(c) harley

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SWANN & ARTHUR

« Arrête ce truc. » Il eut un sursaut en sentant quelque chose venir lui frapper l’abdomen. Ouvrant les yeux avec difficultés, Arthur eut bien du mal à réaliser où il se trouvait. Quelque part dans la pièce, son téléphone ne cessait d’émettre cette stupide sonnerie que sa sœur lui avait collée comme alerte. Et à ses côtés se tenait une brunette passablement irritée par ce réveil en fanfare. Il n’avait aucune idée de son prénom, mais se doutait de ce qui avait pu se passer entre eux vu le manque évident du moindre vêtement sur leur corps. « T’es qui toi ? » Sa voix rauque se brisa sur le dernier mot alors que la brune à ses côtés émit un son offusqué venant réveiller le mal terrible qui pointait déjà sous son crâne. Et son téléphone continuait d’émettre cette sonnerie stridente qui avait le pouvoir de le rendre fou, sans pour autant provoquer le moindre mouvement de sa part. Il avait encore abusé. Comme tous les soirs dernièrement. Le cours de ses pensées pris fin brutalement lorsqu’il reçut son téléphone en pleine tête. « T’es dans mon pieu, connard. » Ah. Il s’était endormi. Arthur ne dormait jamais avec les filles qu’il planifiait de ne jamais revoir. Mais il n’eut pas le temps de se lamenter sur sa propre stupidité, ses yeux se posant enfin sur l’écran de son portable qui faisait clignoter le prénom de son partenaire de biologie. Et merde. Il était en retard, encore. « Je t’épargne les grands discours hein. » Et sans demander son reste, il s’était levé, avait enfilé ses fringues sans même regarder où se trouvait l’avant de l’endroit avant de s’enfuir vers la sortie.

Son erreur de la nuit avait au moins l’avantage de vivre dans son quartier, lui permettant de faire un saut chez lui avant de s’en aller retrouver Swann. Il avait le crâne vrillé par les abus d’alcool et le manque de cocaïne. Sur le chemin, sans chercher à se cacher, il plongea la clé de son appartement dans le fond de sachet qui lui restait. Une dose de poudre pour tenir le coup, c’est toujours ce qu’il disait. Swann devait l’attendre depuis des heures. Il n’avait aucune idée du sujet sur lequel ils sont censé plancher, encore moins de la date du rendu et surtout… Arthur n’en avait pas grand-chose à faire de tout ça. Lui, il voulait aller en stage, voir la réalité du terrain, pas apprendre les mêmes trucs sans fins. « Un macchiato caramel pour Buchanan. » Il déposa le gobelet en carton devant la pile de livres qui dissimulait à moitié le jeune bouclé. Se laissant tomber sur sa propre chaise, ses lunettes de soleil toujours sur le bout de son nez, il laissa échapper un soupir. S’excuser pour son retard monstrueux ? Très peu pour lui. « On t’as pas vu hier soir. » Ce n’était pourtant pas faute de l’avoir invité. Il le faisait à chaque fois, d’invité Swann, mais on ne le voyait jamais ou juste une heure. Aux yeux d’Arthur, il n’avait rien d’un marrant son partenaire de labo, mais au fil du temps, il s’était surpris à l’apprécier. « J’ai fait des recherches pour l'agammaglobulinémie. » Ses recherches tenaient sur un bout de papier froissé qu’il venait de tirer de la poche de son blouson en cuir, accompagné par un emballage de préservatif et un vieux ticket de caisse. « C’était pas ça le sujet ? » Il essayait de paraître un minimum intéressé, pour faire plaisir à Swann.

(2011, london university) Du haut de ses vingt-et-un ans, il a traversé le tout Londres à l’heure de pointe pour arriver à la bibliothèque dès l’ouverture de cette dernière, bien au courant qu’ils auront besoin de tout le temps possible pour venir à bout de leur sujet. Leurs études sont demandeuses, mais ils savaient ce pour quoi ils signifiaient ; tout comme Swann savait qu’il allait devoir commencer à travailler seul, la ponctualité et Arthur faisant deux. Il n’avait simplement pas imaginé un tel retard, ce qui commence non pas à l’énerver mais bien à faire grandir un certain stress en lui: il a beau travailler aussi vite et bien que possible, il ne pourra pas en venir à bout seul dans le délai imparti. « Un macchiato caramel pour Buchanan. » Il lève son index pour lui demander de garder le silence, le temps pour le blond de coucher sur papier la phrase à laquelle il pense, trop soucieux de ne pas l’oublier en cours de route. Ce n’est qu’ensuite qu’il relève son regard sur Arthur, les effluves du café ayant au moins le mérite de le remotiver un peu plus. La mine déconfite de son ami, elle, moins.

