Il y a encore quelques semaines de cela, tout le monde ne le voyait que comme le forgeron de Brisbane. Aux yeux de tous, Arthur n’était qu’un homme lambda, qui travaillait pour gagner sa croûte et que l’on pouvait souvent retrouver à la taverne en compagnie de ses amis. Certains pouvaient connaître son nom, mais la plupart du temps, Arthur n’était qu’un homme parmi les autres. L’éclipse était venue bouleverser son quotidien, et le secret qu’on lui avait demandé de garder depuis le jour de sa naissance. Désormais, Arthur était un chasseur aux yeux de tous. Certains voyaient une raison supplémentaire de l’approcher, parfois avec des demandes farfelues, souvent avec des questions auxquelles il n’a aucunement le droit de répondre. Et puis, il y a eu les commissions. Et ce soir, Arthur allait devoir travailler de pair avec cette fille de bonne famille qu’il avait rencontré quelques jours plus tôt. Elle avait su lui faire un passé un nouveau message, annonçant la prise de sa décision. Elle voulait réellement participer à une traque. Obtenir son nouveau chien de compagnie en s’impliquant dans le processus. Arthur avait choisi de ne pas s’interroger sur cette prise de décision. Il l’avait prévenu des dangers, elle venait en toute connaissance de cause.

Il avait pris quelques jours supplémentaires pour suivre une trace, pour lui proposer quelque chose de rapide. Ce n’avait pas été simple, mais il avait réussi à trouver une brèche dans un des jeunes clans. Un groupe qui avait décidé de vivre ensemble, mais qui paraissait avoir des habitudes bien trop rythmées. Chacun se retrouvait seul à un moment donné, ce qui permettra à Arthur de lancer l’assaut. Mais en attendant, il venait de retrouver sa cliente, s’il pouvait l’appeler ainsi. « Vous vous sentez prête ? » Il devait s’assurer qu’elle ne comptait pas changer d’avis pour le moment. « Tout devrait aller assez rapidement. » Il l’espérait en tout cas. En attendant, il tendit un sachet d’aconit à la jeune femme. « Pour votre protection. » Et de sa main libre, il lui proposa une lame. « Vous sauriez-vous en service ? »

Ça fait maintenant dix bonnes minutes que je la suis cette blonde. Son parfum est enivrant. Son sang est sucré, je peux le sentir d’ici. Malheureusement, je n’arrive pas à me poser. Dès que je m’approche un peu trop près de son visage, elle me chasse de la main et je dois user de mille et uns stratagèmes pour qu’elle ne m’écrase pas. J’ai bien cru que j’allais y laisser une aile à un moment, mais je m’en suis sorti in extremis. Depuis, je la suis à la trace, mais je garde une distance raisonnable entre elle et moi. Je compte attendre un moment où elle ne bougera plus et qu’elle sera distraite pour aller la piquer sans qu’elle ne s’en rendre compte. Après tout, qu’est-ce que ça peut bien lui faire ? Je ne vais pas la vider de son sang. Je ne suis pas une de ces créatures qui rôdent autour des cimetières. Ces démons avec leurs crocs aiguisés. On ne peut sentir une seule goutte de sang dans leurs veines, quelque chose ne tourne pas rond chez eux. J’en ai vu plusieurs boire le sang de pauvres âmes qui croisaient leur chemin. Ils n’ont pas laissé une seule goutte. N’ont même pas semblé avoir un seul remord. Moi au moins, je la laisserai repartir saine et sauve. Ou à peu près. Ça la grattera sûrement un peu. Rien de bien méchant. De mon côté, je serai repu et pourrais m’atteler à aller trouver une autre cible.

Elle finit par retrouver un homme. Il l’attendait ? Ou était-ce le hasard ? Va-t-il lui faire du mal avant que je n’ai le temps de goûter à son sang ? Je n’espère pas. Je m’approche un peu plus près d’elle, au cas où. S’il le faut, je me ferai opportuniste, la piquant avant qu’elle ne se fasse trancher la gorge. Elle n’a pas l’air inquiète. Elle ne fait pas demi-tour. Elle hoche même la tête de haut en bas quand l’homme lui parle. Ça doit vouloir dire qu’elle est d’accord avec lui. Il lui tend même quelque chose qu’elle réceptionne sans se méfier. Je sens une odeur de plantes. Puis il y a ce long objet qui semble tranchant. Elle le prend en main sans réfléchir. Serait-elle la prédatrice ? Est-ce que le danger pourrait venir d’elle ? Le type n’a pas l’air de s’inquiéter non plus. Je crois bien qu’ils se sont donné rendez-vous. Elle agite la lame. Ça brille. Il faut que j'aille voir de plus près. Je m’approche, doucement. Je n’ai pas le temps de réagir. Pas le temps de voler plus loin quand elle l’agite pour me pousser une énième fois. Je sais qu’il est trop tard. “Ça devrait aller.” Conclu-t-elle, la dernière chose que j'entend, du charabia pour moi.

