Enfin la conversation semble plus aisée pour les deux personnes concernées. Cody sent ses épaules se détendre peu à peu et son rythme cardiaque revenir à un niveau normal : il ne s’était pas spécialement rendu compte d’à quel point il était stressé durant tout ce début d’échange. Ce n’est pourtant pas si surprenant, il sait que gros se joue lors de ces discussions ; il ne veut pas le vivre comme ça et souhaite simplement profiter d’une potentielle amitié naissante mais il reste cependant conscient de la réalité et de pourquoi ils se retrouvent tous les deux ici à échanger des banalités et à tenter de trouver un terrain d’entente pour leur discussion : les enfants. Et le sujet des animaux semble bien fonctionner alors Cody ne se gêne pas pour sauter sur l’occasion et ne pas lâcher cette ouverture-là. « Donc tu confirmes que les huskies ont un sacré caractère ? C'est déjà bien que t'aies réussi à empêcher qu'il fugue trop. » C’est le moins que l’on puisse dire ; à tel point que Cody n’était pas 100% certain de vouloir récupérer Shadow à la mort de son frère. Bien vite, l’idée de l’abandonner à son triste sort lui est devenu insupportable et la décision finale a été prise ; aujourd’hui, il ne regrette absolument pas son choix alors qu’il n’imagine clairement pas sa vie sans Shadow. « Ah oui franchement c’est quelque chose. Puis il est encore jeune alors il a beaucoup d’énergie, peut-être même un peu trop pour moi et ma trentaine bien entamée. » Il rigole en prononçant ces mots même si ces derniers détiennent tout de même une certaine part de vérité : il est sportif alors le poids de l’âge se fait sûrement moins ressentir mais il ne peut que remarquer parfois quelques tensions dans le dos qui viennent le rappeler à l’ordre. ça ne l’empêchera pas de faire la balade quotidienne en courant. Mais il s’imagine en effet ajouter un petit animal pour lui tenir compagnie quand il n’a plus la force de lui courir après pour l’amuser. « J'avoue que je sais pas trop quoi te dire... Comme j'ai adopté les deux miens en refuge, je savais qu'ils étaient habitués à côtoyer d'autres animaux, de plusieurs espèces. Les premiers mois ont été un peu compliqués le temps qu'ils s'habituent à vivre dans le même espace, mais ça allait. Peut-être qu'il faudrait que tu prennes un chaton ? Histoire que Shadow se sente une âme paternelle, et que le chaton n'ait pas encore d'expériences avec les chiens. » Olivia se trouve être de bons conseils et il ne peut qu’imaginer la joie d’Adèle s’il venait lui demander de lui trouver un petit chaton qui viendrait s’ajouter à la famille ; il devra y réfléchir, et en parler à Mila bien sûr, il n’est plus tout seul dans l’équation. « Ce serait sûrement une bonne idée oui, c’est vraiment une patte alors je pense que ça ne pourrait être que bénéfique pour lui. Et je ferai sûrement pareil que toi si je me décide, j’irai en refuge. Ma soeur est bénévole dans un refuge ici à Brisbane alors je suis sûr qu’elle sautera au plafond de joie en me voyant débarquer. » Il ne peut que l’espérer, en tout cas, depuis une dizaine de jours les relations semblent s’être détendues un petit peu et il ne peut que souhaiter que ça continue ainsi ; il ne supporte plus d’être en conflit permanent avec sa petite sœur. « J'imagine qu'il faut juste un chat très joueur, pour cohabiter avec Shadow. » Hochement de la tête de la part du boxeur, elle a sûrement raison en effet. Il n’a jamais eu de chat donc serait bien incapable de savoir mais ça fait sens.

Les banalités s’enchaînent et Cody n’ose pas changer de sujet de peur de se lancer sur un terrain sensible qui viendrait stopper la conversation agréable ou qui viendrait ternir son image auprès d’Olivia ; il ne veut pas que ça arrive évidemment, alors il se laisse porter et préfère la laisser mener la danse, c’est forcément plus simple ainsi pour lui.

