Le problème lorsqu'on est immortelle, c'est qu'il est aisé d'accumuler des rancunes durant des dizaines voire des centaines – ou des milliers, mais la vampire n'en est pas encore là – d'années. C'est la raison pour laquelle Eve met toujours un point d'honneur à venger les affronts qui lui sont faits, refusant qu'ils pourrissent son infinie existence en parasitant son esprit de et si ? À n'en douter, avoir essayé de la tuer en enfonçant un couteau dans son cœur glacé était un affront. Et avoir profité du fait qu'elle soit paralysée pour le faire rendait cet affront encore plus indigne. D'où la vengeance toute mesurée – évidemment – que la Daxson avait en tête... Le meurtre.

Si retrouver Lynch n'a pas été bien complexe, cette fois-ci Eve tient à s'assurer que cette l'humaine n'en réchappe pas. L'avoir attaquée dans un lieu découvert a été une erreur qui lui reste en travers de la gorge et qu'elle ne compte pas reproduire : aujourd'hui, c'est dans une forêt qu'elle compte la piéger. Prédatrice elle la suit d'abord en silence pour s'assurer qu'elle s'enfonce suffisamment dans la mangrove pour ne pas pouvoir en ressortir même lorsqu'elle remarquera sa présence. Puis, lorsqu'elle la sait prisonnière de ces grands arbres dont elle ne saura s'échapper même en courant, la vampire se permet d'être plus bruyante, se rapprochant tout en faisant craquer des branches sous ses pieds. Voir Lynch sursauter à en faire tomber ses affaires est jouissif, d'autant plus lorsqu'elle pointe son couteau vers elle comme si ce ridicule instrument allait suffire à la sauver. Pas cette fois. Cette fois il n'y aurait personne pour la sauver et la serveuse paierait d'avoir offensée plus puissante qu'elle. Le regard dardé sur sa proie, Eve fait un pas en avant, puis un autre, son visage se révélant à la lueur de la torche tenue par sa victime. « C'est impossible... » Les lèvres de la vampire s'étirent d'un fin sourire qui cache encore ses crocs aiguisés, comme pour lui laisser miroiter l'espoir qu'elles jouent à arme égale. « Tu es morte. » « Tu crois ? » minaude-t-elle, penchant légèrement la tête sur le côté d'un air mimant l'innocence tandis que sa proie recule comme si elle avait la moindre chance de lui échapper. Douce naïveté... « La prochaine fois que tu essaies de tuer une vampire, renseigne-toi sur les méthodes à employer. » Cette fois sa voix siffle l'air plus sèchement alors qu'elle fait un nouveau pas en avant. « Mais pour être honnête... Je doute que tu en aies à nouveau l'occasion. » Elle lui offre un nouveau sourire, révélant ses canines pointues qui ne rêvent que de transpercer à nouveau la métisse, puis s'approche rapidement d'elle pour saisir sa main armée du couteau. « Tu devrais arrêter de jouer avec ça. » Et si le ton qu'elle emploie est presque joueur, l'acte est cruel tandis qu'elle serre entre ses doigts ceux bien plus fragiles de Lynch. Juste pour qu'elle ait mal, qu'elle sente ses os souffrir et peut-être se briser, juste pour se venger.

Lire la peur dans les yeux de Lynch est jouissif, particulièrement maintenant que la vampire est certaine que l'autre ne s'en sortira pas. Elle s'en est assurée, refusant de prendre le risque d'être à nouveau interrompue dans son œuvre par une maudite sorcière qu'elle rêverait de voir agoniser sur un bucher. Il lui a fallu faire preuve de patience et suivre la serveuse dans l'ombre durant plusieurs jours, jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à ce qu'elle s'isole enfin dans cette mangrove qui sera le lieu de sa fin. Et là encore elle s'est montrée patiente, ne passant à l'action qu'une fois la pauvre humaine suffisamment enfoncée dans la forêt pour qu'elle ne puisse plus lui échapper. Maintenant que c'est fait... Elle a bien l'intention de s'amuser un peu avec elle. Elle pourrait se contenter de la tuer mais elle s'y refuse, considérant que ce n'est pas une vengeance suffisante. Non, l'immortelle n'en aurait pas assez même en sentant la vie s'échapper de son corps sous ses crocs aiguisés : elle compte lui faire regretter ses actes de la plus cruelle façon qui soit.

