« Je suis si fatiguée. » Siham aussi était fatiguée, épuisée de sans cesse devoir partir à la recherche de nouvelles provisions ou de quoi remplir leur pharmacie. Parce qu’elles se blessaient souvent, qu’il était facile de s’écorcher, de se griffer ou encore de se heurter, que dans la précipitation et avec la fatigue, tous les gestes étaient bien moins contrôlés et dans ce désastre chaotique, les risques étaient multipliés par milles. Tout était fait en sorte pour leur mettre des battons dans les roues. Mais elles n’avaient pas d’autres choix que de s’accrocher et continuer chaque jour leurs rondes. Parfois, elles s’accordaient une pause, quand elles trouvaient de quoi tenir quelques jours mais elles savaient que baisser leur garde ne les aidait pas. La dernière fois qu’elles avaient manqués de vigilance, en ne surveillant pas leurs stocks, elles avaient tout perdu, on leur avait dérobé. « Dès qu’on a fini, on ira se reposer. » se voulait-elle rassurante, mais pour autant, il fallait poursuivre, pour l’instant, elles étaient bredouilles.
Avançant à pas de loups dans cette vaste ville, les deux jeunes femmes tentaient d’être discrète, de ne faire le moins de bruit possible. « On trouvera peut-être quelque chose là-dedans. » Siham regardait la vitrine du magasin, des milliers de personnes étaient sans doute déjà passées par là avant elle, mais pourquoi pas, qui ne tente rien n’a rien. Siham tenait le revolver qu’elle avait trouvé la veille, s’assurant qu’il était bien chargé, elle avait la main sur la cross et l’autre sur le canon. Ce dernier qu’elle lacha rapidement pour venir mettre sa main devant son nez et sa bouche, l’odeur qui s’échappait de l’endroit était nauséabonde. « Putain mais qu'est-ce que c'est ? Un loup ? Un renard ? C'est quoi cette merde ? » Siham avait déjà senti des choses horribles ces derniers temps, mais ça, c’était une première. Elle s’approchait, par une curiosité mal placée et morbide, elle observa les entrailles de l’animal dont la queue ressemblait à celle d’un loup. Etrange pour le pays des kangourous et des koalas. « On ferait mieux d’avancer. » de s’éloigner au mieux de cette bête et donc, de l’odeur qu’elle dégageait. Siham était dégoutée de voir qu’une des mouches qui rodait autour venait de se poser sur sa main. « Dégage, toi ! » elle la chassa en secouant son pistolet.
Dans les rayons déjà bien dévalisés, il ne restait quasiment plus rien. « que des trucs périmés et moisis… » forcément, les conserves et les produits impérissables avaient tous disparus. Elle continuait, faisant attention à ne pas marcher sur des objets ou des choses qui pourraient faire du bruit, elle s’arrêta en fixant le sol. Quelque chose semblait être caché en dessous d’un sac de farine pulvérisé. Elle se baissa et après avoir chassé d’un geste de la main la poudre blanche, un sourire s’afficha sur son visage. « Regarde, c’est Britney ! » elle aggripa le poster et l’agitait au-dessus de sa tête, comme un drapeau. Elle avait l’impression d’avoir fait un bond de 15 ans en arrière. Siham laissa rapidement tomber l’affiche au sol et repris son investigation. Elle retournait près de Marley. « On arrive trop tard. » comme c’était le cas à chaque fois, toujours trop tard. « J’crois qu’on devrait arrêter de scruter les magasins du quartier, faut qu’on change de technique… » elle parlait à voix basse, toujours dans la crainte d’attirer l’attention. « Les habitations… » elles avaient déjà eu cette conversation, Marley avait toujours rejeté la proposition. « Je sais que tu veux pas rentrer chez les gens, mais faut s’rendre à l’évidence, y a plus rien ici. » elle employait un ton presque suppliant. « On fera super gaffe ! » et puis, si elle refusait d’y aller avec elle… « j’irai toute seule si tu viens pas. » parce qu’elle refusait de mourir de faim après tout ça.

En chassant la mouche, Siham n’avait pas mesuré l’importance de ses mots. Se retrouvant nez à nez avec le canon de l’arme de Marley lui avait fait tout drôle, elle avait fait les gros yeux et d’un signe de la tête, s’était excusée. « Putain Si' » elle fronça les sourcils, rassurée quand la jeune femme ne pointait plus son arme vers elle.
Elles avaient ratissée tout le quartier, elles avaient même été bien au-delà des secteurs qu’elles connaissaient par cœur. Chaque fois, obligées d’explorer de nouvelles zones, maintenant que tous les commerces avaient été pillés, tout était quadrillé, elles n’avaient plus d’autres choix. Siham voulait trouver les arguments nécessaires et jusqu’à présent, elle avait écouté Marley, mais cette fois, c’est elle qui allait devoir s’imposer.
