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"31 bougies, ça passait pas sur un seul cupcake, alors j’en ai mis qu’une seule." L’entame était presque timide alors qu’elle était arrivée dans l’immense maison de Midas quelques minutes plus tôt, complotant en silence dans la cuisine pour déballer ce qu’il y avait dans la petite boîte cartonnée avec laquelle elle était entrée sans que personne ne lui dise de faire demi-tour. Jo arpenta les couloirs en espérant que le glaçage du cupcake qu’elle tenait entre ses doigts ne fonde si elle mettait du temps à situer le jeune homme. Finalement, elle se référa à son instinct en poussant la porte de son studio à domicile ; et elle le trouva là, bien sûr. Elle aurait pu soigner son entrée, se la jouer Marylin à JFK en susurrant un Happy Birthday du plus bel effet, tout ça en ondulant des hanches dans sa petite robe mauve pour parfaire sa comédie, seulement il y avait des moments où Jo savait rester dans le cadre de la réalité pour mieux réussir son coup plus tard.
Il était un peu tard justement, la faute à une journée longue passée en studio qui l’avait rendue, au fur et à mesure, fébrile. Voyant le temps passer, elle s’était mise à redouter que Midas puisse s’imaginer qu’elle avait oublié son anniversaire quand c’était loin d’être le cas — tout vient à point à qui sait attendre, et si elle était là maintenant, avec son cupcake surplombé d’une bougie allumée, répandant sa lueur mordorée sur son visage plus légèrement maquillé que d’habitude, à traverser le petit corridor menant au studio du jeune homme pour le rejoindre, assit devant la console, ce n’était pas seulement pour lui rappeler qu’il prenait de l’âge et que ça devenait critique. Encore qu’elle ne serait pas en reste pour dérouler sa liste de petites piques à ce sujet, mais pour l’heure, elle se laissa asseoir sur ses genoux, et lui présenta son cupcake festif dans l’espoir qu’il éteigne rapidement sa bougie ; et elle reprit la suite de sa phrase comme si elle ne s’était pas interrompue "Ça te rend pas moins vieux, mais j’ai trouvé que c’était une bonne façon de t’épargner la violence du moment — oublie pas ton voeu." Une main caressante se posant sur son épaule, l’autre maintenant son cupcake devant son visage, offrande colorée qui marquait le coup d’une nouvelle année, elle observa ses traits de près en s’installant un peu mieux sur ses genoux. Elle attendit une longue seconde, et puis elle fit bondir le bout de son nez contre la joue de Midas avant de retenir sa respiration en même temps que lui. Enfin, elle chassa les volutes de fumée d’un geste de la main après qu’il souffla sa bougie pour pouvoir se pencher sur lui et l’embrasser un instant d’abord, lui chuchoter ensuite un "Joyeux anniversaire." qui fila rapidement dans l’espace minime qui les séparait, puisqu’elle l’embrassa à nouveau, ressentant peut-être le besoin de se faire pardonner d’être un peu en retard — ressentant peut-être le besoin de se faire pardonner tout court, d’ailleurs.

Ça restait un peu froid entre eux depuis leur dernière discussion — dispute — à propos de Micah, et Jo se l’incombait seulement parce que ça la mettait dans une position de fautive qui ne savait pas mettre de l’eau dans son vin. Elle le savait, elle travaillait dessus, néanmoins ça ne restait pas quelque chose d’agréable à faire quand on a passé des années à refuser de se remettre en question pour des raisons diverses et variées. Elle avait beau parader comme la dernière sortie de la cuisse de Jupiter, vantant sa plastique et son charisme comme d’autres vantent les louanges de tout et son contraire, elle savait qu’elle n’était pas parfaite et elle ne l’avait jamais caché, de fait parfois elle se demandait pourquoi Midas tombait des nues quand il se rendait compte qu’elle n’avait pas menti et qu’en effet, si physiquement on ne pouvait pas lui reprocher grand-chose, à part sa petite taille à la rigueur, elle avait des mécanismes de défense à faire fuir, et ce n’était pas involontaire. Malheureusement, ce n’était pas tellement compatible avec une relation de couple qui lui faisait terriblement envie depuis des années, aussi il ne lui restait plus qu’une chose à faire : évoluer, pas pour devenir la meilleure version d’elle-même, mais pour en devenir une qui ne se braquait pas chaque fois qu’on la mettait face à ses erreurs et qu’on lui reprochait d’être trop… elle.
C’était surement pour se justifier qu’elle jugea bon de compléter séparant leurs lèvres dans une profonde inspiration, non sans aucune intention de s’éloigner trop de Midas pour autant, posant juste précautionneusement le cupcake éteint sur la console pour ajouter son autre bras à l’étreinte serrée qu’elle donnait déjà à au jeune homme qu’elle regarda à nouveau de près "J’ai pas oublié." Elle ne tenait vraiment pas à ce qu’il se méprenne sur le temps qu’elle avait mis à venir ici. Elle ne venait pas les mains vides qui plus est, et elle prévoyait même de le sortir de chez lui sans là encore, aucune intention de lui dire ce qu’elle préparait comme mauvais coup — mauvais coup facile à anticiper étant donné qu’elle se mit à froncer le nez avec sa malice habituelle, sa voix se faisant murmure lorsqu’elle lui demanda, ses doigts glissant jusqu’à sa nuque "Si je te donne un itinéraire pour nous emmener quelque part, tu promets que tu poseras pas de questions avant qu’on y soit ?" Précipitamment, ses yeux s’arrondissant légèrement, ses doigts s’enfoncèrent doucement au bas des cheveux qu'il avait sur la nuque, elle lui précisa "C’est pas un piège."

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Mon casque sur les oreilles, je n’entends pas la brunette entrer dans la pièce, tout comme je ne l’entends pas non plus entrer dans la propriété. J’ai donné des consignes claires à la sécurité : la demoiselle peut aller et venir comme bon lui semble, que je sois présent ou non. L’immense villa offre bon nombre d’activités pouvant ravir une femme comme Jo, je n’ai absolument rien à lui cacher - elle ne pourrait pas tomber au mauvais moment – et il ne fait nul doute qu’elle aura bientôt besoin de pouvoir se couper du reste du monde et s’offrir une après-midi ou plus de détente sans risquer de tomber sur un photographe. Pour ça, elle peut venir ici autant qu’elle le désire, et l’endroit est si grand que, même si d’aventure je lui tapais sur les nerfs, elle pourrait le faire sans être forcée de tomber sur moi. Je ne l’entends donc pas arriver mais, lorsque je la capte dans mon champ de vision, mon visage s’illumine et, en enlevant mon casque, je lui adresse un immense sourire. « 31 bougies, ça passait pas sur un seul cupcake, alors j’en ai mis qu’une seule. » La demoiselle s’installe sur mes genoux et, tandis qu’elle passe un bras autour de mes épaules, j’enroule naturellement le mien autour de sa taille. « Bonjour vous. » Je la dévisage avec les yeux d’un amoureux transis, mettant bien trop de temps à reporter mon regard sur le cupcake orné d’une bougie qu’elle tient dans sa main. « Ça te rend pas moins vieux, mais j’ai trouvé que c’était une bonne façon de t’épargner la violence du moment — oublie pas ton vœu. » - « Tu plaisantes ? J’ai hâte d’avoir les tempes grisonnantes, on vieilli bien dans la famille. » Oscar est mes cousins, si j’en crois les avis féminins qu’il m’arrive de surprendre ou d’entendre, en sont la preuve vivante. Dans les faits, plus les années passent, plus je m’interroge sur mon avenir dans la musique mais d’une, j’ai le temps de voir venir et de deux, j’ai consciente d’être "protégé" des conséquences du temps par rapport à mes homologues féminines. Jo, quant à elle, restera éternellement parfaite, je suis prête à l’affirmer à quiconque me poserait la question.

Je souffle finalement la bougie et, alors que la jeune femme chasse la fumée de ses mains fines et envoutantes, je me perds à nouveau dans sa contemplation. Son baiser me surprend donc presque, mais je ne suis pas en reste pour autant, et pas le dernier à le lui rendre avec ardeur. « Joyeux anniversaire. » Elle me semble de bien meilleure humeur que ces derniers temps, ou bien est-ce peut-être moi qui suis plus réceptif. Je mentirais si je prétendais que notre dernier accrochage ne m’a pas ébranlé, et ce malgré les excuses sincères de la chanteuse. J’ai peut-être été plus froid qu’à mon habitude, sans pour autant jamais la rejeter : la nuance est subtile, mais existante. « J’ai pas oublié. » - « Je pensais pas que t’avais oublié. » J’attaque en fait peu d’importance aux dates supposées être marquante et pleine de signification. La seule qui fasse exception, c’est cette d’anniversaire de ma princesse. Du reste, un an est un an alors, si pour respecter la sensibilité de la gent féminine, je m’efforce de ne jamais oublier un anniversaire – mère, tante, sœur, assistante, amie ou Jo – l’idée qu’elle ait oublié le mien ne m’a pas effleurée, pas plus qu’elle n’a été porteuse d’amertume. « J’suis pas de genre grosse fête. Alors un cupcake avec une bougie… » Mon second bras vient entourer sa taille, là où est déjà le premier, et je la serre un peu plus fort contre moi. « … Toi, j’ai pas besoin de grand-chose de plus. » Et puisqu’elle est rentrée ici directement après sa journée de boulot, je suppose et espère qu’elle compte bien passer sa soirée et nuit ici. C’est de plus en plus fréquent, sans être systématique. Ça le devient tout de même tant qu’il est surprenant que rien de concret n’ait fuité dans la presse, rien qui ne dépasse les spéculations nées de la sortie de notre single en duo.

« Si je te donne un itinéraire pour nous emmener quelque part, tu promets que tu poseras pas de questions avant qu’on y soit ? » La jeune femme aiguise ma curiosité et, déjà, je plisse les yeux et la dévisage avec curiosité. Une curiosité qu’elle interprète peut-être comme de la méfiance puisque, ses mains glissant dans ma nuque, elle ajoute avec un brin de précipitation. « C’est pas un piège. » Mon corps réagit à la pression de ses doigts su ma nuque d’une myriade de frissons à la surface de ma peau, et non content de ne pas la libérer, je raffermis ma prise sur son corps. « Si c’est une fête surprise, je salue tes efforts, mais je préfère largement passer ma soirée ici et juste avec toi. » Il n’y a personne d’autre avec qui je préfèrerais passer mon anniversaire. « Mais sinon, tu sais de toute façon que je peux rien refuser à ce regard là - » Celui dont elle me dévore. « - alors, c’est promis. »

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Jo ne doutait pas que les hommes de la famille de Midas vieillissaient bien, et si ça lui valait d’être accusée de manquer d’objectivité, elle l’assumerait avec un majeur levé "Je crois que t’auras pas à attendre très longtemps pour ça." Pour les tempes grisonnantes dans lesquelles elle glissa les doigts en faisant mine de chercher les reflets d’argent qu’elle ne trouva pas, lui tournant la tête par le menton en prenant un air sérieux qui se craquela graduellement, trop occupée à se moquer de lui pour maintenir sa comédie plus longtemps. Le comique de répétition était une bonne unité de mesure pour prendre la température après des jours de frilosité entre eux, et il semblait bien mordre à l’hameçon. Une part d’elle ne redoutait jamais que Midas la repousse, elle était celle qui était la plus capable de ce genre de choses, mais ça rassurait l’autre part de s’apercevoir que, malgré ce qu’il pouvait bien penser de sa mauvaise foi et de son caractère de peste capricieuse, il ne rechignait pas à l’accueillir à ses côtés et à accepter ses caresses et ses baisers. Elle méritait certainement qu’il soit encore plus distant avec elle, d’aller à contre-courant pour qu’elle se mange un revers et apprenne sa leçon, elle ne se plaindrait pas qu’il en soit incapable.