Lorsque Lynch la reconnaît parmi les arbres, seulement éclairée par la lumière de sa torche enflammée dirigée en direction de la vampire, elle s'accroche à l'idée qu'elle n'est qu'une vue de son esprit, un fantôme venu la hanter. Sans aucun doute, si Eve était réellement morte sous son poignard, elle l'aurait fait. Elle l'aurait poursuivie partout, tourmentée sans relâche où qu'elle aille et ne se serait pas arrêtée avant de la rendre complètement folle. C'est tout ce qui l'aurait intéressée : se venger. Et c'est bien ce qu'elle compte faire aujourd'hui, mais de façon plus... violente. Quitte à ne pas être qu'un souvenir, un fantôme au sourire cruel, elle ne va pas se priver d'utiliser sa force pour rappeler à Lynch ce qui la rend supérieure à la faible humain qu'elle est. S'approchant d'elle rapidement, elle saisit sa main armée d'un couteau et la serre fermement, souhaitant s'assurer non seulement qu'elle ne l'attaque pas avec mais aussi que chacune de ses phalanges la fasse souffrir. « Tu me fais mal. » Elle penche la tête sur le côté, feignant à nouveau l'innocence avec un sourire moqueur. « Oh mince... » Est-ce qu'elle se moque d'elle ? Bien évidemment. Le poignard de la serveuse finit par tomber par terre sous le regard satisfait de la vampire. « Je l'ai lâché. J'ai plus le couteau... » « Quelle bonne nouvelle, » murmure-t-elle comme une mère contentée par son enfant qui s'est pliée à ses exigences. Elle pose ses yeux cruels sur le visage de Lynch qui se tord de douleur, serrant un peu plus fort alors que ses yeux se remplissent de larmes qu'elle ne laisse pas encore couler. Ô, elle finira par les verser. Elle finira par supplier. « Je me mettrai plus en travers de ton chemin, j'te le promets. » « C'est trop tard, Marley, » souffle-t-elle d'un ton doucereux, utilisant pour la première – et la dernière – fois son prénom avec un amusement certain. La brune s'est déjà mis en travers de son chemin, deux fois. Elle ne lui en laissera pas l'occasion une troisième fois. Alors elle serre ses frêles doigts entre les siens de plus belle, ne s'arrêtant qu'une fois qu'elle a entendu le crac significatif d'un os se brisant. « Enfin, peut-être que si tu supplies assez, je t'achèverai plus vite, » suggère-t-elle, comme pour lui laisser un peu d'espoir sous la cruauté que renferment ses mots.

Rancunière et cruelle, Eve s’amuse bien trop de la souffrance de son ancienne collègue pour la prendre en pitié. Ô, elle peut lire toutes les émotions qui se bousculent dans son regard brillant, mais elle s’en moque. Ou plutôt, elle en tire une satisfaction évidente que traduit son sourire. Elle n’a même pas besoin de sortir ses crocs pour que la menace qu’elle représente soit claire : cette fois, elle ne laissera pas Lynch s’en sortir. C’est trop tard, bien trop tard : trop de fois elle l’a offensée, a foutu en l’air ses plans, lui a mis des bâtons dans les roues… Aujourd’hui elle doit payer. Payer pour ses affronts faits à l’immortelle, pour cette pathétique tentative de meurtre, pour s’être crue plus puissante qu’une vampire ayant vécu quatre fois sa misérable existence. Alors Eve brise ses fragiles doigts pour la ramener sur terre, lui rappeler qu’elle n’est qu’une humaine si facile à neutraliser. Son cri de douleur la fait sourire de plus belle et elle constate avec satisfaction qu’enfin ses yeux brillants laissent déferler de charmantes larmes. Elle ne l’épargnera pas, pas cette fois – elle n’aurait déjà pas dû le faire lors de leur première altercation au Nemrod. Mais elle aime lui faire croire que si elle supplie assez, sa souffrance sera moins de plus courte durée. Tiendra-t-elle parole ? Rien n’est moins sûr, en réalité.

