I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne ne savait pas ce qui lui avait pris. A se rendre sur le campus universitaire. Ca lui rappelait tellement de souvenirs, de voir tous ces visages jeunes, plus ou moins motivés à se rendre aux cours. Elle avait été restée muette face aux répliques d'Hassan, qui lui avait dit qu'il n'avait rien d'autres à lui donner que des excuses. Juste des excuses. Et des reproches. Une accumulation de déceptions et de désillusions qui avait blessé Joanne au possible. Elle ne savait pas quoi dire, quoi lui répondre. Il n'y avait que les traits de son visage qui avait marqué un profond chagrin, face à la situation, et de nouvelles larmes qui venaient mouiller ses joues. Au final, ces retrouvailles l'avaient rendu plus malheureuse qu'autre chose, à rouvrir des cicatrices à peine fermées, à se créer de nouvelles plaies. Hassan avait tourné les talons, même pas un au revoir. Etrangement, depuis, elle se sentait fautive. Faute d'avoir tenté d'avoir des explications, le fait qu'elle ait insisté et ait fini par lui faire des reproches l'avait rongé. Elle n'était pas sereine, et ne trouvait pas ça correct que d'être en si mauvais terme avec son ex-mari. Ce jour-là, on ne sait quelle mouche l'avait piqué. Joanne s'était rendue à l'accueil du campus afin de voir dans quel amphithéâtre il donnait cours. Etrangement, cela n'avait pas changé d'avant leur divorce. Vêtue d'une robe bleue, d'un manteau et de son foulard, elle passait presque inaperçue au milieu de la foule d'étudiants. Quand ils étaient mariés, il lui arrivait régulièrement de se rendre à un de ces cours, quand elle avait fini de travailler. Cela leur permettait de faire une sortie en ville ensemble par la suite, aller au restaurant. Joanne s'installa aux côtés d'un étudiant, le cours allait débuter dans quelques minutes. "Vous ne prenez pas de notes ?" lui demanda-t-il, alors qu'il sortait un bloc-notes de son sac. Joanne hocha négativement la tête. "Il vaudrait mieux, ses cours sont hyper complets." Elle rit. "Je le sais." Haussant les épaules, elle mit son sac à main à ses pieds. "Mais j'ai déjà un emploi, j'ai fait mon quota d'heures sur les bancs de cette université." "Sérieux ? Vous faites quoi ?" "Je suis conservatrice." L'étudiant était impressionné. Il aurait bien posé plus de questions mais Hassan fit son apparition. Appuyée sur la petite table avec son coude, elle le regardait. C'était en le voyant s'exprimer qu'elle se rappelait pourquoi elle était tombée amoureuse de lui, à l'époque. Elle avait prévenu Jamie qu'elle irait le voir, quand ils avaient leur petit-déjeuner ensemble le matin. Bien sûr, il était peu enthousiaste à cette idée, pour ne pas dire qu'il y songerait certainement toute la journée, à craindre que tout ceci ne finisse par se retourner contre lui. Mais Joanne tenait au moins à s'excuser auprès de lui. Encore une fois, elle se rejetait entièrement la faute. L'heure de cours défilait plus vite qu'elle ne le pensait. Elle appréhendait le moment où tout le monde rangerait ses affaires et quiterait l'amphithéâtre. Ce fut rapidement le cas. L'étudiant avec qui elle avait parlé plus tôt mis son sac sur son épaule et salua la jeune femme avant de filer à son entraînement de basketball. En quelques minutes, l'immense salle se vidait. Au final, il n'y avait plus qu'Hassan, qui rangeait ses papiers, et elle, immobile, toujours assise. Il ne l'avait pas encore remarqué. Il n'y avait plus aucun bruit. Joanne entendait son coeur tambouriner dans sa poitrine, se demandant subitement ce qu'elle faisait là. Sa bouche devenait sèche. Elle finit par se lever, mettre son sac sur l'épaule, et descendre les escaliers pour s'approcher de son bureau, de lui. On entendait ses talons claquer le sol, même si elle tentait de faire des pas feutré. Comment engager la conversation ? Elle n'en savait strictement rien. "Il y a des choses qui n'ont pas changé." dit-elle d'une voix douce, en faisant référence à ses cours, à leur qualité. Elle avait un léger sourire, très gêné. La belle blonde en oubliait pourquoi elle était là, à quelques mètres de lui. "Je... Je suis désolée, Hassan." finit-elle par dire après de longues secondes de silence, ô combien inconfortables. "Je ne voulais pas être si... méchante, intrusive." Joanne restait une personne très émotive, elle venait facilement aux larmes. Là, elle parvenait encore à les retenir. Elle pensait chacun de ses mots. A vrai dire, elle avait toujours eu horreur des conflits, quels qu'ils soient. Le fait d'avoir été aussi passive au moment de leur divorce, qu'elle n'ait pas insisté pour quoi que ce soit, en était un parfait exemple. "A vrai dire, je ne sais absolument pas comment gérer tout ça. Je ne sais pas comment je devrais ou aurais du réagir."
