J’ai toujours aimé le mois d’octobre, l’automne et ses belles couleurs mais surtout Halloween. Quand j’étais gamin c’était marrant, ma mère me faisait des déguisements elle-même et j’allais faire a collecte des bonbons. En général j’avais fière allure, sauf la fois où j’étais déguisé en dalmatien, ça c’était clairement une erreur. Et maintenant ce qu’il y a d’encore plus cool à Halloween c’est la soirée qui va avec. La soirée d’Halloween se prépare depuis au moins une semaine déjà, l’équipe des cheerleaders a déjà commencé à faire des décorations -un peu ringardes si on me demande mon avis- mais au moins ça met dans l’ambiance. Le thème de la soirée de ce soir c’est un bal masqué : un thème qui ne me fait pas plus vibrer que ça mais ce sera l’occasion de boire des coups en douce et peut-être même de danser avec Monica. Je sais qu’elle est en couple avec l’autre tocard de Buckley mais je suis sûr qu’au fond elle s’emmerde avec lui. Il n’a vraiment rien pour lui.

Le cours de sciences m’ennuie à mourir, je rêverais d’être ailleurs, n’importe où mais pas ici. Je crois même que je préfèrerais passer 4h à faire des citrouilles en origami avec les cheerleaders plutôt ue d’écouter la prof. La cerise sur le gâteau c’est quand même Buckley qui s’installe à côté de moi. Enfin ce n’est même pas de sa faute, c’est la prof qui a décidé qu’on devait être assis à côté. Je ne sais pas si elle a compris qu’on ne supportait pas, peut-être bien mais je n’ai pas très envie de faire ami ami avec ce type. « Y’avait des devoirs à faire ? » Je le regarde en marquant un sourcil, il compte vraiment sur moi pour l’aider avec les devoirs ? “Qu’est-ce que j’en sais moi.” Je suis pas une référence pour les cours, je suis plus à l’aise sur un terrain de foot que derrière un bureau. Et même si je savais, c’est la dernière personne à qui je filerais un coup de main. « S’il vous plait achevez moi. Ou achevez le. » Je soupire, il n’a pas tort ils sont pénibles. “Héé, fermez là un peu non ? Vous emmerdez tout le monde.” Je fais une pause avant de m’adresser à Ronnie avec un sourire moqueur. “Ronnie je sais même pas pourquoi tu t’entraines, t’es une sorcière au naturel, il te manque que le balai mon grand.” Des Ooooh se font entendre et Ronnie commence à s’énerver. La prof arrive au même moment et en constatant qu’il y a trop d’agitation, elle réclame le silence. Le calme revient peu à peu et je dis à Asher à voix basse. “Qu’on soit clairs, je l’ai pas fait pour toi.” Le ton est posé au moins, il n’y a pas d’entraide entre nous.

« Qu’est ce que t’as ? On t’a refoulé pour le bal d’Halloween ou quoi ? » Asher, le mec qui manque décidément toujours une occasion de fermer sa gueule. Je le regarde du coin de l’oeil, il ne m’inspire que de la pitié. C’est dans ces moments que je rêverais d’avoir un pouvoir de télékinésie. C’est quelque chose qui m’a toujours fasciné : pouvoir bouger des objets par la pensée, il n’y a rien de plus cool. Au-delà de l’aspect spectacle de magie niveau Houdini c’est quelque chose qui aurait toute son utilité dans ma vie quotidienne. J’aurais beaucoup moins d’effort à faire, je pourrais rester assis sur le canapé devant la télévision pendant que la vaisselle se fait toute seule. En somme, une vie comme dans la version disney de Merlin l’enchanteur. Ce serait extraordinaire et ça me laisserait plus de temps pour ne rien faire, le rêve de tout homme. Au-delà son aspect très pratique ce serait un pouvoir extraordinaire pour me venger des personnes qui m’agacent au quotidien. Si j’étais télékinésiste, là tout de suite je ferais flotter un des bocaux dégeux de la prof, celui avec un crapaud qui repose dans du formol depuis au moins vingt ans et je l’ouvrirais juste au-dessus de sa tête. Je dévisserais aussi les chaises de Ronnie et de ses potes juste pour le plaisir de les voir s’écrouler par terre sous les rires de la classe. Il aurait l’air bien con, tout le monde se moquerait de lui et il arrêterait enfin de faire le malin. Et le meilleur dans tout ça c’est qu’il n’y aurait aucun moyen de remonter jusqu’à moi, on accuserait un esprit ou un truc du genre et je m’en tirerais toujours sans aucun problème, le pied total. Et il y a aussi des moments où c’est plutôt utile d’être télékinésiste, avec les filles par exemple. Je m’imagine bien contrôler la trajectoire des livres qu’elles portent dans les couloirs, je les ferais tomber et je surgirais ensuite de nulle part pour les aider à les ramasser, façon chevalier servant. Un très bon moyen de briser la glace sans paraître lourd, mon charme naturel fera le reste. « Je peux parler à Patricia Halliwell pour toi si tu veux. » Malheureusement je ne suis pas télékinésiste donc je vais devoir me contenter d’une bonne répartie. “Patricia ? T'es sérieux ? Elle est flippante celle-là.” Je regarde rapidement le tableau, la prof s’apprête à commencer son cours. “Aujourd’hui nous allons étudier la créatinurie.” Elle n’a dit qu’une phrase et pourtant elle m’agace déjà, j’aurais dû sécher. “Et de toute façon j’ai déjà une cavalière et elle n’arrive même pas à la cheville de Monica.” Ce qui est faux mais après tout il me reste encore deux bonnes heures pour inviter une fille, je ne désespère pas. “Cesar, va me chercher des béchers dans le placards du fond s’il te plaît.” Je roule des yeux, elle n’aurait pas pu choisir quelqu’un d’autre ? Je me lève péniblement et je me traine jusqu’au placard que j’ouvre machinalement. Un cadavre ensanglanté me tombe dessus. “OH PUTAIN” Je me débats pour le faire tomber par terre, je suis couvert de sang et je ne reconnais pas tout de suite le cadavre de Monica dont le sang recouvre les cheveux. “C’est…c’est quoi ça ???” Au début je crois à une mauvaise blague, mais celle-ci a l’air trop vraie pour être une farce.

