La fin d’année ou la fin d’un calvaire. De ses études, Greta ne retiendrait que tout ce que ses professeurs lui avaient appris, que ce soit en rapport avec les matières qu’elle préparait ou tout simplement des astuces pour tenter de ne pas se formaliser des brimades constantes de ses camarades. Elle n’était pas populaire la blonde, ses lunettes lui ayant fait gagner le titre d’intello dès le début de l’année, mais elle s’en fichait, elle était là pour réussir ses examens et intégrer une grande école. Et puis elle avait Jina, son amie de toujours, un peu mystérieuse, qu’on surprenait parfois seule dans une pièce sombre du lycée sans qu’on ne sache réellement pourquoi. Se rendre au bal aurait signifié faire entrer le loup dans la bergerie, Greta aurait forcément tenté de gâcher ce moment parfait pour tout ceux qui avaient passé leur scolarité entière à lui trouver des surnoms, à faire tomber ses livres ou son plateau de cantine. Elle ne leur devait rien, si ce n’est une vengeance à la hauteur de ce qu’elle avait subi. Jina, dans sa chambre, se regardait dans le miroir, essayant différentes robes. Greta avait accepté de l’aider à choisir, rien de plus, et pourtant, depuis qu’elle était attivée, la brune ne faisait que de tenter de décider son amie à l’accompagner. « J’irai pas à ce foutu bal, Jina, arrête d’insister ! » Greta vociférait, incapable de comprendre la façon dont Jina lui mettait la pression pour aller assister au couronnement des gens qu’elle haïssait probablement le plus dans le lycée. C’était toujours pareil, ils faisaient campagne pour être élus reine et roi du bal et enchaînaient les sourires faux et les éclats de rire trop bruyants. Et le reste de l’année, ils étaient tout simplement odieux. Le bal n’était qu’un prétexte pour eux, pour tenter de faire amende honorable à tous ceux qu’ils avaient bafoués le reste de l’année. Mais Greta se fichait éperdument de ce bal, de ces couples créés  à la va-vite parce que ne pas avoir de cavalier était mal vu, de ce punch sans alcool et de cette musique ringarde. « Ou alors à une condition… Je prends ça. » avait-elle dit avec un sourire malicieux alors qu’elle brandissait sa flasque de vodka. De quoi pimenter une soirée qui s’annonçait extrêmement ennuyante.

Quand Jina avait fait ses premiers pas au lycée, elle n’avait jamais mis les pieds dans une école avant. Sa mère lui faisait l’instruction, jusqu’à ce qu’elle décide de s’installer à Brisbane et devenir sédentaire. Le choc culturel fut impressionnant pour Jina, on la regardait comme si elle débarquait d’une autre dimension, n’avait pas du tout les codes scolaires et avait du apprendre petit à petit. Il avait été très difficile pour elle de suivre tous les cours, d’apprendre par coeur des leçons qu’elle devait recopier sans en comprendre le contenu, elle ne voyait pas souvent le lien avec le monde qui l’entourait. Jina était en décalage avec tout le monde et on lui rendait bien. Mais celle qui avait su lui tendre la main, c’était Greta. Elle l’avait pris sous son aile, lui avait appris ce qu’elle devait savoir sur le fonctionnement du système scolaire et comment les gens pouvaient être de vrais cons. Finalement, elles étaient d’accord : ensemble contre tous, elles étaient mieux à deux que mal accompagnées.
Jina avait décidé d’aller à ce bal, pour mettre un terme à ces trois années de souffrance. Elle voulait elle aussi, avoir une fin officielle à ça et finalement, elle avait refuser de répondre aux critiques et aux intimidations. Il n’y avait aucune raison qu’elle se prive de la fête. Elle aurait réellement aimé que Greta accepte de l’accompagner, mais elle n’avait rien voulu savoir. Alors sa dernière carte, le jour J, était qu’elle soit sa coach vestimentaire. Jina ne portait jamais de robe et pour cette fois : c’était une première. « J’irai pas à ce foutu bal, Jina, arrête d’insister ! » Jina boudait, son dernier argument ne faisait toujours pas mouche. “Bon, t’as gagné, j’y vais pas non plus.” la faire culpabiliser, méthode peu scrupuleuse, mais qui sait… « Ou alors à une condition… Je prends ça. » ah! La flasque tendue vers la brune, elle fit les gros yeux. “HEIN?” Jina n’avait jamais bu une seule goutte d’alcool, la surprise fu sa première réaction, mais la curiosité arriva rapidement. “Tu crois?” elle pris la bouteille pour l’observer de plus près. “On va être complètement déchirées.” fit-elle en riant, mais excitée à l’idée que finalement Greta allait venir. “Aller, prends une robe dans mon armoire!” bon, à vrai dire, la seule et unique autre robe de son armoire mais, marché conclu!