I was only trying to bury the pain, but I made you cry and I can't stop the crying. Was only trying to save me but I lost you again, now there's only lying and I wish I could say it's only me. Too long we've been denying, now we're both tired of trying, we hit a wall and we can't get over it. Nothing to relive, it's water under the bridge, you said it, I get it, I guess it is what it is. ☆☆☆
Hassan avait toujours entendu dire qu'il faisait un piètre menteur, que s'il manquait de sincérité la chose se voyait comme le nez au milieu de la figure, et jusqu'à il y a peu cela n'avait jamais été un souci puisqu'Hassan était aussi un homme on ne peut plus honnête. Mais maintenant il avait la sensation de jouer la comédie tout le temps, de ne jamais être entièrement honnête avec personne, pas même avec lui-même, et puisque les semaines passant tout le monde semblait gober avec un peu plus de vigueur son numéro du mec sur laquelle le temps et la vie glissaient sans incidence, il en arrivait à la conclusion qu'il ne devait pas être si mauvais menteur que cela ... Ou alors il avait fait des progrès. Assez pour donner l'impression de continuer son chemin de manière imperturbable, sans la moindre question à se poser, quand en réalité son dernier face-à-face avec son ex-femme avait fait s'écrouler comme un château de cartes un grand nombre de ses certitudes. La certitude qu'il avait pris la bonne décision tout d'abord, à la fois en lui imposant un divorce qu'il avait pourtant vécu comme un crève-cœur et en décidant de ne pas faire preuve de transparence lors de leur dernière discussion, mais la certitude qu'elle l'avait aimé autant que lui l'avait aimée. Il n'aimait pas se torturer en repensant à cela, mais cela remettait en question tellement de ses certitudes qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'y penser encore et encore, telle une litanie qui tournait en boucle dans un coin de sa tête et ne se taisait jamais complètement, même lorsqu'il essayait de se garder l'esprit occupé pour tenter de penser à autre chose.
Et pourtant en apparence il continuait de donner le change, il dispensait son cours avec la même flamme que d'habitude parce que force était de constater que son boulot était la seule chose qu'il pouvait continuer de faire en prétendant que rien n'avait changé. Libérant d'ailleurs enfin ses élèves il avait lancé « Pour les retardataires que ça intéresserait toujours, il reste quelques places pour la conférence de Dimitri Kitsikis en décembre, j'ai laissé la feuille d'inscription au secrétariat mais c'est premier arrivé premier servi, alors ne tardez pas trop. » Se levant du bureau sur lequel il était assis, se sentant plus à l'aise pour faire cours de cette façon plutôt qu'assis sur une chaise de l'autre côté, il avait attrapé sa bouteille d'eau et rajouté à la volée « Et pour ceux qui m'ont posé la question à la pause, oui, le cours de mercredi soir est bel et bien annulé - cachez votre joie, oui - mais je ne sais pas encore quand il sera rattrapé, j'enverrai un mail dès que j'en sais un peu plus. » Ce n'était pas dans les habitudes d'Hassan d'annuler un cours, il avait même horreur de ça, mais enfin on n'avait pas toujours le choix. Tandis que les élèves rangeaient leurs affaires et quittaient l'amphithéâtre dans un brouhaha à peine contenu, Hassan avait jeté un coup d’œil rapide à sa montre et attrapé le journal qui dépassait de sa besace pour en vérifier l'adresse entourée au stylo. Il n'arrivait pas à se faire à son appartement, et pas vraiment au quartier non plus à vrai dire alors il essayait de trouver ailleurs, sans trop savoir ce qu'il cherchait précisément. « Il y a des choses qui n'ont pas changé. » Sa bouteille d'eau à la bouche il avait manqué avaler de travers, et pris d'une légère quinte de toux il s'était retourné, faisant face à Joanne en se demandant comment elle était arrivée là. « Tu dis ça comme si c'était une bonne chose. » avait-il fait remarquer sans trop savoir si c'était un reproche ou une simple constatation. Il ne savait pas de quoi elle parlait, mais ce qu'il savait en revanche c'était que d'eux deux elle était celle qui se satisfaisait le plus des changements dans sa vie, alors c'était un peu ironique. « Ça fait longtemps que tu es là ? » avait-il finalement demandé d'un ton curieux, parce qu'il ne l'avait pas entendue entrer ni même arriver.
Et puis il n'avait rien dit de plus, l'observant avec curiosité parce qu'il avait eu la sensation la dernière fois qu'elle tentait de se débarrasser de lui et qu'il ne voyait pas bien ce qu'elle lui voulait à nouveau, maintenant. « Je ... Je suis désolée, Hassan. » Il observait toujours en silence, la questionnant du regard pour l'inciter à aller jusqu'au bout de sa pensée « Je ne voulais pas être si ... méchante, intrusive. » Méchante ? Joanne n'était pas capable de méchanceté, du moins pas volontairement. Ça n'était pas le cas avant, et Hassan doutait que cela soit subitement devenu le cas en l'espace d'un an et demi. « A vrai dire, je ne sais absolument pas comment gérer tout ça. Je ne sais pas comment je devrais ou aurais du réagir. » Parce que lui était censé en avoir une meilleure idée qu'elle ? Il ne savait pas non plus, et y'avait sans doute pas de bonne solution, c'était ça la triste vérité. « J'ai pas la réponse à cette question, Joanne. Je sais pas. » Reposant son journal, il s'était de nouveau assis sur le bord du bureau, cachant mal sa perplexité et sa méfiance face à la présence de la jeune femme. « Et tu as pas été intrusive, c'est pas ce que je te reproche ... je comprends que tu te poses des questions, et je comprends que ne pas avoir de réponses te frustre. » Il ne fallait pas croire, d'ailleurs, qu'il ne doutait pas lui-même de ses décisions et de ce qu'il décidait de dire ou de ne pas dire, c'était une remise en question permanente. « Simplement c'est trop facile de m'accuser de pas me soucier de toi juste pour espérer me faire flancher. C'est déloyal, et surtout tu sais que c'est tout sauf vrai. » C'était blessant, aussi, à vrai dire c'était même plus blessant que déloyal aux yeux d'Hassan, mais son but n'était que Joanne le prenne en pitié, alors il avait préféré garder ce dernier fait pour lui. « T'as le droit de m'en vouloir, je te le reproche pas ... Mais toutes les décisions que j'ai prises je les ai prises en pensant à toi, ça a toujours été toi le plus important. Alors tu me feras pas avouer que je me soucie pas de toi, que ça m'importe pas, ou que je t'ai pas aimé suffisamment. C'est tout le contraire. