La nouvelle lui était parvenue au détour d’une conversation, comme l’on échangerait quelques banalités. L’un des leurs s’était vu tomber au combat. Pas de deuil à déplorer, mais une ombre plus sombre encore venant planer sur la famille Taylor. Arthur ne l’avait pas cru, il se refusait d’entendre une rumeur si infondée. Mais le moulin à paroles disait vrai, Abraham s’était lancé dans une traque inespérée, se faisant alors piéger par l’un des sans-reflets. Il était devenu l’un des leurs. Condamné à la pire des sentences, lui qui était pourtant un chasseur chevronné. Depuis l’enfance, Arthur possédait une profondément admiration pour son aîné. Il pouvait passer des heures à l’écouter prodiguer des conseils ou tout simplement conter quelques aventures de chasses. Il lui était difficile de croire qu’Abe se soit ainsi fait piéger, mais son grand-père était venu lui confirmer la nouvelle. Les Taylor allaient devoir faire profil bas. Juste un temps, pour se palier d’une sacrée perte. Personne ne savait réellement ce qu’était devenu Abraham et où il se cachait.

Toute sa vie, on lui avait enseigné à ne jamais approcher de trop près, l’une de ses créatures de la nuit. Si son clan avait une véritable dent contre les lycans, Arthur s’était vu mêler à quelques chasses aux vampires au fil des années. Il possédait une certaine fascination pour ces êtres de la lune, vouer à se nourrir de sang humain pour continuer à vivre dans un monde fait de pénombre et de lamentation. Il ne pouvait s’imaginer son ami condamné à un tel sort. Alors, désobéissant à tout ce qu’on lui avait inculqué, Arthur s’était décidé à trouver Abe, ayant une vague connaissance de l’endroit où il pourrait le trouver.

Cette aventure n’avait rien de prudente. Arthur avait pris ses précautions, mais Abe restait un jeune vampire, probablement aliéner par le désir du sang. Il avait suivi quelques traces avant de trouver la silhouette de son ami, au pied du vieil observatoire. « Abe. » Il l’avait sûrement entendu arriver de loin. Avait-il reconnu son odeur. « Je ne suis pas armé. » Dans la mélodie de sa voix, Arthur cherchait à laisser entrevoir toute son honnêteté. « Je voudrais pouvoir t’aider. » Il ne savait comment démarrer une telle entreprise, mais l’envie de se proposer lui tenait à cœur. « Ou t’aider à te venger. » Il venait en paix, à la recherche de celui qu’il connaissait depuis toujours et qu’il admirait avec tant de ferveur. Il était peut-être l’heure pour Arthur d’enfin démontrer sa loyauté envers son clan, quand bien même Abe avait chuté loin de tout ce qu’ils pouvaient cautionner.

Abraham Taylor & @Arthur Coventry

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(UA gothique) Les chasseurs n’étaient pas des têtes brûlées, et Abe le premier avait appris dès le plus jeune âge à ne pas laisser son arrogance lui faire perdre de vue qu’un bon chasseur était un chasseur qui étudiait sa proie. Il avait lu des livres par dizaines, écouté avec avidité les récits de tête-à-tête d’autres plus expérimentés que lui avec toutes sortes de créatures, su très vite comment différencier un allié d’un opportuniste, et appris à ne jamais sous-estimer son instinct. Il avait englouti tout ce qu’il pouvait apprendre du Diable des Carpates, Prince des ténèbres de l’Europe de l’Est régnant sans partage sur une cour nocturne asservie à sa cause, tour à tour silhouette cauchemardesque dont le simple nom provoquait crainte et émoi, ou objet de fascination en poussant certains à se laisser prendre dans ses filets pour mieux le regretter ensuite. Père inflexible d’une armée de disciples qu’il gardait sous sa coupe au prix d’un pacte de sang que rien ni personne ne saurait contredire, souverain sanguinaire que la réputation précédait, et dont la légende dépassait les frontières en semblant presque trop folle pour être réelle.

Tout cela, Abraham l’avait lu. Abraham l’avait étudié. Et rien de toute la connaissance emmagasiné au fil des années ne l’aurait pourtant préparé à ce qu’il expérimentait désormais, sur le fil tendu se dressant entre les morts et les vivants, l’âme plus froide que le marbre des tombes, mais habité par de bas instincts qu’il sentait brûler au creux de son être. Ceux-là même qui lui retournaient à nouveau l’estomac, tandis que se dressait derrière lui une silhouette que son être tout entier désirait considérer comme une proie, malgré la voix familière s’en élevant finalement « Abe. » Tressaillant à peine, comme impassible sous la cape qu’il ne quittait plus, le Taylor avait laissé s’écouler quelques secondes avant de quitter la cime du moulin pour se poser sur le profil d’Arthur. « Tu ne devrais pas rester ici. » s’était-il contenté de souffler, n’ayant plus guère d’illusions à se faire quant au fait que de la bouche d’Amos, la nouvelle de sa damnation devait avoir transité de chasseurs en chasseurs. « Je voudrais pouvoir t’aider. » Vraiment ? « Ou t’aider à te venger. » Un éclat de rire teinté d’amertume échappant au vampire, ce dernier avait tourné le dos à Arthur, et fait quelques pas pour s’en éloigner. « Ou apporter ma tête sur un plateau aux autres Taylor. » Il pourrait bien prétendre tant qu’il voulait ne pas y avoir pensé, Abe refuserait de le croire – car à situation inverse, la chose lui aurait traversé l’esprit. « Va t’en, Arthur. Tu me rendrais service si t’étais là pour m’achever, mais j’ai découvert que j’étais trop lâche pour demander à quelqu’un de me faire ce plaisir. » N’était-ce pas paradoxal, quand on venait de se voir offrir la vie éternelle, d’avoir si peur de la mort ?