« Où qu'il soit, ton frère doit être content de savoir son chien entre de bonnes mains » Un petit sourire triste et mélancolique ne peut que s’afficher sur le visage du concerné alors qu’il remercie d’un petit geste de tête la jeune femme sans se saisir de la conversation pour en parler ouvertement - ce n’est pas le lieu, pas le moment et clairement pas le genre de Cody de se mettre à exposer ce qu’il préfère largement garder tout au fond de lui ; il espère cependant qu’Ash est en effet content là où il est de savoir Shadow entre les mains de Cody, malheureusement le grand frère n’est pas certain que ça soit le cas, on ne peut pas dire que les relations fraternelles étaient au beau fixe avant la mort du plus jeune. « Si ta sœur travaille en refuge, elle saura te conseiller ! Et en plus elle connaît Shadow, elle saura lui trouver le compagnon parfait ! » C’est vrai et il sait qu’Adèle sera plus qu’heureuse de le conseiller et de ramener le deuxième petit animal avec lui à la maison, elle le tanne suffisamment pour qu’il passe adopter une bête comme s’il n’en avait pas déjà assez avec Shadow. « Tu as raison, t’es en train de me convaincre petit à petit, je te dis pas bravo ! » Il lui en fallait de toute façon très peu pour être convaincu mais maintenant, l’idée s’inscrit peu à peu dans sa tête. « Faudra évidemment que je demande l’avis de ma coloc mais bon, je pense que bientôt, un petit chat viendra nous rejoindre. » Ce n’est pas pour lui déplaire, il faut juste que Mila accepte et il ne perdra pas une seconde avant de retrouver Adèle au refuge pour qu’elle lui apporte ses précieux conseils ; s'il en venait à faire une adoption sans lui en parler d’abord, il en entendrait parler jusqu’à la fin des temps, il ne veut pas prendre le risque. « C’est Adèle qui va être contente. Ma sœur. » qu’il précise finalement avant qu’Olivia n’enchaîne sur une question en rapport avec ce sujet, la conversation désormais plus fluide et agréable qu’à ses débuts. « Vous êtes proches, tous les deux ? On est six enfants chez moi, et ça a été dur de quitter la maison familiale pour venir étudier ici... Même si on se disputait, hein, faut pas croire. Mais j'étais habituée à les avoir autour de moi, et je me suis sentie très seule dans mon studio d'étudiante. » Cody écoute attentivement, il ne s’en souvenait pas - pas certain d’ailleurs qu’ils aient mentionné leurs affaires de famille lors de leur brève histoire. Six enfants, déjà que trois ça lui semblait énorme, il n’ose pas imaginer la cacophonie de joie qui devait se faire entendre dans toute la maison ; il ne peut s’empêcher de remercier le ciel de n’avoir eu qu’Ash et Adèle, c’était déjà suffisamment difficile de se retrouver à la tête de la fratrie au décès de leurs parents, il n’ose pas imaginer s’ils avaient été plus nombreux ; probablement qu’il n’aurait pas pu, tout simplement. Cependant, il hoche la tête à ses mots avant de poursuivre. « Je comprends complètement, quand je suis parti à la fac, je me suis mis en coloc avec mon meilleur ami et sa femme sinon ça aurait été tout simplement insupportable. On était que 3 mais ça vivait toujours, ça courait partout, ça criait. Le silence j’y étais pas habitué. » Et aujourd’hui, il est difficile ce silence, pas tout à fait supportable d’ailleurs, d'où l’idée de se lancer dans la colocation à nouveau. Finalement, il répond à la question. « On est globalement proches je dirais. On a pas mal de hauts et de bas mais je l’aime plus que tout. » C’est la définition la plus simple pour une petite discussion autour d’une boisson ; il adore sa soeur et il donnerait tout pour elle, c’est peut-être pour ça qu’il souffre également de ce qu’il considère être de mauvaises décisions de la part de la jeune Shephard. Il ajoute. « J’ai dû être leur figure paternelle alors forcément, c’est pas une relation de grand frère - petite sœur classique. » Et son regret est là d’ailleurs, il aurait aimé pouvoir conserver cette place de choix. Ça n'a pas été facile de s’imposer comme figure paternelle, mais il n’a pas eu le choix, pour leur bien car ils étaient encore trop jeunes pour être laissés à eux-mêmes. Cody a laissé tomber la fac, et est venu s’occuper d’eux - il s’agit-là de la meilleure décision à son avis, mais elle a forcément eu pas mal de conséquences. « Vous êtes nés ici ? Ou vous y avez déménagé plus tard ? » Les questions s’enchaînent, Cody passe un bon moment à découvrir la jeune femme qu’il n’avait pas eu assez