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"C'en est une." lui dit-elle doucement. De bonne chose. Elle était sincère, elle le pensait vraiment. Son ex-mari finit par lui demander si elle était là depuis longtemps. Joanne haussa les épaules, un peu gênée. "Depuis le début du cours." avoua-t-elle. "Je ne voulais pas t'interrompre ou perturber qui que ce soit alors... j'ai préféré rester dès le début." Cela ravivait quelques souvenirs de leur vie commune passée, puisqu'il arrivait à Joanne de le faire de temps en temps. Ensuite, la jeune femme voyait bien qu'Hassan était dans l'attente de savoir la raison de sa venue, d'avoir assister au cours. Il lui était difficile faire correspondre des mots à ce qu'elle pensait, ses paroles étaient hésitantes, un peu bancales. Lui non plus ne savait pas comment elle aurait du réagir. La situation avait été si singulière. Depuis le début. Ils divorçaient alors qu'ils s'aimaient encore, tout commençait à partir de là. Le professeur commençait alors à se lancer dans un discours, expliquant qu'il ne trouvait pas qu'elle avait été intrusive. Du moins, ce n'était pas ce qu'il lui reprochait. Elle avait l'impression d'être une enfant qu'on était en train de raisonner, de faire la leçon. Ses yeux étaient baissés, mais elle écoutait avec attention tout ce qu'il disait. Elle jouait nerveusement avec ses doigts, l'écoutant jusqu'à la fin. "Cela fait quand même de moi une personne méchante." dit-elle en relevant la tête, le regardant. Elle avait l'impression qu'il était encore énormément attaché à elle, peut-être même qu'il l'aimait encore comme il l'avait aimé le jour de leur mariage. Ce n'était peut-être qu'une petite impression de la part de la jeune femme. Celle-ci ne pouvait pas nier qu'elle avait encore une certaine affection pour lui, même si elle lui en voulait pour le divorce. Celui-ci s'était en soi bien passé. Il n'y avait pas de bataille pour les biens, pas de prises de tête dans les bureaux du tribunal. Ils souffraient déjà suffisamment l'un l'autre, il n'était pas nécessaire de remuer davantage le couteau dans la plaie. "Tu... Tu as cherché à me protéger en voulant te séparer de moi ?" finit-elle par lui demander, après avoir ressassé chacune des phrases qu'il venait de lui dire. "Je sais que je ne suis pas des plus solides, mais... tu sais que quoi qu'il ait pu se passer, je t'aurai soutenu, pas vrai ?" Elle se demandait quand même ce qu'il avait poussé à prendre une telle décision. Choisir de divorcer parce qu'il l'aimait. Voilà une phrase des plus paradoxales, mais pourtant, c'était bien ce qu'il essayait de lui dire. Elle reprit la parole après un temps de silence. "J'ai quelque chose à te dire." Mais comment l'annoncer ? "La dernière fois, je ne voulais pas trop t'en parler parce que je t'en voulais et... Je ne savais pas comment le dire." Elle haussa les épaules. Trouver des mots pour une douleur pareil n'était pas vraiment possible. "Et avant toute chose, je ne veux pas que tu crois que je te le dise pour te faire regretter quoi que ce soit, ou te faire du mal, d'accord ?" La voix de Joanne débordait de sincérité, elle pensait réellement ce qu'elle disait, avec un regard. "C'est juste que... tu as le droit de savoir." La jeune femme prit un long moment avant de reprendre parole, ne sachant pas trop comment lui annoncer ceci, quels mots utiliser. Même pour elle, cela restait un événement marquant et touchant, elle aurait toujours beaucoup de mal à s'en remettre, bien qu'elle soit tombée enceinte et que l'enfant qu'elle portait à ce moment là semblait être en bonne santé. "Quelques semaines après la signature des papiers, j'ai... J'ai du être hospitalisée pour..." Elle soupira, exaspérée d'être incapable de trouver les bons mots, formuler correctement une phrase. Elle passa une main dans ses cheveux, tentant de remettre de l'ordre dans ses idées. "Et après toute une batterie d'examens, il a été révélé que j'ai fait une fausse-couche." Sa voix allait en decrescendo au fur et à mesure de la phrase. "J'étais enceinte de quelques semaines, et c'était purement... génétique. L'embryon n'était viable." Joanne n'en avait pas vraiment fait le deuil. Elle lui épargna ses propres problèmes à elle, cette annonce restait tout de même quelque chose de dur à encaisser.
Il y avait certaines choses qui ne changeaient pas parait-il, mais il fallait aussi dire que Joanne avait choisi de prendre en exemple la seule et unique chose qui était restée à peu près la même dans la vie d'Hassan. Tout le reste avait changé, sa vie, ses habitudes, ses certitudes, et même ses relations avec les personnes qui lui étaient chères, qu'elles appartiennent à la catégorie de celles qu'il avait volontairement écarté de sa vie ces deux dernières années, ou des quelques qu'il avait conservé, volontairement ou par la force des choses. Peut-être était-ce pour cette raison qu'il se raccrochait à ce point à son boulot, comme s'il était devenu le centre de sa vie ... et quelque part c'était un peu le cas, son quotidien n'était rythmé que par son travail et son bénévolat à l'école et à l'hôpital, comme s'il essayait tant bien que mal de se raccrocher au semblant de normalité que cela apportait au chaos actuel de son quotidien. Hassan freinait des quatre fers pour tenter de sauver la seule chose qui pouvait encore l'être, sans être convaincu pourtant que ce soit une bonne chose. « C'en est une. » lui avait pourtant assuré Joanne avec sa douceur habituelle, et pas d'humeur à tenter de la convaincre du contraire il s'était contenté de la questionner pour savoir depuis quand elle était là, non sans une pointe de méfiance. Parce que cela faisait beaucoup trop d'inconnues - pourquoi, depuis quand - dans une situation où il avait déjà la sensation de ne rien maîtriser. « Depuis le début du cours. Je ne voulais pas t'interrompre ou perturber qui que ce soit alors ... j'ai préféré rester dès le début. » il avait fait un léger signe de tête, n'osant pas avouer qu'elle l'aurait effectivement perturbé et que de devoir faire cours comme si de rien n'était alors que son esprit était clairement ailleurs depuis leur dernière entrevue relevait déjà suffisamment du numéro de funambule sans filet de sécurité. Et en même temps cela lui serait le coeur, parce qu'il y avait une époque pas tellement lointaine où elle venait déjà de temps à autres, sauf qu'il la remarquait, et attendait la fin du cours avec autant d'impatience que ses élèves juste pour le plaisir d'attendre que l'amphithéâtre soit vidé de ses étudiants et l'attraper par la taille pour l'embrasser comme s'ils étaient encore eux aussi deux étudiants et non pas deux adultes supposément responsables.
