il avale est aussitôt vomie. Pourtant, il est affamé ; son estomac ne gargouille pas, mais Kieran ressent cette sensation dans ses veines, au point d’en devenir une obsession. Il a besoin de se nourrir et il n’arrive pas à comprendre pourquoi il n’y parvient pas. Et quand bien même il y arriverait, ses gencives sont terriblement douloureuses, au point où il peine à ouvrir la bouche, hormis pour lâcher quelques râles de souffrance.

« Excusez-moi, vous avez besoin d’aide ? » - « Parlez moins fort, j’vous en supplie. » Il implore, mal en point, à terre dans cette ruelle qu’il est parvenu à rejoindre sans même savoir comment. Et alors qu’elle s’approche, cette sensation de faim qui le tiraille en devient d’autant plus insupportable, se réveillant à l’instant où elle se penche vers lui. Passant sa main sur sa bouche comme une vaine tentative de se donner l’impression d’avoir englouti quelque chose, il relève les yeux vers la jeune femme. Son ouïe est si sensible que les battements de son cœur pulsent dans ses oreilles. « J'me sens pas bien. » Il articule avec difficultés alors qu’il essaie de s’asseoir ; le parfum de la jeune femme semble l’éveiller plus que n’importe quoi au cours des dernières heures. Elle verra à son allure qu’il n’a pas les moyens d’aller chez un médecin ; il est un vagabond, celui sur lequel on ne se retourne pas dans la rue. Au bout de celle-ci, à plusieurs mètres d’eux, quelques silhouettes passent rapidement, hurlant des menaces autant que se félicitant d’une victoire sur… un loup ? « Pourquoi ils parlent si forts ? » Il s’agace alors que déjà, le fracas dans son crâne reprend de plus belle, ses mains finissant par entourer sa tête, ses yeux se fermant alors qu’il grimace. « J’ai si mal. » Il avoue, dans un hurlement qui prend des airs de supplication.

@Siham Fowler

« Parlez moins fort, j’vous en supplie. » Siham sentait bien que quelques chose clochait, elle fit un pas en arrière, il valait mieux rester prudente, même si, elle avait déjà fait un pas de trop et aurait mieux fait de ne pas s’arrêter sur cet individu. A croire que le soleil rendait finalement plus fou que la lune.
Alors qu’il redressait enfin la tête pour regarder qui s’était adressé à lui, Siham vu ses yeux presque brun, lumineux, aux pupilles dilatées. De toutes évidence, il s’agissait d’un loup garou. Pourquoi ne l’avait-elle pas remarqué avant ? Pourquoi n’avait-elle pas sentie cette odeur qui leur était si propre et particulière – l’odeur de la mort - ? « J'me sens pas bien. » Il avait l’air sincère, il il donnait l’impression qu’il allait s’évanouir, se vider de ses trippes à tout moment. Comme un homme malade, il avait le teint pâle, mais pas translucide comme les vampires. « J’espère qu’il ne s’agit pas ici d’une rosserie… » lui jouait-il un tour ? Elle souffla, finit par s’avancer tout de même vers lui, il avait l’air en si mauvais état qu’il en donnerait l’impression d’être inoffensif.
Les passants de la rue commerçant étaient loin d’être discret. Chacun s’y donnait à cœur joie pour s’exprimer toujours plus fort que l’autre car ici, il était bon ton de crier ses victoires pour prouver qui était le plus fort. Les humains, les chasseurs, ils s’enorgeuillaient entre eux, parce que si faible sur l’échelle de cette nouvelle vie, il était en bas de la chaine alimentaire, alors quand, de temps en temps ils arrivaient à tuer un monstre, ils devaient le crier sur tous les toits. Pour se rassurer que ce n’était pas encore leur heure. Mais l’horloge tourne, les minutes défilent, le soleil est toujours absent, menant tous le monde vers le précipice. Tout le monde.
« Pourquoi ils parlent si forts ? » La jeune femme murmura quelques mots, à peine audible, en fermant les yeux. « J’ai si mal. »  elle se concentrait. « Silentium Reducere Voces » ainsi, tous les bruits autours devraient être amoindris, du moins, c’est la sensation qu’il en aurait. Elle n’était pas certaine que ça fonctionnerait, mais elle n’avait plus qu’à voir s’il allait changer d’attitude. « que vous est-il arrivé, ces derniers jours, avez-vous fait de mauvaises rencontres ? » il avait tout l’air de n’avoir aucune idée de ce qu’il était…

