L’atmosphère de la Terre les tuait à petit feu, les radiations du soleil les tuaient instantanément. Seul le vaisseau qui ne laissait rien percer les maintenait en sécurité, les combinaisons prévues par les ingénieurs de la station leur permettant de résister aux radiations juste assez pour aller chasser et chercher de l’eau. Mais, évidemment, Greta ne pouvait se contenter de survivre quand elle était descendue ici dans l’espoir de vivre ou de mourir, vite, s'évitant l’agonie d’un manque d’oxygène. « Je sais ce que j’ai vu Rose. Ils utilisent les natifs pour s’immuniser contre les radiations. Tu peux arrêter de douter de moi ? Ça nous empêche de sauver des innocents. » La Terre avait repris ses droits après l’explosion mais il était impossible pour des personnes nées dans l’espace d’y vivre. A moins de subterfuges absolument inhumains comme ceux qui avaient lieu à l’abri des regards, dans un centre qui se voulait n’être que le refuge d’anciens habitants d’autres stations.  « Et moi qui pensait que la politique de notre station était à vomir… Il va falloir qu’on s’occupe d’abord d’un soldat qui se fait appeler lycan. » Il était celui qui surveillait les cellules où étaient emprisonnés les natifs. Costaud, mais pas très rusé, Ambrose saurait s’occuper de lui. « Je reste sur le vaisseau avec Ginny, elle a été irradiée. Je te jure que je vais prendre soin d’elle. » avait-elle dit en le fixant dans les yeux pour lui faire la promesse que Ginny s’en sortirait. « Fais attention à toi, te jette pas dans la gueule du loup et utilise le talkie, Ambrose. » Elle utilisait son prénom entièrement pour venir souligner à quel point cet ordre était indispensable, elle ne voulait pas attendre qu’il revienne durant des heures sans n’avoir aucune de ses nouvelles. La mission était dangereuse et il devait l’accomplir avant de réparer le vaisseau pour aller prévenir la station de la dangerosité que représentait la Terre pour eux.

« Je sais ce que j’ai vu Rose. Ils utilisent les natifs pour s’immuniser contre les radiations. Tu peux arrêter de douter de moi ? Ça nous empêche de sauver des innocents. » Ce n’est pas qu’il doute d’elle, c’est qu’il doute de ce qu’elle a pu voir ou entendre tant son histoire est à dormir debout: à commencer parce que les natifs, ça n’existe pas. Personne n’aurait pu survivre sur Terre dans de telles circonstances, et quand bien même, jamais ils n’auraient développé des genres de super-pouvoir dont elle parle désormais. Ce sont des histoires pour les enfants et elle est trop têtue pour croire qu’elle fait fausse route. « Ecoute fais ce que tu veux G. » Il rétorque avec un certain agacement. Peu importe ce qu’il peut lui dire, il la connaît assez pour savoir qu’elle ne le croira pas, alors rien ne sert de s’épancher davantage sur le débat.

« Et moi qui pensait que la politique de notre station était à vomir… Il va falloir qu’on s’occupe d’abord d’un soldat qui se fait appeler lycan. » Ambrose souffle, incapable de se souvenir à partir de quand il s’est retrouvé embrigadé dans ce plan qui ne fait aucun foutu sens. « Lycan ? Il s’emmerde pas ton gars. » Il a surtout des chevilles grandes comme le monde pour oser prendre le nom du grand méchant loup, mais ça n’est sans doute pas les affaires d’Ambrose. « Fais attention à toi, te jette pas dans la gueule du loup et utilise le talkie, Ambrose. » Elle reste sur le vaisseau et elle l’envoie sur le champ de bataille telle de la chair à canon, voilà surtout ce qu’il retient de toute cette aventure. « J’y dis quoi à ton Lycan là ? “Bonjour, vous avez pas un humain un peu bizarre dans le coin dont vous prenez… le sang ?” Je sais même pas sur quoi se base ton histoire. » Que pourraient-ils bien leur prélever et, surtout, que pourraient-ils bien en faire ? L’humain sait, depuis le temps, que les potions magiques n’existent pas. « Il est de notre côté, au moins ? » Hors de question qu’il retourne en prison, et surtout pas sur Terre.