Je l’avais reconnu en un coup d’œil, le chasseur. Il était le même que l’autre soir, lorsque Cesar m’avait interpellé dans la rue pour aller chercher mon père. Il était avec lui, le grand brun, avec ses bottes de cuir, sa cape et son arme à la ceinture. J’crois il s’appelle Arthur Coventry, c’est ce que la rumeur dit en tout cas. Il avait le même air mystérieux, ce regard sérieux et cette stature qui laissait entendre que la chasse faisait partie de sa vie depuis toujours et qu’il n’avait rien d’un petit animal en proie au léporisme, dans la situation actuelle des choses. Il cherchait à agir, chassant les tueurs d’innocent. Beaucoup de gens ont été surpris d’apprendre que le forgeron venait d’une grande famille de chasseur, mais j’avais compris moi. Je l’avais vu forger quelques pièges parfois, puis il avait créé ce drôle de collier, qu’il avait testé sur l’un des chiens abandonnés qui traînait toujours la patte dans la rue commerçante. Il avait des idées et surtout des secrets. J’aimais bien l’observer, Arthur, et aujourd’hui, j’ai bien l’intention de le suivre alors qu’il se dirige vers la mangrove. Je ne devrais pas. Papa m’a demandé d’aller voir chez la vieille dame McAllister. Mais ma curiosité l’emporte sur ma tâche à accomplir.

Il a rejoint quelqu’un. Ou plutôt quelqu’un est venu le rejoindre. Une dame. Une jolie dame, avec une belle toilette et de beaux bijoux. Caché dans un buisson, je cherche à ne faire aucun bruit, coupant presque ma respiration alors qu’il lui tend plusieurs objets. « Ça devrait aller. » Elle paraît assurée dans sa démarche quand il semble vouloir perpétuer sa sécurité. Entre les mains d’Arthur, apparaît un objet étrange, une sorte de cape, qu’il tend au-dessus de l’objet tranchant dans les doigts de la dame. « Revêtu de vantablack, un objet disparaît de votre champ de vision. Il se fond à la nuit, comme s’il était passé dans une autre dimension. » Et sous mes yeux, il dépose le tissu sur les mains de la dame, les faisant disparaître dans la nuit. Comme par magie ! Une exclamation de surprise m’échappe et mes mains se collent à ma bouche tandis que le chasseur se rapproche de la dame. « Gardez cela précieusement. » Il jeta un coup d’œil aux alentours. « Nous devrions y aller, je tiens une piste, il ne faudrait pas qu’elle nous échappe. » Et sans un mot de plus, ils disparurent dans la mangrove tandis qu’une main vint m’attraper par le col de la chemise. « Retourne travaillé morveux. » Père m’a retrouvé, je ne saurais rien de plus, de l’histoire du chasseur et de la belle dame aventurière.

Elle avait donc rejoint le chasseur, à l’endroit où il l’avait conviée. Elle était à l’heure, mais il ne fallait pas s’y habituer. La ponctualité n’étant pas forcément de ses qualités. Bien qu’elle tentait de s’améliorer. Elle se veut assurée. Quand lui semble plutôt jouer la sécurité. Lui tendant une cape, un drôle d’objet pour aller chasser. Elle est étonnée. Se demande quelle peut bien en être l’utilité. Puis, il explique, lui montre même à l’aide d’une démonstration, comment cette cape peut être utilisée. “Je suis bluffée !” Répond-elle au chasseur, impressionnée. Ses mains, en chair et en os, se retrouvent complètement dissimulées, cachées sous ce voile d’obscurité. “Est-ce que je pourrai me cacher en intégralité où est-ce que cela ne sert à dissimuler qu’une partie de mon intégrité ?” Ne peut-elle s'empêcher de demander à celui qui a bien voulu la faire participer. La cape avait l’air suffisamment grande, assez pour qu’elle puisse s'emmitoufler de la tête aux pieds. Cependant, elle préfère confirmer plutôt que se trouver embêtée, une fois la chasse commencée. Loin d’elle l’envie de servir de boulet. Les conseils du chasseur, elle comptait appliquer. “Cette piste dont vous parlez ? Le terrain, vous avez pu le préparer ?” Des énièmes questions qu’elle ne peut s’empêcher de poser. C’était sa première chasse, elle voulait bien faire, après tout, il était question de son argent et de sa légitimité. Elle qui s’appliquait tant à lui prouver qu’elle n’était pas seulement une gosse de riche qui s'ennuyait au milieu de cette obscurité. “Quoi qu’il en soit, je vous suis, il vous sera impossible de semer. Cependant, je promets de ne pas vous déranger. Si vous souhaitez que je me tienne à l’écart, il ne faut pas hésiter.” Déclare-t-elle sincèrement, elle était prête à risquer sa vie pour quelques expériences surnaturelles, cependant, elle ne comptait pas mettre la vie du chasseur en danger. S’il y avait bien une chose dont il pouvait être sûr aujourd’hui, c’était que, quoi qu’il dirait, elle lui obéirait.