« On t’as pas vu hier soir. » - « Je me suis levé tôt. » Il fait partie des fêtes quand ils n’ont pas de rendu à faire et qu’il peut prendre un peu de temps pour décompresser, mais Arthur sait qu’ils ont un sens des priorités bien différents et que de son côté, il ne prendra pas le risque de rater ses études. « J’ai fait des recherches pour l'agammaglobulinémie. » Il accompagne ses mots d’une preuve matérielle, et de bien d’autres que Swann jure ne pas avoir envie de voir. « Le laisse pas dans ta poche, tu vas le percer. » Il pointe le préservatif de son index et prend une première gorgée de café ensuite. La dernière chose qu’il voudrait se résume sans doute à jongler avec l’existence d’un enfant, n’est-ce pas ? Et aucun enfant ne mérite d’avoir un père qui ressemble pour l’heure à ce qu’est Arthur. Quand il sera plus vieux et assagi, la question pourra peut-être se poser réellement, mais pas maintenant. « C’était pas ça le sujet ? » Le gobelet retrouve la table, il place une serviette dessous pour ne pas risquer de tâcher ses feuilles de notes. « C’était le sujet de la semaine dernière. On a déjà rendu notre rapport. » Et par “on”, il est évident que Swann parle seulement de lui: le simple fait qu’Arthur ignore la deadline de leurs rendus prouve son manque d’implication. « On est tombé sur l’asthénie cette semaine. Et vue la tête que tu tires, je penss que tu vas pouvoir me donner un témoignage. » Il est déjà un peu moins aigri, comme le prouve le sourire qu’il ajoute à cette phrase. « Tu t’es pris un café sur la route ? »

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SWANN & ARTHUR

L’un appellerait cela de la chance, l’autre une malédiction, mais le destin avait décidé de les réunir en tant que binôme de travail. Swann était studieux, désirant réussir dans un domaine qui se voulait parfois sans pitié. Arthur, lui, se voulait passionné, mais que peu attentif et régulier. Deux opposés qui avaient tant de mal à s’accorder, à commencer par leurs horaires de vie. « Je me suis levé tôt. » Autrement dit, à l’heure où Arthur avait probablement fini par sombrer dans le lit de cette inconnue. Levant les yeux au ciel, il s’abstint de tout commentaire. S’il avait bien compris une chose depuis le début de leur petite association, c’est bien que Swann n’aspirait aucunement à se mélanger au monde auquel il appartenait.

« Le laisse pas dans ta poche, tu vas le percer. » Il distribuait des conseils tel un père envers son fiston. Usant d’un rire fatigué, Arthur fait glisser l’emballage jusqu’à la trousse renfermant tous les stylos de Swann. « Garde-le. » Il eut un sourire prononcé. « Ça te ferait pas de mal de t’en servir. » Il aurait bien besoin d’une petite session de jambe en l’air pour dénouer toute la tension qui semblait agiter son corps frêle. Puis si le fait de se débarrasser du dernier qu’il avait sur lui pouvait permettre à Arthur de ne pas se réveiller dans un autre lit d’ici à demain matin, tout le monde se trouvait gagnant. « C’était le sujet de la semaine dernière. On a déjà rendu notre rapport. » Oh. Il ne s’était pas vraiment présenté en cours cette semaine. « Merci mec. » Arthur lui adressa un sourire qui se voulait sincère. Sans Swann, il aurait déjà perdu sa place au sein de leur promotion. C’est peut-être bien pour cela qu’il appréciait le blond, entre autres. « On est tombé sur l’asthénie cette semaine. Et vue la tête que tu tires, je pense que tu vas pouvoir me donner un témoignage. » Il eut un rire qui lui valut un regard courroucé de la part de la bibliothécaire qui passait par là. « J’ai pas beaucoup dormi, mais on est loin de la fatigue chronique. » Certes, Arthur ne démontrait pas une certaine excellence académique, mais il lui arrivait de s’intéresser au cours et au sujet qui leur était présenté. « J’aurais le temps de dormir quand j’serais mort. » C’était son credo depuis bien trop longtemps pourtant. « Tu t’es pris un café sur la route ? » Toujours aussi attentionné, Swann. « Deux mêmes. » Un shot d’expresso alors qu’il attendait la boisson de son camarade puis un second sur le chemin, juste un peu parsemé de cocaïne. « Je me mets au boulot. »