L’ancien observatoire lui ramenait des souvenirs qu’il aurait préféré retirer de sa mémoire. Comme dans un flash, les cicatrices sur son torse parurent se réveiller, le renvoyant à la douleur lancinante qu’il avait ressentie ce soir-là après avoir essuyé l’attaque d’une des créatures qu’il passait son temps à chasser. Lui aussi était passé près de la mort ce soir-là. Un coup trop proche de la carotide, une griffure plus profonde et il aurait pu ne jamais se relever. Arthur n’estimait pas comprendre ou même pouvoir se mettre à la place d’Abraham, mais il réalisa subitement que leur vie ne tenait qu’à un fil. Qu’importe ce qu’ils pouvaient bien traquer, les chasseurs pouvaient également se transformer en proie. Abraham devait désormais en payer le prix fort. La sentence se voulait irrévocable, malheureusement. Et même tapis dans la pénombre, Arthur pouvait déjà deviner les changements que son ami avait dû endurer. Tout paraissait glacial autour de lui, comme si la vie s’était envolée de l’endroit, ne laissant place qu’à un frisson glacial et menaçant.

« Tu ne devrais pas rester ici. » Il avait su prédire sa réaction. Arthur avait deviné qu’Abe ne voudrait rien entendre et surtout qu’il se refuserait à le laisser approcher. Mais il n’était pas du genre à baisser les bras aussi rapidement, encore moins à laisser tomber une personne qu’il avait toujours considérée comme un ami. Arthur pouvait se montrer incroyablement têtu lorsqu’il l’avait décidé. Et il avait, sincèrement, à cœur l’envie de venir en aide à celui qui lui avait beaucoup appris. « Ou apporter ma tête sur un plateau aux autres Taylor. » Surpris par la remarque, il fit un pas en arrière, avant de lever les mains. « Je suis venu sans aucune arme. » Il n’avait pas l’intention de s’en prendre à lui. « Abe, personne ne veut ta tête sur un plateau. » Les plus anciens avaient évoqué l’idée. Il ne fallait pas que les chasseurs se fassent envahir par les créatures qu’ils pourchassaient depuis la nuit des temps. Mais la nouvelle génération, elle, voyait en cela un problème qui se pouvait d’être contrôlé. Arthur faisait partie de ceux qui voulaient trouver une solution sans avoir à planter un pieu dans le cœur de son aîné. « Va t’en, Arthur. Tu me rendrais service si t’étais là pour m’achever, mais j’ai découvert que j’étais trop lâche pour demander à quelqu’un de me faire ce plaisir. » Ses mots lui provoquèrent un pincement à la poitrine. « Même si tu me le demandais, je ne serais pas le chasseur qui te ferait cet honneur. » Même si Abe l’avait supplié, Arthur n’aurait probablement pas pu se résoudre à quelque chose d’aussi définitif. Et comme pour démontrer, qu’il n’avait aucune intention à se lancer dans le moindre affrontement, Arthur vint s’asseoir dans l’herbe fraîche. « Est-ce que… » La question se voulait délicate. « Est-ce que tu t’en sors ? » Arrivait-il à se nourrir sans provoquer de massacre ? Arthur se voulait curieux autant qu’il ne souhaitait rien savoir des nouvelles habitudes alimentaires d’Abraham. « On peut le retrouver. » qu’il ajouta avec un peu plus de conviction. « Celui qui t’a fait ça. » Le retrouver et lui faire payer. « Tu sais forcément de qui il s'agit, pas vrai ? » Il se devait au moins de lui partager cette information.

Abraham Taylor & @Arthur Coventry

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Et si le soleil se levait à nouveau ? Et si le répit accordé par cette nuit qui n’en finissait plus cessait enfin, soulageant le commun des mortels plongés dans l’obscurité depuis des jours (des semaines ? Il ne savait plus), mais terminant du même coup de condamner Abe à une vie – éternelle – de clandestinité, asservi aux allers et venues de la lune et du soleil comme les prisonniers attendant l’heure de la promenade quotidienne. Aurait-il su, lorsque le soleil s’était levé pour la dernière fois, qu’il ne lui serait plus jamais donné l’occasion de sentir sa chaleur rassurante glisser contre sa peau, il en aurait profité ; il s’en serait délecté comme de la première respiration profonde d’un nouveau-né, et comme d’un baiser langoureux après des semaines d’abstinence. Il aurait enlacé sa mère un peu plus longtemps avant de partir en chasse, il aurait (peut-être) trouvé le courage de dire à son père ces choses qu’ils ne se disaient jamais sans moins les penser, et il aurait lavé cette stupide tasse de thé qu’il laissait traîner chaque fois qu’il s’en allait, comme pour conjurer le sort et se persuader qu’il faudrait bien revenir en vie pour pouvoir la ranger avec les autres.