Pourtant lorsque Lynch relève la tête vers elle, ce n'est pas pour supplier malgré toute la douleur qui transparaît de son visage crispé. Au lieu de ça, mue par une énergie que la vampire ne lui imaginait pas, elle lui assène un coup de tête qu'elle n'avait pas du tout anticipé. Sonnée pendant quelques secondes, l'immortelle relâche sans s'en rendre compte la pression qu'elle exerçait sur sa proie et reçoit en prime un coup de genou d'une telle force qu'elle en grogner de douleur. Cette fois Eve titube et lâche complètement les poignets de l'humaine qui en profite allègrement. La vampire lâche un nouveau cri lorsqu'elle sent quelque chose se planter dans son pied, réalisant trop tard qu'elle a laissé à sa cible l'occasion de récupérer son couteau et de s'en servir contre elle. Le temps qu'elle reprenne son souffle, Lynch est déjà en train de courir dans la direction opposée à son bourreau. Vers où ? Quelle importance – Eve ne compte de toute façon pas lui laisser le temps d'atteindre ne serait-ce que la lisière de la forêt. Alors elle s'accroupit pour retirer le couteau enfoncé dans sa chair dans un grognement agacé, avant de masser la zone de son crâne que la serveuse a frappé du sien. Garce. Elle va lui faire payer au centuple cet énième affront, elle se le promet.

Eve ne saurait dire si c'est grâce à ses propres capacités surhumaines, bien que diminuées par sa blessure au pied, qu'elle a pu rattraper sa proie si facilement, ou si c'est cette dernière qui est trop lente. Un peu des deux sans doute, mais le résultat est bien là : Lynch est juste là, à portée de main mais surtout à portée de coup. Alors la vampire fait un dernier effort pour lui bondir dessus et la faire tomber par terre. « Tu aurais dû me supplier, ça aurait été moins douloureux. » Et pour confirmer ses dires, voilà qu'elle plante dans sa cuisse le couteau dont elle a osé se servir contre elle. « Mais je commence à croire que tu aimes ça, » peste-t-elle. Debout au-dessus d'elle, elle la toise comme si elle n'était qu'une vermine avant, vicieuse, de mettre à exécution l'idée qui lui est venue pendant leur petite course. « Ta sœur au moins avait compris qu'elle ne pouvait pas lutter contre plus forte qu'elle. » Et sur ces mots qui ne sont que mensonges visant à la faire souffrir, elle se saisit du corps de Lynch pour la projeter contre l'arbre le plus proche.

Si elle ne la détestait pas tant, Eve trouverait sans doute l'instinct de survie de sa collègue comme admirable. Oser s'opposer tenir tête à une immortelle était déjà audacieux, mais alors lui mettre un coup de tête et l'attaquer avec un couteau... Pourrait-on qualifier cela de folie ? La vampire, elle, utiliserait plutôt le mot masochisme. Si elle lui a assuré que des supplications l'inciteront à l'achever plus vite, cette rébellion insolente ne lui donne envie que d'une chose : prolonger ses souffrances jusqu'à la forcer à supplier. Alors, une fois la serveuse rattrapée, elle n'hésite pas une seule seconde avant de l'envoyer valser sur le sol assez fort pour s'assurer que le choc soit violent – douloureux. Son cri de douleur lui prodigue une mince satisfaction, mais la cruelle immortelle n'a cependant pas l'intention de se contenter de si peu. Rancunière, elle enfonce dans la cuisse de l'humaine le couteau qu'elle a osé utiliser contre elle avant de tenter de s'enfuir. Cette fois, ce n'est pas un simple cri que pousse Lynch mais un hurlement qui glisse un sourire satisfait sur le visage de la vampire. Bien vite, l'hémoglobine se met à couler de la chair fraîche et ses effluves alléchantes ne tardent pas à titiller ses narines. Ses pupilles brillent d'une lueur inquiétante tandis qu'une idée lui vient alors. Celle de ne pas se contenter de la malmener physiquement mais de jouer aussi avec ses nerfs, son pauvre et pathétique cœur qui bat encore. Elle se souvient que Lynch a parlé de sa sœur qui est a été tuée, une corde sensible sur laquelle il est si aisé de jouer qu'elle ne s'en prive pas. Et lorsque sa parole lui vaut un regard plein de haine de la serveuse, Eve y répond en l'envoyant s'écraser contre un arbre un peu plus loin.

