Dans le couloir en fuite, Siham adressait ses pensées à Jina, pour qu’elle puisse leur venir en aide, mais elle savait la sorcière sage et ancestrale dans une mission qui lui était propre : prendre soin de Greta, veiller à ce qu’elle soit de nouveau sur pied et rapidement. Jina n’avait pas la disponibilité pour guider Siham cette fois ci, elle devrait faire sans elle et cette idée lui faisait terriblement peur. La jeune sorcière regrettait d’avoir emmener Marley dans ce piège, elle regrettait de ne pas s’être suffisamment prémunie de ce qui pourrait les attendre en ces murs qui avaient été témoins des pires atrocités lors du siècle qui venait de passer. « Par ici ! » Là où Siham était rassurée, c’est que Marley semblait connaitre parfaitement ces lieux et qu’elle pouvait rapidement les guider là où leur objectif les attendait. Là où Siham était terrifiée, c’est que les esprits n’ont pas besoin d’ouvrir des portes ni de prendre les escaliers. Elle sursauta en entendant des cris qui se faisaient échos dans ces murs sans fin, dans ces couloirs sans fond, dans ce labyrinthe sans issue. « T'as entendu ça ? » qui ne l’aurait pas entendu ? La sorcière était même certaine que les passants dans la rue pourraient entendre ces cris à la mort. « J'sais pas ce que je veux entendre comme réponse... Soit t'as entendu et là c'est vraiment terrifiant, soit tu n'as rien entendu et c'est juste moi qui deviens folle... » Siham secoua la tête, Marley n’était pas folle, du moins, pas encore. « Non !» fit-elle objection dirimante « J’ai entendu aussi… c’est exactement ce qu’ils veulent que l’ont pense : nous faire croire que nous sommes folles. » Siham, sans plus attendre, repris le lead sur le parcours, voyant une porte dérobée et un symbole gravé sur celle-ci, indiquant la présence d’escalier, elle la poussa et s’infiltra dans la cage qui semblait mener au toit. Mais, elles avaient une longueur de retard, l’esprit les attendait en haut des marches. Il était laid, terrifiant, répugnant. Une cicatrice parcourait son visage à la vertical, laissant un œil aveugle, blanchit, fragile et l’autre était simplement absent. Ses lèvres ne se rejoignaient pas, ses jours tombaient et son front était interminable. « On a pas l’choix. » et même si le couteau de Marley n’y faisait rien, Siham lui pris des mains pour avoir l’air menaçante en le dirigeant vers le fantôme flottant devant eux. Il n’avait ni l’air apeuré, ni l’air contrarié, il ne riait pas non plus du ridicule de cette situation. « Ferme les yeux, il ne peut rien nous faire. » pas physiquement, en tout cas. Siham entraina la jeune femme avec elle, montant les dernières marches qui menaient au toit, l’esprit qui disparu au moment où elles l’avaient traversé. Un cri stridant leurs perça alors les oreilles. Siham, gênée se boucha les oreilles et mis un genoux à terre. « C’est insupportable. » le cri était si aigue qu’elle avait l’impression que ses tympans étaient percés. Le toit de cet immeuble était si grand qu’elle pensait qu’elles deviendraient folles avant d’avoir réussi à le trouver la plante.

« Non ! » Siham ne voulait pas entendre, elle ne voulait pas que Marley l’empêche de mener à bien sa quête par peur des esprits qui occupaient cet asile. Elle était déjà venu dans ces lieux, elle avait déjà vu ce dont il était capable, elle savait que cet homme borgne ne pouvait leur faire de mal. Elles devaient avant tout combattre leurs propres peurs. Il était hors de question pour Siham de faire demi tour ou de trouver un autre moyen de monter sur ce toit. Elle savait que plus vite elles trouveraient la plante lunaire, plus vite elles sortiraient d’ici et plus vite, elles seraient à l’abri. Arrivées sur le toit, Siham n’était pas la seul à entendre le cri, la réaction de Marley était similaire à la sienne et les deux jeunes femmes ne tiendraient pas longtemps dans ces conditions. Bientôt, l’une d’elle finirait par sauter par-dessus le toit pour en terminer avec cette insoutenable souffrance.  Siham guettait le rebord du toit, avec des larmes aux yeux, elle devait résister à l’appel. « Tiens ! Fais comme moi ! » elle n’osait pas retirer ses doigts de ses oreilles, elle regardait la jeune femme qui lui tendait des morceaux de tissus et remarqua qu’elle en avait glissé dans ses oreilles pour se protéger les tympans. Elle n’avait jamais vu ça auparavant. Elle introduit les morceaux de tissus dans ses oreilles qui atténuaient le bruit, c’était comme révolutionnaire. Marley devait faire breveter son invention et la vendre, sans doute que bon nombre de femmes dormiraient mieux ainsi aux côtés de leurs maris ronflants.
« Je prends les deux du fond, prends les deux suivantes. » Siham scrutait les toits et les cheminées qui en sortaient. Trouver l’absinthe n’allait pas être une mince affaire et se séparer était sans doute la meilleure façon d’aller le plus vite possible, mais c’était aussi la meilleure façon d’aller à leurs pertes. Siham était en accord pour dire qu’elles n’avaient pas de temps à perdre, mais pas à n’importe quel prix… La lynch était déjà partie, Siham resta quelques secondes à l’observer, elle était sur le point de suivre son instruction, quand, les cri s’arrêtèrent, laissant place à un chant agréable et berçant, elle se met à chanter également :
«  Écoute leur écho fou, une symphonie céleste,
Des pensées extravagantes, aux rêves déployés,
Dans leur valse unique, une essence qui manifeste,
La beauté de l'ailleurs, une autre réalité. »
Elle se dirige alors vers Marley, marchant sur ses pas, en sautillant. « Marley, chante. » et elle repris les paroles de la musique, un sourire angélique sur le visage, elle s’approchait du bord du toit.