Et Arthur, par sa seule présence, ne faisait que rappeler une nouvelle fois au Taylor tout ce qu’il venait de perdre, et tout ce que la vénéneuse Constantine lui avait arraché par simple désir de se divertir. « Je suis venu sans aucune arme. » s’était défendu l’autre chasseur, probablement sincère dans sa démarche, mais n’arrachant à Abe qu’un sourire amer lorsqu’il avait ajouté « Abe, personne ne veut ta tête sur un plateau. » – « Dans ce cas vous faites d’aussi piètres chasseurs que moi. » La langue passant sur la pointe de ses canines, comme une habitude récemment acquise mais dont il ne parvenait déjà plus à se départir, l’homme (le monstre) avait posé sur son ami ses iris d’un rouge presque noir. « Chasser ou être chassé, uh ? » C’était ainsi qu’ils fonctionnaient, c’était ainsi qu’on les élevait depuis toujours, et qu’Arthur soit venu sans arme à sa rencontre comme il le prétendait était autant une preuve de bêtise et d’imprudence qu’une preuve de loyauté – dont Abe ne pouvait s’empêcher, néanmoins, d’y trouver un certain réconfort.

« Même si tu me le demandais, je ne serais pas le chasseur qui te ferait cet honneur. » Elle allait jusque-là, sa loyauté, et pour cette raison Abe s’était gardé de rétorquer que cela ne faisait que les rendre aussi lâches l’un que l’autre. « C’est bien assez humiliant de ne pas être capable de le faire par soi-même. » Le pouvait-il, seulement ? Le biais du chasseur ne leur faisait-il voir que la part de ces créatures qui se délectaient de la souffrance d’autrui, ou d’autres bougres tels que lui avaient-ils trouvé le moyen d’aller contre un instinct de survie surnaturel pour écourter leur errance malheureuse ? « Est-ce que … Est-ce que tu t’en sors ? » Oh, finally. « Est-ce que j’ai déjà tué quelqu’un, tu veux dire ? » Bien sûr que c’était cela. « Elle serait morte, de toute façon. L’hôpital en est plein, c’était une question de jours. » Ou était-ce les excuses qu’il se racontait pour tenter de minimiser l'innommable ? Il s’était détourné de l’orphelinat et de ces enfants qui ne manqueraient à personne, il n’avait pas pu, et voulait croire s’être rabattu sur le moindre mal. « On peut le retrouver. » Plait-il ? « Celui qui t’a fait ça. Tu sais forcément de qui il s'agit, pas vrai ? » Laissant échapper un rire sinistre, Abe avait enfin laissé tomber la capuche qui maintenait son visage dans la pénombre, et offert son apparence cadavérique à son interlocuteur. « Celle. » La sournoise, la mauvaise. « Une bourgeoise qui se laisse sous-estimer. C’est comme ça qu’elle m’a eu. » Et lui n’avait eu que ce qu’il méritait pour s’être laissé berner – c’était ce qu’il essayait de dire, pour ne pas avouer qu’il rêvait sa vengeance solitaire. « Et tu as certainement d’autres combats à mener. » Qu’il y aille, et les chauve-souris seront bien gardées.

Il pouvait sentir toute la tension qui émanait de son comparse. Abe se cachait dans la pénombre comme un monstre reclus pour toujours. Il n’arrivait pas à imaginer que cela finirait pourtant par être le cas, que si le soleil venait de se lever à nouveau, Abe deviendra l’un de ces noctambules qui ne peuvent vivre que sous la lumière de la lune. L’un de ceux que leur famille avait passé des décennies a poursuivre, à chasser et surtout… À tuer. Et Arthur ne pouvait se résoudre à cela. Ce n’était qu’un mauvais rêve, pas vrai ? Un jeu de l’esprit, causer par l’éclipse. Rien de plus. Il pouvait encore trouver une solution ? Il se voulait rationnel la plupart du temps, mais aujourd’hui Arthur se prenait à rêver tel un petit garçon qui n’avait aucune prise sur la réalité. « Dans ce cas, vous faites d’aussi piètres chasseurs que moi. » Il eut un rire nerveux. « Peut-être bien. » Il se voulait de tenter un peu d’humour. « Après tout, c’est toi qui m’as tout appris. » Peut-être pas tout, mais tout de même, une bonne partie de ce qui faisait de lui un chasseur excellent dans son art. « Chasser ou être chassé, uh ? » C’est effectivement ce qui lui avait appris, ce qu’on leur avait inculqué durant toute leur enfance. « On ne chasse pas les nôtres. » Qu’importe sa nouvelle nature, Abraham restait l’un des leurs. Arthur ne pouvait pas se résoudre à une autre option, pas pour le moment.

