« Il faut au moins que tu fasses une apparence. » Il eut un soupir, levant les yeux au ciel. En réponse, Maya vint lui frapper l’avant-bras avant de faire glisser le carton d’invitation sur son bureau. L’un des cabinets d’architecte de la ville avait invité tout le gratin à participer à une soirée d’Halloween. L’occasion se voulait parfaite avec le dossier qui était devenu public, Arthur pourrait prendre la température tout en profitant du buffet. Il n’avait aucune envie de s’y rendre, mais Maya n’allait pas lui laisser le choix. « Si tu m’imposes un autre costume ridicule, j’vais commencer à me vexer. » Elle eut un rire qui lui décocha un sourire. Pas de déguisement, mais Arthur avait encore son dentier de vampire dans la voiture et la cape qu’il avait utilisé avec les gamins la veille. « Comte Dracula, c’est pas mal non ? » Et bien sûr que son assistante éclata de rire. « C’est parfait pour ta réputation. » - « Tu sous-entends que j'ai un coeur de pierre ? » Il n’allait pas obtenir de réponses, elle était déjà partie, en lui rappelant de se rendre à la soirée.

Alors, il était là, dans cette salle de réunion redécorée pour l’occasion, entouré de gens qu’il devait prétendre apprécier. Arthur pouvait sentir son impatience grandir, il allait sûrement devoir se rendre à une réunion après tout cela. Pour le moment, il entretenait la conversation avec l’un des architectes de chez Walker Group. L’homme s’avérait assez bavard, ce qui arrangeait bien ses affaires. Arthur était à deux doigts de sortir son téléphone pour mettre en route la fonction dictaphone, mais préférait se concentrer sur tout ce que l’autre avait à dire. Il l’aidait à renchérir, mais l’homme fut appelé ailleurs et Arthur perdit patience.

Heureusement, les cocktails venaient d’être amenés sur la table du buffet, et même s’il n’était pas censé consommer d’alcool, il allait faire une exception. Observant les différents verres décorer par quelques brochettes de bonbons, il se décida pour un verre teinté de bleu. Buvant une première gorgée, il en prit une seconde avant de grimacer. « Sérieux de la flotte teintée ?! » Il entendit un éclat de rire derrière lui et se tourna pour se retrouver face à une brunette qui cherchait à cacher son rire derrière sa main. « Wow trop drôle ! » Arthur n’avait aucun sens de l’humour parfois, mais il finit par rire nerveusement. « Fallait au moins mettre ça sous le nez du patron. » Parce qu’il savait jouer des farces lui aussi. « Que ce soit un peu plus intéressant, non ? » Il lui offrit un autre sourire, un peu plus charmeur.

Il venait de se faire avoir comme un débutant. Un verre coloré et il avait pris cela pour un cocktail duquel il allait pouvoir se délecter. Au final, il n’avait eu le droit qu’à de l’eau fade. Un verre d’eau tout simplement. Pas même un sirop sucré à l’intérieur, mais juste quelque chose de coloré. Arthur ne trouvait pas cela extrêmement drôle, mais la demoiselle à l’initiative de la petite farce semblait bien se marrer. « De la flotte teintée, certes, mais vous êtes quand même entré dans le panneau ! » Il leva les yeux au ciel que peut impressionner par les paroles de la demoiselle. « Vous pourrez au moins vous vanter de cela. » Il n’allait tout de même pas lui accorder bien plus d’importance. Il aurait été cent fois plus drôle que de joue la blague sur les grandes pontes présent dans la pièce ce soir. « Un patron peut toujours tomber dessus, j'ai éparpillé mes cocktails » - « Vicieuse en plus de cela. » Elle pourrait presque lui plaire. « Après, suivant l'état d'ébriété des gens au moment où ils attraperont les verres piégés... Je ne suis pas sûre que tout le monde réagisse. » Elle ne devrait pas autant douter de son idée. « Une personne bourrée qui cherche un peu plus d’alcool et tombe sur de l’eau ? Au mieux, il va croire que l’eau est bénite, au pire, il va péter son câble. » Il haussa les épaules observant à son tour les réactions de chacun. Mais pour le moment, les petits groupes paraissaient bien trop occuper à discuter entre eux. « Je vous promets que celui-ci aura goût de rhum. Et sans doute de beaucoup trop de sucre, ils se lâchent dessus les barmaids qu'ils ont recrutées ! » Relevant les yeux vers la jeune femme, il lui offrir un sourire toute canines, en plastique, dehors. « Merci bien ! » Il n’allait pas lui en vouloir indéfiniment.

Mais tout de même, Arthur avait à cœur de se venger. Il était bon joueur et avait établi son lot de farces par le passé. Sa petite sœur en avait souvent été la victime, même Greta avait eu le droit à son lot de petite frayeur à l’époque où ils vivaient dans le même appartement. Il n’avait pas l’intention de ruiner la soirée, simplement d’aller taquiner la brune qui l’avait repéré. Heureusement, la salle était décorée pour l’occasion, des chauves-souris en plastique pendaient au plafond, des crucifix ont été exposés sur les murs, et même un joli crâne servait comme bol à chips. Mais ce qui avait attiré l’attention d’Arthur restait les différentes araignées en plastique. Si les petites chauves-souris se voulaient convaincante, certaines araignées paraissaient presque réelles. Il ne lui restait plus qu’à utiliser l’une d’entre elle, pour faire une sacrée frayeur à la demoiselle dont il ne connaissait toujours pas le nom. Il prit son temps avant de se glisser vers elle, écoutant d’une oreille sa conversation. L’araignée entre ses doigts se voulant un peu collante, mais parfaitement noire. Juste ce qu’il fallait pour la glisser dans sa chevelure, l’air de rien, alors qu’elle était trop occupée à discuter. Il prétendit s’emmêler sur ses propres pieds, s’excusant ainsi facilement. « Il faut que l’on arrête de se croiser ainsi. » Arthur ne se défaisait jamais de son charme hypnotique pour noyer le poisson. Il essayait de ne pas rire en la voyant déambuler avec sa petite araignée presque sur l’épaule. Jusqu’à ce qu’une autre femme semble remarquer l’animal sur la brune et se mette à pointer du doigt presque nerveusement. « Noor, t’as…. T’as un truc dans les cheveux. » Il en était persuadé, la panique générale allait commencer et Arthur allait pouvoir bien se marrer.