En l’espace de trois-quarts d’heure, il avait changé cinq fois de position sur sa chaise, avait fait tourner son stylo cent fois entre ses doigts et n’avait rédigé qu’un simple paragraphe. Si les recherches n’étaient pas son fort, Arthur possédait un certain don pour la rédaction, qu’il cherchait toujours à mettre à profit pour soulager Swann. Mais il lui était impossible de focaliser son attention. Jouant avec le livre entre ses mains, il releva les yeux vers Swann. « Attends ? T’es parti sur la maladie chronique ou la santé mentale ? » Il ne lui avait pas demandé et avait chargé tête baissée, pour en finir au plus vite, son attention finissant toujours par papillonner ailleurs. « Il demande quoi le vieux ? Une page, deux ? » C’était rarement aussi maigre, mais Arthur n’avait déjà plus envie de rester dans cette bibliothèque.

Il aurait pu miser qu’Arthur réagirait ainsi, mais il n’avait pas vocation à provoquer le Destin. En réalité, Arthur n’a pas besoin de lui pour y penser, et il avance déjà le préservatif près des livres sur lesquels Swann travaille. « Garde-le. » Le blond ne souligne pas son geste ni même l’idée, bien trop certain que parler de la sexualité de Swann l’intéresse bien plus que leur travail - et pour le peu qu’il en fait, le blond a quand même à cœur de le garder attentif sur le bon sujet. « Ça te ferait pas de mal de t’en servir. » - « C’est pas ça qui va faire avancer notre problème du jour. » Il range le préservatif dans sa trousse, uniquement pour retirer à Arthur son grain à moudre. Il trouvera autre chose, Buchanan n’en doute pas un seul instant, mais avec un peu de chance il se concentrera sur le rendu pendant quelques minutes. Ce n’est pas comme si Swann comptait de toute façon alimenter le sujet de sa vie privée, encore moins avec son ami avec qui ils ont des visions bien différentes des choses, sur ça comme sur tout le reste. Le premier rêve d’une simple petite maison de campagne dans une véritable thébaïde alors que le second se complaît parfaitement dans la vie à cent à l’heure de Londres, où tous les excès sont permis grâce à son nom et à son argent. Swann ne le juge pas pour sa cuillère en argent, il trouverait ça malvenue de la part de quiconque, mais il s’étonnera toujours de leurs différences alors qu’il continue pourtant de lui témoigner son amitié la plus sincère.

Cette amitié qui ne l’empêche pas de parfois le haïr, lui et son attitude consistant à ne rien en avoir à faire de rien. « J’ai pas beaucoup dormi, mais on est loin de la fatigue chronique. » - « Non évidemment, ça c’est parce que t’es un Dieu vivant du sexe. » Il le souligne avec amusement, ne faisant que reprendre des mots qu’Arthur a forcément eus ici et là pour vanter ses mérites. Il préfère ne pas répondre à l’argument de “je dormirai quand je serai mort” puisqu’il est incapable de prendre le sujet avec autant d’humour et de recul qu’Arthur. Mais il n’est personne pour le forcer à avoir un mode de vie plus sain, alors il se contente de l’aider comme il le peut, à son niveau. Cela passe aussi par de nombreuses tentatives pour le faire se concentrer sur le travail qu’ils doivent rendre ensemble et qui, par la même occasion, est supposé leur faire en apprendre davantage sur un sujet précis en autonomie, le duo étant indiqué pour qu’ils s’entraident. Bien souvent, Swann est le seul à rendre le projet, faisant le travail de deux sans se plaindre davantage, trop soucieux de réussir dans ses études mais aussi de ne pas mettre Arthur dans l’embarras. « Attends ? T’es parti sur la maladie chronique ou la santé mentale ? » - « La maladie chronique. » Cela lui semblait évident au point où il n’a même pas pensé à le souligner à Arthur mais maintenant que son dernier lui pose la question, il relève un regard étonné et quelque peu inquiet. « Il demande quoi le vieux ? Une page, deux ? » Swann prend le temps de reposer son stylo et de boire une gorgée de café. « Dix, Arthur. » Comme chaque semaine. « Mais tu sais que ça irait plus vite si tu lâchais ce téléphone ? » Son iPhone 4S, acheté à la seconde où il a été rendu disponible au grand public. Swann n’est pas en colère, mais il commence quelque peu à se retrouver agacé par son attitude. « Tu as encore dix heures avant de trouver une fille chez qui dormir, je t’assure que t’es pas pressé. » Mais il est un peu plus pressé au sujet de leur devoir à rendre, cependant.