« C’est bien assez humiliant de ne pas être capable de le faire par soi-même. » Relevant les yeux vers l’ancien chasseur, Arthur se demanda ce qui pouvait bien l’empêcher de passer à l’action. « Si tu insistes. » Il se voulait de lui faire au moins cette promesse. « Si après quelque temps, c’est vraiment ce que tu veux. Je le ferais pour toi. » Il ne voulait se résoudre à une telle solution, mais il se devait de démontrer toute sa loyauté. Si Abe ne voulait pas continuer dans une telle existence, il lui offrirait un peu de sympathie, une certaine forme de délivrance. Après tout, il était devenu ce qu’il avait passé une vie entière a détester. Il y avait de quoi virer fou. Malgré la tension, Arthur avait presque l’impression de pouvoir converser avec son ami, dans une certaine normalité. « Est-ce que j’ai déjà tué quelqu’un, tu veux dire ? » Il hocha la tête. « Elle serait morte, de toute façon. L’hôpital en est plein, c’était une question de jours. » - « Je comprends. » Il avait au moins choisi quelqu’un qui n’avait plus rien à perdre. Ou est-ce qu’Arthur cherchait simplement à se rassurer ? « On pourrait trouver une solution. » Il savait que certains étaient capables de se contrôler, c’est que Ruben lui avait appris quelques jours auparavant. Peut-être que son compère d’aventure pourrait venir en aide à son ami de toujours. « Je… C’est une longue histoire, mais j’ai rencontré un vampire qui sait se contrôler. » Pourrait-il lui apprendre ? Arthur se sentait tel un adolescent naïf, à chercher une solution à un problème qui n’en avait probablement pas.

« Celle. » Arthur marqua une pause. Avant de relever les yeux vers Abraham. « Une bourgeoise qui se laisse sous-estimer. C’est comme ça qu’elle m’a eu. » Ce n’était pas possible. « Tu t’es fait avoir par une femme ? » Il ne pouvait pas croire à ce qu’il venait d’entendre. « Tu t’es laissé séduire aussi stupidement ? » L’expression venait du cœur. Il n’avait pu cacher sa surprise. Se laisser avoir par quelques charmes féminins, cela sonnait si simple et si cruel à la fois. « Et tu as certainement d’autres combats à mener. » Il eut un soupir. « Tout un tas. » L’éclipse, les sorts, les créatures de la nuit, tout paraissait être un combat. « Mais une femme a pris la première place dans le classement de mes combats. » Il voulait savoir qui elle était, il voulait la traquer et la faire souffrir. « Laisse nous faire ça pour toi. » Les Coventry et les Taylor pouvaient bien reprendre le combat ensemble, pour venger les leurs, ils savaient faire. « Et je t’aiderai, autant que je peux. » Même s’il n’avait aucune idée de la démarche à suivre et par où commencer. « Même après l’éclipse. » Il eut un rire nerveux à nouveau. « Me laisse pas être un idiot optimiste tout seul. »

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Il y avait entre les chasseurs un mélange permanent de concurrence et de camaraderie, et un code d’honneur auquel ne dérogeaient que les rares à n’en posséder aucun (d’honneur). La loyauté d’Arthur, outre qu’elle leur venait du nombre d’années depuis lesquelles ils se cotoyaient, le touchait donc sans véritablement l’étonner, et sa répartie était même parvenue à arracher à Abe un semblant de sourire – le premier depuis des jours. « Peut-être bien. Après tout, c’est toi qui m’as tout appris. » Du même ton, et la poitrine se soulevant avec un peu plus de légèreté, le Taylor avait soufflé « C’est vrai que c’est moi qui t’ai servi ta première pinte. » avec un brin d’amusement, avant qu’un soupir triste ne finisse par lui échappe et qu’il ne reprenne au bout de quelques secondes de silence « J’aurai au moins légué quelque chose à quelqu’un. » Si l’un de ses frères ou Arthur se sortait un jour d’un mauvais pas grâce à un conseil ou une histoire grapillée par le passé auprès d’Abe, alors ce dernier pourrait au moins se satisfaire d’avoir compté pour quelque chose. « On ne chasse pas les nôtres. » Dans la théorie. Dans la pratique, la chose s’était probablement déjà produite, et Abe ne pouvait pas croire être le premier de son espèce à s’être laissé piéger par la proie qu’il chassait. Et si le temps continuait de s’écouler pour les chasseurs mortels, arriverait un jour où Abraham, pour sa part, aurait vécu la vie d’un vampire plus longuement qu’il n’aurait vécu celle d’un homme.

A moins qu’il ne se délivre avant de sa malédiction, ou ne trouve quelqu’un pour se charger de la basse besogne. Lui-même ne s’en sentait pas capable, à son grand désarroi, car un chasseur n’était pas supposé craindre la mort. « Si tu insistes. » Ses iris allant attraper ceux d’Arthur, il l’avait laissé ajouter « Si après quelque temps, c’est vraiment ce que tu veux. Je le ferais pour toi. » et avant rétorqué presque aussitôt « Même si je supplie ? » presque par provocation. Comme pour tester la solidité de la promesse. « Même si le moment venu, je négocie pour essayer de te faire changer d’avis, en perdant au passage le peu d’honneur qu’il me restera ? » Abe avait si peu confiance en son propre jugement, en ses propres limites, qu’il était prêt à laisser entre les mains d’un autre le soin de s’assurer que sa peur ne serait pas une barrière éternelle se dressant entre lui et ce qui devait être fait. Plus encore que de mourir, Abe craignait l’instant où son humanité s'effilocherait – tous les vampires dont il avait un jour croisé la route en étaient dépourvus, à plus ou moins grande échelle, et perdre peu à peu la notion de ce qu’était le bien ou le mal semblait être une issue inéluctable. Un jour il ne se contenterait plus de se lamenter dans la pénombre, et de se repaître de victimes déjà étendues sur leur lit de mort. « Je comprends. » Non, il ne comprenait pas. Mais le Taylor ne lui en voulait pas.