l’occasion de découvrir à une certaine époque. « On est nés ici. » qu’il confirme alors. « On a toujours grandi dans la même maison et pour tout te dire, j’y suis encore ! » Il a du mal à l’idée de s’en séparer même s’il réfléchit de plus en plus à cette possibilité-là ; il faut pouvoir tourner la page un jour. « Et toi ? » qu’il demande alors avant de poursuivre. « Tu disais avoir quitté la maison pour étudier ici, tu viens de loin ? » qu’il demande avant d’ajouter. « Avec une si grande famille, les repas doivent être animés, surtout si on ajoute les enfants au cocktail ! » Sourire aux lèvres, il voit ça comme une bonne chose et aurait rêvé pouvoir vivre ça avec ses parents, malheureusement il sait que le repas de Noël cette année sera composé de Adèle et lui et pas une grande tablée comme il peut l’imaginer chez Olivia. Finalement, il ose dire d’une voix plus basse. « J’imagine que ce sont des choses que je devrais savoir sur toi… » Comme quoi, il ne s’est vraiment pas assez intéressé à l’époque, trop pris par une histoire impossible.

« Je vais pas m'en vouloir de permettre à un chat de plus d'avoir une famille » Cody affiche également un sourire en miroir à celui de Olivia. En effet, il ne va pas lui reprocher pour de vrai une telle chose, d’autant plus que s’il ne souhaitait pas adopter de petite bête, il ne le ferait tout simplement pas. L’idée se plante alors dans son esprit et germera peu à peu jusqu’à ce qu’il prenne une décision et ne l’évoque avec Mila ; à voir la suite des événements ! Il n’a pas grandi entouré d’animaux mais il a très vite appris à les aimer et à les respecter, aujourd’hui, ça ne le dérangerait pas de lancer une ménagerie - ça apporte de la vie, de la joie et il ne peut qu’imaginer combien les enfants peuvent s’attacher à ces bêtes à poils, qui sait, il ne s’agit peut-être là que d’un début. «Tu vis en colocation ? » Il hoche la tête et ne prend pas du tout mal cette question - il connaît son âge et sait bien que le sujet peut surprendre ; d’ailleurs, lui-même ne pensait pas en arriver là quelques mois avant de se décider. « Oui, pour le moment j’ai une seule coloc mais je cherche encore une personne et après je pense qu’on sera bon. » Qu’il explique alors, il pourrait s’arrêter là mais il ressent le besoin de justifier ce drôle de choix. « La maison était trop vide ; ma soeur a vécu un peu avec moi et quand elle est partie, ça a vraiment fait vide alors je me suis dit que ce serait le mieux. » Il lui a fallu un temps d’adaptation, d’ailleurs il arrive encore à être surpris le matin en se levant. « Je te cache pas qu’il faut s’y faire, des fois j’oublie et je me fais une grosse frayeur en la croisant dans la cuisine ; à deux doigts de la crise cardiaque je te jure ! » ça finit évidemment toujours en rigolade mais ça lui arrive encore, il lui faudra un peu plus de temps pour s'habituer à cette présence. Heureusement qu’il avait déjà été en colocation, sûrement que ça aide un petit peu à s’y habituer. La colocation avec Caelan a été courte, c’est sûr, mais ça lui a permis d’effectuer une transition nécessaire ; même s’il a dû retourner à la maison par la suite plutôt que de se lancer dans une aventure seul comme c’était initialement prévu. « J'imagine que quitter une petite fratrie pour une petite coloc avec des gens que tu connaissais, ça a pas dû beaucoup te changer ! » En effet, c’était à la fois différent et à la fois pas tant. « Je crois que j'aurai eu du mal à retrouver cinq personnes pour qu'on vive ensemble. Surtout que je ne connaissais personne en arrivant ici… » Il est vrai qu’il aurait été plus difficile pour elle de reproduire son schéma familial dans une colocation mais pour lui, c’est venu comme une évidence ; vivre avec Caelan pendant quelques temps était certainement la meilleure décision et il ne regrette absolument pas. « Oui ça aurait été plus difficile pour toi, ça aurait fait une grande colocation ! » qu’il concède en riant. « Je t’avoue qu’à l’époque, je ne l’aurais pas fait avec des inconnus. Mes parents auraient sûrement été réticents également. » C’est forcément un peu étrange de parler de ses parents et de ce qu’ils pensaient quand ils étaient encore là, ça fait désormais bien longtemps que Cody ne peut plus les mentionner de la sorte ; quelques années plus tard, c'est lui qui tenait ce rôle. Un jour, Olivia - et il espère lui aussi - se retrouvera confrontée à la même situation avec les jumeaux ; mais chaque chose en son temps.