Dans tous les immeubles qui les entouraient, elles trouveraient forcément des logements qui avaient été abandonnés par des familles et qui n’ont pas encore été visités. Elles trouveraient forcément des boites de conserves. Siham était prête à manger de la pâtée pour chat s’il le fallait, ça ne pouvait pas les tuer et c’était des protéines avant tout. Il y a bien longtemps qu’elle avait appris à ne plus jamais faire la fine bouche. Elle estimait que c’était toujours mieux que de mourir de faim et mieux que de manger des cadavres d’animaux mort dans des circonstances inconnues et macabres.
Elles étaient arrivées à un tournant cruciale de leur nouvelle vie. Elles allaient devoir sortir des sentiers battues. Siham avait été obligée de jouer sur la corde sensible, la culpabilité de Marley, parce qu’elles s’étaient promis de ne jamais se séparer, de ne jamais se quitter et c’était même valable quand elles allaient au petit coin. Alors laisser Siham aller chercher de la nourriture et des vivres en tout genre, seule dans des immeubles relevait du suicide. Car si Siham était seule à l’intérieur, Marley était seule à l’extérieur. « Et tu fais quoi si y a des gens ? » Même si on avait appris à Siham de ne jamais écouter aux portes, au moindre de doute, il était évident qu’elle n’y entrerait pas. « Je ne fais que passer, vous embêtez pas, je vous prendre une ou deux boîtes de conserve et je file. Hop hop hop. » ça se passait de commentaire. « On s’assurera qu’il y a personne. » et elles seront jamais vraiment sure de toutes façons… « au moindre bruit, on entre pas. » parce qu’il pouvait non seulement être question de personnes, comme elles deux, mais aussi d’un zombie qui rode dans le coin mais de ce dernier, elles n’en étaient à l’abri, nulle part. « Tu feras quoi s'il y a un gamin et qu'il se met à hurler ? Tu lui tireras une balle dans le front ? ». Marley était tout de suite dramatique. Il est pas question de gamin, de balle dans la tête de qui que ce soit. Elle s’éloignait, grinçant des dents, elle avait besoin de mesurer le risque réel et d’être à distance pour éviter d’en mettre une à Siham, surement. « Tu sais que j'te laisserai pas y aller seule. » et c’est pour cette raison qu’elles avançaient ensemble depuis le début. Siham fit un petit pas sautillé sur place et se précipita vers Marley pour l’embrasser sur la joue. « J’te promet qu’on fera super gaffe, j’te promet qu’aucun gosse ne prendra une balle dans la tête. »
Siham sortie de la boutique, s’assurant que son amie la suivait bien et en prenant soin de contourner au maximum le loup, toujours à terre. Une fois dehors, elle observait autour d’elle, tant de possibilité, tant de nouveaux terrain de chasse. « Aller, j’te laisse choisir… droite ou gauche ? » elle ressentait une nouvelle forme d’excitation en elle, tout en étant aussi terrifiée que Marley de s’introduire chez des gens. Elles allaient être confrontée à des passifs, des histoires de vie, des souvenirs. Elles allaient voir des photos, des objets avec des histoires, peut être même des corps inertes, des dépouilles déchiquetées. Et ce ne serait pas l’œuvre de bêtes sauvages, la légendes des loups ne leurs faisaient même plus peur à ce niveau-là.
Marley ne semblant pas vouloir se décider, Siham allait finalement trancher quand, son attention fu attirée par un bruit provenant de la droite. « Marley ! » elle tira son amie par le bras et l’obligeait alors à s’introduire dans un batiment, à gauche. « fais pas d’bruit… » sous la poitrine de la jeune femme, elle sentait son cœur tambourinait, elle ne se ferait jamais à la présence de ces zombis dans le coin.

Marlay maniait bien mieux les armes que Siham. Elle visait toujours très bien, elle ne loupait presque jamais sa cible. Et Siham ne fu pas surprise de voir cette balle se loger directement dans le crâne du zombi, cervelle explosé, il s’effondra par terre, son bras droit bougeait toujours mais comme s’il s’agissait de reflex. Bientôt, il était totalement immobilisé à terre, il n’était plus une menace. Par contre, la détonation du revolver elle, avait pu faire des dégats. Le bruit attirait toujours ces morts vivants, mangeurs de chair fraiche et souvent, si un zombie se promenait en ville, un autre devait être pas loin. Un train peut en cacher un autre, un zombie en cache souvent bien d’autres… ils sont solitaires dans leur agissement, mais toujours en groupe, telle une meute. « Viens » Siham se laissait guider, tirée par la main par son amie, elle était frustrée de ne pas déjà être dans un appartement, à vider les placards et s’en mettre plein le sac. Puis Marley s’arrêté juste devant la porte d’entrée d’un immeuble. Siham reprenait sa respiration. « On commence par le haut et on redescend. » elle leva les yeux en l’air, monter pour redescendre, ça allait sans doute leur couper les jambes et les poumons, mais c’était plus sur cette technique allait leur permettre de mettre de la distance avec des zombis.