« Ecoute fais ce que tu veux G. » L’entente entre les deux amis n’était plus la même depuis qu’ils avaient mis le pied sur terre pour réaliser que la survie sur place serait plus difficile encore qu’il ne l’avait imaginée. « Lycan ? Il s’emmerde pas ton gars. » Elle avait levé les yeux au ciel, bien peu encline à écouter des critiques sur le nom choisi par le surveillant car le réel problème ne résidait pas là. « J’y dis quoi à ton Lycan là ? “Bonjour, vous avez pas un humain un peu bizarre dans le coin dont vous prenez… le sang ?” Je sais même pas sur quoi se base ton histoire. » Il ne mettait aucune bonne volonté pour deux raisons, la première étant qu’il ne la croyait pas et la seconde étant qu’il ne recevait d’ordres de personne. « Il est de notre côté, au moins ? » « Non, justement. Bon viens, je vais te montrer. » Et sans un mot, elle avait attrapé deux combinaisons qu’ils avaient revêtues afin de parcourir la distance entre leur vaisseau et le bunker découvert par Greta. Ambrose était assez curieux pour la suivre, et c’était bien la seule façon de lui faire accepter un ordre.

Le bunker était hautement surveillé, mais elle avait eu le temps d’en faire la cartographie dans son esprit et de trouver les points les moins surveillés pour y pénétrer. Ils prenaient tous les risques, mais n’étaient pas venus jusqu’ici pour rester passifs devant les injustices. Il y en avait trop eu, là-haut, quand ils n’avaient aucun contrôle. Ici, ils pouvaient intervenir. « Fais aucun bruit et suis-moi. » avait-elle dit une fois aux abords du bunker où avaient élus domiciles les autres anciens habitants de stations spatiales. Les couloirs étaient jonchés d’écrans qui prenaient soin d’afficher un taux d’oxygène stable, tout était bouclé pour qu’aucun rayon du soleil ne passe. Et au milieu de tout ça, une porte que Lycan ne lâchait des yeux que durant quelques secondes, juste assez pour que Greta réussisse à s’y faufiler en entraînant Ambrose par le bras. Et là, il n’avait plus de doute à avoir quant à ce qu’il se passait parce que derrière les cages où se mourraient des natifs, une vitre laissait entrevoir ceux qu’on vidait de leur sang. « C’est le moyen qu’ont trouvé les autres stations pour survivre… Le sang des natifs. La Terre s’est soignée jusqu’à rendre possible une nouvelle forme de vie humaine, plus résistante que nous ici. » Et à raison, il s’agissait de leur terre natale.

« Non, justement. Bon viens, je vais te montrer. » Justement qu’elle ose dire. Comme si quoi que ce soit dans cette histoire faisait du sens, comme si Ambrose avait de son côté accès aux mêmes informations que Greta. Elle lui raconte tout et n’importe quoi et lui se retrouve obligé de la croire, simplement parce qu’il ne peut se reposer que sur la confiance qu’il lui porte ainsi que son jugement, qu’il sait être bon. Généralement. N’empêche qu’il est quand même soulagé qu’elle s’aventure dans tout ça avec lui, sans doute parce qu’une part de son esprit se doute justement un peu trop qu’elle ne ment pas et que ses propos sont basés sur une certaine vérité.

Habillés de leurs combinaisons, ils se rendent jusqu’au bunker récemment découvert. « Fais aucun bruit et suis-moi. » Ca, quand l’ordre lui est donné, il sait le faire. Et de toute façon, il a le souffle coupé par toutes les informations qu’il se retrouve contraint d’assimiler dans ce couloir nouveau et empli d’une myriade de choses nouvelles. AInsi, elle ne mentait donc pas. A peine a-t-il le temps d’assimiler la nouvelle qu’elle l’entraîne par le bras, loin de la garde du dénommé Lycan. Ils échappent sans mal à sa surveillance. « C’est le moyen qu’ont trouvé les autres stations pour survivre… Le sang des natifs. La Terre s’est soignée jusqu’à rendre possible une nouvelle forme de vie humaine, plus résistante que nous ici. » Cette fois, Ambrose est contraint de poser une main sur sa bouche pour ne pas hurler. Le spectacle est abominable, à peine croyable. Comment des humains ont-ils pu penser à un tel système ? Comment peuvent-ils imposer de telles souffrances à leurs semblables ? « C’est horrible. » Il souffle, dégoûté. « On doit les sortir de là. On peut pas laisser ça continuer. » Maintenant qu’ils sont au courant, ils ont le devoir d’aider leurs semblables, et leurs proches cousins. Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas grandi sur le même sol qu’ils devraient être traités comme des animaux d’élevage. « C’est où la base de commandement ? On doit bien pouvoir arrêter toutes ces machines, non ? »