« J’espère qu’il ne s’agit pas ici d’une rosserie… » Dans d’autres circonstances, la fierté du vagabond l’aurait empêché de demander des explications quant à l’usage de ce mot qu’il ne comprend pas. Kieran sait qu’il n’a pas la même éducation que les autres, il a de nombreuses connaissances pratiques – qui, d’ordinaire, incluent de se soigner avec les moyens du bord – mais très peu d’acquis théoriques. À cet instant, pourtant, ce n’est pas sa fierté, mais la souffrance qui est la sienne qui l’empêche de prendre le temps de la questionner ; alors même qu’il n’est en réalité jamais contre l’idée d’en apprendre plus pour compenser ses lacunes. Mais Kieran a mal, bien trop mal, pour raisonner autrement qu’en plaintes et soupirs, tout comme il n’a pas remarqué le recul dont elle a fait preuve avant de s’avancer à nouveau vers lui.

Le bruit ne cesse pas, malgré toute l’énergie qu’il met à tenter d’en faire abstraction. Ça ne cesse pas, les paroles prennent de plus en plus la forme de hurlements, loin d’être similaires aux siens. Les passants semblent aussi inquiets que lui, mais pas pour les mêmes raisons, alors qu’ils se chamaillent, se battent, s’insultent – il ne sait pas vraiment. Tout ce qu’il sait, c’est que cela en devient insupportable. Cette douleur est telle qu’il ne l’a jamais vécue auparavant, peu aidé par d’autres symptômes qu’il n’arrive pas à corréler à une quelconque maladie qu’il a déjà subie par le passé. Il se sent fiévreux, oui, et les douleurs dans ces gencives l’ont, un instant, fait rejeter la faute sur une dent, avant d’admettre que ce n’est sans doute pas le cas ; le bruit, la lumière artificielle des lampes, son odorat, son goût, tout semble accentué.

« Silentium Reducere Voces » Et en un instant, Kieran ne ressent plus rien. Ça ne dure qu’un instant, alors que très vite, ce sont d’autres douleurs qui traversent son corps ; et cette faim, qui creuse toujours plus son estomac. « Comment vous avez fait ça ? » Il interroge en reprenant quelque peu ses esprits. Son esprit ne lui donne plus l’impression de le marteler, mais il n’est pas plus à l’aise pour autant. « Que vous est-il arrivé, ces derniers jours, avez-vous fait de mauvaises rencontres ? » - « Non. Non, je ne crois pas. » Il y réfléchit, mais Kieran n’a pas d’idée quant à cette question. « Qui êtes-vous ? » Qu’êtes-vous, plutôt, alors qu’il se montre plus méfiant.