Empruntant les cages d’escalier vides, sans bruit à l’interieur, la voie était libre. Marley avait l’air de monter ces sept étages avec facilité, quand Siham franchi la dernière marche, elle avait l’impression qu’elle pourrait s’écrouler sur le dernier palier. Marley était même déjà prête à entrer dans un appartement, l’oreille collée à la porte. « Je crois que c'est bon. » Siham posa sa main sur son épaule. « Att… Attends ! deux … minutes. » sa paume sur sa poitrine, elle mesurait ses pulsation et se faisait peur à elle-même. Une fois ses esprits repris, elle fit un signe de la tête à Marley, revolver en joue, Siham tournait la poignée de la porte, la poussa doucement. Aucun bruit à l’interieur. Elle s’introduit alors dans le logement, doucement et faisait pièce après pièce, aucun corps, aucun zombie, personne en vie non plus.
Siham trouva rapidement la cuisine et ouvrit tous les placards. « Marley, personne n’est jamais venu ici, regarde ! » elle sortie une boite de ravioli et la balança à son ami. « Ce soir, c’est ta fête ! » elle sourit, sautillait sur place, vidait le placard et remplissait son sac à dos. « J’crois qu’on pourrait dormir ici ce soir, Marley… » elle savait qu’elle en demandait trop à son ami, mais en étant dans cet appartement, elle avait presque l’impression d’être à l’hotel.

« Quand on sera à la campagne, je nous ferai un programme de sport. » Siham hocha la tête, pourtant persuadée qu’elles n’arrêtaient pas de faire du sport depuis que tout avait commencer. “Tu vois, aller dans les immeubles, ca a du bon pour mon cardio!” et ses muscles sans doute. Mais qu’est ce qu’elle rêvait d’une séance de sport normale, en détente, comme avant. Comme quand elle allait faire ses cours de boxe. Siham n’avait jamais aimé courir, jamais aimé grimper partout, et là, elle était bien servie.

Alors que Siham était toute excitée de trouver à manger, des choses qu’elle aurait refusé avant, mais à présent, elle avait l’impression qu’elles en feraient un festin. Elle pourrait tout dévorer, tellement elle avait une faim de loup.  C’était jour de fête et c’était comme si, elles allaient pouvoir faire la fête pendant des jours et des jours. « Doucement Si' » elle leva les yeux au ciel tout en hochant la tête. Marley avait raison de la rappeler à l’ordre et elle se calmait, baissa d’un ton, maman louve qu'elle était. Elle espérait qu’elle allait accepter de dormir là, l’appartement était de toute évidence inhabité, il avait été laissé à l’abandon et la Fowler était persuadée qu’elles ne risquaient rien à y passer quelques heures. Elle ne voulait pas qu'elles passent la nuit sous la pleine lune.  Son regard était insistant, jusqu’à ce que Marley décide enfin à lui faire face pour lui répondre. « D'accord mais seulement cette nuit. » Siham sourit et n’eut pas le temps de répondre ou de faire foi de sa joie que Marley était déjà repartie dans une autre pièce.
Siham continuait de remplir son sac et avait même trouvé du chocolat, elle n’avait pas pu s’empêcher de l’ouvrir pour y croquer dedans, mais au moment d’approcher la sucrerie de sa bouche : « Y a un truc qui a bougé ! On n'est pas seules ! » Siham sursauta et son coeur s’emballa à nouveau. Elle laissa même tomber la tablette par terre. Un chat arriva alors à leurs pieds, au beau milieu du couloir, la Fowler soufflait. « Il m'a fait peur ce con » Marley visait déjà l’animal de son pistolet, comme si c’était un loup qui allait lui sauter à la figure. Siham se baissa pour caresser le félin, un sourire sur les lèvres. “ Arrête de faire flipper ma petit louve, merci, si non tu vas finir la tête explosé toi aussi..” Elle ne voyait pas le risque de l’approcher. Elle se retourna pour ramasser sa tablette, même au sol, même couverte de boue, elle la mangerait. “Regarde c’que j’ai trouver pour le des… MARLEY!” ce n’était surement pas un chat qu’elle avait vu ou entendu, mais ce zombie qui s’était approché en silence d’elle, juste derrière son amie. Elle tira Marley par le bras et referma la porte en la claquant, pour se mettre en sécurité, à quelques secondes près, elle aurait été mordue. “ J’ouvre la porte à trois et tu tire, ok? Dès qu’il est à terre, on se barre…” derrière la porte, elle entendait le chat hurler et se débattre, puis plus rien. Elle déglutie, dégoutée et apeurée.