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SWANN & ARTHUR

Il n’existait pas duo plus diamétralement différent que le leur. Swann était l’exemple même de l’étudiant promis à un avenir brillant, capable de convertir ses nombreux efforts en résultat excellent. Arthur était entré dans le programme à l’aide de son nom de famille et misait sa propre réussite sur son intelligence, certes, mais également sur ses capacités à charmer ses camarades dans le simple but de lui venir en aide. Swann avait été sa proie la plus facile, celui qu’il avait à peine fallu convaincre. Il était celui avec qu’Arthur s’était le moins attendu à apprécier, mais à sa manière Swann était devenue une constante dans sa vie universitaire. Ce n’est pas uniquement leur nombreux projet en commun qui avait donné à Arthur le goût de réellement s’intéresser au blond. Mais plutôt parce que Swann, comparé à tous les autres, n’attendait rien d’Arthur en échange. Il ne lui avait jamais réclamé la moindre compensation financière lorsqu’il lui venait en aide pour leurs rendus et n’avait jamais accepté qu’Arthur ne lui offre quoi que ce soit en forme de remerciement. Arthur appréciait Swann tout simplement parce que ce dernier le voyait comme les autres sans jamais le mettre sur un piédestal. À part pour se moquer, toujours avec une bienveillance qui l’étonnait.  « Non évidemment, ça c’est parce que t’es un Dieu vivant du sexe. » Il ne put s’empêcher d’afficher un air triomphant. « Tu devrais le dire un peu plus fort. » Juste pour l’amuser ou booster son ego, quelque chose comme ça. « Je vois que la rumeur ne meurt pas. » Et bien sûr que tout cela lui plaît.

Il a essayé de se concentrer Arthur, mais cela s’avérait toujours être un exercice périlleux, surtout lorsqu’on l’enfermait dans une bibliothèque en compagnie de quelqu’un peu bavard et si attentif. Il avait besoin de bouger, de changer de sujet, de revenir plus tard à ce qu’il avait griffonné sur son bout de papier, mais Swann n’était pas de cet avis. « La maladie chronique. » Oh. Regardant à nouveau son papier, Arthur ne put s’empêcher de grimacer. « Dix, Arthur. » Donc il allait devoir rester plus longtemps. Et revoir son plan. « C’était pas intéressant le lien avec la santé mentale ? Sans dire de l’amener à une corrélation trop poussée, comme une lypémanie. » De toute façon, ce mal n’était que peu reconnu. Et Arthur ne voulait étaler sa science. Quoi que. Il voulait simplement explorer tous les champs des possibles. « Ou tu préfères qu’on fasse chacun l’un des points ? » Arthur n’était pas un excellent travailleur, mais il essayait. Entre deux ou trois distractions. « Mais tu sais que ça irait plus vite si tu lâchais ce téléphone ? » Comme un enfant pris la main dans le sac, il laissa tomber l’objet sur la table. « Tu as encore dix heures avant de trouver une fille chez qui dormir, je t’assure que t’es pas pressé. » Il eut un rire amusé face à la consternation de son camarade. « Non, non ce soir je dors chez moi. » Un réveil impromptu chez une inconnue, c’était la limite dans sa semaine. « Bon pour l’instant, c’est l’idée. » Il devait bien avouer que chacun de ses plans était voué à changer aux derniers moments.