C’est comme s’il avait oublié la raison principale de sa venue à cette soirée. Arthur venait d’entrer dans le jeu de la brunette comme s’il n’avait pas des conversations sérieuses à entretenir et une réputation à sauvegarder. En réalité, Arthur s’était toujours fichu de ce genre d’événement où chacun s’entraînait à des rondes de jambe plus acrobatiques les uns que les autres dans le simple but de se faire apprécier par un groupe de patron qui paraissait perdurer dans le temps comme si la vieillesse ne pouvait les atteindre. Heureusement, ce soir, seuls les jeunes semblaient avoir répondu à l’invitation, quelques-uns jouant la carte du déguisement comme Arthur l’avait fait avec sa maigre représentation d’un vampire. En attendant, à défaut de pouvoir contrôler une horde de chauves-souris pour effrayer la demoiselle, il avait eu recours à la bonne vieille araignée en plastique. Cela avait au moins eu don d’effrayer la collègue de la brune. La fameuse Noor, en tout cas, se dirigea vers lui d’un pas déterminé. « Bien joué cher monsieur ! Je vois que la vengeance est un plat qui se mange froid avec vous » Il eut un rire amusé. « Saupoudré d’ail même. » Pour la blague, en rapport avec son costume. Elle n’avait pas l’air convaincu, le public était dur à satisfaire ce soir.

« J'espère que vous travaillez seul, ou que vos collègues ont un solide sens de l'humour ! » Une nouvelle fois, il haussa des épaules. « Je suis réputé pour être un patron avec un cœur de pierre. » Après tout, c’est bien ce que Maya avait sous-entendu tout à l’heure. « Mais personne ne s’en est jamais plaint. » Ou tout du moins, jamais aucune plainte n’étaient remontées jusqu’à lui. Et ce n’est pas comme s’il se souciait du reste. Après tout, Arthur avait accepté le poste simplement pour faire plaisir à son père. « Vous jouez dans quel camp ? » Qui pouvait-elle bien représenter parmi tous ceux qui avaient été invités à cette petite sauterie ? « Est-ce que je peux vous offrir un verre ? »[/color] Il n’oubliait pas ses manières après tout. « Pas d’eau bénite, promis. » Mon Dieu, avait-il perdu le coup ? En réalité, il avait simplement à cœur de s’amuser, le boulot déjà bien oublier.

« Je vous imaginais plus l'employé qui arrive en retard et a toujours une idée de blague pour relever l'ambiance de l'open space. Ou pour l'empirer et en rire » Est-ce qu’il avait réellement la tête d’un employé ? Il était déguisé certes, de manière légère, mais le costume qu’il portait sur lui valait plus que le salaire de la demoiselle. Ou peut-être que la montre à son poignet était un indice, mais elle ne semblait pas être une fine connaisseuse. « Non, je préfère me venger en général. » Une fois encore, il lui adressa un sourire charmeur. « Je m'appelle Noor et je suis architecte » Il vint serrer la main qu’elle lui tendit. « Je fais partie des employés qui râlent sur leurs patrons ! » Il eut un rire amusé. « Arthur Coventry. » Avait-il besoin d’en dire plus lorsque la société familiale portait donc, littéralement, son nom. « Je suis le patron qui aime bien savoir ce que disent les employés. » Il était assez jeune pour passer pour l’un d’entre eux, cela aidait parfois dans les conversations.

« Je préfère encore l'eau bénite au sang, mais je prends n'importe quel cocktail à base de tequila si c'est en stock. » Elle avait au moins joué le jeu de sa petite référence vampirique. Ce n’était pas grand-chose, mais il n’était au moins pas le seul à comprendre son identification à Dracula. « Le déguisement de vampire, c'est pour effrayer un peu plus vos employés en les laissant penser que vous allez être sur leur dos nuit et jour ? » - « Non juste un kink sur Lestat. » Il dut se retenir d’éclater de rire face à l’air étonné de la jeune femme. « Je plaisante, mais on m’avait vendu un peu d’hémoglobine et une soirée d’Halloween. » Il haussa les épaules. « L’idée est en fait de mon assistante, elle trouvait ça drôle l’idée des canines. » Et il venait de se débarrasser de l’accessoire de chauve-souris à l’instant pour le glisser dans sa poche.

Il aurait fait durer la conversation avec plaisir, même pour discuter eau bénite ou homme surnaturel qui craigne le soleil, mais un autre patron vint l’interpeller, jetant un regard désagréable vers Noor, qui paraissait le gêner. « Noor, ce fut un plaisir de vous rencontrer. » Il lui adressa un sourire, lui faisant comprendre qu’il n’aurait pas le choix que d’aller se mêler aux autres. « On se recroisera. » Il en était certain.