Puis elle la toise, condescendante, certaine de sa supériorité qui lui assure qu'elle peut broyer sans mal cette pitoyable humaine et s'assurer que plus jamais son palpitant ne fasse le moindre son. « T'es qu'une putain de menteuse ! » Malheureusement, le mensonge ne prend pas dans l'esprit de Lynch. Quel dommage. Qu'à cela ne tienne ! Elle ne manque pas d'idée pour lui faire mal, toujours plus mal. « T'es pitoyable. » Le fait que cette garce ne cesse de la provoquer, ne sachant taire son insolence déplacée, ne fait que décupler son désir de vengeance. « Tu te crois puissante mais à part contre des humains t'es incapable de te battre. » Elle continue, comme si elle ne comprenait pas la menace qui pèse sur elle à cet instant précis. Il faut croire les os brisés et le sang ne sont pas suffisants pour qu'elle réalise que provoquer plus forte que soi est dangereux... mortel. « En fait t'es qu'une faible et une lâche. » Foudroyant du regard Lynch, appréciant bien peu de telles insultes, l'immortelle franchit la distance qui la sépare de cette détestable personne et donne un coup de pied dans son abdomen. Puis elle inspire, cherchant à se calmer pour ne pas lui donner l'impression que les paroles d'une idiote comme elle ne l'atteigne. « La lâche, c'est celle qui a essayé de me poignarder alors que j'étais paralysée. » Une offense qui réclame une rédemption par le sang et la douleur, selon elle. Raison pour laquelle elle la punit d'un nouveau coup de pied, visant à présent les jambes. « Et malgré ça, tu n'as pas réussi à me tuer parce que tu es trop faible. » À elle de l'insulter, non sans la frapper une nouvelle fois. « Mais cette fois, ta ridicule copine la sorcière ne viendra pas t'aider et tu mourras comme tu aurais dû le faire la dernière fois : les os brisés, gémissant de douleur et baignant dans ton propre sang. » Un spectacle alléchant qu'elle décrit avec tout le dédain du monde dans la voix avant d'asséner un quatrième coup de pied à sa victime. « De nous deux, ce n'est pas moi qui est pitoyable mais celle qui gémit par terre. » Gémir est un euphémisme, pour tout dire.

Plus la serveuse parle et plus Eve, au lieu de sentir la moindre once d'empathie se frayer un chemin dans son esprit, sent grandir sa volonté de lui faire du mal. Cette idiote est-elle simplement stupide ou a-t-elle des penchants suicidaires, pour l'insulter de la sorte ? Elle ne voit pas d'autre explication, pas d'autre raison pour qu'elle la provoque ainsi malgré son évidente supériorité dans cet affrontement. C'est comme si elle ne réalisait pas que la vampire tenait entre ses doigts sa frêle et pathétique vie et pouvait y mettre fin en une poignée de secondes. Il lui suffirait d'une morsure pour que cesse son existence, Lynch serait la pire des imbéciles de ne pas s'en rendre compte alors qu'elle ne tient sur ses jambes que grâce à la force de l'immortelle. Mais au lieu de demander pardon, de supplier, ou d'au moins avoir la décence de baisser les yeux et de se taire, l'humaine choisit la carte de la provocation et continue son petit manège insensé. Sans pitié, Eve lui assène un premier coup de pied comme une sanction pour ses propos mais, à sa grande frustration, n'obtient en retour ni gémissement ni cri. « Tu avais essayé de me tuer ! » L'immortelle créature étire ses lèvres dans un sourire cruel. « Aujourd'hui je ne me contenterai pas d'essayer, » lui assure-t-elle dans un souffle, promesse que ce jour serait son dernier sur Terre. Lynch n'a que ce qu'elle mérite, à s'être dressée en travers de son chemin au lieu de se contenter de poursuivre sa pathétique existence de serveuse endeuillée. À avoir eu la folie de provoquer plus forte qu'elle et même d'essayer de la tuer, elle est à présent punie pour sa bêtise. Avoir voulu poignarder une vampire sans s'assurer qu'elle ne puisse jamais se relever est à n'en douter sa plus grave erreur, une infamie qu'Eve ne saurait pardonner même si l'autre se mettait soudainement à genoux pour la supplier. « Ce n'était pas mon but... » Les lèvres froides de la vampire laissent échapper un rire amer et moqueur face à ce mensonge éhonté. « Le but de m'enfoncer un couteau dans le cœur n'était pas de me tuer ? » répète-t-elle. « Pour quel genre d'idiote me prends-tu ? » Et pour cette insulte à son intelligence, elle la punit d'un énième coup de pied et la laisse s'écrouler par terre comme la misérable vermine qu'elle est.