« Je suis bluffée ! » La cape avait toujours ce genre d’effet sur les gens, la première fois et toutes celles d’après encore. Une petite prouesse qui ressemblait à s’y méprendre à de la magie, quand en réalité le tissu ne jouait qu’avec les limites de ce que l’œil humain pouvait percevoir. « Est-ce que je pourrai me cacher en intégralité où est-ce que cela ne sert à dissimuler qu’une partie de mon intégrité ? » La cape filait entre ses doigts, jouant à faire disparaître une main, puis l’autre. « Cela n’aura que peu d’efficacité contre un vampire, mais avec votre robe sombre, vous serez entièrement dissimulé dans la pénombre. » Arthur espérait simplement qu’elle ne s'était pas recouvert de parfum avant de venir, car dans ce cas, la cape lui serait d'aucune utilité, mais il n’en avait pas l’impression qu'elle dégageait la moindre odeur excessive.

« Cette piste dont vous parlez ? Le terrain, vous avez pu le préparer ? » La chasse allait pouvoir être rapide si son plan restait dans les rails. « Tout est en place. » Il avait tendu plusieurs pièges dans l’une des clairières où les jeunes loups aimaient à se retrouver. Rien de particulièrement complexes, les plus jeunes n’étant jamais aussi attentifs que leurs aînés. « Quoi qu’il en soit, je vous suis, il vous sera impossible de semer. Cependant, je promets de ne pas vous déranger. Si vous souhaitez que je me tienne à l’écart, il ne faut pas hésiter. » Il hocha la tête. « Je ne tiens pas à vous mettre en danger. » C’est bien pour cela qu’il avait prévu les choses. « Nous devrions pouvoir faire cela proprement. » Sans que le sang ne coule et sans mettre la demoiselle dans une situation délicate.

Il ouvrit le chemin, quelques pas dans la forêt et déjà, au loin, pouvait se faire entendre les aboiements stupides des créatures de la nuit. « Ils sont proches. » Et bientôt, Arthur eu atteint son poste d’observation. « J’ai tendu quelques pièges tout autour. » Il avait activé le dernier, alors qu’ils montaient sur le promontoire, empêchant la sortie. « Lequel voulez-vous ? » Elle avait le choix entre trois spécimens, elle pouvait faire selon ses propres critères.