Alors si elle l’embrassa, ce n’était pas seulement pour sceller ses voeux d’anniversaire, mais surtout pour profiter que la fonte des glaces soit avérée — aussi pour s’excuser d’avoir été longue à venir le retrouver, occupée au studio où la journée lui avait paru interminable. Un tant mieux murmuré lui échappa quand il la rassura sur ce qu’elle avait redouté pendant un moment ; qu'il s’imagine qu'elle avait fait l’impasse sur la date du jour quand ça ne pouvait pas être plus faux et qu’elle y avait pensé des jours en amont. Elle le serra contre elle en même temps qu’il passait son autre bras autour de sa taille, et dut s’admettre à elle-même que justement, si elle n’avait pas déjà une idée derrière la tête, rester ici ne lui aurait pas semblé un mauvais plan pour passer cet anniversaire, pas quand elle se sentait rasséréné par l’accueil qu’il lui faisait et par le regard qu’il posait sur elle depuis son arrivée. Mimant la déception en se mordant le coin de la bouche, elle murmura à nouveau, donnant l’impression de se parler à elle-même quand il lui avoua que les grosses fêtes n’étaient pas pour lui "Je devrais annuler ma livraison de coke et  renvoyer les strip-teaseuses alors." Rien de tout ça ne lui avait traversé l’esprit, pas même ce qu’elle ajouta dans la foulée "Je prévoyais de sortir d’une montagne de crème au beurre et de finir arrosée au champagne à un moment de la soirée, c’est trop dommage." Ou pas. En l’occurence, l’extravagance de ce genre de fêtes, Jo les laissait à qui le voulait, ayant trop travaillée dans le monde de la nuit pour apprécier ces ambiances qui suintaient la débauche et qui appelaient l’excès. Tout ce qui n’était pas Midas, inutile de le préciser.

Elle était presque précautionneuse en avançant un plan dont elle ne prévoyait de rien lui dévoiler tout de suite, se montrant suffisamment mystérieuse pour susciter l’intérêt d’un Midas qu’elle dévorait des yeux en se blottissant contre lui. Elle oublia un instant qu’en fonction de sa réponse, elle devrait bientôt se lever et qu’il faudrait qu’elle se prive du sentiment de sécurité qui l’enveloppait maintenant, serrée contre lui, ses doigts caressant sa nuque "C’est pas une fête surprise, et ce sera que toi et moi." Inutile de jurer cette fois, il la croirait comme elle le crut quand il promit en retour qu’il ne poserait pas de questions ; et le regard qu’elle lui renvoya, il n’était pas là pour rien bien sûr, c’était une garantie sur laquelle elle comptait quand bien même Jo savait parfaitement que Midas n’était pas le plus difficile à convaincre quand sa requête était impliquée. Elle laissa un faux soupir de déception lui échapper, se préparant à se lever en libérant sa nuque "C’est beaucoup trop facile de te convaincre, j’avais préparé un tas d’arguments pour t’obliger à accepter." Faux, elle n’en avait préparé aucun. L’embrassant à la dérobée avant de se lever pour de bon, elle harponna le cupcake qu’elle avait laissé sur la console de mixage pour en goûter le glaçage du bout de l’index, et ajouta en toupillant sur ses semelles compensées pour mieux le regarder et lui avouer "Le trajet durera pas des heures, c’est à West End que je veux que tu nous emmènes." Soit à moins d’une demi-heure de là. Ils avaient connu plus long comme circuit "Tu crois que ça craint pas trop à cette heure-là ?" Et elle ne s’inquiétait pas du taux de criminalité de Brisbane, apte à se défendre toute seule s’il le fallait, mais plutôt des potentiels rapaces armés d’appareils-photos qui traînaient de temps à autre autour de la propriété.

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« Je crois que t’auras pas à attendre très longtemps pour ça. » Je prends un faux air outré, passant une main dans mes cheveux comme pour m’assurer qu’elle plaisante et qu’ils sont encore dénués de la moindre marque du temps. Je crois que, pour garder les pieds sur un terre dans un milieu comme le nôtre, il faut être dénué d’orgueil et surtout de vanité. Jo aura peut-être besoin qu’on l’y aide mais, en bon idiot amoureux, je ne le réalise pas encore. A mes yeux, elle est parfaite ou en tout cas lorsque ses défauts n’entament pas notre relation : combien de fois l’ai-je répété ? « J’espère que t’aimes ça alors. » Je ne plaisante qu’à moitié : être certain de toujours lui plaire est sans conteste l’une de mes sources de motivation à faire preuve d’un peu de vanité. « Je devrais annuler ma livraison de coke et renvoyer les strip-teaseuses alors. » - « Tu connais vraiment mes goûts, je peux plus te surprendre, c’est dingue ça. » Nul doute qu’il s’agit de la vérité et que, le cas échéant, elle n’a pas prévu tout ce qu’elle prétend. Elle fait preuve d’humour Jo, et le ton est assez badin pour que je m’autoriser à lui voler des baisers après avoir soufflé mes bougies. « Je prévoyais de sortir d’une montagne de crème au beurre et de finir arrosée au champagne à un moment de la soirée, c’est trop dommage. » - « Je retire ce que j’ai dit : tu peux reprogrammer la fête et je fermerai mes yeux quand ce sera le tour des strip-teaseuses, dans ce cas. » Il n’y a que le clou du spectacle – elle – qui m’intéresse et personne ne serait surpris de me l’entendre dire. Au contraire, l’idée qu’elle puisse avoir fait appel à des danseuses est certes ridicule et farfelues, mais il n’en reste pas moins vrai qu’il suffit qu’elle l’évoque pour que je rougisse jusqu’aux oreilles. Je fais une bien piteuse rockstar, cela va sans dire.

J’abandonne le muffin et la bougie éteinte à la demoiselle qui en mange déjà du bout des lèvres le glaçage : je n’ai pas la dent sucrée, et ça aussi elle me connaît assez pour le savoir. La gourmandise était pour elle, sans l’ombre d’un doute, et la mienne sera de pouvoir profiter de sa présence un peu plus tard dans la soirée. Soirée pour laquelle elle semble réellement avoir des plans, et si je me serais satisfait de passer la soirée avec elle en profitant du spa de la résidence, elle pique toutefois ma curiosité. Que prévoit-on pour un gars comme moi, un gars simple et qui n’est pas friand de toute surprise trop sophistiquée ? Qu’a-t-elle mijoté, Jo ? « C’est pas une fête surprise, et ce sera que toi et moi. » L’espace d’un instant, j’ai cru devoir faire semblant de voir tout un tas d’invités surprise qui ne seraient pas elle, et je hoche la tête d’un air approbateur lorsqu’elle me confirme que ce ne sera pas le cas. Juste moi et elle donc, et je me doute qu’il s’agira de quelque chose de privé. Si nous sortions au restaurant ou dans un bar, nous ne pourrions pas éviter d’être pris en photo et pour l’instant la brune souhaite encore garder notre relation secrète. Du reste, je préfère éviter d’être dérangé par des journalistes ou photographes ce soir, et je suis certain qu’au-delà de son besoin de conserver le secret, c’est certainement son cas également. « C’est beaucoup trop facile de te convaincre, j’avais préparé un tas d’arguments pour t’obliger à accepter. » - « Comme si tu savais pas que t’as pas besoin de ça. » Elle n'est pas du genre à faire preuve de modestie, qu’elle soit authentique ou montée de toute pièce. Et elle sait qu’elle me tient dans le creux de sa main, impossible d’en douter. « Le trajet durera pas des heures, c’est à West End que je veux que tu nous emmènes. » Je fronce les sourcils, tentant de deviner ce qui peut se situer là-bas. « West End ? » La plupart des commerces sont fermés et je doute qu’elle ait de toute façon prévu que nous flânions main dans la main dans la rue. « Tu crois que ça craint pas trop à cette heure-là ? » Je hausse les épaules et pousse un soupir désabusé. « Pas plus qu’en temps normal. Mais je vais essayer d’être discret. » En utilisant une voiture passe partout, en enfilant un sweat basique et sombre et en vissant une casquette sur ma tête. « La plupart des commerces sont fermés, c’est l’avantage. Et c’est pas vraiment un coin où les gens sortent. » Je ne peux toutefois pas lui promettre que nous ne serons pas repérés : cela échappe complètement à mon contrôle. « Je vais te filer un sweat. Si tu enfiles la capuche, ça devrait aller. » Et moi, je ferai de mon mieux pour lutter contre l’envie de prendre sa main dans la mienne au détriment du monde qui nous entoure. « Allez, en route. »

Les quelques préparations effectuées, j’ai laissé la brune rentrer l’adresse dans le GPS de la voiture en détournant les yeux pour ne rien voir. J’ai même bouché mes oreilles à chaque fois qu’elle me l’a demandé, me prêtant au jeu de bon grès. Entre ses mains, je suis malléable. « On devrait arriver d’ici cinq minutes. » Je l’annonce après avoir roulé un temps à l’aveuglette. Pour l’instant et de nuit, je ne reconnais pas encore les rues dans lesquelles la voie synthétique me fait tourner. « Tu veux que je me gare à un endroit en particulier ? »

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"Je suis là, ça te donne pas un indice sur l’idée que oui, beaucoup ?" À ce stade, Midas pourrait même décider de se teindre les cheveux en rose pour cacher ses cheveux blancs que ça constituerait le summum du critère physique recherché par Jo chez un homme. Elle n’excellait pas dans l’objectivité quand il était concerné, une petite habitude qu’elle ne trouverait jamais embarrassante. Ils étaient ensemble, non ? Elle n’avait pas besoin de s’encombrer de neutralité quand elle avait passé des années à couver, préserver et chérir en secret le souvenir de la seule fois où il avait posé ses lèvres sur les siennes. Elle l’observa réagir à son faux plan pour la soirée, ses doigts ne quittant pas ses cheveux, en sachant très bien que ça ne lui parlerait pas. S’ils étaient différents sur certaines choses, ils se rejoignaient au moins sur celles qui appelaient l’intimité et le calme lors de certains événements. Ils vivaient une vie à cent à l’heure, la célébration de tout et n’importe quoi, ça faisait partie de leur quotidien. Si ça canalisait l’énergie de Jo la plupart du temps, elle qui avait toujours besoin d’être occupée, boule d’énergie dont elle ne savait pas toujours quoi faire tant ça se heurtait à son caractère explosif, il y avait des fois où la tranquillité restaurait ses jauges pour la faire repartir de plus belle. Et plus globalement, elle n’avait de toute façon pas envie de partager le chanteur avec qui que ce soit le soir de son anniversaire, même si par définition, c’était son anniversaire, qu’il aurait eu le droit de vouloir faire autre chose comme voir sa fille — elle avait pensé à Posy, elle n’avait pas osé entrer en contact avec Harleen, refusant tout net de s’adresser à Cassie pour ça —, ou de voir sa famille. Elle l’aurait accepté sans rechigner, se serait éclipsée s’il avait considéré qu’elle n’avait rien à faire à ses côtés, mais en l’occurence il ne lui avait parlé de rien, alors elle avait pris les devants, c’était aussi simple que ça ; tout ça en respectant des critères prédéfinis par ce qu’elle connaissait de lui, et qui ne correspondaient pas à ce qu’elle lui vendait comme le sommaire d’une soirée riche, mais éloignée de celui qu’il était. En l’entendant rebondir sur la dernière partie, elle laissa filer un rire en même temps qu’une légère secousse de la tête un air de dire tous les mêmes avant de verbaliser son assentiment, approuvant la partie concernant les strip-teaseuses qui devraient se passer de son attention "Bonne réponse."

Elle n’avait pas besoin de négocier beaucoup dans tous les cas, chose qui ne constituait pas une surprise pour elle et qui l’arrangeait, sentant l’anticipation de la révélation imminente de ses projets s’insinuer doucement en elle sans qu’elle ne rompe la promesse qu’elle s’était faite à elle-même de ne rien dire à Midas, même s’il tentait de la soudoyer d’une façon ou d’une autre. Là encore, il n’était pas de ce genre, une aubaine sur laquelle elle comptait pour réussir son effet. La saveur du glaçage qu’elle goûta se répandit dans sa bouche avant qu’elle s’inquiète que sa surprise soit gâchée par une filature éventuelle de la part de photographes qui ne manquaient pas une occasion de les suivre. Elle n’aurait pas cette patience ce soir, elle voulait garder tout ça pour eux — comme le reste d’ailleurs, pour l’heure en tout cas, de plus en plus consciente de ce que ce secret les empêchait de faire en public quand au fond, personne n’ignorait vraiment qu’il se passait quelque chose entre eux. Le moment n’était pas à cette réflexion, même si le soupir que Midas laissa échapper avant de répondre à sa crainte lui fit réaliser un peu plus que c’était un effort qui lui pesait quelque part. Elle reposa le cupcake — qu’elle finirait plus tard pour sûr —, et se contenta de hocher la tête à ça pour mieux relever le stop qu’il fit quand elle mentionna West End "Hey, t’as promis que tu poserais pas de questions." lui rappela-t-elle en plissant les yeux, saisissant sa main quand elle s’engagea pour quitter la pièce sous les réflexions du jeune homme qui tentait de la rassurer sur ce que sortir dans cette partie de la ville impliquait. Pas grand-chose finalement, peut-être qu’ils pouvaient lâcher un peu de lest ? Elle n’en fit pas la proposition, sachant de toute façon qu’elle était celle qui se mettait des barrières à ce sujet.