Toisant avec mépris l'humaine, Eve devrait sans doute songer à l'achever. Mais pour l'instant, elle s'imprègne avec plaisir de ce spectacle sanglant, satisfaite d'avoir rappelé à cette misérable idiote quelle était sa place dans ce monde. Elle est aux pieds d'êtres plus puissants, d'êtres supérieurs voués à exterminer les gens comme elle si tel est leur désir, d'êtres qui réclament vengeance. Le regard larmoyant que Lynch relève vers elle ne l'émeut pas car elle considère qu'elle n'a que ce qu'elle mérite : une fin dans la douleur. « Banque de sang. Je serai ta banque de sang ! » Cette fois, c'est un sourcil étonné que l'immortelle lève en réponse à cette main ensanglantée tendue vers elle et cette proposition pour le moins étonnante. Immobile quelques secondes, comme si elle réfléchissait à une réponse déjà toute trouvée, l'immortelle détaille le visage déformée par la peur de sa collègue. Qu'elle soit suppliante lui plaît bien plus que son attitude provocante, faisant sourire l'immortelle. « Je vois que tu comprends enfin quelle est ta place. » S'accroupissant à la hauteur de la serveuse, elle se saisit d'abord du couteau enfoncé dans sa cuisse pour le retirer sans douceur et le jeter plusieurs mètres plus loin, comme une précaution qui lui offre la satisfaction d'un nouveau cri de douleur. Puis c'est son bras qu'elle saisit, le tournant pour que sa face inférieure lui soit plus accessible. « Si tu y tiens tant que ça, je peux t'accorder ce plaisir... » Enfonçant alors ses crocs dans l'avant-bras de l'humaine, elle s'abreuve un peu, mais pas suffisamment pour qu'elle tourne de l'œil et échappe à ce qui va suivre. Lorsqu'elle retire ses canines de la chair fraîche et pose à nouveau ses yeux sur le visage de sa victime, l'espoir qu'elle croit y lire fait naître sur ses lèvres un sourire moqueur. Ravie de constater que son petit manège fonctionne, elle glisse sa main glacée sur la joue de Lynch avec un semblant de douceur puis, plus fermement, maintient le visage de cette dernière.« Oh chérie, je peux trouver tellement mieux que toi... » Ses ongles s'enfoncent dans sa peau pour s'assurer qu'elle ne s'endorme pas avant d'avoir entendu tout ce qu'elle a à lui dire. « Et je préfère tuer chaque membre de ta pathétique espèce que me contenter d'une seule idiote. » Elle l'assure sans ciller, son regard ancré dans celui de l'humaine. Elle veut y voir une dernière lueur de terreur avant de s'assurer qu'il ne brille plus jamais.

Chaque cri que pousse sa victime emplit Eve d'une satisfaction sadique, abreuvant sa soif de vengeance qui semble cependant intarissable. Elle veut plus. Elle veut lui faire mal, si mal qu'elle la supplie de l'achever. Elle veut qu'elle regrette même d'avoir vu le jour tant elle souffrira pour s'être opposée à elle et avoir cru qu'il était judicieux de provoquer une immortelle ayant l'éternité pour la torturer. Et cette lueur démente dans les yeux, celle n'exprimant que rage et cruauté, Marley ne peut passer à côté. Sent-elle que c'est la fin ? Que c'est sa fin ? Qu'elle n'y échappera pas, quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse ? Ou est-elle encore assez idiote, assez naïve, pour croire qu'elle verra à nouveau le Soleil se lever ?