Jina avait soulevé bien des questions lorsqu’elle avait intégré leur classe et pour Greta, elle était apparue comme la future meilleure amie idéale. Elle cassait les codes et venait prouver aux élèves et aux professeurs que rester assis à longueur de journée dans une salle de classe n’était peut-être pas le seul moyen de réussir. Elle aurait du accepter de l'accompagner au bal, elle le savait, mais c’était plus fort qu’elle, elle ne sentait pas le besoin de participer à cet espèce de rite de passage où les plus faibles étaient ridiculisés. “Bon, t’as gagné, j’y vais pas non plus.” Elle avait haussé les épaules avant d’éclater de rire parce que Jina pensait réellement qu’elle céderait face à ses yeux de cocker et à ses menaces. Plutôt que de lutter, Greta avait trouvé une idée pour rendre le moment… inoubliable. “HEIN?” Nouvel éclat de rire, elle n’était pas étonnée que Jina réagisse ainsi, elle avait encore beaucoup de choses à apprendre de ce que signifiait être un lycéen à Brisbane.  “Tu crois?” La blonde avait hoché la tête tout doucement pour acquiescer. “On va être complètement déchirées.” Et son hochement de tête s’était fait plus rapide parce que c’était exactement l’idée. « Oh allez Jina, arrête de jouer les prudes on va s’amuser ! » Parce que boire de l’alcool à dix-sept ans était quelque chose qui donnait l’impression à Greta d’être cool, elle prendrait le temps de réaliser bien plus tard les effets que cela aurait sur elle sur le long terme. “Aller, prends une robe dans mon armoire!” Son index et son majeur joints, elle les avait placés dans sa bouche et avait tiré la langue pour signifier combien il lui coutait de devoir se déguiser en reine du bal.  « J’ai hâte de voir la tronche de Kate quand on va se pointer comme ça.. » Jina plaisait par le vent de fraîcheur qu’elle avait amené au lycée, Greta par ce petit côté rebelle. Et si elle devait subir le bal, elle prendrait un malin plaisir à faire tourner les têtes des footballeurs qui accompagnaient les pom-pom girls. Après tout, elle amenait l’alcool pour pimenter la fête, elle avait donc un atout de taille. Les filles étaient arrivées sur place, main dans la main, venant affirmer qu’elles n’avaient absolument pas besoin d’un homme à leurs bras pour briller.  « Suis-moi. » Avec un sourire faux dirigé aux chaperons, Greta s’était dirigée vers la table où était installée le punch, prête à y verser sa potion magique.  « Ew, c’est un … un doigt ?! » avait-elle dit en continuant à chuchoter : elle ne voulait pas se faire prendre et surtout, elle ne voulait pas créer la panique avant d’être sûre qu’il ne s’agissait pas d’une saucisse cocktail.

« Oh allez Jina, arrête de jouer les prudes on va s’amuser ! » Il n’était pas question de jouer les prudes, elle n’avait juste jamais bu une goutte d’alcool et redoutait sa réaction après en avoir bu quelques gorgées. mais, elle allait y aller doucement et quand elle voyait à quel point Greta était emballée à cette idée, elle ne pouvait que la suivre. Et elle refusait de passer pour quelqu’un de prude. Et tout comme Greta venait de lui faire une grimace, elle loucha et tira la langue aussi en réponse, amusée et surtout complètement immature.
« J’ai hâte de voir la tronche de Kate quand on va se pointer comme ça.. » elle regarda sa meilleure amie s’habiller avec la robe, un peu trop grande pour elle au niveau des hanches, mais il n’y avait pas d’autre alternative. C’était ça ou rien et il était hors de question que ce soit rien. “ Si ca s’trouve, ce sera nous les reines de la promo.” elle n’y croyait pas une seule seconde, elles étaient recalées au rang des ringardes et même des robes et des chignons n’y feraient rien.
Les deux ados allaient au bal, pour la première fois et c’était l’occasion de marquer le passage à la vie adulte. Pour Jina, boire de l’alcool en faisait partie.
La musique avait déjà commencé, certains squattaient la piste de danse et la fête était lancée. Jina était excitée et Greta avait raison, elles attisaient la curiosité de tous. La blonde leur servi deux verres en glissant un peu de vodka, tentant de ne pas trop attirer l’oeil, elle se cachait derrière Jina qui jouait faussement l’innocente. « Ew, c’est un … un doigt ?! » Jina fronça les sourcils, se retournant pour voir de quoi parlait Greta. “ Mais non…” qu’est ce qu’un doigt ferait ici? Jina le pris, pour y voir de plus prêt, mais la texture ressemblait bel et bien à un doigt, elle le lâcha et le fit tomber dans le gros saladier du punch. “Bordel, Greta!” elle se mis la main devant la bouche pour ne pas vomir. “ C’est quoi ce délire?” et pourtant, elle n’avait pas bu encore sa potion magique. “Donne moi ça.” elle n’en fit qu’une gorgée. “ Faut prévenir que le club de science a encore fait d’la merde…” à tous les coups, c’était leur idée !