Si sa mère savait les risques qu’elle prenait depuis son arrivée au sol, elle deviendrait folle. Déjà, quand ils avaient réussi à rétablir le contact avec la station spatiale et qu’elle l’avait eu à la radio, les remontrances étaient allées bon train. Greta comprenait le désarroi de sa mère, elle avait du paniquer en ne la trouvant plus là-haut et paniquer encore plus en comprenant qu’elle avait rejoint la mission clandestinement. Mais cela avait permis à la blonde de la mettre face aux horreurs qu’elle dirigeait : elle envoyait des tas d’adolescents à leur perte dans le seul but de sauver quelques uns d’entre eux. Il fallait mettre les efforts sur le renouvellement d’oxygène, non pas sacrifier les leurs. « C’est horrible. » avait répondu Ambrose alors qu’elle lui exposait le plan des autres, un plan sinistre qui se jouait également devant leurs yeux. C’était horrible, oui, et ça l’était encore plus que tout ce qu’ils avaient pu faire eux pour tenter de sauver leur peau.

« On doit les sortir de là. On peut pas laisser ça continuer. »
« C’est exactement ce que je te disais. »

Ils n’avaient pas le temps pour un combat d’égo et pourtant, il allait de leur survie que Rose lui fasse un peu plus confiance et la considère comme une cheffe, une vraie.  « C’est où la base de commandement ? On doit bien pouvoir arrêter toutes ces machines, non ? » « Je pense que le plus simple c’est d’ouvrir les cages. » avait-elle dit en désignant de l’index un bouton électronique qui pourrait les déverrouiller. « Le problème, c’est que tous ces gens sont bien trop faibles pour courir. Ils ne les tuent pas, ils pompent leur sang jusqu’à épuisement, les nourrissent juste assez pour qu’ils en produisent un peu plus et recommencent… » La nature humaine était cruelle et elle ne comprenait pas comment ces gens qui étaient nés dans l’espace pouvaient s’autoriser de pareils comportements. Les gens dans ces cages étaient livides, faisaient peine à voir, et n’avait pour unique tort que la chance d’avoir pu naître sur cette planète une fois celle-ci guérie. « Il y en a une qui est prête à partir avec nous. Je l’ai nourrie, chaque jour, son prochain passage n’est que demain. Il faut agir maintenant. » Et ils s’occuperaient de savoir si ils pouvaient lui faire confiance plus tard.

« C’est exactement ce que je te disais. » Sauf que jusqu’à maintenant, jusqu’au moment où il a enfin pu le voir de ses propres yeux, il ne croyait pas ce qu’elle lui disait. Greta a grandi au sein des plus hautes strates de la société. Elle a reçu une éducation différente, elle a toujours eu accès à des informations différentes aussi, et Ambrose a un instant cru que c’est ce qui a créé chez elle une certaine imagination débordante. Après tout, quel enfant n’a jamais rêvé au moment où il pourrait aller sur terre ? Pour eux, tout est soudainement devenu réalité. « Je pense que le plus simple c’est d’ouvrir les cages. » Elle parle de cages comme s’il s’agissait d’animaux mais Ambrose ne peut pas lui en vouloir, parce que c’est justement de cette manière dont ils sont traités. « Ils sont conscients, tu crois ? Ou anesthesiés ? » Est-ce qu’ils sont laissés dans un état à l’article de la mort pour s’assurer leur soumission docile ? Ce serait le plus intelligent à faire, et ce serait aussi le plus horrible, évidemment. Mais les humains ne sont sûrement pas à ça près, maintenant. Ils ont déjà dépassé toutes les barrières. Greta leur explique qu’ils n’ont simplement plus assez de sang dans l’organisme pour être vivaces, et Ambrose se retient de vomir.

« Il y en a une qui est prête à partir avec nous. Je l’ai nourrie, chaque jour, son prochain passage n’est que demain. Il faut agir maintenant. » Il jette un regard derrière eux, les larmes au bord des yeux à l’idée de laisser tous les autres dans un tel endroit. Ils reviendront pour eux, il le jure, mais en attendant ils vont devoir continuer à endurer ce supplice. « O… - Ok. Laquelle ? » A deux, ils pourront l’aider à marcher et surtout à s’enfuir. Mais après ? « Tu lui as parlé ? Ils parlent notre langue ? Tu sais ce qu’on va faire d’elle après ça ? » Le niveau d’alerte de la base risque d’exploser et il sera infiniment plus difficile de secourir les autres personnes mais ils n’ont pas le choix. Il en va de leur devoir.