Relevant les yeux vers Swann, il remarqua que son binôme n’avait pas le cœur à rire. « D’accord, d’accord, j’ai compris, pas de funny business. » Il aurait voulu rire, mais préféra s’abstenir. « Et si on divisait en deux. Une partie sur la maladie chronique et je fais un peu, enfin, égale quoi, sur la santé mentale ? » Est-ce que cela sonnait si idiot que ça ? « Ou ça te plaît pas du tout ? » Arthur aimait parfois, souvent, imposer ses idées, mais il avait fini par comprendre qu’il était souvent plus malin de se ranger du côté des idées de Swann. « C’est toi l’chef. » Qu’il lui rappela dans un clin d’œil. « Et quand on a fini, je te paye un restau ? » Il pouvait au moins faire ça pour lui. « C’est pour demain matin ? » Promis, il n’essayait pas d’acheter du temps, mais simplement à prévoir son temps. « Tu sais bien que je sais pas faire d’une traite comme toi. » Et pourtant, il préserverait dans l’idée de s’y prendre à la dernière minute. Et surtout, il s'entêtait à trop discuter au lieu de travailler.

« C’était pas intéressant le lien avec la santé mentale ? Sans dire de l’amener à une corrélation trop poussée, comme une lypémanie. » - « T’étales ta science. » Il le connait, il essaye simplement de prouver qu’il n’est pas inutile et qu’il a appris beaucoup de choses (et surtout qu’il est le meilleur sans même avoir à forcer). Swann lui tient ces reproches dans un sourire délicat, mais il n’en pense pas moins pour autant: il aimerait qu’Arthur se concentre un peu plus sur leur travail à rendre plutôt que sur absolument tout le reste. « Ou tu préfères qu’on fasse chacun l’un des points ? » - « On peut. Mais tu sors pas d’ici tant que t’as pas terminé ta partie. » Il lui fait confiance pour écrire un devoir cohérent, là n’est pas la question, mais il ne lui fait certainement pas confiance lorsqu’il s’agit de rester assis et surtout concentré durant plusieurs heures. Arthur a des capacités, mais c’est comme s’il faisait tout son possible pour ne jamais les prouver.

« Et si on divisait en deux. Une partie sur la maladie chronique et je fais un peu, enfin, égale quoi, sur la santé mentale ? » Et déjà, Swann comprend ce qu’Arthur s’apprête à faire: il va négocier pour qu’il penche en sa position. Il va essayer de faire en sorte que le travail lui convienne mieux et que le rendu final corresponde davantage à ce qu’il a envie d’écrire plutôt que ce qui leur a été demandé. « T’as fini, c’est bon ? » Il n’est pas d’accord sur le sujet, sur la longueur, sur la date de rendu. Et il essaie surtout de l’acheter grâce à un restaurant, ce qui aide à comprendre qu’Arthur n’a justement pas compris qu’ils s’apprêtent à rester à la bibliothèque jusqu’à bien plus tard que l’heure du dîner. « Je te promets que ça ira plus vite si t’arrêtes de tout négocier. » Il insiste, plongeant ainsi son regard dans celui de son ami. Il l’aime sincèrement, Arthur, mais il a aussi un don certain pour lui taper sur le système lorsqu’il est question de leurs études communes et de leurs avis particulièrement divergents à ce sujet. « Si on termine avant 21h, tu peux me payer une tournée. » Mais Swann reste Swann, alors il négocie et il s’adapte à son public. Il n’est pas intéressé par être invité au restaurant et il n’est pas non plus intéressé à l’idée qu’on lui paye un verre, mais il sait qu’en retour Arthur sera heureux de sortir avec lui et que cela peut représenter un moteur. Alors, comme toujours, il s’adapte.