 Siham avait changé complètement d’attitude. Sa crainte et sa méfiance avaient laissées place à la détente et la confiance. Comme si la malédiction n’existait plus, comme si le ciel était redevenu bleu et comme si le soleil réchauffait à nouveau sa peau. Toute cette obscurité avait laissé place à la lumière et qu’est ce que c’était agréable. Le toit de l’asile ressemblait à une prairie où la rivière s’écoulait paisiblement. Siham avait la profonde envie de se rafraichir et de faire un saut dans le cours d’eau. Elle s’en approchait, prête à y faire un plongeon. « Ne bouge pas ! » Elle se retournait vers son amie. « Regarde comme l’eau est belle. » elle souriait, faisant à nouveau un pas en direction de la rivière, prête à sauter… mais alors qu’elle avait mis ses mains en position pour le plongeon, elle sentie une force contre elle et la voilà à terre. Siham se retrouvait, le nez dans l’herbe, contrariée que son amie l’ait empêché de sauter. « Regarde-moi... » elle releva la tête, voyant cette eau claire et limpide si proche. Elle évitait Marley, comme une enfant qui boude et qui ignore. « REGARDE-MOI ! » Siham, surprise par le ton employé, finit tout de même par dévier son regard et fixer Marley. « Ils se jouent de nous Siham. Ne les écoute pas. » « regarde comme l’eau est claire Marley… » fit-elle sur un ton naïvement enfantin, suppliant de la laisser aller se baigner et elle ne compris pas pourquoi son amie était en train de la maintenir et de s’attacher avec elle. Liées par les poignets, les larmes coulaient sur les joues de Siham, elle ne contrôlait pas sa tristesse mais quand Marley se laissa tomber aux côtés de la sorcière, le chant n’était plus là, l’obscurité était de retour, la rivière avait laissé place au vide. « On ne va plus nulle part l'une sans l'autre. » Siham pris une grande inspiration et ferma les yeux un instant. « Merci Marley. » elle savait qu’elle venait de lui sauver la vie.
« L'herbe se languit à l'orient, là où l'ombre lunaire se révèle. Une seule d'entre vous pourra la cueillir, l'autre devra s'enfuir pour ne pas périr.» la voix… celle de Jina. Elle n’était plus certaine que ce soit vraiment elle qui s’adressait à la sorcière, mais cette voix n’avait rien de la folie qui occupait l’asile. « Il faut qu’on aille à l’Est. » elle se releva, tentant d’entrainer Marley pour l’aider à son tour. «  Quand on la trouvera… il faudra que tu me laisse la ceuillir pendant que toi, tu t’en iras. » Si Jina lui avait donné ce conseil, c’est qu’elles ne devaient prendre aucun risque à rester ensemble. « Séparée, nous serons en sécurité. » elle aurait sans doute du mal à le croire, mais il le fallait. « Crois moi Marley, toutes mes quêtes ont pu être menées à la fin grâce à Jina. » comment la chasseuse pouvait-elle réellement faire confiance en Siham alors qu’elle était à deux doigts de se jeter dans le vide ? Comment ne pas croire qu’elle était à nouveau possédée par un esprit malveillant ?

La folie guetait chaque instant Siham et si elle avait pu sortir de ses hallucinations, c’était grace a Marley qui l’avait ramener dans cette réalité. La réalité bien moins jolie et agréable que ce qu’elle venait de voir et ça lui avait donné un vent de nostalgie et une rage de vaincre encore plus folle. C’est pour ça qu’elle se battait, pour revoir les prairies en fleurs et l’energie du soleil. La puissance des rayon UV et le monde enchanté. Siham était convaincu que si le destin lui avait fait croisé les routes de Greta, Kai ou encore Marley, c’était pour une bonne raison. Tous étaient les clés de cette malédiction. Tous avaient a apporter leur pierre a l’edifice.
Sans transition, alors que Jina s’était enfin manifestée, Siham imposait leur direction, parce qu’elle savait que la sorcière sage ne se trompait jamais. Siham se demandait pourquoi Jina ne mettait pas elle-même fin a l’éclipse si elle avait tant de réponse à apporter et si elle savait comment s’y prendre. La sorcière comprenait l’opposition de Marley a ses demandes. Et d’un regard, il avait suffit a la convaincre. Marley avait su lire au plus profond de Siham.
Elles se dirigeaient bien vers l’est, Siham espérait de tout cœur que c’était bien la bonne direction et arrivées sur l’aile du bâtiment correspondant, elle scrutait, la rage au ventre. « Là ! » elle regarda là où Marley indiquait la plante. Siham était soulagée de cette nouvelle. Marley rompu le lien qui les unissaient pour leurs sécurités. « J’espère que tu ne te plantes pas… »« Jina ne se trompe jamais ! »
Elle adressa un dernier regard a Marley, la laissant s’en aller et a présent, elle se retrouvait seule sur ce toit pour cueillir les feuilles d’absinthe lunaire. Elle espérait pouvoir regagner la sortie et y retrouver Marley…