Le fait que l'humaine lui tende son bras et lui propose de devenir son garde-manger laisse à croire que oui. Qu'elle pense pouvoir s'en sortir, ce qui surprend la vampire au point que son regard trahisse son étonnement. Lynch sera passée par toutes les stratégies possibles et imaginables pour tenter d'obtenir sa grâce. En vain, même si elle ne semble pas encore s'en rendre compte. Elle pense sûrement son offre attrayante, s'imaginant qu'une buveuse de sang ne pourrait dire non à l'opportunité d'avoir une humaine à son service pour s'abreuver quand bon lui semble. Il est vrai que certain·es de ses congénères fonctionnent ainsi, ayant sélectionné quelques humain·es trié·es sur le volet pour se nourrir de leur hémoglobine jusqu'à s'en lasser et en trouver d'autres. Mais ce n'est pas son cas : elle a toujours préféré le renouveau et, surtout, le meurtre.

Pourtant, Eve trouve l'idée de feindre d'envisager l'offre de l'humaine bien plus amusante que briser tout de suite ses espoirs. Alors elle s'accroupit à ses côtés avec un sourire, avant de retirer de sa cuisse le couteau qui s'y trouvait. Les effluves d'hémoglobine qui imprégnaient déjà l'air ne font que se renforcer alors que le liquide poisseux et s'échappe à nouveau de la chair fraîche, tâchant de carmin leurs vêtements sans que cela ne dérange l'immortelle. Cela ne fait qu'ouvrir son appétit qui l'incite à attraper fermement le bras de Lynch pour y planter ses canines aiguisés. Cela ne dure pas longtemps, juste assez pour qu'Eve goûte au sang de la misérable humaine et que cette dernière s'accroche à l'espoir de survivre un jour de plus en tant que garde-manger. Puis Eve se redresse et, reprenant peu à peu son attitude hautaine et surtout son air cruel, force la serveuse à la regarder. Ses doigts glacés encadrent son visage trempé de larmes et le malmènent assez pour s'assurer d'avoir sa pleine et entière attention. Elle se moque d'elle, souhaitant que sa raillerie soit entendue avant que l'autre ne passe de l'autre côté. Il ne lui reste pas plus de quelques minutes alors autant en profiter pour la rabaisser une dernière fois, lui rappeler que si elle meurt c'est parce qu'elle est faible et remplaçable comme le sont tou·tes les humain·es. L'immortelle est méprisante, ayant forgé sa cruauté à partir de celle des hommes et des femmes qui l'ont condamnée et ont souhaité la tuer lorsque son cœur battait encore. Maintenant il est immobile et froid dans sa cage thoracique et ce n'est pas un mal : elle ne s'est jamais sentie aussi vivante que depuis sa transformation. Lynch peut l'insulter, mais la vampire sait que ce ne sont pas les crocs pointus, le palpitant gelé et les sens aiguisés qui font réellement le monstre. Les monstres règnent au sein de l'humanité qui se clame si pure et elle, forte de sa condition et cruelle à n'en douter, n'hésitera pas à les tuer un par un si l'envie lui prend. « Mon seul regret sera de ne pas être là le jour où tu tomberas. » Un rire froid s'échappe des lèvres de l'immortelle qui resserre l'emprise de ses doigts sur les joues de Lynch. « Vous tomberez avant nous, » siffle-t-elle d'une voix moqueuse avant d'enfoncer ses crocs une dernière fois dans le corps si faible de l'humaine. Dans le cou, cette fois, à partir duquel elle s'abreuvera jusqu'à plus soif. Elle laissera ensuite la pathétique serveuse croupir ici, retournant chez elle le ventre plein et, surtout, l'esprit plus léger d'enfin s'être vengée.