Comme prévu, le trajet jusqu’à West End ne fût pas très long. L’espace d’un instant, Jo avait caressé l’idée de faire tourner Midas en rond par pur esprit malicieux, mais elle se rendait compte qu’eux deux, c’était peut-être bien elle qui avait le plus hâte d’arriver à la destination qui se rapprochait de plus en plus. S’exemptant de vérification sur le moniteur du GPS, Jo s’agaça de la voix monocorde au bout de plusieurs minutes et éteignit le dispositif après la dernière question de Midas à qui elle dit "Je connais le chemin, elle nous manquera pas. Prends à gauche, on va arriver à l’arrière d’une rangée de boutiques, tu pourras te garer là." Là où se trouvait la porte arrière d’un disquaire qu'il était supposé connaître ; porte arrière par laquelle ils rentreraient. Inutile de lever le rideau de fer du commerce qu’elle convoitait et dont elle sortit les clefs de la poche centrale du sweat qu’elle avait enfilé par-dessus sa robe, et qui tinta quand, la voiture arrêtée, elle fit au jeune homme, sans préambule, se tournant entièrement vers lui après s’être détachée, et ce avec une excitation qu’elle tacha de contenir, jouant le mystère au travers du sourire en demi-lune qu’elle lui offrit sans attendre "Tu sais qu’il s’apprête à fermer ? C’est pour le début de l’année prochaine. Ils doivent d’abord écouler leur stock de disques, mais le local est en vente depuis des semaines déjà." Si elle avait un peu de chance, si Midas avait une mémoire impeccable, il reconnaîtrait l’arrière du disquaire qui avait accueilli ses années d’adolescent déterminé à bosser pour se payer ses premiers vrais instruments. Elle n’avait pas moyen de savoir si les lieux avaient beaucoup changé, aussi elle croisa les doigts pour que ce ne soit pas le cas, sinon ça ruinait son effort de discours qu’elle puisa dans le récit auquel elle avait eu droit grâce aux messages qu’elle avait reçu et lu avec beaucoup d’attention sur les réseaux sociaux à ce propos "Moi je le sais. Tu veux savoir pourquoi ?" Elle décocha un regard par-delà le pare-brise de la voiture pour le poser sur la porte close pour l’instant, et n’attendit pas qu’il lui demande pourquoi. Elle se lança, un peu joueuse dans sa façon de lui faire un faux reproche "Parce que comme tu réponds pas à tes fans sur les réseaux sociaux, ils m’envoient des trucs de temps en temps. J’ai beau leur dire que je suis pas ta secrétaire, comme j’ai toujours besoin de la ramener, je peux pas m’empêcher de leur répondre, et t’as de la chance, ils sont plutôt sympas, tu devrais leur parler de temps à autre." Preuve que les fans du chanteur n’étaient pas idiots non plus, que même si l’officialisation de leur relation tardait, ils savaient bien que communiquer avec Jo, c’était avoir, à mesure variable, accès à Midas. Elle ne partageait et ne recevait rien de trop privé au demeurant, ça se cantonnait à quelques Reels envoyés par-ci par-là, mais surtout quelques posts intéressants, dont celui à propos de la fermeture imminente de ce disquaire qui, pour les fans de Midas, prenaient des allures de temple à visiter depuis qu’ils savaient qu'il avait travaillé ici en étant plus jeune. Le regard toujours posé sur l’arrière de la boutique, Jo ajouta sur le même ton, bien qu’il baissa d’un octave au plus elle avançait dans ses paroles "Tu sais que les gens viennent ici exprès parce que t’y as bossé ?" Finalement, elle inclina la tête sur le côté, retrouvant les yeux de Midas en même temps "Y a même un coin qui t’est exclusivement dédié." Pas un autel, mais un emplacement où son merch et ses albums étaient mis en avant pour rameuter sa fanbase — et ça fonctionnait plutôt bien si on considérait qu’à l’annonce de sa fermeture, ils étaient devenus hystériques, déçus qu’on leur retire cet endroit où se regrouper pour profiter des nouveautés entourant la carrière de leur idole. Marquant une pause pour mieux laisser macérer ce qu’elle venait de lui dire, elle finit par lever le trousseau de clefs dont elle avait passé l’anneau autour de son index, le faisant bringuebaler au bout de sa main, et lui demanda comme si ce n’était pas déjà prévu, comme s’ils n’étaient pas là exprès pour ça "T’as envie qu’on entre, ou tu supporteras pas de te rappeler du temps où t’avais pas encore des cheveux blancs ?" Et comme elle connaissait déjà plus ou moins la réponse, elle ne le lâcha des yeux que lorsqu’elle posa un pied à l’extérieur de la voiture, déterminée à ne pas lui laisser le choix que de la suivre dans tous les cas.

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« Hey, t’as promis que tu poserais pas de questions. » - « C’était à peine une question. » Plutôt une expression de surprise et pour parachever ces négociations, réponse aux protestations de la jeune femme, je lui vole un baiser. Si j’ai l’air ailleurs, soucieux, c’est parce que le rappel de notre besoin d’anonymat ne gâche pas la soirée, mais me ramène à notre condition de couple secret. Aux yeux du monde, nous devons rester deux amis. Je suis capable de le supporter comme le grand garçon que je suis, mais une part de moi ne peux s’empêcher de se dire que j’aurais préféré rester derrière les hauts murs d’enceinte de la propriété derrière lesquelles nous avons le droit d’être un couple, et moi j’ai le droit de l’embrasser, la toucher ou lui prendre la main dès que je le désire. Du reste, je réponds tout de même à ses questions de bon gré – je suis un garçon de bonne composition – et je l’envoie enfiler de quoi dissimuler ses cheveux et son visage avec un sourire sur les lèvres. Officialisation ou pas, ce sera notre quotidien à chaque fois qu’il sera question d’avoir un peu d’intimité, je suis bien placé pour le savoir. Je ne peux sortir en public avec ma fille sans me grimer, conduire une voiture aux vitre teintés et me dépêcher d’entrer dans un bâtiment pour minimiser les chances d’être aperçu avec Posy.

Les doigts de Jo tapotent l’écran de la voiture, et elle éteint le guidage, signe que nous sommes arrivés. Amusé, je jette un œil dans sa direction. « Je connais le chemin, elle nous manquera pas. Prends à gauche, on va arriver à l’arrière d’une rangée de boutiques, tu pourras te garer là. » - « On fait confiance à ton sens de l’orientation ? » Dans les faits, elle pourrait me conduire jusqu’aux portes de l’enfer que je n’opposerais aucune résistance. Mais c’est amusant de chipoter, comme ça l’est de prétendre attraper ses doigts pour l’empêcher d’approcher l’écran de ma berline. Je m’exécute et, enfin, les rues commencent à me rappeler quelque chose. J’ai conduit ici pendant des années, mais rarement à cette heure et j’avais plusieurs années de moins au compteur la dernière fois que je me suis garé sur le parking arrière du disquaire. J’y avais alors donné une prestation alors que mon premier album décollait, faisant de moi la coqueluche d’une partie des jeunes Australiens, mais pas encore la superstar que je suis devenue aujourd’hui.

Descendu de la voiture, je range mes mains dans mes poches et fronce les sourcils en découvrant les alentours. Je me tourne vers Jo et pose un regard interrogateur sur elle alors qu’elle sort des clés de la poche de son sweat. J’ai parfaitement reconnu l’endroit, à présent. Mais j’ignorais qu’elle le connaissait. « Tu sais qu’il s’apprête à fermer ? C’est pour le début de l’année prochaine. Ils doivent d’abord écouler leur stock de disques, mais le local est en vente depuis des semaines déjà. » - « Sérieux ? » Je me sens presque coupable de vivre sur une autre planète et d’être passé à côté de ce genre d’information. Le patron de l’endroit a été un vrai soutien lorsque ma carrière a décollé, et je suis toujours rempli d’affection à l’égard de ce vieil homme. Toutefois, je ne suis pas vraiment doué pour ne pas me laisser emporter par ce véritable tourbillon qu’est mon quotidien, et la dernière fois que j’ai eu du nouvel de mon ancien patron était il y a plusieurs années. Trois, quatre peut-être. « Je vais pas cracher dans la soupe, mais les sites d’écoute en streaming, c’est une vraie merde. » Oh, les ventes digitales et plateforme comme Spotify m’enrichissent et participent à faire de mon la sensation que je suis devenue. Mais je suis un pauvre con, un garçon vieux jeu qui achète encore tous les albums qu’il apprécie en format physique parce que je n’ai rien de plus qu’une jaquette de disque ou qu’un magnifique vinyle. « Je pensais que les ventes de vinyles revenaient à la mode, et que ce genre d’endroit avait encore de beaux jours devant soi. » Me suis-je trompé ? Ou bien est-ce que je crie au loup trop vite ? Je ne connais pas l’âge exact du propriétaire du fond de commerce où j’ai bossé pendant plusieurs années, mais il avait déjà l’âge d’être à la retraite quand j’arrondissais mes fins de mois ici. Peut-être n’a-t-il simplement trouvé personne pour reprendre son affaire ?

« Moi je le sais. Tu veux savoir pourquoi ? » Un sourire étire mes lèvres, incapable de la quitter des yeux. « Parce que comme tu réponds pas à tes fans sur les réseaux sociaux, ils m’envoient des trucs de temps en temps. J’ai beau leur dire que je suis pas ta secrétaire, comme j’ai toujours besoin de la ramener, je peux pas m’empêcher de leur répondre, et t’as de la chance, ils sont plutôt sympas, tu devrais leur parler de temps à autre. » - « Je réponds déjà pas à ma sœur sur les réseaux sociaux. » Et je reçois des milliers, si ce n’est plus, de messages et de sollicitations de toutes part, sur les réseaux. Réseaux que je ne gère pas, de toute façon. « Mes fans t’ont envoyé des infos sur la boutique ? » Sur la fermeture de cet endroit ? Je suis conscient de la renommée qui est la mienne, mais j’en oublie parfois ses aspects les plus positifs au profit des nuisances. Je suis touché que des inconnus se soient intéressé à un endroit qui fait partie de mon histoire de la plus intime des façons.

« Tu sais que les gens viennent ici exprès parce que t’y as bossé ? » - « Ouais, le proprio me l’avait dit à une époque. » Mais, coupé de la réalité, je n’avais pas réalisé tout ce que cela impliquait, et quelle quantité de personnes cela pouvait représenter. « Genre beaucoup ? » Se prennent-ils en photo devant la devanture ? A l’intérieur du magasin ? « Y a même un coin qui t’est exclusivement dédié. » Je fronce les sourcils prouvant que, de toute évidence, il s’agit d’une information que je n'avais pas. « Un coin comment ? » Je regarde la porte arrière du magasin, à présent curieux. J’ai envie de pousser la porte de l’endroit, de confronter mes souvenirs à la réalité, de vérifier de mes yeux que l’endroit a gardé toute son authenticité malgré les bouleversements dans l’industrie du disque. « T’as envie qu’on entre, ou tu supporteras pas de te rappeler du temps où t’avais pas encore des cheveux blancs ? » J’éclate de rire avant de claquer la porte de la voiture. « A ton tour. Tu sais à quel âge j’ai commencé à bosser ici ? » Seize ans, c’est la réponse à cette question. Je prenais le bus pendant presque une heure pour venir au boulot le week-end, et la même chose pour repartir. « Une partie de ma vidéo de présentation pour l’émission a même été filmée ici. J’y bossais à temps plein quand j’ai été casté. » Je n’ai donné ma démission qu’après ma victoire. « Jusqu’à la fin, j’étais toujours à peu près persuadé qu’une fois que ce serait fini, je reviendrai bosser ici et que la vie continuerait comme avant. » J’étais un gamin naïf, complètement inconscient d’avoir mis son doigt dans une engrenage qui le dépassait. Juste avant d’avoir atteint, la porte, je m’arrête finalement net. « Pourquoi t’as les clés ? » Je dévisage la brune, tout proche d’elle que je suis.