Elle comprenait là tout le professionnalisme du chasseur. Elle n’en n’avait jamais douté. Sa source étant des plus fiables. Une personne de confiance à qui elle pourrait confier sa vie. Cependant, elle n’avait pas encore eu l’occasion de le voir à l'œuvre et elle était donc impressionnée de voir à quel point il était calme. C’était comme s’il avait réponse à tout. Une solution pour chaque problème qui pourrait se présenter à eux. La cape était sans doute l’élément qui la surprenait le plus. Elle n’avait pas imaginé une seule seconde qu’un objet de la sorte pouvait exister et finalement, il y avait un mois de cela elle n’aurait pas parié sur la présence de vampires ou autres créatures surnaturelles. Alors, une cape permettant de dissimuler des choses n’était finalement plus si inenvisageable. “Ça semble déjà un bon début. Un moyen de vous assurer que vous n’aurez pas à faire attention à moi, outre mesure.” Elle ne voulait pas le déranger dans sa chasse. Elle savait que c’était une faveur qu’il lui faisait de l’emmener avec lui. Alors, elle fait de son mieux pour ne pas le déranger. Pour poser les bonnes questions et lui faire comprendre qu’elle ne va pas être le boulet qui ferait tout capoter. “Je vous fais confiance. Je n’ai pas peur d’un quelconque danger. Je pense que vous serez assez rapide pour éviter tout incident.” Lui répond-elle. Elle a confiance et aussi inquiétant que cela puisse paraître, elle n’a pas l’impression de courir un quelconque danger. Peut-être qu’elle était un peu trop en confiance. Ou peut-être que l’expertise du chasseur y était pour quelque chose. Elle ne comptait pas baisser sa garde, elle allait rester vigilante face à ce qui les entourait, mais elle n’avait pas peur. Au contraire, elle avait hâte qu’ils démarrent. Alors, elle le suit, en silence, faisant attention à là où elle mettait les pieds, ne voulant pas faire craquer une branche et attirer l’attention des créatures qu’elle pouvait déjà entendre hurler dans la forêt. Il n’aura donc pas fallu longtemps pour qu’elle puisse même les apercevoir, Arthur ayant mis en place un poste d’observation de fortune. “C’est leur repère ?” Demande-t-elle, curieuse de savoir comment il avait bien pu savoir qu’ils se trouveraient là. “Est-ce que ça a une importance ?” Ajoute-t-elle, quand il lui demande lequel des trois spécimens elle souhaite. Pour elle, ils se ressemblent sensiblement. Elle n’en recherche pas un pour des traits physiques particuliers. N’importe lequel fera très bien l’affaire pour ce qu’elle comptait en faire. “Peut-être celui du milieu ?” Déclare-t-elle, lui laissant tout de même le choix final. “Il a l’air plus jeune, donc peut-être plus solide. Mais en soi, peu importe tant que vous m’en attrapez un vivant.” Elle n’était pas difficile.

« Ça semble déjà un bon début. Un moyen de vous assurer que vous n’aurez pas à faire attention à moi, outre mesure. » Sur un moyen qu’il avait trouvé pour ne pas la retrouver morte dans un fossé. Ce n’est pas qu’Arthur était un personnage vénal, mais elle lui avait tout de même promis une belle récompense. Et puis, on lui avait toujours appris à faire attention aux belles demoiselles. « Je vous fais confiance. Je n’ai pas peur d’un quelconque danger. Je pense que vous serez assez rapide pour éviter tout incident. » Il lui adressa un sourire convaincant. « Nous allons tout faire pour que cela se passe en douceur effectivement. » Après tout, il avait préparé son terrain, tout devrait bien se passer.

Il fut ravi de constater qu’elle ne prenait pas tout cela à la légère, elle faisait attention à son pas et suivait le moindre de ses mouvements pour ne faire aucun bruit. Elle était sérieuse et parfaitement concentrer sur leur mission. Il était surpris, mais n’allait pas lui en faire la remarque. De toute manière, il venait d’arriver à son point d’observation pour lui donner l’embarras du choix. « C’est leur repère ? » - « Plutôt un lieu où ils ont pour habitude de se réunir. » Les jeunes venaient jouer dans le coin, sûrement pour tester leurs capacités. « Est-ce que ça a une importance ? » - « Pas réellement. » Mais elle pouvait tout de même choisir. Elle est la clientèle, c’est bien elle qui paye pour la prestation. « Peut-être celui du milieu ? » Parfait, c’est également celui qu’il avait repéré. « Il a l’air plus jeune, donc peut-être plus solide. Mais en soi, peu importe tant que vous m’en attrapez un vivant. » Il hocha la tête avant de se tourner vers elle. « Maintenant, je vais vous demander de ne pas quitter votre position. » Il s’assura d’avoir réellement tout prévu avant de refermer son piège.

La scène se déroula en quelques secondes, les deux premiers déguerpirent au son de son fusil, le dernier chercha à fuir, mais marcha en plein sur le piège à loups. La main dans le sac. Les hurlements vinrent déchirer la nuit, mais Arthur s’empressa de lui enfiler une muselière puis le collier, avant de faire signe à la blonde de le rejoindre. « Et voici pour vous madame. » Il lui présenta l’animal, tout en le gardant fermement en laisse. « Je vais tout de même vous raccompagner jusqu’au lieu de détention. » Il se voulait d’être prudent. Ce qu’elle ferait avec le loup par la suite, il ne tenait pas à le savoir. Arthur avait rempli sa mission.