WIN - Ils y arrivent
SO CLOSE - 21h30, lancé les négos Arthur
FAIL - aïe aïe aïe

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SWANN & ARTHUR

« T’étales ta science. » Il eut un soupir exagéré pour l’occasion. « Oh ça va ! Ça m’arrive de suivre aussi parfois ! » Il étalait clairement sa science pour gagner un peu de temps, mais Swann n’avait pas non plus besoin de relever ses supercheries. « On peut. Mais tu sors pas d’ici tant que t’as pas terminé ta partie. » Levant les yeux au ciel, il ne put que s’avouer vaincu. « Oui chef ! » Il avait tendance à râler, Arthur, mais il ne pouvait nier une chose : Swann est un être humain doté d’une patience légendaire. Il a toujours été ainsi avec lui, jamais un mot plus haut que l’autre, toujours à lui offrir une seconde chance et plus encore. Cela avait un côté rassurant pour Arthur, comme si son ami représentait ce que l’on lui avait souvent renié. Le droit à l’erreur, l’autorisation de tenter encore une fois, pour faire mieux pas à pas. Il en avait conscience, il ne méritait en rien l’amitié d’un garçon comme Swann. Il en profitait souvent, usant de ses charmes pour obtenir un énième passe-droit, mais au fond de lui Arthur était reconnaissant de tout ce que Swann avait pu lui apporter. À ses côtés, il lui arrivait de devenir un étudiant bien plus posé, quelqu’un qui a envie de comprendre et d’avance. Swann est devenu son ancre dans la réalité, le phare qui le ramène toujours à son projet personnel, au moins réussir dans ce défi qu’il avait su se lancer. Il ne baissait jamais les bras Swann, même lorsqu’Arthur tirait un peu trop sur la corde. Il s’était trouvé un ami en or.

« T’as fini, c’est bon ? » Mais parfois, cet ami trouvait sa propre limite. Ce qui avait pour habitude de faire rire Arthur, mais pas aujourd’hui. Il n’avait pas vu Swann s’emporter ainsi depuis bien longtemps et cela ne lui disait rien qui vaille. « Je te promets que ça ira plus vite si t’arrêtes de tout négocier. » Levant les mains au ciel, il vint attraper à nouveau son stylo. Swann n’avait pas envie de rire. « Si on termine avant 21h, tu peux me payer une tournée. » Un léger sourire vint étirer ses lèvres. « Deal. » Il avait un nouvel objectif en tête et c’est avec cela qu’il replongea dans leurs livres.

Arthur avait écrit. Pas juste quelques phrases, mais bien quatre pages complètes, d’un compte-rendu exhaustif de tout ce qu’il avait réussi à assimiler lors des dernières heures. Il lui en manquait plus qu’une pour compiler son travail avec celui de Swann. Mais les heures avaient tourné et désormais, il était strictement incapable de se concentrer. Il devait se retenir de ne pas fouiller ses poches pour en extraire un sachet de cocaïne, et même si la caféine lui venait en aide, désormais Arthur ne rêvait que d’une seule chose : sortir d’ici. « Faut que je fasse une pause. » Il n’avait aucune idée de ce qui permettait à Swann de rester ainsi assis sur une chaise durant des heures. « C’est presque 22 heures. » Ils avaient largement dépassé la limite que Swann avait fixée. Et bon, peut-être qu’Arthur exagérait un tout petit peu. Mais déjà, il exposa son travail au regard de son ami, cherchant à prouver sa bonne foi. « Il me reste une page. Je te la finis cette nuit. » S’il n’avait pas trouvé une autre occupation entre temps. « T’as gratté plus que moi, on a forcément fini là. On va pas écrire une thèse non plus. » Il avait espoir d’un rien, mais Arthur venait d’atteindre sa limite. Il avait compté toutes les versions de Nosferatu et de Dracula que contenait l’étagère à sa droite et bientôt, il allait se balancer sur sa chaise de manière dangereuse. « Tu finis celui-là et je te jure, sur la tête de ma petite sœur, que je fais le prochain. » Oui, il était prêt à vendre sa famille pour sortir de cette bibliothèque. « Ou alors on se ramène au moins jusque chez moi avant que mon cerveau coule par mes oreilles. » L’exagération, vous disiez ? « On prend une pizza, des bières et après, on finit de tout relier ? Je te laisse même mon lit et j’prends le canapé. » Il allait véritablement tout tenter. « Sérieux Swann t’a le teint aussi blafard que nos potes les vampires. Faut te remplir le bide. » Et pour appuyer son propos, il désigna la fameuse étagère à ses côtés. « On plie ? » Il n’allait rien lâcher, mais Arthur se refusait encore d’abandonner complètement Swann, sans se retourner.