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@Midas Sterling ☆ crédit/harley

"J’ai été passagère toute ma vie, je suis une putain de co-pilote." Une bien piètre conductrice cependant, et pas seulement parce qu’elle n’avait pas pris le temps de passer le permis de conduire, préférant le statut de passenger princess. Inutile de dire qu’à l’aube de sa notoriété grandissante, elle ne le passerait jamais, ce foutu permis, se faisant déjà conduire d’un point à un autre sans même avoir à y penser. Elle avait ruiné le van de Nicholas en essayant d’apprendre une fois, aussi c’était bien la seule chose qu’elle n’était pas capable de faire ; parce que oui, autrement, elle savait absolument tout faire Josephine, c’était une évidence que son orgueil vantait avec la même ardeur qu’une vérité immuable. Se précipitant pour couper la parole au GPS, elle ne laissa pas ses doigts rentrer en contact avec ceux de Midas qui tentait de ne pas la laisser faire, et lui donna ses instructions sans attendre plus longtemps, le gratifiant d’un regard faussement sévère, et lui montrant la route avec l’index pour qu’il ne la lâche pas des yeux, et qui disparut quand ils arrivèrent à destination.

Elle se lança dans une tirade pour expliquer son choix, ne se sentant pas honteuse de faire dans le suspens de bas-étage, une partie de son plan restant soigneusement caché pour susciter graduellement l’intérêt d’un Midas qui s’étonna de ce qu’elle lui annonçait "Sérieux, ouais. Je trouve ça super triste." Parce qu’elle aussi, elle avait passé du temps dans ce genre d’endroits, et que sa collection de vinyles, elle ne venait pas uniquement des vides-greniers qu’elle écumait avec sa grand-mère pendant les vacances scolaires, quand elles se retrouvaient toutes les deux dans la maison qu’elles occupaient en duo depuis quelques années maintenant. C’était le lieu de choix de ses premiers rendez-vous à Dalby, les disquaires, là où elle jaugeait les goûts de ses cibles pour décider de les jeter l’heure d’après, après avoir appris qu’ils ne savaient pas qui était Nina Simone ou Billie Holliday. Pas étonnant qu’on l’accusait de briser des coeurs alors même qu’elle avait encore du lait qui lui dégoulinait du nez "On est d’accord sur ça. C’est pratique, mais c’est que ça." De ne pas avoir à transporter sa musique avec soi pour les longs voyages, mais sinon ? La qualité du son restait trop basique pour des oreilles aguerries comme les leurs — ce n’était pas une torture, mais ce n’était pas un plaisir non plus, ça le devenait devant un tourne-disque en revanche et de ça, Jo en resterait convaincue. Jetant un regard par-dessus son épaule, elle répondit à la suite de l’intervention de Midas pour lui expliquer, le faisant sans sarcasmes, plutôt sérieuse même "Le proprio est vieux, il a pas la force de moderniser sa comm pour que sa boutique continue d’attirer du monde et avec Internet, tu peux trouver des vinyles rares sans avoir à chiner, alors il peut même pas prétendre proposer de l’exclusivité. Je crois qu’il aspire à pouvoir se reposer en plus, il a lâché l’affaire." Ce qu’elle ne lui reprochait pas, elle avait du respect pour les aînés. Jouant avec le trousseau de clefs qu’elle avait dans la main, elle pencha la tête sur le côté pour regarder Midas par-dessus la carrosserie de la voiture, attendant qu’il la rejoigne pour reprendre, roulant des yeux en l’entendant se défendre de ne pas répondre à sa soeur sur les réseaux sociaux, alors aux fans… "Je suis à ça de me dire que c’est peut-être bien le boulot d’une assistante de faire ce genre de choses. Mais pour ce que j’en sais." Si elle pouvait piquer un peu pour remettre en cause le travail fourni par Cassandra, elle le faisait plutôt deux fois qu’une, mais la réflexion passa bien vite parce qu’elle n’avait pas envie de jouer à la peste de base, pas ce soir. Elle hocha plutôt la tête à sa question précédente, lui racontant en détails "Ouais, j’ai eu droit à toute l’histoire. Y a des comptes fans qui en parlent nuit et jour en mettant en ligne des pétitions pour aider la boutique à gratter quelques mois de plus. J’ai pas vérifié le nombre de signatures, mais ça a pris de l’ampleur dans la communauté." Elle avait suivi les liens qu’on lui avait envoyé, elle avait vu qu’au-delà des messages qu’elle recevait, c’était une vraie compagne qui s’était mise en place pour réussir à préserver cet endroit, et ça avait touché quelque chose en elle. Certainement parce que c’était lié à Midas, mais aussi parce qu’au travers de ça, elle avait compris l’importance qu'il avait pour certaines personnes. Elle avait déjà eu l’occasion de s’en apercevoir bien sûr, difficile de passer à côté quand on évoluait dans son orbite, mais l’engouement vindicatif autour de la fermeture de cet endroit, ça l’avait forcée à prendre ça un peu plus au sérieux. Elle haussa les épaules après une pause contemplative "Ça m’a un peu touchée, je crois." Son petit coeur dur et froid battait à une autre fréquence quand ça concernait Midas, sa musique, et l’artiste qu’il était. Ça partait de l’admiration qu’elle avait toujours eu pour lui évidemment, mais aussi de ce qu’elle ressentait pour lui de façon plus intime "Tout le monde a pas les moyens de venir te voir plusieurs fois quand t’es en tournée. C’est le seul endroit qu’ils ont pour avoir l’impression d’être un peu proches de toi, ça fait de mal à personne alors ouais, je trouve ça un peu triste." avoua-t-elle finalement.

Elle reprit à sa suite, prenant le ton murmuré d’une rapporteuse "Genre, à la sortie de Yours, y avait une queue jusqu’à quatre pâtés de maison parce qu’ils ont organisé une vente dès minuit, comme si c’était la sortie d’un putain nouveau tome de Harry Potter." Elle laissa un léger rire filer, non contente d’avoir cette anecdote qu’on lui avait raconté à partager avec le principal responsable de cet exploit. L’humilité de Midas, elle la faisait passer à côté de l’idée qu’à Brisbane, il était vu comme un enfant chéri qui ne vendait certes pas plus qu’ailleurs, mais qui rendait fier de vivre ici. Se détournant brièvement de lui, toujours le sourire aux lèvres, elle s’approcha de la porte de derrière et décrocha, non sans difficulté, le panneau à vendre qui était encore placardé sur la porte. Elle pivota sur ses pieds en le calant sous son bras pour, en même temps, commencer à trifouiller son trousseau de clefs à la recherche de la bonne pendant qu’elle lui répondait "Avec tout ce que t’as fait depuis le début de ta carrière, des pièces rares de ton merchandising de tournée, et les dernières nouveautés. Je crois même qu’il y a une silhouette en taille réelle à l’entrée, c’est trop mignon." Pas plus que le rire qu’elle lui offrit à nouveau en baissant la tête sur ses clefs pour bougonner un instant de ne pas trouver la bonne, ses mains cachées par le sweat qu’elle avait sur le dos ; chose qu’elle réussit enfin à faire deux ou trois secondes après, se faisant toujours questionner en même temps "Si j’ai la bonne réponse, j’ai droit à quoi ?" Marchander alors que ce n’était même pas le sien d’anniversaire, c’était digne de l’égoïsme patenté de Jo qui se plia à l’exercice du quizz tout de même, mais pas avant d’avoir roulé des yeux "Tu m’as dit 16, mais j’ai pas la mémoire des chiffres." Il y avait des antécédents d’Alzheimer dans sa famille après tout. Défaisant son attention de ses clefs, elle posa son regard sur Midas alors qu’il s’approchait, partageant avec elle ce qu'il croyait que sa vie serait à l’époque "Ça peut être un projet pour une autre vie. Je sais que la sénilité te guette, mais t’es pas si vieux que ça en vrai, t’as le temps de voir ta reconversion arriver. Si elle arrive un jour." En vrai, elle savait qu’il ne pourrait jamais quitter la vie qu’il menait depuis sept ans, et que mettre un terme à sa carrière pour vendre des disques, ceux des autres, ça le rendrait malheureux. Sauf que les célébrités ne rêvaient plus qu’à une chose après avoir atteint l’Olympe, et c’était de vivre une vie normale : Midas ne faisait pas exception, et peut-être que ce qu’elle avait fait pour lui à l’occasion de son anniversaire, c’était un moyen de le lui offrir sans y avoir plus réfléchi que ça. D’ailleurs, se faisant surprendre par la manière dont il s’arrêta pour lui demander pourquoi elle avait les clefs de la boutique, la manière avec laquelle il la dévisagea lui fit oublier un très court instant de respirer ; puis ouvrir la bouche pour la refermer aussitôt, et enfin lui répondre en reprenant sur elle, ses paupières se plissant avec suspicion "T’es si impatient, c’est insupportable." dit-elle, en bonne impatiente insupportable qu’elle était. Elle n’explicita rien de ce qui passait dans ses yeux, la malice s’installant de nouveau et durablement. Elle se contenta de lui tourner le dos de façon plus ostensible, bataillant encore une seconde pour trouver la bonne clef et l’inséra pour de bon dans la serrure pour entrer la première sous le grincement strident des gonds qui accompagnèrent ses pas. Toupillant sur elle-même après avoir jeté la pancarte à vendre dans un coin, elle lui fit en restant sur le pas de la porte "Entre, et t’auras enfin le droit de me poser toutes les questions que tu veux."

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« Le proprio est vieux, il a pas la force de moderniser sa comm pour que sa boutique continue d’attirer du monde et avec Internet, tu peux trouver des vinyles rares sans avoir à chiner, alors il peut même pas prétendre proposer de l’exclusivité. Je crois qu’il aspire à pouvoir se reposer en plus, il a lâché l’affaire. » J’observe le lieu avec un soupçon de tristesse en fond des yeux. Voilés par les souvenirs, ils se baladent sur l’arrière-boutique, et je regrette – même si je sais pourquoi ça nous est impossible – de ne pas pouvoir entrer pas l’entrée principale. J’aurais voulu pouvoir ressentir ce que ressentent les quelques fidèles aux supports physiques qui passent encore la porte de ce genre d’endroit qui semblent appartenir à un passé fragile. « Ouais. Il avait déjà plus l’âge d’être mon grand-père que mon père, à l’époque. » Alors il a certainement passé l’âge auquel tout le monde peut comprendre qu’il aspire à une vie calme et reposante. « Et sa fille était pas intéressée par l’idée de reprendre l’endroit, de mémoire. Il s’en plaignait pas, mais je sais qu’il était déçu. » La fille en question ne peut être pointée du doigt pour ça : beaucoup de genre estiment ridicule de se consacrer à un business qui n’a plus autant le vent en poupe qu’autrefois, et qui tous les jour est de plus en plus menacé par les géants du streaming. « J’ai jamais arrêté d’acheter les supports physiques des albums qui me plaisent. Je sais pas, je trouve que c’est différent. » Ne serait-ce que satisfaisant de voir mes étagères se couvrir de disques et de vinyles. Mais j’ai de mon côté les moyens de le faire, c’est certain.

« Je suis à ça de me dire que c’est peut-être bien le boulot d’une assistante de faire ce genre de choses. Mais pour ce que j’en sais. » Je lève les yeux au ciel, mais un air amusé sur les lèvres. Je n’ai pas l’âme d’un médiateur. Je n’ai pas l’intention de plus interférer dans les rapports entre Cassandra et Jo que je ne l’ai déjà fait. Je peux faire fi de leur animosité : je suis doué pour prétendre que je ne comprends pas les interactions autour de moi, pour jouer au benêt et paraître plus idiot que je ne le suis. « Répondre à ma sœur ? Je crois que Olive préfère encore que je m’en charge moi. » J’adresse à Jo un sourire charmeur qui souffle que j’ai très bien compris où elle veut en venir.