Mais Hassan doutait fortement que Joanne soit venue ici en souvenir du bon vieux temps aujourd'hui, alors l'interrogeant silencieusement du regard il avait attendu qu'elle s'explique sur l'objet de sa visite. Ses excuses il n'en avait pas besoin, pas parce qu'elles n'avaient pas de valeur mais parce que Joanne ne semblait pas mettre le doigt sur ce qui avait réellement affecté son ex-mari. Ce n'était pas qu'elle pose les questions qu'elle était légitimement en droit de poser, indépendamment de la volonté ou non d'Hassan d'y répondre. Ce n'était pas là que se situait le problème, mais c'était là que Joanne semblait le voir. « Cela fait quand même de moi une personne méchante. » Il avait reposé son journal et sa bouteille d'eau sur le bureau, se permettant de faire remarquer avec une certaine douceur à son tour « Tu ne saurais pas être méchante même en essayant de te forcer. » Et là c'était bien tout sauf un reproche, simplement une constatation ; Joanne avait bien trop peur de nuire à qui que ce soit pour savoir faire preuve de méchanceté. Et ce n'était pas non plus son but à lui, la méchanceté, ce n'était pas ce qui le poussait à refuser à la jeune femme une question dont il savait qu'obtenir la réponse lui tenait à coeur. Ni méchanceté ni mauvaise volonté de sa part, simplement un sentiment profond d'agir pour le mieux, pour leur bien à tous les deux. « Tu ... Tu as cherché à me protéger en voulant te séparer de moi ? » Gageant que son silence aurait valeur de consentement il n'avait rien répondu, la laissant elle-même en tirer les conclusions qui s'imposaient. « Je sais que je ne suis pas des plus solides, mais ... tu sais que quoi qu'il ait pu se passer, je t'aurai soutenu, pas vrai ? » Justement, avait-il d'abord eu envie de répondre, avant de tourner sept fois sa langue dans sa bouche et de préférer admettre « Je sais, oui. » toujours avec cette douceur qui tranchait avec sa méfiance de début de conversation « Mais c'est pas quelque chose que je voulais t'imposer. » Parce qu'elle etait trop gentille, une fois encore, et qu'il n'aurait pas assumé de la voir rester par obligation, ou parce qu'elle se sentait un quelconque devoir envers lui. « Et puis ... » il avait marqué une hésitation, pinçant ses lèvres et reprenant finalement, d'un air penaud « Fallait que je me protège aussi. Parce que si tu ... si tu avais fini par partir je pense pas que je l'aurais supporté. » Et ce de la manière la plus littérale qui soit. Si cela avait finalement été trop pour elle, et si finalement elle l'avait quitté de sa propre initiative probablement qu'il ne s'en serait pas remis. Probablement qu'il se serait laissé mourir, en dépit des efforts de Qasim pour le forcer à garder la tête hors de l'eau.
C'était ça le seul aveu qu'il voulait bien faire, celui d'un égoïsme pourtant teinté de bonnes intentions, persuadé alors d'agir pour le mieux à la fois pour elle et pour lui. Mais Joanne avait toujours été ainsi, désireuse qu'on la guide et qu'on lui souffle la meilleure manière d'agir, alors dans des circonstances nécessitant des décisions radicales Hassan avait fait ce qu'il avait toujours fait, il avait tranché. Vers une solution qui lui semblait la moins pire aux vues de l'épilogue probable qui s'en suivrait, pour que finalement rien ne se passe comme il l'avait prévu. « J'ai quelque chose à te dire. » Ayant baissé la tête un instant il avait relevé les yeux vers elle, attentif. « La dernière fois, je ne voulais pas trop t'en parler parce que je t'en voulais et ... Je ne savais pas comment le dire. Et avant toute chose, je ne veux pas que tu crois que je te le dise pour te faire regretter quoi que ce soit, ou te faire du mal, d'accord ? C'est juste que ... tu as le droit de savoir. » Il avait senti sa gorge se serrer en même temps que son rythme cardiaque augmentait, maintenant angoissé par le ton grave et les paroles de Joanne, sans du tout savoir à quel genre de révélation il était supposé s'attendre. Mais une fois de plus il était resté silencieux, lui donnant l'illusion qu'elle pouvait continuer quand en réalité chaque parcelle d'Hassan lui criait de se taire et de le laisser dans le déni, comme s'il savait d'avance qu'il préférait ne rien savoir, peu importe qu'elle estime qu'il en ait le droit ou pas. « Quelques semaines après la signature des papiers, j'ai ... J'ai du être hospitalisée pour ... » Pour ... pourquoi ? Fallait qu'elle termine sa phrase maintenant, il était à deux doigts de la supplier pour qu'elle le fasse « Et après toute une batterie d'examens, il a été révélé que j'ai fait une fausse-couche. J'étais enceinte de quelques semaines, et c'était purement ... génétique. L'embryon n'était pas viable. » Il y avait eu un moment de flottement, quelques secondes qui lui avaient semblé durer une éternité et durant laquelle il n'avait plus rien vu ni rien entendu à ce qui se passait autour de lui. Comme un trou noir de quelques secondes où il n'avait rien assimilé d'autre que le bourdonnement dans ses oreilles et l'instinct qui lui avait fait quitter le bureau contre lequel il était toujours appuyé pour aller s'asseoir sur le rebord de l'estrade, comme s'il sentait que ses jambes peinaient à continuer de le porter.