Il reconnaît les indices d’un Arthur perdant patience, et ils se font de plus en plus évidents depuis plusieurs minutes déjà. En réalité, Swann est surtout étonné qu’Arthur ait su tenir jusque là sans devenir fou ni même annoncer avoir besoin d’air (pour ne jamais revenir ensuite). « Faut que je fasse une pause. » Les mots viennent finalement, et ils étirent au blond un sourire sans saveur. Il savait à quoi s’attendre, après tout. Leur tueur lui a proposé à plusieurs reprises s’il ne voulait pas changer de binôme pour les rendus du genre mais il a toujours refusé, bien conscient que personne d’autre que lui ne voudrait sans doute s’associer au Coventry. C’est une évidence pour beaucoup qu’il n’est pas celui qui écrit l’immense majorité de ses travaux. « C’est presque 22 heures. » Ce n’est qu’à cette annonce que le blond remonte son regard la feuille qu’il gratte depuis des heures, l’air de dire vraiment ?. Arthur lui montre son travail non tel un enfant sage mais tel un enfant qui espère tout de même avoir le droit à une récompense parce qu’il a fait des efforts. Et si Swann jure qu’il ne sera jamais un père tyran, il sait aussi qu’il sera juste et qu’il récompensera ses enfants pour le travail véritablement fourni. En l’occurrence, celui d’Arthur est incomplet. « Il me reste une page. Je te la finis cette nuit. » - « C’est à rendre demain matin. » Et il le précise d’une voix blanche parce qu’il sait qu’Arthur ne tiendra jamais le délai qu’il lui a indiqué: jamais il n’arrivera à écrire quelque chose de potable durant la nuit, surtout après avoir bu, et encore plus s’il a le malheur de rencontrer quelqu’un et d’avoir encore une capote dans la poche de son pantalon ou son portefeuille - et même s’il n’a pas de préservatif, d’ailleurs, mais ça Swann préfère l’ignorer. S’il n’avait pas trouvé une autre occupation entre temps. « T’as gratté plus que moi, on a forcément fini là. On va pas écrire une thèse non plus. » C’est ce qu’ils devront faire d’ici la fin de leurs études, pourtant, alors Arthur ferait bien de s’y habituer et le plus tôt serait le mieux. Ca aussi, parmi tout le reste, il semble avoir décidé de ne pas le comprendre. Bien plus que de mettre Swann en colère, cela le rend colérique.

« Tu finis celui-là et je te jure, sur la tête de ma petite sœur, que je fais le prochain. »
« Je comptais pas partir d’ici sans avoir terminé. »

Alors oui, il terminera ce devoir au même titre que tous les autres avant lui mais non, cela ne signifie pas pour autant qu’il croit à la promesse d’Arthur. Il a passé l’âge de croire aux cloches de Pâques autant qu’au Père Noël, et c’est un mensonge du même acabit qu’il tente en cet instant de lui vendre. « Tu passeras à ta soeur le bonjour, à l’occasion. » Il ne veut pas que sa tête serve pour une quelconque promesse (qu’Arthur ne tiendra pas pour autant), mais il tient au moins à la saluer, parce qu’il l’apprécie sincèrement malgré la propension de son frère à lui pomper l’air. « Rentre Arthur, je vais terminer. » Pas de pizza, pas de bière, pas de promesse d’un lit troqué contre son canapé. « Je t’appelle quand j’ai fini, tu me diras si t’es chez toi. » Parce qu’il aimerait quand même passer la soirée chez son ami même si la nuit sera courte: l’un n’empêche pas l’autre. Il ne dit pas non à une pizza, tout comme il ne dit pas non à une bière. Le problème, c’est qu’il acceptera de les partager seulement à partir du moment où il aura terminé ce travail, parce qu’il sait qu’ils n’arriveront jamais à travailler chez Arthur. « Allez, sors de là. » D’un geste de la main, il l’enjoint à ne pas réfléchir davantage et à accepter la proposition telle qu’elle vient.