« On pourrait trouver une solution. Je … C’est une longue histoire, mais j’ai rencontré un vampire qui sait se contrôler. » Sous le masque de fatalité, la révélation venait d’allumer dans le regard du jeune vampire une lueur d’espoir aux allures de cadeau empoisonné. Un vampire ne se contrôlait pas, un vampire était une bête, un démon incapable de résister à ses bas instincts. « Si tu décides de croire un vampire sur parole, alors je ne t’ai pas appris l’essentiel. » La grimace lui échappant la seconde suivante avait découvert ses canines, et détournant le regard Abe avait remonté sa capuche sur sa tête pour s’y cacher de nouveau. « Je jure que j’aurais pu m’en prendre à Tessa, si quelqu’un n’était pas entré dans la boutique. Ou à son fils. J’aurais pu me jeter sur n’importe quoi. » Et sur n’importe qui, y compris sur la jolie veuve dont il s’évertuait d’ignorer le statut de sorcière, pour mieux pouvoir continuer d’en pincer pour elle en silence. S’en serait-il tenu à cela que sa malédiction aurait été moindre, et moins définitive. « Tu t’es fait avoir par une femme ? Tu t’es laissé séduire aussi stupidement ? » Oui. Sa faiblesse n’avait eu d’égale que sa stupidité, et aujourd’hui il en payait le prix fort. « Je l’ai sous-estimée. » Il avait vu la femme avant de voir la créature, et placé trop de confiance dans son ego masculin.

Et elle le paierait. Il lui avait promis autant qu’il se l’était promis à lui-même, mais ce combat n’était pas celui d’Arthur, et Abe n’entendait pas le détourner de ceux qui l’occupaient déjà. « Tout un tas. Mais une femme a pris la première place dans le classement de mes combats. » – « Qui s’est laissé séduire stupidement par qui, alors ? » n’avait-il pas pu s’empêcher de renvoyer avec un brin d’impatience. Arthur n’appliquait pas ses propres principes, et jugeait des faiblesses d’Abe en cultivant les siennes ; c’était au mieux cocasse, et au pire l’augure d’une fin pas plus enviable que la sienne. « Laisse nous faire ça pour toi. Et je t’aiderai, autant que je peux. Même après l’éclipse. » Depuis combien durait-elle, seulement ? « Nous ? » Au nom de qui croyait-il parler ? Son face-à-face avec Amos avait suffit à le convaincre de ne jamais vouloir se risquer à croiser le regard d’un autre Taylor. Les Coventry ? Ils auraient meilleur temps à mettre du plomb dans la tête du petit dernier. Cette femme dont Arthur admettait avoir fait son combat du moment ? « Me laisse pas être un idiot optimiste tout seul. » Eût-il encore été en capacité de verser des larmes, Abe aurait peut-être senti sa gorge se serrer. Au lieu de cela il avait seulement senti les mots s’y coincer, et dû forcer pour que ne lui échappe dans un souffle « Et me laisse pas devenir une bête dépourvue d’humanité. »

« C’est vrai que c’est moi qui t’ai servi ta première pinte. » Il eut un rire un brin amusé, mais surtout empli de nostalgie. Arthur n’avait pas de frère aîné, mais il avait eu la protection de ses cousins et puis les Taylor étaient entrés dans la danse, particulièrement Abraham. « J’aurai au moins légué quelque chose à quelqu’un. » Arthur n’était pas le seul a avoir bénéficié des enseignements d’Abe, ils avaient tous su grappiller des informations, des techniques, auprès de celui qui avait débuté la chasse bien avant eux. « Ne parle pas comme si ce ne sera plus jamais le cas. » Son rôle venait de changer, probablement pour toujours, mais Abe n’oubliait rien de ses connaissances. Il pourrait probablement s’en servir autrement, les transmettre à d’autres ? Arthur en gardait l’espoir en tout cas.

Mais il avait également conscience de l’enfer que son ami paraissait traverser. Il ne s’était pas simplement blessé lors d’une chasse, mais était devenu l’objet même de sa traque. Un cauchemar éveillé pour n’importe quel chasseur. Arthur avait au moins conscience de cela. « Même si je supplie ? » Bien sûr qu’il testerait sa promesse jusqu’au bout. Arthur devrait se battre contre ses propres principes si cela en devenait le cas, mais une promesse est une promesse. « Même si le moment venu, je négocie pour essayer de te faire changer d’avis, en perdant au passage le peu d’honneur qu’il me restera ? » Abraham envisageait le pire, se voyant déjà dénuer de la moindre once d’humanité, vouer à ne devenir qu’un monstre empli de cruauté. Arthur l’avait cru également, que les vampires n’étaient voués qu’à devenir des créatures sans âme, une récente rencontre lui avait prouver l’inverse. « Même si tu me supplies en larmes. » qu’il affirma sans se démonter. « Même si tu trouves la meilleure des parades pour m’atteindre. » Abe le connaissait que trop bien, il saurait viser juste. « Si tu me le demandes, si l’on fixe un point de non-retour, le moment venu, je n’hésiterais plus. » Mais il allait devoir lui donner la limite. « Je te laisse même choisir la façon. » Pour une mort élégante, quelque chose de digne malgré la situation.