Elle lui avait dit ne pas vouloir lui dire ça dans le but de lui faire du mal, et pourtant elle savait qu'elle lui en ferait. Parce qu'elle savait à quel point c'était important pour lui, pour eux, à quel point ça comptait, le fait de vouloir fonder une famille. Une personne à part entière mais qui aurait eu un peu d'elle et un peu de lui, une personne pour laquelle ils auraient appris à multiplier l'amour qu'ils avaient déjà l'un pour l'autre. Et maintenant elle lui annonçait ça comme ça, qu'ils auraient pu avoir ça et être heureux, mais qu'au lieu du bonheur qu'ils ne méritaient pourtant pas moins que les autres le hasard et ses conséquences les avaient amenés vers des chemins tout à fait différents. « C'est ma faute ... ? » C'était un murmure involontaire plus qu'une véritable question amenant une réponse, son teint livide terminant de prouver qu'Hassan n'était pas vraiment dans son état normal. Mais ça ne pouvait être que ça, c'était forcément de sa faute, il n'y avait pas de hasard assez gros pour qu'il la quitte et qu'elle perde cet enfant si peu de temps après. Leur enfant, celui dont il ignorait l'existence il y a encore quelques instants mais qui maintenant creusait un vide encore plus grand dans sa poitrine que celui déjà laissé par Joanne. « Tu vois ... » Enfin il parvenait à reprendre le contrôle de ses mots et de ses actions, sa voix pourtant étouffée par le chagrin, et sans oser pourtant relever les yeux vers son ex-femme. « C'est exactement pour ça que je veux pas répondre à ta question. » Une pause à nouveau, parce qu'il avait la gorge tellement nouée que parler et retenir ses larmes à la fois lui faisait physiquement mal. « Je sais pas si tu te sens mieux de me l'avoir dit ... mais ce qui est sûr c'est je me sens pas mieux de le savoir. En fait je crois que j'aurais préféré que tu me dise rien. » Il aurait préféré ne pas savoir, parce qu'il avait déjà du mal à vivre avec le reste, et qu'il n'était pas certain de pouvoir vivre avec ça. Il se sentait vidé, à peine capable d'essuyer correctement avec le bout de sa manche l'unique larme qui avait roulé le long de sa joue. C'était comme si elle était venue là pour lui donner le coup de grâce, et si Hassan sentait toujours le regard de Joanne sur lui il était incapable de relever la tête pour la regarder dans les yeux.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
On la qualifiait toujours de trop gentille. Joanne ne savait pas si elle devait bien le prendre ou non, mais elle préférait qu'on la reproche d'être ainsi plutôt que d'être la plus horrible personne qui soit. Hassan resoulevait ce point bien particulier de Joanne, il semblait bien s'en souvenir. Elle tenait à lui préciser qu'elle aurait été là en toute circonstance, et son ex-mari en avait bien conscience. Il disait qu'elle ne voulait pas lui imposer cela, comme s'il s'agissait d'une épreuve insurmontable. Elle dit timidement, en haussant les épaules, sans trop oser le regarder. "Mais quand deux personnes se marient, c'est quand elles se sentent prêtes à surmonter toute épreuve ensemble, non ?" lui demanda-t-elle, bien que cette question avait été posée bien trop tard et qu'elle en connaissait déjà sa triste réponse. Joanne savait qu'elle idéalisait trop le mariage, toutes les valeurs historiques qui s'étaient raccrochés mais qui s'amenuisaient avec la société actuelle. La jeune femme ne savait pas trop quoi dire davantage, il n'y avait plus rien à défendre, après tout. Elle avait alors décidé d'elle-même de lui parler de sa fausse-couche. Hassan aurait été le père de cet enfant, et elle estimait qu'il était en droit de savoir. C'était loin d'être une annonce facile à partager, surtout lorsqu'il s'agit du premier concerné. Mais Joanne trouvait ce secret bien trop lourd à garder. Il avait été facile d'en parler à Sophia, James. Un peu moins avec Jamie, ayant la crainte qu'il ne la repoussse pour cette raison. Mais le plus compliqué fut avec Hassan, et elle avait raison, en voyant l'expression de son visage. Il se rejeta directement la faute. "Non, non, non..." dit-elle précipitemment. Elle soupira, peinant à trouver ses mots. "Ce n'était pas ce que je voulais dire." Joanne tentait de remettre de l'ordre dans ses idées, avant de lui donner un complément d'informations. "C'est juste ma faute à moi." dit-elle, toujours profondément attristée par cet événement. "Un problème génétique qui ne vient que de moi, ça n'avait pas rendu l'embryon... viable." Elle ne voulait pas lui parler de sa détresse respiratoire, de son séjour à l'hôpital. Ni de lui dire qu'elle avait aussi du avorter pour les mêmes raisons, que c'était une femme qui allait n'avoir que des grossesses à risque à surveiller du près, autant pour elle que pour le bébé. La suite des paroles de son ex-mari était particulièrement blessante pour la belle blonde. Qu'il ne veuille pas répondre à ses questions, à se plaire à lui faire regretter d'avoir partagé tout ce qu'elle venait de dire. C'était dur à entendre, et à accepter. Il ne la regardait même plus. Elle était un peu déroutée, et ne savait pas comment réagir. "Excuse-moi d'avoir voulu être honnête avec toi." Elle haussa les épaules. "J'estimais juste que tu avais le droit de savoir." Blessée par sa réaction, des larmes bordaient ses yeux bleus. "Je suppose que l'on a plus grand chose à se dire, alors." dit-elle, profondément déçue. En plus d'avoir été un excellent mari, Hassan avait un ami des plus proches aux yeux de Joanne. Et là, à ce moment là, elle avait réellement perdu les deux. Elle aurait tellement voulu que tout ceci se passe mieux. Qu'il y ait eu belles retrouvailles, que tout avait été mis à plat en temps et en heure, peut-être espérer retrouver une partie de leur amitié. Cet espoir semblait être des plus compromis, au grand désarroi de la jeune femme. "Je... Je voulais juste faire les choses bien." finit-elle par dire de sa voix tremblante, rentenant du mieux qu'elle pouvait ses larmes. Elle jouait nerveusement avec ses doigts, comme à chaque situation qui la stressait ou qui la mettait mal à l'aise. Parfois, cela semblait plutôt être une torture. "Ce n'était pas mon intention de te blesser, je... je suis désolée." Elle l'était, très sincèrement. "Je devrais peut-être te laisser tranquille, je ..." Joanne manquait de mots, ne savait pas si elle devait dire quelque chose en plus ou non, s'il attendait encore quelque chose d'elle. Pourtant, elle ne parvenait pas encore à bouger, encore un peu surprise par tout ce qu'il venait de lui dire.