“ Si ca s’trouve, ce sera nous les reines de la promo.” En guise de réponse, Greta lui avait accordé un clin d’oeil. Elle n’avait pas besoin d’une couronne pour se considérer comme une reine, encore moins de maquillage, de rendez-vous chez le coiffeur et de froufrous pour connaître son potentiel. Cela se démontrait également dans la cadence qu’elle donnait à ses pas en entrant dans le gymnase, elle était le personne principal dans son film et reléguait le second rôle aux filles populaires et leurs pois chiche dans la cervelle. Elle jouait de ses sourires et de sa popularité auprès du corps enseignant pour ne pas attirer les soupçons et en un instant elle avait eu accès à ce punch que gardait précieusement le professeur de mathématiques. “ Mais non…” Jina n’y croyait pas et Greta avait du mal également à assimiler ce qu’elle était en train de voir, le thème du bal était océan féerique et pas démembrement sinistre. “Bordel, Greta!” Sa flasque à la main, prête à verser son contenu dans le saladier où se servaient tous les élèves, Greta s’était arrêtée net, laissant Jina vérifier qu’il s’agissait bel et bien d’un morceau humain. “C’est quoi ce délire?”  Elle avait presque vomi, et étrangement, Greta avait envie de rire parce qu’elle pensait tout naturellement qu’il s’agissait d’une blague. “Donne moi ça.” Et sans que Greta puisse lui dire de ralentir, Jina avait attrapé la flasque et en avait pris une grosse gorgée. « Doucement, c’est pur ! » L’idée était de mélanger l’alcool au punch de fruits comme elles l’avaient fait pour leur premier verre mais celui-ci aussi, Jina l’avait descendu d’un trait et cela faisait beaucoup rire Greta. “ Faut prévenir que le club de science a encore fait d’la merde…” Un coup d’oeil aux chaperons et Greta avait remis Jina sur le droit chemin.  « On va prévenir personne sinon ils vont réaliser que j’allais mettre de l’alcool dans leur punch. Laisse le club de science et leur blague nulle, viens on va danser. » Elle avait entraîné son amie par le bras pour se déchainer sur la piste, peu soucieuse des regards sur elles. Elles étaient là pour s’amuser, non pas pour se ronger les ongles en attendant la révélation d’un vote presque pipé tant les campagnes électorales de chacun à coup de muffins et de badges rendaient les résultats biaisés. « C’est quoi ça, putain ? » Elle chuchotait encore, personne ne semblait réaliser toutes les choses bizarres qu’il se passait. Un bras semblait sortir de la table où était posé le punch et en allant y voir de plus près, en soulevant la nappe, Greta avait vu le corps auquel appartenait l’index… Couvrant sa bouche, elle s’était empêchée d’hurler. « On est en train d’halluciner ou les autres ont respiré trop de laque pour pas voir ce qu’il se passe ? » avait-elle demandé, regardant autour d’elle de peur de voir quelque chose d’encore plus dérangeant.

« Doucement, c’est pur ! » Et la grimace qu’avait fait Jina juste après en attestait. Au moins, elle allait être directement dans le bain. Et elle allait oublier cette vision d’horreur et la sensation du doigt flétri dans sa main. « On va prévenir personne sinon ils vont réaliser que j’allais mettre de l’alcool dans leur punch. Laisse le club de science et leur blague nulle, viens on va danser. » Bon, Jina jeta un oeil à ce punch, dans lequel le doigt baigner - et elle en était pas moins fiere d’avoir bu l’alcool pure juste avant, du coup et d’un haussement d’épaule, écoutait Greta. Elle n’allait pas se mettre son amie à dos pour une histoire de doigt coupé et de club de science débile.
Elle suivait Greta sur la piste, se faufilant entre les groupes qui dansaient ensemble, elles avaient droit aussi à leur moment de gloire. La boule disco juste au dessus de leurs têtes, elle espérait que celle ci ne se décroche pas en plein milieu de la soirée, ça pourrait faire beaucoup de dégat.