« Ouais, j’ai eu droit à toute l’histoire. Y a des comptes fans qui en parlent nuit et jour en mettant en ligne des pétitions pour aider la boutique à gratter quelques mois de plus. J’ai pas vérifié le nombre de signatures, mais ça a pris de l’ampleur dans la communauté. » Effaré, je me demande comment j’ai pu m’autoriser à passer à côté de ce genre d’information. J’aime cet endroit de tout mon cœur, mais je n’ai simplement plus le temps de m’intéresser à tout ce qui m’est envoyé et à toutes les informations qui ne relèvent pas du capital. Celle-ci aurait dû, pourtant. Cet endroit appartient à mon histoire et je suis touché de savoir qu’il va fermer, et que je n’ai pas eu le temps de venir y faire un pèlerinage ; Jo l’a dit, il ne reste à l’endroit plus que quelques semaines. « Ça m’a un peu touchée, je crois. » - « Je comprends. » Une main sur ma hanche, je passe l’autre sur mon visage, comme pour m’aider à réaliser. « Comment j’ai pu passer à côté de ça ? » Je n’aurais pas pu faire grand-chose : la fermeture de l’endroit dépend de la motivation du propriétaire, pas de ses moyens ou plutôt du manque de moyens engagés pour sauver l’endroit. « Tout le monde a pas les moyens de venir te voir plusieurs fois quand t’es en tournée. C’est le seul endroit qu’ils ont pour avoir l’impression d’être un peu proches de toi, ça fait de mal à personne alors ouais, je trouve ça un peu triste. » Je passe un bras autours des épaules de Jo avant de secouer la tête. « C’est le cours des choses, j’ai peur. J’aurais juste voulu le savoir avant, j’aurais pu organiser quelque chose, un concert d’adieu, une rencontre avec les fans, ce genre de chose. » Est-ce encore possible ? La promotion de Yours ne me laisse pas une seule minute, et voir Jo relève déjà quasi de l’impossible ; nos emplois du temps sont compliqués à concilier. Mais ne pourrait-on pas réussir à inclure un évènement ici à la promotion ? « Faut que j’en parle à Cassie. Que j’appelle le proprio aussi, pour voir ce qui est encore faisable. » Je suis la star, non ?

« Genre, à la sortie de Yours, y avait une queue jusqu’à quatre pâtés de maison parce qu’ils ont organisé une vente dès minuit, comme si c’était la sortie d’un putain nouveau tome de Harry Potter. Avec tout ce que t’as fait depuis le début de ta carrière, des pièces rares de ton merchandising de tournée, et les dernières nouveautés. Je crois même qu’il y a une silhouette en taille réelle à l’entrée, c’est trop mignon. » J’esquisse un sourire amusé alors que j’imagine mes fans faisant la queue sur des patés de maison de nuit, espérant être les premiers à mettre la main sur une copie physique de l’album. « Je crois qu’on se rend jamais compte à quel point on touche des gens. » Elle l’apprendra vite, Jo. Malgré tout l’engouement autour de notre travail et de notre personne, tout devient vraiment réel lorsqu’on se retrouve face à un stade et qu’on réalise combien de personnes ont fait le déplacement. « Et c’est pour ça qu’on est là ? parce que tu veux mettre la main sur une silhouette à taille réelle aux enchères à mettre chez toi ? C’est ça qui est trop mignon. » Je la taquine en lui pinçant la joue. Nous sommes seuls, mais je ne me permets toutefois pas un geste plus intime que celui-là : j’ai encore parfois du mal à comprendre où se situent les limites dans des cas comme celui-là.

« Si j’ai la bonne réponse, j’ai droit à quoi ? » - « Comme s’il te fallait des devinettes pour m’extorquer tout ce que tu veux, tiens. » Je l’observe avec un regard d’amoureux transi, l’observant faisant mine de réfléchir. « Tu m’as dit 16, mais j’ai pas la mémoire des chiffres. » Je hoche la tête et mon sourire s’agrandit. « Oui, seize ans, c’est ça. C’était y’a une vie. Le quartier était même pas branché, à l’époque. » J’avais commencé à prendre des cours à l’époque, mais j’étais loin d’être un petit prodige. La guitare et le chant m’ont aidé à prendre confiance en moi, mais bien plus tardivement que mes congénères masculins. « Ça peut être un projet pour une autre vie. Je sais que la sénilité te guette, mais t’es pas si vieux que ça en vrai, t’as le temps de voir ta reconversion arriver. Si elle arrive un jour. » Doucement, je lui donne un coup d’épaule pour répondre à sa provocation, avant de m’écarter pour mieux m’approcher de la porte d’entrée. Combien de fois l’ai-je emprunté, cette entrée pour le personnel ? Combien de fois mes doigts se sont-ils posés sur cette poignée en métal ? « J’ai l’impression que c’était plutôt dans une autre vie, pour être honnête. » J’ai l’impression de ne plus être la même personne et, surtout, j’ai l’impression que la frénésie des événements qui s’enchaînent sans que je n’ai le temps de me poser pour réfléchir et me reposer fait partie de moi, à présent. Pourtant, je me surprends parfois à rêver de m’exiler à la campagne, comme mon oncle et ma tante, de posséder une ferme, un ranch, un endroit où personne ne viendra me chercher. « T’es si impatient, c’est insupportable. Entre, et t’auras enfin le droit de me poser toutes les questions que tu veux. » - « C’est mon anniversaire, t’es pas supposée avoir le droit de dire que je suis insupportable. Le tiens arrive bientôt, attends ton tour. » J’esquisse un sourire et, puisque Jo possède la clé de l’endroit, je m’exécute et j’obéis : je ne réfléchis pas. Je pénètre à l’intérieur de l’arrière-boutique, et me fraye un chemin jusqu’aux rayonnages ; je connais encore l’endroit par cœur. « Ça a presque pas changé. » J’observe les lieux, pensif, avant de me retourner vers Jo. « C’est réussi en tout cas : je suis surpris. » Et surtout, je n’ai pas la moindre idée de là où elle cherche à en venir. « Et j’ai pas la moindre idée de ce qu’on fait là non plus, même si je suis sûr qu’on attend pas des strip-teaseuses maintenant. » Ce n’est pas vraiment le genre de l’endroit.

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Dans la précipitation de bien faire les choses, Jo avait peut-être omis que parfois, remonter dans le passé ne faisait pas toujours du bien. Elle comprenait malgré tout que s’arrêter sur cette période de la vie de Midas le touchait d’une façon très particulière, ce qui brillait dans ses yeux n’étant pas bien difficile à discerner au travers de la lumière pourtant faible de l’arrière-boutique, là où avait lieu les prémices d’une discussion entamée pour exposer le contexte de leur visite nocturne ; et plus généralement, pour que Jo déblaye le terrain d’une balade un peu curieuse si elle n’était pas expliquée. Elle s’efforça de le faire dans les détails, presque avec patience, acquiesçant au complément d’informations du chanteur qu’elle sentait nostalgique, mais aussi blessé dans une certaine mesure, que le théâtre de son premier contact avec le grand amour qu’était la musique pour lui soit en passe d’être relégué au stade d’une anecdote abstraite que seuls lui-même, son patron et ses collègues de l’époque pourraient raconter avec véracité, consolidant sa mythologie que ses fans étaient prêts à croire de toute façon, mais surtout à continuer de faire vivre par tous les moyens. A côté de ça, ils partageaient le même besoin de posséder la musique qu’ils aimaient, et comme Jo lui avait déjà donné son assentiment à ce sujet, elle ne fit que lui adresser de nouveau un mouvement de tête pour lui faire comprendre qu’elle saisissait ce qu’il ne savait pas exprimer. Elle-même était trop rigide lorsque le temps était venu pour elle de se cantonner au service de streaming en ligne pour écouter ce qu’elle aimait, c’était une nouvelle preuve que leur âme respective venait de la même époque, ou cette pensée était induite par son côté fleur bleue dissimulée sous sa rudesse et qui se tassa un peu lorsqu’elle mentionna indirectement Cassandra.

Elle préfère pas que ce soit toi qui te charge des menaces à destination de ta copine par contre, qu’elle se retint de dire à Midas juste parce qu’elle savait très bien qu’elle avait quelque chose à se reprocher elle aussi, dans le genre. Elle n’en pensait pas moins, mais elle se laissa avoir par le sourire charmeur du jeune homme et lui renvoya un léger roulement d’yeux pour lui faire croire que sa façon de jouer l’idiot était agaçante au possible quand vraiment, elle se retenait de sourire à son tour pour continuer à lui exposer les événements qui se jouaient lorsqu’il n’avait pas le nez collé à ses réseaux sociaux "T’as été occupé et tu reçois des centaines de milliers de messages dont la moitié méritent même pas que tu y accordes un oeil. C’est pas ta faute, c’est le cours des choses." Elle haussa les épaules en lui empruntant par anticipation la formulation de phrase qu’il utiliserait ensuite, ne tenant pas à ce qu’il se mette à culpabiliser pour quelque chose qui n’était pas de son fait. Au moment où il passa son bras sur ses épaules, elle bascula la tête en arrière, sa nuque butant tout contre pour examiner son profil en détail le temps de quelques secondes, et puis enfin rebondir sur l’idée qu’il verbalisait en même temps "C’est pas une mauvaise idée." Elle se redressa, reprenant conscience de l’exposition relative à laquelle ils étaient soumis, à l’extérieur du disquaire, même s’ils étaient à l’arrière de la boutique, et reprit en même temps, perdue un court instant dans ses pensées "Ça pourrait même être retransmis en direct sur une plateforme. Ça fera pas plus de pub à l’endroit, le propriétaire est plutôt clair sur l’idée que son concept mourra avec lui, mais ça pourrait engranger assez de vues pour que ça devienne un rendez-vous avec tes fans d’ici." Par exemple, une fois dans l’année, faire de cet endroit le lieu d’un rassemblement à la hauteur de l’admiration qu’ils avaient pour Midas. Encore une fois, Cassandra fût mentionnée, mais c’était moins agaçant que de devoir s’empêcher de fanfaronner pour dire à Midas que le propriétaire était en fait l’ancien propriétaire, et que le plein-pouvoir, il était en passe de l’obtenir sans même avoir besoin de lever le petit doigt.

Chaque chose en son temps "Je crois surtout que c’est pas donné à tout le monde de susciter ce genre d’engouement." Jamais, depuis leur toute première rencontre, quand elle avait rencontré ses yeux et pensé que c’était contre lui qu’elle voulait concourir, Jo n’avait mis de côté l’idée que Midas avait quelque chose en lui qui attirait les foules. Elle avait souvent fait semblant que ce qu’elle avait méritait davantage d’attention que ce que lui avait, se plaçant en fausse concurrente parce que c’était plus amusant et plus facile comme ça à l’époque, la tension qu’il y avait entre eux étant plus simple à expliquer lorsqu’elle faisait mine de vouloir le battre à plate couture, mais elle était la mieux placée pour savoir que sa nonchalance à atteindre la gloire, elle était la source d’un rayonnement qui le rendait fascinant à suivre. Elle ajouta, planta un index dans sa poitrine l’air de ne pas y toucher "T’as un truc que personne n’a, je sais pas si tu sais." Elle ne lui ferait pas l’affront de le croire capable d’en douter à dire vrai, pas après quatre ans de jachère qui se soldaient pas un succès qui dépassait toutes ses espérances, son nouvel album reflétant l’impatience du public à le retrouver. Elle lui donna un sourire sincère sous le froncement de nez qu’elle fit quand il lui pinça la joue en la prenant à son propre piège à propos de la silhouette à taille réelle qui trônait dans la boutique pour annoncer l’espace dédié à sa carrière "Si son humour est moins craignos que celui du modèle original, je vais peut-être rentrer dans la course." Elle n’en pensait pas un traitre mot, ce n’était même pas nécessaire de le préciser ; comme ce n’était pas nécessaire de préciser que jouer de ses avantages pour obtenir ce qu’elle voulait de Midas, c’était un privilège qu’elle était certaine de ne pas partager avec beaucoup de monde "Je vois absolument pas de quoi tu veux parler. Je suis vraiment pas du genre à extorquer qui que ce soit." Mais la fierté malicieuse qui luisait dans ses yeux à ce moment-là disait tout le contraire "Tu vois que je t’écoute quand tu me racontes des choses. Un point pour moi." Une satisfaction éphémère de remporter cette manche de quizz spécial Midas Sterling passa par là uniquement pour fanfaronner tandis qu’elle sentait s’approcher le moment où il faudrait qu’elle dévoile la conclusion à toutes ces paroles échangées depuis tout à l’heure.