Le spectacle était difficile à encaisser, même pour quelqu’un comme Ambrose qui avait déjà eu son lot de scénarios horrifiants là-haut dans la station. Les cellules pour adolescents n’avaient rien d’une partie de plaisir, ceux qui se retrouvaient là-bas n’avaient généralement rien à perdre et il était souvent revenu salement amoché. Alors si il réagissait pendant que Greta semblait rester insensible, c’était simplement parce que la blonde avait eu l’occasion d’assister à ce spectacle sinistre à de nombreuses reprises, cherchant à trouver une solution pour arrêter ce massacre. Elle n’avait aucune idée de si elle pouvait faire confiance aux natifs, eux-même craignant ceux qui venaient de l’espace plus que tout, et pourtant, sa conscience lui indiquait d’agir. « Ils sont conscients, tu crois ? Ou anesthesiés ? » Son regard triste s’était plongé dans celui d’Ambrose, elle avait tenté d’espionner comme elle le faisait là-haut mais tout était plus compliqué ici, sa mère ne pouvait pas la protéger si elle se faisait surprendre.  « Je pense qu’ils sont conscients… » Et elle lui laissait le soin de s’imaginer ce qu’ils pouvaient ressentir, Greta elle ne faisait que prononcer ses doutes parce qu’elle avait réussi à parler à l’une d’entre elles. « O… - Ok. Laquelle ? » Greta avait pointé du doigt l’une des cages de verre où l’on pouvait voir une brune recroquevillée sur elle-même, à bout de force. Elle l’était, certes, mais Greta savait qu’elle simulait pour mieux participer au plan qu’elles avaient élaboré. « Tu lui as parlé ? Ils parlent notre langue ? Tu sais ce qu’on va faire d’elle après ça ? »  « Ils parlent notre langue, ils sont comme nous, Rose. Elle s’appelle Raven, c’est une guerrière. Elle peut être dangereuse, il faudra être prudents… » avait-elle répondu avant de désigner de la tête le garde qui s’en allait sans attendre sa relève, une habitude que Lycan avait pris parce qu’il se pensait au-dessus de tout. Ils allaient profiter de ce court moment pour entrer en action. Greta avait couru appuyer sur le bouton en hurlant à Ambrose de se diriger vers la cellule de Raven, il l’avait porté sur son épaule et ils s’étaient enfui à toute vitesse, l’alarme s’étant déclenchée derrière eux et c’était un miracle qu’il aient réussi à sortir de là en vie.

« Je pense qu’ils sont conscients… » Ils vivent une vie qui n’en est pas une ; une vie qu’Ambrose ne pourrait même pas souhaiter à son pire ennemi. Dans de telles circonstances, la mort est largement préférable et de ça il n’en doute pas un seul instant. A défaut de tous pouvoir les faire sortir, parce qu’ils ont besoin d’une aide médicale et qu’à deux ils ne pourraient pas les aider au point où ils le veulent, Greta et Ambrose se mettent d’accord pour en sauver une première, dont Greta a préparé l’évasion en la nourrissant un peu plus chaque jour. Sans doute rien de gargantuesque, mais assez pour qu’elle gagne peu à peu des forces et, avec ça, celle suffisante pour s’évader à leurs côtés. « Ils parlent notre langue, ils sont comme nous, Rose. Elle s’appelle Raven, c’est une guerrière. Elle peut être dangereuse, il faudra être prudents… » Il est etonné qu’ils parlent leur langue parce qu’à en juger par les générations qui les séparent, cette dernière aurait pu dériver. « Une… guerrière ? » A quel point les natifs ont dû s’adapter pour vivre une vie complètement différente sur cette terre devastée par l’escalade de la violence humaine ?

Greta allume l’alarme dès que Lycan a le dos tourné et Ambrose accourt face à la cage de cette dernière pour la retenir lorsque les barreaux s’élèvent et qu’elle tombe. Il tente de lui retirer aussi délicatement que possible l’aiguille plantée dans l’artère de son coude, avant d’appuyer dessus avec son pouce pour éviter qu’elle ne perde davantage de sang encore. Tout est fait trop rapidement, sans la moindre désinfection et même pas par des professionnels, mais ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, et Dieu sait qu’ils n’ont pas grand chose. L’instant d’après, il la porte comme il peut avec l’aide de Greta pour sortir le plus rapidement possible de cet endroit de malheur. Et avec un peu de chance, le plus loin possible aussi.