C’est fou d’imaginer que quelques minutes plus tôt, la conversation était chargée d’électricité et de gêne et que désormais, les mots fusent sans qu’il ne puisse les arrêter. Il retrouve aujourd’hui une vieille amie et l’inquiétude qui pesait sur ses épaules s’envole peu à peu pour laisser place à un sourire sincère alors qu’il apprend à la découvrir. « Je viens de Longreach, à plus de dix heures de route d'ici mais toujours dans le Queensland. Mes parents ont une ferme, produisent des légumes et ont des chevaux aussi. Les enfants y passent une grande partie de leurs vacances ! » Incroyable pour Cody qui n’est jamais parti aussi loin d’ici, même pour un voyage ! Il ose à peine imaginer combien ça a dû être difficile pour la jeune femme de partir si loin de cette grande famille mais il se doute que les retrouvailles doivent être toujours des plus agréables. « Ah oui tu as grandi en pleine campagne alors, c’est chouette ! J’ai passé ma vie ici à Brisbane alors pour moi, c’est un tout autre monde mais ça doit être génial de grandir entourée d’animaux comme ça. J’imagine que les enfants se régalent ! » Est-ce qu’il espère qu’un jour ces vacances seront coupées entre les grands-parents et lui ? Oui bien sûr, mais il n’en fait évidemment pas mention pour le moment. « Je suis la seule à avoir des enfants pour le moment, mais ils ont des tantes qui aiment jouer avec eux. Et effectivement, c'est toujours un peu le bazar, mais on a grandi là-dedans alors on y fait à peine attention. J'imagine que nos partenaires doivent toujours trouver la première journée avec toute la famille très bruyante ! » Petit rire de la part de Cody. « C’est sûr même ! On était que 3 et déjà, j’ai souvenir des voisins qui se plaignaient du bruit quand on était gamins. » Aujourd’hui, cette maison pleine de vie ne peut que lui manquer et c’est ce qu’il tente de reconstituer avec la colocation.

Maintenant que la conversation est plus facile à vivre, Cody peut plus aisément évoquer leur relation passée. « On est pas resté assez longtemps ensemble pour savoir ce genre de choses sur l'autre. On ne pensait pas finir relié à vie, à devoir se revoir et rattraper le temps passé. » A qui le dit-elle ! Cody ne peut qu’hocher la tête à ses mots, il n’imaginait en effet pas se retrouver dans une telle situation avec cette nouvelle plus que surprenante. Même si aujourd’hui, il a en effet envie de pouvoir un jour rencontrer les jumeaux, il n’est pas complètement arrivé à la réalisation de ce qui est en train de se passer pour lui. Il lui faudra sûrement un bon moment avant que ça ne devienne quelque chose de normal et d’ancré en lui.

La conversation se poursuit sur le même ton et au final, Cody ne voit pas les minutes défiler, prenant un plaisir à redécouvrir Olivia après toutes ces années ; l’évocation des enfants vient parfois lui apporter des éléments supplémentaires sur eux mais il en apprend surtout sur elle et ça lui convient, il découvre peu à peu une personne avec qui il peut s’entendre et le moment est tout simplement agréable. Quand ils se disent au revoir, Cody repart avec un sourire affiché sur le visage.