Il ne se sentait pas entièrement à l'aise de lui avouer ça, que s'il l'avait quittée c'était non seulement parce qu'il pensait la protéger d'une issue dramatique dont elle se serait probablement beaucoup plus difficilement remise que d'un divorce, mais aussi parce qu'il avait besoin de se protéger lui-meme. Il ne voulait pas lui donner le mauvais rôle, ou une énième occasion de se sentir responsable de quoi que ce soit, mais il mentirait en niant qu'outre la peur de la faire souffrir, il y avait aussi la peur de souffrir lui-même. Parce qu'il s'en souvenait encore parfaitement, de cette période où il était tellement faible que Qasim restait des heures assis de l'autre coté de la vitre à défaut de pouvoir rentrer dans la chambre, stérile, comme s'il craignait que ne plus le voir s'il tournait la tête suffise pour que son frère lâche prise et abandonne pour de bon. Et il avait raison, parce que chaque fois qu'Hassan se sentait à bout, au bord du précipice ou à deux doigts de lâcher prise il posait les yeux sur Qasim et il avait mauvaise conscience. Ils avaient déjà perdu leurs parents, il n'avait pas le droit de lui faire ça, de l'abandonner. Mais s'il n'avait pas quitté Joanne peut-être qu'elle aurait fini par le faire, peut-être que ses sentiments auraient fini par s'estomper au fil des semaines et des mois à le voir se transformer en loque, ou peut-être qu'elle serait partie pour ne pas avoir à affronter sa mort en face. Et si elle avait du le quitter à ce moment-là Hassan savait qu'il ne s'en serait pas remis, et que c'est ce qui l'aurait achevé. Il ne doutait pas de l'amour que Joanne avait pour lui à l'époque, et lui aussi l'avait épousée en pensant que s'ils s'aimaient rien ne les atteindrait jamais ... et puis le diagnostique était tombé, et les semaines qui avaient suivi avaient fait leur oeuvre. Hassan avait lu, s'était renseigné, avait rencontré des gens. Il se souvenait de type à peine plus vieux que lui qui avait tout perdu et guéri pour se retrouver tout seul. Il se souvenait de cette femme qui, à demi-mot, lui avait avoué que malgré l'amour qu'elle avait pour son mari si c'était à refaire elle s'en irait, parce qu'à le regarder dépérir elle s'en était rendue malade elle aussi. Et Hassan avait eu peur, peur de finir comme cet homme, peur que Joanne finisse comme cette femme, ou qu'elle ait plus de courage qu'elle ... alors il avait combattu le feu par le feu. Il avait fait ce qu'il avait trop peur qu'elle fasse plus tard. « Mais quand deux personnes se marient, c'est quand elles se sentent prêtes à surmonter toute épreuve ensemble, non ? » lui avait pourtant fait remarquer Joanne d'un air penaud tandis qu'il sortait à nouveau de ses pensées, et baissant les yeux il avait secoué la tete légèrement « Quand deux personnes se marient elles ont aucune idée de ce qui les attend. Elles veulent pas penser au fait que tout ne sera pas toujours aussi beau que le jour où elles se sont dit oui. » Et il y avait cru, lui, comme les autres. Il l'avait eu cette naïveté du jeune marié qui s'imaginait que le malheur c'était pour les autres et que lui et Joanne seraient l'exception. Mais pour le meilleur et pour le pire c'était juste une formule pour faire joli, on ne savait jamais comment on réagirait, face au pire.