« Chercher les béchers, Cesar, tu dois. » Le pire c’est qu’il doit vraiment se trouver drôle. “J’ai pas besoin d’un perroquet Buckley.” Je n’ai aucune envie de me bouger pour aller aider la prof mais ce n’est pas une raison pour vouloir attirer l’attention et faire l’interessant. « Plus vite que ça, tu iras. » Il est vraiment naze ce mec, je ne sais pas ce que Monica peut bien lui trouver. Il n’a rien pour lui : laid comme un balai, bête comme le manche de celui-ci et en plus il n’est pas drôle. Vraiment elle ne sort avec lui que parce qu’il est dans l’équipe de foot et parce qu’il est populaire, je ne vois que ces explications. J’ouvre le placard pour y découvrir avec effroi le cadavre de Monica qui s’écroule sur moi. « Arrêter de hurler tu devras. » Je ne l’entends même pas, trop choqué de ce qui vient de m’arriver. « Ouvrir les yeux, il faudra. » Le sang chaud de la belle blonde dégouline sur moi et je tremble comme une feuille. J’ai besoin d’aide mais pour l’instant personne n’a l’air de comprendre ce qu’il se passe. La soirée d’Halloween a lieu ce soir alors tout le monde peut croire à une mauvaise blague. Mais il n’y a rien de drôle ou de faux dans tout ça. « Arrêter d’attirer l’attention, tu dois. » Je ne m’en rends pas compte mais je suis en train de pleurer. “MAIS PUTAIN FERME TA GUEULE MONICA EST MORTE” Je lui hurle dessus. Il y a urgence et personne ne semble prendre la mesure de tout ça. “Venez m’aidez, j’ai besoin d’aide.” Quelques élèves du dernier rang se précipitent pour venir m’aider, tout comme la prof qui court dans ma direction. Alors que l’agitation règne dans la classe et que la panique règne les hauts parleurs se mettent à fonctionner. Une voix et menaçante et grave en sort : “Ce n’est que la première d’une longue série, joyeux Halloween.” Je fronce les sourcils “Comment ça la première ? C’est quoi ce bordel ?” Je ne sais pas quel mauvais sort on nous a jeté mais j'ai peur de ce qui va bien pouvoir nous arriver.

La mort de Monica touche toute la population de l’école avec violence. La retrouver comme ça à l’intérieur d’un placard a déclenché une vague d’anxiété chez tout le monde, moi le premier. Je l’ai retrouvée couverte d’hémoglobine, la tête tombante et froide comme la glace. C’était effrayant, glaçant et profondément choquant. Je ne peux me dire que ce qui vient d’arriver n’a rien d’une blague. Mon camarade -que je n’apprécie que peu- a même tourné de l’oeil face à cette découverte. Matthew l’a accompagné à l’infirmerie pendant que j’ai rendu bruyamment tout mon petit déjeuner à l’intérieur la poubelle à côté de la porte. J’ai passé les vingt minutes suivantes enfermé dans les toilettes à pleurer, incapable de me remettre du choc. J’étais si choqué, si en colère que j’en ai même frappé un miroir, m’ouvrant la main comme un idiot. Je suis donc allé à l’infirmerie pour qu’elle me bande la main. Le trajet jusqu’à l’infirmerie est pénible, je me retiens de vomir tout le long du trajet en voyant le sang chaud qui goutte de ma main sur le sol, façon petit poucet macabre. L’infirmière me soigne rapidement, elle a d’autres élèves à voir après ce qu’il vient de se passer. Je reste donc dans son bureau où Asher est allongé sur un lit. Je l’observe en silence, il doit être vraiment sous le choc de voir que Monica est morte. « S’il te plait dis moi que c’est qu’un cauchemar. » Il a l’air encore sonné mais je dois lui dire la vérité. « C’était une farce hein ? Cesar ? Répond moi. » Il est complètement dans le déni, mais comment trouver les mots pour lui faire prendre conscience de tout ça sans aggraver le choc qu’il vit déjà ? « Allez merde, c’est pas sorcier de répondre ! »  Je déglutis avant de prendre une grande inspiration et de lui répondre simplement. “Je suis désolé.” C’est tout ce que je trouve à lui dire, les larmes aux yeux. Je n’y suis pour rien mais je partage sa tristesse.

(fin)