"Et tu la regrettes cette vie ? C’est une vraie question." précisa-t-elle en sachant très bien que Midas regrettait beaucoup son anonymat — celui qui leur aurait peut-être permis d’être moins discrets aujourd’hui.  En vérité, elle prenait l’entière responsabilité de ça, ne tenant pas encore une fois à ce qu’il culpabilise de quoi que ce soit alors qu’il mourrait d’envie de la revendiquer comme celle qui partageait sa vie depuis peu certes, la réalité était là tout de même. La porte ouverte, Jo la referma derrière lui une fois qu’il accéda à l’annexe qui séparait l’arrière-boutique et la boutique en elle-même, récupérant les clefs juste après en lui répondant "Sauf que moi, j’attends pas mon anniversaire pour être insupportable — et la lumière fut." chantonna-t-elle presque en actionnant le dispositif qui permettait d’éclairer la boutique vide. Le rideau de fer était tiré, donnant l’impression d’être confinés dans un espace qui n’appartenait qu'à eux. Jo avait cette sensation pour une raison particulière, qu’elle dévoilerait plus tard, mais en attendant, défaite de la pression de l’extérieur, à l’abri des regards, elle suivit Midas en glissant brièvement le bout de ses doigts à l’arrière de son pantalon, se calant sur ses pas en même temps "Quand je suis venue l’autre jour, je me suis rendue compte que j’avais déjà acheté des disques ici à 13 ou 14 ans. Je passais parfois mes vacances chez mes grands-parents à l’époque, ça m’arrivait de venir de temps en temps." Elle le lâcha pour le laisser se retourner à sa guise, continua avec un léger sourire, ses sourcils froncés pour remonter dans sa mémoire plus facilement "Ça devait être à la période où t’y travaillais, mais j’ai pas le souvenir de t’avoir croisé. Je m’en serais rappelée." Sûre de ça, elle laissa échapper en devancer le jeune homme pour remonter les rangées de bacs alignés "Je trouve ça dingue comme coïncidence." Elle s’arrêta devant un bac au hasard, battit les premiers vinyles du bout de ses doigts soignés en l’entendant lui dire qu’il était surpris. Ses yeux grossirent brièvement à Jo qui retourna la tête en même temps pour le regarder "Attends de voir mon numéro de claquettes, là tu seras vraiment surpris." Elle gagnait du temps Jo, sachant très bien que l’échéance de la révélation arrivait à grand pas. Elle n’avait jamais peur d’en faire trop, ça faisait partie d’elle. Mais il y avait des moments où elle se disait que sa propension à vivre dans une version romancée de la réalité, feuilleton dans lequel elle tenait le rôle principal bien sûr, ça avait tendance à galvauder le tout pour lui laisser l’impression d’être beaucoup trop impliquée — c’était surement le cas, sauf que sur le moment, elle tacha de ne pas y penser, retirant le trousseau de clefs de la boutique qu’elle avait glissé dans la poche central du sweat qu’elle portait pour de nouveau la faire bringuebaler dans l’espace qui la séparait de Midas. Abandonnant son bac de disques, elle lui dit "T’auras pas besoin de demander au propriétaire pour organiser un truc ici — attrape." Elle lui lança les clefs en même temps, haussant les épaules pendant qu’elle lui avouait enfin "C’est toi le propriétaire, et avant que tu me dises que ça n'a pas de sens, j’ai vu ton regard tout à l’heure quand je t’ai appris que c’était sur le point d’être vendu." Et leur communication, elle ne se basait pas que sur leur rapport à la musique, elle passait aussi par ce qu’ils ne disaient pas par pudeur, et qui brillaient dans leurs yeux. C’était un langage que Jo n’avait pas besoin d’apprendre pour le comprendre, et ce qu’elle avait compris tout à l’heure, c’était que les souvenirs qu’il avait ici, ils étaient assez précieux pour qu’il envisage de s’en servir pour un projet qui lui tiendrait à coeur, le reconnectant avec un bout de lui qu'il avait délaisse au détriment d’une vie à cent à l’heure. De nouveau, elle haussa les épaules "T’en feras ce que tu veux, j’ai pas négocié en me disant que j’allais t’inciter à en faire quelque chose de particulier. J’avais juste pas envie que ça devienne un endroit qui perdrait la valeur que t’y as ajouté en en faisant une partie de ton histoire. C’est important les souvenirs —" C’était dans ces moments-là qu’elle  prenait toute la mesure de la douleur qu’elle ressentait à propos de la maladie de sa grand-mère. Elle ne s’y appesantit pas, pas même en pensées, reprenant comme si elle ne s’était pas interrompue " — et ceux que t’as d’ici, ils méritent pas de disparaître sous les néons d’un sex-shop ou d’un club de strip-tease, c’est tout ce que je dis." Non, elle avait autre chose à dire, et elle le fit après avoir échangé une oeillade fixe avec lui, son expression sérieuse se fendant à nouveau d’un sourire mutin quand, levant ses deux mains à la manière d’une danseuse de cabaret, elle fredonna avec justesse "Surprise."

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« C’est pas une mauvaise idée. » Jo appuyée contre mon torse, une main posée sur mon bras entourant ses épaules, en public, j’aurais dû me douter que c’était trop beau pour durer. Si je rêve à un futur où, réalisant que nous pouvons être aperçus, elle ne se redressera pas pour autant pour s’assurer que personne ne nous surprenne, je sais qu’il est idiot de s’attendre à autre chose pour l’instant. Sa réaction, elle est prévisible. Elle est dans l’alignement de sa ligne de conduite actuelle et c’est moi qui pourrais être accusé d’être délirant, à espérant que les choses changent plus vite que la musique. Alors, si le fait qu’elle s’écarte me fait un pincement au cœur, cela n’entame pas mon humeur pour autant, ni ne change mon attitude envers elle. Je ne fais donc pas la moindre remarque, je me contente de la laisser s’échapper à regret. « Ça pourrait même être retransmis en direct sur une plateforme. Ça fera pas plus de pub à l’endroit, le propriétaire est plutôt clair sur l’idée que son concept mourra avec lui, mais ça pourrait engranger assez de vues pour que ça devienne un rendez-vous avec tes fans d’ici. » - « On t’as déjà dit que si t’étais pas une artiste, tu pourrais bosser dans le marketing ou l’événementiel ? » Les idées qui sortent de cette petite tête brune semblent directement sortie de l’esprit de Cassandra ou de mon manager. La jeune femme, à n’en pas douter, est bien plus adaptée à cet univers ou la communication autour d’un album importe au moins autant que la qualité de ce dernier pour déterminer son succès. « Mais oui. Ce serait une jolie façon de fermer ce chapitre pour de bon. » Pensif, j’imagine déjà à quoi ce genre d’événement pourrait ressembler. La compétition serait rude pour obtenir une place, mais une rediffusion me permettrait de toucher mes fans à une plus large échelle.

« Je crois surtout que c’est pas donné à tout le monde de susciter ce genre d’engouement. » La chanteuse me sort de mes pensées et, en guise de réponse, j’esquisse un sourire autant touché que gêné. Dans la majorité des cas, je sais accueillir les compliments avec élégance et une touche d’humour qui lève toute gène potentielle. Mais lorsqu’il s’agit de Jo, que j’estime bien plus que la majorité des artistes ou même de mes proches, les compliments prennent une dimension quasi biblique. « T’as un truc que personne n’a, je sais pas si tu sais. » Son doigt bute contre mon torse et je me gratte l’arrière de la nuque. « Je sais que c’est mon anniversaire, mais faut pas non plus trop en faire, hein. » La pirouette est maladroite et, si nous étions à l’intérieur, je l’aurais embrassé pour parfaire le tout. Sauf que je n’ose pas, je la sens sur la retenue malgré le fait que l’endroit semble désert. « Si son humour est moins craignos que celui du modèle original, je vais peut-être rentrer dans la course. » - « Je peux me taire et jouer l’homme en papier carton, si c’est ce qu’il faut pour te satisfaire, tu sais. » Cette fois, il s’agit d’une plaisanterie. Si je suis prêt à me plier en quatre pour les beaux yeux de ma petite amie – je n’ose l’appeler comme ça presque qu’en penser, tant le statut secret de notre relation me fait souvent craindre de gaffer si je devenais trop "à l’aise" – je ne suis pas non plus une plante verte, et je n’ai pas l’intention de le devenir. Piqué et tout à sa cause acquis, il me reste tout de même un minimum de fierté.

Ce sont les badinages qui nous conduisent à l’intérieur. Je n’ai dans les faits pas de doute quant au fait qu’elle soit attentive et retiennent la substance de nos conversations, aussi bien les plus profondes que les plus anodines. La preuve en est, elle aborde un sujet qu’elle sait épineux. « Et tu la regrettes cette vie ? C’est une vraie question. » La réponse à cette question n’est pas aussi simple que oui ou non si bien que, jouant à mon tour avec les vinyles de mes artistes favoris qui me tombent sous les doigts dans la section Rock de la boutique, je pousse un soupir avant de m’arrêter et de relever les yeux vers elle. « Je crois que je regrette surtout quelque chose d’impossible. » Ca l’est, de vouloir pouvoir vivre de ma musique et me produire devant des stades entiers en vivant pour autant une vie tranquille et loin de la lumière. « Parfois oui. Mais je suis pas idiot ou plus saint que saint : je sais qu’il me manquerait quelque chose. » La célébrité, malgré ses inconvénients, a quelque chose de grisant ; entendre quatre-vingts milles personnes scander votre nom en chœur ou reprendre le refrain de l’une de vos chansons, ça l’est. En conclusion : je suis conscient de parfois souhaiter le beurre et l’argent du beurre.  

« Sauf que moi, j’attends pas mon anniversaire pour être insupportable — et la lumière fut. » Jo allume la pièce, et je suis instantanément propulsé dix ans en arrière tant l’endroit semble ne pas avoir changé, si ce n’est le corner qui m’est effectivement réservé. « Quand je suis venue l’autre jour, je me suis rendue compte que j’avais déjà acheté des disques ici à 13 ou 14 ans. Je passais parfois mes vacances chez mes grands-parents à l’époque, ça m’arrivait de venir de temps en temps. » Treize ou quatorze ans ? Je fronce les sourcils, effectuant rapidement un calcul qu’elle a visiblement déjà fait. « Ça devait être à la période où t’y travaillais, mais j’ai pas le souvenir de t’avoir croisé. Je m’en serais rappelée. Je trouve ça dingue comme coïncidence. » - « Tu t’en serais rappelé, hum ? » Un sourire amusé et taquin étire mes lèvres, et je m’accoude sur le bac devant moi pour l’observer. Je comprends facilement le sous-entendu de la brune, et c’est amusant, de l’imaginer en toute jeune femme avec un innocent crush à l’égard du jeune employé du disquaire de la grande ville.

« "T’auras pas besoin de demander au propriétaire pour organiser un truc ici — attrape. » Les clés – qui n’ont pas quitté sa main depuis tout ce temps – atterrissent dans la mienne sans que je n’aie le temps de comprendre ce qu’il se passe réellement. Interloqué, je les rattrape au vol mécaniquement et les observe sans trop comprendre ce que j’ai sous les yeux et, surtout, ce que cela signifie. « C’est toi le propriétaire, et avant que tu me dises que ça n'a pas de sens, j’ai vu ton regard tout à l’heure quand je t’ai appris que c’était sur le point d’être vendu. » Mes yeux s’agrandissent pour former deux grands ronds qui illustrent toute ma surprise. La voilà, celle de Jo pour mon anniversaire. J’ouvre la bouche à m’en décrocher la mâchoire et mon regard alterne entre le jeu de clé et ma compagne, qui semble satisfaite de son petit effet. « Je suis quoi ? » Idiot, si je n’ai pas compris la première fois. Mais il me faut quelques secondes le temps d’assimiler, et je pivote sur moi-même pour observer les lieux. « T’as racheté le local ? » Ou l’affaire ? Le propriétaire sait-il qu’elle l’a fait pour moi ? J’ai tout un tas de questions qui resteront sans réponse puisque, pour l’instant, le geste me laisse muet. « T’en feras ce que tu veux, j’ai pas négocié en me disant que j’allais t’inciter à en faire quelque chose de particulier. J’avais juste pas envie que ça devienne un endroit qui perdrait la valeur que t’y as ajouté en en faisant une partie de ton histoire. C’est important les souvenirs et ceux que t’as d’ici, ils méritent pas de disparaître sous les néons d’un sex-shop ou d’un club de strip-tease, c’est tout ce que je dis. » Je comprends tous les mots de Jo pris indépendamment les uns des autres, mais je peine à intégrer leur sens pour l’instant, toujours sous le choc de son annonce. « Surprise. » Je n’ai pas besoin de préciser que je le suis. Mes yeux sont toujours deux billes qui la fixent avec surprise et surtout beaucoup d’émotion, et je n’arrive qu’à baragouiner quelques merci qui me semble bien ridicules. Finalement, je me reprends. « C’est… » Un cadeau énorme, surtout au bout de quelques mois de relation. « Je sais pas quoi te dire. Je sais pas comment te remercier. » La portée de son geste est difficile à appréhender pour moi. Elle s’est intéressée à ce pan de mon histoire et s’est battu pour l’empêcher de disparaître. Au-delà de la valeur matérielle du cadeau qu’elle m’offre, elle me prouve surtout beaucoup de choses, des choses qu’elle n’avait pas réellement besoin de prouver, mais qui me renversent. « Je suis content que le rideau soit fermé. Parce que là, maintenant, je vais t’embrasser. » Je m’approche d’elle, glisse une main dans sa nuque et pose l’autre sur sa joue avant de joindre le geste à la parole. Je m’accroche à ses lèvres en espérant lui communiquer tout ce que je ressens pour elle, et tout ce que son geste fait naître chez moi en émotions. Je me sens entendu, reconnu, important pour elle et elle ignore sans doute à quel point elle est magnétique, et à quel point beaucoup seraient prêt à tuer pour ça. « J’ai pas la moindre idée de ce que je vais faire de l’endroit mais… C’est l’une des plus belles choses qu’on ait faite pour moi. » Du même acabit que mon cousin apprenant d’un tiers que ma première guitare était en vente et l’achetant pour qu’elle revienne à ma fille. Sauf qu’évidement, tout à une toute autre saveur, lorsque ça vient de Jo. « Je voudrais pouvoir dire au monde entier ce que t’as fait pour moi, là. » Et ce même si je ne suis habituellement pas porté sur les réseaux sociaux. Elle mérite qu’on voit ses plus beaux côté, Jo.