Mais Arthur n’en démordait pas, il pouvait exister une solution. « Si tu décides de croire un vampire sur parole, alors je ne t’ai pas appris l’essentiel. » Alors Abe n’en avait jamais croisé qui cherchait à poursuivre leur existence sans troubler l’ordre ? « Celui-ci m’a sauvé la vie. »[/color] Arthur ne l’avait pas inventé. « Il s’en est pris à l’un de sa race pour me venir en aide. » Il eut un rire après cela. « Je sais, cela paraît insensé, mais c’est la vérité. » Ruben lui était venu en aide alors que l’autre vampire avait ses crocs plantés dans son épaule. Repensant à la scène, il vint tirer sur sa chemise, laissant les rayons de la lune luire sur sa cicatrice. « Je serais mort sinon. » Est-ce qu’Abraham allait le croire ? « Je jure que j’aurais pu m’en prendre à Tessa, si quelqu’un n’était pas entré dans la boutique. Ou à son fils. J’aurais pu me jeter sur n’importe quoi. » - « Le contrôle demande du temps. » Et de la volonté probablement.

« Je l’ai sous-estimée. » Ce n’était pas son genre. « Elle devait être fort belle. » Il voulait plaisanter, malgré l’instant empli de noirceur. Arthur avait ses combats à mener, mais cette femme venait de se hisser dans la liste de ses priorités. « Qui s’est laissé séduire stupidement par qui, alors ? » Abraham n’avait pas compris où il voulait en venir. « Celle qui m’a séduit est humaine. » Il s’en était assuré à tellement de reprises qu’il ne pouvait plus en douter désormais. « Mais celle qui est devenu mon combat, il va falloir que tu la nommes. » Parce qu’Arthur ne comptait pas reculer. Qu’importe si le vampire se voulait âgée et donc rusée. Il allait lui faire payer. « Nous ? » - « Tu penses que tes frères pourraient t’abandonner ? » Il en doutait presque désormais. Les Taylor allaient réellement le laisser pour mort ? « Et me laisse pas devenir une bête dépourvue d’humanité. » Se levant à nouveau, Arthur s’approcha de son ancien camarade, la main tendue vers lui. « Promis ? » Il semblait attendre l’impossible, le cœur battant. Mais Arthur continuait à croire qu’Abe resterait son ami, avec sa personnalité, comme il l’avait toujours connu. Cela ne pouvait être autrement. « Si tu as besoin. » Il allait lui proposer l’impensable. « Je t’aiderais à trouver ce dont tu as besoin. »[/color] Des personnes sur lesquels se nourrir, sans que cela ne compte tel un assassinat, sans que cela ne devienne une erreur. « Tu as un endroit où vivre ? » Arthur continuait à parler, la main tendue, sans aucune défense, à la merci de la volonté de son ami.

Abraham Taylor & @Arthur Coventry

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« Ne parle pas comme si ce ne sera plus jamais le cas. »
Comme le temps passait vite, et comme les choses pouvaient parfois changer d’un jour à l’autre, d’une minute à l’autre. Fut un temps où les dix années séparant Arthur d’Abraham conférait au premier le rôle de petit frère que le second n’avait pas pu expérimenter dans sa propre fratrie, son peu d’écart et sa mésentente avec Chad les empêchant de partager quoi que ce soit d’autre que des chamailleries et de la compétition. Aujourd’hui qu’ils étaient tous des adultes, la décennie séparant le Taylor du Coventry s’était estompée, et l’ironie des derniers événements faisait qu’un jour, si les choses s’enlisaient, Arthur aurait plus de rides, plus de cheveux blancs et plus de preuves du temps qui passait qu’Abraham n’en aurait jamais. Cette option-là, Abe refusait de l’envisager autant qu’il ne se sentait pas capable d’y mettre un terme tout seul, l’instinct de survie prenant le pas sur la raison, et le forçant à remettre son salut dans les mains d’autrui. « Même si tu me supplies en larmes. » Il espérait ne pas en arriver là – mais qui sait. « Même si tu trouves la meilleure des parades pour m’atteindre. » Ça aussi, il espérait ne pas y arriver. « Si tu me le demandes, si l’on fixe un point de non-retour, le moment venu, je n’hésiterais plus. Je te laisse même choisir la façon. » Laissant échapper un bref rire, le chasseur avait agité la tête « Sois créatif, j’te fais confiance. » Une fois la sale besogne accomplie cela deviendrait le problème d’Arthur plus que le sien, après tout. Reprenant néanmoins un air grave la seconde suivante, le Taylor avait ajouté du bout des lèvres et en fronçant les sourcils « Mais … Juste, si on en arrive là … Ramène-moi à mes parents. Et dis leur … Non, rien. Peu importe. » Il n’y avait rien à dire, ils enterreraient un enfant qu’ils considèreraient probablement déjà mort depuis longtemps, ce serait une maigre consolation et Abraham ne serait ni le premier ni le dernier des Taylor à finir dans la case des morts prématurées ou violentes.