@Siham Fowler

« Comment vous avez fait ça ? » là n’était pas la question, Siham n’était pas l’objet de l’inquiétude à ce moment là. C’est cet homme qui se sentait mal et subissait une métamorphose troublante. Il était à son tour, comme bien d’autres avant lui, victime de cette malédiction. Alors qu’elle était tout de même plutôt satisfaite de voir que son sort semblait avoir fonctionner, un petit détail attira son attention. Un petit détail qui pourrait alors tout changer… deux trous. Deux tout petits trous dans le cou du jeune homme. Comment était-ce possible ? Elle avait vu ses yeux, elle avait senti son odeur… et d’ailleurs, quelle odeur ? L’odeur venait de se dissiper, à l’instant, lui, il n’avait plus aucune odeur. Son teint, il était pale, mais bien aussi translucide qu’un vampire, de plus en plus, bientôt on pourrait lire en son travers. La jeune femme regrettait aussitôt son geste, elle se sentait lésait, elle se sentait trahie, trahie par elle-même. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu s’y méprendre autant. Elle avait cette impression que la cure de soleil dont elle avait bénéficier chez Odette l’avait totalement troublée. Suffisamment pour ne plus être capable de faire la différence entre vampire et un loup, suffisamment pour troubler ses sens et être trompée.
Elle regrettait d’avoir posé davantage de question, d’avoir cherché à savoir ce qui lui était arrivée, car de toutes évidence, il s’était fait transformé lui aussi. « Non. Non, je ne crois pas. » La jeune femme devait profiter de son innocence et de sa phase trouble pour le manipuler, pour mieux le tuer. « Qui êtes-vous ? » ne sentait-il pas son odeur ? Ne sentait-il pas vibrer au fond de lui les pulsations de son corps, n’entendait-il pas le sang propulsé jusqu’au plus petites veines de Siham ? Ne voulait-il pas lui arracher son cou ? Ne faire qu’une bouchée d’elle ? Si ce n’était pas encore le cas, il ne tarderait pas à comprendre, il ne tarderait pas à être totalement envouté par ces âmes vivantes au sang chaud qui les entouraient, chacune propices à devenir sa future proie. « Je peux vous aider. Vous êtes sous l’emprise d’un mauvais sort. » elle se pencha vers lui. « Je suis ensorceleuse. » et non pas sorcière. elle se redressa alors, lui tendant la main pour qu’il se relève. « Si vous me suivez, je vous donnerai un remède. Mais, je ne l’ai pas sur moi. »

Et soudain, le monde autour de lui semble bien moins bruyant. Kieran savoure cette tranquillité retrouvée, craignant qu’elle ne soit qu’éphémère. Il ne comprend pas comment cette femme a eu ce pouvoir, et il ne manque pas de l’interroger, sans pour autant qu’elle ne lui offre de réponse. Pourtant, le seul geste qu’elle vient de lui offrir est ce qui se rapproche le plus d’un semblant de compréhension. Cela fait deux ou trois jours (il n’a guère la notion du temps, autant à cause de son mal-être qu’à cause de cette nuit qui n’en finit plus), qu’il se sent terriblement mal, Kieran. Et jusqu’ici, personne ne s’est arrêté sur lui ; car il n’est pas difficile de lire en lui, avec ses habits déchirés et ses chaussures trouées. La crasse sur son visage et ses cheveux gras n’aident pas non plus, alors qu’il n’est pas difficile de comprendre qu’il est un homme de la rue et qu’il y restera. Personne ne s’est alors arrêté sur lui, quand bien même il se tordait de douleur au sol, de plus en plus persuadé qu’il est tombé malade et que son manque de moyens l’obligera à succomber lentement et douloureusement. Cette fièvre qui n’en finit plus, ses spasmes dans l’entier de son corps, ce goût de sang dans sa bouche alors que ses gencives ne cessent de lui faire mal au point où elles en saignent. Il s’était persuadé qu’il mourrait des coups d’un homme n’ayant pas apprécié de se faire voler, mais certainement pas d’une maladie que tout un chacun peut, en principe, combattre.