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@Midas Sterling ☆ crédit/harley

C’est un léger rire qui s’échappa des lèvres fermées de Jo lorsque Midas reprit la parole pour souligner que si elle n’avait pas été ce qu’elle était aujourd’hui, ce qu’elle avait toujours voulu être, elle pourrait aspirer à un autre domaine du genre à cause des idées qu’elle avait. Elle avait déjà arrêté de rire en constatant que lui ne plaisantait pas, mais là, elle arrêta aussi de sourire. Ses sourcils se froncèrent brièvement, sa moue devenant dubitative en même temps qu’elle se défaisait doucement de son bras "Oh, t’es sérieux." Pas une question, plutôt une ponctuation qu’elle accompagna d’un haussement d’épaules sans s’attarder. Non, ce n’était pas le genre de choses qu’on lui disait, aujourd’hui ni jamais, et de toute façon, le seul vrai plan de carrière qu’elle avait jamais eu, c’était de chanter — difficile de se projeter quand on est aussi têtu qu’elle. Au moins, sa réflexion parlait à Midas qui lui se projetait déjà bien plus qu’elle n’avait été capable de le faire quand elle avait mis sa carrière en stand-by le temps de quelques années. Appuyant ce qu'il ajouta, elle hocha la tête en se réinsérant dans la conversation qu’ils tenaient "Ça pourrait même lancer ta prochaine tournée. Ce serait plus intimiste qu’un stade, mais je doute pas que les places s’arracheront tout aussi rapidement dès la mise en vente des billets." Comme ça avait été le cas avec son album. Il aurait tout le temps d’y réfléchir plus tard, il ne savait pas encore à quel point d’ailleurs. Sa patience serait récompensée dans quelques instants, quand Jo arrêterait enfin de faire du suspens pour le mettre officiellement au courant de ce que voulait dire leur présence ici. Rien à voir avec la silhouette en carton qui leur servait de running gag depuis tout à l’heure et à qui elle n’accorderait même pas un regard en entrant, pas peur fière d’avoir le vrai modèle pour elle toute seule. À celui-là, elle lui offrit un regard en l’air et des paupières battantes, se retenant de lui dire que ce serait beaucoup trop ennuyeux pour elle d’être confrontée à une silhouette en carton, muette et dénuée de toutes les qualités que lui, il avait. Mais puisqu’il semblait déterminé à ce qu’elle arrête de le complimenter, elle se tut pour entrer, jouissant de son petit privilège — qu’elle n’avait pas obtenu gratuitement cependant — d’avoir les clefs en sa possession.

"T’y as pensé déjà, à ce que t’aurais fait si ta soeur t’avais jamais inscrit au casting ?" Elle continua de le questionner, revenant sur ce qu’il lui disait "T’as dit que tu pensais revenir travailler ici après l’émission, mais à part ça ? Si y avait pas eu d’émission ?" C’était le genre de questions qu’elle, elle s’était pose malgré tout après que son EP ce soit vautré sans qu’elle ne s’y attende vraiment, trop orgueilleuse pour accepter sa défaite devant des millions de téléspectateurs. Elle avait remis en perspective l’idée qu’elle avait pris les choses de la mauvaise manière, tout en ne voyant pas comment elle aurait pu faire les choses autrement. Si elle n’avait pas quitté Dalby, elle serait serveuse au diner du coin, à chanter les weekends dans les grandes célébrations comme quand elle était gamine, managée par son père qui aurait viré ses fils pour s’occuper exclusivement d’elle tout en rognant sur ce qu’elle gagnait lors de ces bookings ; et si elle avait continué à chanter dans les piano-bars à Sydney, sa vie n’aurait pas été différente que celle-ci, et elle aurait fini par mal tourner. Bizarrement, elle ne voyait pas de positif dans celle qu’elle imaginait être s’il n’y avait eu The X Factor et pourtant, même en ayant échoué, elle avait certes terminé serveuse, mais elle n’avait pas mal tourné — elle était devenue aigrie, c’était le revers d’une médaille qu’on l’avait forcé à recracher, mais sinon ? Elle avait mené sa barque différemment, et ça avait été difficile, mais  elle s’en était sortie. Sans ça, est-ce qu’elle en serait là aujourd’hui ? Elle savait que non, alors quand Midas lui avoua qu'il regrettait peut-être un peu la vie qu’il menait quand il travaillait ici, mais qu’il ne jugeait pas plus vertueux que quiconque en prétendant qu’il aurait été plus heureux, elle lui répondit en comprenant mieux que quiconque ce que ça voulait dire "Je crois savoir ce que tu veux dire." Parce qu’elle avait testé, qu’elle avait détesté chaque moment sans s’en plaindre au demeurant, seulement ça avait été un enfer. Avait-elle besoin d’expliciter ? Absolument pas, et elle ne le fit pas, le suivant des yeux de loin avant d’aller allumer l'éclairage de la boutique pour qu’ils n’évoluent pas à tâtons, et surtout, pour qu’elle puisse voir l'expression de son visage une fois qu’elle lui dirait ce qu’il en était vraiment.

Une part de Jo avait surement besoin de prouver d’une manière ou d’une autre  à Midas combien elle tenait à lui, pas certaine qu’il en prenne toute la mesure ; surtout après leur dernière discussion mouvementée, surtout après avoir décidé qu’ils n’officialiseraient rien de leur relation pendant quelques temps encore. Racheter cet endroit, ça ne s’était pas imposé comme un choix à faire, plutôt comme une évidence à laquelle elle avait à peine pensé, fomentant tout ça sans demander l’avis à qui que ce soit, pas même à son comptable — putain, elle avait un comptable maintenant, ça la dépassait un peu quand même. Suspendue à la réaction du jeune homme, elle fit un pas en avant en levant les épaules, rentrant sa tête dedans en se sentant un peu plus petite qu’à l’accoutumée sans savoir trop pourquoi finalement puisqu’elle assumait son geste de bout en bout. La pudeur, c’était quand même une foutue tare, qu’elle se dit en répondant à sa deuxième question dans la foulée "J’ai racheté le local. Mon premier gros investissement avec l’avance des ventes de mon album, j’étais super excitée, t’as même pas idée." Elle ne voulait pas minimiser les choses, c’était pourtant ce qu’elle faisait de moitié, sentant son coeur battre très fort dans sa poitrine en prenant toute la portée de l’émotion de Midas sur qui elle posa ses yeux, voyant les siens briller en se disant que ça là, c’était exactement pour ça qu’elle avait fait tout ça "T’as pas besoin de me remercier. Je l’ai pas fait pour que tu me remercies, je l’ai fait pour que ça te fasse plaisir." Elle avait réussi, et pour une fois, cette constatation, elle ne partait pas de son besoin irrépressible de fanfaronner. Elle ajouta dans un petit murmure cependant, le regardant s’approcher après lui avoir dit qu’il allait l’embrasser "Je l’ai fait un peu pour ça aussi, j’avoue." Et ça, c’était pour plaisanter, son sourire s’étiolant contre les lèvres de Midas quand il les posa sur les siennes et qu’il lui donna un baiser qu’elle traita à la hauteur des choses qu’il voulait lui faire passer sans les lui dire, les lui rendant avec la même intensité. Ses doigts s’enroulèrent autour du poignet qui était à hauteur de sa joue, et sa respiration se relâcha précautionneusement lorsqu’il sépara leurs lèvres "C’est pas obligé que tu trouves quoi en faire maintenant. C’est même pas obligé que tu trouves quoi en faire du tout, je voulais juste pas que ce soit vendu à quelqu’un qui en ferait n’importe quoi. C’est peut-être mon vrai premier caprice de star, ça me fait quelque chose." Elle exagéra un faux frisson. Comme si c’était le premier de ses caprices, lui-même savait. Cessant de rire graduellement, elle recula un peu la tête pour le regarder, émue que le geste le touchait autant, même si son nez se fronçant, elle lui demanda sans le lâcher pour autant, son autre main trouvant son épaule pour se rapprocher de nouveau de lui et effleurer son nez avec le sien "Ça a été dur de pas t’en parler. J’avais peur que ce soit disproportionné, et que tu détestes l’idée." Tous comptes faits, leur relation était récente, alors la question se posait. Elle l’embrassa furtivement sur les lèvres avant de continuer sur sa lancée "Mais je vois comment ça te touche, et j’en ai rien à foutre que ce le soit ou pas finalement." Disproportionné. A l’échelle de ce que lui avait fait pour elle, ça ne le serait jamais.
Elle se trouva un peu lâche de préférer éluder ce qu’il ajouta à la fin, affrontant son regard sans discontinuer pourtant, retenant ce à quoi elle réfléchissait de plus en plus en prenant conscience que le secret autour de leur couple était inutile. Sauf que ses angoisses la poussèrent à ne pas soulever ce tapis là, pas ce soir, et elle dit à la place avec malice, ses deux mains glissant de part et d’autre du visage de Midas pour replacer les mèches de ses cheveux du bout de ses doigts avec une douceur que personne ne lui soupçonnerait "Tu regrettes pas les strip-teaseuses ? Parce que tu sais, je peux toujours rendre les clefs."

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Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« T’y as pensé déjà, à ce que t’aurais fait si ta sœur t’avait jamais inscrit au casting ? » Je ne comprends pas tout de suite la nuance qu’elle met derrière cette question. A mes yeux de jeune homme qui n’a jamais eu des ambitions aussi dévorantes que les siennes, la même certitude d’être fait pour ce genre de destin aussi, j’ai toujours supposé que, que le chapitre se termine ou que le livre n’ait jamais été ouvert, j’aurais poursuivi ma vie de la même façon. J’ignore le genre de gars que je serai devenu. Certainement celui qui s’est marié et à eu un ou plusieurs enfants, celui qui n’a pas besoin de se cacher pour passer du temps avec eux en public. Mais ils n’auraient pas été Posy, et je n’aurais pas rencontré Jo. Au-delà de ce que j’aurais perdu parce que la portée de ma musique et mon audience me l’apporte. Si bien que l’exercice de pensé me permet vite de conclure que je ne changerais ma place pour rien au monde, malgré les aspects les plus négatifs d’une célébrité comme la mienne. « T’as dit que tu pensais revenir travailler ici après l’émission, mais à part ça ? Si y avait pas eu d’émission ? » - « Ah. » Je réfléchis un instant, l’air pensif. « Je sais pas si ça aurait change grand-chose. Sans… » Sans ma victoire assurée dès le début. « Sans tout ça, j’aurais continué à penser que j’avais pas la moindre chance de percer dans le milieu. Peut-être que j’aurais fini comme Nicholas, à jouer dans des bars pour pouvoir avoir l’impression de partager ma musique à ma façon. J’en sais rien. » Il n’y a pas la moindre trace de dédain dans ma façon de parler de mon ancien ami. Certes, je n’en nourris plus – de l’amitié – pour lui, mais je ne suis tout simplement pas ce genre de personne. « Je crois savoir ce que tu veux dire. » Cela n’a rien de surprenant, au fond. Nos différences sont légion, mais ces choses qui nous rendent complémentaires le sont tout autant. Après n’avoir confié mon cœur à personne – ou pas vraiment – pendant près de six ans, je réalise tous les jours à quel point le sentiment d’être compris, parfaitement compris, est précieux.