« C’est quoi ça, putain ? » De nouveau, Jina, curieuse, suivi le regard de son amie et marchait dans ses pas pour aller voir avec elle. Cette fois, elle pensait qu’un mannequin du club de coutûre avait été déplacé. C’était sans doute des défis à la cons qu’ils s’étaient tous donnés et pour lesquels elles n’avaient pas été mises dans la confidence. Sauf qu’au moment où Greta leva la nappe pour mieux voir, il ne s’agissait pas d’un mannequin un plastique. Jina se retenait à nouveau de vomir. « On est en train d’halluciner ou les autres ont respiré trop de laque pour pas voir ce qu’il se passe ? » tout le monde avait l’air de vivre sa soirée pleinement et de s’amuser, tandis qu'elles, elles étaient plongées dans une soirée de l’horreur. “ Ca, c’est pas un coup du club de science… ni du club de couture…” elle s'agrippait à Greta. “ Tu crois qu’on doit toujours prévenir personne?” Elle se retourna, voyait tout le monde danser sur la piste. “C’est pas l’alcool qui fait effet?” elle regardait le corps sans vie sous la table, elle n’avait pas l’impression de connaître cette personne.
Au moment où elle se retournait pour croiser le regard des chaperons qui les fixaient, elle eut un mauvais pressentiment. “Et si on était les prochaines sur la liste? On devrait pas plutôt s’en aller discrètement?”

Greta n’était pas la seule à vouloir pimenter ce genre de soirée avec des blagues de plus ou moins bon goût. Pourtant, ces blagues là semblaient bien trop réelles pour être inoffensives et les poils de Greta commençaient à s’hérisser. “ Ca, c’est pas un coup du club de science… ni du club de couture…” Parce que Jina pensait innocemment qu’il s’agissait d’un mannequin mais tout était bien réel chez cet homme qu’elle avait d’ailleurs déjà vu équipé d’un seau et d’un balai. Le malheureux s’occupait de l’intendance et il semblait si gentil que Greta s’était sentie triste. « Ils sont trop occupés à préparer les costumes de loup-garou, eux. » Elle fixait le corps, cherchant à savoir la meilleure chose à faire. “ Tu crois qu’on doit toujours prévenir personne?” « On pourrait mais on risquerait de prévenir la mauvaise personne. » Le tueur, par exemple, et mieux valait ne pas se jeter directement dans la gueule du loup. “C’est pas l’alcool qui fait effet?” Elle aurait adoré que toutes ces visions d’horreur soit dûes à l’alcool mais contrairement à Jina, elle n’en était pas à sa première gorgée de vodka et l’adrénaline aurait de toute façon eu vite fait de sortir l’alcool de son système. « La pleine lune  a des effets sur moi, l’alcool, beaucoup moins. » avait-elle répondu pour confirmer qu’elles n’hallucinaient pas, il y avait bien un mort dans cette soirée. “Et si on était les prochaines sur la liste? On devrait pas plutôt s’en aller discrètement?”  « On peut pas laisser tout le monde mourir, Jina. » Cela ne voulait pas dire qu’ils méritaient tous d’être sauvés, mais les pêchés qu’ils avaient commis ne suffisaient pas à donner envie à Greta de les voir finir hachés-menus. Ils étaient arrogants et avaient réussi à atteindre un piédestal qu’ils s’étaient eux-mêmes construits et profitaient allègrement de cet avantage pour faire tomber les milkshakes des plateaux, pour glisser les plus petits dans les poubelles ou leur remonter leurs sous-vêtements. Ils étaient idiots, mais c’était bien là ce qui caractérisait le mieux l’adolescence.  « Je pense qu’ils sont tous trop occupés pour se rendre compte de ce qu’il se passe. On va essayer de comprendre ce qu’il se passe avant que ça devienne la panique générale. » Et lorsque le premier corps serait découvert, tout le monde s’échapperait en hurlant, laissant tout le loisir au tueur de sévir sans que la foule amassée ne permette de l’identifier.