Et c’est justement parce qu’il n’a pas souvenir d’avoir fait une mauvaise rencontre qu’il n’arrive toujours pas à comprendre ce qui a pu le mettre dans cet état. Alors, une fois encore, c’est auprès de la jeune femme qu’il tente d’obtenir un semblant de réponse, à commencer par savoir qui elle est, ou plutôt, ce qu’elle est. « Je peux vous aider. Vous êtes sous l’emprise d’un mauvais sort. » Elle se penche vers lui et il recule instinctivement. Son odeur est insupportable. Délicieuse, mais tellement forte, tellement enivrante, qu’il ne peut lui faire confiance. Il sait qu’il y a des choses qui rôdent, dehors, et il ne veut pas prendre le risque de se retrouver face à elles. « Quel genre de mauvais sort ? » Il l’interroge, alors qu’elle ajoute : « Je suis ensorceleuse. » Elle lui tend la main et son regard se porte sur les veines saillantes sur son poignet. Jamais il n’a vu quelqu’un en avoir d’aussi visibles, dessinées, et il s’inquiète de ce que cela pourrait cacher. Il y a trop d’éléments qui lui crient de faire attention à cette femme. « Si vous me suivez, je vous donnerai un remède. Mais, je ne l’ai pas sur moi. » - « Non, je ne vous crois pas. » Qu’il dit en tentant de se relever, mais sa vision est encore trouble et il perd l’équilibre un instant, se rapprochant d’elle à nouveau alors qu’il constate que cela lui semble dangereux. Elle dégage une terrible aura, au point de l’affaiblir. L’affaiblir, car tous ses sens semblent développés à son contact et que c’est sans doute elle, qui lui a jeté le mauvais sort. « Qu’est-ce que vous m’avez fait ?! » Il l’interroge, arrivant cette fois-ci à se relever, s’écartant sans réellement y parvenir alors que ses pieds s’ancrent dans le sol et se balancent autant en arrière que vers elle, avant de revenir en arrière et de continuer ce manège, craintif. « Cette odeur que vous dégagez... » Il ajoute, inquiet, son regard qui glisse désormais de ses poignets jusqu’à sa nuque, là où son artère est tout aussi dessinée que ses veines.

@Siham Fowler

  Siham remarqua le reflexe qu’il eut alors qu’elle s’était penchée vers lui. Il avait reculé, presque sans s’en rendre compte, comme si elle le répugnait. Le vampire devait sans doute développer des sensations, des sens dont il ignorait la puissance jusqu’à présent. Tout comme elle sentait l’odeur infecte des loups quand ils étaient dans les parages depuis qu’elle avait connaissance du don qui l’habitait. Siham se méfiait, se rappelant chaque instant des nouvelles sensations qu’elle découvrait à mesure que sa puissance grandissait en elle, à mesure que l’énergie qu’elle abritait prenait place dans tout son être et toute son âme. Elle pensait être plus maline, elle pensait pouvoir le manipuler, elle pensait lui faire croire qu’elle pouvait lui venir en aide sans effort. Mais ça n’allait surement pas être aussi simple. « Quel genre de mauvais sort ? » il se méfiait déjà. Car ce n’était pas sur un ton curieux qu’il posait cette question, c’était sur un ton douteux. Elle ne répondit pas cependant, lui répondant qu’elle était ensorceleuse, un faible mot pour ce dont elle était réellement capable. Ensorceleuse, c’était pour les bohémiennes, les femmes de rue, les femmes de passages et de couche. Elle lui propose la pitié, elle lui propose de lui venir en aide, de la suivre pour le guérir du sort dont il aurait pu être victime. Elle profitait de sa naïveté qui visiblement, était en déclin. « Non, je ne vous crois pas. » elle s’offusquerait presque : « Vous n’me croyez p… » elle se stoppa en tentant de le rattraper alors qu’il perdait l’équilibre. Elle avait bien conscience des risques qu’elle prenait à être aussi proche de lui. « Qu’est-ce que vous m’avez fait ?! » Et voilà que sa petite manigance se retournait contre elle. Il pensait qu’elle était à l’origine de ses tourments, que ce sort dont elle parlait, c’était elle qui lui avait jeté. Le jeune vampire ne tenait pas debout et tantôt il essayait, tantôt il basculait, donnant le mal de mère à la sorcière. « Cette odeur que vous dégagez... » les voilà, ses sens en éveillent. « Je me suis pourtant lavée à la rivière, trois jours passant. » ou peut être un peu plus, le canon ne soufflant plus chaque jours à treize heure, elle n’avait plus ses repères. « je n’vous ai rien fait, sachez-le. Par contre, grand bien vous fasse de vous méfier, restez dans votre incertitude, peut être que c’est la mort qui vous emporte à présent. » ça, elle en était sûre et certaine, un mort dans une enveloppe charnelle bien vivante, mais il n’y avait plus aucune âme qui vive dans ce corps. « Je vous propose de renoncer à vos doutes, pour retrouver la paix. » plus le temps s'écoulait, plus elle prenait de risques, plus il allait gagner en puissance et moins elle pourrait se débarrasser de lui, une bonne fois pour toute. Elle devrait d'ailleurs en profiter qu'il vacille pour le tuer sur le champs.