Et ce que je ressens à chaque fois que je fais ce constat n’est pourtant rien à côté de tout ce qui se passe dans mon esprit, mon cœur et mes tripes lorsqu’elle fait enfin son annonce, Jo, celle qu’elle a savourée jusque-là. L’idée qu’elle ait acheté l’endroit ne m’a pas effleuré l’esprit. Ce que j’ai envisagé, c’est qu’elle ait appris la disparition de l’endroit et que, attristée pour moi, elle ait voulu m’offrir cette dernière excursion au pays des souvenirs avant que cela ne devienne impossible. Jamais je n’aurais envisagé qu’elle dépense une telle somme, qu’elle achète un fichu local pour mon premier anniversaire depuis que nous nous sommes mis ensemble. « J’ai racheté le local. Mon premier gros investissement avec l’avance des ventes de mon album, j’étais super excitée, t’as même pas idée. » Je m’approche d’elle et, pour l’instant sage – cela ne sera pas le cas encore bien longtemps – je noue mes mains autour de la chute de ses reins.  « J’aurais pas parié sur un vieux disquaire, tu vois. Je pensais plus à un Birkin – et oui, je sais ce qu’est un Birkin – un coupé cabriolet rose ou une vraie couronne, le genre qu’on voit de loin. » Je fais de l’humour : cette description de Jo au travers de ses caprices n’est absolument pas le reflet de mon opinion sur sa personne et, si elle en doutait, l’immense sourire d’adolescent immature qui étire mes lèvres serait là pour lever ses doutes. « T’as pas besoin de me remercier. Je l’ai pas fait pour que tu me remercies, je l’ai fait pour que ça te fasse plaisir. » - « Je vais te remercier, et je le ferai pas qu’une fois. Faut t’y habituer. » Les gens ne la voient pas, la vraie Jo, cette fille aussi compliquée et parfois irritante qu’elle est généreuse et entière. Je ne suis pas certain qu’elle la voie toujours, elle non plus, alors je m’imagine un peu trop souvent en chevalier servant prêt à redorer le blason de sa belle. « Je l’ai fait un peu pour ça aussi, j’avoue. » - « Quelle intéressée. » Elle ne l’est pas le moins du monde, et mon sourire s’étire alors que nos lèvres se frôlent. Avant qu’elles ne se trouvent pour de bon, j’ajoute. « Pour ça, t’as pas besoin de cadeau ou de surprise d’une telle ampleur. Il suffit de demander. » Je l’embrasser et, une fois nos lèvres séparées, je pose mon front sur le sien et chuchote un « Merci. » que je risque de réitérer encore un paquet de fois.

« C’est pas obligé que tu trouves quoi en faire maintenant. C’est même pas obligé que tu trouves quoi en faire du tout, je voulais juste pas que ce soit vendu à quelqu’un qui en ferait n’importe quoi. C’est peut-être mon vrai premier caprice de star, ça me fait quelque chose. » C’est un beau caprice, un qui me touche plus que de mesure, de toute évidence puisque j’ai presque du mal à parler, le regard gonflé par l’émotion. « Ça a été dur de pas t’en parler. J’avais peur que ce soit disproportionné, et que tu détestes l’idée. Mais je vois comment ça te touche, et j’en ai rien à foutre que ce le soit ou pas finalement. » - « Peut-être que ça l’est, mais je te rappelle que j’aime ça. » Dans une certaine mesure. Mais comment pourrais-je prétendre le contraire étant donnés l’endroit où je vis, les salles de concert et stade que je remplis, mon train de vie, tout simplement. Je suis aussi discret que j’aime les personnalités comme celles de Jo qui sont tout l’inverse. « Tu regrettes pas les strip-teaseuses ? Parce que tu sais, je peux toujours rendre les clefs. » A mon tour, je ne résiste à nouveau pas à l’envie de l’embrasser, avant de secouer la tête. « T’as qu’à les garder pour l’an prochain. » Je ne m’offusquerais pas si d’aventure je recevais une fausse réprimande. Je suis un cœur fidèle : Jo est mal tombé sur elle s’attend à ce que ce genre de chose me tente réellement. « Tu veux qu’on baptise mon nouveau local ? » Je le lui glisse à l’oreille, sans réellement baisser le ton pour autant. « Je veux dire, je suis le patron maintenant, je suis pas certain que tu puisses réellement me dire non. » Le rôle me va mal au teint et je ne suis pas assez bon acteur pour que ce soit crédible. Ma fièvre elle est en revanche parfaitement authentique.

now i'm sending you love and wishing you well
@Midas Sterling ☆ crédit/harley

Jo, elle s’était retenue de faire remarquer à Midas que comparer son destin supposé à celui de Nicholas, c’était indirectement le comparer à celui qu’elle, elle avait vécu durant de très nombreuses années avant de s’inscrire au casting de The X Factor. Elle ne lui en voulait pas de juger ça ingrat — et encore, elle n’était pas certaine que c’était le cas, mais dans le doute, elle partait sur cette idée pour mener sa pensée jusqu’à son point. C’était ça la plus grosse différence entre eux quand il s’agissait de leur carrière. Midas, il avait connu le succès assez vite pour ne pas avoir à trimer comme Jo l’avait fait bien avant de réussir à atteindre ce semblant de quelque chose qui lui avait été arraché. On le lui avait restitué quelques années plus tard, la saveur restait amère et lui donnait parfois la sensation d’avoir renié les valeurs qui étaient les siennes tout en se demandant finalement si elle n’était pas juste une éternelle insatisfaite, trop abimée pour supporter de ne pas être traitée comme autre chose qu’une guerrière acharnée. Elle n’aurait pas pu faire rêve plus fou que celui dans lequel elle vivait enfin pour de bon, et pourtant tout lui semblait difficilement appréciable parce qu’elle savait qu’elle avait reçu ça comme une offrande, pas comme la preuve authentique de sa capacité à réussir grâce à elle et son talent. Ce n’était pas comme si elle avait eu le choix, si ? Elle n’était pas si ingrate que ça, en se convainquant que c’était pour le mieux, elle réussirait à le savourer comme il le fallait, ce rêve éveillé. Quand son album sortirait, elle pourra oublier et prouver que dans tous les cas, elle avait quelque chose à proposer qui valait la peine, n’est-ce pas ? Est-ce que ça suffira à faire oublier qu’on lui avait donné son trophée si tout le monde finissait par le savoir ? Est-ce que son talent jettera suffisamment de poudre aux yeux pour qu’on lui pardonne le cas échéant ? Elle n’avait pas envie de penser à ça maintenant, pas quand elle était encline à se laisser submerger par ses angoisses quand elle se retrouvait seule, alors elle resta silencieuse un instant, hochant juste la tête en se disant que de toute façon, cette vie que Midas aurait vécu s’il était resté dans cette boutique, à vendre des disques, elle n’existait pas ; qu’il était fait pour autre chose, et que c’était ça son destin.

"J’ai pensé au Birkin, et puis je me suis dit que j’aurais jamais la patience d’attendre un ou deux ans avant de te l’offrir. J’ai pas trouvé la couleur parfaite qui allait avec tes yeux en plus, t’es déçu ?" Elle aussi, elle faisait de l’humour, taquine jusqu’à pousser le vice d’une grimace et d’un froncement de nez qui allait avec, pas certaine de réussir à supporter les remerciements qu’elle méritait certainement, qui creusaient là où ce n’était pas très facile d’accès chez elle, soit au milieu de la pudeur particulière qu’elle démontrait quand il s’agissait de prouver qu’elle savait être autre chose qu’une insupportable garce, imbue d’elle-même, butée et provocatrice. Elle aurait de toute façon beau se défendre encore et encore ne pas avoir fait tout ça pour en récolter les lauriers que ça effleurerait à peine la volonté de Midas de ne pas lui montrer sa reconnaissance ad vitae aeternam, et elle était certaine de ne pas avoir envie de se battre avec lui ce soir. Elle ne le ferait pas, le débat s’arrêterait donc là. À son tour, elle lui offrait cette victoire, et celle-ci ne ferait naître la moindre rancoeur. Au contraire, elle était heureuse que ça suscite autant d’émotions chez lui, si bien que le baiser qu’ils échangèrent fit naître une tension particulière dans son corps qu’elle rapprocha du sien en insufflant une légère impulsion sur la pointe de ses pieds pour que leurs visages restent proches, même quand il rompit leur baiser pour la remercier. Près de sa bouche, sa main tenant le bas de son visage, elle lui chuchota "On devrait décider d’un quota de merci par jour, ça devient gênant." Pas du tout. Mais Jo aussi, elle était émue, et c’était plus facile de l’admettre de cette façon que de s’arrêter sur l’idée que ce qui brillait dans les yeux de Midas pourrait très bien faire briller les siens aussi si elle s’obstinait à maintenir ce contact visuel un peu trop longtemps.

"Ça veut dire que je vais devoir faire monter d’un cran toutes les surprises que je te préparerai à chacun de tes anniversaires à partir de celui-là ? On dirait que tu sais pas que j’aime le challenge." Sa taquinerie devint malice lorsqu'il lui avoua aimer sa propension à en faire toujours trop ; et cette malice, c'était le genre qui n’appelait pas les blagues, mais autre chose qui rendait opportun l’obstruction de la vitrine par le rideau de fer. Elle s’en fichait pas mal des strip-teaseuses elle aussi. Elle valait tellement plus le coup, et puis elle avait l’avantage de recueillir autre chose que de la concupiscence éphémère de la part de l’homme qu’elle convoitait à ce moment-là, ses mains le caressant autant que ses yeux. Elle savait sans qu’il ne se sente obligé de le lui dire que c’était un tout qu’on appelait de l’amour, et ça lui fit murmurer une expression de fausse surprise quand il lui glissa une proposition à l’oreille à laquelle elle ne répondit pas tout de suite, occupée d’abord à lui rendre son regard, à faire mine de s’offusquer juste après pendant qu’il essayait de la convaincre de répondre à sa requête "Je suis sûre que si on vérifie la définition d’abus de pouvoir dans le dico, on trouvera ce que tu viens de me dire comme exemple associé, patron." Elle ricana intérieurement, garda un sérieux de composition face à lui, sa tête se levant un peu plus haut pour continuer de le regarder de ses grands yeux bruns où l’émotion avait laissé place à l’avidité d’un quelque chose qui ne tarderait pas à arriver si elle en jugeait par la chaleur qui s’échappait d’elle, mais de lui aussi "C’est de prendre de l’âge qui te donne envie d’abuser de tes privilèges ?" Ou c’était peut-être elle, allez savoir. Pour la forme, elle fit doucement claquer le bout de sa langue contre son palais en secouant la tête, donnant l’air de désapprouver. Mais si au contraire de Midas, son jeu d’actrice était impeccable, c’était sa personnalité qu'il connaissait par coeur qui la désavantageait pour mener sa petite comédie. Elle ne la prolongea qu’une poignée de nanosecondes. Déjà en train de l’embrasser de nouveau, plus fort, mais plus lentement à la fois, son léger rire s’écrasa contre sa bouche, et ses mains retirèrent la casquette qu’il portait sur la tête pour passer inaperçu et qu’elle posa au hasard derrière elle, puis encadrèrent son visage en maintenant le contact visuel le temps de ce long baiser. Elle profita d’avoir besoin de reprendre sa respiration après un instant pour enfin lui répondre, sans se détacher de lui, maintenant au contraire leur proximité, et lui soufflant en battant des cils comme elle savait si bien le faire "J’ai cru que t’allais jamais me le demander." Inutile de se soucier de la présence de caméras ici, inutile de redouter l’intrusion de quelqu’un d’autre. Le moment deviendrait un nouveau souvenir qu’il pourrait associer à cet endroit, alors elle ne rechignait pas à passer l’éponge sur son propre besoin de discrétion. Comme de tout le reste, elle se lasserait bien vite de ça aussi de toute façon.

rp terminé.