Il était résigné, Abe, déjà las d’une malédiction abattue sur lui depuis quelques jours seulement, et incapable de comprendre comment d’autres avant lui avaient pu céder aux sirènes d’une vie éternelle vécue au crochet de celles qu’ils volaient aux autres. La survie du vampire entraînait la cruauté, et la cruauté entraînant la perte progressive d’humanité … Et moins de foi en l’exception que ne semblait en avoir Arthur. « Celui-ci m’a sauvé la vie. Il s’en est pris à l’un de sa race pour me venir en aide. » Fronçant les sourcils, le Taylor s’était laissé déstabiliser par les dires de son comparse. « Je sais, cela paraît insensé, mais c’est la vérité. » Comment ? Pourquoi ? Les vampires n’aidaient pas les mortels, encore moins les chasseurs ; Au mieux c’était une chance inouïe qui ne se représenterait pas à nouveau, au pire c’était un piège. « Je serais mort sinon. » Comment ? Pourquoi ? Les mêmes questions à nouveau, et alors que sa priorité aurait dû être de creuser l’idée selon laquelle ce vampire bienfaiteur avait trouvé comment contrôler des pulsions avec lesquelles lui-même se débattait, il avait demandé « Quand ? Tu vas bien ? » et craquelé pour la première fois de la conversation l’attitude morne et résignée dans laquelle il se complaisait un peu trop. Dans quelle histoire fallait-il qu’Arthur se soit mis, pour que sa survie n’ait tenue qu’à l’intervention d’un suceur de sang ? Et par quelle diablerie ce dernier n’avait-il pas saisi l’occasion de faire du chasseur son repas ? « Le contrôle demande du temps. » – « J’en manque un peu. » Il ne saurait pas expliquer pourquoi, mais l’intuition lui disait que son répit n’irait pas plus loin que l’éclipse qui s’attardait en ville. Au retour du soleil un choix devrait être fait : par lui, ou pour lui.

Sa dernière rencontre avec un suceur de sang s’était soldée d’une façon bien différente, et mettait en lumière les travers dont Abe avait hérité comme nombre de Taylor, à commencer par l’orgueil et le brin de machisme lui ayant fait voir une jolie femme comme une moindre menace. « Elle devait être fort belle. » Elle l’était, mais cela n’en faisait pas une excuse valable, et pour cette raison Abe s’était gardé de tout commentaire supplémentaire, y préférant les histoires de cœur de son acolyte. « Celle qui m’a séduit est humaine. » Bien. Tant mieux. C’était ce que signifiait le signe de tête qu’il avait donné en réponse. « Mais celle qui est devenue mon combat, il va falloir que tu la nommes. » Alors il ne comptait pas lâcher l’affaire. Abe n’en était pas étonné, mais pour une fois l’obstination d’Arthur ne faisait pas ses affaires. « Constantine. Anna, si tant est que ce soit véritablement son nom. Mais c’est celui qu’elle a laissé derrière les trois dernières victimes pour lesquelles j’étais après elle. » Il les enviait presque désormais : à eux elle avait au moins offert le repos éternel, en lieu et place de la punition qu’elle lui avait réservé. « Mais, Arthur, je n’ai pas envie que tu y laisses la vie toi aussi, ou pire … C’est un combat que je dois mener seul. Je ne me pardonnerais pas qu’il t’arrive quelque chose par ma faute. » Aussi peu qu’il supporterait qu’il arrive quelque chose à l’un des autres Taylor dans les mêmes circonstances ; Arthur n’en était peut-être pas un, mais il comptait autant. « Tu penses que tes frères pourraient t’abandonner ? » Amos aurait besoin qu’on l’y pousse un peu, sans doute. Pour Samuel et Chad, il ne se faisait pas de souci – et de le réaliser lui serrait un peu le cœur.