Il a grandi dans la rue, Kieran et pour cette raison, il n’a jamais douté de la cruauté humaine. Nombreux sont ceux qui ont préféré détourner le regard que de s’intéresser à son sort, d’autres ne se sont pas contentés de ce mépris et se sont joués de son statut, à travers un intérêt sadique quant à sa personne. Pour cette raison, il peine encore à croire que les rumeurs qui circulent dans les rues depuis que la nuit s’éternise ; à ses yeux, l’être humain est tout à fait capable d’agir de manière aussi délibérée et il ne croit que moyennement à ces histoires de créatures désirant prendre le pouvoir sur la race humaine. Celle-là même qui n’a jamais songé à deux fois avant d’attaquer ses semblables, incapables de considérer qui que ce soit comme son égal, prônant la réussite à tout prix et, à travers celle-ci, l’égoïsme autant que les contraintes. Alors oui, pour avoir expérimenté la violence humaine sous couvert d’un amusement dont il a parfois été victime, Kieran ne voit pas d’autres coupables et ne croit certainement pas à ceux que l’on tente de désigner.

À vrai dire, si les murmures devaient être vrais, il aurait d’autant plus confiance à ceux qui tentent de les exterminer qu’en cette ensorceleuse, qui n’est certainement pas plus correcte que d’autres. Elle parle de mauvais sort et il ne lui en faut pas plus pour la considérer comme seule fautive. Et le fait qu’elle ne daigne répondre à sa question confirme qu’elle n’est sans doute pas innocente à son sort ; et à ce mal qui se propage en lui et qui semble de plus en plus présent à mesure qu’il la côtoie. Elle possède un pouvoir sur lui dont il ignore l’importance ; et il se doit de fuir au plus vite, bien qu’il soit affaibli par les nombreuses douleurs qu’il ressent bien trop vivement. « Vous n’me croyez p… » Elle le rattrape et si elle croit qu’il baissera sa garde, elle se trompe alors qu’il envisage de la repousser. Mais il n’y parvient pas, pas alors qu’être si près d’elle l’apaise un instant, avant qu’une douleur encore plus vive s’empare de lui. Il ne sait pas à quoi elle joue, mais elle est foutrement douée, l’ensorceleuse, pour l’empêcher de s’éloigner d’elle alors qu’il ne désire que cela. Mais il n’y arrive pas. « Je me suis pourtant lavée à la rivière, trois jours passant. » - « C’est une autre odeur. » Pas celle de la rivière, si reconnaissable ; non, c’est autre chose, une odeur inconnue, mais enivrante – un sort, oui. « je n’vous ai rien fait, sachez-le. Par contre, grand bien vous fasse de vous méfier, restez dans votre incertitude, peut être que c’est la mort qui vous emporte à présent. » Il aimerait s’offusquer, lui démontrer qu’elle se trompe, mais au fond, Kieran sait qu’elle a parfaitement raison. La mort l’attend ; et par sa faute. Ce qui implique qu’elle est la seule à pouvoir lui offrir des réponses. « Je vous propose de renoncer à vos doutes, pour retrouver la paix. » Et il prend des risques, à vouloir obtenir les réponses auxquelles il tient tant, alors qu’elle semble également en mesure de tout lui ôter. « Vous avez gagné. Je veux tout savoir, mais pas ici. » Pas dans ces rues, pas là où d’autres oreilles peuvent traîner.

@Siham Fowler