Et puis finalement Hassan avait compris que Joanne n'était pas là pour ça. Épiloguer sur quelque chose qu'ils ne pourraient plus changer ni l'un ni l'autre, ce n'était pas la raison de sa présence ici, ce n'était pas pour ça qu'elle avait pris la peine de venir jusqu'à son amphi pour écouter un cours dont elle n'avait probablement que faire. Elle avait quelque chose à lui dire, à lui avouer, et Hassan était bien à des années lumières de s'attendre à ce qu'elle avait décidé de lui annoncer. Et ça faisait mal, ça faisait tellement mal parce que cet enfant qu'avait momentanément porté Joanne il l'avait tellement voulu, il en avait tellement revé, et en fin de compte ce n'était maintenant plus qu'une nouvelle pierre à ajouter à l'édifice des actes manqués de leur histoire. Et c'était de sa faute, quelque part il était persuadé d'avoir sa part de responsabilité peu importe qu'elle lui jure « Non, non, non ... Ce n'était pas ce que je voulais dire. » et qu'elle secoue la tête, qu'elle rajoute « Un problème génétique qui ne vient que de moi, ça n'avait pas rendu l'embryon ... viable. » ... Y'avait pas de coïncidences, et Hassan croyait bien trop au karma. Assez pour y voir une punition divine plutôt qu'un malheureux hasard. Il avait fini par s'asseoir sur le bord de l'estrade, momentanément incertain que ses jambes puissent continuer à le porter, et tentant tant bien que mal de ravaler les larmes qui se coinçaient au fond de sa gorge. Il avait pris une grande inspiration, essuyé sa joue d'un revers de manche, mais pas trouvé le courage suffisant pour relever les yeux vers Joanne en reprenant la parole. Alors il n'avait pas vu non plus le regard déçu qu'elle lui avait jeté, tandis qu'elle lui rétorquait « Excuse-moi d'avoir voulu être honnête avec toi. » et rajoutait en guise de justification « J'estimais juste que tu avais le droit de savoir. » Le droit de savoir, le mensonge versus la vérité, comme si tout était soit blanc soit noir. « Parce que tu pensais vraiment que j'allais me sentir mieux, en sachant ça ? » Lui aussi s'était senti piqué au vif par sa réaction, même si au fond il savait que parler en se laissant guider par sa douleur était une mauvaise idée « Ou bien c'est juste que toi tu voulais te sentir mieux en soulageant ta conscience ? » Il ne savait pas s'il était injuste ou pas, au fond il pensait ce qu'il disait, même s'il savait qu'il aurait mieux valu ne rien dire. C'était fait, maintenant. « Parce que c'est ton droit ... mais ne viens pas me dire que tu fais ça pour moi, parce que je vois pas quoi que ce soit là-dedans qui puisse m'être un tant soit peu bénéfique. » C'était même tout le contraire. Ça lui donnait envie de hurler, de pleurer, ça lui donnait envie de mettre un terme à tout ça une bonne fois pour toute, et elle n'avait pas l'air d'avoir conscience du sel qu'elle versait sur ses plaies en pensant bien faire. « Je suppose que l'on a plus grand chose à se dire, alors. » Bien sûr que si, des choses à dire y'en avait des tas, parce qu'au fond tout cela ce n'était pas eux. La rancoeur, l'incompréhension, les reproches mutuellement balancés comme pour essayer de se délester d'un poids qui pourtant ne faiblissait pas ... ce n'était pas supposé être ça, eux deux.
Mais que faire, alors ? Il avait le mauvais rôle, celui du lâche, celui qui avait enterré leur mariage et piétiné leur bonheur, alors qu'était-il censé dire, après ça ? Il avait l'impression que rien de ce qu'il dirait n'effacerait ça, à part peut-être la réponse à cette question qui obsédait Joanne et qu'il refusait de donner ... Mais pourquoi faire ? Pour qu'elle se sente aussi mal que lui se sentait mal à cet instant, pour verser du sel sur leurs plaies à son tour ? Il ne voulait pas, il ne possédait pas le courage suffisant pour ça, pour faire comme elle et estimer que la vérité valait mieux que n'importe quel mensonge ou non-dit. Il n'avait pas le courage, et pas la force non plus. « Je ... Je voulais juste faire les choses bien. Ce n'était pas mon intention de te blesser, je ... je suis désolée. » Bien sur que ce n'était pas son intention, elle ne faisait jamais ce genre de choses intentionnellement, blesser quelqu'un. Mais ça ne changeait pas l'issue, ça ne changeait pas le coeur d'Hassan qui recommençait à saigner, et il n'avait pas moins de chagrin de savoir qu'elle était désolée. « Je devrais peut-être te laisser tranquille, je ... » A nouveau il avait passé une main sur son visage, tentant de trouver une contenance et de chasser les larmes qui à défaut de couler étaient venues rougir ses yeux. Elle n'avait pas encore compris, depuis la dernière fois, que s'il se braquait ce n'était pas par indifférence ou parce qu'il ne reconnaissait plus la Joanne, mais justement parce qu'il l'aimait encore trop, et que ça le bouffait de souffrir autant pour quelqu'un qu'il avait longtemps vue comme incapable de lui faire du mal ? « Tu te rends pas compte, Joanne. » Il avait vaguement secoué la tete, las, et vidé de toute l'énergie qu'il pensait encore posséder en dispensant son cours quelques minutes plus tot. Elle aussi baissait les yeux au lieu de le regarder, il venait de s'en rendre compte maintenant qu'il relevait la tête. C'était comme si ni l'un ni l'autre n'arrivaient à regarder en face le fiasco qu'était devenue leur relation. « C'est facile pour toi. Peu importe ce qui se passe, peu importe ce que je dis, tu vas rentrer chez toi ce soir et ça ira mieux. Parce que tu rangeras tout ça dans la case "vieux souvenirs" de ton esprit, et que si tu as un peu le blues tu auras ce type pour te dire qu'il t'aime, et que le reste c'est pas important. » Et comment voulait-elle qu'il encaisse ça sans broncher, d'être passé dans la catégorie des choses qui n'avaient pas d'importance ? Il ne pouvait pas faire ça, il essayait d'être raisonnable et de se rappeler que tout ça c'était