Pour son salut, il plaçait plus de confiance dans les mains d’Arthur que dans celles des autres que son aîné. « Promis ? » Le regard incertain, Abe avait considéré quelques secondes la main du chasseur tendue dans sa direction, et scellé brièvement la promesse en la serrant dans la sienne, avant de retourner l’enfouir sous le feutre de sa cape. « Tu ferais mieux de filer, ma satiété a des limites. » Et surtout elle ne durerait pas éternellement, car déjà l’odeur dégagée par Arthur lui semblait plus attrayante qu’au début de la conversation. Les pieds solidement ancrés dans le sol, le chasseur avait pourtant semblé hésiter, puis questionné du bout des lèvres « Si tu as besoin. Je t’aiderais à trouver ce dont tu as besoin. » L’expression sans doute plus sévère qu’il ne l’aurait souhaité, le vampire avait rabroué le chasseur d’un geste de la main « La guilde des chasseurs œuvre pour le bien, Arthur. Elle ne tue pas d’innocents, ça va bien au-delà de ta loyauté envers moi. » Lui n’avait plus le choix, et se savait incapable de résister quand la soif devenait trop grande, comme l’avait prouvé son face-à-face avec Tessa et son rejeton ; Il était damné, il irait en enfer, mais le préférait encore à l’option d’y entraîner un proche avec lui. « Je vais me débrouiller. Y’a les animaux, y’a … Je vais me débrouiller. » Il avait une autre idée en tête, en réalité. Une idée dont il n’osait pas encore admettre qu’elle avait germé dans son esprit, tant elle lui semblait contre-nature … Mais plus contre-nature que la race à laquelle il appartenait désormais ? Pas tant. « Tu as un endroit où vivre ? » Oui, et si la question le troublait c’était qu’elle rejoignait ce qu’il venait de préférer taire. « Les sous-sols de l’église. Le cimetière, quand personne d’autre n’y rôde … Je ne risque pas de tuer ceux qui sont déjà morts. » Mais ? « Je me disais que … » Déglutissant, il avait cru sentir un frisson lui parcourir la colonne vertébrale – impossible. « Depuis l'éclipse, le cimetière ne désemplit pas. Alors je me disais que … Ceux qu’on enterre à peine peuvent peut-être suffire à me nourrir. Pas à me rassasier, mais au moins à éviter que … A faire en sorte que je garde l’esprit clair ? Je sais pas. » Il ne savait pas, car cela allait à l’encontre de tous les principes de la bonne morale et de la religion dans lesquels il avait été élevé. Mais y’avait-il encore quoi que ce soit à attendre d’une religion qui l’avait abandonné ?

« Sois créatif, j’te fais confiance. » Abraham lui laissait le choix du roi, uniquement pour faire la sale besogne. Arthur n’était pas certain d’apprécier ce droit au choix, finalement, il aurait préféré que son ami lui impose quelque chose. Une dernière fois. « Mais… Juste, si on en arrive là… Ramène-moi à mes parents. Et dis leur… Non, rien. Peu importe. » Il fronça les sourcils, comprenant l’hésitation de son ami de toujours. « Promis Abe. » Il leur ramènerait sur les terres des Taylor, qu’importe ce que les membres de sa famille pourront bien en penser. Il lui ferait ce dernier honneur et au fond de lui, il savait qu’Amos ferait également ce dernier effort pour son frère.

Cherchant à rassurer celui qui était devenu un vampire, Arthur lui conta ses dernières rencontres. Il avait à peine évoqué Ruben, sans jamais le nommer, mais de suite Abe sembla reprendre son rôle éternel de grand frère. « Quand ? Tu vas bien ? » Il hocha de la tête immédiatement. « Oui, oui, je vais bien » Comme pour lui prouver qu’il n’y avait aucun mensonge, il vint défaire un léger pan de sa chemise pour lui montrer la cicatrice. « Ça a guéri, promis rien de grave. » Il cacha le tout assez rapidement, ne voulant pas tenter Abraham en lui laissant ses veines palpitantes sous le nez. Surtout quand ce dernier venait de lui avouer manquer encore un peu de contrôle.

Il lui parla de la femme qui lui avait fait tourner la tête. Une certaine Anna Constantine. Le nom vint se graver dans un coin de son esprit au fer rouge. « Mais, Arthur, je n’ai pas envie que tu y laisses la vie toi aussi, ou pire… C’est un combat que je dois mener seul. Je ne me pardonnerais pas qu’il t’arrive quelque chose par ma faute. » - « Je serais prudent, je t’assure. » Et peut-être qu’ils pouvaient passer une autre sorte de pacte entre eux. « J’pourrais juste récolter des indices. » Cela le tiendrait à distance et aiderait Abraham à obtenir justice. Si c’est ce qu’il souhaitait encore.

« Tu ferais mieux de filer, ma satiété a des limites. » Il pouvait le voir dans ses yeux qui devenaient de plus en plus rouges. « D’accord. » Il ne comptait pas lui tenir tête là-dessus. « La guilde des chasseurs œuvre pour le bien, Arthur. Elle ne tue pas d’innocents, ça va bien au-delà de ta loyauté envers moi. » - « Ouais… Je serais plus aussi sûr de ça si j’étais toi. » Il avait entendu les rumeurs comme quoi la malédiction avait commencé avec un chasseur. Tout le monde avait entendu cela en ville, mais Arthur n’allait pas embêter Abe avec tout cela. « Je vais me débrouiller. Y’a les animaux, y’a… Je vais me débrouiller. » En réalité, il ne voulait pas réellement savoir ce qu’il allait faire pour se débrouiller. « Je me disais que… Depuis l'éclipse, le cimetière ne désemplit pas. Alors je me disais que… Ceux qu’on enterre à peine peuvent peut-être suffire à me nourrir. Pas à me rassasier, mais au moins à éviter que… À faire en sorte que je garde l’esprit clair ? Je sais pas. » - « Fais comme tu peux Abe, mais fait attention à toi, d’accord ? Les Gutierrez vont venir après toi s’ils apprennent que… » Qu’il avait changé de condition. « Sois prudent et… On garde contact, d’accord ? » Il eut un léger sourire. « Tu sauras me trouver maintenant. » Et il lui offrit un petit salut. Abe ne voulait pas qu’il s’éternise et Arthur ne voulait pas jouer avec les limites. « A bientôt Abe. » Parce qu’il en était persuadé. Il reverrait son ami, son grand frère, bientôt.