à cause de lui, mais il ne pouvait pas. « Moi j'ai personne qui m'attend, j'ai que mes regrets et mon chien, et je sais que je l'ai mérité et que je peux m'en prendre qu'à moi-même, mais ... tu peux pas me reprocher d'essayer de me protéger. » Même si cela voulait dire attenter à la sacro-sainte quête de vérité et d'honnêteté qui semblait habiter Joanne. « Tout ça c'est de l'histoire ancienne pour toi. T'as avancé, t'es passée à autre chose ... moi pas. Alors peut-être que pour toi c'est juste une question d'honnêteté, de vouloir mettre les choses à plat, mais pour moi c'est un fardeau que j'ai toujours à peine la force de porter. » Et dieu sait qu'il n'avait pas la force de grand-chose ces temps-ci, au sens propre autant qu'au figuré. « C'est pas que je te reproche de faire preuve d'honnêteté ... c'est juste que je peux plus encaisser, Joanne, sinon je vais me noyer. » Mais elle qui voulait de l'honnêteté, au fond, elle était servie. Avec les états d'âme d'Hassan servis sur un plateau, plus à coeur ouvert qu'il n'était capable de l'être avec qui que ce soit d'autre. Ce n'était peut-être pas la vérité après laquelle elle courait, mais c'était une vérité parmi d'autres.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Hassan était d'un fatalisme sans nom. Tout était noir, en l'entendant. Elle se demandait ce qu'il avait pu vivre et traverser pour qu'il en soit à ce point là. Au point de ne plus croire en quoi que ce soit. Ce n'était plus le Hassan qu'elle avait rencontré à l'université et qu'elle avait épousé, non. Ca rendait Joanne profondément triste. Et puis, il se braquait, il rétorquait durement. Cela démunit complètement son ex-femme, qui, les yeux rougis et humidifiés par la peine, ne savait même plus quoi dire. Muette, elle écoutait chacun de ses mots, sans être capable de lui répondre quoi que ce soit. Si c'était l'effet voulu, il avait plus que réussi. Il avait réussi à la faire culpabiliser, à la faire se sentir moins que rien, alors qu'elle n'avait pas déjà une très haute estime d'elle. Joanne n'avait même plus la force de le regarder, et baisser ses iris bleus, regardant le parquet de l'amphithéâtre. Même ses excuses ne suffisaient pas, il avait toujours quelque chose à répliquer. Elle ne faisait plus attention à l'expression de son visage, au ton de sa voix. Chacun de ses mots devenait comme un couteau qu'il lui plantait. Comme une gamine qu'on sermonnait encore et encore. Elle comptait partir, elle le lui avait même dit. C'était facile pour elle, disait-elle. On en rirait jaune, mais la jeune femme n'avait pas l'âme à rire de quoi que ce soit. Elle le laissait parler, jusqu'à ce qu'il ait fini de déverser les quatre vérités, tous les reproches qu'il pouvait peut-être lui faire, se victimiser au possible. Il croyait que tout était tout rose pour son ex-femme, et il n'avait jamais eu aussi tort de sa vie. "C'est vraiment tout ce que tu penses de moi ?" demanda-t-elle d'une voix faible et tremblante. Elle levait difficilement ses yeux pour croiser son regard, profondément blessée. "Que je ne peux rien comprendre ? Que je ne peux pas savoir ce que c'est ?" Elle avait l'impression d'être la dernière des idiotes. Joanne haussa les épaules, peinant à trouver ses mots. "Tu crois que tout a été facile pour moi. C'est peut-être passé plus rapidement pour certaines raisons, mais la douleur reste la même." Son ton était neutre, mais triste. Aucunement accusateur. "Nous avons vécu les choses bien différemment." Elle, elle avait une fausse-couche à accepter à côté, aussi. "Tu crois que c'est facile de retomber sur son ex-mari alors que la nouvelle vie que l'on se construit devient tout juste stable ? Que si je me suis trouvée quelqu'un, ça veut forcément dire qu'on est complètement passé à autre chose ?" Il avait ses quatre vérités, à elle de certainement lui donner les siennes. "Comment peut-on véritablement pas avancer alors que l'on n'a aucun réponse aux questions qu'on peut se poser ? Tu penses vraiment que tout a été facile et évident pour moi ?" Elle soupira. "Oui, quelqu'un m'attend en rentrant. Mais ce quelqu'un crève de jalousie à la simple idée que nous nous sommes retrouvés par hasard." Hassan avait même été la raison d'une dispute plus que houleuse pour le jeune couple, les voix ne s'étaient jamais élevés ainsi. Elle ne voulait pas lui en parler, elle ne voulait pas non plus lui mentionner sa grossesse actuelle. Elle l'aurait bien aidé à remonter la pente, à faire en sorte qu'il parvienne à se reconstruire. Mais leurs rencontres l'épuisait et ne faisait que compliquer leur relation, qui était déjà bien bancale. Joanne ne savait plus quoi faire. "Si tu penses que je ne fais que te... noyer, alors que..." Elle reprit sa respiration, coupée à cause de ses sanglots. "Alors que... je voulais juste..." Non, les mots ne venaient toujours pas. Dès qu'elle essuyait ses joues mouillées par les larmes, elles s'humidifièrent à nouveau. "Nous ne devrions peut-être plus nous voir, si je t'empêche tant d'avancer comme tu le devrais." dit-elle presque à contre-coeur. Joanne aurait certainement apprécié qu'ils repartent d'un bon pied, qu'ils retrouvent un semblant de leur amitié passée. C'était douloureux au possible, mais la belle blonde ne voyait aucune autre issue possible. Elle ne savait plus quoi dire, ni quoi faire. Pour elle, c'était la seule option. "Si tu voulais me faire culpabiliser, ou me faire sentir mal ou faire ta revanche sur ce que j'ai pu te dire...eh bien... tu as réussi."Elle réenfila son manteau, chaque geste lui était difficile. Et elle commença à faire quelques pas en arrière. "Je te souhaite tout le bonheur du monde, Hassan, vraiment." dit-elle, en toute sincérité, avec un regard triste, avant qu'elle ne lui tourne le dos pour remonter les escaliers avec l'intention de quitter la salle, reprenant les sanglots de plus belle.